Lettre aux jeunes frères

H. Rossier
1 janvier 1923

Chers jeunes frères,

Un frère âgé qui attend journellement le Seigneur, mais réalise aussi chaque jour que « le temps de son départ est proche », désire vous écrire encore quelques paroles affectueuses d’exhortation et d’encouragement.

J’ai connu certains vieillards pieux qui, voyant approcher la fin de leur carrière, ont adressé des conseils aux jeunes frères avec la pensée que ces derniers auraient à leur succéder dans le témoignage. À vue humaine, une telle éventualité était possible, disons même probable, mais ces vieillards oubliaient que des conseils basés sur la durée du témoignage, supposent toujours que la venue du Seigneur n’est pas très prochaine.

Ce n’est donc pas pour vous entretenir du rôle qui vous incombera quand le Seigneur aura retiré vos conducteurs, que je tiens à vous adresser ces lignes, mais, au contraire, pour insister sur le fait que le temps où il vous est possible de rendre témoignage arrive à son terme et que nous nous trouvons à « la dernière heure ». Je suis persuadé que vous serez convaincus de cette vérité si vous avez la Parole de Dieu pour guide habituel.

Or le grand danger que courent les jeunes frères de la génération présente est de négliger cette Parole. Je voudrais avant tout que les jeunes chrétiens ne se contentassent pas d’une lecture hâtive de leur Bible, comme pour se libérer d’un devoir, ce qui est autant que de ne pas la lire du tout. Mais, bien plus, je voudrais les voir étudier leur Bible avec prière et avec le désir ardent d’être enseignés par le Saint Esprit pour la comprendre.

Dans ce but, quelques conseils pourraient vous être utiles : Commencez par vous attacher à l’étude de la partie du saint Livre que le Seigneur placera devant vous. Lisez cette partie et la relisez plusieurs fois d’un bout à l’autre. Notez pour vous-mêmes les quelques vérités qui vous auront frappés. Vous les recevrez directement de Celui qui veut que vous écoutiez Son enseignement. Sans doute votre provision ne manquera pas d’être d’abord fort petite, mais elle vous sera d’autant plus précieuse que vous l’aurez reçue du Seigneur Lui-même, tout en sentant votre pauvreté spirituelle, expérience qui vous est profitable.

Ayant terminé ce travail et constaté ses maigres résultats, consultez les « Études sur la Parole », ou aussi quelque ouvrage de moindre importance ; vous serez alors frappés des flots de lumière qu’ils ajouteront à vos faibles connaissances. Beaucoup de ces écrits ont une valeur incomparable pour vous édifier, et dites-vous bien que le Seigneur ne vous les a pas donnés pour que vous les ignoriez ou les possédiez sans les lire. Ceux qui s’en passent demeurent généralement très ignorants des pensées de Dieu. Pour les uns il y a paresse coupable qui craint l’effort requis pour s’approprier ces écrits ; ils méprisent ainsi ces dons de Dieu, comme s’Il les avait envoyés pour rien. D’autres, plus orgueilleux, pensent pouvoir acquérir pour eux-mêmes et sans y être aidés, les connaissance que ces écrits leur apportent. J’ai souvent remarqué que cet orgueil reçoit sa punition judiciaire dans l’ignorance où ces chrétiens se trouvent de vérités élémentaires familières à de très jeunes enfants dans la foi.

Vos devanciers, chers jeunes frères, se sont nourris de ces écrits et ont été affermis par eux dans la connaissance des vérités que la Parole nous présente, car la Parole est la sauvegarde par excellence de ceux qui traversent les temps fâcheux actuels. Lisez, étudiez, méditez, pour vous en convaincre, toute la seconde épître à Timothée.

Chers jeunes frères, vous êtes-vous assez approprié les vérités capitales sans lesquelles le témoignage qui vous est confié n’existerait pas ? Avez-vous senti l’immense importance de ces vérités du commencement, que vous êtes responsables de maintenir vis-à-vis de toutes les sectes de la chrétienté protestante qui vous entoure ? Le Seigneur vous a accordé le privilège de faire partie de Son témoignage jusqu’à Sa venue, car c’est maintenant le dernier témoignage et il n’y en aura pas d’autre ; mais c’est un fait solennel que, si vous n’y appartenez que d’une manière extérieure, vous en perdrez le bénéfice et la récompense. C’est, en effet, une immense bénédiction d’être lié à un témoignage suscité pour ces derniers temps, mais c’est, en même temps, une immense responsabilité. Si nous la traitons légèrement, elle peut entraîner, à la fin de notre carrière, la perte de toute récompense — une couronne perdue qui ne sera jamais retrouvée !

Seriez-vous assez peu versés dans la vérité présente, pour ignorer en quoi consiste le témoignage actuel dont vous faites partie ? En vous le confiant, Dieu n’a pas d’autre but que de remettre en lumière les vérités, encore ignorées lors du grand réveil de la Réforme, mais communiquées jadis par le ministère des apôtres. Ces vérités comprennent la position céleste et l’affranchissement du chrétien, la possession du Saint Esprit, le culte par l’Esprit, les dons envoyés du ciel par le Seigneur à Son Église ; cette Église, un corps dont Christ est la Tête glorieuse ; la venue prochaine du Seigneur, espérance constante de l’Épouse ; et enfin les vérités prophétiques qui opèrent, chez les croyants, une vraie séparation du monde en leur annonçant les terribles jugements qui fondront sur la chrétienté apostate.

Si vous ignorez ces choses, vous aurez peut-être encore le temps de vous en enquérir : c’est « la onzième heure » ; mais dire : « Je les connais », ne suffit pas à contenter Celui qui vous les a confiées.

Ce que je viens de vous dire m’amène à vous parler de vos autres lectures. Il n’est pas étonnant que la jeunesse, ayant le besoin de s’instruire, s’adonne, dans ce but, à la lecture. Mais la lecture est souvent nuisible en ce qu’elle remplace la Parole par des aliments auxquels le cœur naturel trouve plus de goût qu’à la nourriture céleste. Vous pouvez éviter cet écueil en recherchant les nombreux écrits qui, par l’histoire, les découvertes archéologiques, les voyages, les mémoires, la géographie, les sciences naturelles, etc., vous mettent en rapport plus ou moins direct avec les Écritures.

Quelques-uns de mes jeunes frères, sérieux, désireux de servir fidèlement le Seigneur, et se nourrissant de la Parole, pourraient exprimer leur découragement en entendant dire parmi nous que ce témoignage lui-même a été ruiné par notre faute, et qu’il n’a jamais été selon les voies de Dieu de rétablir, dans sa puissance et sa fraîcheur primitive, un témoignage ruiné par l’homme. À ces frères nous pouvons dire avec l’apôtre écrivant au jeune homme Timothée : « Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de puissance, d’amour et de conseil. N’aie donc pas honte du témoignage de notre Seigneur » (2 Tim. 1, 7-8).

Notre infidélité n’a rien changé à ce témoignage. Je le répète : Lisez souvent la seconde épître à Timothée, cette épître du témoignage de la fin et des ressources infaillibles que Dieu nous donne quand tout est ruiné. Vous verrez que rien n’est changé du côté de Dieu et que le Seigneur peut être aussi honoré aujourd’hui qu’aux premiers jours de l’histoire de Son Église. Que dit l’apôtre ? « Toutefois le solide fondement de Dieu demeure, ayant ce sceau : Le Seigneur connaît ceux qui sont siens, et : Que quiconque prononce le nom du Seigneur, se retire de l’iniquité » (2, 19).

Chers jeunes frères sérieux et fidèles, ne vous découragez pas ; persévérez dans le chemin de la foi, du dévouement à Christ, de la séparation du mal sous toutes ses formes. Soyez-en assurés, et nous qui vous avons devancés dans la carrière, pouvons le certifier : Vous ne trouverez que dans ce chemin le repos, la joie, la paix, l’assurance et la force.

Et vous, mes jeunes amis, sur lesquels le monde a déjà exercé son influence, sans que, peut-être vous vous doutiez encore du terrible danger qui vous menace, hâtez-vous de secouer les chaînes dont Satan cherche à vous lier : « le péché qui enveloppe si aisément » ; fuyez « les convoitises de la jeunesse », afin que vous aussi vous soyez des témoins fidèles du Seigneur, de Sa grâce et de Sa vérité.

Enfin, n’oubliez pas que tout christianisme pratique s’appuie sur deux piliers : la Parole et la prière. Sans la prière vous ne pouvez avoir de communion avec le Seigneur ; sans la prière la Parole sera pour vous lettre morte ; mais aussi, sans la Parole vous ne pouvez connaître ni Dieu, ni Christ, ni le monde, ni vous-mêmes, ni le passé, ni le présent, ni l’avenir, ni le moyen de plaire à Dieu et de glorifier votre Sauveur dans ce monde de ténèbres.

Votre affectionné vieux frère.