Je me tiens à la porte et je frappe

A. Guignard

« Parce que tu dis : Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien ; et que tu ne connais pas que toi, tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu, je te conseille d’acheter de moi de l’or passé au feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu… Voici, je me tiens à la porte, et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et qu’il ouvre la porte, j’entrerai chez lui, et je souperai avec lui et lui avec moi. — Celui qui vaincra, je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur mon trône, comme moi aussi j’ai vaincu et je me suis assis avec mon Père sur son trône. — Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées »

(Apoc. 3, 17-22)

Le passage que vous venez de lire vous indique quelle est la place du Seigneur Jésus dans l’état actuel de la chrétienté : « Il se tient à la porte ». Ces mots ne signifient pas — ce qui du reste est parfaitement vrai — que le monde a jeté le Sauveur dehors en Le crucifiant ; mais qu’en présence de ce que la chrétienté est devenue, Lui-même s’est placé dehors et s’y tient, parce que le monde chrétien n’a plus désormais aucune place pour Lui.

Cher lecteur, vous allez vous récrier et me dire que jamais le monde chrétien n’a été plus religieux qu’aujourd’hui, que l’on rencontre partout une grande activité pour le bien, un grand désir de remédier à l’inégalité des classes, à la misère des déshérités, d’innombrables institutions charitables, dont plusieurs comme une moisson magnifique sont sorties du sol dévasté de la guerre. En apparence donc, tout porte la chrétienté actuelle à être satisfaite d’elle-même et du résultat de ses efforts. Ajoutez à cela le travail intense des nations qui a pour but de mettre fin aux luttes fratricides entre les hommes et d’amener un règne de paix sur la terre. Le monde chrétien n’a-t-il donc pas le droit de s’écrier, comme dans le passage de l’Apocalypse que vous avez lu : « Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien » ?

Ce que vous dites est précisément la raison pour laquelle le Seigneur se tient à la porte. La chrétienté actuelle dont vous faites partie est occupée d’elle-même et de ses œuvres, et se déclare satisfaite. Mais Jésus n’est pas satisfait de cet état ; Il le prouve en refusant de s’y associer : « Il se tient à la porte ».

Vous n’avez, pour vous en convaincre (je parle ici à des âmes qui n’appartiennent ni à la classe des moqueurs, ni à celle des incrédules, mais qui professent le christianisme), qu’à rentrer en vous-même et à vous poser cette simple et sérieuse question : Quelle place le Seigneur a-t-Il dans ma religion, dans ma vie journalière et dans mon cœur ? Vous allez à l’église : de qui parlez-vous en sortant du sermon ? Du Seigneur, ou du prédicateur ? Comment passez-vous vos journées ? À vous occuper de Lui, à lire Sa Parole, à vous entretenir de Lui avec d’autres, à Le louer le matin, à Le bénir le soir ? De quoi vous entretenez-vous à la maison, dans vos visites ? Je ne parle pas même de vos préoccupations à l’égard des difficultés journalières de la vie, mais de tant de questions politiques, militaires, financières ou autres, qui attirent aujourd’hui l’attention des hommes ; et je vous le demande, au milieu de tous ces sujets intéressants, quelle place le Seigneur occupe-t-Il dans vos cœurs ? Si vous êtes franc vis-à-vis de vous-même, vous reconnaîtrez qu’Il y a moins de place que lorsque, petit enfant, le monde L’a relégué dans une crèche. Or jadis c’était le monde qui Lui refusait l’entrée ; aujourd’hui, fait solennel, c’est Lui-même qui se tient dehors, parce qu’après dix-neuf siècles de christianisme il n’y a plus de place pour Lui dans la maison que Lui-même avait jadis construite.

De nos jours, les hommes ont bien autre chose à faire qu’à s’occuper de Lui. Nous les voyons tous assemblés pour revendiquer leurs droits nationaux et se faire dans le monde une place aussi avantageuse que possible. Parmi tant de voix, y en a-t-il une seule qui s’élève pour revendiquer les droits de Christ à qui appartient la terre et tout ce qui est en elle (Deut. 10, 14) ? Il ne prend part ni à leurs revendications, ni à leurs conseils ; Il est seul et se tient dehors, à la porte

Mais s’Il vous dit : Je me tiens à la porte, Il ajoute : « Je frappe ». Il veut être entendu par vous individuellement, puisque le monde ne veut pas de Lui. Il a mille manières de frapper à la porte du cœur. Que le coup soit léger ou qu’il soit fort et retentissant, Il veut éveiller par lui votre attention, le faire parvenir à vos oreilles. Il veut vous amener à demander : Qui est là ? Il vous répondra : Ouvre-moi ; c’est moi qui ai frappé.

L’avez-vous entendu, cher lecteur ? Vous êtes-vous dit qu’Il frappait à la porte, quand vous perdiez un être cher dans cette épidémie calamiteuse, quand vous-même étiez atteint dans votre santé, dans vos affections, dans vos circonstances, quand vous souffriez de disette et de pauvreté ? C’est là Sa manière à Lui de frapper à la porte. Écoutez ! Ces coups ne sont point des jugements, mais des appels que Son amour vous adresse.

Si vous les avez entendus, ouvrez-Lui sans tarder un instant ! Laisseriez-vous dehors un Sauveur qui veut être reçu, et dans quel but ? Est-ce pour vous faire du mal ? Non, c’est pour vous rendre heureux ! « Si quelqu’un ouvre la porte », dit-Il, « j’entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi ». Le souper est le repas qui précède la nuit. C’est peut-être aujourd’hui la seule occasion qui vous soit encore offerte de profiter de Sa grâce. « La nuit vient en laquelle personne ne peut travailler » (Jean 9, 4). Désirez-vous avoir ce soir-même, à la dernière heure, le Sauveur pour convive et pour ami ? Il ajoute : « Et lui avec moi ». Il veut vous associer avec Lui-même au festin de Sa grâce et à Sa propre joie en étant reçu de vous.

Mais à tant de grâces, Il ajoute encore une promesse : « À celui qui vaincra ». Vaincre, c’est en avoir fini avec la vaine profession de Laodicée, avec son contentement d’elle-même ; c’est accepter ce que vous dit le témoin fidèle et véritable sur votre propre état et sur Sa grâce. Eh bien ! si vous abandonnez toutes vos prétentions religieuses pour vous déclarer « misérable, pauvre, aveugle et nu », n’ayant de ressource que dans Son amour, Sa puissance, Sa justice et Sa sainteté, Il vous promet… une récompense ! « Je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur mon trône, comme moi aussi j’ai vaincu et je me suis assis avec mon Père sur son trône ». Vous voyez aujourd’hui tous les trônes s’écrouler en un instant, « comme un figuier agité par un grand vent, jette loin ses figues tardives » (Apoc. 6, 13). N’est-ce pas une scène effrayante ? Hélas ! l’avenir réserve aux puissances du monde un sort plus tragique encore ! Et voici que, parmi ces bouleversements, le Seigneur promet à qui Le reçoit, et fût-il le plus humble et le plus misérable des mortels, un royaume inébranlable : Il le fera asseoir avec Lui sur Son trône ! Le croyant associé au Roi Lui-même sera pour toujours à l’abri du sort terrible des hommes qui n’ont pas ouvert leur porte au Sauveur. Ces derniers devront un jour paraître devant le trône, sous les yeux perçants du Juge, pour recevoir chacun selon ses œuvres, et ce sera pour eux la perdition éternelle, la seconde mort.

« Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées » (v. 22). Tel est le dernier appel adressé aux hommes avant que les jugements de la fin soient déchaînés. Le temps de la grâce n’est pas encore clos, mais, ne vous faites aucune illusion : il pourrait l’être aujourd’hui ; alors il serait trop tard pour vous. Si vous ne Lui ouvrez pas votre porte, prenez garde que Lui ne vous ferme la sienne ! Vous représentez-vous le désespoir de ceux qui se trouveront devant cette porte fermée et qui frapperont en vain ? Ils ne recevront du dedans que cette réponse : « En vérité, je ne vous connais pas ! » (Matt. 25, 12).