Être vidé de soi

(Traduit de l’anglais)
C.H. Mackintosh

[Courts articles 40]

La plénitude de Dieu attend toujours un vase vide. C’est une grande vérité pratique, très facilement énoncée, mais qui implique bien plus que ce qu’on pourrait imaginer. Tout le Livre de Dieu illustre cette vérité. L’histoire du peuple de Dieu l’illustre ; l’expérience de chaque croyant l’illustre. Que nous étudions le Livre de Dieu ou les voies de Dieu — Ses voies envers tous et Ses voies envers chacun — nous trouvons cette vérité très précieuse, que « la plénitude de Dieu attend toujours un vase vide ».

Ceci se vérifie pour ce qui regarde le pécheur lorsqu’il vient à Christ la première fois, et cela demeure vrai pour ce qui regarde le croyant à toutes les étapes de sa carrière, du point de départ jusqu’au but.

En premier lieu, pour ce qui concerne le pécheur lorsqu’il vient à Christ pour la première fois, qu’est-ce, sinon la plénitude de Dieu en amour rédempteur et en miséricorde qui pardonne, qui attend un vase vide ? La vraie affaire est de faire prendre au pécheur la place d’un vase vide. Une fois là, toute la question est réglée. Mais quel exercice, quelle lutte, quel labeur, quel conflit, quels efforts stériles, quels hauts et bas, quels vœux et quelles résolutions dans des milliers de cas, avant que le pécheur soit vraiment amené à prendre la place d’un vase vide et soit rempli du salut de Dieu ! Combien il est extrêmement difficile de faire en sorte que le pauvre cœur légal soit vidé de son légalisme, afin qu’il soit rempli de Christ ! Il veut avoir quelque chose de lui sur quoi s’appuyer et à quoi s’accrocher. Là gît la racine de la difficulté. Nous ne pouvons jamais « puiser de l’eau aux fontaines du salut » tant que nous n’y venons pas avec des vases vides.

C’est un travail difficile. Beaucoup passent des années en effort légal avant d’atteindre le grand point moral d’être vidé de soi, même en rapport avec la simple question de la justice devant Dieu. Quand ils ont enfin atteint ce point, ils trouvent l’affaire si simple qu’ils se demandent comment ils ont pu passer tant de temps à saisir cela, et pourquoi ils n’ont pas pu le faire auparavant. Il ne se trouve jamais de difficulté quand le pécheur se tient réellement sur le terrain d’être vidé de lui-même. La question : « Qui me délivrera ? » est assurée d’être suivie par la réponse : « Je rends grâces à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur » (Rom. 7).

Or on trouvera toujours que plus le pécheur est complètement vidé de lui-même, plus sa paix sera établie. Si le moi et ses œuvres, ses sentiments et ses raisonnements, ne sont pas vidés, il y aura assurément des doutes et des craintes, des hauts et des bas, des hésitations et des fluctuations, des moments de ténèbres suivis de confusion. D’où l’importance vitale de chercher à se débarrasser complètement de soi, de sorte que l’on puisse connaître et jouir de Christ, « la plénitude de la déité corporellement ». C’est celui qui peut dire très véritablement et par expérience :

« Je suis un pauvre pécheur et rien d’autre »,

qui peut aussi adopter comme sienne la ligne suivante :

« Mais Jésus Christ est mon tout en toutes choses ».

Il en est toujours ainsi. Un Christ complet est pour un pécheur vidé, et un pécheur vidé pour un Christ complet. Ils sont moralement adaptés l’un à l’autre. Plus j’expérimenterai mon néant, plus je jouirai de la plénitude. Tant que je suis plein de confiance en moi, tant que je suis plein de confiance en ma moralité, en ma bienveillance, en mon amabilité, en ma religiosité, en ma justice, je n’ai pas de place pour Christ. Toutes ces choses doivent être jetées par-dessus bord avant de pouvoir saisir un Christ complet. Ce ne peut pas être en partie moi et en partie Christ. Ce doit être l’un ou l’autre. Une des raisons pour lesquelles tant sont ballottés de haut en bas « dans une sombre incertitude » est qu’ils s’accrochent à quelque parcelle du moi. Ce peut être une très petite chose. Ils peuvent ne pas se confier en quelque œuvre de justice qu’ils aient faite, mais il y a encore quelque chose du moi qui est conservé et en quoi l’on se confie. Ce peut être le plus infime atome de la créature — son état, ses sentiments, son mode d’appropriation, ses expériences, une chose ou l’autre que la créature garde et qui laisse Christ dehors. Il doit en être ainsi, car si un Christ complet était reçu, on jouirait d’une pleine paix. Si on ne jouit pas d’une pleine paix, c’est seulement parce qu’un Christ complet n’a pas été reçu. Cela rend la chose aussi simple que possible.

Lecteur, comprenez-vous bien cela ? Êtes-vous, comme un pécheur vidé, venu à Christ pour être rempli de Sa plénitude, pour être satisfait de Sa toute-suffisance, pour trouver le repos ferme de votre cœur et de votre conscience en Lui seul ? Êtes-vous pleinement satisfait de Christ ? Je vous prie instamment de régler ce point ! Christ est-Il suffisant pour votre cœur, suffisant pour votre conscience, suffisant pour tout votre être moral ? Assurez-vous d’y travailler sérieusement, réellement et de tout cœur maintenant. Vous reposez-vous entièrement sur Christ ? Qu’est-ce, Christ seul ou Christ et quelque chose d’autre ? Avez-vous, dans quelque chambre secrète de votre cœur, caché un petit bout de légalisme — quelque petit atome de confiance dans la créature ou quelque élément de propre justice ? Si c’est le cas, vous ne pouvez pas jouir de la véritable paix de l’évangile. C’est impossible. La paix de l’évangile est le résultat d’avoir reçu un Christ complet dans un cœur qui a appris à connaître son propre néant. Christ est notre paix. La véritable paix n’est pas un simple sentiment dans l’esprit. Elle se trouve dans une personne divine, vivante, réelle, à savoir Christ Lui-même, qui a fait la paix par le sang de Sa croix, qui est devenu notre paix dans la présence de Dieu. Cette paix ne peut jamais être perturbée, dans la mesure où Celui qui est notre paix, est « le même hier, et aujourd’hui, et éternellement » (Héb. 13). S’il s’agissait d’un simple sentiment dans l’esprit, il se révélerait aussi sujet à variation que le mercure du baromètre. Si je suis occupé de mes sentiments, je ne suis pas vidé de moi-même. En conséquence, je ne peux pas connaître la joie et la paix qui découlent du fait d’être occupé de Christ seul, car la plénitude de Dieu attend toujours un vase vide.

Ainsi en est-il quant à l’application de notre thèse au cas d’un pécheur lors de sa première venue à Christ.

En second lieu, voyons comment cela s’applique à un chrétien à toutes les étapes de sa carrière. C’est une branche très pratique de notre sujet. Nous avons parfois bien peu idée combien nous sommes pleins du moi et du monde. De là vient que, d’une manière ou d’une autre, nous avons à être versés de vase en vase. Comme Jacob autrefois, nous luttons fortement et tenons ferme notre confiance en la chair, jusqu’à ce qu’enfin la source de notre force soit asséchée et que le fondement de notre confiance ait été balayé de dessous nos pieds. Alors nous sommes contraints de nous écrier :

« Je n’ai pas d’autre refuge,
Accroche mon âme impuissante à toi. »

Il ne peut pas y avoir de plus grand obstacle à notre paix et à notre jouissance habituelle de Dieu, que d’être rempli de confiance en soi. Nous devons être vidés et humiliés. Dieu ne peut pas partager la maison avec la créature. Il est vain de compter là-dessus. Jacob a eu l’emboîture de sa hanche touchée, de manière à ce qu’il puisse apprendre à s’appuyer sur Dieu. Le Jacob hésitant trouva sa sûre ressource en l’Éternel, qui nous vide de la nature seulement pour que nous puissions être remplis de Lui. Il sait que selon la mesure où nous sommes remplis de confiance en nous ou dans la créature, nous sommes privés dans cette même mesure de la profonde bénédiction d’être remplis de Sa plénitude. C’est pourquoi, dans Sa grande grâce et Sa miséricorde, Il nous vide de nous-mêmes, afin que nous puissions apprendre à nous attacher à Lui, dans une confiance enfantine. C’est là notre seule place de force, de victoire et de repos.

Quelqu’un a dit : « Je n’ai jamais été vraiment heureux jusqu’à ce que j’ai cessé de souhaiter être grand ». C’est une bonne vérité morale. Quand nous cessons de vouloir être quelque chose, quand nous sommes contents de n’être rien, c’est alors que nous goûtons ce que sont vraiment la véritable grandeur, la véritable élévation, le véritable bonheur, la véritable paix. Le désir agité d’être quelque chose ou quelqu’un détruit la tranquillité de l’âme. Le cœur fier et l’esprit ambitieux peuvent déclarer que c’est un sentiment bien pauvre, bas, simple et méprisable, mais quand nous avons pris notre place sur les bancs de l’école de Christ et avons commencé à apprendre de Celui qui était débonnaire et humble de cœur — quand nous avons bu en quelque mesure à l’esprit de Celui qui s’est anéanti Lui-même — nous voyons alors les choses tout à fait différemment. « Celui qui s’abaisse sera élevé ». Le moyen d’être élevé est de s’abaisser. C’est la doctrine du Christ, la doctrine qu’Il a énoncée et qui est inscrite dans Sa vie. « Et Jésus, ayant appelé auprès de lui un petit enfant, le plaça au milieu d’eux, et dit : En vérité, je vous dis : si vous ne vous convertissez et ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. Quiconque donc s’abaissera comme ce petit enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des cieux » (Matt. 18, 2-4). C’est la doctrine du ciel — la doctrine de l’anéantissement de soi. Combien c’est différent de tout ce qui prévaut ici-bas, dans cette scène de recherche et d’exaltation de soi !

Nous avons, dans la personne de Jean le baptiseur, un véritable exemple de quelqu’un qui est entré dans une certaine mesure dans la véritable signification d’être vidé de soi. Les Juifs avaient envoyé des sacrificateurs et des Lévites depuis Jérusalem pour lui demander : « Qui es-tu ? Que dis-tu de toi-même ? ». Quelle fut sa réponse ? Une réponse vide de soi-même ! Il dit qu’il était simplement « une voix ». C’était prendre sa juste place. « Une voix » n’a rien en quoi se glorifier. Il ne dit pas : « Je suis celui qui crie dans le désert ». Non ; il était simplement « la voix de celui ». Il n’avait aucune ambition à être quoi que ce soit de plus. C’était être vidé de soi-même. Observez-en le résultat. Il trouvait en Christ l’objet qui l’absorbait. « Le lendemain encore, Jean se tint là, et deux de ses disciples ; et regardant Jésus qui marchait, il dit : Voilà l’agneau de Dieu ! ». Qu’était-ce, sinon la plénitude de Dieu utilisant un vase vide ! Jean n’était rien, Christ était tout. C’est pourquoi, quand les disciples de Jean le laissèrent pour suivre Jésus, nous pouvons être sûrs qu’aucune parole de murmure, aucun accent d’ambition déçue ou d’orgueil blessé, ne s’échappèrent de ses lèvres. Il n’y a ni envie, ni jalousie, dans un cœur vidé de lui-même. Il n’y a rien de susceptible, rien d’obstiné, chez celui qui a appris à prendre sa vraie place. Si Jean avait cherché ses propres intérêts, il se serait plaint quand il se vit lui-même abandonné. Mais, mon lecteur, quand un homme a trouvé l’objet qui le satisfait dans « l’Agneau de Dieu », il ne se préoccupe guère de perdre quelques disciples.

Nous avons une autre manifestation de l’esprit d’anéantissement du moi du baptiseur en Jean 3. « Et ils vinrent à Jean, et lui dirent : Rabbi, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain, à qui tu as toi-même rendu témoignage, voilà, il baptise, et tous viennent à lui ». Voilà une communication conçue pour provoquer l’envie et la jalousie du pauvre cœur humain. Mais remarquez la noble réponse du baptiseur : « Un homme ne peut rien recevoir, à moins qu’il ne lui soit donné du ciel… Il faut que lui croisse, et que moi je diminue. Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous. Celui qui est de la terre est de la terre, et parle comme étant de la terre. Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous ». Précieux témoignage — témoignage de son propre néant complet et de la plénitude, de la gloire et de l’excellence sans égale de Christ ! « Une voix » n’était « rien ». Christ était au-dessus de tous.

Oh ! que nous ayons un esprit vidé de lui-même, « un cœur libéré de lui-même », un esprit délivré de toute anxiété quant à ses propres affaires ! Que nous soyons plus complètement délivrés du moi dans toutes ses œuvres détestables ! Alors le Maître pourra nous utiliser, nous reconnaître et nous bénir. Écoutons le témoignage qu’Il rend à Jean — celui qui disait de lui-même qu’il n’était qu’une voix. « En vérité, je vous dis : parmi ceux qui sont nés de femme, il n’en a été suscité aucun de plus grand que Jean le baptiseur » (Matt. 11, 11). Combien vaut-il mieux entendre cela venant du Maître que du serviteur ! Jean disait : « Je suis une voix ». Christ disait qu’il était le plus grand des prophètes. Simon le magicien « se disait être quelque grand personnage ». Telle est la manière de faire du monde — la manière de l’homme. Jean le baptiseur, le plus grand des prophètes, disait qu’il n’était rien et que Christ était « au-dessus de tous ». Quel contraste !

Que nous soyons gardés humbles et vidés de nous-mêmes, afin que nous soyons continuellement remplis de Christ. C’est le vrai repos, la véritable bénédiction. Que le langage de nos cœurs et la déclaration claire de nos vies soit toujours : « Voilà l’Agneau de Dieu ».