L’attente constante du Seigneur

S. Prod’hom

Les terribles événements qui bouleversèrent (en 1915) la presque totalité des pays de la chrétienté, ont contribué à placer devant les croyants le retour très prochain du Seigneur pour enlever les saints. Grâce à Dieu, cette vérité était connue depuis longtemps ; mais, comme on l’a souvent répété dernièrement, elle demeurait à l’état de connaissance intellectuelle, sans produire tous les effets pratiques pour lesquels le Seigneur nous l’a donnée. Les croyants savaient que le Seigneur devait venir ; mais comment L’attendaient-ils ? Cette question, le Seigneur l’adresse à chacun des siens, dans les jours sérieux que nous traversons. La parole si solennelle : « Je viens bientôt » [Apoc. 22, 20], a trouvé les chrétiens dans une telle conformité au monde, que le Seigneur ne pouvait prendre à Lui Son Église sans l’avoir fait passer par un sérieux travail de purification. Le jugement de Dieu, nous est-il dit, commence par Sa maison, c’est pourquoi : « Bien-aimés, ne trouvez pas étrange le feu ardent qui est au milieu de vous, qui est venu sur vous pour votre épreuve, comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire » (1 Pier. 4, 12).

Les événements eux-mêmes, tout solennels qu’ils soient, seraient sans effet s’ils ne nous rendaient pas attentifs à la Parole, car c’est par la Parole que le Seigneur purifie et sanctifie Son Assemblée, « pour se la présenter glorieuse, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable » (Éph. 5, 25-27). La légèreté de notre cœur naturel fait que les impressions produites par les circonstances les plus émouvantes, sont passagères ; il faut, pour les rendre durables, que la Parole de Dieu intervienne ; qu’elle opère, qu’elle pénètre, comme une épée aiguë à deux tranchants, jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles, et mette à nu devant Dieu les pensées et les intentions du cœur (Héb. 4, 12). Sans cela, rien n’est produit en nous pour Christ.

À la lumière de la Parole, nous voyons clairement que l’état de tiédeur et d’indifférence pour Christ, dans lequel nous étions tombés, provient avant tout de ce que la venue du Seigneur avait cessé d’être présente à nos cœurs, et ne pouvait, par conséquent, produire ses effets dans notre vie pratique. On a dit souvent, et avec raison, que l’attente du Seigneur est, pour le chrétien, le principe sanctifiant par excellence. Dès que l’Église eut perdu de vue le retour de Christ, elle s’établit dans le monde et abandonna son caractère céleste.

L’indifférence à l’égard de la venue du Seigneur provient, naturellement, de l’indifférence à l’égard de Sa personne. Il nous faut donc rechercher le Seigneur, apprendre à Le mieux connaître ; et, pour cela, nous nourrir de Lui-même, de Son amour, par la lecture de la Parole. S’il en est ainsi, Son amour sera actif dans nos cœurs, et se reproduira dans l’obéissance dont Il sera l’objet. Le Seigneur nous a manifesté Son amour sur la croix, où Il souffrit et mourut pour nous. Nous ayant rachetés, Il s’est acquis tous les droits sur nos cœurs. Il peut nous dire : « Donne-moi ton cœur » [Prov. 23, 26]. Nous le Lui devons sans partage. Pour entretenir dans leur fraîcheur les affections des siens pour Lui, Il a placé, devant eux, la nuit qu’Il fut livré, le mémorial de Sa mort, afin que, jusqu’à Son retour, gardant le souvenir de la plénitude de Son amour, exprimée d’une manière si touchante, ils demeurassent attachés à Sa personne. Le mémorial de la mort du Seigneur n’est pas un acte isolé, indépendant de notre vie chrétienne ; il se lie à cette vie tout entière, vie d’attachement à Christ, d’obéissance à Ses commandements, de reconnaissance pour tout ce qu’Il a fait pour nous, jusqu’à ce qu’Il vienne. Lorsque les affections pour Christ baissent dans nos cœurs, toute notre vie s’en ressent, car il lui manque la puissance qui seule peut nous détacher des choses visibles. Si nous y restons attachés, comment désirerions-nous que Christ vienne nous délivrer de ces choses ? Sa venue serait alors seulement considérée comme un moyen d’être délivrés des tourments de la vie présente sans avoir à passer par la mort ; et ce désir, tous les hommes le partagent d’une manière ou de l’autre.

Le motif qui nous engage à attendre le Seigneur ne doit donc pas être seulement la pensée que les événements actuels indiquent la proximité de Son retour ; il ne doit pas être non plus le désir d’être délivré des misères de la vie. Si le Seigneur se sert des événements et des épreuves pour nous détacher d’un monde qui va être jugé, c’est pour que nous cherchions, en Lui-même, la part de nos âmes ; c’est pour attirer nos cœurs vers les choses d’en haut dont Il est le centre, vers l’objet que nous allons contempler dans la gloire, et que les choses visibles ne pourront plus nous voiler.

Les événements actuels ne sont donc pas le véritable motif que l’Esprit de Dieu donne à l’Église pour dire : « Viens, Seigneur Jésus ! » [Apoc. 22, 20]. Si nous n’avions que ce motif, et si le temps se prolongeait encore, nous dirions bientôt : « Mon maître tarde à venir » [Matt. 24, 48], et nous nous assoupirions de nouveau. Nous devons attendre le Seigneur pour les mêmes raisons pour lesquelles les croyants L’attendaient au commencement. La Parole présente toujours la venue du Seigneur au présent, et comme devant avoir lieu à bref délai. Rien ne faisait supposer au portier que son maître viendrait le lendemain, ni aux vierges que l’époux ne viendrait pas la nuit même. À Ses disciples troublés au sujet de Son départ, Jésus dit : « Si je m’en vais, et que je vous prépare une place, je reviendrai, et je vous prendrai auprès de moi » (Jean 14, 3). Il ne dit pas : « Je prendrai ceux qui vivront alors ». Quand il parle de l’enlèvement des saints (1 Thess. 4, 13-18), l’apôtre dit : « Nous, les vivants qui demeurons », non pas : « Ceux qui vivront à la venue du Seigneur ». Jacques dit aussi : « Affermissez vos cœurs, car la venue du Seigneur est proche » (chap. 5, 8). La Parole ne nous parle d’aucun événement qui doive se passer avant la venue du Seigneur, car Dieu ne veut pas que nous attendions quoi que ce soit avant ce moment-là. Par contre, l’Écriture abonde en mentions de ce genre au sujet de l’avènement glorieux de Christ qui aura lieu après l’enlèvement des saints, et quand Il les ramènera avec Lui.

Depuis le départ de Jésus, les croyants devaient s’approprier Ses paroles et celles des apôtres, à mesure que les générations se succédaient, et sans tenir compte du temps écoulé depuis qu’elles avaient été prononcées. Tel fut le cas des Thessaloniciens : leur vie tout entière était caractérisée par cette attente constante, si bien que l’apôtre termine tous les chapitres de la première épître qu’il leur adresse, par la mention de la venue du Seigneur. L’état normal du croyant de tout temps est donc d’attendre le Seigneur, chaque jour, sans avoir besoin d’événements quelconques qui signalent Sa venue. Laissés dans le monde qui a rejeté leur Seigneur, les chrétiens ont à réaliser qu’ils ne sont pas du monde, parce qu’ils sont du ciel. Leur trésor, leurs bénédictions, leur espérance, sont là ; aussi doivent-ils attendre le Seigneur qui les introduira dans le lieu de leurs bénédictions, où ils seront avec Lui, et dans la plénitude du salut qu’ils n’ont, jusqu’alors, possédé que par la foi.

Le temps qui s’est écoulé dès lors n’a pas changé la position du racheté. Que les vierges se soient endormies, que l’Église se soit établie dans le monde, cela n’infirme en rien la position céleste du croyant, ni sa vie, ni son espérance. Ce qui était vrai alors, l’est encore aujourd’hui.

En présentant Son retour sans aucun délai, le Seigneur a voulu que le cœur des siens fut en relation constante avec Lui. Dans Sa grâce, Il a voulu les réveiller jadis par le cri de « minuit », et Il condescend de nos jours à les ranimer de nouveau, par une succession de terribles événements, avant d’apparaître « à salut à ceux qui l’attendent » [Héb. 9, 28], c’est-à-dire à tous Ses élus, car ce mot est caractéristique et sert à désigner les croyants. Le Seigneur savait que nos cœurs naturels tireraient parti d’un délai quelconque, pour se soustraire à la dépendance journalière produite par l’attente de Son retour. Il savait que, si nos regards ne restaient pas attachés sur Lui, ils se porteraient vers la terre et les choses qui s’y trouvent ; c’est pourquoi Il dit : « Je viens bientôt », ou « promptement ».

Lorsque l’attente du Seigneur est réalisée, les pensées ne vont pas au-delà du présent, et quant au jour de demain sur la terre, cette venue limite notre horizon ; ce qui est au-delà appartient à Dieu seul, et nous dépendons de Lui. Mais cette attente ne convient pas à la chair : celle-ci aime à faire des projets, elle est prévoyante et ne s’en remet pas à Dieu. Avec l’attente du Seigneur, la volonté ne peut être en activité ; aussi doit-elle être brisée pour produire une vie de dépendance continuelle. La jeunesse inconvertie croit avoir une vie devant elle, et s’arrange en conséquence dans ce monde ; mais le croyant ne vit plus de la vie qui fait de tels calculs. Sa vie est une vie de dépendance selon laquelle il sert Dieu et attend Son Fils du ciel. Quand doit-il dépendre de Dieu, son Père ? Quand doit-il Le servir ? Quand doit-il attendre le Seigneur ? Aujourd’hui seulement ! Si nous considérons les choses ainsi, le temps ne nous paraîtra pas long, il n’y aura pas de place pour tant de soucis ; nous n’aurons pas le temps d’être découragés par les difficultés du service, notre responsabilité ne nous effrayera pas ; toutes ces choses sont limitées par la venue du Seigneur pouvant avoir lieu à l’instant même. Mais, dira-t-on : « Il est possible que nous soyons encore ici demain » ! Effectivement, la chose est possible ; mais ce demain sera pour nous un aujourd’hui qui se passera de la même manière. En dehors du présent, tout appartient à Dieu qui d’avance a pourvu à tout. La carrière chrétienne, quant au temps, est composée d’une succession d’aujourd’hui, en attendant l’éternité glorieuse qui sera un présent continu dans lequel il ne sera jamais dit : « Il y eut soir, et il y eut matin ». Le soir sera passé à jamais, « le matin sans nuage » [2 Sam. 23, 4] sera éternel.

Combien la vie serait simple et heureuse, si nous savions vivre comme la Parole nous l’enseigne : Servir avec la force que Dieu fournit ; traverser les épreuves avec la force qu’Il donne aujourd’hui. Les soucis se limiteraient à aujourd’hui, car : « À chaque jour suffit sa peine » (Matt. 6, 34). Il ne faut pas ajouter à la peine du jour présent celle d’un lendemain qui ne nous appartient pas. Dans cet heureux état d’âme, nous jouirions constamment de la présence du Seigneur et de Sa communion ; nos cœurs s’élèveraient à Lui pour Lui dire :


L’instant si court qui de toi nous sépare,
Grandit l’espoir en élevant nos yeux ;
Oui, le temps fuit, et l’aube se prépare :
Bientôt, Seigneur, tu reviendras des cieux !

Aussi, quelle consolation pour ceux qui sont affligés par les deuils si nombreux, en ces temps de guerres et de calamités, de pouvoir vivre dans l’attente de revoir le jour même tous les chers disparus, dans la gloire auprès du Seigneur. Combien cette pensée est propre à calmer toutes les douleurs, à dissiper toutes les craintes, à encourager tous les abattements. Dans cet heureux présent, la bienfaisante lumière de l’étoile du matin, déjà levée dans le cœur, éclaire la sombre vallée en attendant le lever effectif de cet astre à l’horizon. Une telle vie n’aurait plus de place pour la conformité au monde et présenterait un contraste absolu avec la vie du monde, vie sans Dieu, sans espérance, sans consolation, vie ayant sa part dans les choses visibles, qui sont pour un temps, mais que les hommes considèrent comme devant toujours durer, alors qu’eux-mêmes passent et ne sont plus. « Leur pensée intérieure est que leurs maisons durent à toujours, et leurs demeures de génération en génération ; ils appellent les terres de leur propre nom » (Ps. 49, 11). Mais, pour nous, « notre bourgeoisie est dans les cieux, d’où aussi nous attendons le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur, qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire, selon l’opération de ce pouvoir qu’il a de s’assujettir même toutes choses » (Phil. 3, 20-21).

« L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! » « Celui qui rend témoignage de ces choses dit : Oui, je viens bientôt. — Amen ; viens, Seigneur Jésus ! ».

« Que la grâce du Seigneur Jésus Christ soit avec tous les saints » (Apoc. 22, 17, 20, 21).