C’est une chose extrêmement réjouissante d’avoir quelqu’un qui ait pu, aussi bien que le Seigneur Jésus, manifester Dieu, Le manifester aussi parfaitement, non seulement par Sa parole, mais aussi par Ses œuvres et par Ses voies.
Sans doute, nous pouvons considérer le péché de l’homme, nos péchés, en face du jugement, devant la lumière de la justice de Dieu ; et combien même c’est une chose importante ! Mais Dieu est amour, Il est élevé au-dessus de tout mal, et Il veut se révéler tel qu’Il est. C’est Son droit, et Dieu saura montrer ce qu’Il est en dépit du péché. Quelle bénédiction pour nous ! Il faut que Dieu soit amour, malgré tous les raisonnements du cœur corrompu de l’homme ; et Dieu agira d’après ce que j’appellerai les sentiments de Son cœur et fera trouver à ces sentiments leur chemin dans le cœur des hommes. C’est aussi pourquoi certains passages de la Parole conservent pour nous une telle fraîcheur, quelque souvent que nous y revenions. Dieu s’y révèle tout particulièrement, et Dieu ne fait jamais défaut ; du moment qu’Il parle et se révèle, nous avons la pleine bénédiction de ce qu’Il est : — Lui-même, le Dieu béni, est venu avec puissance dans nos cœurs, et Il n’agit point à la manière des hommes. Il a affaire avec le péché, Il veut montrer ce qu’est le péché, et comment Il l’a ôté ; mais par-dessus tout, et au travers de tout, Il veut se manifester, se révéler Lui-même. C’est en quoi nos cœurs trouvent leur repos : nous avons le privilège d’en avoir fini avec nous-mêmes dans la maison de Dieu, dans le sein de Dieu.
L’homme n’aurait pas pu supporter la manifestation de Dieu dans l’éclat de Sa gloire ; c’est pourquoi Dieu a caché cette gloire en grâce dans la personne du Fils de l’homme : Il s’est revêtu de chair. Mais cela même n’était pas suffisant en face des raisonnements méchants et insensé du jugement corrompu de l’homme : Dieu a dû montrer ce qu’Il était réellement comme Dieu. Quand le Seigneur s’est présenté comme le Messie, comme le Fils de l’homme, comme Celui qui accomplissait la loi, ce n’était pas là toute la plénitude de Dieu. L’homme rejetait Christ sans cesse, trouvait à redire à tout ce qu’Il faisait, critiquait des choses qu’il ne pouvait, qu’il ne voulait pas accepter ; mais Christ, pressé, réduit comme à l’extrémité, ne faisait que se révéler plus pleinement et montrer ce qu’Il était.
Partout où cette vérité est exposée dans la Parole de Dieu, l’âme est comme saisie, et se trouve avec une pleine certitude dans la présence de Dieu, en présence de l’amour ; là, elle trouve le repos et la paix. Le chapitre de la Parole qui nous occupe est un de ces précieux passages ; Christ est comme forcé de révéler toute la vérité : Dieu est Dieu, Il veut être Dieu. Si Dieu trouve en quelque chose ce qui peut faire Sa joie, Son bonheur, et nous en voyons un exemple dans la réception du fils prodigue, Dieu y prendra Sa joie en dépit de toutes les objections de l’homme.
À moins qu’ils ne soient incrédules déclarés, les hommes ne nient pas que Dieu doive juger le monde ; ils ne nient pas non plus, comme principe général, que Dieu soit juste, parce que leur orgueil leur fait croire qu’ils peuvent se rencontrer avec Lui sur ce terrain de la justice. Mais dès que Dieu, jouissant de toute Sa propre et pleine joie, montre ce qu’est la joie du ciel, l’homme fait des objections : il ne faut pas que tout soit grâce, Dieu ne doit pas agir ainsi avec les publicains et les pécheurs ! — Et pourquoi pas ? — Mais alors, qu’est-ce donc que la justice de l’homme ? — La grâce n’en tient pas compte ; pour elle, il n’y a point de différence, car tous ont péché et sont entièrement privés de la gloire de Dieu. Christ, la vraie lumière, manifestait cette vérité ; mais l’homme hait la lumière et ne peut supporter cette grâce apportée au pécheur, cette grâce qui met tous les hommes au même niveau moral. La manifestation de ce que Dieu est, c’est l’abaissement de l’homme.
Celui-ci, en effet, cherche toujours à mettre de la différence entre la justice de l’un et celle d’un autre, afin que sa réputation à lui, puisse se soutenir dans le monde. Nous lisons, au chapitre 8 de l’évangile de Jean, qu’on amena devant Jésus une femme manifestement criminelle, une femme qui, d’après la loi, avait mérité d’être lapidée ; et cela, afin que Jésus reniât soit la miséricorde, soit la justice. Si Jésus la laissait aller, Il violait la loi de Moïse ; et s’Il avait dit qu’elle fût lapidée, Il n’eût rien fait de plus que ce qu’eût fait Moïse. Mais comment agit-Il ? — Il laisse la loi et la justice avoir tout leur cours ; — seulement, « que celui qui est sans péché parmi vous, jette le premier la pierre contre elle ». La conscience est mise en action, non pas droitement, il est vrai, car les hommes ne se souciaient que de leur réputation ; toutefois, il faut qu’elle parle. Et les accusateurs s’éloignèrent de la lumière, parce que cette lumière manifestait ce qu’ils étaient, et les convainquait de péché. Tous, depuis le plus âgé jusqu’au plus jeune, tous sortirent de devant ce regard qui pénétrait et mettait à nu ce qui était dans leurs cœurs. Jésus reste seul avec la pécheresse, mais Jésus n’exécutera pas la loi, car Il n’est pas venu pour juger : « Je ne te condamne pas non plus, va, et ne pèche plus ». Ce qui est ici manifesté, c’est l’amour, rien qu’amour.
Or tous les publicains et les gens de mauvaise vie s’approchaient de Jésus pour L’entendre ; mais les pharisiens et les scribes murmuraient, disant : « Celui-ci reçoit les gens de mauvaise vie et mange avec eux ! ». Il peut paraître étrange, en effet, à plusieurs que Dieu, venant ici-bas, ne s’occupe pas de la justice de l’homme, et soit trouvé dans la compagnie des publicains et des pécheurs. Cela renverse toutes les idées de justice et de morale humaine ; mais c’est aussi ce que Dieu avait à faire, parce que ces idées-là reposent sur une base entièrement fausse.
Le chapitre que nous lisons renferme trois paraboles, et la source de tout ce qu’elles enseignent, c’est l’amour. La première nous présente le berger qui a cherché la brebis ; la suivante, la femme qui a cherché la pièce de monnaie ; et la troisième, le père qui a reçu le prodigue. Dans les premières, il est question de recherche ; dans la dernière, il ne s’agit plus de chercher, mais uniquement de la réception par le père, de la manière de recevoir le fils quand il est revenu. Puis, au travers de toutes les trois, nous avons ce grand principe de la joie de Dieu à chercher et à recevoir le pécheur. Sans doute, il y a joie pour le pécheur à être reçu, mais c’est la joie de Dieu de le recevoir ; Dieu agit envers lui selon Son caractère : « Il fallait que nous fissions bonne chère et que nous nous réjouissions » ; et non pas seulement que l’enfant fût heureux.
Chers amis, c’est une vérité très précieuse que celle-là ! C’est la voix que Dieu a fait retentir, et à laquelle tout cœur dans le ciel répond ; c’est la corde que Dieu touche Lui-même, et les échos du ciel en répètent le son ! Et toute âme ici-bas doit entrer par la grâce dans cette sainte harmonie ; — mais quel désaccord produit la propre justice !
Jésus Lui-même est venu publier la joie et la grâce de Dieu ; et Il place cette joie et cette grâce en contraste avec les sentiments du fils aîné, de tout homme à propre justice, quoique dans un sens restreint, il soit ici question des Juifs spécialement. Jésus est venu, et cette voix qui a retenti du ciel en amour, nous la lisons dans le cœur de Christ ici-bas. Combien cela est doux ! Et même, dans un sens, il y a plus de douceur à l’entendre ici-bas qu’en haut dans le ciel : c’est dans ce monde que l’homme doit être atteint par cet amour, et c’est dans ce monde que l’amour de Dieu est si étonnant. L’amour est naturel dans le ciel ; mais ici, sur la terre, parmi nous, Dieu a manifesté ce qu’Il est, Dieu a manifesté qu’Il prend Son plaisir à sauver des pécheurs ; et les anges désirent de regarder dans le fond de cet amour !
Le berger met la brebis sur ses épaules et la rapporte chez lui bien joyeux… N’ai-je pas raison, dit le Seigneur, de chercher des pécheurs perdus ? N’est-il pas digne de Dieu de venir au milieu des publicains et des pécheurs ? Cela peut ne pas être convenable pour un homme moral, mais cela convient à Dieu : c’est Son privilège de venir au milieu du péché, de s’approcher des pécheurs, parce qu’Il peut les délivrer du péché.
Le berger prend la brebis sur ses épaules et se réjouit ; il se charge d’elle et prend toute la peine pour elle. Il a comme son propre intérêt à faire cela, parce qu’il apprécie la brebis ; elle est à lui, et il la porte dans sa maison. Voilà ce que la Parole dit du berger, et il en est ainsi « du grand Berger des brebis » : Il présente comme Son intérêt de « chercher et sauver ce qui était perdu » ; Il en fait Son intérêt dans le sens de l’amour ; Il apporte la brebis bien joyeux dans Sa maison — et c’est en cela qu’est la puissance du salut !
Comment le berger s’y prend-il à l’égard de la brebis ?… Pour nous, nous disons quelquefois au monde de chercher Christ ; et dans un sens, nous avons raison, car il est vrai que « celui qui cherche, trouve » ; mais Jésus n’a jamais dit aux hommes : « Venez à moi », avant d’être d’abord venu à eux « pour chercher et sauver ce qui était perdu ». Parce que le pauvre pécheur ne pouvait aller au ciel pour chercher Christ, Christ est venu sur la terre chercher le pécheur ; Il n’a pas dit au lépreux : « Monte au ciel », mais étant Lui-même descendu, Il lui dit : « Sois net ». Si un autre que Jésus eût mis la main sur le lépreux, il en eût été souillé autant que le lépreux lui-même ; mais Christ pouvait toucher la puissance du mal dans le lépreux et n’en pas être atteint, mais au contraire la réduire à néant. Il dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés… et je vous donnerai du repos ». En dehors de Jésus, on ne peut pas plus trouver de repos que la colombe de Noé au milieu du déluge : j’ai passé au travers du monde, je l’ai éprouvé, c’est une mer de péché sans rivage. Mais Jésus a pu dire (et quel autre que Lui ?) : « Venez à moi et vous trouverez du repos ! ».
Dans la seconde parabole, on trouve une autre chose, la peine que prend cet amour dans la recherche de ce qui a été perdu. Ce n’est plus d’une brebis qu’il s’agit, mais d’argent dans la maison ; tout est mis en œuvre pour retrouver cet argent : la femme allume la chandelle, balaye la maison ; — rien ne l’arrête dans le travail de l’amour, amour actif, diligent, jusqu’à ce que la pièce de monnaie soit trouvée : c’est son affaire à elle, son intérêt. Puis, quand l’argent est recouvré, elle est dans la joie, elle communique cette joie à ceux qui sont autour d’elle, elle les appelle à la partager. « Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé la pièce que j’avais perdue ». Et ainsi fait le Seigneur.
Nous avons, vous le voyez, le même principe dans cette seconde parabole que dans la première, savoir la patiente activité de l’amour, jusqu’à ce que le résultat désiré ait été produit : la joie de la femme, comme celle du berger. La pensée dominante, c’est partout la puissance énergique et l’activité de cette grâce, aussi bien que la bonne volonté. Il y avait une entière inactivité dans la brebis et dans la pièce d’argent ; le berger et la femme seuls firent tout. Sans doute, il y a à côté de cela une œuvre très importante, un effet produit dans le cœur de celui qui s’était dévoyé et qui est ramené en arrière. C’est pourquoi la troisième parabole montre les sentiments du vagabond, et plus loin la manière dont il est reçu — l’œuvre dans le cœur du fils, et la manifestation du cœur du père. Ce n’est pas l’estimation que fait de l’amour celui qui est ramené, qui donne une réponse à toutes ses pensées, c’est la manifestation du cœur du père ; c’est ce seul et simple fait, le père est au cou de son fils et l’embrasse ! Le cœur du père est justifié dans ses propres sentiments de bonté, quelle que puisse être la condition de l’enfant.
Quelle bénédiction qu’après tout, le pauvre cœur fatigué, fatigué de ses voies, fatigué du monde, puisse enfin trouver le repos dans la bénédiction du sein du Père, et s’épancher en Lui ! Ce qu’il n’aurait pu faire nulle part ailleurs, lui est possible maintenant qu’il a trouvé Dieu.
Le Seigneur, pour répondre aux objections des pharisiens qui Lui reprochaient de recevoir les péagers et les pécheurs, suppose un homme plongé dans une telle dégradation, qu’il soit réduit à manger avec les pourceaux ; et souvenez-vous de ce qu’étaient les pourceaux, pour les Juifs ! Il suppose cet homme aussi méchant, aussi indigne qu’on le voudra, et ensuite, Il montre ce qu’est la grâce, ce qu’est Dieu.
Que nous vivions manifestement dans le vice ou non, nous avons tous tourné le dos à Dieu ; le jeune homme était un aussi grand pécheur quand, emportant ses richesses, il franchit le seuil de la maison paternelle, que lorsqu’il prenait sa nourriture avec les pourceaux dans le pays éloigné. Il avait choisi de vivre dans l’indépendance ; et c’est là le péché. Sans doute, il recueillit les fruits de son péché, mais ce n’est pas ce dont il s’agit ici ; en un sens, les conséquences de son péché furent miséricordieuses, parce qu’elles lui apprirent ce qu’était ce péché.
Les hommes font une distinction entre les pécheurs, et c’est pourquoi le Seigneur propose le cas d’un pécheur perdu même au jugement de l’homme, d’un pécheur tombé dans le dernier degré du mal ; Il démontre que ce mal ne dépasse pas la grâce de Dieu, par un exemple qui fait ressortir merveilleusement cette vérité, que « si le péché abonde, la grâce abonde par-dessus ». Le jeune homme avait été au loin pour faire sa propre volonté, et c’est là le secret de tout notre péché. Si nos enfants pèchent contre nous, nous en souffrons, tandis qu’eux ne le sentent pas ; nous péchons contre Dieu, et nous ne le sentons pas : nous sommes tous de grands enfants !
« Et là, il dépensa tout son bien en vivant dans la débauche ». Une personne qui dépense au-delà de ses moyens, paraît riche ; il en est ainsi du pécheur qui perd son âme, il paraît heureux.
« Et quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays-là, et il commença d’être dans la disette ; alors il se mit au service d’un des habitants de ce pays-là qui l’envoya dans ses possessions pour paître les pourceaux ; et il désirait de se rassasier des gousses que les pourceaux mangeaient, mais personne ne lui donnait rien ». On ne donne pas, dans le pays éloigné ; Satan vend tout, et il vend cher ; nos âmes sont le prix qu’il recherche ; — si vous vous vendez à lui, vous aurez des gousses ; — jamais il ne vous donnera quoi que ce soit. Mais si vous voulez trouver quelqu’un qui donne, venez à Dieu !
« Il commença à être dans la disette ». Les cœurs ne sont pas à leur aise dans le monde ; un homme livré à lui-même pendant quelques heures, commencera à être dans le besoin ; et il y a peu de cœurs qui, arrivés à une certaine époque de leur vie, n’aient pas commencé à être dans le besoin ; alors ils vont chercher dans les plaisirs ou dans le vice de quoi les satisfaire. La dernière chose à laquelle ils pensent, c’est à Dieu. Ils n’y songent que quand ils sont bien convaincus que rien d’autre ne pourra les satisfaire. Ils ne pensent pas à la maison du père, car ils ne la connaissent pas ; et quand ils pensent à Dieu, c’est à Dieu en jugement, et non en grâce. Ainsi en était-il du prodigue : sa volonté n’était pas encore touchée.
Lorsqu’il revint à lui-même, il dit : « Combien y a-t-il de mercenaires dans la maison de mon père qui ont du pain en abondance, et moi je meurs de faim ! Je me lèverai et je m’en irai vers mon père, et je lui dirai : Mon père, j’ai péché contre le ciel et devant toi, et je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Il n’avait pas encore compris comment il serait reçu, mais cependant, il avait compris qu’il y avait de l’amour dans cette maison du père, les mercenaires avaient du pain de reste ! Il sentait aussi, non seulement qu’il avait faim, mais qu’il périssait de faim. Dans la maison du père, tout était bonheur, et là où il était, c’en était fait de lui ; il était dans le dénuement ; tout lui disait qu’il devait retourner : « Je me lèverai et je m’en irai vers mon père… ».
Toute âme qui retourne à Dieu est ainsi amenée à la pensée de la bonté qui est en Lui. C’est aussi ce qui est arrivé à Pierre ; il va et tombe aux pieds de Jésus, et dit : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur ». Quelle inconséquence ! Se jeter aux pieds de Jésus, et cependant Lui dire de s’éloigner !… Et cette apparente inconséquence existe souvent là où il y a un travail dans la conscience et les affections : Dieu devient nécessaire, et cependant, la conscience dit que nous sommes trop pécheurs. Pierre sentait son indignité, il sentait que Jésus était trop saint, trop juste, pour se trouver avec un homme tel que lui, et néanmoins, il ne pouvait s’empêcher d’aller à Lui.
De même, le prodigue revient et dit : « Mon père, j’ai péché contre le ciel et devant toi, et je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ». Il ne comprenait pas ce qu’était son père, ce qu’était un cœur de père ; il était content d’être dans la maison de son père, mais sa pensée était encore : « Traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Il mesurait en quelque sorte l’amour du père par le sentiment de ce qu’il avait été lui-même, et par le mal dans lequel il avait vécu : il pensait à prendre la place d’un serviteur. Que de cœurs il y a dans cet état, qui abaissent la mesure de ce que le père doit faire au niveau de leurs propres sentiments ! Ce ne sont pas des personnes à propre justice positivement dont je parle, mais de celles qui conservent encore des restes de légalisme, et qui prendraient volontiers la place d’un mercenaire dans la maison. « Traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». S’il suffisait au fils d’être traité comme un mercenaire, ce n’était pas assez pour le père de recevoir ainsi son fils ; c’eût été une constante souffrance pour son cœur d’avoir un fils dans sa maison comme serviteur, et ce n’eût point été non plus un témoignage aux serviteurs de la maison quant à l’amour du père. Le Père ne peut point avoir des fils comme serviteurs dans la maison, et si Sa grâce infinie les amène, il faut que la réception soit digne de l’amour d’un père. Le prodigue n’était pas encore amené à une entière humilité, à sentir qu’il fallait que tout fût grâce, ou rien.
Le père ne lui laisse pas même le temps de dire : « Traite-moi comme l’un de tes mercenaires » ; il le laisse dire : « J’ai péché contre le ciel et devant toi, et je ne suis plus digne d’être appelé ton fils », mais pas davantage, car déjà il est à son cou et l’embrasse. Comment le fils dirait-il encore : « Traite-moi comme l’un de tes mercenaires », quand son père est à son cou et lui donne ainsi la conscience qu’il est un fils ! Il jugera dorénavant le père sur ce que le père est actuellement pour lui, et non pas selon quelque raisonnement abstrait… : le père est demeuré père lors même que le fils ne serait plus un fils ; et c’est par cette voie que nous recevons l’évangile de la grâce de Dieu. Ce n’est point par le travail de son esprit que l’homme se fera une idée de ce qu’il est devant Dieu ; c’est l’œuvre de l’Esprit, par la révélation de ce que le Père est ; et s’Il est Père, je suis fils.
J’insiste sur ce point, parce qu’il y a tant d’âmes qui n’ont, pour ainsi dire, pas reçu pleinement l’esprit d’adoption, qui ne sachant pas qu’elles sont comme enfants dans la maison du Père, ne trouvent pas leur repos dans le repos du Père.
De quelle manière le fils prodigue est-il reçu ? Son esprit étant maintenant renouvelé, il dit : « Je me lèverai et j’irai vers mon père… » ; mais avant qu’il ait eu le temps d’atteindre la maison de son père et de dire ces choses, « pendant qu’il était encore loin, son père le vit et fut touché de compassion ». La voie du fils est perdue dans l’amour du père ; le père « courant à lui se jeta à son cou et le baisa ». Le fils fait la confession de son indignité, et nous sommes pour ainsi dire laissés à nous-mêmes pour découvrir quelles furent ses pensées et ses sentiments, selon la connaissance que nous avons du père.
C’est ainsi absolument que nous faisons l’estimation du salut ; nous sommes laissés à nous-mêmes pour découvrir ce que nous sommes dans le cœur du Père. Le père est au cou de son fils tandis que tous les haillons du pays lointain sont sur celui-ci ; le père ne s’arrête pas à lui demander quoi que ce soit, il sait que son fils a agi très méchamment, et tout ce qu’il voit le lui dit. Le père n’agit pas selon les pensées du fils ; il agit pour lui-même, d’une manière digne de lui, comme père : il est au cou de son fils, parce que le père aime à s’y trouver.
Mais le père fait autre chose encore. Il appelle les serviteurs pour introduire son fils convenablement dans la maison, pour faire bonne chère et se réjouir. La connaissance de l’amour du Père me fait sentir ce que je suis ; je sais que mes péchés me sont pardonnés, que le Père est à mon cou et me baise, et ainsi, plus je connais mes péchés, plus je connais l’amour du Père, plus je suis heureux.
Supposez un marchand ayant des engagements auxquels il est incapable de satisfaire, il craint de jeter les yeux sur ses livres ; mais si sa dette était acquittée, s’il avait un immense fonds de richesses assuré, et si quelque ami faisait tout cela pour lui ; après que tout serait payé, il ne craindrait plus de revoir ses livres. La découverte de toute l’étendue de ses obligations ne ferait qu’augmenter en lui la conscience de l’amour de son ami. Si, au lieu de mille francs, il reconnaissait que sa dette avait été de dix mille francs, il se dirait : « C’est bien plus que je ne pensais » ; et si, en regardant plus loin, il reconnaissait que sa dette avait été de vingt mille francs, il s’écrierait : « Jamais il n’y eut d’ami comme mon ami ! ».
La grâce ôte tout fardeau, toute crainte ; — la découverte du péché, quand nous connaissons le pardon, n’a d’autre effet que d’augmenter en nous l’amour et la joie ; — si le Père est à mon cou, la simple connaissance qu’Il fait cela pendant que je suis dans mes haillons, manifeste quel est Son pardon. Tout autre dans l’univers entier eût pensé à mes haillons avant de s’être jeté à mon cou !
« Et le père dit à ses serviteurs : Apportez la plus belle robe et l’en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des souliers aux pieds, et amenez le veau gras et le tuez… ». Dieu manifeste Son amour envers nous, misérables pécheurs, et ensuite Il nous revêt de Christ ; Il nous introduit dans la maison où sont les serviteurs, ne nous donnant rien moins que tout l’honneur dont Il peut nous faire jouir. Son amour nous accueille pendant que nous sommes couverts de haillons, mais ici ce même amour agit autrement encore. Dieu nous introduit dans la maison comme Il veut nous y avoir, et Il nous fait connaître Sa pensée sur le prix d’un fils. La Parole nous donne ici les détails sur le veau gras, la robe, l’anneau, la fête ; et la pensée du père était que son fils était digne de cette robe, de cet anneau, de cette fête, et qu’il était digne de lui-même de les lui donner. Mais combien au contraire il eût été peu digne d’un père agissant en grâce de garder son fils dans la maison comme un serviteur ! Quelques-uns penseront peut-être qu’il y a de l’humilité à vouloir être serviteur dans la maison ; mais il n’en est rien ; ce n’est qu’ignorance de la pensée du Père. N’est-il pas écrit : « Afin qu’il montrât… les immenses richesses de sa grâce par sa bonté envers nous par Jésus Christ » (Éph. 2, 7) ? Si vous entrez dans la pensée du Père, dans la grâce, estimeriez-vous qu’il fût digne de Lui de nous placer dans Sa maison avec un constant mémorial de notre péché, de notre honte, de notre première dégradation et de notre déshonneur ? Si nous devions conserver quelque sentiment de honte, la plus légère marque du pays éloigné, cela serait-il digne du Père ? Non ! « L’adorateur une fois purifié n’a plus aucune conscience de péchés » (Héb. 10, 2), et la position qui lui est préparée dans la maison de Dieu doit être digne de Dieu. Nos cœurs mauvais et incrédules diront peut-être : « Ah ! sans doute, il en sera ainsi quand nous serons réellement dans la maison du Père ! ». Mais je vous demande alors ce que c’est donc que la foi ? La foi juge comme Dieu juge, elle voit le péché à la lumière de la sainteté de Dieu, et elle Le juge ainsi, bien mieux que ne pourrait le faire celui qui ne verrait pas la révolte du péché contre Dieu et combien ce péché déshonore Dieu ; la foi saisit la grâce dans le cœur du Père et s’en pénètre. « Celui qui croit met son sceau que Dieu est véritable ».
La foi est la seule chose qui donne de la certitude ; le raisonnement n’en peut produire aucune ; il peut être utile pour les choses de ce monde, mais quand Dieu parle, la foi croit ; elle met son sceau non pas que cela pourrait bien être, mais que Dieu est vrai.
C’est pourquoi le croyant est aussi sûr d’être sauvé, que s’il était déjà dans le ciel. Il est écrit que « Abraham crut Dieu », non pas en Dieu, quoique cela soit vrai aussi ; il crut Dieu, il crut que ce que Dieu avait dit était vrai, et c’est là ce que nous avons à faire (voyez Rom. 4, 3 ; Gal. 3, 6 ; Jacq. 2, 23).
La première chose, c’est de croire Dieu ; et si je crois en Son Fils, que me dit-Il ? Que mes péchés et que mes iniquités sont effacés ; — dès lors je crois cela ; je crois que j’ai la vie éternelle. C’est un péché d’en douter ; ne pas croire ce que Dieu m’affirme, c’est faire Dieu menteur ; oui, c’est un péché de ne pas me croire enfant, introduit en la présence de Dieu, saint et sans tache par le sang de l’Agneau. S’il s’agissait de ma propre justice, certainement elle devrait être mise en lambeaux ; mais c’est du sang de l’Agneau qu’il s’agit ; de la vertu de ce sang. Et qu’a-t-il fait, ce sang ? N’a-t-il lavé que la moitié de mes péchés ? Dieu a-t-Il limité l’efficace de ce sang ? C’est du prix que Dieu attache à ce sang que tout dépend ; or, Dieu dit que ce sang purifie de tout péché, et que Christ « a porté nos péchés en son corps sur le bois » (1 Pier. 2, 24) ; non pas seulement quelques-uns de mes péchés, mais mes péchés.
Celui qui connaît la valeur du sang de l’Agneau devant Dieu, sait aussi que toute l’œuvre du salut est l’œuvre de l’amour du Père ; et ce serait un péché de douter de cet amour, comme ç’aurait été une mauvaise chose si le prodigue, quand le père était à son cou, avait dit : « Je suis couvert des haillons du pays éloigné ». Aurait-il donc pensé que ces haillons seraient une raison pour empêcher cette expression de l’amour qui était dans le cœur de son père ?
Voilà les choses que la propre justice des pharisiens forçait Christ à révéler ; et quand je vois le caractère que Dieu prend envers moi comme pécheur, caractère que Christ me révèle, les doutes de mon cœur d’homme sont réduits au silence devant une telle grâce.
Quelqu’un ici dirait-il que la grâce sanctionne le péché ? Qu’il lise son jugement dans le cœur du frère aîné ; qu’il lise comment la grâce parle à cet homme misérable, qui n’était pas simplement un pauvre prodigue, mais un homme dont le cœur misérable ne participait pas à la joie générale. « Le père étant sorti le priait d’entrer ». Les serviteurs aussi disaient : « Ton frère est venu, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré sain et sauf » ; tous les cœurs sont à l’unisson, un seul excepté, celui de l’homme qui pensait à lui-même et à sa propre justice. « C’est pourquoi son père sortit ; et il le priait d’entrer ».
Considérez cela, et faites-y attention, de peur que vos cœurs ne soient disposés à changer en amertume l’amour et la grâce que Dieu montre à un pécheur semblable à vous ! « Il ne voulut pas entrer » ; le père raisonne avec lui et veut le persuader : « il fallait faire bonne chère et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est ressuscité, il était perdu et il est retrouvé ». Mais l’homme juste resta dehors. Se confiant en sa justice, il n’eut aucune part à la joie et au bonheur, mais il montra l’opposition de son cœur aux richesses de la grâce du père.
Connaissez-vous Dieu comme Père ? Voulez-vous aussi vous connaître vous-même ? Eh bien, ne doutez pas du cœur de Dieu. Comment connaissons-nous Dieu ? Est-ce en regardant dans nos propres cœurs ? Non, mais en apprenant à Le connaître dans le don de Son Fils. Le Dieu avec lequel nous avons affaire est le Dieu qui a donné Son Fils pour les pécheurs ; et si nous ne Le connaissons pas ainsi, nous ne Le connaissons pas du tout.
Ne dites pas à Dieu : « Traite-moi comme l’un de tes mercenaires » ! — Votre service doit découler de la connaissance que vous aurez de Lui. Ne mettez donc pas les pensées de vos cœurs dans le cœur de Dieu. Ces cœurs ont une si forte tendance à retourner au légalisme et à le prendre pour l’humilité ! La seule vraie humilité, la seule vraie force et la seule vraie bénédiction, c’est l’oubli de soi-même en la présence et dans la bénédiction de Dieu. Il se peut que nous soyons amenés là par des voies qui nous humilient, mais ce n’est pas en pensant simplement du mal de nous-mêmes que nous sommes vraiment humbles ; nous avons le privilège de l’oubli de nous-mêmes dans la manifestation de l’amour de Dieu notre Père, qui est amour envers nous.
Que le Seigneur vous accorde par Jésus de connaître, comme de pauvres pécheurs, Dieu ainsi révélé en amour !