L’école de Dieu

ou
Quelques remarques sur 1 Samuel 17
J.L. Harris

[Traités pour l’édification et l’affranchissement du chrétien n° 20]
[Série de traités chrétiens n° 6]

L’Éternel enseigne mes mains pour le combat, mes doigts pour la bataille.

(Ps. 144, 1)

Un trait qui est commun à tous ceux que Dieu a formés pour Son service, c’est qu’ils ont eu affaire à Lui en secret, avant qu’ils se soient signalés aux yeux des hommes. Le caractère inverse de celui-là, c’est l’impatience de la chair, qui cherche à attirer l’attention avant que l’âme ait reçu cette discipline nécessaire. On court sans être envoyé, et l’on est ainsi forcé de s’instruire soi-même par de cruelles chutes. Si Paul est un vase choisi de Dieu pour porter Son nom, c’est qu’il est élevé à l’école de l’épreuve. « Je lui montrerai », disait Jésus, « combien il doit souffrir pour mon nom ». C’est ainsi que Dieu a des moyens, que Lui seul connaît, de préparer des âmes pour Son œuvre. Il l’a montré à l’égard de Son serviteur parfait, Son Fils bien-aimé. Il en a usé de même avec David, comme nous le lisons au premier livre de Samuel, au chapitre 17.

Le chapitre précédent nous montre David dans la plus grande obscurité ; ses frères, et même son père, ne font aucun cas de lui ; il est éloigné de sa famille, gardant les brebis ; on ne le croit pas digne d’être invité à se trouver au sacrifice.

Cependant il était l’élu du Seigneur ; dans le désert, il n’avait point été seul ni sans direction : il avait eu Dieu pour docteur ; il avait été préparé pour le ministère public par Celui qui ne juge point sur l’apparence, et qui ne regarde point à ce à quoi l’homme regarde. Il faut qu’il en soit ainsi de nous. Il faut que nous marchions avec le Seigneur, que nous vivions devant Lui. À moins que notre âme ne soit exercée sous Son regard, Il ne nous emploiera pas comme des instruments dans Son œuvre. Nous pouvons croire le contraire, mais il n’en sera rien. Dieu a toujours à dire quelque chose en secret à celui qu’Il a l’intention d’employer à un ministère quelconque. La parfaite sagesse de notre Dieu à cet égard, se montre clairement dans l’histoire de plusieurs de Ses plus éminents serviteurs. Ils paraissent à l’heure du besoin, se tenant prêts à faire ce que les circonstances demanderont. On les trouve calmes, sages et patients, lorsque tous ceux qui les entourent sont dans la crainte ou dans la perplexité. Tout ce qu’ils disent et tout ce qu’ils font nous montrent qu’ils ont été préparés pour leur œuvre.

Ces caractères qui ont vécu en secret devant le Dieu vivant, peuvent librement aller en avant à travers la confusion et la discorde où s’agitent les hommes. Ils ont appris à se tenir à la brèche devant Israël effrayé, ils savent affronter le géant philistin. Leur apprentissage a été leur vie cachée devant Celui qui est infiniment plus grand que tous : — le Dieu fort !

Tel a été David. C’est dans le désert qu’il a appris à connaître les ressources que la foi possède en Dieu, et maintenant il va devenir le champion de Dieu contre le champion des incirconcis. Il a déjà terrassé l’ours et le lion sans avoir été vu des hommes ; et le voilà maintenant qui va triompher de Goliath à la vue des armées d’Israël et des Philistins.

Quel ennemi terrible que ce Goliath pour Israël ! Matin et soir il défiait leur armée, et son défi demeurait sans réponse, car le découragement et l’effroi s’emparaient de tous. Saül avait beau ranger ses troupes en bataille (17, 19-21), « voici le champion, nommé Goliath, le Philistin de Gath, qui s’avançait hors des rangs des Philistins, et il proféra les mêmes paroles ; et David l’entendit. Et tous les hommes d’Israël, voyant l’homme, s’enfuirent de devant lui et eurent très peur » (v. 23, 24). Ceci se passait au moment où David, arrivant au camp, entendit le défi de Goliath (v. 23), et vit l’outrage fait à Israël, et son désespoir. Les « grands cris », signal du combat, avaient cessé, et tout le peuple était dans la terreur ; mais David était le seul qui fût calme et sans peur, lui, ce jeune garçon, comme on l’appelait, que ses frères méprisaient et dont ils parlaient avec légèreté dans la méchanceté de leur cœur, lui, enfin, que le Philistin dédaigna et maudit. Or, il est impossible d’apercevoir pour quelle raison David se mettait en avant pour aller combattre le Philistin, lorsque nul autre n’en avait le courage. Bien loin de discerner en lui quelque puissance d’action, ceux qui ne jugeaient que sur l’apparence, y voyaient tout le contraire. La chair voyait bien cette sorte de puissance dans « l’armée », dans « cette multitude », et dans les armes, ou même dans ce redoutable Goliath, mais pouvait-elle en voir dans ce jeune garçon, qui revenait de garder son petit troupeau de brebis dans le désert ?

Chers amis, remarquez ceci. David avait été avec le Dieu vivant dans la retraite, maintenant il voit que la gloire de l’Éternel est intéressée dans ce qui se passe. Israël regardait aux forces d’Israël, et qu’étaient-elles comparées à celles des Philistins ! Mais voici un homme qui avait la pensée de Dieu, et qui estime les ressources qui sont dans le Dieu vivant. Ce n’est pas que David eût plus de courage naturel que Saül, mais David avait de la foi ; il avait vécu, il est vrai, dans l’obscurité au milieu du désert, mais là il avait appris à être en communion avec Dieu, et maintenant le voici sortant tout fraîchement, si l’on peut dire, d’auprès de son Dieu, et jugeant aussi selon Dieu les circonstances du moment. En un mot, ce qu’il a appris dans cette intimité, David le fait servir, à cette heure, à la gloire de son Dieu. C’est là le secret de sa force et de sa victoire. Il a bien considéré l’événement, il en a bien pesé les difficultés et les dangers, mais sa foi y fait intervenir le Seigneur ; il agit dans cette conjoncture avec une sagesse et avec une puissance qui viennent d’en haut ; c’est dans cet esprit qu’il considère tout ce qui l’entoure : l’armée d’Israël est pour lui celle du Dieu vivant ; il la voit à la lumière de Celui qu’il vient de prier en secret (v. 26).

Je demande donc si ce n’est pas en ceci que se montrent nos infidélités : que nous n’avons pas conversé en secret avec le Dieu vivant. C’est cependant la chose vraiment essentielle. Estimons-nous la communion avec Dieu notre plus grand privilège ? Attachons-nous plus de prix à vivre avec Dieu qu’à vivre devant les saints et avec les saints ? Je crois que nous préférons cette dernière manière de vivre. Nous trouvons de la consolation à être entourés des saints, mais notre force est de marcher dans la communion du Dieu vivant, sachant que nous devons souffrir comme voyant Celui qui est invisible. La chair aussi recherche ce qui lui est propre, et le trouve même parmi les fidèles ; mais elle se dessèche, « elle est vraiment comme l’herbe dans la présence de Dieu ».

C’est pourquoi c’est notre sûreté aussi bien que notre joie de demeurer par la foi « dans le sanctuaire du Tout-puissant », et d’en sortir pour Son service avec la force que nous y aurons puisée. Alors nous pourrons regarder tout ennemi en face, comme David le fait à l’égard de Goliath : « Car, dit-il, qui est ce Philistin, cet incirconcis, pour outrager les troupes rangées du Dieu vivant ? ».

Mais le langage de la foi irrite la chair à l’instant même. Il en fut ainsi, lorsque Joseph racontait ses songes à ses frères. Il en est de même de David par rapport à ses frères, témoin ces paroles que lui adresse Éliab : « Je connais, moi, ton orgueil et la méchanceté de ton cœur ». Du moment que la chair découvre une puissance supérieure à la sienne, et c’est ici le cas d’Éliab par rapport à David, tout ce qu’elle peut faire, c’est de l’attribuer à l’orgueil. Or Éliab était le fils aîné, et il se présente ici dans cet état d’élévation que la chair aime et recherche toujours. C’était un homme distingué par ses avantages extérieurs, mais quelque beau que fût son visage ou sa stature, Dieu « l’avait rejeté » (chap. 16, 6, 7). L’oint du Seigneur n’était point celui que l’homme appréciait. Et que de fois il nous est donné dans l’Écriture, cet enseignement, que Dieu rejette l’aîné et choisit le cadet. Ainsi Éliab représente, comme Ismaël ou Ésaü, les titres naturels de la chair, et c’est en vertu de ces titres qu’il repousse David avec tant de mépris. Mais David parlait selon une sagesse, et par l’effet d’une puissance qu’Éliab ne connaissait pas : David parlait le langage de la foi. Le Dieu vivant, le Dieu des armées d’Israël était devant ses yeux, et c’est à cette mesure qu’il mesurait les Philistins et leur champion. Éliab n’en avait pas une semblable devant lui ; il sentait et parlait comme un homme ; aussi le langage de la foi était-il pour lui « de l’orgueil et de la méchanceté de cœur ».

C’est ainsi que la chair se trompe toujours à l’égard de la foi. « C’est de l’orgueil », réplique-t-elle aussitôt avec colère, toutes les fois qu’on parle de confiance dans le Seigneur. Cependant cette confiance n’est que de l’humilité, car quoi de plus profondément humble que de s’oublier, soi, pour faire place à Dieu ! Dans toute cette affaire, David s’oublie pour ne voir que l’Éternel et Ses armées. C’est le privilège et la vertu de la foi de mettre entièrement de côté le moi, pour que Dieu occupe seul ses regards. Nulle chair ne se glorifiera devant Lui ; que « celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur ». Voilà ce que David avait appris, et montrait dans cette occasion, mais c’est cela qu’Éliab appelle de l’orgueil. La vérité est que c’est la chair qui est orgueilleuse. J’espère que nous le sentons tous, et que nous comprenons que c’est la foi qui fait que nous nous oublions nous-mêmes, puisqu’elle reçoit toute chose comme de Dieu. Oui, chers amis, elle reçoit Dieu Lui-même comme la plus grande bénédiction qu’Il puisse donner.

« David, à son tour, dit à Éliab : Qu’ai-je fait maintenant ? N’y a-t-il pas de quoi ? ». David assurément ne se glorifiait pas lui-même. Mais n’y avait-il pas un motif qui le portât à parler de la sorte ? Oui, sans doute, il y en a toujours un dès que le nom du Dieu vivant est mis en cause. Le vrai but pour lequel nous sommes laissés dans ce monde, c’est que nous confessions le nom de Jésus devant les hommes, et mettions le nôtre de côté. Oh ! pourquoi les cœurs de tous les saints de Dieu ne s’unissent-ils pas dans cet unique but, de confesser le nom du Seigneur Jésus ?

Mais suivons David lorsque, après avoir été avec Éliab, il se trouve en présence de Saül. Quelle dignité ! Comme il se possède ! Il dit à Saül : « Que le cœur ne défaille à personne à cause de lui ! Ton serviteur ira et combattra avec ce Philistin » (v. 32). Tandis que toute l’armée d’Israël tremble, un jeune garçon est devant le roi, et lui dit : « Que le cœur ne défaille à personne ». Oui, il y a dans la foi cette possession de nous-mêmes, qui non seulement nous communique, mais encore nous rend capables de communiquer à d’autres de la consolation et de la confiance au milieu des plus grandes épreuves. La foi a des ressources qui ne sont pas atteintes par les circonstances ; c’est pourquoi, au lieu d’être accablée par l’affliction, elle est, au contraire, en état, comme le dit l’apôtre, « de consoler ceux qui sont dans quelque affliction que ce soit, par la consolation dont nous sommes nous-mêmes consolés de Dieu » (2 Cor. 1, 4). David avait déjà passé par les tribulations, et avait déjà éprouvé ce Dieu en qui il se confiait. Il savait en qui il avait cru ; il s’était vu dans le péril et il en était sorti vainqueur. C’est pourquoi il est maintenant plein de confiance. Dieu avait parlé à son âme dans le désert, et lui avait dit, à ce qu’il paraît, des choses dont personne n’avait eu connaissance jusqu’alors (v. 34-37). Oh ! chers amis, où est-ce que les saints apprennent véritablement à remporter la victoire ? Je crois que c’est là où aucun œil ne nous voit excepté celui de Dieu. Renoncer de tout cœur à soi-même, porter sa croix en secret, reconnaître dans la solitude de notre chambre, le moyen d’abattre toute imagination ou toute autre chose qui s’élève contre la connaissance de Dieu, voilà nos plus grands exploits. Le cabinet est le grand champ de bataille de la foi. Que l’ennemi s’y présente, et qu’il y soit vaincu ; alors nous pourrons demeurer fermes nous-mêmes, en consoler et en édifier d’autres aussi à l’heure du combat au-dehors. Celui qui avait déjà tué le lion et l’ours dans le désert, est le seul qui reste sans crainte devant Goliath dans la vallée d’Éla ou du chêne.

Comme cela nous découvre le vrai secret de la force de David, c’est-à-dire la vraie puissance de la foi ! À présent nous comprenons le sens de ces mots de l’apôtre : « Je suis insensé ». C’est qu’il était obligé de parler de lui, et c’était là sa folie. Son énergie dans le ministère, cette patience avec laquelle il supportait tant de choses pénibles de la part de ses frères, s’expliquent par les relations qui avaient eu lieu entre le Seigneur et son âme, et qui n’avaient pour témoins que lui et son Dieu. C’est aussi pourquoi David peut dire à Saül : « Que le cœur ne défaille à personne » à cause de cet homme.

« Et Saül dit à David : Tu n’est pas capable d’aller contre ce Philistin pour combattre avec lui ». Saül regarde David, puis Goliath, et, comme homme, il avait raison de s’exprimer ainsi qu’il venait de le faire. Mais il ne connaissait pas le secret de Dieu que David avait appris ; il ne savait pas ce que David allait dire. Si Éliab avait fait les mêmes exploits que lui, il n’en eût pas gardé le secret un seul jour ; David avait été à une autre école, à une école où il avait appris à ne pas faire grand cas de lui, mais oui bien du Dieu vivant. Il paraît, d’après le silence de l’Écriture, que David ne s’était jamais vanté de sa victoire ; mais lorsque l’occasion le demande, il se met en avant et raconte la bonté du Seigneur à son égard. L’apôtre Paul agit de même : « Je connais, dit-il, un homme en Christ, qui, il y a quatorze ans… ». Pendant quatorze ans, à ce qu’il paraît, personne n’avait jamais su qu’il eût été transporté au troisième ciel ; mais lorsqu’une occasion se présente de le publier, non pour sa propre gloire, mais pour celle de son Maître, alors il en profite. Il se passait entre le Seigneur et Paul bien d’autres choses que personne ne savait. Il en était ainsi de David. Qui est-ce qui savait ce qu’avait déjà fait ce jeune garçon ? Qui est-ce qui connaissait la victoire merveilleuse qu’il avait déjà remportée ? Savait-on qu’il avait délivré un agneau de son troupeau de la gueule du lion, et que le lion et l’ours avaient péri par ses mains ? Éliab l’ignorait, Saül aussi. Il est possible que ces faits n’eussent pas échappé à l’œil pénétrant de la foi de tel ou tel (1 Sam. 16, 18), mais c’est tout ce qu’on peut dire. Chers amis, soyez assurés que, si vous voulez être vraiment forts, il faut que votre vie soit cachée en Dieu. La raison pour laquelle nous sommes tous si faibles, c’est que nous faisons trop peu de prix de cette vie secrète devant Dieu. Nous sommes prompts à courir à l’œuvre pour être vus des hommes, mais estimons-nous la communion avec Dieu et Sa discipline invisible plus que toutes autres choses ? Soyez sûrs que, si vous ne tuez pas le lion et l’ours en secret, vous ne parviendrez jamais à terrasser Goliath en public ; il n’y aura ni efficace, ni sagesse, dans votre service extérieur.

Ceci doit nous amener à comprendre ce petit mot, « prendre sa croix chaque jour ». On peut s’imaginer que l’on prend sa croix dans quelque grande occasion ; mais ce n’est pas là porter sa croix chaque jour, renoncer à soi chaque jour, haïr et laisser sa vie dans le monde chaque jour. Dieu a toujours l’œil sur nous ; c’est notre privilège de marcher toujours devant Dieu, et nous avons ainsi, à chaque instant, l’occasion de porter la croix devant Lui, en confessant Jésus et en renonçant à nous-mêmes.

« David dit : L’Éternel qui m’a délivré de la patte du lion et de la patte de l’ours, lui me délivrera de la main de ce Philistin » (v. 37). Il savait que l’un était aussi facile à Dieu que l’autre. Quand nous sommes en communion avec Dieu, nous ne comparons pas difficulté à difficulté, car y en a-t-il pour Dieu ? La foi mesure tous les obstacles à la mesure de la puissance de Dieu, et alors la montagne devient comme une plaine. Trop souvent, chers amis, nous pensons que, dans les petites choses, nous n’avons pas absolument besoin de la toute-puissance de Dieu, et c’est alors que nous bronchons. N’avons-nous pas vu des fidèles dévoués et zélés faillir pour un rien ? La raison en est qu’ils n’avaient pas pensé à faire intervenir Dieu dans toutes leurs voies. Abraham quitta sa famille et la maison de son père, et partit à l’appel de Dieu sans savoir où il allait ; mais du moment qu’il rencontre une difficulté qui paraissait telle à sa propre sagesse et qu’il va en Égypte, que devient-il ? Il faillit à chaque instant dans de petites choses. Une fois dans une mauvaise position, celle que nous avons choisie, oh ! comme nous sommes faibles ! La foi ne connaît pas de petites choses, elle discerne si clairement notre faiblesse, qu’elle voit qu’il ne faut rien moins que le pouvoir de Dieu pour nous donner la force de vaincre en toutes circonstances. Aussi ne tient-elle pas pour indifférent le danger, car elle sait ce que nous sommes, tout comme, d’un autre côté, elle ne faiblit pas au moment du péril, parce qu’elle sait aussi ce que Dieu est. Cette juste appréciation de notre faiblesse et de notre danger donne toujours une sage mesure à la confiance de la foi.

Que paraissons-nous quand nous nous comparons à nos ennemis ? « Car notre lutte n’est pas contre le sang et la chair, mais contre les principautés, contre les autorités, contre les dominateurs de ces ténèbres, contre la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes » (Éph. 6, 12). Qu’est notre force à côté de la leur ? Que sommes-nous devant eux ? Ce qu’étaient les Israélites auprès des Anakim — « comme des sauterelles » (Nomb. 13, 34). C’est pourquoi « revêtez-vous de l’armure complète de Dieu » Ainsi la foi découvre la réalité de notre faiblesse, tandis qu’elle s’assure dans la puissance du Seigneur ; ainsi la foi sait ce qu’est la chair, quoique la chair ne se connaisse pas elle-même ; et, par conséquent, celui qui est le plus fort dans la foi, est précisément celui qui se glorifiera le moins en lui-même. « Car quand je suis faible, alors je suis fort », disait Paul.

Tel était aussi David. Il savait bien qu’il ne pouvait pas s’égaler à Goliath ; il n’agissait pas non plus dans l’orgueil de son cœur, et loin de se fier à sa propre force lorsqu’il vit le terrible géant, il se sentit, au contraire, inférieur à ce qu’Éliab, ou Saül, ou Goliath pensaient de lui. C’est cependant avec une parfaite confiance qu’il se présenta, parce qu’il était sûr de sa délivrance. C’est de la faiblesse que sortit sa force.

« Et Saül dit à David : Va, et que l’Éternel soit avec toi ». Ayant dit cela, Saül fit armer David de ses armes ; « il lui mit un casque d’airain sur la tête, et le revêtit d’une cotte de mailles ». Saül pouvait dire : « Que l’Éternel soit avec toi », mais il ne savait pas, comme David, ce que c’était que de se confier en Dieu. Il chercha à armer David de la même manière que Goliath, en le revêtant de ses propres armes charnelles. Mais celles-ci ne peuvent convenir au soldat de la foi, car, dès que David en est chargé, il sent qu’il ne peut se mouvoir ; tout devient gênant, il est embarrassé. Or, chers amis, il n’y a rien de pareil dans la foi. Dès que nous agissons en dehors de la foi, dès que nous voulons outrepasser la foi, nous sentons que c’est forcé, et nous devenons maladroits. Tandis que, lorsque c’est avec une foi simple dans le Seigneur que les saints agissent, nous les voyons marcher tranquillement, aisément, sans encombre, et on peut le dire, d’une manière victorieuse. Il est, dans le service de la foi, une heureuse liberté que ni adresse, ni effort de la chair ne sauraient donner ; et faisons attention de ne pas prendre pour la foi un pénible effort. Il y a plusieurs manières de commettre cette méprise pour imiter la foi d’autrui ; c’en est une, par exemple, que de faire des sacrifices parce qu’un autre en a fait. Tout cela n’est pas sans quelque danger. En un mot, là où est une véritable force de la part du Seigneur, on agit avec aisance et avec calme, sans vouloir d’autres expédients que ceux que l’on a appris sous la croix.

« Et David dit à Saül : Je ne puis marcher avec ces choses, car je ne l’ai jamais essayé ». Il ne craignait pas d’aller, le Seigneur étant avec lui, comme Saül l’avait dit ; mais il ne pouvait pas aller non plus avec ces armes. La foi ne se confie pas en partie en Dieu, et en partie en l’homme. David n’avait ni casque d’airain, ni cotte de mailles, lorsqu’il tua le lion et l’ours. Ainsi donc, il alla, l’Éternel seul étant sa force, et, comme il l’avait dit, « le Seigneur le délivra ». De même que Paul qui disait : « Personne n’a été avec moi, mais tous m’ont abandonné… Mais le Seigneur s’est tenu près de moi… et j’ai été délivré de la gueule du lion » (2 Tim. 4, 16, 17), de même David avait bien éprouvé que le bras du Seigneur est fidèle, mais il n’avait jamais essayé l’armure de Saül.

Combien de fois ne nous sommes-nous pas chargés et laissé charger de cet attirail sans nous apercevoir aussitôt, comme David, de son inconvénient, et sans le rejeter loin de nous ? Ne l’avons-nous pas traîné souvent avec complaisance ? Ne sommes-nous pas allés jusqu’à vouloir combattre avec cela ? N’avons-nous pas souvent agi comme si l’œuvre de Dieu avait besoin d’un pouvoir humain de telle ou telle forme, comme si ce qui était commencé par l’Esprit pouvait être achevé par la chair ? C’est pourquoi, pour comprendre notre folie et notre incrédulité, il a fallu que nous vissions toute l’étendue de notre ruine. Mais ce n’est pas ici le cas de David ; il reconnaît tout de suite que l’armure polie et travaillée de Saül ne va pas au soldat de la foi. Les paroles qu’avait dites Saül étaient bonnes, mais elles étaient démenties par la manière dont il voulait armer David ; et je crois que ceux avec qui Dieu agit beaucoup en secret, seront ici comme David, ils discerneront promptement, intuitivement, les avances faites par la chair, et les rejetteront ; ils distingueront ainsi entre la chose précieuse et la chose méprisable ; ils auront un tact spirituel, une délicatesse de sentiment (Phil. 1, 9), qui ne peut s’acquérir que dans une communion intime avec Dieu ; et si, du milieu des pièges et des ruses de l’ennemi, je ne sais quel futile objet vient à passer devant l’œil de leur foi, ils en sentiront la fausseté sans même qu’ils la voient. C’est le cas de David. Il se met à revêtir l’armure de Saül tout entière, mais au moment où Saül le croit prêt au combat, David se sent enchaîné et chargé. Les plus habiles secours du monde sont les plus sûres entraves de la foi.

« David ôta ces armes de dessus lui ». C’est ainsi que la foi se dépouille de toute arme charnelle, car toute sa force doit dépendre de Dieu. Or c’est là souvent, pour nous, la partie la plus difficile de notre leçon, celle que nous apprenons le plus lentement, et que nous oublions le plus vite. Mais si nous connaissions mieux cette vie cachée avec Christ en Dieu, nous nous débarrasserions beaucoup plus promptement de ces armes matérielles. L’âme qui, comme celle de David, a été beaucoup exercée en secret devant Dieu, sait que tout est vain, excepté la vertu de Dieu. Dès lors, elle se hâte de rejeter les choses que la chair estime tant comme aides, et se sent mise en liberté par leur absence. Combien la communion intime avec Dieu est le meilleur moyen d’apprendre à connaître la chair et à y renoncer ! Hors de là, nous avons à l’apprendre par une discipline bien dure, et après de nombreuses erreurs, et ce qu’il y a de plus difficile, c’est de nous dépouiller des choses que, par habitude ou par éducation, nous avons crues nécessaires, de nous garder de certaines manières de faire dans lesquelles on allie ensemble, comme Saül, le nom du Seigneur et l’autorité ou la sagesse de l’homme. Ces combinaisons, que l’on considère souvent comme judicieuses et utiles, sont trompeuses et pleines de danger. Comment se fait-il que nous voyions l’apôtre, pour l’amour de Christ, regarder joyeusement comme une perte toutes les choses que les hommes estiment ? Est-ce que ce n’était pas pénible pour lui ? Comment pouvait-il ainsi renoncer à ces avantages ? C’est qu’il avait appris à se réjouir en Jésus Christ, à se « fortifier dans le Seigneur et dans la puissance de sa force ».


Souvenez-vous donc, chers amis, que celui qui est beaucoup avec Dieu en particulier, ne peut pas employer des armes charnelles. Et assurément, cela devrait nous montrer l’importance de ne nous présenter pour Son service que lorsque nous venons de nous entretenir avec Lui, afin que nous soyons ainsi préparés à découvrir et à mortifier toutes les prétentions et toutes les avances de la chair ; car il est triste, en vérité, de voir un fidèle, à défaut de cette préparation, essayer de combattre au nom du Seigneur, tout revêtu qu’il est de l’armure du monde. Ainsi le monde obtient une place dans l’Église ; ses principes et sa puissance sont reconnus là même où Dieu a dit : « N’aimez pas le monde » ; « tout ce qui est dans le monde… n’est pas du Père ». « L’amitié du monde est inimitié contre Dieu » (1 Jean 2, 15, 16 ; Jacq. 4, 4).

C’est ce qu’on voit souvent pratiqué dans la controverse. On répond à un argument humain par un argument humain, au lieu de faire simplement usage de la Parole du Seigneur. Le casque et la cuirasse de Saül, au lieu de la fronde, de la pierre et du bras de la foi, voilà ce qu’on oppose à l’airain et aux mailles de la cuirasse de Goliath. Combien il arrive souvent que le Seigneur justifie Sa Parole quand elle est employée par la foi, en la faisant aller, avec une efficace divine, droit au cœur. Et que de fois Il nous humilie en nous montrant que nos plus forts raisonnements ne servent qu’à exciter l’aigreur et la discorde. Le Seigneur veuille nous rendre plus simples !

Cependant David ne s’avance pas au combat sans être armé, bien qu’il rejette l’armure de Saül. Il prit son bâton en sa main, cinq pierres lisses dans son sac de berger, et sa fronde. Ainsi armé, il s’approcha du Philistin (v. 40). Il n’avait donc fait que changer d’armure pour en prendre une autre ; mais que celle-ci est simple ! Si David, ainsi équipé, triomphe de Goliath, la victoire vient certainement du Seigneur. Une pareille armure ne fut jamais le produit de l’art ou du génie humain ; en effet, c’était le cours d’un torrent qui avait poli les cailloux. Oui, et la foi est toujours armée de cette façon, aussi son armure paraît toujours faible et insensée aux yeux des hommes. Les plus grandes victoires de Dieu ont été remportées par des instruments que l’homme a le plus méprisés. La folie de la prédication (car c’est une folie pour le monde, et le sujet en paraît insensé — Christ crucifié), l’homme la traite avec dédain ; c’est cependant « la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu ». La prédication a toujours été un aussi chétif, un aussi simple moyen que la fronde de David ; mais ce qu’il nous faut, c’est de cette simplicité en une beaucoup plus grande mesure, nous rappelant que nous avons à présenter la vérité de Dieu à la conscience des hommes. Nous avons des armes « puissantes par la vertu de Dieu » ; si seulement nous avions une foi simple pour nous confier en elles seules en rejetant celles de la sagesse, de la force et de l’autorité humaines.

« Et le Philistin s’avança, allant et s’approchant de David » (v. 41), et méprisant David et son armure, Goliath lui dit : « Suis-je un chien, moi, que tu viennes à moi avec des bâtons ? ». Souvenez-vous de ceci, chers amis, que la chair se croit toujours insultée, parce que nos armes ne sont pas celles qu’elle emploie. La chair aime à voir épée contre épée, casque contre casque ; elle n’aime que ce qui est matériel comme elle. David répondit : « Tu viens à moi avec une épée, et avec une lance, et avec un javelot ; et moi, je viens à toi au nom de l’Éternel des armées, du Dieu des troupes rangées d’Israël, que tu as outragé ». C’est ainsi que David place la question sur son véritable terrain ; comme on le voit, le différend est simplement entre le Seigneur des armées et le Philistin. David se met tout à fait hors de cause, et fait intervenir Dieu Lui-même comme antagoniste de Goliath. C’est là ce que nous devrions toujours faire. Que sommes-nous ? Quel est l’ennemi ? Qu’importe ce que nous sommes ou quelle est la force de l’ennemi ? Qu’importe que l’un soit puissant et l’autre faible ? Dieu ne défendra-t-Il pas Son nom ? David s’avance au nom du Dieu des armées ; Dieu ne sera-t-Il pas jaloux de Son nom ? Permettra-t-Il que le Philistin déshonore ce nom ? Jamais ! Telle est donc la puissance de la foi. Elle fait constamment appel à la toute-puissance de Dieu. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » voilà ce qu’elle dit sans cesse.

David, avons-nous dit, n’aurait jamais tenu ferme en ce moment, s’il n’eût appris à connaître Dieu comme son Dieu, en secret. Voilà pourquoi il pouvait dire : « Que personne ne perde courage ». Voilà pourquoi il pouvait ainsi marcher contre Goliath. Le nom du Seigneur doit être notre force contre tout le mal, soit au-dehors, soit au-dedans. Supposez ce qu’il y a de pire, le péché commis par un chrétien (car nous devons tous savoir que le péché dans un chrétien est bien pire que dans un autre homme), quel est son refuge ? Il s’écriera : « À cause de ton nom, ô Éternel ! tu me pardonneras mon iniquité ; car elle est grande ! » (Ps. 25, 11). Vous n’avez qu’à rappeler à Dieu Son grand nom, et Il sera jaloux de ce nom. Ainsi la foi peut toujours employer le nom du Seigneur comme sa force contre tout adversaire. En sorte que, bien loin qu’il y eût alors de l’orgueil dans le cœur de David, cet homme s’annulait, se faisait rien, en faisant Dieu tout. Les paroles qui, chez lui, montrent le plus de confiance, sont celles qui expriment le plus d’humilité. Et n’est-ce pas le nom de Jésus que nous devons opposer à toute tentation, à toute angoisse, à tout mal quelconque ? N’est-ce pas ce que Dieu enseigne en secret à beaucoup d’âmes, les amenant à reconnaître en elles un état de souillure et de faiblesse qu’elles avaient jusque-là ignoré, les faisant passer par une épreuve dont elles ne s’étaient jamais doutées, afin qu’elles connaissent la valeur de ce qu’elles possèdent dans la croix ? Non pas comme si elles ne possédaient pas déjà tout en Jésus Christ, mais pour leur faire sentir que c’est bien une réalité, et pour les unir étroitement entre elles. Plusieurs comprennent par expérience ce qu’est la rédemption, parce qu’il leur est donné de sentir la nécessité d’un ami tout-puissant tel qu’est notre Dieu. Dieu enseigne maintenant de cette secrète manière à bien des âmes la valeur de la croix. Et pourquoi ? Afin qu’elles puissent être fortes à l’heure du combat.

Cette vie cachée avec Dieu nous fera toujours agir d’une manière agressive, si je puis m’exprimer ainsi, telle qu’on la voit dans David. Il dit : « En ce jour, l’Éternel te livrera en ma main ; et je te frapperai, et j’ôterai ta tête de dessus toi… et toute la terre saura qu’il y a un Dieu pour Israël… Et comme le Philistin se levait et s’avançait, et s’approchait à la rencontre de David, David se hâta et courut vers la ligne de bataille, à la rencontre du Philistin » (v. 46, 48). Sans s’arrêter, ni hésiter, David employa à l’instant même ses simples armes, et terrassa son ennemi (v. 49). « Et David, avec une fronde et une pierre, fut plus fort que le Philistin, et frappa le Philistin et le tua ; et David n’avait pas d’épée en sa main » (v. 50, 51).

Ainsi donc David n’attendit pas simplement d’être attaqué, mais il se hâta et courut pour combattre le Philistin. Nous confessons le nom du Seigneur avec plus de puissance lorsque nous avons appris de Lui la valeur de ce nom. Alors la grâce et la sagesse nous sont souvent données, même pour prendre l’offensive contre le mal. Mais sûrement nous avons appris combien il faut de grâce, combien il faut posséder la pensée de Christ pour protester, témoigner contre le mal. Combien, à cet égard, nous manquons, faute d’avoir cultivé davantage la communion avec Dieu ! Remarquez avec quelle sagesse, avec quel calme, quoique avec promptitude, David prit la pierre. Point d’effort, il fit cela comme s’il l’eût fait seul dans le désert sans qu’aucun œil le vît, excepté celui de Dieu. Et le Seigneur dirigea cette pierre de la même manière qu’Il avait conduit le bras qui avait vaincu le lion et l’ours. Ainsi David fut le plus fort, et c’est ainsi que la foi est toujours victorieuse.

Je crois le moment actuel très opportun pour ce même déploiement de foi ; mais la force pour cela, je le répète, nous devons la chercher dans une vie secrète en la présence de Dieu. Alors, quoi que ce soit que notre main trouve à faire, nous pourrons l’accomplir dans la vertu de Dieu. Quand un chrétien est abondamment béni du Seigneur en public, nous pouvons être sûrs que Dieu a agi avec lui en secret, d’une façon à laquelle nous n’avions pas pensé. Mais combien souvent, après qu’un chrétien a été employé à Son service d’une manière distinguée, ne le voyons-nous pas faillir même dans les plus petites choses. Cela vient de l’oubli du précepte : « Prie ton Père qui demeure dans le secret ; et ton Père qui voit dans le secret, te récompensera ».