Le zèle de Jéhu

Il est difficile de se représenter un tableau plus triste et plus affreux que celui que nous offre l’histoire du royaume d’Israël, telle qu’elle nous est racontée dans les livres des Rois et des Chroniques. Depuis Jéroboam jusqu’au temps où le peuple fut transporté en Assyrie, il n’est, pour ainsi dire, fait mention que de l’extirpation des familles qui occupèrent successivement ce trône impie. Nous ne voyons rien de semblable dans le royaume de Juda, au contraire, les descendants de David y occupent légitimement le trône les uns après les autres, selon que l’Éternel avait parlé à Son serviteur, touchant sa maison pour un long temps (2 Sam. 7, 19).

La période la plus ténébreuse de l’histoire du royaume d’Israël est celle de la dynastie de la maison de Omri. L’apostasie déjà commencée par Jéroboam prend un caractère beaucoup plus prononcé sous le règne d’Achab, le second des rois de cette famille. Le chapitre 16 du premier livre des Rois nous dépeint le caractère de ce prince et la pernicieuse influence qu’il exerça : « Et Achab, fils de Omri, fit ce qui déplaît à l’Éternel plus que tous ceux qui avaient été avant lui. Et il lui arriva que, comme si ce lui eût été peu de chose de marcher dans les péchés de Jéroboam, fils de Nebath, il prit pour femme Jézabel, fille d’Ethbaal, roi des Sidoniens ; puis il alla, et servit Baal, et se prosterna devant lui. Et il lui bâtit une maison et lui dressa un autel à Samarie. Et Achab fit un bocage, de sorte qu’il fit encore pis que tous les rois d’Israël qui avaient été avant lui, pour irriter l’Éternel, le Dieu d’Israël » (v. 30-33).

Reconnaissons ici la bonté du Seigneur. Un mal aussi effrayant, une plaie aussi profonde servent à manifester d’une manière admirable Sa longue patience, et cela au moment même où Il annonçait les terribles jugements dont Il allait frapper la maison de ce roi, duquel il est dit « qu’il n’y en avait point eu de semblable à lui, qui se fût vendu pour faire ce qui déplaît à l’Éternel, selon que sa femme Jézabel l’induisait ». À mesure que l’heure de la vengeance s’approche, il semble que Dieu se plaise à multiplier les moyens de grâce, en suscitant des hommes qui s’élèvent avec force contre les péchés régnants. Dans ces temps malheureux du gouvernement d’Achab, l’Éternel avait aussi Ses témoins et Ses adorateurs cachés. Le cœur se console en voyant apparaître Élie et Élisée, ces fidèles hommes de Dieu. Si le mal qui avait envahi le royaume était en effet de nature à affliger et à décourager, l’Esprit de Dieu agissait avec d’autant plus de puissance, soit en rendant témoignage contre les infidélités du temps, soit en fortifiant la foi et l’espérance des fidèles. — Ce fut Élie qui fut chargé de dénoncer à Achab les jugements que Dieu allait faire venir sur sa maison ; ces jugements, le malheureux roi les évita pour lui-même en s’humiliant immédiatement. Nous admirons sans doute le courage avec lequel l’homme de Dieu se présente devant l’opiniâtre prince. Mais sa sainte hardiesse pâlit bientôt devant l’amour de notre bon Dieu, qui trouve encore moyen de puiser dans les trésors intarissables de Sa grâce une bonne nouvelle pour celui qui L’avait tant offensé. « N’as-tu pas vu », dit-Il à Son serviteur Élie, « n’as-tu pas vu qu’Achab s’est humilié devant moi ? Or, parce qu’il s’est humilié devant moi, je n’amènerai point ce mal en son temps ; ce sera aux jours de son fils que j’amènerai ce mal sur sa maison » (1 Rois 21, 29).

Si, dans un cas aussi désespéré, il y eut grâce et répit pour ce méchant, de quelles précieuses bénédictions ne seront pas enrichis ceux qui, de nos jours, sont convaincus par le Saint Esprit d’avoir ajouté aux transgressions de leurs pères le péché de la génération actuelle, et qui s’en humilient devant l’Éternel ? « Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles ».

Reprenons. — Ce fut un des fils des prophètes, envoyé par Élisée, qui oignit Jéhu pour être roi sur Israël et pour mettre à exécution le jugement qu’Élie avait dénoncé à la maison d’Achab. Voici la teneur de la commission qui lui fut donnée : « Ainsi a dit l’Éternel, le Dieu d’Israël : Je t’ai oint pour être roi sur le peuple de l’Éternel, c’est-à-dire sur Israël. Et tu frapperas la maison d’Achab, ton seigneur, car je tirerai vengeance du sang de mes serviteurs les prophètes et du sang de tous les serviteurs de l’Éternel, en le redemandant de la main de Jézabel » (2 Rois 9, 6, 7-10). Jamais instrument ne fut plus propre que Jéhu à faire l’œuvre pour laquelle il avait été désigné. Il tua de ses propres mains Joram, fils d’Achab, et ses serviteurs firent mourir Achazia, roi de Juda, parce qu’il suivait le train de la maison d’Achab et qu’il fit ce qui déplaît à l’Éternel, comme avait fait la maison d’Achab, car il était gendre de la maison d’Achab (2 Rois 8, 27). — Par cette malheureuse alliance, l’impiété d’Israël ayant été introduite dans le royaume de Juda, la parole du prophète dut nécessairement s’exécuter sur Juda aussi bien que sur Israël (voyez Mich. 6, 16). Cependant le bras de la vengeance n’avait pas encore accompli tout le dessein de Dieu. Jézabel fut foulée aux pieds par Jéhu dans les rues de Jizreël. Les soixante-dix fils d’Achab périrent par les mains des anciens de Samarie, et quand Jéhu vit leurs têtes rassemblées en deux monceaux à la porte de Jizreël, il dit : « Sachez maintenant qu’il ne tombera rien en terre de la parole de l’Éternel, laquelle il a prononcée contre la maison d’Achab, et que l’Éternel a fait ce dont il avait parlé par le moyen de son serviteur Élie ». « Jéhu tua aussi tous ceux qui étaient demeurés de reste de la maison d’Achab, à Jizreël, tous ceux qu’il avait avancés, ses familiers amis et ses principaux officiers, en sorte qu’il ne lui en laissa pas un de reste ». Son zèle ne s’arrêta pas là. Il trouva les frères d’Achazia, roi de Juda, et les fit mettre à mort, savoir quarante-deux hommes, auprès du puits de la cabane des bergers, et on n’en laissa pas un de reste (2 Rois 10, 13, 14). Tel fut le sort qu’éprouva Juda pour s’être allié à la maison d’Achab. C’est ainsi que tôt ou tard Dieu saura bien trouver « ceux qui auront communication avec les œuvres infructueuses des ténèbres ». Ce fut après avoir exécuté fidèlement la charge que l’Éternel lui avait commise à Jizreël que Jéhu invita Jonadab à l’accompagner pour être témoin de son zèle pour le Seigneur. Arrivé à Samarie, il y tua tous ceux qui étaient demeurés de reste de la maison d’Achab, jusqu’à ce qu’il eût tout exterminé, selon la parole que l’Éternel avait dite à Élie. Son zèle le pousse même plus loin que ne le portait la commission qu’il avait reçue ; il attaque le culte de Baal ; les prêtres et les adorateurs de ce faux dieu tombent sous les coups de sa vengeance, circonstance qui ajoute un grand éclat à son expédition. Ni Élie, ni Élisée, ces fidèles témoins de l’Éternel, n’obtinrent jamais, du moins en apparence, un succès aussi concluant.

Mais le zèle que Jéhu déploya pour extirper le culte de Baal était-il réellement selon le Seigneur, ou n’était-ce qu’une habile politique, cachée sous les trompeuses apparences du zèle ? C’était Achab qui avait officiellement établi en Israël cette criante idolâtrie, et ses partisans avaient suivi son exemple dans tout le royaume. Cela étant, il est évident que Jéhu, en détruisant Baal, pouvait aussi bien être mu par des motifs de pure convenance que par un zèle selon la piété. Il est vrai que Dieu se sert souvent de la politique des hommes du monde pour punir ceux qui marchent selon la dureté de leurs cœurs, en même temps que pour délivrer ceux qui demeurent fidèles au milieu de la corruption générale. Malheureusement l’homme s’en prévaut, et parce que Dieu l’emploie pour accomplir Ses desseins, il se croit capable de gouverner la maison de Dieu et de diriger le monde ; il travaille à opérer des réformes par des principes de pure convenance, au lieu de regarder à la sainteté de Dieu et à la gloire de Son grand nom.

Quel que soit le jugement que Jéhu ait porté lui-même sur son zèle, il est certain que Dieu ne put pas l’approuver. Le zèle qui Lui est agréable ne s’arrête pas au moment où il faudrait continuer le travail déjà commencé ; il ne se contente pas non plus de réformer les abus les plus saillants, mais il cherche à connaître plus exactement les pensées et les intentions de Dieu. Rien ne peut arrêter Jéhu, aussi longtemps que l’œuvre qu’il accomplit entre dans ses propres vues ; mais dès l’instant où il va être question de lui-même et où, pour aller plus avant, il devra renoncer à des penchants ou à des habitudes qui lui sont chers, alors il s’arrête : « Jéhu extirpa Baal du royaume d’Israël ; toutefois, il ne se détourna point des péchés de Jéroboam, fils de Nebath, par lesquels il avait fait pécher Israël, savoir des veaux d’or qui étaient à Béthel et à Dan » (2 Rois 10, 28, 29).

Si nous comparons le zèle du roi d’Israël avec celui d’Élie, que voyons-nous ? Aux yeux des hommes, Jéhu se montre plus ardent que le grand prophète, et il obtient des résultats beaucoup plus importants en apparence. Mais combien le travail d’Élie est plus agréable à Celui qui recherche la gloire de Son grand nom, et qui attache infiniment plus de prix au faible témoignage rendu à Sa vérité, dans un sentiment d’amour pour Lui, qu’à la plus éclatante de toutes les réformes extérieures, qui serait opérée par les forces de l’homme naturel ! — Jéhu extirpe Baal du royaume d’Israël, et cela lui suffit. Élie n’est point satisfait à si bon compte ; c’est aux desseins de Dieu envers Son peuple qu’il regarde sans cesse en accomplissant son œuvre de foi et de patience. — Jéhu, selon la politique du monde, se contente d’une réforme qui ne va pas au-delà des besoins du moment ; il ne regarde pas à l’alliance que Dieu avait traitée avec les pères, et il n’attaque que le mal visible. Une telle réforme ne pouvait que rester bien au-dessous des pensées et des intentions de Celui qui regarde au cœur. En véritable réformateur, Élie n’a aucun repos jusqu’à ce qu’il ait réédifié l’autel de l’Éternel, non pas au centre des dix tribus, mais au milieu des douze tribus qui composaient l’unité d’Israël. Après avoir rebâti l’autel, il s’adresse à son Dieu en ces mots : « Ô Éternel, Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël ! fais qu’on connaisse aujourd’hui que tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur et que je fais toutes ces choses selon ta parole. Exauce-moi, ô Éternel ! exauce-moi, et fais que ce peuple connaisse que tu es l’Éternel Dieu et que c’est toi qui auras fait retourner leurs cœurs en arrière » (1 Rois 18, 36, 37). Une telle œuvre ne demeura pas longtemps sans récompense ; le fidèle prophète vit de ses propres yeux la réponse à ses prières, lorsque, tout le peuple tombant sur son visage, dit : « C’est l’Éternel qui est Dieu ; c’est l’Éternel qui est Dieu ! » (v. 39). — Le zèle d’Élie était selon la connaissance ; celui de Jéhu nous révèle une coupable ignorance de la volonté de Dieu et de Ses desseins à l’égard de Son peuple. Élie accomplit sa mission dans l’unique désir que l’Éternel fût connu, servi et adoré Lui seul. Jéhu travaille dans le but de se faire un nom, d’établir sa réputation. Rien ne nous autorise à croire que l’œuvre de Jéhu fût agréable à Dieu, quelque remarquables qu’aient été les succès qu’il obtint. Au reste, nous pouvons en juger par les paroles qui lui furent adressées lorsqu’il se fut acquitté de sa commission : « Parce que tu as fort bien exécuté ce qui était droit devant moi, et que tu as fait à la maison d’Achab tout ce que j’avais en mon cœur, tes fils seront assis sur le trône d’Israël jusqu’à la quatrième génération » (2 Rois 10, 30). L’Éternel est un Dieu juste, qui pèse toutes nos actions et qui approuve tout ce qu’il peut approuver. Mais chacun aura la récompense à laquelle il aspire. — Il suffisait à Jéhu de savoir que lui et sa famille posséderaient en paix le trône d’Israël ; il obtint sa récompense. « Toutefois il ne prit point garde à marcher de tout son cœur dans la loi de l’Éternel, le Dieu d’Israël, et il ne se détourna point des péchés de Jéroboam, par lesquels il avait fait pécher Israël ».

Frères, ces choses ayant été écrites pour notre instruction, nous devons nous hâter de recueillir les lumières et les avertissements qu’elles renferment pour nous. De nos jours, les Écritures de l’Ancien Testament ne sont peut-être pas assez appréciées sous le rapport des applications qu’on peut en faire à ceux qui sont parvenus aux derniers temps.

C’est sans doute une bonne chose que de chercher à remédier aux maux de l’Église, qui font gémir tant de chrétiens sincères. Cependant, qu’on y prenne garde, il n’est peut-être pas de désir qui fournisse autant d’aliment à l’égoïsme du cœur de l’homme. Une tendance trop prononcée à s’élever avec force contre les abus extérieurs sert souvent à voiler ce qu’il y a de condamnable dans la vie privée. Il est infiniment plus facile de désapprouver et de condamner un grand nombre de fautes que de renoncer à soi-même en quoi que ce soit. Dans un siècle de progrès comme le nôtre, où l’esprit de perfectionnement agit avec autant de puissance en tout et partout, on ne doit pas s’étonner de voir ce même esprit envahir l’Église et faire naître le besoin d’entreprendre des réformes. Les projets, les plans de réformation sont d’autant plus abondants que les infidélités de l’Église semblent contraster toujours davantage avec ses prétentions et sa profession extérieure, et qu’un grand nombre de vrais chrétiens gémissent sous le fardeau des traditions humaines.

« Il est bon » sans doute « d’être toujours zélé pour le bien » ; mais si notre zèle n’est pas selon la connaissance, il n’aura d’autres résultats que ceux qui couronnèrent l’entreprise de Jéhu. Nous attaquerons beaucoup d’abus et de vices, nous parviendrons peut-être à en abolir un grand nombre, mais nous laisserons intacte la racine du mal, l’égoïsme et la sagesse de l’homme, véritable source de tous les désordres qui désolent l’Église de Dieu.

Mais, outre que ce n’est pas faire preuve d’humilité que de se croire compétent pour remédier aux maux qui désolent l’Église, une telle œuvre répond-elle bien au but et aux intentions de Dieu ? C’est une question qu’il importe de résoudre ; car, nous travaillerions avec le zèle le plus fervent et avec les intentions les plus pures ; si notre but ne s’accordait pas avec les pensées du Seigneur, notre travail n’aboutirait à rien. Or, d’où pouvons-nous conclure que la volonté de Dieu soit d’opérer de simples réformes ? Où voyons-nous que Dieu ait rétabli un ordre de choses déchu dans l’état où il était auparavant ? Il a fait mieux, sans doute ; les transgressions des hommes Lui ont fourni l’occasion de rendre Sa grâce magnifique, en promettant d’abord et en introduisant ensuite des dispensations infiniment meilleures et plus glorieuses ; mais Il n’a pas rétabli ce que les hommes avaient ruiné. Pourquoi aurait-Il varié dans Ses plans et dans Ses voies ?… Quiconque ne tient pas compte de ces vérités pourra travailler, en bonne conscience peut-être, à atteindre un certain but qu’il aura devant les yeux, mais les pensées de Dieu se porteront beaucoup plus loin que l’objet qu’il aura en vue. Ainsi, en supposant qu’il fût possible à celui qui entreprend des réformes d’obtenir ce qu’il désire (ce que toutefois la sagesse révélée nous empêche d’admettre), les desseins que Dieu Lui-même a formés seraient loin d’être réalisés. Un serviteur de Dieu conduit par le Saint Esprit cherchera avant tout à connaître la volonté de son Maître, parce qu’il sait bien que toute réforme qui ne s’accorde pas avec cette volonté ne peut qu’être défectueuse. Or, le secret de travailler selon le cœur de Dieu ne consiste pas à connaître les véritables principes sur lesquels l’Église primitive était fondée, mais à être identifié avec le but que Dieu se propose. Si, en nous mettant à l’œuvre, nous regardions à ce que l’Église était dans ses beaux jours comme au but vers lequel devraient tendre nos efforts, nous serions bientôt désappointés. Le découragement s’emparerait de nous, et nous ne tarderions pas à abandonner une œuvre que nous aurions entreprise avec tant d’ardeur. Deux écueils dangereux se présenteraient alors sur notre route : ou nous ne tarderions pas à circonscrire notre activité à telle ou telle autre petite association, ce qui nous plongerait immanquablement dans l’esprit de secte ; ou nous prétendrions avoir reçu des droits imaginaires, soit directement d’en haut, soit par voie de succession ; ce qui nous conduirait bientôt à ne plus voir l’Église que dans certains pouvoirs et dans quelques charges officielles, et par conséquent à ne plus faire aucune distinction entre le peuple de Dieu et le monde. On en est venu là toutes les fois qu’on a voulu reconnaître à certaines charges officielles le pouvoir qui doit gouverner l’Église, au lieu d’attribuer ce gouvernement à l’action toute-puissante du Saint Esprit.

L’histoire de Jéhu nous présente un exemple de réformation dont les résultats sont vraiment remarquables, et qui fut opérée avec une énergie qui pouvait faire espérer des bénédictions durables. Cependant, malgré tout le zèle du roi d’Israël, il lui manquait le principal élément du zèle selon Dieu, c’est-à-dire la crainte de l’Éternel. Nous ne le voyons point humilié de ses propres péchés ni de ceux du peuple. Il ne regarde nullement à la loi de Moïse, afin d’apprendre jusqu’à quel point ils s’étaient éloignés du Seigneur ; son œuvre n’est pas une œuvre de foi. Il ôte le mal le plus choquant en détruisant Baal ; mais le péché de la nation, le péché qui attirait les jugements de Dieu sur le peuple, subsiste, les veaux de Béthel demeurent debout. Ce culte avait été toléré pendant longtemps ; il était devenu si vénérable par son ancienneté, que les consciences restaient endormies dans la pratique de cette idolâtrie. Ainsi la conversion du peuple qui servait Baal au culte que Jéroboam avait établi, suffit pleinement à ce réformateur en Israël ; il en avait bien assez fait pour oser se vanter du zèle qu’il avait pour le Seigneur. Comme ils agissaient différemment, les fidèles prophètes de l’Éternel. En leur découvrant le mal dans lequel la nation était plongée, Dieu tenait leurs propres âmes dans un état d’humiliation. Quoiqu’ils fussent eux-mêmes exempts des péchés qui les entouraient, ils s’humiliaient et confessaient leurs transgressions, comme s’ils avaient participé aux iniquités de ce peuple coupable (voyez Dan. 9 ; És. 6 ; 63 ; 64). — C’est parce que Dieu avait été déshonoré en Israël que ces hommes selon Son cœur travaillaient, priaient et combattaient. Nulle part nous ne les voyons attaquer le mal pour se complaire à eux-mêmes ; ils agissent avec foi, et tout en remettant à Dieu leur cause, comme à Celui qui seul connaît les désirs de leurs cœurs, ils intercèdent pour les enfants d’Israël, afin qu’ils soient sauvés. Tel était surtout l’esprit qui animait Jérémie, ce prophète qui vivait au milieu de l’apostasie, et qui avait été chargé de dénoncer les jugements de Dieu au peuple révolté. Quelques paroles prononcées par ce fidèle serviteur de l’Éternel nous font voir les peines et le travail de son âme au sujet des gens de sa nation : « Souviens-toi », dit-il à son Dieu, « souviens-toi que je me suis présenté devant toi, afin de parler pour leur bien et afin de détourner d’eux ta grande colère » (Jér. 18, 20). C’était là un véritable zèle selon le Seigneur.

Il y a encore une autre chose qui réclame notre sérieuse attention. Nous ne voyons pas que ces hommes de Dieu fussent satisfaits des résultats de leurs travaux. — L’Esprit qui leur découvrait l’étendue du mal, leur faisait aussi connaître que le seul remède en était Christ, le Messie promis, qui devait conduire le peuple à la justice. C’était cette ferme et précieuse espérance qui rendait leur ministère efficace pour la consolation et l’affermissement d’un faible résidu demeuré fidèle au milieu d’un mal aussi grand, et qui leur permettait de s’identifier avec l’ordre de choses que Dieu avait primitivement établi, et qui était entièrement tombé en désuétude. Leur but n’était pas de reconstruire ce que les hommes avaient ruiné ; et c’eût même été un grand désappointement pour les fidèles si les bénédictions qu’ils attendaient n’avaient pas dû dépasser les limites d’une simple réformation. Non, leur espérance embrassait quelque chose de plus parfait et de plus glorieux, et ce n’était pas par leurs propres efforts qu’ils espéraient pouvoir parvenir à la jouissance de ces bénédictions. C’est par cette foi que, dans les plus mauvais jours, au milieu de l’idolâtrie et du formalisme, le plus simple individu qui marchait dans les ordonnances du Seigneur était soutenu et fortifié, et qu’il était enseigné à se séparer de tout ce qui n’était pas selon Dieu. C’était la puissance de cette foi qui soutenait le petit résidu fidèle au temps de la venue du Messie. Voici ce que saint Luc nous dit d’Anne, la prophétesse, fille de Phanuel : « C’était une veuve d’environ quatre-vingt-quatre ans, qui ne sortait point du temple, servant Dieu en jeûnes et en prières nuit et jour. Elle, étant donc survenue dans le même moment, louait aussi le Seigneur, et parlait de lui à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient la délivrance » (Luc 2, 36, 38). Attendre la délivrance, c’était la disposition qui caractérisait le culte que Dieu acceptait et qu’Il avait pour agréable. Le peuple se contentait d’une réforme purement extérieure (et, en effet, si l’on considère ce qu’Israël était avant la captivité, il y avait alors au moins de l’ordre et de la décence) ; mais l’Esprit de Christ qui était dans la prophétesse l’enseignait à regarder dans l’avenir et à attendre la délivrance. Aussi la voyons-nous séparée de la masse et passer tout son temps dans le temple en jeûnes et en prières. Tout ce peuple n’était-il pas appelé à entrer dans cette voie d’attente ? Sans doute ; mais il n’y avait chez lui aucun zèle pour l’Éternel : « il y avait de la joie et de l’allégresse ; on tuait des bœufs, on égorgeait des moutons, on en mangeait la chair, et en buvant du vin, on disait : Mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (És. 22, 12, 13).

Si nous désirons faire connaissance avec un homme réellement dévoué au Seigneur, dont le zèle puisse nous être en exemple et dont la conduite contraste si fortement avec celle de Jéhu, la Parole nous en présente un dans la personne du pieux Josias, roi de Juda. Ayant trouvé une copie de la loi en réparant le temple, et ayant appris par ce livre jusqu’à quel point ses pères et tout son peuple avaient abandonné les commandements de l’Éternel, il déchire ses vêtements et prononce ces paroles qui expriment si bien la douleur de leur cœur : « La colère de Dieu est grande ; elle a fondu sur nous, parce que nos pères n’ont point gardé la parole de l’Éternel, pour faire selon tout ce qui est écrit dans ce livre » (2 Chron. 34, 21). C’est ici un zèle selon le cœur de Dieu. Commence-t-il par tout remettre sur un bon pied, dans une aveugle confiance en ses propres forces ? Nullement ; il s’humilie, il confesse ses péchés. Sa première démarche est ensuite de consulter l’Éternel. La prophétesse lui apprend que le dessein de Dieu est de faire venir sur Jérusalem et sur ses habitants toutes les exécrations du serment qui sont écrites dans le livre. Cependant, pour ce qui le concernait en propre, le Seigneur lui fait dire de meilleures choses : « Parce que ton cœur s’est amolli, que tu t’es humilié devant moi, que tu as déchiré tes vêtements et pleuré devant moi, je t’ai exaucé, dit l’Éternel. Voici je vais te retirer avec tes pères, et tu seras retiré dans tes sépulcres en paix, et tes yeux ne verront point tout le mal que je vais faire venir sur ce lieu-ci » (v. 26, 27, 28). Ainsi donc le jugement de Dieu allait venir sur la nation, et Sa miséricorde allait s’exercer envers le roi, en ce qu’il allait être retiré de devant le mal qui allait fondre sur le peuple. Il semble que ce n’était plus le moment de manifester du zèle, mais que c’était au contraire le cas de dire comme le peuple disait à Jérémie, qui prophétisait dans ce temps-là : « C’en est fait, car j’ai aimé les étrangers, et j’irai après eux ». Cependant, le pieux roi se met à l’œuvre, non pas avec ostentation, comme Jéhu, mais dans un esprit d’humiliation. Il n’a pas plus tôt reçu le message de la prophétesse qu’il assemble tous les anciens de Juda et de Jérusalem et tout le peuple, depuis le plus petit jusqu’au plus grand ; et on lit, eux l’entendant, toutes les paroles du livre de l’alliance, qui avait été trouvé dans la maison de l’Éternel. Debout près de la colonne, le roi traite devant l’Éternel cette alliance-ci : « qu’ils suivraient l’Éternel, et qu’ils garderaient de tout leur cœur et de toute leur âme ses commandements, ses témoignages et ses statuts, pour persévérer dans les paroles de cette alliance, écrites dans le livre ; et tout le peuple se tint à cette alliance » (v. 30-33).

Voilà un zèle qui porte en lui-même le cachet de l’approbation divine. — Toute réformation qui n’aurait pas tenu compte de la loi de l’Éternel, n’aurait pu satisfaire cette âme réveillée et affligée du mépris qu’on avait fait retomber sur la Parole de son Dieu. La loi étant la condition primitive de la bénédiction, il faut que Josias y retourne, quoiqu’il soit sans espoir de pouvoir la remplir. Un changement plus extérieur aurait pu en contenter beaucoup d’autres, qui l’auraient même envisagé comme une réformation modèle. Mais Josias ne s’en réfère pas même aux travaux qu’avait accomplis son pieux ancêtre Ézéchias ; il ne veut d’autre modèle, d’autre guide que la loi de l’Éternel. Comment le pieux roi fut-il encouragé à s’opposer au mal qui l’entourait et à attendre avec confiance la bénédiction de Dieu sur Israël ? Il est bien probable que ce fut par les paroles suivantes que le Seigneur mit dans la bouche de Son serviteur Jérémie : « En ce temps-là on appellera Jérusalem le trône de l’Éternel ; et toutes les nations s’assembleront vers elle, au nom de l’Éternel, à Jérusalem, et elles ne marcheront plus après la dureté de leur cœur mauvais » (Jér. 3, 17). Fortifié et encouragé par une promesse aussi certaine, il pouvait dire : « Voici, nous venons vers toi, car tu es l’Éternel notre Dieu. Certainement on s’attend en vain aux collines et à la multitude des montagnes ; mais c’est en l’Éternel, notre Dieu, qu’est la délivrance d’Israël » (Jér. 3, 14-19, comparés avec v. 22-25).

Ayant la Parole de Dieu pour guide et la gloire d’Israël devant lui, Josias a soin de recueillir aussi les bénédictions que Dieu accorde à son obéissance. « Il commande à tout le peuple, en disant : Célébrez la pâque à l’Éternel votre Dieu, en la manière qui est écrite au livre de cette alliance. Et certainement jamais pâque ne fut célébrée au temps des juges qui avaient jugé Israël, ni dans tout le temps des rois d’Israël et de Juda, comme cette pâque qui fut célébrée en l’honneur de l’Éternel, dans Jérusalem, la dix-huitième année du roi Josias » (2 Rois 23).

Combien nous avons besoin de veiller sur nous-mêmes, bien-aimés frères, et de demander à Dieu qu’Il nous garde de nous laisser aller à un zèle qui ressemblerait à celui de Jéhu. Soyons-en sûrs, rien n’est plus facile que de signaler les fautes d’autrui et de s’élever avec force contre le mal. L’homme peut remplir cette tâche à merveille par les seules lumières de son intelligence, sans que l’Esprit de Christ y soit pour rien. Ce n’est pas l’Esprit de Dieu qui enseigne à mettre sans cesse le mal à découvert. Sans doute Il pousse les disciples de Christ à s’en séparer, mais il les conduit aussi à donner l’exemple de quelque chose de meilleur. C’est toujours au grand détriment de notre vie spirituelle que nous contractons l’habitude de rechercher et de publier le mal qui se trouve dans l’Église, pour entreprendre ensuite d’y remédier dans une aveugle confiance en nos propres forces. Une telle marche nous conduit plus ou moins à oublier que nous sommes nous-mêmes impliqués dans le mal que nous travaillons à faire disparaître, le corps de Christ ne pouvant éprouver de la souffrance sans que nous en soyons nous-mêmes affectés. « Aie du zèle et te repens ! », c’est là un conseil que nous devons bien prendre garde de perdre de vue.

Ensuite, soyons bien convaincus que ce ne sont ni les arrangements les plus sages et les plus judicieux, ni même la réorganisation la plus scripturaire, qui pourront placer l’Église dans une condition meilleure. En admettant même que la chose pût avoir lieu, où serait l’humilité de celui qui assumerait sur lui la responsabilité d’une telle œuvre ? On oublie trop facilement, hélas ! que Dieu fait Sa demeure dans les cœurs humbles et contrits, et que ce n’est qu’à proportion que les fidèles reconnaissent d’où ils sont déchus et mènent deuil sur leurs péchés, qu’ils sont bénis. Tout ce qui n’est pas conforme au but de Dieu ne peut satisfaire ni le Seigneur, ni Son Esprit qu’Il a donné à l’Église. Or, Jésus a demandé au Père que ceux qui croient en Lui soient un, et la prière de Ses lèvres sera tôt ou tard exaucée. Mais quand cette glorieuse unité sera-t-elle réalisée ? Quand l’Église sera manifestée avec son Époux, qu’elle possédera la gloire que Jésus lui a donnée et que le monde connaîtra que le Père a aimé l’Église comme Il aime Son Fils Jésus. Voilà le but glorieux que nous devons avoir sans cesse devant les yeux. Ce but, nous le voyons, n’est pas une simple réformation, mais la gloire de Christ et de l’Église. Maintenant, si, au lieu de regarder à cette gloire future que Dieu prépare, les saints regardent en arrière, à la gloire passée de l’Église, dans l’espérance de revoir ses beaux jours durant cette économie, alors, quelque droits et zélés qu’ils puissent être, il est évident que leur zèle n’est pas selon la connaissance, et que leur désappointement sera en proportion des espérances qu’ils auront conçues. Sans doute, il faut regarder au modèle de sainteté qui devrait être le caractère de l’Église, pour nous affliger d’autant plus de sa déchéance ; mais ce ne sera jamais le souvenir de ce qu’elle était autrefois, ni les projets et les œuvres que nous faisons dépendre de nous-mêmes, en tout ou en partie, qui pourront nous communiquer une nouvelle vie.

Ce sont surtout ces considérations qui font de la venue du Seigneur une vérité si bénie et si pratique. Les réformes les plus accomplies nous laisseront toujours quelque chose à désirer ; mais quand le Seigneur viendra, tout sera perfection, tout sera gloire. L’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ comblera nos plus belles espérances. Cette attente est une espérance qui ne confond point et qui s’harmonise parfaitement avec le but final que le Seigneur se propose, savoir la pleine glorification de l’Église. Si Son intention était de la rétablir dans l’état où elle se trouvait auparavant, alors ce serait à cela que nous aurions à regarder sans cesse. Mais tel n’est pas Son but. Cependant, même en admettant que nous pussions revenir sur nos pas et que l’Église pût voir encore les glorieux jours qui suivirent la Pentecôte, n’aurions-nous pas toujours à dire avec Paul : « Je ne me persuade pas d’être encore parvenu au but » ? La gloire ne serait-elle pas encore un objet à poursuivre, et n’aurions-nous pas à oublier les choses qui sont derrière nous ? Ce n’est guère que lorsque le Saint Esprit a poussé les cœurs des disciples du Seigneur à l’amour de Dieu et à l’attente de Christ, qu’ils sont à même de comprendre l’insuffisance des réformes que l’homme accomplit dans l’Église et dans lesquelles il se recherche si souvent lui-même. — Nous le répétons, le but de Dieu envers l’Église, c’est la gloire, et « il nous a lui-même formés pour cela ». Ayant donc un avenir aussi certain devant les yeux, nous sommes sans cesse encouragés à marcher en avant avec foi et dans une entière confiance en Celui qui a fait les promesses.

Tant que nous parcourrons le désert de ce monde, nous aurons à nous humilier de nos fautes, et les péchés de nos compagnons de service seront des sujets d’affliction pour nos âmes. Mais quant au Dieu sur lequel s’appuient nos espérances, Il est invariable et ne peut faillir : « Il ne se lasse point, il ne se fatigue point, et il n’y a pas moyen de sonder son intelligence ». S’Il nous appelle à vivre ici-bas dans un état d’attente, et à espérer sans cesse l’accomplissement de l’Église dans la glorification de son chef, Il nous soutient en nous donnant les arrhes de l’Esprit. Le désir de l’Esprit étant que Jésus soit maintenant glorifié comme Il le sera au jour de Son avènement, notre espérance tend nécessairement à nous placer ici-bas dans la condition qui convient à des bourgeois des cieux, et à nous faire marcher dans la sanctification, à la gloire de Celui qui nous a tant aimés.

Ensuite soyons bien persuadés que ce n’est pas le plus grand zèle pour opérer des réformes qui répond à l’intention de Dieu et aux besoins actuels de Son peuple. Ce que le Seigneur demande des siens, c’est qu’ils reconnaissent l’état de déchéance de l’Église, et qu’ils aient la parole de vérité pour leur seul guide. Ce fut là ce qui donna un caractère aussi remarquable à la pâque qu’on célébra aux jours de Josias. Toute l’ordonnance du service de cette pâque se fit scrupuleusement selon la Parole et dans un sentiment bien prononcé d’humiliation ; ce qui n’avait pas même eu lieu sous le règne du pieux Ézéchias.

Remarquons aussi que cette même Parole qui nous montre ce que l’Église était autrefois, ce qu’elle est devenue et combien sa gloire sera grande quand Christ apparaîtra, nous annonce avec la plus grande clarté que le jugement de Dieu fondra sur tout ce qui porte le nom de « royaume des cieux ». Il ne peut donc pas être question de réformes, mais bien d’être séparés d’un ordre de choses qui n’a d’autre avenir à attendre que la manifestation du juste jugement de Dieu. Oui, Dieu jugera la vigne de la terre ; c’est là Son propos arrêté. « La journée de l’Éternel est contre tout ce qui est haut élevé ». Prenons donc garde de nous opposer à Sa volonté, en agissant comme s’Il avait décidé de rétablir ce que les hommes ont détruit. Toutefois, que tous ceux qui mènent deuil sur le mal qui a envahi l’Église, se réjouissent, car le Saint Esprit console ceux qui tremblent à l’approche du jugement ; Il leur donne la précieuse assurance qu’il « sera bien au juste », et que quand « le Seigneur viendra avec des flammes de feu, exerçant la vengeance contre ceux qui ne connaissent point Dieu et qui n’obéissent point à l’évangile, il viendra en même temps pour être glorifié dans ses saints ». Lorsque le zèle des disciples de Jésus sera réglé par toutes ces considérations, alors il sera vraiment selon la connaissance. Ce sera la gloire future de l’Église qu’ils auront devant les yeux comme le seul et unique but auquel ils doivent tendre, car c’est là véritablement l’espérance de leur vocation. Comme l’objet de cette espérance n’est pas la production et le beau rêve de l’orgueil ou de la sagesse humaine, mais une chose qui a été arrêtée de toute éternité dans les conseils de Dieu, tous ceux qui ont reçu l’Esprit ont le droit d’attendre par la foi l’accomplissement des glorieuses promesses qu’elle embrasse. Déjà ici-bas, les enfants de Dieu recueilleront les fruits précieux de cette espérance. Ils seront plus unis les uns les autres, et on verra disparaître de la famille de Jésus la jalousie, l’esprit de rivalité et les plans de la sagesse humaine. Les fidèles ne seront ni enflés par quelques succès apparents, ni découragés par le sentiment de leurs misères personnelles et du mal qui les environne. Leur unique affaire sera d’être trouvés dans la route où Jésus a promis de les bénir.

La doctrine de l’avènement du Seigneur est donc une doctrine infiniment précieuse et qui doit exercer une très grande influence pratique, puisque ce serait en vain qu’on attendrait des temps meilleurs pour l’Église, si la certitude du retour de Christ ne reposait pas sur la Parole même de Dieu. Il me paraît difficile que ceux qui ne reçoivent pas cette vérité puissent prier avec intelligence. Au lieu d’être inspirées par la volonté révélée de Dieu, leurs prières seront toujours plus ou moins dictées par le jugement de l’homme. Or, n’est-il pas écrit que « si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous exauce » ? Le culte de l’Église, le témoignage qu’elle rend ici-bas, ses prières mêmes porteront toujours plus ou moins le cachet de l’espérance qu’elle a devant les yeux. Si elle n’a en vue que l’abolition des maux qui existent en elle, ses prières s’en ressentiront certainement. Dans ce sentiment, elle pourra déployer le zèle le plus fervent pour atteindre le but qu’elle a devant les yeux, mais elle oubliera toujours son péché fondamental et dominant. Le grand péché de l’Église a été de se détourner des voies du Seigneur pour suivre ses propres sentiers. Elle a substitué des arrangements humains et des charges officielles et privilégiées à l’ordre et à l’action du Saint Esprit. Tant qu’on n’a pas connu et abandonné ce péché, il est inutile d’espérer une réformation foncière. On parviendra peut-être à abolir quelques-uns des abus les plus saillants, tandis que, d’un autre côté, on introduira l’esprit du siècle dans les choses de Dieu, et ceux qui auront déployé le plus de zèle pour arriver à ce but, n’en seront peut-être que plus satisfaits d’eux-mêmes.

J’ai été souvent frappé de voir jusqu’à quel point Dieu fait dépendre la bénédiction de l’Église de la fidélité individuelle. Comparez ces paroles : « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux églises » avec ces autres paroles : « Celui qui vaincra sera vêtu de vêtements blancs ; celui qui vaincra, je le ferai être une colonne dans le temple de mon Dieu, etc. » (Apoc. 3, 6, 5, 12).

Hélas ! nos pauvres cœurs nous portent toujours plutôt à manifester du zèle pour amener des résultats extérieurs qu’à marcher nous-mêmes dans le chemin difficile du renoncement et d’une scrupuleuse fidélité dans les petites choses comme dans les grandes.

Mais la Parole en ordonne tout autrement. C’est à des individus que la voix du bon Berger se fait entendre. C’est en mettant devant eux l’espérance de la gloire, que l’Esprit les unit les uns aux autres et les rassemble. Ainsi rassemblés par le principe de l’unité de Dieu, et non par quelque association d’arrangement humain, ce qui est une union de vérité et non de convenance et de circonstance, il y a bénédiction. Les saints que Dieu a unis apprennent à s’estimer l’un l’autre, à s’exhorter, à s’inciter à la charité et aux bonnes œuvres, et cela d’autant plus que le jour approche. Unis ensemble, par un esprit d’obéissance, au Seigneur Jésus Christ, Dieu leur ouvre une porte que personne ne peut fermer, et lorsque Sa volonté leur est connue, ils s’étudient à la suivre en s’appuyant sur Son bras tout-puissant. Ils ne se proposent rien, ils n’établissent rien. Croire au Seigneur, Lui obéir, Le suivre, se réjouir en Lui, c’est là leur unique affaire. C’est là leur liberté ; liberté précieuse, que les arrangements humains ne peuvent qu’entraver ; car, si beaucoup de chers enfants de Dieu sont abreuvés d’épreuves, c’est que des règles dictées par la sagesse humaine les empêchent d’obéir à Jésus, comme les veaux d’or de Dan et de Béthel empêchaient le peuple d’Israël de servir Dieu avec pureté.

Non, ce n’est pas le zèle le plus ardent pour introduire des changements dans l’Église qui répond aux besoins de notre époque. Ce que Dieu demande, ce sont des cœurs contrits, qui tremblent à Sa parole. Gardons-nous de la manie de découvrir et de condamner les erreurs et les fautes des autres ; mais demandons une intelligence prompte à connaître la volonté du Seigneur, et un cœur docile pour la faire. Ayons sans cesse devant les yeux l’espérance de notre vocation, qui seule peut affranchir et consoler nos âmes.

Hélas ! il est bien à craindre que, après les plus vigoureuses protestations contre le papisme, ou contre tout autre système corrompu, que ce soient des troupeaux ou des individus qui s’élèvent ainsi contre le mal, il est bien à craindre, dis-je, que l’Esprit de vérité n’ait pas à dire ce qu’Il dit à Jéhu, après avoir loué le zèle avec lequel il s’acquitta de sa commission : « Il n’a point pris garde de marcher dans la loi de l’Éternel de tout son cœur ». — On voit souvent que ceux qui ont le plus de zèle pour s’élever contre le mal et pour s’en séparer extérieurement, ont peu de délicatesse de conscience, et que le péché de la dispensation demeure dans leurs cœurs. Dieu bénit tout ce qu’Il peut bénir, mais Il ne peut pas approuver le contentement de soi-même et la tiédeur. Qu’Il veuille nous accorder à tous d’entendre et de mettre à profit ces paroles d’exhortation si bien adaptées à la position de l’Église : « Je reprends et je châtie tous ceux que j’aime ; aie du zèle et te repens. Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui, et je souperai avec lui, et lui avec moi ».