L’Écriture et la place qui lui appartient

dans les jours où nous vivons
J.N. Darby

Permettez-moi de vous adresser quelques lignes dans lesquelles vous ne trouverez rien de bien nouveau, mais où j’attire votre attention sur un sujet, sur lequel il est de la plus haute importance de nos jours d’être simple et décidé.

La seconde épître de Paul à Timothée nous présente, comme on l’a remarqué depuis longtemps, la ruine de l’Église dans sa position terrestre, et le cœur de l’apôtre profondément affecté par cette ruine, comme devait l’être, sous l’action de l’Esprit de Dieu, celui qui avait été l’instrument de Dieu pour poser le fondement de l’édifice. L’épître individualise le devoir du chrétien ; et c’est là un grand et important principe dans des jours comme les nôtres, où l’Église, ou du moins ce qu’on appelle ainsi — de fait le clergé — renouvelle ses prétentions à gouverner les consciences.

La seconde épître à Timothée ne nous présente pas, comme l’épître aux Éphésiens, l’Église dans les lieux célestes, selon le conseil de Dieu, et dans son vrai caractère pleinement révélé ; elle ne nous donne pas non plus, comme la première épître à Timothée, l’ordre de l’Église sur la terre ; mais nous y trouvons la vie et le salut, maintenant pleinement révélés en Christ (chap. 1, 1, 9, 10), avec une piété qu’on pouvait rencontrer chez des Juifs comme tels et dans laquelle Paul pouvait parler de ses « ancêtres ». L’Église, en effet, n’est pas mentionnée du tout dans cette épître, non pas que la communion des saints soit passée sous silence, car l’apôtre en parle expressément ; mais la communion est bornée à ceux dans lesquels on sait que la pureté de cœur existe, pureté dont la réalité n’était pas mise en question aux premiers jours de l’Église. Alors, ceux qui se présentaient étaient reçus ; seulement le Seigneur prenait soin de la pureté de l’Assemblée et manifestait les siens, ajoutant à l’Église tous les jours ceux qui devaient être sauvés. Maintenant, Dieu « connaît ceux qui sont siens » ; la responsabilité de se retirer de l’iniquité repose sur quiconque prononce le nom du Seigneur, et le croyant doit poursuivre la voie de la paix et de la grâce « avec tous ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur ».

Deux points sont placés ici devant le croyant pour guider ses pas : d’abord sa conduite individuelle, comprenant aussi sa conduite à l’égard d’autres personnes individuellement ; ensuite sa relation avec la profession publique du christianisme dans le monde.

Quant au premier de ces deux points, le croyant, je l’ai dit, doit « se retirer de l’iniquité ». La nature du christianisme est telle que ce dernier ne peut s’associer au mal dans la conduite. Le croyant se purifie lui-même (car c’est ici un devoir individuel) des vases à déshonneur que, dans une grande maison, il s’attend à rencontrer. Il recherche la communion de ceux qui joignent à la profession de Christ « un cœur pur » d’où la profession découle. Le chapitre 2 est aussi clair et positif que possible sur ce point : c’est une question de responsabilité individuelle, et il est important d’en saisir les deux côtés. Si l’on ne saisit que le premier, c’est-à-dire la séparation d’avec l’iniquité et la purification d’avec les vases à déshonneur, la conscience peut être droite ; mais on aura un esprit de jugement et de propre justice. Si, au contraire, oubliant le premier, on ne saisit que le second, c’est-à-dire la recherche de la communion avec ceux qui sont purs de cœur, la conscience sera relâchée, la fidélité à Christ et l’obéissance seront plus ou moins perdues. Il faut que le cœur soit pratiquement engagé dans l’amour du peuple de Dieu et dans la communion des saints, et il faut en même temps que la conscience soit pure et fidèle, comme en ayant fini avec le mal quand le mal domine et est toléré partout.

Quant au second des deux grands points que j’ai signalés, savoir notre relation avec la profession publique du christianisme dans le monde, le chapitre 3 de l’épître nous fournit des directions non moins claires. Le péril des derniers jours gît dans une forme de piété, la puissance de la piété étant reniée. La direction est aussi simple que positive : « Détourne-toi de telles gens ». Là où est la forme sans la puissance, nous ne devons pas aller ; et plus que cela, dans un sens positif, nous devons nous retirer de telles gens. Toutefois cela encore, en soi-même, dans les jours périlleux, n’est pas suffisant, car au milieu des ruines de la piété pratique et de l’absence de dévouement dans le monde évangélique professant, bien des hommes, dont les principes sont beaucoup plus faux que ceux des masses, mènent individuellement une vie de grande abnégation — souvent, hélas ! d’après des principes, en eux-mêmes, mortels. — Or, c’est un piège dangereux que le dévouement associé à la fausse doctrine et à la mondanité, et non à un degré plus grand de vérité substantielle. Il n’en est pas ainsi, loin de là, si le résultat est saisi dans son ensemble ; mais des cas particuliers, et le feu de premières impressions produisent assez d’effet pour faire, de la piété de certaines personnes, un piège induisant les hommes à recevoir de fausses doctrines et à tomber entre les mains de Satan, et c’est ce qui a lieu réellement quand le dévouement est basé sur l’abandon de la grâce et de la vérité de l’évangile.

Un autre point, par conséquent, est mis en lumière ici, savoir l’autorité avec laquelle nos âmes sont directement en communion, l’autorité sur laquelle notre conduite repose, le principe gouvernant qui la dirige ; puis, individuellement, l’application à l’âme de cette autorité et de ce principe. Cette application est-elle médiate ou immédiate ? A-t-elle lieu par l’intervention de l’Église comme autorité intermédiaire entre moi et Dieu ? Ou bien s’agit-il d’un rapport direct et immédiat de mon âme avec Dieu, et d’une soumission immédiate à l’autorité de Sa Parole ? Je n’ai pas besoin de le dire : tout est immédiat ici ; et ce n’est en aucune manière rejeter la valeur du ministère. Si quelqu’un connaît « la Parole » mieux que moi, s’il a plus de puissance spirituelle que moi, il peut me venir en aide, et son service est selon la pensée et la volonté de Dieu. Or, celui qui me vient ainsi en aide ne se place pas entre moi et la Parole, mais il m’amène à une connaissance plus complète de ce que Dieu dit dans cette Parole ; et, par lui, mon âme est d’autant plus en relation immédiate avec Dieu par Sa Parole. Cette Parole seule est le principe dirigeant et la mesure de ma responsabilité, l’expression de l’autorité de Dieu sur moi. Une autre personne, je le répète, peut être un instrument pour me placer plus complètement dans cette dépendance, en m’initiant davantage à ce que Dieu a dit, sans me faire en aucune manière sortir de cette relation. C’est une relation directe avec Dieu, dont les droits sont absolus et embrassent mon être tout entier : Dieu a droit à mon obéissance sans réserve. Il exerce Son autorité immédiatement par la Parole. Cette Parole peut sanctionner, et sanctionne en effet des devoirs vis-à-vis d’autres personnes, mais ces devoirs sont reconnus par l’autorité de la Parole, et dans l’obéissance à Dieu dans Sa Parole. Il faut que je satisfasse à toutes les obligations des différentes relations dans lesquelles Dieu m’a placé — mais par la Parole et selon elle. Ma relation immédiate et première, celle qui domine tout, est avec Dieu par la Parole. Elle a la préséance sur toutes les autres, elle les gouverne toutes et réclame une soumission absolue et immédiate. « Il faut obéir » est le drapeau du chrétien ; mais Dieu, qui s’est révélé Lui-même entièrement et qui se révèle Lui-même immédiatement à nous par la Parole, a un droit absolu sur nous et « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Act. 5, 29 ; comp. 4, 19, 20).

Il peut arriver que l’Église doive être jugée, et c’est ce qui a lieu en effet. Le chrétien doit individuellement en tenir compte ; il est appelé à juger l’Église, en sorte que l’Église ne peut avoir autorité sur lui, comme loi souveraine, pour son âme. Il est tenu de reconnaître la Parole de Dieu comme loi suprême et norme de la vérité et de la conduite, ayant de la part de Dieu autorité immédiatement sur son âme, sans que rien d’autre puisse venir se placer entre lui et Dieu. Il est évident que je ne parle pas ici de la discipline d’une assemblée, exercée selon cette Parole — la Parole qui l’ordonne reconnaît sa validité — mais de ce qui, en matière religieuse et de toute matière, fait loi et autorité sans appel.

Il se présente en apparence une autre question, mais qui au fond n’en est pas une autre : Est-ce que l’âme reçoit la Parole immédiatement et est-elle responsable à Dieu pour elle-même selon l’autorité de cette Parole ? Ou bien est-ce qu’autre chose peut venir s’interposer avec autorité entre l’âme et la Parole, en sorte que l’âme ne soit pas immédiatement responsable envers Dieu selon cette Parole ? La seule question est réellement celle-ci : La Parole de Dieu est-elle adressée immédiatement à la conscience de l’homme, en sorte qu’elle le constitue responsable quand elle lui est adressée ? Aucun homme, dans son bon sens, ne niera que, si Dieu révèle quoi que ce soit à un homme, cet homme doive y prêter attention. L’incrédulité peut contester le fait qu’il y a une Parole de Dieu et les catholiques romains se placent souvent sur ce terrain dans la controverse, en mettant la chose en question. Comment savez-vous, disent-ils, qu’il y a une Parole de Dieu ? Moi, je suppose ici qu’il y a une Parole de Dieu et je demande : Est-ce que l’autorité de cette Parole sur mon âme est immédiate, ou bien est-ce que maintenant que je possède cette Parole, il y a quoi que ce soit entre elle et mon âme ? L’autorité des oracles de Dieu est-elle absolue, immédiate ? Ces oracles me placent-ils sous une obligation qui ne tolère pas que rien vienne se placer entre eux et mon âme, ou limiter ou modifier leur autorité ?

À cette occasion je ferai remarquer que, sauf trois épîtres, tous les écrits du Nouveau Testament, et pour autant que le principe dont je parle est en question, tous les écrits de l’Ancien Testament aussi, ont été adressés, non à ceux qu’on appelle le clergé, mais par le clergé au peuple. La prétention du clergé de les posséder en tant que clergé, et comme lui étant adressés, n’est que folie : ces écrits ont été adressés expressément au peuple chrétien par ceux auxquels Dieu avait donné mission de le faire. C’est un fait avéré. Dans l’un de ses écrits, sa première lettre aux Thessaloniciens, Paul adjure expressément ceux-ci d’avoir soin « que la lettre soit lue à tous les saints frères » (1 Thess. 5, 27) et les Thessaloniciens étaient des chrétiens nouveau-nés. Si ceux qui professent le christianisme sont aujourd’hui si ignorants qu’ils ne peuvent pas comprendre les choses que Paul écrivait pour « tous les saints frères », il faut en chercher la cause dans le fait de l’enseignement séculaire de l’Église ; or cette incapacité à comprendre disparaît là où il y a de l’humilité et où l’on s’attend à la grâce de Dieu. « L’entrée de tes paroles illumine, donnant de l’intelligence aux simples ». « J’ai plus d’intelligence que tous ceux qui m’enseignent, parce que je médite tes préceptes » (Ps. 119, 130, 99). « Ils seront tous enseignés de Dieu » (Jean 6, 45), telle est la promesse que Dieu nous a donnée.

Mais quelque importante d’ailleurs que soit cette vérité, je reviens à l’objet spécial de ces lignes qui est moins général. Je parlais des instructions que l’apôtre donnait dans des épîtres adressées à un homme, dans lequel il avait la plus grande confiance comme serviteur et comme homme de Dieu, à un homme qui avait travaillé avec lui dans l’évangile comme un fils avec son père, et auquel il pouvait communiquer ses sentiments les plus intimes et dire ce qui était nécessaire pour l’Église, quand les jours mauvais viendraient où les hommes auraient la forme de la piété mais en renieraient la puissance, et placeraient ainsi la conscience dans l’obligation de juger l’état de l’Église ; je parle de l’épître, en particulier, dans laquelle l’apôtre nous a révélé le jugement de Christ et nous a invités à nous soumettre à ce jugement et à agir en conséquence — épître, en un mot, qui n’apporte pas au chrétien des vérités et des instructions générales, quelque précieuses qu’elles soient, mais lui fournit des directions particulières pour les temps fâcheux des derniers jours. Ces directions et cette révélation du jugement de l’Église sont de la plus haute importance en présence de l’histoire tout entière de celle-ci.

Nous savons comment on a longtemps maintenu le principe de la soumission à l’Église et par ce moyen les ténèbres, et comment on a longtemps et soigneusement confondu l’Église, telle que Christ l’a aimée, la sanctifie et se la présentera sans tache ni ride, avec l’édifice de bois et de chaume qui, comme ces mêmes gens l’admettent, s’est développé et se présente à nous sous la forme mélangée d’un grand corps mondain ; une Église aussi inique, plus inique même que le monde. Cyprien et divers autres ont enseigné soigneusement que le Saint Esprit était là et ne pouvait être nulle autre part, et que tous ceux qui étaient en dehors de cette forme extérieure étaient perdus. On a si rigoureusement enseigné cette doctrine que — alors que ce même Cyprien confesse que l’état de l’Église, les évêques et tout le reste avec eux, est désastreux, aussi triste que celui du monde, en sorte que la plus terrible persécution ne serait qu’un léger châtiment absolument nécessaire — l’on maintenait que si quelqu’un, pressé par sa conscience, quittait cette chose inique, il perdait absolument le salut et la vie éternelle et qu’il n’y avait de grâce nulle part ailleurs. Par la manière, avec laquelle on insistait ainsi sur les privilèges d’une église dont on reconnaissait la corruption, des âmes qui reculaient devant ce qui déshonorait Christ devenaient la proie des hérétiques ou des fanatiques, quand leurs consciences ne pouvaient plus supporter l’état moral du grand corps extérieur, qui prenait et réclamait la place de l’Église de Dieu. C’est assurément une des douloureuses pages de l’histoire de l’Église que celle qui nous montre des hommes abandonnant le grand corps ecclésiastique, envahi par l’immoralité et l’idolâtrie la plus grossière, et tombant entre les mains de ceux que Satan suscitait pour troubler et ruiner le témoignage de Dieu, ou se mêlant avec eux. L’Église primitive ne s’est jamais défendue contre les attaques de l’hérésie par la vérité que les Irénée (sauf dans une certaine mesure peut-être), les Tertullien, les Cyprien et d’autres n’avaient pas, mais par ses propres prétentions à tout posséder et cela en vertu d’un titre héréditaire. Ceux qui étaient moins rigoureux étaient eux-mêmes des philosophes bien éloignés de la vérité, tels que Clément d’Alexandrie, Origène ; ils faisaient sans doute une différence entre certains hérétiques et d’autres ; mais, après cela, le schisme ou l’hérésie étaient également fatals[1], et si plus tard on fit une différence entre les deux, tout le monde s’accordait néanmoins pour refuser le salut sans distinction à ceux qui y tombaient, ou les brûler quand les bûchers devinrent la coutume de l’Église.

Si c’est là l’histoire de l’Église, de quelle importance n’est-il pas de reconnaître que chacun, pour lui-même, est tenu de juger l’état de l’Église professante ; ceux qui avaient des oreilles ont été appelés de tout temps à reconnaître le jugement de Christ sur cet état et à se soumettre à la Parole à cet égard : en l’écoutant, chacun eût appris ainsi à ne pas confondre le corps de Christ avec le corps professant[2]. Mais le chapitre 3 de la seconde épître à Timothée nous donne une direction de plus ; l’épître nous invite expressément à éviter ceux qui renient la puissance de la piété, tout en en gardant la forme. Or, si je suis individuellement appelé à reconnaître le jugement de Christ quant à l’état de l’Église et à agir en conséquence, quelle que soit d’ailleurs cette action, l’Église dès lors a cessé d’être une autorité et elle est jugée par la Parole, à laquelle je suis expressément appelé à prêter mon attention dans ce jugement qu’elle prononce ; le jugement prononcé par l’Église comme corps professant ne peut pas être une autorité qui gouverne mon jugement spirituel, par lequel je suis tenu de suivre la Parole qui juge l’Église elle-même dans son esprit et dans son état. Christ nous appelle individuellement, expressément, à écouter ce que l’Esprit dit aux églises (comp. Apoc. 2, 7, 11, 17, 29 ; 3, 6, 13, 22), non pas ce que l’Église dit, mais ce qui est dit aux églises. Je ne parle pas ici des conséquences qui peuvent en découler (les chapitres 2 et 3 de la seconde épître de Timothée sont clairs sur ce point), mais de ce fait que chacun individuellement est appelé à écouter ce que Christ dit de l’état de l’Église. Il est digne de remarque que c’est à Éphèse, où il y avait tant de bénédiction et de privilèges (voyez l’épître aux Éphésiens et Apoc. 2, 1-7), que le fait dont je parle s’accomplit pour la première fois. Le vase de la plus glorieuse grâce, Éphèse, représente la chute de l’Église, le point de départ de son premier état, et reçoit le solennel avertissement : « J’ôterai ta lampe de son lieu ». Toutefois je ne veux pas dire autre chose maintenant, sinon que chacun, individuellement, est appelé à écouter Christ et à se soumettre au jugement qu’Il prononce. Chacun individuellement pour lui-même est tenu de recevoir immédiatement de Christ, ou de l’Esprit par la Parole, ce qu’Il dit, non seulement indépendamment de l’autorité de l’Église, mais même au sujet de l’Église elle-même. Se soumettre ainsi à la Parole est même la preuve que quelqu’un a des oreilles pour entendre, pour entendre Christ, pour entendre ce que dit l’Esprit.

Quel est donc le principe qui doit gouverner le fidèle, une fois que la chrétienté a revêtu la forme de la piété sans la puissance, annoncée clairement par l’apôtre pour les temps fâcheux des derniers jours, où les chrétiens auront à se détourner de cette forme de la piété ? Le principe en question nous est présenté sous une double face.

L’Église ne peut pas être l’autorité, car c’est elle qui nous a amenés aux temps fâcheux où nous avons à nous retirer de l’état de choses général, les hommes ayant revêtu la forme de la piété sans la puissance. Il n’y a ni principe, ni autorité pour me retenir dans un pareil état de choses ; je suis tenu de le reconnaître et de m’en retirer. Les deux faces du principe vrai qui doit me gouverner, c’est d’abord la connaissance de la personne de qui j’ai tout appris ; ensuite les Écritures.

La première de ces faces est aussi simple qu’importante. Une tradition s’établit ; personne ne sait par qui. On me dit que le fait que « l’Église l’a conservée » est une sûre base de ma foi. Mais Paul dit : Non, il faut que tu saches « de qui tu l’as apprise ». On répond : « Des pères » ou « avec leur consentement », mais sans me donner aucune source authentique. Timothée savait qu’il avait appris ces choses de l’apôtre Paul, d’un homme divinement inspiré, d’un docteur autorisé — et ainsi ces choses étaient sûres. Aucun enseignement de l’Église, aucune tradition, même universelle, ne peut m’assurer la vérité. Je ne puis pas dire de qui (παρά τίνος) je l’ai appris. Il faut, pour me faire recevoir quelque chose comme la vérité, que je trouve une personne dont l’autorité et l’inspiration soient certaines. Il faut que je sache de qui j’ai appris la chose. Ce principe s’applique aux « temps fâcheux », caractérisés par le désordre dans l’Église, car une forme de piété sans la puissance est elle-même le désordre ; or dans des temps semblables une source certaine d’autorité est d’une importance capitale. Si Paul, ou Pierre, ou Jean ont enseigné quelque chose, je sais que c’est la vérité ; j’en suis certain. Si les pères ou on ne sait qui ont enseigné quelque chose, je n’ai aucune certitude donnée de Dieu.

La seconde face du principe auquel j’ai fait allusion et qui, en partie, se confond avec la première, ce sont les Écritures. Mais cette seconde autorité a un caractère spécial : les Écritures sont de « saintes lettres ». Dieu dans Sa bonté a voulu que ses saints, ayant la clef de la foi en Jésus Christ, eussent un guide sûr et certain, et Il le leur a donné dans un corps d’écrits appelé par l’apôtre, c’est-à-dire par l’autorité divine, « les saintes lettres », desquelles un enfant, guidé par la piété de sa mère, pouvait avoir connaissance et qui devaient être reçues comme inspirées et ayant cette autorité divine. Ces « saintes lettres », composées d’un certain nombre d’écrits distincts, mais formant un ensemble, dont on pouvait parler comme d’un tout connu : « les saintes lettres » et de chaque partie duquel on pouvait dire : « toute écriture », la bonté de Dieu nous les a données, sanctionnées de la manière la plus solennelle par le Seigneur Lui-même, aussi bien que par Son apôtre, comme un seul tout, œuvre inspirée de divers auteurs, documents écrits qui, à cause de leur caractère inspiré, réclament la foi. « Sachant ceci premièrement, dit Pierre, qu’aucune prophétie de l’Écriture ne s’interprète elle-même. Car la prophétie n’est jamais venue par la volonté de l’homme, mais de saints hommes de Dieu ont parlé, étant poussés par l’Esprit Saint » (2 Pier. 1, 20, 21). « Afin que fût accompli », répète constamment Matthieu, ou, dans un sens plus général : « Alors fut accompli » (Matt. 1, 22, 23 ; 2, 15, 17, 23 ; 4, 14 ; 8, 17 ; etc.). « L’Écriture ne peut être anéantie », dit le Seigneur (Jean 10, 35). « Il est écrit dans les prophètes : Et ils seront tous enseignés de Dieu » (Jean 6, 45). « Si vous ne croyez pas ses écrits, comment croirez-vous mes paroles ? » (Jean 5, 47). Et à Gethsémané, en contraste avec leur attitude « dans le temple », Jésus leur dit : « Mais tout ceci est arrivé, afin que les Écritures soient accomplies » (Matt. 26, 56). Ainsi encore : « Alors il leur ouvrit l’intelligence pour entendre les Écritures », disant : « Il est ainsi écrit ; et ainsi il fallait que le Christ souffrît ». Et le même jour : « Ô gens sans intelligence et lents de cœur à croire toutes les choses que les prophètes ont dites ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu’il entrât dans sa gloire ? Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliquait, dans toutes les Écritures, les choses qui le regardent » (Luc 24, 45, 47, 25-27). — « Il fallait », parce que cela était dit dans l’Écriture. C’est ainsi que Paul pouvait dire : « l’Écriture, prévoyant… a annoncé… » (Gal. 3, 8) ; et c’est ainsi que, comme on l’a souvent remarqué, le Seigneur cite l’Ancien Testament comme un tout reconnu et en usage parmi les Juifs : « Moïse, et… les prophètes, et… les Psaumes » (Luc 24, 44). Jésus se servait des Écritures, du témoignage écrit, pour réduire au silence l’adversaire, et Il se référait à elles en censurant les Juifs, citant ces Écritures, l’une ou l’autre, comme partie d’une série de témoignages divins, qui les laissait sans excuse. Je ne rappelle pas ici les nombreux passages, dans lesquels l’autorité des Écritures est reconnue par le Seigneur et Ses apôtres. Si l’on ne croyait pas aux Écritures, assure-t-Il, quelqu’un ressusciterait en vain d’entre les morts pour convaincre les hommes (Luc 16, 27-31) ; aucun témoignage de la réalité d’un autre monde ne servirait, si l’on n’écoutait pas ces écrits. Il y a plus : non seulement l’autorité de certaines Écritures particulières est affirmée ; mais, il est important de le remarquer, le fait qu’une chose se trouvait dans les Écritures, lui donnait l’autorité divine. Il suffisait qu’elle fût « Écriture », pour qu’elle fût revêtue de cette autorité. « L’Écriture ne peut être anéantie » (Jean 10, 35). Ce n’est pas seulement qu’on puisse trouver dans l’Écriture des vérités (comme dans un sermon quelconque ou dans un traité comme celui-ci), ou bien, que la Parole de Dieu y soit renfermée : mais le fait de se trouver dans les Écritures donne à ce qui s’y trouve l’autorité de la Parole de Dieu. Placer une chose dans l’Écriture, est la méthode ordonnée de Dieu pour la revêtir de Son autorité ; non pas seulement pour présenter la vérité, car tout homme peut être un moyen de la communiquer ; mais c’est l’autorité pour la vérité. Oui, ce qui est exprimé dans les Écritures est revêtu d’autorité divine et est reconnu par Christ Lui-même et aussi par tous les apôtres, comme ayant cette autorité. Ceux-là étaient « plus nobles » qui examinaient « chaque jour les Écritures pour voir si les choses » qu’un apôtre disait étaient ainsi (Act. 17, 11). Les Écritures ont autorité et sont adressées au peuple de Dieu ; elles ne sont pas adressées comme telles au clergé ou aux ministres de la Parole — sauf, nous l’avons vu, une très petite partie, mais elles sont adressées par ces ministres au peuple.

Elles sont toutes utiles pour enseigner. Celles que l’apôtre Paul a adressées à ses compagnons d’œuvre peuvent nous apprendre ce que l’Église était, ce qu’elle devrait être, et ce qu’elle serait.

Examinons donc de plus près ce que l’apôtre dit, dans sa lettre à Timothée, sur la valeur de ces livres et la place qu’ils occupent, et cela spécialement quand l’Église, perdant son vrai caractère, a pris la forme de la piété et en renie la puissance.

Après avoir rappelé que Timothée avait appris la vérité de lui, Paul dit : « Et que dès l’enfance, tu connais les saintes lettres ». L’apôtre donne ce titre au livre bien connu qui, comme tel, avait autorité. Comme enfant, Timothée l’avait connu et en avait appris le contenu. Et ces « saintes lettres », par la foi en Jésus Christ, la grande clef de tout, pouvaient le rendre sage à salut. On dit qu’il s’agit ici de l’Ancien Testament. Sans doute, ce que Timothée avait connu dès son enfance, était l’Ancien Testament ; mais tout ce qui a droit à être appelé « les saintes lettres » est renfermé dans l’expression de l’apôtre et jouit des privilèges qui y sont attachés. Paul revendique cette autorité pour ce qu’il écrivait, 1 Corinthiens 14, 37 ; et il fait la différence entre son expérience spirituelle, quelque grande qu’elle fût, et ce que le Seigneur disait[3]. Mais les choses qu’il écrivait étaient les « commandements du Seigneur ». Les derniers versets de l’épître aux Romains nous assurent que le mystère de l’évangile, caché dès les temps éternels, était donné à connaître par des écrits prophétiques[4] à toutes les nations, et Pierre place les épîtres de Paul sur la même ligne que « les autres Écritures » (2 Pier. 3, 15, 16). « L’Écriture » est quelque chose de connu : tout ce qui est cela a autorité et, par la grâce, la puissance d’éclairer ; tout ce qui est cela juge et n’est pas jugé.

Les « saintes lettres » sont donc la ressource divine, et donnée de Dieu pour le chrétien, quand l’Église est dans un état de chute — « les Écritures », ce livre dont un enfant pouvait avoir connaissance — et elles peuvent rendre un homme sage à salut par la foi en Jésus Christ. Reconnaître la place donnée à l’Écriture, ce n’est pas rabaisser le ministère : Timothée ne méprisait pas Paul assurément ; mais l’apôtre appelé et doué de Dieu le renvoyait à ces « lettres », comme au sûr guide individuel pour un temps où l’Église était déchue et tombée dans un état de désordre.

Mais l’Écriture peut faire davantage : elle peut rendre « l’homme de Dieu… parfaitement accompli ». Et ici nous trouvons plus que ce qu’on peut avoir connu dès l’enfance, plus que la sagesse à salut par la foi. Ce passage s’adresse à « l’homme de Dieu », à celui qui est pour Dieu dans ce monde, expression empruntée à l’Ancien Testament, et dont la force est facile à saisir. En un certain sens, dans son service, « l’homme de Dieu » représente Dieu en tant qu’il agit sous Sa direction et par Sa puissance : « En toutes choses nous recommandant comme serviteurs de Dieu » (2 Cor. 6, 4). Il est là tout au moins comme serviteur de Dieu dans le monde. Et ici nous ne trouvons pas le livre comme un tout, mais chaque partie du tout, ce qui est justement appelé « Écriture », est divinement inspiré (Θεὸπνευστος). Il est évident que, si l’Écriture n’était pas divinement inspirée, elle ne pourrait pas avoir l’autorité que le Seigneur et les apôtres lui attribuent, et que nous ne verrions pas le Seigneur, dans les moments les plus solennels et de la manière la plus absolue, user de Sa puissance divine pour rendre Ses disciples capables de la comprendre (comp. Luc 24, 45).

Mais il y a plus : Ce n’est pas toute la vérité, que les Écritures renferment la Parole de Dieu ; mais tout ce qui est « Écriture » est inspiré et utile pour tout ce qui est nécessaire afin de rendre l’homme de Dieu parfait. Quiconque est appelé à agir pour Dieu dans ce monde, à Le représenter devant le monde (car, quoique quelques-uns y soient appelés d’une manière particulière, tous ont plus ou moins à prendre cette place) — trouve dans l’Écriture tout ce dont il a besoin pour rendre accomplis son état et sa compétence pour le service. Or l’Écriture ne contient pas seulement ce qui est nécessaire ; mais tout ce qui est justement appelé « Écriture » est inspiré[5], est revêtu du nom donné par Dieu Lui-même à ce qu’Il veut qui soit reçu comme venant de Lui. Nous avons — un enfant a (en ce qui concerne l’autorité, que la foi seule peut rendre effective) des écrits qui réclament la soumission de l’âme, comme étant la Parole de Dieu adressée immédiatement à nous, en sorte que l’intervention de qui que ce soit porte atteinte aux droits de Dieu, à Ses droits immédiats sur l’âme comme Lui appartenant. Sans doute, d’autres personnes peuvent m’aider à saisir ce qui se trouve dans ces écrits, mais c’est Lui qui m’amène à ce qui est là, et nul n’a le droit d’entraver les droits directs de ce qui est placé sur mon âme, qu’il s’agisse d’une personne quelconque ou de l’Église. Plus la prétention de le faire est élevée, plus est grande la culpabilité de celui qui la met en avant. Je reconnais l’autorité de toute l’Écriture comme absolue et directe de la part de Dieu. On peut sans doute m’aider à connaître mieux ce qui est écrit là, pour que j’en profite, que j’en jouisse et que j’y obéisse ; mais Dieu me dit expressément d’aller aux Écritures et de compter sur elles ; Il m’instruit à faire ainsi individuellement, non pas comme si j’avais à les juger, mais comme reconnaissant en elles le droit de Dieu sur moi quand l’Église a pris la forme de la piété. Toujours vraie et toujours la joie de tous, quand l’Église était dans son état normal, soit dans les épîtres reçues des apôtres, soit dans les évangiles que Dieu nous a donnés, l’Écriture devient la vérité nécessaire quand l’Église s’est corrompue et qu’arrivent les temps fâcheux des derniers jours. N’oublions pas, si le sentiment de l’état présent des choses ne pèse pas sur nos âmes, que nous savons par les Écritures que ces temps commençaient lorsque Jean, Paul, Pierre et Jude écrivaient. Jean pouvait dire : « Nous savons que c’est la dernière heure » (1 Jean 2, 18) ; il pouvait faire entendre, au milieu des sept églises de l’Apocalypse, la voix du Seigneur avertissant l’Église qui se corrompait. Pierre pouvait nous dire que le temps était venu où le jugement devait commencer par la maison de Dieu (1 Pier. 4, 17). Jude pouvait se trouver dans la nécessité d’écrire aux saints pour insister sur la foi qui a été une fois enseignée, parce que des gens étaient entrés dans l’Église qui seront les objets du jugement de Christ au dernier jour (Jude 3, 4). Paul pouvait nous montrer le mystère d’iniquité opérant déjà et se développant jusqu’à ce que le méchant fût finalement révélé après l’apostasie (2 Thess. 2) ; il pouvait nous apprendre comment déjà tous recherchaient leurs propres intérêts et non ceux de Jésus Christ (Phil. 2, 21) ; lui qui était le sage architecte, choisi pour poser le fondement (1 Cor. 3, 9-11), lorsque le moment de son départ était arrivé, avertissait son enfant bien-aimé, comme il l’avait fait pour les anciens d’Éphèse (Actes 20), des jours fâcheux qui s’approchaient, annonçant que des hommes pervers et des séducteurs se lèveraient et iraient en empirant, l’Église elle-même ayant une forme de piété sans la puissance.

C’est alors, comme nous l’avons vu, que l’apôtre revient à ce qui est individuel, car la seconde épître à Timothée ne nous apprend rien de l’Église, si ce n’est sa chute et sa ruine ; l’homme de Dieu a donc à tenir ferme contre le mal grandissant, et les Écritures prennent la place qui leur est assignée ; nécessité qui n’était pas autant sentie lorsque tous étaient dans le courant de la puissance divine, et recevaient les soins et les directions des apôtres eux-mêmes. Mais maintenant cette nécessité des Écritures, revêtues de l’autorité divine, divinement inspirées, pleinement et divinement suffisantes pour instruire, apparaissait pour les jours d’iniquité et de séduction qui s’étaient levés.

Alors aussi, cela est évident, les mots : « sachant de qui tu les as apprises » se confondent avec les Écritures.

La Parole de Dieu, comme le Seigneur Lui-même, procède de Dieu et est adaptée à l’homme. En cela, avec la Parole vivante, elle a une place qui appartient à elle seule, et dans laquelle elle est parfaite.

Je voudrais exhorter ici le lecteur à réaliser dans sa propre âme la portée de ce que l’apôtre Jean nous dit (1 Jean 2, 24) et l’engager à insister auprès des autres sur ce passage, toutes les fois que l’occasion s’en présente : « Pour vous, que ce que vous avez entendu dès le commencement demeure en vous : si ce que vous avez entendu dès le commencement demeure en vous, vous aussi vous demeurerez dans le Fils et dans le Père », car ce passage se lie étroitement à ce que nous venons de dire. Aucune autorité n’est sûre et certaine pour le croyant, sauf celle de ce qui était « dès le commencement ». Elle seule nous garde dans le Père et dans le Fils. Il peut y avoir une « antiquité très respectable et vénérable » ; et l’esprit de respect est une qualité très importante dans le croyant là où son objet est vrai ; s’il ne l’est pas, il devient un instrument effrayant de séduction ; mais pour fondement de sa foi, le chrétien a besoin de « ce qui était dès le commencement ». C’est là l’autorité pour croire. Or, dans les Écritures, j’ai cette certitude ; j’ai la chose elle-même ; — et nulle part ailleurs. On peut prêcher la vérité et je puis en tirer profit ; mais par la Parole, ici spécialement par le Nouveau Testament, j’ai la certitude de ce qui était dès le commencement ; et je ne l’ai nulle autre part. Aucune entente mutuelle entre chrétiens ne peut me donner cela. Rome et la Grèce et l’Angleterre pourraient s’entendre, que leur accord ne me donnerait pas « ce qui était dès le commencement ». Les Écritures me le donnent. On me trouve peut-être bien présomptueux de m’élever contre une autorité aussi respectable et aussi étendue que celle du monde chrétien ; il ne s’agit pas de mon jugement, mais de la foi en ce que Paul et Jean et Pierre et le Seigneur Lui-même ont dit. Il n’y a pas de présomption en cela. Je fais ce qu’ils me disent de faire, savoir de « recevoir » et de « tenir ferme » « ce qui était dès le commencement ». Si quelqu’un allègue que ces choses sont « difficiles à comprendre », je demande si ces hommes le sont moins ? Ce qui est présomptueux, c’est d’affirmer que de tels hommes savent enseigner la vérité mieux que les apôtres et le Seigneur Lui-même qui parlaient aux foules. J’ai besoin, non pas de ce que l’Église primitive tenait pour vrai, mais de « ce qui était dès le commencement ». C’est pourquoi l’apôtre déclare : « Celui qui connaît Dieu nous écoute ; celui qui n’est pas de Dieu ne nous écoute pas : à ceci nous connaissons l’esprit de vérité et l’esprit d’erreur ».