La communion

H. Rossier

Qu’est-ce, pour le chrétien, que la communion ? C’est, tout d’abord, une part commune « avec le Père et avec Son Fils Jésus Christ », fruit de notre association avec eux (1 Jean 1, 3).

Ainsi Christ nous a révélé le Père, afin que nous ayons part avec Lui, le Fils, à l’amour du Père, comme Ses enfants bien-aimés ; le Père nous a révélé Son Fils, et, par Son sacrifice, nous a donné part avec Lui, le Père, dans l’objet de Ses délices, et nous associe avec Christ dans tous les résultats de Son œuvre.

Mais, avoir part et association avec Christ n’est qu’un côté de la communion. Cette part, tous les croyants, qu’ils la connaissent ou non, la possèdent. Ils sont associés à Christ, dans toutes Ses relations avec Dieu : comme Fils de Dieu, né dans ce monde (selon le psaume 2, 7), comme héritier, comme roi, comme sacrificateur, comme homme ressuscité et assis à la droite de Dieu — ils sont tous élus en Lui, pour être saints et irréprochables devant Dieu, en amour ; tous sont morts, crucifiés, ensevelis, vivifiés, ressuscités avec Lui, tous, en Lui, sont justifiés, adoptés, agréables à Dieu, assis dans les lieux célestes, unis en un seul corps avec Lui ; tous sont nommés Ses frères, Son Épouse.

Quoiqu’il soit profondément triste de ne pas connaître ces choses, et que les chrétiens soient infiniment coupables de les ignorer, elles sont la part de tous les rachetés, qu’ils le sachent ou non.

Mais la communion va beaucoup plus loin que cette part et cette association. Elle est une communauté de pensées, d’affections, elle est un même cœur, un même sentiment pour les mêmes objets. Elle est, en un mot, la jouissance en commun de la personne ou de l’œuvre à laquelle on a part.

Cette communion est pour nous la source d’une joie accomplie (1 Jean 1, 4), d’une joie à laquelle il ne manque rien et qui est à la portée de tous les croyants. Nous nous réjouissons avec le Père et le Fils de leurs pensées à l’égard l’un de l’autre, de toutes les perfections qu’ils trouvent l’un dans l’autre, et de leurs pensées à notre égard. On trouve l’expression de la communion entre le Père et le Fils dans le chapitre 17 de Jean. Là nous apprenons que tout ce qui est au Père est au Fils, que tout ce qui est au Fils est au Père, que le Père et le Fils sont un, le Père en Lui, et Lui dans le Père — mais, en même temps, chose merveilleuse, que Jésus associe Ses disciples avec Lui dans cette communion, afin, dit-Il, « qu’eux aussi soient un en nous, moi en eux, toi en moi, afin qu’ils soient consommés en un » — sanctifiés comme Lui, envoyés comme Lui dans le monde, séparés du monde comme Lui, aimés comme Lui, partageant Sa propre gloire — en un mot, objets des délices du Père et du Fils, objets de toute l’activité de leur amour.

L’amour est, en effet, l’expression la plus élevée de la communion : il y a réciprocité d’amour, d’un amour commun à Dieu et à nous qui, nés de Lui, possédons Sa nature. Sans doute, cet amour est infiniment et incommensurablement plus élevé du côté du Père et du Fils que du nôtre, car Dieu est amour, ce que nous ne sommes pas ; et de plus, nous sommes ici-bas des êtres limités, faibles, faillibles, imparfaits. Seulement, dans le ciel, notre amour s’exprimera d’une manière digne de Dieu (ce qui n’est pas le cas dans notre condition actuelle) tout en n’étant, même alors, que le produit de l’amour souverain qui nous a communiqué la nature divine et nous a donné le droit d’être enfants de Dieu.

La communion d’amour entre Christ et Ses rachetés a son expression la plus douce dans les rapports entre l’Église et Lui, entre l’Épouse et l’Époux. Trois passages du Cantique des cantiques nous montrent l’amour de l’épouse d’une manière très touchante et qui dénote une certaine gradation dans ses sentiments. — Elle dit, au chapitre 2, 16 : « Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui ». Elle pense, en premier lieu, à ce qu’elle possède : « Il est à moi ». Rien de plus légitime, mais l’amour de l’époux pour elle n’occupe pas le premier rang. — Au chapitre 6, 3, elle dit : « Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi ». Ce qu’elle est pour son bien-aimé a maintenant la première place dans son cœur. Elle connaît son propre état, et combien peu elle mérite un tel amour, elle qui n’a point gardé sa propre vigne (Can. 1, 6) ; cependant elle Lui appartient ! Objet indigne d’une telle affection, elle en est profondément touchée. — Au chapitre 7, 10, ne pensant plus qu’à ce qu’elle est pour Lui, elle dit : « Je suis à mon bien-aimé et son désir se porte vers moi ». « Son désir se porte vers moi » ! Y a-t-il rien d’étonnant à ce que son désir, à elle, se porte vers Celui qui est parfait en grâce et en beauté ? Mais que Lui la désire et considère sa possession comme le comble de Ses vœux serait capable de la déconcerter, si elle ne savait pas que rien ne pourra jamais changer Son amour. — Il l’a découverte comme une perle de grand prix, quand il n’y avait rien en elle qui la rendît désirable, quand elle était noire et brûlée du soleil (1, 6). Combien de fois dans le Cantique il lui dit : « Tu es belle ! » (1, 15 ; 4, 1, 7 ; 6, 4, 10 ; 7, 1, 6) ; alors qu’elle ne Lui dit qu’une seule fois : « Tu es beau, mon bien-aimé » (1, 16). Cela marque bien, n’est-ce pas, la différence entre Son amour et le nôtre !

Mais s’il y a communion d’amour entre l’Épouse et l’Époux, quelle peut donc être la communion entre le Père et le Fils unique dans Son sein, entre le Fils, devenu homme, et le Père ? « Je demeure », dit-Il, « dans Son amour ». Aucune intelligence ne pourra jamais sonder de telles profondeurs de communion. Or cette communion d’amour n’existe pas seulement pour le Père et le Fils, mais aussi pour nous ; toutefois en ce qui nous concerne, elle est conditionnelle et nous pouvons la troubler ou l’interrompre. C’est pourquoi le Seigneur dit : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés ; demeurez dans mon amour » (Jean 15, 9), et : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera ; et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui » (Jean 14, 23). Notre communion d’amour avec eux est donc conditionnelle.

En ce qui nous concerne, la jouissance de la communion est individuelle ou collective. La communion collective est son caractère le plus élevé, car c’est d’elle que découlent la louange, l’adoration, le culte en commun des enfants de Dieu. Les apôtres, auxquels la part commune qu’ils avaient avec Christ avait été directement révélée, la faisaient connaître aux croyants, afin que ces derniers pussent avoir communion avec eux, les apôtres (1 Jean 1, 3), et jouir avec eux des relations intimes qui existent entre le Père, le Fils et les rachetés.

Or si cette joie de la communion avec le Père et le Fils existait entre les apôtres et les fidèles, elle existait aussi nécessairement pour les fidèles entre eux : ils avaient « communion les uns avec les autres » (1 Jean 1, 7). Tous pouvaient jouir ensemble, en vertu de la position bénie dans laquelle l’œuvre de Christ les avait placés, de leurs relations communes avec le Père et le Fils.

Il est de toute importance de ne pas oublier que le Saint Esprit, comme personne divine, a toujours part à la communion et en est inséparable. Aussi est-elle appelée la « communion du Saint Esprit » (2 Cor. 13, 13). C’est Lui qui nous révèle Christ, qui nous fait connaître que nous sommes en Lui, et Lui en nous, qui nous introduit dans la communion du Père et du Fils, qui nous enseigne, qui prend les choses de Christ et nous les apporte, qui nous conduit dans toute la vérité.

Cette action du Saint Esprit en nous est liée elle-même à la Parole de Dieu qui est employée par l’Esprit pour produire et entretenir la communion, comme elle avait été employée par Lui, pour produire la nouvelle naissance (Jean 3, 5). La Parole nous parle de Christ ; nous révèle, dans le ciel, Celui même qui nous a révélé le Père ; nous Le fait connaître sur la terre, et nous associe à Lui, dans notre marche et notre témoignage. Appliquée par l’Esprit à l’âme du croyant, celui-ci reçoit la Parole et elle devient son plus cher trésor. Elle lui fait connaître l’œuvre de Christ et ses merveilleuses conséquences. Le chrétien y trouve ses délices, comme le Père et le Fils trouvent leurs délices à la lui donner. Notre âme s’en nourrit, en vit, car c’est une Parole vivante. Elle nous met, par l’Esprit, en communication directe avec Dieu et avec Christ. Elle nous révèle les choses profondes de Dieu, et, écrite dans le cœur, elle s’applique à l’humble marche de chaque jour, comme on le voit tout le long du psaume 119.

Le monde est absolument étranger à la communion. Il n’a aucune part, ni au Père (sauf en tant que Dieu Créateur : Éph. 4, 6), ni au Fils, ni à Son œuvre, ni à la foi qui s’approprie cette œuvre, ni au Saint Esprit qui nous en fait jouir.

La communion doit être dans ce monde le but principal de tout chrétien, car l’activité de ce dernier, son service, les fruits qu’il porte (Jean 15, 4), en un mot, sa vie tout entière, tirent d’elle leur force.

C’est la communion qui nous préserve des chutes, des erreurs quant à la marche et à la doctrine ; c’est elle qui nous maintient dans une vraie séparation du monde et de ses principes, et nous garde dans la paix et la joie ici-bas. La communion est la source la plus profonde du christianisme pratique. Combien il est à désirer que nous la cultivions incessamment comme notre trésor le plus précieux !

Communion avec la personne de Christ

La communion est, avant toutes choses, la communion avec une personne et cette personne est le Fils de Dieu. Aussi est-il dit : « Dieu, par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils Jésus Christ, notre Seigneur, est fidèle » (1 Cor. 1, 9). Sans Lui, nous ne pourrions avoir aucune communion avec le Père ; aussi nous dit-Il : « Qui m’a vu, a vu le Père » ; « Nul ne vient au Père que par moi » ; et encore : « Mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu ». Mais cette relation est établie par Sa mort et Sa résurrection, sans lesquelles nous ne pourrions avoir aucune part avec le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, ni avec Jésus Christ Lui-même. Il est donc l’objet que le Saint Esprit place, avant tout autre, devant nos yeux, et quel objet n’est-Il pas, Lui, le Sauveur, l’Agneau, l’Époux de Son Église, la Tête de Son corps, le premier-né entre plusieurs frères, le Chef de la famille sacerdotale, le Pasteur des brebis, le Seigneur, le Roi ! L’avoir, Le posséder, Le connaître, c’est être placé au centre même des bénédictions éternelles. En Lui Dieu s’est révélé en nous ; par Lui nous sommes amenés à Dieu ; Lui maintient la communion entre nos âmes et Dieu, et la restaure quand nous l’avons perdue.

Communion avec Christ dans les résultats de Son œuvre

Cependant ce n’est pas seulement avec la personne de Christ qu’est notre communion : elle est aussi la part et la jouissance que nous avons avec Lui dans les résultats de Son œuvre. Il a, déjà maintenant, achevé l’œuvre que le Père Lui a donnée à faire. Quant aux relations qu’Il a établies entre nous et le Père, Il est arrivé au bout de Son travail ; Son but est pleinement atteint, en sorte qu’Il peut avoir Sa joie accomplie en nous. Il ne Lui reste plus qu’à nous introduire dans Sa propre gloire ; alors Il jouira du fruit du travail de Son âme ; Il en sera pleinement satisfait, et nous partagerons Sa joie. Réjouissez-vous avec moi, dit, en Luc 15, Christ, le Berger ; réjouissez-vous avec moi, dit la femme (le Saint Esprit) ; il fallait se réjouir, dit le père, en y invitant toute sa maison, quand le fils prodigue est retrouvé. Il nous a non seulement rachetés, mais amenés à Dieu selon Sa propre perfection et celle de l’œuvre qu’Il a accomplie pour nous sauver. Comme Il est Lui-même justifié du péché et sanctifié, nous le sommes par Lui et avec Lui ; comme Il est ressuscité et assis à la droite de Dieu, nous sommes ressuscités avec Lui et assis en Lui ; comme Il est glorifié, nous le sommes en Lui : « Ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés ». Il nous a introduits avec Lui dans la lumière immaculée de la présence de Dieu !

La communion avec Sa personne, implique donc la communion avec Lui dans les résultats de Son œuvre, parce que nous y avons part, étant amenés devant Dieu dans la perfection qui appartient à Christ et qu’Il nous a acquise au prix de Sa mort sur la croix. C’est pourquoi il est dit : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion du sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion du corps du Christ ? » (1 Cor. 10, 16).

Communion avec Christ dans la louange

La communion avec Christ dans la participation aux résultats de Son œuvre a pour conséquence la communion avec Lui dans la louange. Il dit : « Je te louerai au milieu de l’Assemblée ». Ici, la louange, commune à Lui et aux siens, s’adresse à Dieu. Le Père veut de tels adorateurs. Cette louange a pour sujet la délivrance que Dieu a opérée pour Christ et que Christ a opérée pour nous. Le Père est l’objet de cette louange. De même, l’Agneau, en Apocalypse 5, est présenté aux saints célestes comme l’objet de leur louange commune et de leur joie. Lui-même trouvera Sa joie à avoir, devant Lui, le fruit de Son travail d’amour : « Il se réjouira avec joie à ton sujet ; il se reposera dans son amour ; il s’égayera en toi avec chant de triomphe » (Soph. 3, 17).

Communion avec Christ dans la prière

La réponse à nos prières est aussi le résultat de la communion, selon ce que dit le Seigneur : « Si vous demeurez en moi (demeurer signifie toujours : être en communion) et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez et il vous sera fait ». Il est Lui-même le modèle de la communion dans la prière, car Il pouvait dire : « Je te rends grâces de ce que tu m’as entendu ; or, moi je savais que tu m’entends toujours » (Jean 11, 41-42). La volonté d’un cœur entièrement d’accord avec la pensée de Dieu présente la demande, et la réponse suit immédiatement : le Saint Esprit est à la fois l’agent pour formuler la prière et apporter la réponse directe, souvent sans intermédiaire. Mais cette réponse peut aussi nous être apportée par l’intermédiaire de la Parole de Dieu, appliquée à notre âme par l’Esprit, et venant répondre au besoin que nous avons exprimé. Ces choses appartiennent à nos expériences journalières.

Mais il arrive fréquemment, et cela est d’une rencontre habituelle dans les Psaumes, qu’une prière, tout en étant un acte de foi, n’est pas une prière de communion. Il en est ainsi de tous les cris de détresse que l’on entend dans les Psaumes et les Prophètes. Ils ne sont pas plus les expressions de la communion que le cri suprême de notre Sauveur bien-aimé sur la croix, alors que, pour nous racheter, Il était abandonné de Dieu, toute communion étant interrompue. Aussi disait-Il : « Mon Dieu, je crie de jour, mais tu ne réponds point, et de nuit, et il n’y a point de repos pour moi ! ».

Les formes de la communion dont nous avons parlé jusqu’ici, bien que se manifestant sur la terre, développent leur activité dans les lieux célestes, mais il est certains côtés de la communion qui ont leur activité ici-bas :

Communion avec Christ dans la marche

Il y a une communion dans la marche : Christ en a été ici-bas le modèle parfait et nous sommes appelés à y participer avec Lui. « Celui qui dit demeurer en Lui (c’est la communion) doit lui-même aussi marcher comme Lui a marché » (1 Jean 2, 6). Énoch, Abraham, ont marché avec Dieu ; maintenant c’est Christ homme, dans Sa marche ici-bas, qui se présente comme notre modèle. Nous sommes appelés Ses compagnons, et aucun terme ne peut, mieux que celui-là, présenter la communion dans la marche[1]. Nous sommes aussi appelés Ses amis, et combien aussi ce terme s’applique à la communion ! L’ami est celui pour lequel on se dévoue, qui nous dit tous ses secrets (Jean 15, 15), auquel nous disons tous les nôtres ; celui dans lequel nous avons une confiance implicite et qui a la même confiance en nous, celui qui non seulement s’enquiert de nos affaires, mais nous entretient des siennes.

Communion avec Christ dans le service et dans le témoignage

Quant au service, nous sommes Ses collaborateurs. Pareils à Lui, nous sommes appelés à être, au milieu de nos frères, comme celui qui sert. Comme Il nous lave les pieds, nous devons nous les laver les uns aux autres, pouvant ainsi être des instruments pour rétablir nos frères dans la communion perdue. Cette sphère du service est aussi vaste que possible : elle n’est pas confinée à la famille de Dieu, mais s’étend au monde entier : « Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde » (Jean 17, 18). Nous attendons, comme Lui, la joie proposée au serviteur. En nous abaissant comme Lui, nous lèverons haut la tête comme Lui.

Quant au témoignage, au milieu d’un monde où notre Sauveur est méconnu, rejeté, étranger et pèlerin, il est (hélas ! ne devons-nous pas plutôt dire : « devrait être » ?) le même que le sien, le même que celui du Saint Esprit. N’a-t-Il pas dit : « Celui-là rendra témoignage de moi ; et vous aussi vous rendrez témoignage » ?

Communion des souffrances de Christ

Le témoignage implique nécessairement la souffrance. C’est pourquoi l’apôtre Paul désirait connaître la communion de Ses souffrances (Phil. 3, 10). C’est pourquoi aussi l’apôtre Jean pouvait dire qu’il avait part, avec ses frères, à la tribulation et à la patience de Jésus Christ (Apoc. 1, 9). Et Lui peut dire à Son Église : « Tu as gardé la parole de ma patience » (Apoc. 3, 10). Souffrir avec Lui est inséparable de notre communion et de notre joie (Act. 5, 41).