L’expérience chrétienne dans la tribulation

Deux lettres

I

Paris, 26 août 1872

… Dieu soit béni, je puis rendre grâces à Dieu pour la dispensation dans laquelle Il a trouvé bon de me placer, je n’en doute nullement, dans Son tendre amour et Sa riche miséricorde. Je m’en remets pleinement, absolument, et du fond du cœur, à Sa sagesse parfaite, et à Sa merveilleuse grâce, pour l’issue qu’il Lui plaira de donner au mal. Je ne parle pas quant à mon délogement, dont la perspective prochaine n’est pour moi que ce qu’il y a de « beaucoup meilleur » [Phil. 1, 23], puisque être « absent du corps », c’est être « présent avec le Seigneur » [2 Cor. 5, 8], mais je parle des souffrances qui peut-être doivent précéder, pour la destruction de l’homme extérieur. Jusqu’ici, la souffrance n’est pas trop grande, et tous les dimanches je puis encore, béni soit Son nom, prendre part à la fraction du pain ; seulement, dire un mot, ou faire le plus petit mouvement de la bouche pour manger (sauf pour la nourriture qui n’a pas besoin d’être mâchée) me cause assez de douleur ; mais, je le répète, tout va bien ; je me sens entre les mains d’un tendre Père, l’objet de la merveilleuse grâce de Christ, et je fais le reste du chemin, heureux et en parfait repos. Que, dans leur bonne affection chrétienne, les frères qui veulent bien penser à moi, Lui demandent de me soutenir de Sa force, moi qui n’en ai aucune, afin que je puisse Le glorifier aux jours de la maladie, mieux que je n’ai su le faire en ceux de la santé. Et puis tout cela est si peu de chose, si court (je veux dire la maladie, la souffrance), tandis que c’est un poids éternel de félicité et de gloire [2 Cor. 4, 17] que nous avons devant nous, et, par-dessus tout, voir Jésus tel qu’Il est, et être pour toujours avec Lui !

Mais il faut que je vous quitte, bien-aimé frère. Dans le ciel, nous ne nous quitterons plus. Mes cordiales affections à tous les chers frères. Tout à vous en Lui.

A.B.

II

J’ai été, en effet, serré de près, mais la bonté de Dieu demeure à toujours. Nous sommes bien heureux d’avoir affaire avec Lui-même. Il y a un grand gain à pouvoir comprendre un peu ce que Dieu nous veut dans la tribulation, mais l’intelligence de cela produit nécessairement une forte lutte. La chair tient à sa conservation. Si nous comprenons un peu ce que Dieu nous veut, la lutte est plus forte, parce qu’elle a lieu plus tôt et en moins de temps ; si nous ne le comprenons pas, elle sera plus longue et plus éprouvante. Mais aussi, le fruit paisible de la justice [Héb. 12, 11] ne tarde pas à se faire sentir. Avant que cela ait lieu, il faut que nous expérimentions en nous-mêmes la valeur de la souffrance. Dieu nous fait passer par ces épreuves pour que nous les sentions, sans pitié pour la chair. « La mort est un gain » [Phil. 1, 21] ; il n’est pas dit : « La mort est agréable ». Mais alors, quel bonheur d’éprouver, en traversant la souffrance, que Dieu, et tout ce que Son cœur contient, est là avec nous. Mais en même temps, Il veille à ce que la souffrance produise tout l’effet voulu de Lui. Je pense bien que Shadrac, Méshac et Abed-Nego ont éprouvé l’horreur d’être en contact avec le feu, en approchant de la bouche de la fournaise ; de plus, ils étaient liés et ne pouvaient échapper. Mais, une fois dans la fournaise, ils ont trouvé le Seigneur pour compagnon, et le feu n’a eu d’autre effet sur eux que de brûler leurs liens, en sorte que, encore dans la fournaise, ils pouvaient marcher avec Dieu, entièrement déliés. Voilà ce qu’il nous faut, ce à quoi Dieu travaille en nous. Fions-nous à Lui !

Vivre, comme étant du ciel, est ce dont j’ai besoin. Il me faut des réalités, j’en ai fini avec les figures, et ce monde en est une qui passe [1 Cor. 7, 31]. Trouver le ciel au bout de la course, comme un lieu connu et dans lequel, en chemin, nos cœurs se sont souvent promenés, voilà qui est précieux ! Christ glorieux, comme point de départ, et comme but à atteindre, c’est en cela que gît la puissance de notre marche.

De la part du Père, le but même de la correction est de nous rendre participants de Sa sainteté. Il n’est pas dit : de la sainteté ; nous l’avons déjà ; mais Dieu, notre Père, veut nous rendre participants pratiquement de ce qui Le rend heureux, Lui-même, Sa sainteté. Pour atteindre ce but, Dieu doit trancher, renverser, brûler les entraves en nous et autour de nous ; mais, quand je regarde au résultat, je dis : Je me glorifie dans la tribulation [Rom. 5, 3] !

Votre frère,

X.