La croix

J.N. Darby
1886

Je regarde autour de moi. Que vois-je ? Le paganisme, des hommes qui adorent le bois et la pierre ; le christianisme, qui souvent déparerait un païen ; en même temps de la bonté et de la sagesse manifestées au milieu de tout. Que dois-je penser ? Tout est confusion. La bonté et la sagesse que j’aperçois tournent, en dépit de moi, mon âme vers Dieu, et les pensées de Dieu me confondent quand je vois tout le mal. La philosophie — pauvre philosophie — voudrait justifier le mal pour justifier Dieu. Mais quand je vois Christ, l’énigme est résolue. Je vois, au milieu du mal, la perfection du bien, occupé du mal et ensuite souffrant sous le mal. Mon cœur se repose. Je trouve un objet qui satisfait tous les besoins de mon âme, qui s’élève au-dessus de toutes ses aspirations. J’ai ce qui est bon dans la bonté elle-même. Je vois ce qui est au-dessus du mal qui pesait sur moi. Mon cœur a trouvé du repos dans ce qui est bon, et dans ce qui est tel au milieu du mal et au-dessus du mal, et c’est cela dont j’ai besoin, et mon cœur est soulagé parce que j’ai trouvé en Celui-là ce qui est la puissance sur le mal.

Mais je vais un peu plus loin, et je trouve bien plus encore. Je suis ce Sauveur, duquel tous ont reçu du bien, et qui allait de lieu en lieu faisant du bien avec une patience infatigable, et j’entends les cris d’une foule en délire, et je découvre les plans ténébreux d’ennemis jaloux : — je vois l’homme qui ne peut pas supporter ce qui est bon. Je vois les juges qui ne peuvent pas s’occuper de ce qui est méprisé dans le monde et qui voudraient apaiser la méchanceté en lui laissant son cours, lui livrant la bonté en victime. En y regardant de plus près, je vois ce que l’homme est : — inimitié contre Dieu et contre ce qui est bon. Quelle scène ! L’ami le plus vrai Le renie, le plus proche Le trahit, les faibles qui sont honnêtes s’enfuient ; les sacrificateurs, établis pour avoir compassion de ceux qui ont péché par ignorance, accusent avec fureur l’innocence ; le juge se lave les mains de l’avoir condamnée. La bonté est là absolument seule, et le monde, tous les hommes, inimitié, universelle inimitié contre elle. La lumière parfaite a mis en évidence les ténèbres, l’amour parfait, la haine jalouse. L’égoïsme voudrait avoir son cours et ne pas avoir Dieu, et la croix clôt la scène pour autant que l’homme est en question. La pensée de la chair est inimitié contre Dieu.

Mais voici, c’est ici précisément ce dont j’ai besoin. Où me tournerai-je et trouverai-je la délivrance ?… Puis-je me dire meilleur que mes voisins ? Non, je me suis vu moi-même. La vue d’un Christ rejeté m’a découvert moi-même à moi ; les replis les plus cachés de mon cœur sont mis à découvert, et mon moi, l’horrible moi, est là ; — mais non pas sur la croix ; là il n’y a point d’égoïsme. Et l’amour infini de Dieu se lève et brille dans sa propre perfection par-dessus tout. Je puis adorer Dieu en amour, si je m’abhorre moi-même. Dieu s’est manifesté au milieu des hommes, Il s’est élevé au-dessus de l’homme ; Il l’a mis de côté dans son péché, quelque absolu que soit celui-ci en lui-même quand Dieu le sonde. La révélation de Dieu en Christ l’a mis en évidence dans toute son étendue, à la croix. La croix était la haine contre l’amour en Dieu ; mais elle était l’amour parfait envers ceux qui le haïssaient, et amour quand ils étaient tels, et là où ils étaient tels. Elle était la haine parfaite de l’homme et l’amour parfait de Dieu accomplissant pour celui qui le haïssait, ce qui ôtait la haine, et effaçait le péché qui l’exprimait.

Il n’y a rien de semblable à la croix ! Elle est le lieu de rencontre du péché parfait de l’homme, avec l’amour parfait de Dieu. Le péché s’y est élevé à son plus haut point de méchanceté, et il a disparu, il est ôté et perdu dans son acte le plus mauvais. Dieu est élevé au-dessus de l’homme, même là où le péché de l’homme est à son apogée — non pas en tolérant le péché, mais en l’ôtant par Christ mourant pour le péché, en amour. La lance insultante d’un soldat, le témoignage sinon l’instrument de la mort, eut pour réponse le sang qui expiait le coup qui le faisait jaillir, et l’eau qui en purifiait. Le péché était connu (et, pour que le cœur soit vrai), il le faut ; et Dieu était connu, connu en lumière (et le cœur droit en a besoin), mais connu en amour parfait — l’amour devant lequel nous n’avions aucun besoin de cacher ou de couvrir le péché. Aucun péché n’était toléré, mais aucun péché n’était laissé sur la conscience — tous nos rapports avec Dieu étaient fondés sur ce glorieux fait, la grâce régnant par la justice.

C’est une scène merveilleuse et sans pareille : rien n’en approche ni dans le ciel ni sur la terre, sauf Celui qui y a été pour nous. La gloire, nous la partagerons avec Lui ; mais à la croix Il a été seul, sans que rien puisse y être associé à Lui, sauf en ce qu’elle est l’expression de la nature qui y a été révélée et glorifiée. Dieu est ainsi connu, et la vie éternelle est ainsi devenue communion avec Dieu.