Il y a mesure et mesure

1943

« La balance et les plateaux justes sont de l’Éternel »

(Prov. 16, 11)

L’homme qui use de « fausses balances et de poids trompeurs » est réprouvé de tous. Qu’arriverait-il cependant s’il n’y avait pas une mesure fixe, un étalon, auquel on pût rapporter et vérifier tout poids et toute mesure ? Chacun étant laissé à soi-même, nous verrions que l’homme ferait « l’épha petit et le sicle grand, falsifiant la balance pour frauder » (Amos 8, 5).

En conséquence, nous voyons Dieu Lui-même donner une mesure modèle qui est appelée dans la Parole « le sicle du sanctuaire » (Ex. 30, 13). À cet étalon on rapportait et on vérifiait tous les poids, on pesait tout argent. Chacun savait ainsi ce qu’était un sicle, soit qu’il s’agît de vente, soit qu’il s’agît d’achat.

Mais Israël à qui Dieu avait donné ce poids modèle, Israël n’a jamais maintenu une balance et un poids justes ; et tandis que l’Éternel est un Dieu de connaissance et qu’Il pèse les actions et les voies de l’homme (Prov. 5, 21), rapportant toute chose et tout homme à une même juste mesure, Israël a fait l’épha petit et le sicle grand, faussant les balances par tromperie.

Le prophète dit à Belshatsar : « Tu as été pesé à la balance et tu as été trouvé manquant de poids » (Dan. 5, 27) ; et si tout homme doit être pesé ainsi, il est important de savoir qu’il y a « une balance du sanctuaire » qui contrôle toute chose, la faisant reconnaître bonne, ou mauvaise. Mais on l’ignore, et ainsi on trouve à peine deux personnes d’accord sur le péché : il existe à ce sujet la même confusion dans l’esprit des hommes qu’il y en aurait dans la vie matérielle si chaque homme se choisissait lui-même son poids et sa mesure. L’homme mesure le péché, pèse ses voies, avec une mesure qui n’existe que dans son esprit, comme dit l’Écriture : « Toute voie de l’homme est droite à ses yeux ; mais l’Éternel pèse les cœurs » (Prov. 21, 2). Aussi que voyons-nous ?… un père avare condamnera hautement dans son fils la prodigalité : non pas parce qu’elle est un péché contre Dieu, devant qui l’avarice est un péché aussi bien que la prodigalité, mais parce que ce péché est opposé à ce qu’il chérit lui-même, à son péché. On verra encore une personne dont la conduite est honnête aux yeux des hommes, mais qui est pourtant sans la crainte de Dieu, condamner hautement le formalisme, l’hypocrisie, les inconséquences de ceux qui font profession d’être religieux ; parce que la conscience de cette personne est la mesure à laquelle elle rapporte tout. Un homme d’une grande régularité dans l’observance de la dévotion extérieure au contraire, rapportant tout à lui comme à une mesure, à un modèle, verrait le péché dans la négligence des pratiques et des moyens de grâce.

Voilà pourquoi l’Écriture montre les hommes comme « ayant suivi chacun son propre chemin » (És. 53, 6) ; et ainsi, tandis qu’ils savent parfaitement discerner plusieurs choses mauvaises chez ceux qui ne suivent pas leur chemin à eux, ils sont dans l’ignorance et se trompent gravement sur ce qu’est le péché en eux-mêmes. L’un invoquera « la loi de l’honneur » pour justifier le meurtre de celui qui l’avait insulté ; un autre, un marchand, qui dans une affaire privée ne ferait tort d’un centime à personne, ne se fera aucun scrupule dans son commerce de vanter un mauvais article à un acheteur inexpérimenté, et n’estimera pas que ce soit là porter atteinte à la vérité « parce que c’est la coutume du commerce ». L’acheteur, au contraire, dépréciera avec intention les choses dont il a besoin et tirera parti des nécessités du vendeur : « Mauvais, mauvais ! dit l’acheteur ; puis il s’en va et se vante » (Prov. 20, 14). — N’est-ce pas là une fausse balance qui est en abomination devant l’Éternel ; et qui a jamais pu se vanter d’avoir fait un bon marché, sans se vanter en même temps le plus souvent qu’il a péché devant Dieu ?

La plupart des hommes ignorent ce que c’est que le péché, et il est bien à craindre que des milliers meurent avec « un mensonge dans leur main droite » (És. 44, 20), ne sachant pas qu’ils vont se trouver devant Dieu, être perdus pour toujours. Quelle terrible pensée ! Certainement « se mesurant eux-mêmes par eux-mêmes, et se comparant eux-mêmes à eux-mêmes, ils ne sont pas intelligents ! » (2 Cor. 10, 12). Toute mesure inventée par l’homme est une fausse balance devant Dieu.

Or Dieu n’a jamais eu qu’un seul modèle, qu’une seule mesure, un seul étalon : c’est Sa volonté. Faire cette volonté, c’est faire le bien ; agir contrairement à cette volonté, c’est pécher. Mais cette volonté de Dieu qui est ce qui est bon, agréable et parfait, la juge-t-on ainsi et ne met-on pas à sa place ce qu’un certain nombre d’hommes a jugé juste, convenable, accommodant ?… Apportons les lois de l’honneur, les coutumes du commerce, toutes les lois humaines à cette balance du sanctuaire, et nous serons convaincus que leur mobile, c’est le péché ; et ainsi seulement nous nous connaîtrons nous-mêmes, selon ce que dit la sagesse divine : « Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez de la gloire l’un de l’autre, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient de Dieu seul ? » (Jean 5, 44). Mais l’homme du monde n’a devant lui que sa réputation d’homme d’honneur, le commerçant la conservation de son renom de négociant honorable, l’homme pauvre sa réputation d’honnêteté. Il n’y en a aucun qui soit sage, pas même un seul ; et tandis qu’ils auraient tout le temps nécessaire pour comparer leur conduite à la seule et vraie mesure, à la volonté révélée de Dieu, ces hommes n’arrivent jamais à connaître leur véritable état devant Dieu.

Dieu a voulu que l’homme connût Sa volonté, Il la lui a révélée. En Éden, Il avait dit : « De l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas » (Gen. 2, 17). L’homme mangea du fruit de cet arbre : ce fut le péché ; et nous voyons là ce qu’est le péché. — Adam et Ève ne firent de mal à personne, car ils étaient seuls ; mais ils désobéirent à Dieu, comme il est écrit : « Par la désobéissance d’un seul homme… ! » (Rom. 5, 19). C’est ici la balance du sanctuaire, et nous sommes jugés par elle « des enfants de désobéissance », lors même que nous nous serions élevés au-dessus de la mesure des hommes ; car cette mesure n’empêche pas que nous puissions être trouvés habituellement désobéissants envers Dieu.

Au Sinaï, Dieu donna une autre expression de Sa volonté avec une grande variété de détails : et toute transgression ou désobéissance recevait sa juste récompense, tellement que le violateur du sabbat et celui qui blasphémait étaient immédiatement lapidés. — Nous voyons par là quel est aux yeux de Dieu le caractère affreux de la désobéissance. « Si quelqu’un a méprisé la loi de Moïse, il meurt sans miséricorde sur la déposition de deux ou de trois témoins » (Héb. 10, 28). Cette loi fut donnée, afin que le cœur désobéissant de l’homme fût manifesté par ses désobéissances.

Plus tard nous voyons le Seigneur donner à Saül, par la bouche du prophète Samuel, une révélation expresse de Sa volonté : « Va maintenant, et frappe Amalek, et vous détruirez entièrement tout ce qui est à lui, et tu ne l’épargneras pas ; mais tu feras mourir les hommes et les femmes, les enfants et ceux qui tètent, les bœufs et les moutons, les chameaux et les ânes… Et Saül frappa Amalek depuis Havila en allant vers Shur, qui est en face de l’Égypte. Et il prit vivant Agag, roi d’Amalek, et détruisit entièrement tout le peuple par le tranchant de l’épée. Et Saül et le peuple épargnèrent Agag, et le meilleur du menu et du gros bétail, et les bêtes de la seconde portée, et les agneaux, et tout ce qui était bon, et ils ne voulurent pas les détruire entièrement ; mais tout ce qui était misérable et chétif, cela ils le détruisirent entièrement ». Alors Samuel dit : « Et pourquoi n’as-tu pas écouté la voix de l’Éternel et t’es-tu jeté sur le butin, et as-tu fait ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel ? Et Saül dit à Samuel : J’ai écouté la voix de l’Éternel, et je suis allé par le chemin par lequel l’Éternel m’a envoyé ; et j’ai amené Agag, roi d’Amalek, et j’ai entièrement détruit Amalek. Et le peuple a pris, dans le butin, du menu et du gros bétail, comme prémices de ce qui était voué à l’exécration, pour sacrifier à l’Éternel, ton Dieu, à Guilgal. Et Samuel dit : L’Éternel prend-il plaisir aux holocaustes et aux sacrifices, comme à ce qu’on écoute la voix de l’Éternel ? Voici écouter est meilleur que sacrifice, prêter l’oreille meilleur que la graisse des béliers ; car la rébellion est comme le péché de divination, et l’obstination comme une idolâtrie et des théraphim. Parce que tu as rejeté la parole de l’Éternel, il t’a aussi rejeté comme roi » (1 Sam. 15, 3, 7-9, 19-23).

Tout ceci est écrit pour notre instruction, c’est un exemple bien frappant de l’excuse par laquelle tant de personnes justifient les actes de désobéissance : « elles veulent faire le bien » ; Saül prétendait honorer Dieu, il voulait de ces prémices du butin offrir un sacrifice à l’Éternel ; mais le seul mot obéissance vaut mieux que sacrifice.

À nous, maintenant, Dieu a révélé Sa volonté en Son Fils Jésus, duquel Il dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » (Luc 9, 35). La rébellion de l’homme contre Dieu est manifestée maintenant, non seulement par beaucoup d’offenses, mais encore par le refus d’écouter Jésus parlant du ciel, précisément comme Saül avait refusé d’obéir à Dieu qui lui parlait par Samuel. Jésus est pour nous la balance du sanctuaire ; et par Lui nous devons éprouver toute chose. Ce qui s’accorde avec Jésus est bon ; et ce qui est en désaccord avec Lui est un péché ; car Jésus a pu dire, et Lui seul : « Voici, je viens, pour faire, ô Dieu, ta volonté » (Héb. 10, 7-8). En Jésus, nous voyons un homme parfait, un homme dans la bouche duquel il ne s’est point trouvé de fraude, et qui a pu dire : « Qui de vous me convaincra de péché ? ». Celui-là seul qui se mesure à Jésus, se jugera selon la vérité, selon la vraie mesure ; il ne pourra se méprendre. Oh ! si les hommes en venaient là, ils cesseraient bientôt de se comparer aux autres ; car, pesés à cette balance, ils renonceraient immédiatement à toute comparaison ; ils se reconnaîtraient tous comme manquant de tout, le vertueux comme le vicieux. « Car il n’y a pas de différence, car tous ont péché et n’atteignent pas à la gloire de Dieu » (Rom. 3, 22). Si vous prenez quelque autre mesure que ce soit, vous aurez d’innombrables différences ; mais prenez la gloire de Dieu pour étalon, pour mesure, toutes les différences de caractère se perdent immédiatement dans ce seul trait qui leur est commun à tous : « Les fils des gens du commun ne sont que vanité, les fils des grands ne sont que mensonge ; placés dans la balance, ils montent ensemble plus légers que la vanité » (Ps. 62, 9).

Lecteur ! êtes-vous venu à la lumière ? Vous êtes-vous placé à côté de Jésus, et avez-vous découvert, avez-vous reconnu, qu’il n’y a aucune ressemblance entre Jésus, qui fit la volonté de Dieu, et vous qui n’avez fait que votre propre volonté ? Avez-vous compris qu’il vous importe peu de savoir ce que vous êtes aux yeux des autres ? Avez-vous compris qu’aux yeux de Dieu, pesé dans Sa balance, vous êtes trouvé léger, et que, mesuré à Sa mesure qui est Jésus, vos pensées, vos paroles, vos actions, tout en vous a participé au péché ? S’il en est ainsi, si personnellement vous êtes venu devant Dieu, pour vous voir comme devant le trône de Son jugement, un pécheur sans ressource, perdu ; alors, vous êtes là où Dieu voulait vous amener. Lui-même Il témoigne que tous sont perdus, ruinés ; votre âme confesse que vous êtes tel ; toute controverse est finie ; et maintenant, vous étant comparé à Jésus, vous étant mis en Sa présence pour connaître votre état, regardez à Lui, écoutez-Le. Il est venu chercher et sauver ce qui était perdu, Son salut est pour ceux qui sont tels que vous. Oui, si comme homme parfait, seul saint, seule justice de Dieu, tous sont condamnés par Lui ; comme parfait Sauveur, Il convient à ceux-là même que Sa perfection a condamnés. Que cela est simple ! encore qu’il soit dur de reconnaître qu’un pécheur sans ressource soit seul qualifié pour un complet, pour un parfait Sauveur ; et un parfait Sauveur pour un pécheur sans ressource. Du moment qu’un pécheur est amené à reconnaître à la lumière de la sainteté de Dieu manifesté en Jésus, que tout en lui est péché, alors Dieu peut raisonner avec lui, peut lui parler du salut que Sa grâce a préparé dans le sang de l’Agneau ; comme il est dit en Ésaïe 1, 18 : « Venez, et plaidons ensemble ». Cette même sainteté de Dieu qui nous condamne, nous montre le sang de Jésus qui purifie de tout péché. Si vous êtes tombés aux pieds de Jésus, en disant : « Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur », le Seigneur Jésus vous dit alors : « Ne crains point ».