Il y a un seul corps

A. Ladrierre

Il est des vérités qui, plus que d’autres, ont besoin d’être fréquemment rappelées aux croyants, surtout dans les jours de confusion et de ruine où se trouve l’Église, parce que, dans un tel état de choses, elles sont plus difficiles à reconnaître et semblent, pour ainsi dire, impossibles à réaliser. Parmi ces vérités se trouve celle, si importante et si précieuse pourtant, de l’unité de l’Église, corps de Christ, et ses conséquences pratiques. Je désire présenter ici simplement ce que la Parole de Dieu nous enseigne sur ce sujet, et montrer qu’aujourd’hui, comme aux premiers temps lorsque tout était encore en ordre dans l’Église, nous avons à retenir les mêmes principes et à les appliquer.

En premier lieu, que faut-il entendre par l’unité du corps de Christ, et d’abord qu’est-ce que le corps de Christ ? L’Écriture nous le dit : c’est l’Assemblée, l’Église. Ainsi nous lisons : « Dieu a donné Christ pour être chef (ou Tête) sur toutes choses à l’assemblée, qui est son corps » (Éph. 1, 22) ; et : « Il est le chef (ou Tête) du corps, de l’Assemblée » (Col. 1, 18). L’Église, l’Assemblée, et cela dans son ensemble, est donc comparée à un corps dont Christ est le Chef ou la Tête. Les membres sont évidemment les personnes qui composent l’Assemblée, c’est-à-dire les vrais croyants, unis à Christ dans le ciel d’une manière aussi étroite que nos membres sont unis à notre tête[1].

Nous trouvons la première indication de cette vérité si précieuse pour le cœur du chrétien, dans le récit de la conversion de l’apôtre Paul. L’ardent et violent ennemi de Jésus de Nazareth et de Ses disciples, est arrêté sur le chemin de Damas dans son œuvre de destruction. Là il entend du sein de la gloire qui l’a terrassé, une voix qui lui dit : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? ». À sa question : « Qui es-tu, Seigneur ? » la voix répond : « Je suis Jésus que tu persécutes ». Jésus, la Tête glorifiée dans le ciel, était persécuté dans la personne de Ses membres, de Ses pauvres disciples sur la terre. Rien ne peut exprimer d’une manière plus forte et plus touchante l’étroite et intime union des membres avec Lui, le Chef ou la Tête.

Paul devient ensuite le révélateur de ce fait merveilleux, de cette vérité importante que nous ne trouvons enseignée que dans ses épîtres. Et remarquons bien que, lorsqu’il parle d’un corps et d’un Chef de ce corps, il n’entend pas un ensemble tel que serait une armée obéissant à un chef suprême, bien que, dans une armée, il puisse et doive y avoir unité d’action. Ce n’est pas non plus une corporation régie par les mêmes règlements et qui a un président pour les faire exécuter. L’idée du corps n’est pas non plus une union comme enfants de la même famille, la famille de Dieu, bien que tous les enfants de Dieu soient membres du corps de Christ. Ce n’est pas non plus le fait d’avoir une même foi, alors même que ce soit une foi vivante, quoique les vrais croyants seuls soient membres du corps de Christ. Non ; l’Esprit Saint, dans l’enseignement qu’il donne par le moyen de l’apôtre, présente le corps de Christ comme un organisme analogue au corps humain, un ensemble des membres qui sont les individus croyants, qui ont chacun leur fonction, un ensemble qui vit de la vie de la Tête, qui est nourri et qui croît. Ainsi, en parlant de certains faux docteurs, Paul écrit d’eux : « Ne tenant pas ferme le Chef (ou la Tête), duquel tout le corps, alimenté et bien uni ensemble par des jointures et des liens, croît de l’accroissement de Dieu » (Col. 2, 19 ; voyez Éph. 4, 15, 16). Précieuse et glorieuse vérité destinée à agir, si nous la saisissons dans sa réalité, sur nos cœurs et sur notre marche ici-bas. Membres d’un Christ glorifié, pourrions-nous être du monde et vivre comme le monde ?

Avant d’entrer plus avant dans notre sujet, remarquons que, sauf en deux passages (Éph. 1, 22, 23 ; Col. 1, 18), partout ailleurs le corps de Christ est positivement envisagé comme étant sur la terre. En Colossiens 1, le corps est vu d’une manière générale, sans question de temps, ni de lieu ; en Éphésiens 1, nous le voyons selon le plein résultat des conseils de Dieu, quand le corps complet, formé de tous les saints depuis le jour de la Pentecôte, jusqu’au retour de Christ, sera uni à la Tête glorifiée dans Sa domination sur toutes choses. L’Assemblée, « qui est son corps », est alors « la plénitude de celui qui remplit tout en tous », le complément de l’homme mystique.

Ainsi, à part de ce que nous venons de dire, le corps de Christ est, dans tous les passages de l’Écriture où il en est question, vu comme étant sur la terre, et se compose alors de tous les vrais croyants à un moment donné. Il nous est présenté en Éphésiens 4, en 1 Corinthiens 12, et dans un passage de Romains 12. Dans ces passages, il est question des dons distribués par l’Esprit, des ministères donnés par Christ, et des différents dons de grâce. Les uns comme les autres évidemment ne peuvent s’exercer que sur la terre. Dans le ciel, la perfection étant atteinte, ces choses utiles, nécessaires et précieuses ici-bas pour l’édification du corps de Christ, prendront fin (1 Cor. 13, 8-10 ; Éph. 4, 12-13). Mais dans ces différents passages, une chose est à considérer, c’est l’unité du corps de Christ, vu sur la terre, l’insistance que met l’apôtre à rappeler que « le corps est un ». « Il y a », dit-il, « un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance de votre appel » (Éph. 4, 4). « Nous qui sommes plusieurs, sommes un seul corps en Christ » (Rom. 12, 5).

On comprendra mieux comment cette unité existe, en considérant quelle est la puissance qui la forme. Elle ne résulte pas, comme nous l’avons remarqué, du fait que l’on aurait tous une même foi vivante, que l’on recevrait les mêmes vérités scripturaires et que l’on aurait une même forme de culte, fût-il conforme à la Parole. Elle ne provient pas non plus de l’union de tous les enfants de Dieu en une même famille comme étant tous nés de lui et dans les liens de l’amour. Si excellentes que soient ces choses, si désirable est-il qu’elles fussent réalisées, comme elles l’ont été pendant un temps, hélas ! bien court et bien loin de nous, elles ne constituaient pas et ne sauraient constituer l’unité du corps. Elles ne sont pas ce qui unit chaque croyant à Christ dans le ciel. Or c’est dans cette union de tous les croyants avec le Chef, comme membres de Son corps, que consiste l’unité de celui-ci, l’unité de l’Église, unité qui ne peut être brisée. Il peut y avoir différences de pensées et de sentiments dans les choses de la foi (Phil. 3, 15, 16 ; Rom. 14), ce qui est regrettable ; la famille peut être désunie, comme malheureusement nous le voyons ; mais l’unité du corps subsiste au-dessus de tout, alors même que, par notre faute, sa manifestation extérieure soit venue à manquer. Cela vient de ce qu’elle ne dépend pas de nous, mais de la puissance qui la forme. Or cette puissance, c’est l’Esprit Saint qui unit tous les croyants à Christ glorifié pour former Son corps ici-bas.

L’apôtre Paul nous enseigne cette grande et merveilleuse vérité dans le passage suivant : « Car aussi, nous avons tous été baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps » (1 Cor. 12, 13). Ce passage nous montre clairement que les seuls membres du corps sont les vrais croyants, puisque ce n’est qu’après avoir cru que l’on reçoit l’Esprit Saint (Éph. 1, 13). Le corps n’est donc pas la chrétienté, et nulle corporation chrétienne, prenant le nom d’église, ne peut se dire être le corps de Christ, car il n’y a qu’un seul corps. Le passage que nous avons cité fait voir de plus que l’unité du corps provient non seulement de ce qu’il y a un seul Chef ou Tête, mais du fait que c’est un seul et même Esprit qui, baptisant tous les croyants, les unit individuellement à ce Chef glorifié, à Christ, selon ce qui est écrit : « Celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit avec lui » (1 Cor. 6, 17), leur ensemble formant le seul corps. « Vous êtes le corps de Christ », est-il encore dit, « et ses membres chacun en particulier » (1 Cor. 12, 27). Glorieuse vérité pour chaque croyant, et d’où découle aussi une responsabilité ! Ainsi l’unité du corps est liée à l’unité et dépend de l’unité — de la puissance qui le forme, c’est-à-dire du seul Esprit : « Nous avons tous été abreuvés pour l’unité d’un seul Esprit » (ou en un seul Esprit) (1 Cor. 12, 13).

De même que dans un corps humain, chaque membre du corps de Christ a sa fonction, et est nécessaire dans l’ensemble. Il ne saurait s’isoler des autres, en être indépendant, et cela est un fait qui non seulement doit exister, mais qui existe, tout aussi réellement que l’unité du corps. Il en résulte et le fait ressortir. Si les membres sont unis à Christ, ils sont aussi unis les uns aux autres. L’apôtre nous fait voir d’une manière bien simple et bien frappante cette dépendance mutuelle des membres du corps de Christ et comment chacun, si insignifiant parût-il, est nécessaire à sa place : « Le corps n’est pas un seul membre, mais plusieurs. Si le pied disait : Parce que je ne suis pas main, je ne suis pas du corps, est-ce qu’à cause de cela il n’est pas du corps ? Et si l’oreille disait : Parce que je ne suis pas œil, je ne suis pas du corps, est-ce qu’à cause de cela elle n’est pas du corps ? Si le corps tout entier était œil, où serait l’ouïe ? Si tout était ouïe, où serait l’odorat ? Mais maintenant, Dieu a placé les membres — chacun d’eux — dans le corps, comme Il l’a voulu. Or, si tous étaient un seul membre, où serait le corps ? Mais maintenant les membres sont plusieurs, mais le corps est un. L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ou bien encore la tête, aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous ; — mais bien plutôt les membres du corps qui paraissent être les plus faibles, sont nécessaires… Dieu a composé le corps en donnant un plus grand honneur à ce qui en manquait, afin qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient un égal soin les uns des autres ». Et pour marquer d’une manière encore plus forte cette union entre eux et cette dépendance mutuelle des divers membres du corps de Christ, l’apôtre ajoute : « Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui. Or vous êtes le corps de Christ, et ses membres chacun en particulier » (1 Cor. 12, 14-27). L’apôtre résume, pour ainsi dire, sa pensée dans ces paroles de l’épître aux Romains : « Car comme dans un seul corps, il y a plusieurs membres, et que tous les membres n’ont pas la même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs, sommes un seul corps en Christ, et chacun individuellement membres les uns des autres » (Rom. 12, 4, 5).

Telle est la vérité scripturaire touchant l’unité de l’Église, de l’Assemblée corps de Christ, sur la terre. « Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance de votre appel ». Un seul corps composé des plusieurs membres unis à Christ dans le ciel par le seul Esprit, et ayant une seule espérance ; les divers membres ayant chacun sa fonction distincte dans le corps, mais dans une étroite union les uns avec les autres, et dépendants les uns des autres, de sorte que rien de ce qui arrive à l’un ne saurait être indifférent aux autres ; tous le ressentent. Aux passages que nous avons cités, ajoutons encore celui-ci qui renferme une expression remarquable : « De même que le corps est un, et qu’il a plusieurs membres, mais que tous les membres du corps, quoiqu’ils soient plusieurs, sont un seul corps, ainsi aussi est le Christ » (1 Cor. 12, 12). L’ensemble complet du corps sur la terre et de la Tête glorifiée dans le ciel, c’est le Christ. Telle est l’union intime des croyants avec leur Chef : ils sont Lui. Cela ne rappelle-t-il pas cette parole : « Je suis Jésus que tu persécutes » ?

Remarquons enfin que, de tout l’ensemble des passages que nous avons vus et qui établissent l’unité de l’Église, corps de Christ, il résulte que les membres sont des individus, les croyants, et non des assemblées, comme on l’a dit. Nous verrons ce que sont des assemblées de Dieu relativement au corps. En second lieu, la Parole de Dieu n’emploie jamais l’expression de « membre » autrement que comme membres du corps, et non d’une assemblée locale.

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Il y a donc un seul corps. Nous avons vu, d’après la Parole, en quoi il consiste, et quelle est la puissance qui le forme. Le Seigneur a voulu qu’il y eût de cette vérité une expression simple et frappante, et c’est à Sa table qu’elle est mise en évidence. À la table du Seigneur, les croyants, membres du seul corps, rompent le même pain. C’est sur le terrain de l’unité du corps, et sur celui-là seul, que la table du Seigneur est dressée ; elle est donc une aussi. En y participant on rend témoignage à l’unité du corps. Le passage suivant fait voir clairement ce que nous avançons : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion du sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion du corps du Christ ? Car nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain » (1 Cor. 10, 16, 17). Ce passage si important nous montre, d’un côté, que les vrais croyants ont seuls leur place à la table du Seigneur, car la communion du sang du Christ et la communion de Son corps, n’appartiennent qu’à eux : ils sont rachetés par Son sang, sauvés par Son sacrifice. Mais d’un autre côté, nous voyons qu’ils se trouvent à la table du Seigneur, non pas individuellement, chacun pour soi, bien que chacun y ait sa responsabilité (1 Cor. 11, 28), mais ils sont là comme membres du seul corps. Ils expriment cette vérité en rompant un seul et même pain. Ainsi l’unité de l’Église, corps de Christ sur la terre, est proclamée à la table du Seigneur, et cette table n’est dressée que sur ce terrain. Toute table à laquelle ce fait n’est pas reconnu, ou bien où il est nié en pratique, ne saurait être la table du Seigneur.

Nous répétons donc qu’il y a un seul Esprit, puissance formative du seul corps, dont il unit les membres à Christ, le seul Chef, et il y a une seule table où les croyants rompant le seul pain expriment cette réalité précieuse : l’unité de l’Église, corps de Christ. Ce n’est pas une chose à former. Elle existe sur la terre ; c’est Dieu qui l’a faite. Mais nous sommes exhortés « à garder l’unité de l’Esprit, par le lien de la paix » (Éph. 4, 3), et c’est en quoi l’Église professante a manqué.

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Ainsi que nous le voyons dans la Parole, cette unité de l’Église a été manifestée au commencement. Il n’y avait qu’une assemblée, l’assemblée chrétienne distincte des Juifs et des nations (1 Cor. 10, 32). C’était en même temps la maison de Dieu, l’Assemblée du Dieu vivant (1 Tim. 3, 15), bien que nous ayons à conserver distincte la notion du corps et celle de la maison. En sortant par la conversion et la foi en Christ du judaïsme ou du paganisme, en étant baptisé du Saint Esprit, on était ajouté à l’Assemblée, joint au Seigneur, ajouté au Seigneur (Act. 2, 47 ; 5, 14 ; 11, 24). On comprend sans peine que tous les membres du seul corps ne pouvaient et ne peuvent être rassemblés en un même endroit. Ce n’est pas cela qui constituerait, ni même manifesterait l’unité. Il est vrai qu’à un certain moment, au commencement, à Jérusalem, il en fut ainsi, bien que l’on ne puisse pas affirmer qu’il n’y avait pas plusieurs lieux de réunion dans la ville, lorsque le nombre des croyants se fut considérablement accru (comp. Act. 12, 5, avec le v. 12). Mais quoiqu’il en soit, il n’y avait qu’une assemblée à Jérusalem ; c’était « l’assemblée qui était à Jérusalem » (Act. 8, 1). Nous savons avec quelle réalité vivante et quelle beauté se montrait l’union intime de tous les membres entre eux (Act. 2). Bien que la doctrine du seul corps uni à Christ dans le ciel, n’eût pas encore été mise en lumière, comme elle le fut ensuite par Paul, le fait existait, témoin en soit l’Esprit Saint descendu sur les fidèles : ils avaient « tous été baptisés d’un seul Esprit » ; témoin surtout les paroles de Jésus à Saul sur le chemin de Damas.

Mais bientôt l’évangile se répandit hors de Jérusalem. L’occasion en fut d’abord la persécution qui suivit la mort d’Étienne et qui dispersa les fidèles dans les contrées de la Judée et de la Samarie, et même jusqu’à Damas, en Phénicie, en Chypre et à Antioche où, pour la première fois, la parole fut annoncée à ceux des nations. Dans tous ces endroits se formèrent ainsi des assemblées locales. Plus tard, par les travaux de Paul et d’autres, l’évangile prend une extension plus grande encore, et nous trouvons des assemblées à Corinthe, à Éphèse, en bien d’autres lieux, et à Rome même. C’étaient dans ces localités les assemblées du Christ, les assemblées de Dieu, les assemblées des saints, désignées aussi parfois par les noms des provinces où ces assemblées se trouvaient (Rom. 16, 16 ; 1 Cor. 11, 16 ; 14, 33 ; 16, 19 ; 2 Cor. 8, 1, etc.). Mais le fait de ces différentes assemblées en tant de lieux divers, altérait-il la vérité de l’unité du corps ? Nullement. Seulement dans chaque lieu où était une assemblée chrétienne, elle y était l’Assemblée de Dieu ; non pas un corps distinct de l’ensemble, encore moins le corps de Christ, mais l’expression du seul corps dans cette localité ; l’expression de l’unité de l’Église, corps de Christ, manifestée dans la fraction du seul pain à la table du Seigneur. Prenons les saints à Rome. L’apôtre leur écrit : « Nous qui sommes plusieurs, sommes un seul corps en Christ » (Rom. 12, 5). Il s’adresse à ceux qui forment l’assemblée à Rome, mais il ne dit pas « vous qui êtes plusieurs » ; avec les saints à Rome, il embrasse tous les « plusieurs » compris dans le mot « nous ». À Corinthe, il s’adresse à l’assemblée de Dieu dans cette ville, mais il étend ce qu’il écrit « aux sanctifiés dans le Christ Jésus, saints appelés », à « tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Cor. 1, 2). Tout ce qu’il dira sur l’unité du corps ne s’applique donc pas à Corinthe seul. L’assemblée y était bien l’assemblée de Dieu, mais elle y représentait l’Église dans son unité comme le corps de Christ. En effet, que dit-il ? Est-ce : « Vous avez tous été baptisés d’un seul Esprit » ? Non, mais « nous avons tous été baptisés, soit Juifs, soit Grecs, etc. » ; et « nous avons tous été abreuvés pour l’unité d’un seul Esprit ». Plus loin, il dit bien, en faisant l’application, à l’assemblée locale de Corinthe, de l’unité du corps : « Vous êtes le corps de Christ », mais aussitôt il ajoute : « Et Dieu a placé les uns dans l’assemblée, etc. ». Était-ce à Corinthe seulement qu’étaient placés les apôtres, prophètes, docteurs, etc ? Évidemment non.

Quand l’apôtre écrit « aux saints et fidèles dans le Christ Jésus qui sont à Éphèse », il dit : « Il y a un seul corps », puis il parle des dons placés dans le corps et de l’accroissement du corps dont toutes les parties sont bien liées entre elles. Entend-il seulement par le seul corps l’assemblée des Éphésiens ? Non ; il est clair que le seul corps embrasse tous les croyants baptisés du Saint Esprit. L’expression « il y a un seul corps » est générale ; mais il y avait à Éphèse la manifestation locale de cette vérité. En Actes 20, 28, Paul dit aux anciens d’Éphèse : « Prenez garde à tout le troupeau, au milieu duquel l’Esprit Saint vous a établis surveillants, pour paître l’assemblée de Dieu, laquelle il a acquise par le sang de son propre Fils ». Le troupeau, l’Assemblée de Dieu que les anciens avaient à paître, c’étaient bien les saints et fidèles à Éphèse, mais ils représentaient là toute l’Assemblée de Dieu, car l’Église tout entière a été acquise par le sang de Christ.

Ainsi, l’unité du corps, de l’Église, n’était en rien compromise par le fait de l’existence de plusieurs assemblées en divers lieux. Si distincts fussent-ils les uns des autres, « tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom du Seigneur Jésus Christ », étaient compris dans cette unité. Elle avait son expression dans l’assemblée de chaque localité où l’on rompait le seul pain à la seule table du Seigneur. L’Église était une : elle l’est encore, quoiqu’il en soit de l’état extérieur, comme nous le verrons.

Quelques exemples, dans la Parole, montrent avec quel soin Dieu agissait pour que l’unité fût maintenue en pratique. Les habitants de Samarie sont convertis par la prédication de Philippe l’évangéliste (Act. 8) ; mais ils ne reçoivent l’Esprit Saint que par le ministère des apôtres venus de Jérusalem. Ils sont ainsi rattachés à ceux de Jérusalem qui ont cru et reçu le Saint Esprit. Il n’y a pas à Samarie une église indépendante de celle de Jérusalem. Le même Esprit unit au Chef les croyants de Samarie, comme ceux de Jérusalem. Baptisés du seul Esprit, ils sont du seul corps. Paul et Barnabas, dans la discussion soulevée à Antioche par les judaïsants, ne prennent pas une décision, bien qu’ils fussent apôtres et que, dans leur esprit, ils eussent jugé la chose. S’ils l’avaient fait, ils se seraient placés sur un terrain indépendant. Ils vont à Jérusalem où les apôtres et l’assemblée décident, et Antioche reçoit leur décision. Le lien est ainsi maintenu et l’unité affirmée (Act. 15). Ensuite Paul et Silas portent la décision dans les assemblées locales qu’ils visitent et celles-ci aussi l’acceptent (Act. 16, 4). Si elles ne l’avaient pas fait, elles auraient nié de fait l’unité. À ces exemples, nous pouvons ajouter l’usage des lettres de recommandation (Act. 18, 27 ; Rom. 16, 1, 2 ; 2 Cor. 3, 1), qui montrent l’unité du corps maintenue en pratique.

Ainsi, les assemblées locales ne se considéraient nullement comme indépendantes les unes des autres, chacune agissant comme bon lui semblait. Elles étaient unies et solidaires l’une de l’autre par le fait que ceux qui les composaient étaient membres — non de l’assemblée locale ; nous avons vu que cette notion n’est pas scripturaire — mais membres du seul corps. Vouloir être indépendante, aurait été pour une assemblée, la négation de l’unité de l’Église, corps de Christ.

Quelques conséquences importantes résultent de ce fait bien établi : l’unité du corps existant quoiqu’il y eût diverses assemblées en différents lieux ; ces assemblées étant l’expression locale de l’Église une. Premièrement, pour ce qui concerne la table du Seigneur, nous avons vu qu’elle ne pouvait être dressée que sur le terrain de l’unité du corps, et que cette unité y est exprimée par la fraction du seul pain. Or dans chaque assemblée de Dieu, on rompait le pain sur ce principe. Bien qu’en divers lieux, il n’y avait donc qu’une seule table du Seigneur et un seul pain, et par conséquent celui qui était à la table du Seigneur à Corinthe l’était aussi à Rome, à Éphèse, partout où il y avait une assemblée de Dieu. Sans cela, où aurait été l’unité du corps ? La lettre de recommandation de l’assemblée d’où l’on venait, faisait connaître que l’on était participant du seul pain, et l’on était reçu à la fraction du pain dans l’assemblée où l’on se présentait. Il n’y avait pas diverses tables dressées au gré et suivant les convenances de ceux qui se réunissaient, mais une seule et même table du Seigneur. Supposons donc qu’à Rome, par exemple, on n’eût pas voulu recevoir celui qui apportait de Corinthe une lettre de recommandation, avant d’avoir examiné s’il avait droit, par sa foi et sa conduite, à participer à la fraction du pain, cela n’aurait-il pas été se placer sur un terrain d’indépendance, et nier l’unité du corps ?

En second lieu, dans l’assemblée s’exerçait une discipline. On était réuni au nom de Jésus, et à la table du Seigneur. Mais Jésus est Celui qui s’appelle le Saint et le Véritable (Apoc. 3, 7). La sainteté et la vérité devaient donc être maintenues dans l’assemblée et à la table du Seigneur. Si quelqu’un tombait dans un mal moral, ou s’il s’écartait de la vérité doctrinale, du sain enseignement selon la Parole (il y a souillure de la chair et souillure de l’esprit ; 2 Cor. 7, 1), sa place n’était plus à la table du Seigneur, et l’assemblée, si elle était fidèle, devait l’exclure. L’Écriture est formelle à cet égard : « Ôtez le vieux levain, afin que vous soyez une nouvelle pâte, comme vous êtes sans levain… Ôtez le méchant du milieu de vous-mêmes » (1 Cor. 5, 7, 13). Et quant à l’hérétique, il est dit : « Ne le recevez pas dans votre maison » (2 Jean 10), combien moins devait-il être reçu à la table du Seigneur (voir aussi Tite 3, 10, 11). Et si l’assemblée, le sachant et le voulant, s’y refusait, ne s’associait-elle pas au mal, et n’en était-elle pas souillée tout entière ? Assurément. Elle n’était plus une nouvelle pâte, car elle n’avait pas ôté le vieux levain, et ne pouvait plus être reconnue comme une assemblée de Dieu. Mais si, obéissant à l’injonction de la Parole, l’assemblée se purifiait elle-même en ôtant le méchant du milieu d’elle, quelle devait être l’attitude des autres assemblées vis-à-vis du méchant ? Il n’était pas exclu seulement de la communion de l’assemblée locale, mais de toutes les assemblées, sans cela où aurait été l’unité du corps ? L’assemblée locale, avec l’autorité de Jésus, au nom duquel elle était réunie et qui se trouvait au milieu d’elle selon Sa promesse, avait agi à l’égard du mal pour maintenir la sainteté et la vérité, et toute assemblée de Dieu, réunie sur le même terrain, était tenue d’accepter la décision prise au nom du Seigneur ; sans cela elle quittait le principe de l’unité pour celui de l’indépendance[2].

Pouvons-nous penser que le méchant exclu à Corinthe eût pu être reçu à Éphèse ou à Rome, ou que l’on eût mis en question dans ces deux endroits l’acte de l’assemblée de Corinthe ? Évidemment non. Et si des hérétiques comme Hyménée et Philète, avaient été déclarés tels et exclus par une assemblée, une autre les aurait-elle acceptés dans la communion ? Cela eût été nier l’unité du corps. Dans ces deux cas aussi, l’assemblée ou les assemblées qui auraient reçu le méchant ou l’hérétique, se seraient identifiées avec eux et se seraient séparées de la communion des assemblées fidèles.

En rapport avec ce qui vient d’être dit, une remarque peut être de saison. On jugera aisément que, dans le cas d’un désordre moral, il faille agir contre le coupable. On sera très sévère à cet égard et on aura raison, car l’immoralité dans une assemblée, déshonore le Seigneur et est un sujet de scandale devant le monde. Mais le Seigneur est-Il moins déshonoré par une fausse doctrine, et surtout quand elle touche à Sa personne ? Le mal moral ne souille directement que l’individu — l’assemblée sera souillée, si elle le tolère. Mais la fausse doctrine s’insinue peu à peu dans une assemblée, empoisonne les âmes et ronge comme une gangrène si l’on n’y coupe court, en excluant rigoureusement celui qui l’apporte. Combien, hélas ! au contraire, l’on est porté à passer légèrement sur un mal doctrinal, en traitant l’erreur comme affaire d’opinion ou de divergences de vues ! La Parole se prononce contre un mal aussi clairement que contre l’autre.

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Nous avons donc vu par la Parole ce qu’il faut entendre par l’unité de l’Église, corps de Christ, comment cette unité était mise en évidence dans les assemblées au commencement, et nous avons tiré quelques conséquences de cette vérité importante. Examinons-la maintenant au point de vue actuel. L’état des choses, dira-t-on, n’est-il pas totalement différent aujourd’hui ? Ne voyons-nous pas des sectes sans nombre, de noms divers, et marchant selon des principes différents, se partager la chrétienté ? Où est l’unité ? Chacune de ces églises, comme elles se nomment, est-elle l’expression du seul corps ? Où est le lien qui les unit, le principe unique suivant lequel elles sont rassemblées ? Il n’y a qu’indépendance, désordre et confusion. C’est vrai, tristement vrai. Pour ce qui concerne l’Église, en tant que confiée à la responsabilité de l’homme, ce dernier a manqué, et en cela comme en toute autre chose, son péché a amené la ruine. L’unité extérieure n’existe plus. Les divisions et les sectes, fruits de la chair, remplissent ce qui se nomme l’église chrétienne. Même parmi ceux qui disent reconnaître le principe de l’unité du corps, on voit se produire sans cesse des schismes. Une seule grande fraction revendique pour elle seule le nom d’Église chrétienne et se vante de son unité et de son universalité. Nous savons ce qu’elle est déjà, ce qu’elle sera dans la suite, et ce que vaut son unité. C’est elle qui, sous le nom de Christ, a versé le sang des saints. En dehors d’elle, on peut dire de ceux qui font partie de la profession chrétienne, ce que l’Écriture dit d’Israël dans un temps de ruine : « Chacun fait ce qui est bon à ses yeux ». Comment donc parler d’unité ?

Il y aurait, en effet, de quoi décourager le cœur, si nous ne regardions que du côté de l’homme. Mais l’incrédulité, le péché, les manquements de l’homme, anéantiraient-ils la fidélité de Dieu ? Pourraient-ils ébranler les principes divins ? Ceux-ci ne subsistent-ils pas indépendamment de tout ce que l’homme a fait pour les amoindrir dans leur portée, pour les tordre, les appliquer de travers, et les faire, pour ainsi dire, disparaître, en les déclarant impraticables parce que les circonstances ont changé, comme si Dieu n’était pas au-dessus des circonstances ? Non, ce que Dieu a déclaré et établi au commencement demeure et nous lie. Si les circonstances sont différentes, si les jours sont difficiles et les temps fâcheux, Il a donné des ressources qui y répondent, afin que nous puissions marcher selon les principes qu’Il a posés. « Le sûr fondement de Dieu demeure » ; restons sur ce fondement, retenons les vérités que rien ne saurait annuler, et si tout est ruiné extérieurement, agissons selon ces vérités en arrêtant les yeux de notre foi sur Celui qui les a données. « Nous marchons par la foi, non par la vue » ; la ruine extérieure ne doit pas nous empêcher de discerner le chemin de Dieu.

Les vérités divines, les principes divins subsistent donc pour nous comme pour les premiers chrétiens. Et pour ce qui concerne l’unité du corps, en particulier, cette déclaration : « Il y a un seul corps », doit-elle être effacée de l’Écriture ? N’était-elle que pour l’Église au temps des apôtres ? A-t-elle perdu sa valeur et sa réalité ? Qui oserait l’affirmer ? Personne de ceux qui sont vraiment soumis à l’Écriture, ne peut dire que ce fait n’existe pas tout aussi réel qu’autrefois. En effet, l’Esprit Saint a-t-il cessé d’être ici-bas dans les croyants et dans l’Église, Lui duquel Jésus a dit : « Le Père vous donnera un autre Consolateur pour être avec vous éternellement, l’Esprit de vérité… Il demeure avec vous, et il sera en vous » (Jean 14, 16, 17) ? Il est vrai que, dans l’église professante, la présence permanente de l’Esprit et Son action — sauf peut-être pour la régénération — a été généralement oubliée et que même Sa personnalité a été niée. Mais la parole du Seigneur demeure ; et l’Esprit Saint, maintenant comme autrefois, scelle les croyants pour le jour de la rédemption (Éph. 4, 30 ; 1, 13), rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu (Rom. 8, 15, 16), et par Lui nous crions : Abba, Père ! C’est Lui qui nous conduit dans toute la vérité, Lui qui prend les choses de Christ et les place devant notre âme pour nous rafraîchir et nous réjouir, et qui, nous faisant contempler la gloire du Seigneur à face découverte, nous transforme en la même image (Jean 14, 26 ; 16, 13, 14 ; 2 Cor. 3, 17, 18). Jouissant donc de ces précieux privilèges, chers lecteurs croyants, ne voyez-vous pas que, par l’Esprit Saint qui nous a été donné, nous sommes unis à Christ dans le ciel, comme à notre Chef glorifié, et que les paroles de Paul aux Corinthiens sont aussi vraies aujourd’hui qu’elles l’étaient alors : « Nous avons tous été baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps » ? Le seul corps composé de ses divers membres subsiste donc maintenant, tout autant que le Saint Esprit qui le forme, et nous qui avons été baptisés du seul Esprit, nous en faisons partie, nous en sommes des membres. Grande et magnifique vérité ! Puissions-nous en reconnaître le prix. Il suit de là que les vérités contenues dans 1 Corinthiens 12 et dans les autres portions de la Parole qui se rapportent au même sujet, avec les conséquences que nous en avons tirées, subsistent pour nous. La ruine extérieure ne les atteint pas. Elles sont debout pour la foi. L’unité du corps, en dépit de la confusion, existe et nous avons à la reconnaître, tout comme Élie reconnaissait l’unité d’Israël, malgré le schisme, et Paul, malgré la dispersion (1 Rois 18, 30-32 ; Act. 26, 7). Cette unité du peuple d’Israël subsistait pour ces hommes de Dieu, parce qu’elle existait aux yeux de Dieu ; il en est de même de l’unité de l’Église ; Dieu la voit telle, et notre foi en saisit la réalité. Mais cela étant, nous avons aussi à agir selon ce grand principe. Les sectes et les divisions ne sauraient l’anéantir ; il subsiste, et il est la condamnation des sectes et des divisions. Du moment qu’il serait vraiment reconnu en pratique par tous les croyants, ces divisions disparaîtraient, et l’on verrait la manifestation de l’unité du corps, comme on l’a vue autrefois.

Comment donc, dans l’état de choses actuel, réaliser le principe de l’unité du corps ? Nous ne pouvons, il est vrai, reconstituer ce que notre infidélité a détruit, c’est-à-dire cette manifestation extérieure de l’unité qui, au commencement, brillait aux yeux de tous. L’édifice que l’homme, sous sa responsabilité, devait élever, n’est qu’une ruine, et cet état s’accentue toujours davantage. Plusieurs chrétiens le sentent bien, et voudraient y remédier par des alliances évangéliques, des fédérations d’églises, etc. Leurs efforts ne font que constater le mal sans rien changer, parce que l’on ne se place pas sur le terrain de la Parole, et que l’on ne se soumet pas à ce qu’elle déclare. Dieu, dans cette Parole, a pourtant donné des ressources pour la foi dans un temps semblable. Bien que la plupart de nos lecteurs les connaissent déjà, nous rappelleront brièvement quelles sont ces directions divines pour un jour de ruine.

La première chose qu’ont à faire ceux qui veulent être soumis à l’Écriture, est d’obéir à cette injonction claire et simple : « Qu’il se retire de l’iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur ». Ils ont à se séparer du mal, sous quelque forme qu’il se présente, ecclésiastique ou autre ; ils ont à se purifier des vases à déshonneur, s’ils veulent être des vases à honneur, propres au service du Maître (2 Tim. 2, 19-21). Si l’on reconnaît la grande vérité de l’unité du corps de Christ, ne doit-on pas se séparer de ce qui la nie en pratique, je veux dire des sectes et établissements humains ?

En second lieu, nous savons que ceux qui ont ainsi obéi à la Parole, trouvent pour se rassembler un terrain préparé par le Seigneur Lui-même pour un jour de ruine et de confusion. Il a dit, et il est toujours bon de le rappeler : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux ». Voilà le terrain béni du vrai rassemblement selon Dieu : le nom de Jésus, et Lui présent au milieu des siens qui, séparés de tout ordre humain, trouvent en Lui toutes les ressources nécessaires. C’est ainsi que l’on s’est réuni au commencement ; les apôtres ne rassemblaient pas en leur nom, ni autour d’eux ; au contraire, ils s’élevaient contre ceux qui auraient voulu le faire (1 Cor. 1, 12). Ceux qui croyaient se joignaient au Seigneur. Dans ces assemblées formées au nom de Jésus, Dieu manifestait Sa présence, l’Esprit Saint y agissait librement (1 Cor. 14, 25 ; 12). La table du Seigneur y était dressée, et l’unité du corps de Christ y était reconnue et proclamée.

Or ce terrain de rassemblement a-t-il été changé, ou déplacé, ou bien n’existe-t-il plus ? Non ; car si, d’une manière générale, l’homme l’a oublié ou méconnu, et a mis à la place ses systèmes et ses ordonnances, il subsiste néanmoins pour la foi, car la parole de Jésus demeure, et acquiert d’autant plus de prix dans les temps fâcheux où nous sommes. Nous savons sur quel pied nous rassembler quand nous avons laissé les sectes, les dénominations et les églises établies selon des principes humains. Il y a un terrain où devraient se trouver rassemblés tous les croyants.

Seulement prenons-y bien garde. Se séparer des systèmes humains est bien ; se rassembler au nom de Jésus est précieux, mais cela ne suffit pas. Il est nécessaire que les principes divins relatifs à l’unité du corps soient reconnus en pratique. De fait, c’est le seul terrain où l’on puisse les maintenir, car les sectes en sont la négation. Mais pour qu’un rassemblement soit vraiment selon le Seigneur, il faut que ces principes y soient réalisés.

Tous nous reconnaissons le précieux privilège d’être à la table du Seigneur et d’annoncer Sa mort jusqu’à ce qu’Il vienne, en rompant le pain et en buvant la coupe. « Jusqu’à ce qu’il vienne », nous dit la permanence de l’ordonnance aussi longtemps que l’Église sera sur la terre. Mais nous avons vu que la table du Seigneur se trouve dressée sur le principe de l’unité du corps de Christ : un seul pain, un seul corps. Toute table qui se trouve sur un autre principe n’est pas la table du Seigneur, mais une table d’homme. Dans les rassemblements formés au nom de Jésus par ceux qui, obéissant à la Parole, se sont séparés des ordonnances humaines, la table du Seigneur est établie. Ils professent donc maintenir l’unité du corps. Il n’y a donc pour ces divers rassemblements en des lieux différents, qu’une seule et même table, et il s’ensuit que, si l’on est à la table du Seigneur dans une localité, on y est dans toutes les autres. Comme autrefois les lettres de recommandation constateront le fait. Refuser de recevoir d’une assemblée sans un examen préalable, serait nier l’unité du corps.

La discipline s’exercera aussi à la table du Seigneur. Le mal moral et le mal doctrinal doivent être jugés par l’assemblée réunie au nom de Jésus et sur le principe de l’unité du corps. Et sa décision lie les autres assemblées réunies sur le même principe, car elles sont solidaires. Sans cela, où serait l’unité du corps ? Pas plus aujourd’hui qu’autrefois une assemblée de Dieu ne peut être indépendante des autres, si elle veut marcher suivant les principes divins. Mais remarquons encore une fois que, si une assemblée refuse de juger le mal manifesté au milieu d’elle, si elle le tolère — que ce soit un mal moral ou doctrinal — elle est souillée tout entière : « Un peu de levain fait lever la pâte tout entière ». Une telle assemblée perd son caractère d’assemblée de Dieu ; on ne peut plus dire que Jésus est au milieu d’elle, car ce serait L’associer au mal. Une assemblée fidèle ne saurait donc recevoir ceux qui viendraient de celle qui est ainsi souillée, alors même que personnellement ils seraient purs du mal ; ce serait participer à la souillure. Ce refus même de recevoir dans un tel cas, est une conséquence de la solidarité des assemblées réunies selon la Parole et résulte du principe de l’unité du corps.

Nous nous arrêterons ici. Le but que nous nous proposions était de montrer ce qu’est l’unité de l’Église, corps de Christ, selon la Parole, et les conséquences pratiques qui en découlent. Au milieu de la ruine la plus grande, ces principes subsistent, et si nous nous réunissons au nom du Seigneur, avec Sa table dressée au milieu de nous, notre responsabilité est de les appliquer. Je le répète, nous ne rétablirons pas l’unité extérieure, mais nous obéirons à Dieu en marchant selon Ses enseignements, et nous honorerons Christ, le Chef du corps.

Puissent les assemblées réunies en Son nom demeurer fidèles, tenant ferme le Chef. Puissent-elles juger le mal s’il vient à s’introduire et le rejeter ; puissent-elles être vigilantes pour l’empêcher d’entrer et le repousser ; puissent-elles enfin marcher humblement dans la vraie dépendance du Seigneur et comprenant le lien qui les rattache les unes aux autres : l’unité du corps formée par le seul Esprit, manifestée à la seule table, en rompant le seul pain, et les rendant solidaires les unes des autres. Et puissions-nous, frères bien-aimés, jouir de cette relation bénie qui, nous unissant à Christ dans le ciel comme membres de Son corps, nous unit aussi les uns aux autres.