Je crois avoir dit souvent que, dans ma longue carrière, où j’avais entendu bien des méditations sur le psaume 23, je n’avais jamais assisté à une simple répétition des vérités qui y sont contenues, et que, pour mon compte, j’y avais toujours puisé et communiqué des vérités nouvelles. Ce fait n’a rien d’étonnant, si l’on se souvient que ce court psaume embrasse, dans ses six versets, tout l’intervalle qui s’étend pour le croyant entre sa conversion, c’est-à-dire la connaissance de l’œuvre de Christ à la croix, au psaume 22, et son entrée dans la gloire, au psaume 24. Nous y trouvons, en un mot, toute la carrière d’un racheté, dans ses phases diverses, jusqu’au jour où cette carrière sera terminée.
Mais, en outre, chose infiniment précieuse, à la connaissance de notre marche au milieu des difficultés qui se présentent, ce psaume ajoute la connaissance de la marche de Christ. Comment la brebis connaîtrait-elle son chemin, si le Berger n’y avait pourvu en en prenant connaissance avant elle, sachant vers quels pâturages ce chemin conduit, et quels sont les dangers qu’il s’agit d’éviter pour y arriver ? Quant à ces dangers, il va sans dire que le Berger les évite toujours pour Lui-même ; sinon, comment pourrait-Il être un guide pour que Ses brebis n’y entrent pas ? Son œil a suffi pour les mesurer et les éviter. Il n’a pas eu besoin de goûter Lui-même à une pâture dangereuse, pour en préserver Son troupeau. Il ne s’est jamais servi du bâton et de la houlette pour diriger Sa propre marche ; Il les emploie entièrement pour maintenir Ses brebis dans le droit chemin quand elles pourraient s’en égarer.
Quand donc la brebis court un danger, le Berger a soin de l’attacher de nouveau à Ses pas ; mais ce ne sont pas proprement les errements d’une brebis que nous trouvons ici. Nous y avons le portrait d’une brebis modèle, telle que le Berger la veut et l’aime, d’une brebis dont le point de départ est au pied de la croix et qui n’a plus besoin d’être enseignée à ce sujet. Elle dit : « L’Éternel est mon berger ; je ne manquerai de rien ». Mais, au cas où elle aurait oublié cet enseignement, car rien n’est moins intelligent qu’une brebis, elle rappelle ce qu’un de ces versets lui a enseigné et nous enseigne : « Ta houlette et ton bâton, ce sont eux qui me consolent ». Le Berger, avons-nous dit, n’a nul besoin de ces instruments pour Lui-même, mais Il a assumé la responsabilité d’amener Ses brebis au terme du voyage, et ces armes, dans Sa main, sont nécessaires pour atteindre Son but. En outre, il est consolant pour la brebis de Le savoir en possession de ces objets, car Il n’a pas un bâton pour frapper, ni une houlette pour blesser Ses brebis. C’est pourquoi dit-elle : « Ta houlette et ton bâton, ce sont eux qui me consolent ». La houlette est composée d’un long manche terminé à l’extrémité par une plaque de fer, en forme de gouttière, servant à lancer des mottes de terre au-delà des brebis qui s’écartent, afin de les faire revenir sur leurs pas. Elle donne des avertissements ; et quelle est la brebis qui, dans la conscience de son inintelligence, ne les priserait pas ? Le bâton est plus encore que cela. La brebis, étant ramenée, a perdu le désir de s’échapper de nouveau. Le bâton du Berger la presse contre Lui-même, lui donne le sentiment qu’elle est aimée et surveillée, que son guide trouve de la joie à la garder près de Lui !
Mais permets, cher lecteur, qu’en présence des richesses dont ce psaume est rempli, j’erre un peu, d’un verset à l’autre, sans autre but que de te faire partager les joies qu’ils m’apportent. Dis-tu, comme moi : « Je ne manquerai de rien » ? Comment ! je pourrais traverser un monde où tout trompe, où tout me manque, sans un regret, sans un désir, sans une désillusion, sans un remords, sans un autre sentiment que celui de mon absolue faiblesse, mais de la puissance absolue du Berger qui me conduit ? S’il en est ainsi, ne devrai-je pas m’écrier : « Je ne manquerai de rien » ?
Permets-moi encore, cher lecteur, de te signaler ici, si tu ne les connais pas, les divers caractères que le monde revêt pour le croyant dans ce psaume. Il y en a quatre, et il ne peut pas y en avoir un seul de plus.
Le monde est pour le chrétien, vraiment chrétien, d’abord un désert, puis le lieu où le péché règne, ensuite le pays du deuil, enfin le domaine de nos ennemis acharnés.
Avant d’aborder ces sujets, je voudrais faire remarquer que, pour les hommes inconvertis, et même pour ceux qui ne portent que la livrée du christianisme, le spectacle du monde est tout autre et, à coup sûr, infiniment plus varié que celui-là. Et cependant, comme la Parole de Dieu nous le dit, son infinie diversité se résume en ceci : « Tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie, n’est pas du Père, mais est du monde ». C’est la vérité même, seulement toutes ces choses infiniment variées, Dieu seul peut les résumer ainsi ; elles s’en vont, et il n’en reste rien que le jugement.
Voyons maintenant quels sont les sentiments de la brebis du bon Berger en présence des quatre caractères du monde dont nous avons parlé plus haut. Mais remarquons auparavant que l’on trouve dans ce court psaume un accord des plus intimes entre la brebis et le Berger. La Parole ne nous décrit pas, comme elle le fait tant de fois dans l’histoire des brebis du Seigneur, la manière dont elles ont été entraînées à faire un faux pas, et les tristes conséquences d’avoir suivi leurs propres pensées. Au contraire, elle nous montre le Berger et la brebis marchant dans le même sentier, choisi par Lui, le Berger, dans Sa sollicitude pour la brebis. Cette dernière estime le Berger à sa vraie valeur, L’appelant mon berger, car c’est à elle que le Berger laisse la parole pour l’exprimer. Elle sent et sait qu’elle est tout pour Lui ; elle exprime à son tour qu’Il est tout pour elle. Il y a plein accord d’affection entre Celui qui conduit et celle qui est conduite. Elle dit : « Je ne manquerai de rien ».
Ah ! dites-le-moi, verrons-nous jamais ici-bas un moment pareil, celui où le Berger est tout pour Sa brebis ? Que nous soyons tout pour Lui, ne l’a-t-Il pas prouvé quand Il a dit : « Je suis le bon berger ; le bon berger met sa vie pour ses brebis » ? Mais, qu’Il soit tout pour nous ? Il a certes encore beaucoup d’autres fonctions que celle de berger. « Sur sa tête, il y a plusieurs diadèmes ». N’est-Il pas Roi, intercesseur, souverain Sacrificateur, représentant du Père ? Néanmoins, Il se sacrifie divinement et tout entier à ces diverses fonctions, aussi bien qu’à celle de berger. Mais, je le demande, pour nous, Ses brebis, n’y a-t-il qu’un objet unique, nécessaire, indispensable, qui prime et domine tous les autres ; ce que Lui, le Berger, est pour nous ? Puissions-nous le réaliser chaque jour davantage, avant d’être arrivés au bout de notre course !
Le désert
« Il me fait reposer dans de verts pâturages, il me mène à des eaux paisibles ». Il y a, pour le croyant, deux manières d’envisager le désert. Nous assistons à la première lorsque David, au psaume 63, était dans le « désert de Juda ». Le désert est un lieu désolé, sans eau et sans nourriture : « Mon âme a soif de toi, dit-il, ma chair languit après toi, dans une terre aride et altérée, sans eau » (v. 1). Cette vue, cette aridité, cette désolation, dont le roi-prophète a l’expérience, comme un croyant seul peut l’avoir, le pousse à demander : Quand je meurs de faim et de soif, Dieu ne me montrerait-Il pas Sa force et Sa gloire, telles que je les ai connues dans le passé ? La réponse ne se fait pas attendre. « Ces choses, tu les as connues autrefois », lui dit l’Éternel. « Elles te sont désormais retirées ; tu les verras au jour de ma gloire et de ma puissance », mais je te donne mieux que cela ; je te donne ma bonté, terme employé d’habitude dans l’Ancien Testament pour désigner ce que le mot amour désigne pour nous dans le Nouveau. L’amour dépasse mille milliers de fois tout ce que tu te croirais en droit d’attendre ici-bas ! Moïse n’a-t-il pas fait la même expérience quand il dit à Dieu : « Fais-moi voir, je te prie, ta gloire », et que Dieu répondit : « Je ferai passer toute ma bonté devant ta face » (Ex. 33, 19) ?
La seconde manière d’envisager le désert, c’est de voir comment le bon Berger a pourvu, pour Ses brebis, à toutes les déceptions de ce triste lieu, à toutes ses souffrances, au vide, à la soif, au manque de nourriture, à toutes les horreurs de cette solitude, sans même qu’il en soit fait mention dans notre psaume. Tout cela, et bien plus encore, s’est évanoui à jamais. La brebis a trouvé une nourriture exquise dans de verts pâturages, ainsi que le repos nécessaire pour en jouir. Oh ! se nourrir de l’amour, de l’amour descendu des cieux ici-bas, de l’amour ayant pris sur lui toutes les horreurs du jugement qui pesait sur nous, pour l’abolir à jamais, en sorte qu’il n’en reste rien désormais ; de l’amour qui nous mène à des eaux paisibles, qui nous donne, par l’Esprit, les arrhes de la gloire céleste, et, par lui aussi, une joie actuelle, remplie de paix, débordante de bénédictions, témoignage assuré du salut et de la gloire ! — Cette insigne faveur est-elle la tienne, cher lecteur ? Possèdes-tu, plus même que David au psaume 63, ou que Moïse dans l’Exode, la jouissance délicieuse, appartenant à cette humble et simple brebis qui ne connaît que les ressources de son berger ?
Le lieu où le péché règne
« Il restaure mon âme ; il me conduit dans des sentiers de justice, à cause de son nom ».
La brebis peut-elle éviter d’être en contact, ici-bas, avec le péché et ses diverses tentations ? Peut-elle être mise à l’abri du mal, en sorte qu’il ne la touche pas ? La Parole nous dit qu’elle doit en être préservée, et la chose est absolument certaine : « Afin que vous soyez purs et que vous ne bronchiez pas jusqu’au jour de Christ », dit un apôtre (Phil. 1, 10) ; « Je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez pas », dit un autre (1 Jean 2, 1). Le croyant n’a donc aucune nécessité de pécher. Mais en est-il habituellement, en est-il jamais ainsi ? Non, la brebis en fait la triste et humiliante expérience. Elle doit dire, comme dans un de nos cantiques :
Ah ! s’il est vrai que mes pieds ont laissé Mille faux pas, empreints sur la poussière…
Mais remarquez qu’elle ne parle pas ainsi à son berger. Ce qui la préoccupe est moins l’origine de sa faute et les convoitises qui l’ont produite, que la manière dont le Berger s’y est pris pour la restaurer : « Il restaure mon âme ». Lui n’a jamais eu besoin d’être restauré, dans ce sens. Toute Sa sollicitude se déploie à panser, à soigner, puis à guérir l’âme de Sa brebis qui, sans cela, perdrait courage ou s’égarerait encore plus. Ainsi, elle se jette dans les bras du Berger. Elle a appris, même par ses nombreux manquements, à mesurer les ressources qui sont en Lui pour un pauvre être faillible comme elle. Cette expérience bénie la pousse à indiquer, à toutes les brebis, le Berger comme le seul capable de restaurer une âme.
Mais la brebis ne s’arrête pas là. Ce n’est pas tout qu’une âme restaurée ; il faut que l’expérience traversée la préserve de s’égarer de nouveau. Elle trouve dans le Berger le seul qui puisse élever une barrière entre elle et le péché : « Il me conduit dans des sentiers de justice, à cause de son nom ». Il se doit cela à Lui-même, car Il a marqué Son saint nom sur la brebis qui Lui appartient. Il ne peut vouloir, ni permettre, que la créature dont Il a pris la responsabilité aille s’égarer ou se perdre de nouveau. Lui connaît parfaitement les sentiers où pas une seule tentation ne peut atteindre la brebis. Ces sentiers ont un nom ; ce sont des sentiers de justice. Selon le style de l’Ancien Testament, ce sont des chemins où le péché n’entre pas, ni ne peut entrer. Le Berger ne connaît que ceux-là, ne suit que ceux-là, n’en suit aucun autre. « Comme Celui qui vous a appelés est saint, vous aussi, soyez saints dans toute votre conduite » (1 Pier. 1, 15-16).
Le pays du deuil
« Même quand je marcherais par la vallée de l’ombre de la mort, je ne craindrai aucun mal ; car tu es avec moi : ta houlette et ton bâton, ce sont eux qui me consolent ».
Qui d’entre nous, cher lecteur, n’a pas marché par cette vallée-là ? Partout nous voyons inscrit ce mot terrible : la mort. Les hommes ne peuvent l’entendre sans frémir ; il a poursuivi toute l’humanité dès le jour du péché d’Adam. L’homme naturel s’accommode très facilement du péché ; jamais on ne voit qu’il s’en effraye. Il n’en est pas de même de la mort. Certains hommes, le cas est rare, semblent s’être fait une cuirasse d’oubli pour la braver ou, tout au moins, pour lui montrer leur indifférence ; mais quand il nous est donné de sonder ce que cache dans le cœur des autres cette insensibilité apparente, nous sommes effrayés nous-mêmes de ce que nous y découvrons. La mort, sort inévitable auquel nul n’échappe, qui nous atteint inopinément et arrive à son heure, que nul ne peut retarder d’une minute, qui plonge l’homme dans le noir mystère d’un au-delà inconnu, et dont le Seigneur seul peut tirer le voile, ne fût-ce qu’un instant ; oui, la mort jette son ombre tragique sur le monde entier, sur toute la création, sur toute la vie humaine. Rappelez-vous le mot : « Et il mourut » de Genèse 5. Pensez à toutes les suites de la mort : jugement, séparation éternelle de Dieu !
Mais ici, la sombre vallée n’est pas même la mort. Elle est la vallée sur laquelle la mort jette son ombre, vallée se rapprochant beaucoup de celle de Baca, au psaume 84, vallée où l’on pleure. Entré dans cette vallée, Jésus Lui-même y pleura (Jean 11, 35) en considérant le sort fatal de l’homme, que Lui seul avait le pouvoir d’écarter, mais qui remplissait Ses amis de deuil et de tristesse. Oui, c’est la vallée de l’ombre de la mort, une vallée profonde, s’étendant à perte de vue, couverte d’un brouillard épais et noir qui intercepte tous les rayons du jour. On n’y voit pas, et il s’agit pourtant d’y marcher. Quel danger imprévu va nous y assaillir ; quel abîme va s’ouvrir subitement sous nos pas ? L’appréhension est peut-être plus terrible encore que la réalité. On peut fuir devant les dangers qu’on voit, mais non devant ceux qu’on ne voit pas et qui nous guettent. Écoutons ce que dit la brebis : « Je ne craindrai aucun mal ». Le grand point ici, c’est la crainte du mal, quel qu’il soit. La brebis a même plus à souffrir de la crainte de l’inconnu que du mal lui-même. Elle s’avance, ne sachant rien, ne voulant, ne pouvant rien savoir. Une chose lui suffit : « Tu es avec moi ». Les expériences qu’elle a faites jusqu’ici ont décuplé sa confiance. Désormais, elle Le connaît, Lui. Elle ne parle plus de Lui à la troisième personne, mais à la seconde. Toi, Lui dit-elle. Il y a, chez elle, croissance dans l’intimité. Elle éprouve même plus de joie de cette intimité, que de parler de Lui à d’autres. C’est à Lui qu’elle parle de Lui-même. « Tu es avec moi ». Pourquoi y es-tu ? Pourquoi y marches-tu ? Non pas pour toi, mais pour moi ; pour m’y accompagner, m’y diriger, m’y protéger, m’y défendre. Jusqu’au bout de la sombre vallée, tu ne m’abandonneras pas un seul instant. Tu as, entre tes mains, les instruments indispensables pour ramener une brebis qui s’égare et pour tenir collée à toi, dans une confiance inaltérable, celle que tu as ramenée. Puisque tu es là avec moi, qu’ai-je à craindre ? Marie et Marthe, tes brebis d’autrefois, n’ont-elles pas traversé cette vallée ? N’ont-elles pas, tout du long, constaté ta présence ? Elles ne voyaient rien alors, sinon que tu t’occupais d’elles. Ont-elles rencontré la mort ; ont-elles fait un faux pas ? Elles sont arrivées au bout de la vallée de l’ombre de la mort, dans le jour éclatant de la résurrection de Lazare !
Le domaine de nos ennemis acharnés
« Tu dresses devant moi une table, en la présence de mes ennemis ; tu as oint ma tête d’huile, ma coupe est comble ».
Quel contraste ce verset nous révèle entre les sentiments du monde envers les brebis du bon Berger, et l’état moral de ces dernières devant l’hostilité et la haine de leurs adversaires ! N’est-ce pas un des caractères les plus accentués du monde que son inimitié contre les enfants de Dieu ? Cette inimitié peut se manifester à divers degrés, soit suivant le caractère plus ou moins agressif des ennemis eux-mêmes, soit, et cela bien plus souvent, suivant le caractère plus ou moins mondain de ceux qui professent être des brebis du Seigneur. Mais n’oublions pas ce que nous avons déjà dit, que nous avons dans ce psaume la brebis modèle qui apprécie en plein les vertus de son berger. Elle n’a pas plus d’idée de s’accommoder au monde et de lui tendre la main, qu’elle n’en avait, au verset 2, de chercher quelque satisfaction dans le désert. En considérant le monde sous l’aspect de ses relations avec Dieu, elle constate qu’il est totalement étranger à ces relations, et elle ne voit pas autre chose chez lui que son inimitié. Qu’il soit ennemi de Christ, ne l’a-t-il pas prouvé en Le clouant à une croix, sans même Lui permettre de poser Ses pieds sur ce sol qui deviendra Son royaume après le jugement de Ses ennemis ?
Mais la brebis fidèle, comment envisage-t-elle le monde ? Peut-elle appeler ses amis ceux qui ont crucifié son Sauveur ? Ont-ils pour elle un autre caractère que celui qu’ils ont déployé envers Christ ? Non, elle préférera des milliers de fois être du côté de son Berger que du leur !
Il est remarquable que ce caractère du monde soit mentionné par la brebis, tout à la fin de sa course. Il faut souvent au chrétien de longues expériences pour comprendre que, malgré toutes les apparences, le monde n’a jamais été que l’ennemi juré de Christ et du vrai chrétien. Jamais cette inimitié n’a changé de caractère, pour qui la voit dans sa nudité, et non pas ornée des vêtements d’emprunt dont le monde la recouvre. Il suffit de prendre, comme chrétien, une franche attitude vis-à-vis du monde, pour s’en apercevoir aussitôt. Tant que le chrétien croit à l’amélioration du monde, il trouve partout la bienvenue et des mains sympathiques qui lui sont tendues. Du moment qu’il proclame que toutes les soi-disantes améliorations de l’homme ne sont qu’un voile trompeur jeté sur un état incurable, il devient l’objet de l’animadversion du monde, et particulièrement de ce qu’on appelle le monde chrétien. Il est enfin traité avec mépris, ce qui est une des formes ultimes de la haine.
Mais le Seigneur ne se laisse pas sans témoignage. La haine, pas plus que les convoitises, ne peut nourrir l’âme des hommes. Le Berger donne à Sa brebis une place privilégiée : « Tu dresses devant moi une table, en la présence de mes ennemis ». Tu me donnes une abondante nourriture, une nourriture de choix, à la vue de ceux qui me haïssent. Leur châtiment est d’assister à tout ce déploiement de richesses qui constitue la part des chrétiens, et dont le monde ne possède pas même la moindre bribe. Et ce qu’il y a de plus humiliant pour ces ennemis, c’est de ne pouvoir ni assiéger, ni renverser, ni briser cette table ; c’est d’être obligés d’assister au spectacle d’êtres parfaitement paisibles, parfaitement heureux, réalisant pleinement ce qui est dit au premier verset : « Je ne manquerai de rien ». Toute l’animosité du monde ne fera pas perdre à la brebis la moindre parcelle du repas que le Berger lui a servi. Des jouissances analogues appartiennent aussi au temps présent. La table du Seigneur est encore dressée aujourd’hui pour Ses brebis, et elles y apprennent de plus en plus que rien ne Lui est comparable.
Mais, avant de s’asseoir à cette table du festin, la brebis peut dire : « Tu as oint ma tête d’huile ». Pour s’y asseoir, les convives étaient oints d’huile précieuse. Une telle pratique est la déclaration publique que la brebis est mise à part pour le Berger, qu’elle Lui est consacrée, qu’elle Lui appartient en propre. Cet acte est, en outre, le signe d’une dignité particulière conférée à la brebis. Nous voyons dans la Parole qu’une telle onction signifie habituellement le don du Saint Esprit, don qui n’est octroyé qu’en vertu d’une satisfaction publique et d’une dignité particulière conférée à la brebis. Par le Saint Esprit, donné au croyant, celui-ci est capable de jouir des choses célestes. Il en est de même pour nous, chrétiens. Pour goûter ces biens et en faire part, il nous faut l’onction du Saint Esprit, sans laquelle toute jouissance personnelle ou communiquée à d’autres serait non avenue.
Ce n’est pas tout ; il faut encore une coupe comble, une débordante mesure, une joie intime, pour rendre cette communication plus efficace et pour moi et pour d’autres : « Des fleuves d’eau vive couleront de son ventre ». Quel bonheur qu’il en soit ainsi, et que la pleine satisfaction de l’âme puisse encore se communiquer à d’autres ! Ne peut-on pas dire que cette « coupe comble » termine glorieusement la mention de tous les privilèges dont ce psaume est rempli ? Quel breuvage de joie pourrait-on encore ajouter à celui dont la coupe est comble ? N’est-elle pas l’expression de la pleine satisfaction que donne au cœur de la brebis le souvenir de la longue course parcourue sous l’égide du bon Berger, au moment où, comme nous allons le voir, elle peut s’écrier avec chant de triomphe : Le but est atteint !
« Oui, la bonté et la gratuité me suivront tous les jours de ma vie, et mon habitation sera dans la maison de l’Éternel pour de longs jours » (v. 6).
Après le tableau délicieux de ce psaume, la brebis ne peut-elle pas s’écrier : L’amour (exprimé dans l’Ancien Testament par ce mot : la bonté) et la gratuité dont je suis l’exemple dans ma course ici-bas, me suivront tous les jours de ma vie, sans qu’il y ait un seul jour où l’on ne puisse voir en moi ce que sont ces qualités divines, à la gloire du Berger qui me conduit. Quand le dernier jour de ma vie ici-bas aura lui, mon habitation sera dans la maison de l’Éternel aussi longtemps qu’il y aura des jours pour éclairer le monde. N’oublions pas que ces bénédictions sont ici la part des croyants de l’ancienne alliance, qui ont leur part sur la terre et non pas, comme nous, dans la lumière du jour éternel !