Le festin de Belshatsar et l’exposition universelle

(Daniel 5)
J.G. Bellett

Tandis que Jérémie était laissé à Jérusalem pour être témoin de la corruption morale des Juifs, et annoncer l’approche des jugements ; qu’Ézéchiel se trouvait avec le résidu, objet de la discipline de l’Éternel, sur le fleuve Kebar ; Daniel fut placé au milieu des Gentils, à Babylone, pour apprendre de Dieu quelles seraient l’histoire et les voies des nations qui constituent le monde.

Cette histoire nous est donnée dans les six chapitres qui forment la première partie du livre de Daniel.

Au chapitre 1, nous voyons les Gentils, le monde établi, constitué.

Le chapitre 2 nous présente le même système, savoir le monde politiquement organisé, vu durant la période qui s’écoule depuis la monarchie chaldéenne jusqu’au royaume du Fils de l’homme, et symbolisé par la grande statue, en toutes ses parties, depuis la tête d’or jusqu’aux orteils de fer et d’argile. — Ce système sera jugé au temps de la fin par la pierre qui devient une montagne, établissant sur la terre un royaume qui ne passera jamais à d’autres, et dans lequel se déploieront la puissance et la gloire du Dieu souverain.

Les quatre chapitres qui suivent nous donnent, dans l’histoire de Nebucadnetsar, de Belshatsar et de Darius, une esquisse morale de l’histoire du monde. Dans la personne de Nebucadnetsar, nous voyons le pouvoir persécuteur en rapport avec la religion de l’homme ou l’idolâtrie. Le roi fait dresser une statue et exige que les hommes l’adorent, sous peine d’être jetés dans la fournaise ardente. Les justes s’abstiennent et souffrent.

Belshatsar nous représente le monde se complaisant dans les aises et les délices et méprisant la religion. Le roi fait un grand festin, et dans ce festin un grand déploiement de luxe et de plaisirs. Les justes restent absolument étrangers à tout cela.

Darius nous présente, comme Nebucadnetsar, un pouvoir persécuteur, mais en rapport avec sa propre exaltation. Le roi prend un décret pour défendre qu’aucun autre que lui ne soit invoqué comme Dieu, pendant tant de jours, sous peine d’être jeté dans la fosse aux lions. De nouveau les justes s’abstiennent et souffrent.

Tels sont les jalons qui marquent d’une manière certaine les progrès de l’iniquité gentile. Il est évident pour moi que l’époque actuelle est celle que représente le temps de Belshatsar. Le règne qui l’avait précédé avait été caractérisé par la persécution et le culte des idoles, et celui qui lui succéda le fut par la persécution et par la déification de l’homme ; mais, sous Belshatsar, ce n’était que douce indifférence et parfaite satisfaction de l’état présent du monde. S’abstenir et, par conséquent, souffrir, c’est la condition des justes aux jours de l’idolâtre et persécuteur Nebucadnetsar et du persécuteur Darius, qui s’exalte lui-même et se fait adorer ; mais aux jours de Belshatsar, la place des saints est celle d’une entière séparation.

Ce récit renferme pour nous un sérieux enseignement. Daniel n’assiste pas au festin. Il y a une autre personne qui pareillement s’en tient éloignée ; non qu’elle ait la même mesure de lumière et de force que le prophète, mais elle agit dans le même esprit : je veux dire la reine, la mère du roi. Le roi ne savait rien de l’homme de Dieu qui existait alors dans son empire. Il ignore tout à fait, ou veut bien ignorer, les œuvres que Dieu avait accomplies dans l’empire au temps de son père. Mais la reine connaît ces choses et en garde le souvenir ; aussi demeure-t-elle étrangère au festin.

Qui sont les séparés maintenant ? Ceux qui se rendent au festin royal, ou ceux qui, marchant dans la lumière du Seigneur, s’en tiennent éloignés ? Le jour présent est une époque de mondanité, de relâchement, de recherche des aises et des douceurs de la vie. On célèbre les ouvrages d’or, d’argent, d’airain, de bois et de fer, en s’acheminant vers le jour auquel on leur rendra un culte comme à des dieux. On fait appel à tout ce qui peut servir à l’éclat d’une fête ; on l’étale, on y met sa gloire. Le bien-être matériel et l’accroissement des plaisirs, voilà le grand but qu’on poursuit. Les œuvres de l’homme, les produits de son habileté, les richesses de la terre, ornent et embellissent la scène, et sont comme le festin que vous sert le maître qui vous a convié. C’est l’homme qui pourvoit à la joie de cette heure solennelle de l’histoire du monde — oui, solennelle en vérité, non pas par des jugements et des souffrances, mais par ses principes moraux. Qu’importait à Belshatsar la captivité de Sion ? Il ne s’occupait des vaisseaux du saint temple que pour les profaner. Les œuvres de Dieu n’étaient rien pour lui ; le vin et la musique égayaient le festin. De même aujourd’hui, les hommes, d’un commun accord, oubliant qu’ils ont rejeté Christ, se rencontrent dans une joie commune, se font réciproquement bon accueil, parce qu’ils sont tous ensemble du même monde, et nés de la chair et du sang. Or, pendant le festin, ce que Dieu attend de Ses élus, leur témoignage contre le monde, pensent-ils l’oublier jusqu’à ce qu’on ait célébré la fête ?

Où donc, je le demande, se trouve celui qui est séparé ? Où est Daniel ? Le festin n’a pas d’attrait pour lui. Daniel en connaît le caractère, avant que le jugement en ait rien révélé. Il n’attend pas, pour sortir de là, que la main d’homme ait écrit le jugement sur la muraille. Il n’est point troublé par l’écriture mystérieuse. Une destruction subite, comme l’invasion d’un voleur dans la nuit, ne peut l’atteindre ; il se trouve, en esprit, dans le lieu même d’où cette main a été envoyée, car il est un « enfant de la lumière et du jour ». Le jugement qui allait tomber n’avait pas de quoi l’effrayer, car il n’était pas au festin. Il l’avait jugé déjà. Ce n’était point le sommeil qui l’en tenait séparé : « Ceux qui dorment, dorment la nuit, et ceux qui s’enivrent, s’enivrent la nuit ». Quels sentiments avait-il ? Il n’était pas plus indifférent au festin qu’il n’y prenait son plaisir. C’est pourquoi, comme je l’ai dit, sa séparation n’était point un sommeil. En un sens divin, il veillait et était sobre (1 Thess. 5, 6) ; et dans cette place de séparation, Daniel connaissait le jugement de Dieu sur ces choses, longtemps avant que l’écriture mystérieuse l’annonçât au monde. Combien tout cela est plein de signification pour nous !

Je ne prétends pas dire que la forme que revêtait le mal aux jours de Belshatsar fût la pire de toutes. Auparavant, Nebucadnetsar a érigé une idole ; après lui, Darius s’est établi lui-même comme Dieu. Sous le premier, les saints connurent la fournaise ardente ; sous le dernier, ils descendirent dans la fosse aux lions. L’époque de Belshatsar ne présente rien de semblable. Elle n’exige point d’adorer l’abomination de la plaine de Dura, et nul édit royal ne défend qu’on adore en regardant vers Jérusalem. Cependant il y a dans Belshatsar et son époque, quelque chose qui outrage particulièrement l’Esprit du Seigneur. Daniel peut éprouver quelque intérêt pour Nebucadnetsar, et Nebucadnetsar est amené à un sentiment de contrition et de repentance, à la suite duquel Dieu ajourne son jugement. Le prophète peut avoir aussi quelque sympathie pour Darius, car Darius montre un touchant état d’âme, plein d’humilité et de grâce, et tous, nous pouvons avoir de la compassion pour lui — le plaindre, en le voyant engagé à contrecœur dans les maux auxquels l’avaient conduit la vanité d’un moment et la facilité de son caractère. Mais Belshatsar n’inspire à notre cœur aucun intérêt : il n’obtient de l’Esprit de Dieu que la réprobation, et de la main de Dieu que la prompte exécution, par l’épée des Mèdes, de la menace tracée sur la muraille. « En cette même nuit, Belshatsar, roi de Chaldée, fut tué ».

C’était l’homme du monde facile et léger. Il méprisait toute crainte religieuse. Ce qu’il adorait, c’était ses plaisirs, les dieux d’argent, d’airain et d’or, les vaisseaux qui pouvaient être le plus bel ornement du festin et contenir de quoi satisfaire à ses convoitises. Il ne convoquait point le monde autour de son idole ni autour de lui-même, mais il le conviait à sa table et à sa fête. Nebucadnetsar dresse une statue, Darius rend un édit royal, Belshatsar fait un festin. Mais on oublie Jérusalem et ses malheurs ; les merveilles que le Dieu de Jérusalem avait opérées, ne sont qu’un songe ou une fiction ; le roi ose même, dans sa fête licencieuse, faire un usage sacrilège des saints ustensiles du temple de Dieu.

C’est la mondanité dans toute sa libre allure ; les temps sont les mêmes aujourd’hui ; la conduite sans cœur de l’homme oublie les merveilles de Dieu et ne tient nul compte de la réjection et de l’humiliation de Christ. Certes, tout cela est terrible. La harpe, la flûte et le tambourin résonnent dans ces fêtes, mais les œuvres des mains de Dieu sont mises en oubli. Jusqu’alors on avait eu pour les vases de la maison de Dieu quelque crainte et quelque respect ; maintenant on les profane et ils servent aux convoitises du roi. Dieu les avait destinés à rendre témoignage à la séparation pour Lui d’un peuple de sacrificateurs ; Il voulait les faire servir à Son propre culte au milieu de Son peuple ; le roi les emploie comme instruments de ses plaisirs.

Et qu’est-ce, je le demande, que tous ces efforts que l’on fait pour embellir le monde, en jouir et s’en glorifier, pendant que Jésus est rejeté de ceux qui l’habitent ? N’est-ce pas de l’esprit du festin de Belshatsar ? Le rejet de Christ est la cause pour laquelle le jugement de Dieu est prononcé sur ce monde ; mais tout cela est mis en oubli, méprisé, car on met sa gloire dans ce monde même qui persiste à dire : « Nous ne voulons point que celui-ci règne sur nous ».

Le moment actuel peut certes nous rappeler le festin de Belshatsar. On célèbre les dieux d’or et d’argent, d’airain, de fer et de bois. On étale toutes les ressources du monde, tout ce dont il est capable, sans penser qu’il a rejeté Christ. Mais quelqu’un de la captivité est-il au festin du roi ? Israël était captif comme les vaisseaux du temple. Qui d’entre les Israélites aurait pu être insouciant au point de se réjouir avec le roi qui méprisait les vaisseaux précieux de cette maison ? Qui d’entre les serviteurs de l’homme de grande naissance repoussé, pourrait s’associer avec les citoyens souillés de son sang (voir Luc 19) ?

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Ces pensées ramènent notre esprit au temps actuel. Il ne peut se refuser à considérer le sujet de « l’exposition universelle ». Il ne serait pas convenable qu’il y demeurât indifférent, car c’est un symptôme important de notre époque, et il faut en déterminer la valeur morale.

Les expositions universelles ne manquent pas de défenseurs. On dit qu’elles sont destinées à encourager la fraternité entre les nations, à faire avancer le bien-être social, à amener la félicité de toute la famille humaine. Mais, je le demande, ces choses sont-elles dans les intentions de Dieu ? Dieu a dispersé les nations, et Il ne se propose nullement de les rassembler, avant qu’Il les rassemble autour du Shilo (Gen. 49, 10). Dieu veut que nous soyons étrangers ici-bas, « contents des choses que nous avons présentement », sans chercher à les accroître ou à les améliorer. Il veut que nous rendions témoignage contre le monde dans sa condition présente, que nous n’ayons pour lui ni flatterie, ni condescendance, et que nous ne mettions pas notre gloire dans les progrès dont il est capable. L’exposition est l’envers absolu de la pensée de Dieu. Christ dévoile le monde ; l’exposition l’étale. Christ voudrait l’alarmer et l’appeler au sentiment du jugement vers lequel il court ; l’exposition le rend content de lui-même plus que jamais.

Je considère l’admiration dont l’exposition universelle est l’objet comme un pas dans la voie que l’Écriture signale par ces paroles : « Et toute la terre était dans l’admiration de la bête ». Cet entraînement ne sera qu’une expression plus avancée du même principe. Combien il est sérieux de voir la religion évangélique y envoyer ses contributions ou figurer parmi les exposants ! Il faut que l’aveuglement des chrétiens soit bien profond. Annoncer aujourd’hui au monde le jugement qui le menace, et demain se faire l’admirateur de ses œuvres et de son génie !

Quand un enfant de Dieu se trouve en quelque situation où il n’a pas pour le sauvegarder la conviction qu’il y est appelé de Dieu, l’ennemi trouvera facile occasion de se servir de lui, comme il arriva au vieux prophète de Béthel. Plus j’y pense, et plus je m’étonne qu’un chrétien puisse être associé le moins du monde à cette affaire. Je n’ai pas le moindre doute que ce fait constitue un progrès dans le développement des principes funestes qui doivent caractériser les jours de la pleine maturité de l’antichristianisme.

Jadis le Seigneur dispersa les nations (Gen. 11). Ce fut le jugement de l’audacieuse entreprise des hommes qui, lorsqu’ils avaient un même langage et une même parole, voulurent se rendre indépendants de Dieu. Dieu a-t-Il cassé ce jugement ? Sans doute, il y a une époque déterminée où il sera annulé. Jérusalem deviendra un centre, et le Shilo rassemblera les peuples. Les nations viendront en foule en Sion pour y contempler le Roi dans Sa beauté ; et aucune d’elles, nous pouvons le dire, ne se présentera devant le Seigneur à vide. Les tributs de tous les pays embelliront la ville du sanctuaire de Dieu. Les fruits de Madian et d’Épha y seront, ainsi que l’or et l’encens de Sheba, les troupeaux de Kédar, les béliers de Nebaïoth, la gloire du Liban, et les forces de toutes les nations. Tous s’y assembleront comme les pigeons à leurs colombiers, et des rois y déploieront leur gloire. En ce temps-là, l’or sera au lieu de l’airain, l’argent au lieu du fer, l’airain au lieu du bois, et le fer au lieu des pierres. Tout sur la terre ne sera que gloire et beauté. Mais ces choses sont encore futures ; elles appartiennent au « monde à venir », quand le Rédempteur sera venu de Sion et aura détourné de Jacob les infidélités (És. 59 et Rom. 11).

Seul, l’établissement du royaume de Dieu à Jérusalem mettra fin au jugement de la dispersion de Babel. Il faut que ce soit Celui qui a dispersé qui rassemble. Il est le Seigneur des nations. « Les puissances qui existent sont ordonnées de Dieu ». Son bon plaisir est que les nations restent encore dispersées ; car c’est pour Jésus seul que Dieu a le dessein d’établir une monarchie universelle, ainsi qu’il est écrit : « Toute langue confessera que Jésus est le Seigneur à la gloire de Dieu le Père ». « Sa domination s’étendra depuis une mer jusqu’à l’autre, et depuis le fleuve jusqu’aux bouts de la terre ».

À la vérité, le nom de Jésus fut proposé comme centre de rassemblement le jour de la Pentecôte. Des langues, divisées comme elles l’avaient été à Babel, descendirent sur les disciples dans le but de réunir ce qui avait été séparé. Or ce dessein échoua ; la dureté du cœur incrédule de l’homme en fut cause. Et qu’est-ce que l’homme se propose maintenant ? Après avoir rejeté le dessein de Dieu de réunir autour de Jésus par la puissance et la présence du Saint Esprit, il veut rassembler loin de Dieu, autour de lui-même. Il s’exaltera, comme à Babel ; il veut être indépendant de Dieu et prendre la place du Très-haut. La Bête rendra son décret sous menace de mort ; tous ceux qui habitent sur la terre recevront sa marque sur leur front, et tout le monde ira après elle (Apoc. 13). Tel est l’avenir de l’histoire du monde. Celui qui ne veut pas que le Christ soit exalté, ne laissera pas de s’exalter lui-même. Et cet être, c’est l’homme.

Ésaïe, anticipant, par l’Esprit, les derniers jours, exhorte le peuple de Dieu à ne pas dire : « confédération » de concert avec le monde (És. 8). Or je me demande, comme je le demande à tous : Recevons-nous véritablement ces avertissements des prophètes ? Y sommes-nous attentifs ? L’homme est en voie de s’exalter et de faire des confédérations ; bientôt il s’érigera lui-même comme un centre de rassemblement. Et si nous acceptons comme divins ces avertissements sur le caractère des derniers jours, pouvons-nous douter, d’après tout ce que nous voyons et entendons, que l’homme n’ait déjà commencé de mettre la main aux entreprises et aux efforts qui doivent aboutir à ce résultat ?

La hâte qu’on éprouve de relier les nations l’une à l’autre, et les facilités qu’on a d’atteindre ce but, sont des choses maintenant bien connues. Les expositions universelles y coopèrent pour une grande part. Sans doute, il convient à l’esprit qui commande tout cela, de ne pas négliger la sanction de la religion. Quand il peut s’en servir pour ses propres fins, rien ne convient mieux au diable. Il aurait vu avec plaisir qu’à sa voix Jésus se fût exalté avec la sanction de l’Écriture. Maintes fois il aurait reconnu le Christ, si Christ le lui eût permis, comme plus tard l’esprit de divination aurait rendu témoignage au serviteur de Dieu, si Paul l’eût accepté (Act. 16). Mais cela ne se pouvait pas. La Bête, cependant, aura son faux prophète, qui fera servir la religion à ses fins. Mais la religion divine nous place dans la vérité et les principes de Dieu. Elle nous enseigne, avec l’autorité qui lui appartient, que nous ne pouvons pas avoir communion avec les choses contre lesquelles nous devons témoigner (Éph. 5, 11).

Nous ne devons pas dire, non plus, que notre jugement sur cette matière soit chose indifférente, ou de peu d’importance. Loin de là, le sujet est éminemment propre à exercer le jugement des enfants de Dieu. En général, leur manière de voir et de faire à cet égard ne sera pas sans effet sur leur état spirituel. Notre esprit peut s’obscurcir. Les yeux se troublent parfois. Et si nous continuons dans une telle voie, un nouvel effort de l’ennemi nous trouvera moins préparés. Je demande si tout cela n’est pas dangereux, quand les séductions vont se multipliant toujours davantage ?

La Parole nous recommande d’acheter le collyre de Christ, afin que nous voyions. Le collyre, c’est quelque chose de plus que la foi et la confession de l’évangile. Laodicée suivait la voie commune, et s’en glorifiait beaucoup , mais elle manquait de ce collyre. Or je suis bien certain que, malgré tout ce que pourra exposer ce grand bazar des marchandises du monde, le collyre est précisément la chose qui n’y sera point, et ne saurait y être. C’est l’article qui dévoilerait ce qu’est ce lieu ; il ne saurait donc se trouver dans cet immense palais. Il est vrai que l’homme n’y est point mis sur un trône en qualité de Dieu. Les choses n’ont pas encore assez mûri pour cela parmi les enfants des hommes. Ce n’est point un temple où l’homme s’assied, se produisant lui-même comme Dieu (2 Thess. 2) ; mais on y étale les ouvrages de l’homme. L’industrie de l’homme y est mise sur le trône : on s’y attend à l’étonnement et à l’admiration, et (comme quelqu’un en a fait la remarque) des milliers y entrent dans la pensée de rendre hommage à l’homme. C’est un splendide miroir dans lequel le monde est réfléchi sous mille formes attrayantes — et on oublie l’humble Jésus qui n’est pas du monde et que la terre a rejeté. On peut bien, sans doute, y prononcer le nom de Jésus, avoir l’air d’y faire une place à sa religion, mais de fait, Jésus qui n’est pas du monde, y est mis en oubli.

En vérité, tout cela, je le dis avec assurance, est solennellement significatif et plein de l’esprit des derniers jours. Ce palais, érigé pour qu’on vienne admirer les œuvres de l’homme, n’est qu’un degré nouveau pour parvenir au temple dans lequel l’homme s’assiéra comme Dieu. Cette admiration a un effet moral désolant : elle prépare une génération qui adorera la Bête. Il y de quoi pleurer en pensant qu’un chrétien puisse trouver à cela le moindre plaisir.

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Cette exposition (car elle se désigne elle-même par ce nom significatif) montre à sa manière, en un clin d’œil, tous les royaumes du monde. Elle ne s’en cache point ; elle le professe. On y trouve la galerie des États-Unis, celle de Russie, celle d’Angleterre, etc. Elle présente les richesses et les splendeurs de tous les pays, l’habileté de l’homme, ses ressources en tout genre. Elle étale les royaume du monde et leur gloire. Et qui donc, je le demande, a déjà fait cela autrefois ? L’Esprit avait conduit le Fils de Dieu dans le désert, lieu de l’étranger et du pèlerin ; mais le diable vint et Lui montra « tous les royaumes du monde et leur gloire ».

Conformément aux Écritures, le monde est perdu et jugé. Il n’est susceptible d’aucune amélioration. Pas un seul passage de la Parole de Dieu n’autorise à penser qu’il puisse être cultivé pour Dieu. Dieu l’a jugé, quoique le jugement soit différé en grâce et que la longue patience de Dieu soit pour le salut. Mais le monde est un système qui n’offre aucune espérance d’amélioration jusqu’à ce que le jugement soit exécuté. Poursuivre l’œuvre de la confédération des peuples, c’est s’efforcer de consolider le monde dans sa condition présente, quoiqu’il soit éloigné de Dieu et ennemi de Christ. Telle était autrefois la pensée des constructeurs de Babel.

Les voies de Dieu s’occupent maintenant de séparer les siens d’avec le monde. Cette séparation constitue le jugement le plus grand, le plus complet qui puisse être porté sur l’état du monde. Elle le juge plus complètement que ne le jugèrent les eaux du déluge, les plaies d’Égypte et l’épée de Josué. L’acte par lequel Dieu retire ou sépare tout ce qui est reconnu de Lui, manifeste Ses pensées finales envers le monde et montre qu’Il n’a pas simplement le dessein de le purifier de sa corruption actuelle, comme Il le fit par les eaux de Noé, lorsqu’il s’agissait de le placer sous une nouvelle épreuve. L’épreuve du monde est faite, son jugement est prononcé, et si l’exécution en est retardée, ce n’est que pour sauver les élus.

L’attitude de l’Église, c’est-à-dire sa séparation de la terre et sa vocation céleste, proclame la condamnation morale définitive du cours des choses d’ici-bas. C’est ainsi, c’est par sa position et sa vocation, que l’Église juge le monde.

Les serviteurs de « l’homme noble » (Luc 19), qui s’en fut dans un pays éloigné, en vue de revenir, mais qui, après son départ, reçut de ses concitoyens le message : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous » — ses serviteurs, dis-je, pourraient-ils faire leur lot de ses domaines, pendant que le sol est encore souillé du sang de leur Maître rejeté ? Le cri : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous », tinte encore dans leurs oreilles. Ils ne pourraient, de concert avec ceux qui l’ont jeté, ce cri, et qui le perpétuent, rechercher les richesses et les avantages de ce pays-là, célébrer l’industrie de ses habitants, et se glorifier dans la pensée de leurs progrès communs. Ils ne le sauraient, si leurs cœurs appartiennent à Celui qui a souffert de la part de ce peuple, qui a été rejeté, mis à mort par lui.

La coupe de l’indignation de l’Éternel doit faire le tour des nations : il faudra qu’elles y boivent. Cela fera un terrible contraste avec le festin de Belshatsar et le vin de sa table circulant dans les coupes de la maison de l’Éternel parmi ses courtisans et ses concubines. Combien n’est-il pas solennel de voir ces nations se réjouir et célébrer les dieux d’or, d’argent, de fer, d’airain et de bois, quand une écriture pareille à celle qui se vit sur les murs du palais, déclare leur jugement ! Si elle ne se lit point sur les murs du palais de l’exposition, elle se lit dans les livres des prophètes (Ps. 75 ; Jér. 25).

L’incorruptibilité ne peut recevoir la corruption en héritage. Jésus ne saurait avoir un empire souillé. La femme qui, sous le nom de prostituée, paraît au chapitre 17 de l’Apocalypse, se glorifie elle-même et vit dans les délices, sur la terre, dans le temps même où le jugement de Dieu s’annonce ; mais l’Épouse de l’Agneau dont parle le chapitre 21, n’est point manifestée ici-bas, jusqu’à ce que la terre ait été purifiée et qu’elle soit prête, non pour le jugement du Seigneur, mais pour la présence de Sa gloire.

Il y a entre ces deux états une distance morale infinie. Il faut que le monde soit jugé avant qu’il puisse être pacifié par Dieu ; il faut que la terre soit purifiée avant qu’elle puisse être enrichie et parée pour Lui. Cela fut mainte et mainte fois démontré dans l’histoire du gouvernement de Dieu. Noé, l’homme de Dieu et son représentant, reçut la terre pour la gouverner et en jouir ; mais elle avait préalablement passé à travers le jugement purificateur du déluge. Israël, peuple et témoin de Dieu, reçut le pays de Canaan pour le posséder et en jouir ; mais ce fut après qu’il eut été jugé par l’épée de Josué. Conformément à ces types, avant que Jésus prenne le pouvoir, il faut que la terre soit purifiée et que tous les scandales et ceux qui commettent l’iniquité soient ôtés du royaume.

Dans le siècle à venir, tout ce qui est propre à orner et à embellir la terre sera parfaitement à sa place, car elle est le marchepied du Seigneur. Le jardin d’Éden ne possédait pas seulement ses arbres, ses plantes, ses fruits et ses fleurs ; il avait aussi son or, son bdellium, et ses pierres d’onyx. À une autre époque, type de la gloire future, Salomon trafiqua en toutes sortes de richesses désirables, et la Jérusalem milléniale verra aussi affluer dans ses murs tous les trésors des provinces (És. 60). Mais le siècle présent n’est point le millénium ; la terre n’est point encore devenue un immense Éden. La corruption est toujours là, et les scandales et ceux qui commettent l’iniquité ne sont point ôtés. Aucune commission de les ôter n’est encore donnée de Dieu. Le champ d’ivraie ne doit pas être purifié maintenant : il attend les anges et l’époque de la moisson. Les saints, de leur côté, se soumettent aux « autorités qui existent », sachant qu’au temps convenable, « Dieu » se tiendra dans leur assemblée pour le jugement (comp. Rom. 13, 1, avec Ps. 82, 1).

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Il y a donc mépris de la sainteté de Dieu, nous pouvons le dire, à présenter ce monde méchant avec ses ornements et ses attraits, ses richesses et ses ressources, ainsi que le fait une exposition. Chrétiens, souvenez-vous-en, il y a aussi mépris des souffrances de Christ et oubli des injustices qu’Il a subies.

Les citoyens qui ont chassé de leur ville et de leur pays le Fils bien-aimé de Dieu, étalent ce que leur pays peut produire et ce que leurs habiles mains savent façonner. Le serviteur de ce Maître rejeté pourrait-il s’associer à leur fête ? Serait-il serviteur, du moment qu’il oublierait les outrages que son Seigneur a reçus ? Non ; il peut bien être un membre utile de la société, et servir à quelque chose parmi les hommes de sa génération ; mais il ne serait plus, à proprement parler, serviteur, dès qu’il aurait oublié le rejet de Christ par le monde. Accepter des citoyens coupables (Luc 19) l’invitation à venir se réjouir avec eux dans l’exposition de leurs œuvres, serait, de sa part, le comble de l’oubli et de l’indifférence.

C’est un sujet de tristesse et d’humiliation pour l’enfant de Dieu, qu’il puisse allier tant de tiédeur et tant d’inconséquence au souvenir qu’il a des outrages faits à son Maître ; mais, que le Seigneur soit étranger à notre âme, au point de consentir à nous associer avec les hommes, d’un bout du monde à l’autre, dans un grand effort commun pour étaler les gloires du monde — agir ainsi dans une pleine et cordiale communion avec tous, sur le principe de l’humanité et de ses progrès, c’est confondre la lumière et les ténèbres, Christ et Bélial. Tout cela revient à dire : Nous oublierons, pour un temps, les droits imprescriptibles et les souffrances de Jésus, et nous aurons un jour de fête avec le monde qui L’a rejeté.

Les saints auraient-ils acheté de Christ assez peu de collyre pour pouvoir demeurer dans un tel aveuglement d’esprit ? « Si ton œil est simple, tout ton corps sera éclairé ». Lorsque Daniel arriva dans la ville des Gentils, avec ses compagnons, il se proposa, dans son cœur, de ne point se souiller de la viande du roi (Dan. 1, 8). Il ne savait point ce qu’il pourrait lui en coûter ; mais telle fut sa résolution. Il possédait ce collyre de Christ avant d’être au milieu des incirconcis ; et, par la force du Seigneur, lui et ses chers compagnons demeurèrent fermes. La fournaise ardente et la fosse aux lions témoignèrent de la victoire de ces hommes fortifiés par Christ. « Certes, en toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés ». Il en fut de même au festin de Belshatsar. Daniel y entra en vainqueur, tel que, plus tard, il entra dans la fosse aux lions. Il n’avait absolument rien de commun avec le festin ; comme nous l’avons vu, il était, au jour de ce festin, un homme séparé. Mais il y fut appelé, et il entra en vainqueur dans la salle du banquet. Le roi, qui s’y trouvait, lui promettait de l’établir « le troisième dans le royaume ». « Que tes dons te demeurent et donne tes présents à un autre », répondit le serviteur de Christ.

Noble attitude d’un homme de Dieu ! Il eût été moralement impossible qu’un tel homme pût accepter une invitation au festin. La lumière de Christ en lui déploya encore d’autres vertus, tandis qu’il se tenait dans ce palais des joies du monde. La langue des mots écrits sur la muraille n’était pas moins intelligible aux astrologues de Babylone qu’à Daniel. Je dirais même que ces mots n’offraient pas autant de difficultés pour eux que pour lui. Tout au moins, les expressions en étaient aussi familières à un Chaldéen qu’à un Hébreu. Cependant les sages de Babylone, les scribes de la cour et du royaume de Belshatsar, ne furent pas capables de les interpréter. Ils en étaient moralement incapables. Un œil simple fixé sur Christ, telle est la seule chose qui puisse aujourd’hui servir de « collyre ». Si nous faisons l’épreuve d’une chose en dehors de Christ, notre pierre de touche nous trompera. La chose nous paraîtra belle, bonne et désirable, si nous l’apprécions d’après ses rapports avec le bien social, le perfectionnement de l’homme ou du monde ; mais si nous l’examinons à la lumière d’un Jésus rejeté, elle ne sera d’aucun attrait pour nous. Pendant qu’il est dans la salle bruyante, Daniel contemple toute cette scène et juge ce qu’elle est relativement à Dieu. Il retrace devant Belshatsar les voies de Dieu avec Nebucadnetsar son père, la conduite de Nebucadnetsar envers Dieu, et ensuite, la propre dureté de Belshatsar, son orgueilleuse incrédulité, son insolent défi jeté à Celui qui avait opéré ces merveilles. Telle fut la clef de Daniel pour comprendre ce qui était écrit — naturellement, je le sais, sous l’inspiration de l’Esprit Saint ; — mais le prophète se rendit compte de la portée morale du festin du roi, parce qu’il le jugea selon Dieu. Et quelle pouvait en être la fin, sinon une terrible et subite destruction ? Pour Daniel, l’inscription ne pouvait parler que de jugement, quoique en apparence il n’y eût autre chose que des seigneurs et des capitaines, des femmes et des concubines, se divertissant dans la salle du roi.

« Oins tes yeux de collyre, afin que tu voies ». Il est précieux de le faire, mais cela ne veut pas dire que nous le trouvions facile. Nous jugeons des choses relativement à nous-mêmes et non relativement à Christ. Nous pensons plutôt aux progrès du monde qu’au rejet de Jésus. Nous parlons du génie, de l’habileté de l’homme, plutôt que de son incurable apostasie. Manquant du collyre sans lequel nous ne pouvons voir, nous ne savons découvrir le sens du festin, ni lire ce qui est écrit sur la muraille.

Les disciples en manquaient eux aussi, lorsque, de la montagne des Oliviers, ils regardaient le temple. Ils voyaient le bâtiment, mais non de l’œil de Christ. Mais Christ l’avait regardé de l’œil de Dieu, et quelque riche et magnifique qu’il fût, Il en avait prononcé le jugement. Oui, sur la muraille même, Sa voix avait écrit le jugement de cette magnifique maison : « Jérusalem, Jérusalem ! voici, votre maison vous est laissée déserte ». C’était là écrire avec cette même autorité divine qui avait prononcé la sentence contre Belshatsar et son festin. Les disciples, eux, contemplaient encore la beauté des pierres ; Jésus, dans Sa grâce patiente, mais à cause de leur demande et de leur manque de simplicité, écrivit une seconde fois la sentence de ce lieu : « En vérité, je vous dis qu’il ne sera laissé ici pierre sur pierre qui ne soit démolie ».

Il est triste d’avoir à signaler l’ignorance des disciples dans un moment tel que celui-là ; il est bien plus triste encore de la rencontrer en nos jours, car le secret de cet aveuglement n’existe que dans les ténèbres et la mondanité de nos propres cœurs.

Les rois de la terre, les marchands et les matelots pleureront la chute de Babylone ; ne nous en étonnons pas ; ils pleurent leur propre malheur. Ils avaient vécu avec elle dans les délices. Comment pourraient-ils la voir avec les pensée du ciel ? Dieu « se souvint de ses iniquités », mais eux se souviennent d’elle comme d’une ville « dans laquelle, par son opulence, tous ceux qui avaient des navires sur la mer, étaient devenus riches ». C’est pourquoi ils se lamentent, lorsque le ciel se réjouit. Les seigneurs tremblent au festin quand le ciel en écrit la sentence. Mais il est profondément triste de voir des saints admirer « l’opulence » que le ciel a déjà jugée.

Ô bien-aimés, toutes ces paroles viennent-elles jusqu’à vos oreilles ? Ces mots écrits, les avons-nous sous les yeux ? Achetons de Lui « un collyre » pour oindre nos yeux, afin que nous voyons. Demandons la puissance spirituelle pour juger le festin du roi, la grandeur des nations, les progrès du monde, le jubilé de Babylone, à la lumière du Fils de Dieu rejeté, duquel le monde dit encore aujourd’hui : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ». Et puis, si notre cœur n’a pas entièrement cessé de battre pour Christ, si toute fidélité pour Lui n’a pas disparu, pourrons-nous, je le demande, nous glorifier du temps présent et nous associer à sa magnificence et à ses plaisirs ?