Pensez aux choses qui sont en haut (Col. 3, 2)

Un des grands buts de Dieu dans l’évangile de Sa grâce est d’amener ceux qui croient à une intime et entière communion, c’est-à-dire à avoir une même pensée et une même jouissance avec Lui ; il ne peut y avoir une pleine bénédiction pour aucune créature intelligente tant qu’elle n’est pas entrée dans cette position. La misère de l’état de l’homme consiste à accomplir les désirs de la chair et de ses pensées : « à être éloigné de Dieu dans son esprit » ; enfin, à ce que l’air qu’il respire est une séparation d’avec Dieu en actes et en pensées. Or, la grâce et la sagesse de Dieu sont révélées dans l’évangile ; Dieu trouvant l’homme plongé dans son affreux égoïsme, trouve un point de rencontre avec lui dans le sang de l’Agneau, et amène ainsi l’homme en contact immédiat avec Lui. En effet, l’évangile n’enseigne pas seulement à l’homme d’échapper à la colère à venir ; mais lui fait connaître la réconciliation par le sang de la croix et une réception immédiate dans le sein du Père. La paix est rétablie entre ceux que le péché avait séparés pour toujours, et la puissante vertu de la croix qui a accompli ces choses, devient le grand objet des pensées du ciel. « Christ crucifié » devient, pour ceux qui sont sauvés, « la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu » (1 Cor. 1, 24). Il y a donc accord entre l’homme sur la terre et Dieu dans le ciel ; ainsi, l’homme peut « penser aux choses qui sont en haut ».

Dieu nous fait connaître la pensée du ciel, par la révélation de Christ dans le ciel et par la manifestation de Jésus sur la terre : d’un côté Il nous est présenté comme le grand sujet des pensées et des louanges du ciel ; de l’autre, nous Le voyons appliquant Lui-même les pensées du ciel aux choses de la terre. La connaissance de cette double révélation est notre grand privilège.

Une porte est ouverte dans le ciel pour la foi : « La foi est l’assurance des choses qu’on espère, et la conviction de celles qu’on ne voit point » (Héb. 11, 1) ; « Lequel quoique vous ne l’ayez pas vu, vous aimez ; et croyant en lui, quoique maintenant vous ne le voyiez pas, vous vous réjouissez d’une joie ineffable et glorieuse » (1 Pier. 1, 8). « Vous êtes venus à la montagne de Sion ; et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste ; et à des myriades d’anges, l’assemblée universelle ; et à l’assemblée des premiers-nés écrits dans les cieux ; et à Dieu juge de tous ; et aux esprits des justes consommés ; et à Jésus, médiateur d’une nouvelle alliance ; et au sang d’alliance, qui parle mieux qu’Abel » (Héb. 12, 22-24).

De plus, comme étant spirituels, nous sommes appelés à discerner toutes choses ; et nous-mêmes ne serons discernés par personne. « Car, qui a connu la pensée du Seigneur pour qu’il l’instruise ? Mais nous, nous avons la pensée de Christ » (1 Cor. 2, 15-16). « Étant maintenant lumière dans le Seigneur », notre privilège est de marcher comme des enfants de lumière ; qu’est-ce, sinon appliquer la pensée de Christ à toutes les circonstances que nous traversons ; ou, en d’autres termes, avoir dans notre vie les pensées, l’esprit, les affections du ciel ? C’est ici le point important de notre sujet : nous n’avons pas à nous réfugier dans un monde idéal pour fuir la réalité de la misère qui nous entoure ; pas plus que nous n’avons à vivre ici-bas d’une vie monastique ; mais il s’agit, pour nous, d’apporter le ciel dans l’état actuel des choses, par la connaissance de Celui qui s’est donné Lui-même pour nos péchés, afin de nous délivrer du présent siècle mauvais.

Quand Dieu eut achevé l’œuvre de la création, Il vit tout ce qu’Il avait fait, et voici, cela était très bon ; et Il se reposa au septième jour de toute Son œuvre qu’Il fit. — Alors, il était convenable, pour l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, de penser aux choses de la terre ; de voir la sagesse et la bonté de Dieu dans la belle création que Dieu lui avait assujettie. Alors, « quand les étoiles du matin chantaient ensemble, et que tous les fils de Dieu éclataient de joie » (Job 38, 7), la pensée du ciel et celle de la terre n’étaient qu’une. Dieu, les anges et les hommes pouvaient prendre plaisir en la terre ; elle était l’expression du pouvoir de Dieu, de Sa sagesse et de Sa bonté. De quelque côté que l’homme se tournât, tout ce qui l’entourait était associé à Dieu dans sa pensée.

Mais quand l’homme tomba sous le pouvoir de Satan, et, par sa chute, soumit la création à la vanité, aux gémissements et à la misère, Dieu ne put plus associer la pensée de l’homme aux œuvres de la création, si ce n’est pour l’effrayer et le confondre. Tout ce qui entourait l’homme était un témoignage vivant de son péché et de sa séparation d’avec Dieu ; il ne pouvait pas regarder la terre et lever ensuite avec confiances ses regards vers Dieu : le pouvoir destructeur de son propre péché se voyait partout. L’homme ne pouvait plus, comme auparavant, se réjouir en la terre comme étant l’œuvre de la main de Dieu, parce que ce qui frappait partout sa vue, c’était la ruine et la désolation introduites par lui dans ce monde.

Cependant, Dieu n’intervint pas immédiatement en jugement ; il laissa l’homme faire l’essai de ses forces pour réparer le mal qu’il avait fait. Mais le mal allait en augmentant dans le monde ; et, par l’homme, l’influence délétère du mal se répandit sur tout ce qui l’entourait. « La terre était corrompue devant Dieu, et la terre était pleine de violence… ; et Dieu dit à Noé : La fin de toute chair est venue devant moi ; car la terre est remplie de violence à cause d’eux ; et, voici, je vais les détruire avec la terre » (Gen. 6, 11-13). Quand donc l’état de la terre, au lieu de s’améliorer sous la direction de l’homme, devenait de plus en plus mauvais, il ne pouvait plus y avoir de bénédiction à penser aux choses terrestres, mais uniquement à marcher avec Dieu ; comme Énoch qui prophétisait au nom du Seigneur venant en jugement ; ou comme Noé qui témoignait de cette prochaine venue, par la construction de l’arche (Jude 14 ; Gen. 5, 22 ; 6, 22).

Après le déluge, le Seigneur introduit une dispensation de patience et de longue attente, s’engageant, par égard pour l’homme, à ne plus maudire la terre : quoique « l’imagination du cœur de l’homme soit mauvaise dès sa jeunesse » (Gen. 8, 21). Pour la seconde fois, Dieu dit à l’homme : « Fructifiez et multipliez et remplissez la terre » (Gen. 9, 1) ; mais au lieu de donner toute domination à Noé et à ses fils, comme Il l’avait donnée à Adam ; au lieu de placer la création à l’égard de l’homme dans une soumission volontaire, cette création le reconnaissant comme son maître, Dieu dit maintenant : « Vous serez un sujet de crainte et de frayeur pour tout animal de la terre et pour tout oiseau des cieux… ; ils sont livrés entre vos mains. Tout ce qui se meut et qui est vivant vous sera pour nourriture ; comme l’herbe verte, je vous donne tout » (Gen. 9, 2-3). Encore y eut-il une restriction qui était, pour l’homme, un témoignage constant que sa vie était condamnée : « Seulement vous ne mangerez pas la chair avec sa vie, c’est-à-dire son sang » (Gen. 9, 4). Ce commandement plaçait l’homme comme un pécheur devant Dieu ; comme un être qui avait perdu tout titre à la bénédiction, et qui avait besoin de s’approcher de Dieu par le sang. En même temps, Dieu intervient dans le gouvernement de la terre, démontrant ainsi que ce gouvernement était en effet enlevé à l’homme et placé dans Ses mains à Lui, dans les mains du Dieu auquel la vengeance appartient. « Et certes, je redemanderai le sang de vos vies ; de la main de tout animal, je le redemanderai, et de la main de l’homme ; de la main de chacun, de son frère, je redemanderai la vie de l’homme. Qui aura versé le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé, car Dieu a fait l’homme à son image » (Gen. 9, 5-6). Dieu n’était pas intervenu en vengeance contre Caïn, le premier meurtrier ; au contraire, Il avait mis une marque sur lui pour que nul ne le tuât ; afin que l’homme pût apprendre si, abandonné à lui-même, il pourrait réparer le mal qu’il avait fait. Au temps de Noé, Dieu intervient donc pour gouverner la terre ; et l’homme ne peut plus désormais penser aux choses terrestres, comme bénédiction, qu’en reconnaissant son propre état devant Dieu, et le pouvoir de Dieu dans ce monde.

Toutefois la présomption de l’homme ne fit que s’accroître devant la patience de Dieu ; au lieu de reconnaître le pouvoir de Dieu sur la terre, l’homme fit la vaine tentative, par la tour de Babel, de soumettre le ciel à sa domination. C’est pourquoi Dieu dispersa les hommes sur la terre et les abandonna à eux-mêmes ou du moins, il n’y eut plus entre Lui et eux, aucun rapport visible : quoiqu’Il ne se laissât pas sans témoignage parmi eux « en faisant le bien et en leur donnant, du ciel, des pluies et des saisons fertiles (Act. 14, 17). Les hommes se détournèrent pour suivre les vanités trompeuses ; livrés à eux-mêmes, ils se firent des dieux suivant leurs propres pensées, et se réjouirent dans les œuvres de leurs mains. Alors, il plut à Dieu d’intervenir d’une autre manière : Il appela un homme hors du monde idolâtre, et se révéla à lui d’une manière particulière. Or, cette communication de Lui-même faite par l’Éternel à Abraham est l’introduction d’un nouveau principe ; et ce principe est la connaissance d’une autre part que les choses présentes et visibles ; la connaissance de l’Éternel comme « bouclier » et « très grande récompense » (Gen. 15, 1).

Avec Abraham, donc, un principe tout nouveau est introduit : des promesses lui sont faites ; ce ne sont plus, désormais, les choses visibles qui doivent occuper les pensées de l’homme, mais les promesses, des choses qui sont présentées de loin à la foi ; il faut que les hommes fassent profession d’être pèlerins et voyageurs sur la terre (Héb. 11, 13). Abraham savait qu’une longue période de ténèbres et de détresse passerait avant que le pays, dans lequel il était un étranger, devînt la possession de sa semence ; en effet, quand le temps marqué fut arrivé, le Seigneur, fidèle à Sa parole, appela Israël hors d’Égypte ; puis comme s’Il eût voulu ne pas empêcher les bénédictions terrestres, Il proposa aux Israélites de leur donner ces bénédictions, en devenant Lui-même leur législateur et leur Roi : « Et maintenant, si vous écoutez attentivement ma voix, et si vous gardez mon alliance, vous m’appartiendrez en propre entre tous les peuples ; car toute la terre est à moi, et vous me serez un royaume de sacrificateurs et une nation sainte » (Ex. 19, 5-6). En cela consistait la bénédiction : Israël une nation sainte, une sage et grande nation, car le Seigneur Dieu était au milieu d’elle. Il y avait ainsi une nation sur la terre, pour laquelle c’eût été reconnaître Dieu que de penser aux choses de la terre ; « car quelle est la grande nation qui ait Dieu près d’elle, comme l’Éternel, notre Dieu, est près de nous dans tout ce pour quoi nous l’invoquons ? » (Deut. 4, 7). Un Israélite aurait reconnu Dieu, non seulement dans le service du tabernacle, mais encore dans ses relations civiles, dans ses arrangements judiciaires, dans l’administration de sa maison ; la chose la plus petite devenait pour lui importante quand elle était sanctionnée par ces mots : « Vous ferez… car je suis l’Éternel » (Lév. 19). Alors, penser à toutes ces choses terrestres, c’était reconnaître Dieu.

Mais le peuple juif rechercha la bénédiction en dehors de Dieu ; ils pensaient bien à la bénédiction, mais la proximité de Dieu leur devint à charge. La condition à laquelle Dieu avait attaché la bénédiction, la condition de reconnaître qu’elle était un dépôt de Sa part, ne convenait pas à leur méchant cœur ; ils dirent à Samuel : « Maintenant établis sur nous un roi pour nous juger, comme toutes les nations » (1 Sam. 8, 5). Ainsi ils rejetèrent Dieu (1 Sam. 8, 7) ; et quoique Dieu supportât ce péché, quoiqu’Il « leur donnât un roi dans sa colère », et qu’Il établit même ensuite Salomon dans toute la plénitude de la sagesse et du pouvoir ; tout cela ne servit qu’à montrer combien, dans les mains de l’homme, toute tentative de remédier au mal qu’il avait introduit dans la création devait être inutile et vaine ! Cependant, quoique Salomon eût failli en ne sachant pas retirer la bénédiction des choses terrestres, Dieu n’abandonna pas la terre. Il continua à y reconnaître un peuple qui devait être heureux en tant qu’il reconnaîtrait Dieu dans toutes les choses qui l’entouraient. Mais le peuple ne se réjouissait que dans l’œuvre de ses mains ; ils ne voulurent pas du Seigneur leur Dieu ; ils Le rejetèrent, et Dieu les abandonna aux désirs de leurs propres cœurs ; puis ils marchèrent selon leurs conseils (Ps. 81, 12).

Toutefois, alors même que leur témoignage avait entièrement failli, Dieu ne cessa de les avertir par la bouche de tous Ses prophètes, disant : Retournez-vous vers moi et je vous bénirai ; jusqu’à ce qu’à la fin, Il leur envoya Son propre Fils, en disant : « Ils auront du respect pour mon fils » (Matt. 21, 37). Le Fils vint, ayant dans Sa main les bénédictions terrestres ; Il se présenta pour être reçu, par eux, comme la semence en laquelle toutes les nations de la terre devaient être bénies. Il n’en fut pas moins méprisé, rejeté par eux, et crucifié ; mis à mort par les mains des méchants ; alors le ciel reçut Jésus comme étant Lui seul, le centre de toute bénédiction.

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Il est maintenant facile d’apercevoir l’immense différence qui existe entre la pensée de la terre et celle du ciel. Il n’y a qu’une pensée dans le ciel : c’est celle qui reconnaît toute la valeur de l’Agneau qui a été immolé, la valeur de « Celui que Dieu a exalté », de Celui auquel l’Éternel a dit : « Assieds-toi à ma droite jusqu’à ce que je mette tes ennemis pour le marchepied de tes pieds » (Ps. 110, 1). Toute l’intelligence du ciel est occupée à manifester les gloires de la personne et de l’œuvre du Fils. C’est en cela que consistent les pensées célestes ; elles ne sont que le partage de ceux qui sont ressuscités avec Christ ; qui sont déjà parvenus, en esprit, aux milliers d’anges ; et qui, avec ces derniers, désirent contempler les souffrances de Christ et les gloires qui devaient les suivre. Un seul sujet absorbe tout, sujet inépuisable ! il n’admet pas des cœurs partagés ; pour nous en approcher, les reins de notre esprit doivent être ceints. L’homme avancé dans la connaissance de Christ est celui qui a oublié tout autre chose, afin de connaître Celui qui est dès le commencement ; jusqu’à la fin il ne reste à cet homme autre chose à demander, si ce n’est qu’il puisse Le connaître (Phil. 3, 10).

C’est donc par la connaissance de Jésus, que nous entrons dans la pensée du ciel. Il n’y a rien en cela d’imaginaire ou de spéculatif ; il ne s’agit pas de donner carrière à notre imagination, afin de nous représenter à nous-mêmes quelles peuvent être les occupations du ciel ; mais la position du chrétien est d’être en communion avec ceux qui habitent au ciel ; et cela par la connaissance de Celui qui est descendu premièrement dans les parties les plus basses de la terre, et qui, ensuite, est monté au-dessus de tous les cieux. L’objet qui nous est présenté est aussi la pensée dominante de ceux qui habitent déjà les cieux ; voici cette pensée : « l’Agneau qui a été immolé » (Apoc. 5). Nous avons ainsi une idée de l’immense distance qui existe entre l’effort le plus puissant de l’intelligence ou de l’imagination de l’homme, et la pensée de celui qui est conduit par l’Esprit. « Peux-tu, en sondant, découvrir ce qui est Dieu ? ou découvriras-tu parfaitement le Tout-puissant ? Ce sont les hauteurs des cieux, que feras-tu ? » (Job 11, 7).

Notre Dieu n’est pas un Dieu de sentiment, mais un Dieu vivant qui se fait connaître en entrant dans toutes nos nécessités ; un Dieu qui a manifesté par la rédemption tout ce qu’Il est, même aux anges qui n’avaient pas besoin de cette rédemption pour eux-mêmes. Quand la plénitude des temps fut arrivée pour envoyer Son Fils, né de femme, les premiers qui chantèrent le cantique de louanges ne furent pas ceux auxquels Il voulait donner la bénédiction et à la nature desquels Il s’associait ; mais bien ceux dont Il n’avait pas pris la nature, les anges auxquels Il n’apportait pas le salut. La rédemption fut d’abord célébrée par eux, dans le ciel : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ! » (Luc 2, 13-15).

Telle est la grande réalité ; et jusqu’à ce que ce qui occupe les anges dans le ciel remplisse aussi la pensée de l’homme, ce dernier se promène au milieu de ce qui n’a que l’apparence ; il se tourmente en vain ; car « le monde passe avec sa convoitise ». La seule réalité pour le monde, c’est le péché, le chagrin, la mort qu’il hérite en naissant, et qu’il cherche à oublier par la poursuite d’un bonheur venant de la créature. La réalité dont le ciel s’entretient, c’est le triomphe de Celui qui a tout surmonté, et qui a dit à Ses disciples : « Ayez bon courage, j’ai vaincu le monde » (Jean 16, 33). La victoire que le ciel célèbre n’est pas une grandeur acquise par le monde, mais la victoire remportée sur le monde par les souffrances mêmes dont ce monde fut l’instrument : « Digne est l’Agneau qui a été immolé, de recevoir puissance et richesse, et sagesse, et force, et honneur, et gloire, et bénédiction » (Apoc. 5, 11-14 ; 7, 10-12). Quelle chose merveilleuse ! Tout ce après quoi le cœur de l’homme soupire pour être heureux, est attribué à Celui que les hommes ont crucifié et mis à mort par des mains iniques.

Qui donc peut entrer dans les pensées, dans les joies du ciel, si ce n’est l’homme qui se glorifie dans la croix de Christ, et qui, à travers Lui, voit le monde assujetti au méchant ? Penser aux choses terrestres, c’est, pour un tel homme, oublier entièrement le chant de triomphe que nous venons de rappeler, c’est justifier l’homme de ce qu’il a crucifié le Seigneur de gloire, c’est dire dans son cœur que Jésus est maudit. Pourquoi, en effet, Jésus est-Il digne de recevoir toutes ces choses : puissance, richesse, sagesse, gloire… ? C’est parce qu’Il a été immolé, qu’Il a été obéissant jusqu’à la mort même de la croix ; à cause de cela aussi, Dieu L’a hautement élevé et Lui a donné un nom au-dessus de tout nom (Phil. 2, 8-11). Jésus n’a pas cherché la gloire de la part des hommes. Il n’en a rien voulu ; mais Il a montré ce qu’était réellement ce monde et son opposition à Dieu ; Il l’a montré, non seulement en y renonçant, mais en souffrant par lui : Il mourut au monde, et par le monde.

Pour déterminer notre propre position sur cette terre, au milieu du monde, il est indispensable que nous soyons en communion avec la pensée du ciel, et que nous considérions comment les habitants du ciel envisagent toutes les choses que l’homme désire. Ils ne peuvent reconnaître à l’homme, comme lui appartenant, ni la puissance, ni la richesse, ni l’honneur, ni la gloire ; car, entre ses mains, ces choses se sont changées en mal : pour les êtres célestes elles appartiennent uniquement à « Celui qui a été immolé ». C’est là que nous aussi, nous devrions les voir tout en vivant de ces choses par la foi comme étant à nous. Elles ont été remises à Jésus, pour nous aussi, qui sommes héritiers de Sa gloire ; Il a reçu afin de donner ; et la gloire qu’Il a si péniblement gagnée, Il veut qu’elle soit la part de ceux qui croient en Lui.

Or, si nous apprenons ainsi à connaître l’esprit, les affections, la pensée du ciel ; si, conduits par l’Esprit, nous pouvons nous unir à elle ; cette pensée, comme nous l’avons dit plus haut, nous a été révélée encore d’une autre manière que nous sommes appelés à réaliser dans la pratique. Après avoir vu le contraste qu’il y a entre la pensée du ciel et celle de la terre, nous avons à examiner encore le contraste qui existe entre le Fils bien-aimé de Dieu et le monde au milieu duquel Il se trouvait ; en faisant cela nous n’apprendrons pas seulement à connaître l’entière séparation qui existe entre Dieu et le monde, mais nous trouverons aussi, en Jésus, l’application de cette pensée du ciel, aux plus minutieux détails de la vie de chaque jour.

« Personne n’est monté au ciel, sinon Celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel » (Jean 3, 13). Quel autre que Jésus aurait pu nous montrer les pensées de Dieu à l’égard du mal au milieu duquel nous vivons, et nous enseigner comment ceux qui sont devenus participants de l’appel céleste doivent marcher d’une manière digne de cet appel ! Chaque circonstance de la vie de Jésus était une occasion pour mettre en évidence les pensées célestes. Dieu, dans Sa sagesse, s’est servi du péché de l’homme pour manifester Sa propre bénédiction, car, c’est en ayant affaire avec le mal que Dieu a révélé Son caractère, soit à nous, soit aux anges, aux principautés et aux autorités dans les lieux célestes. Dieu, en appelant l’Église à agir dans le monde sur les mêmes principes d’après lesquels Il y agit Lui-même, a voulu manifester, par le moyen de l’Assemblée, les richesses de Sa sagesse infiniment diverse, aux principautés et aux autorités dans les lieux célestes (Éph. 3, 10).

L’homme nouveau est créé en justice et en vraie sainteté ; mais, son activité s’exerçant au milieu du mal, elle ne peut se déployer que dans la souffrance et la patience. L’homme est « renouvelé en connaissance selon l’image de Celui qui l’a créé » (Col. 3, 10) ; mais cette connaissance doit être appliquée à ses besoins à lui, pour montrer que la « crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse », et que « le chemin des hommes droits, c’est de se détourner du mal » (Prov. 9, 10 ; 16, 17). La sagesse qui vient d’en haut, la morale chrétienne, en reconnaissant pleinement tout ce qui est honnête et de bonne réputation, nous présente en même temps ce qui est réellement aimable, parce que c’est une image de Dieu ; cette sagesse est en opposition directe avec celle de l’homme, si on l’applique aux mêmes circonstances. Votre grande affaire à vous, chrétiens, « c’est que vous ne marchiez plus comme le reste des nations qui marchent dans la vanité de leurs pensées, ayant leur entendement obscurci, étant étrangers à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur cœur… Mais vous n’avez pas ainsi appris le Christ ; si du moins vous l’avez entendu, et avez été instruits en lui, selon que la vérité est en Jésus » (Éph. 4, 17-21). Jésus est, en effet, la vérité ; toute vérité a son centre en Lui. Mais ici l’apôtre ne parle pas de la doctrine : il s’occupe de la conduite chrétienne ; de la marche réelle d’un croyant, qui doit être considérée uniquement, « selon que la vérité est en Jésus ». « Apprenez de moi », dit le Maître ; et c’est là ce qui nous importe. Le Maître n’ordonne pas à Ses disciples de faire quelque chose, mais de Le suivre ; et Il se propose Lui-même comme modèle ; « tout homme accompli sera comme son maître » (Luc 6, 40).

C’est donc en Jésus, venu dans le monde, que nous trouvons quelle est vraiment la pensée du ciel. Nous y découvrons en même temps que Celui en qui était cette pensée céleste ne pouvait pas prendre plaisir dans l’état de choses de ce monde. Nous, en tant que nés sous le régime du péché et de la mort, sommes faits pour sentir, en nous-mêmes, ce qu’est la misère ; nous sommes « de la terre et terrestres, et nous parlons de ce qui est terrestre » ; mais Jésus était venu du ciel, et Il parlait de ce qu’Il avait vu et entendu. Celui qui venait d’en haut, qui connaissait la pure bénédiction du ciel, pouvait juger du contraste qu’il y a entre les choses du monde et celles d’en haut. Ayant une vue parfaite de l’état de ruine et de désolation dans lequel l’homme avait précipité la création de Dieu, Il devint un homme de douleur, et sachant ce que c’est que la langueur. Séparé Lui-même des pécheurs, Il pouvait sympathiser profondément avec la misère de l’homme. Rempli Lui-même de la crainte du Seigneur, Il voyait l’homme sans crainte de Dieu devant ses yeux. Connaissant le bonheur d’être dans le sein du Père, Il voyait l’homme chercher son bonheur dans la créature. Il connaissait la colère de Dieu ; Il savait qu’elle allait venir, et Il voyait l’homme vivre comme s’il eût été dans la lumière de la faveur de Dieu. Lui demeurait dans la sainteté de Dieu. Il voyait l’homme mourir dans ses transgressions et dans ses péchés, marchant selon le train de ce monde, selon le prince de la puissance de l’air. Toutes ces tristes réalités ont passé devant Jésus, aussi menait-Il deuil, et s’étonnait-Il de l’incrédulité des hommes, affligé qu’Il était de la dureté de leurs cœurs. Témoin de la puissance et de la domination de la mort, Il pleurait au tombeau de Lazare ; tandis que l’homme était familiarisé avec la mort au point d’oublier qu’elle est le gage du péché.

Telle est la pensée d’en haut ! En elle, aucune complaisance pour les volontés de la chair dont toute la gloire s’efface devant la puissance de la mort ; aucune joie de ce en quoi l’homme se réjouit ; l’appréciation du mal dans toute son effroyable étendue, mais aussi la connaissance de Dieu dans toute l’étendue de Ses bénédictions ! Encore une fois, il ne s’agit ici ni d’aucun travail de la pensée ou de l’imagination, ni d’aucun mysticisme ; mais de la révélation de Dieu en Christ, révélation que l’âme, introduite dans cette connaissance, applique aux circonstances du temps présent. « Moi », dit Jésus, « je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jean 8, 12). Jésus faisait la volonté de Celui qui L’avait envoyé ; et, à cause de cela, Il pouvait juger avec justice ; c’est aussi seulement en faisant cette même volonté, en reconnaissant Jésus comme la lumière par laquelle Dieu éprouve toutes choses, que nous sommes rendus capables d’exercer un juste jugement ; un jugement qui ne soit pas selon l’apparence ; mais c’est aussi en cela que nous sommes si dépourvus de ce qu’est la pensée céleste. Les circonstances qui sont devant nos yeux sont les choses qui se présentent à notre esprit ; nous les jugeons bonnes ou mauvaises, selon notre convenance ou notre intérêt ; mais nous ne les jugeons pas selon Dieu, parce que nous ne les mettons pas en présence de Jésus pour connaître la vérité telle qu’elle est en Lui. Combien de fois l’homme appelle lumière, ce que Jésus appelait ténèbres ; et, bien, ce qu’Il appelait mal ! Défions-nous donc de nos propres jugements, et comprenons ce qui nous est enseigné dans Matthieu 16, 23 et suivants, où le Seigneur dit à Pierre : « Tes pensées ne sont pas aux choses de Dieu, mais à celles des hommes ». C’est aussi ce qui manquait aux Hébreux : ils n’avaient pas « par le fait de l’habitude les sens exercés à discerner le bien et le mal » (Héb. 5, 14).

Notre part est d’avoir la pensée de Christ ; par la puissance du Saint Esprit qui sonde toutes choses, même les choses profondes de Dieu, nous devons nous assurer des pensées de Dieu, et les appliquer à ce qui nous entoure. Nous en fûmes rendus capables lorsque nous fûmes vivifiés ensemble avec le Christ, et assis ensemble, en Lui, dans les lieux célestes ; de là, nous pouvons voir, à la lumière du ciel, le monde et tout ce qu’il renferme. « Si donc vous avez été ressuscités avec le Christ, cherchez les choses qui sont en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu ; pensez aux choses qui sont en haut, et non pas à celles qui sont sur la terre ; car vous êtes morts et votre vie est cachée, avec le Christ, en Dieu » (Col. 3, 1-3).

Ainsi nous apprenons que le système des choses de la terre est l’objet de la longanimité et de la patience de Dieu, qui retarde le jour de Sa colère et de la révélation de Son jugement, jusqu’à ce que l’iniquité de l’homme soit, de nouveau, venue à son comble. Nous voyons le Seigneur Jésus prêt à juger les vivants et les morts, mais attendant néanmoins avec patience que le témoignage ait été rendu à Son sacrifice, de telle sorte qu’aucun ne périsse sans avoir été averti.

Combien donc il nous est nécessaire d’avoir les pensées du ciel et de savoir que Dieu nous a séparés d’avec le monde, afin que nous apprenions à le supporter comme Dieu le supporte, ne nous vengeant pas nous-mêmes, mais Lui laissant le soin de la vengeance, usant de la même grâce que montre le Seigneur, et demeurant fidèles comme Ses témoins en toute occasion.

Le pouvoir de supporter, telle est la merveilleuse gloire et la puissance de la pensée du ciel : nous ne savons pas de quel esprit nous sommes, tant que nous ne sommes pas entrés pleinement dans la pensée de Celui dont la puissance est assez grande pour se retenir de détruire subitement ce qui Lui résiste. « Dieu a parlé une fois ; deux fois, j’ai entendu ceci, que la force est à Dieu ; et à toi, Seigneur, est la bonté » (Ps. 62, 11-12). Quel autre que Dieu seul possède à la fois la puissance de détruire Ses adversaires, et la miséricorde par laquelle Il supplie les pécheurs d’être réconciliés avec Lui ? « Revêtez-vous donc comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de longanimité » (Col. 3, 12), car telle est la pensée et l’esprit du ciel.

Les pensées célestes ne peuvent que nous donner de la tristesse de cœur à la vue des choses qui nous entourent ; elles nous apprennent que dans ce monde la souffrance accompagne nécessairement l’accomplissement de la volonté de Dieu. Le Fils de l’homme, qui était au ciel tout en étant sur la terre, était le Saint et le Juste ; et, s’Il accomplissait toute justice, ce n’était pas pour Lui-même. Plein de grâce envers les autres, Il recevait les pécheurs et mangeait avec eux (Luc 15, 2). Les pharisiens en murmuraient ; mais le Seigneur, au lieu de les punir de ce reproche, en prend occasion pour montrer ce qu’est la pensée du ciel, comparée à celle de l’homme. Tandis qu’un pécheur repousse avec indignation un autre pécheur, la pureté et la sainteté divines se déploient en recevant les pécheurs et en les bénissant. L’homme qui aime le péché repousse loin de lui son compagnon de péché ; le conseil de la grâce de Dieu, en montrant la haine de Dieu contre le péché, apporte la bénédiction au pécheur et l’amène à Dieu pour qu’il soit béni. Telle est la grâce ! Voilà ce que Dieu gardait par-devers Lui pour le révéler aux hommes, après que Sa bonté, Sa sainteté et Sa justice eurent été proclamées en vain. C’est Sa gloire ; c’est en cela qu’est manifestée la distance infinie qui sépare Dieu de l’homme, qui sépare Ses pensées et Ses voies des nôtres !

Mais Ses pensées et Ses voies sont la règle qu’Il nous propose à nous, Ses enfants. Nous sommes appelés, en faisant la volonté de Dieu, non seulement à revêtir l’homme nouveau créé en justice et en vraie sainteté, mais encore à agir en grâce envers un monde méchant : par conséquent à souffrir, car celui qui se sépare du mal devient l’objet de la haine et des attaques du monde. Dieu ne juge pas maintenant, Dieu ne se venge pas, Dieu ne résiste pas au mal par la justice exercée en puissance. Nous sommes appelés à faire de même ; et nous recevons la bénédiction de cette grâce. L’action de l’homme n’y est pour rien, car, même si l’homme avait prié Dieu de le bénir, la pensée d’une bénédiction telle que celle qui lui a été accordée, n’aurait jamais pu monter dans son cœur : être placés dans la faveur de Dieu, être faits Ses fils ! — La libre grâce de Dieu surpasse de beaucoup les besoins et la misère de l’homme.

Telle est la pensée du ciel ! Comment la faire entrer dans notre vie ? « Moi, je vous dis : Ne résistez point au mal, mais si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre, et à celui qui veut plaider contre toi et t’ôter ta robe, laisse-lui encore le manteau ; et si quelqu’un veut te contraindre de faire un mille, vas-en deux avec lui » (Matt. 5, 38-48). Nous sommes appelés à faire dominer la grâce par-dessus l’égoïsme, seul principe naturel de l’homme ; nous sommes appelés à faire, par amour, plus que notre intérêt n’exige. Le seul modèle proposé à notre imitation est le parfait amour de Dieu ; cet amour qu’Il montre en aimant ceux qui ne L’aiment pas. « Vous, soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Matt. 5, 48). Ce même modèle nous est offert, quant à nos rapports avec nos frères : « Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant les uns aux autres, comme Dieu aussi vous a pardonné en Christ ; soyez donc imitateurs de Dieu, comme de bien-aimés enfants, et marchez dans l’amour comme le Christ nous a aimés, et s’est livré lui-même pour nous, comme offrande et sacrifice à Dieu, en parfum de bonne odeur » (Éph. 4, 32 ; 5, 2).

C’est certainement le caractère le plus remarquable de la pensée du ciel relativement au monde, que Dieu ait abandonné, pour un temps, Son droit de juger le monde. « Dieu n’a pas envoyé son Fils au monde afin qu’il jugeât le monde, mais afin que le monde fût sauvé par lui » (Jean 3, 17). Et s’il y a maintenant un témoignage à Sa venue en jugement pour exercer la justice, ce témoignage a pour but de pousser les pécheurs vers Celui de qui tous les prophètes ont parlé, disant que : « par son nom, quiconque croit en lui reçoit la rémission des péchés » (Act. 10, 43) ; « Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent » (Luc 15, 7, 10).

Nous sommes appelés maintenant à nous réjouir de voir les triomphes de la grâce de Dieu, mais le temps approche, où la période de la longue patience de Dieu sera épuisée et où l’iniquité sera venue à son comble ; alors la pensée du ciel sera autrement exprimée : « J’entendis comme une grande voix d’une foule nombreuse dans le ciel, disant : Alléluia ! le salut, et la gloire, et la puissance de notre Dieu ! car ses jugements sont véritables et justes » (Apoc. 19, 1-2). Il importe que notre pensée soit à l’unisson de celle de Dieu, lorsqu’Il agit en grâce envers un monde perdu ; mais aussi quand Ses jugements sont manifestés, il faut que nous soyons préparés à Le célébrer à cause de Sa sainteté.

Le monde méchant est la sphère où Dieu déploie Sa patience ; Jésus, tandis qu’Il était dans ce monde, n’a pas voulu faire valoir Son droit, parce que ce droit eût été le jugement du monde ; Jésus a toujours pris la place de quelqu’un qui renonce à ce à quoi Il pourrait justement prétendre. Jean disait, selon la vérité : « J’ai besoin d’être baptisé par toi » ; néanmoins, Jésus vient vers Jean pour être baptisé par lui, afin qu’Il accomplît toute justice, en obéissance. Comme Fils aussi, Jésus n’était pas obligé de payer le demi-sicle pour le service du temple ; cependant Il renonce encore là à Son droit et nous enseigne ainsi quelle est notre place : « Mais moi je vous dis : Ne résistez pas au mal » (Matt. 5, 39). Encore une fois, le système du monde est la résistance contre le mal ; toutes les forces, toute la sagesse de l’homme, individuellement ou collectivement, tendent à ce but. L’intérêt, la convenance, un prétendu droit sont ses mobiles, la bannière qu’il déploie ; de là vient que tant de choses, mauvaises aux yeux de Dieu, sont tolérées et accréditées par la législation humaine, parce que le but même pour lequel l’homme est élevé dans ce monde, est l’affirmation de ces prétendus droits. Ce n’est pas ainsi que le croyant a appris Christ ; il connaît que son droit, c’est le droit de Dieu contre lui, sa juste condamnation ; mais il sait, en même temps, que Dieu a renoncé à Ses droits ; qu’Il a donné à celui qui croit, les droits d’un fils ; et cela dans Sa propre et libre grâce, l’ayant rendu agréable dans le Bien-aimé (Éph. 1, 5-6). La portion du fidèle, dans ce monde méchant où a été le Bien-aimé, est de suivre Jésus et d’apporter, à souffrir, le même esprit que Jésus a montré Lui-même : « Qu’il y ait donc en vous cette pensée qui a été aussi dans le Christ Jésus » (Phil. 2, 5). « Ne vous vengeant pas vous-mêmes, mais laissez agir la colère, car il est écrit : À moi la vengeance ; moi je rendrai, dit le Seigneur » (Rom. 12, 19). Le monde, au contraire, est dirigé par la vengeance et la colère ; et ces principes sont approuvés par Dieu comme la règle de ce monde. « Il n’existe pas d’autorité si ce n’est de par Dieu » (Rom. 13, 1) ; et « le magistrat ne porte pas l’épée en vain, car il est serviteur de Dieu ; vengeur pour exécuter la colère sur celui qui fait le mal » (Rom. 13, 4). Or, c’est particulièrement en ceci qu’on peut reconnaître la différence entre l’action de Dieu dans l’Église, et l’autorité qui Lui appartient dans le monde et qu’Il y exerce. — « Le monde aime ce qui est sien » (Jean 15, 19) ; tandis que le principe de l’Église, participante de la vocation céleste, et témoin de Jésus sur la terre, est celui-ci : « L’amour ne cherche pas son propre intérêt » (1 Cor. 13, 5). L’intérêt propre est la grande maxime du monde ; l’oubli de soi-même, celle de Christ. Qu’est-ce donc qui nous rendra capables de marcher dans la voie droite, sur les traces de Jésus ? Rien que la communion avec la pensée du ciel ! Hors d’elle, l’Église ne saurait pas plus subsister, que cette pensée ne pourrait servir de base à la société civile. — Il est dit que la consommation de l’apostasie au milieu de la chrétienté sera l’adoption des principes du monde : « Dans les derniers jours, il surviendra des temps fâcheux ; car les hommes seront égoïstes » (2 Tim. 3, 2). L’Église, agissant d’après les principes du monde, et s’étant arrogé le pouvoir temporel qui ne lui appartient pas, s’est corrompue ; ainsi, elle en est venue à tolérer l’iniquité, et à persécuter la vérité. Le monde, au contraire, voulant s’approprier en quelque chose les principes chrétiens, n’a fait que fortifier les mains du méchant et lâcher la bride à l’impiété. « Personne ne met un morceau de drap neuf à un vieil habit — car la pièce emporte une partie de l’habit, et la déchirure en devient plus mauvaise. On ne met pas non plus le vin nouveau dans de vieilles outres, autrement les outres se rompent et le vin se répand » (Matt. 9, 16-17). Les principes bénis d’en haut ne peuvent être mis en pratique que dans l’Église : ce n’est qu’en suivant pas à pas Celui qui était le Fils de l’homme dans le ciel, même en étant sur la terre, que nous marcherons dans la lumière, et que nous ne broncherons pas.

En attendant la grande crise vers laquelle tout se hâte (la victoire du monde sur l’Église professante), notre place à nous, c’est d’être les imitateurs de Celui qui a pu nous dire : « Ayez bon courage, j’ai vaincu le monde » (Jean 16, 33). Le Seigneur met en opposition directe les deux choses que le monde et l’Église ont cherché à unir, le pouvoir humain et la grâce. « Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles, et que les grands usent d’autorité sur elles. Il n’en sera pas ainsi parmi vous ; mais, quiconque voudra devenir grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ; et quiconque voudra être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave ; de même le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs » (Matt. 20, 25-28). « Tel qu’Il est, tels nous sommes dans le monde ». Il est le Fils bien-aimé, et aussi l’héritier de toutes choses ; nous sommes de chers enfants, et héritiers avec Lui. « Le Père aime le Fils, et a mis toutes choses entre ses mains » (Jean 3, 35) ; et, au milieu du monde où Il était placé, le Fils en rendait témoignage (Matt. 11, 27). Il reconnaissait et confessait Son droit à la possession de toutes choses, et en même temps Il disait : « Apprenez de moi, car je suis débonnaire et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes » (Matt. 11, 29). C’est là aussi notre place, à nous qui sommes faits héritiers de Dieu, et cohéritiers avec Christ ; nous qui, comme enfants, sommes appelés maintenant à manifester la pensée de notre Père, Son esprit, Ses affections, en usant de support et de grâce envers un monde perdu, et en faisant « toutes choses sans murmures et sans raisonnements, afin que nous soyons sans reproche et purs, des enfants de Dieu irréprochables au milieu d’une génération tortue et perverse » (Phil. 2, 14-15).

La vérité, telle qu’elle est en Jésus, nous est encore enseignée d’une autre manière par la vue du Fils, prenant la forme d’esclave, et apprenant l’obéissance par les choses qu’Il a souffertes (Phil. 2, 7-8 et Héb. 5, 8). Notre vocation ici-bas est l’obéissance et la souffrance, étant élus selon la préconnaissance de Dieu le Père, en sainteté de l’Esprit, pour l’obéissance (1 Pier. 1, 2) ; ou selon ce qui est dit encore : « À vous il a été gratuitement donné par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui » (Phil. 1, 29-30). L’obéissance, voilà notre céleste vocation ; or, comme c’est ici sur la terre que cette obéissance s’exerce, ce sera aussi l’obéissance dans la souffrance. Obéir, quand le monde sera gouverné « par un roi, régnant en justice », ne sera pas souffrir ; alors « l’œuvre de la justice sera la paix ; et le travail de la justice, repos et sécurité à toujours » (És. 32, 17). Mais obéir à Dieu, dans le temps où Il agit en grâce envers un monde pécheur, est nécessairement souffrir, et souffrir pour la justice. C’est pourquoi nous sommes exhortés à « faire toutes choses sans murmures et sans raisonnements, afin que nous soyons sans reproche et purs, des enfants de Dieu, irréprochables au milieu d’une génération tortue et perverse, présentant la parole de vie, et reluisant comme des luminaires dans le monde » (Phil. 2, 14-15). L’obéissance est l’unique règle des habitants du ciel ; quel étrange désordre présente à leur vue l’homme, cette créature qui ose présumer d’élever sa volonté à côté de celle de Dieu ! La volonté de Dieu est connue dans le ciel comme la seule bénédiction : « Bénissez le Seigneur, vous ses anges puissants en force, qui exécutez sa parole, écoutant la voix de sa parole » (Ps. 103, 20) ; sur la terre aussi, cette obéissance devait être manifestée comme étant la seule source de bénédiction. C’est pourquoi Celui qui était descendu du ciel, qui régnait et commandait dans le ciel, est venu « apprendre l’obéissance par les choses qu’il a souffertes ».

C’était là la grande leçon qui devait être donnée à l’homme. La pensée céleste est l’obéissance à Dieu en toutes circonstances ; selon que Jésus a dit en entrant au monde : « Voici ! je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté » (Héb. 10, 7, 9). L’obéissance a conduit Jésus à la mort ; aussi, dit-Il à Ses disciples : « Celui qui affectionne sa vie la perdra ; et celui qui hait sa vie dans ce monde-ci la conservera pour la vie éternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et là où je serai, moi, là aussi sera mon serviteur ; si quelqu’un me sert, le Père l’honorera » (Jean 12, 25, 26). La pensée d’en haut se manifeste ainsi quand « nous portons toujours, partout, dans le corps la mort de Jésus, afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre corps » (2 Cor. 4, 10). L’obéissance du Fils est la grande merveille du ciel ; elle est aussi une profonde et instructive leçon pour ceux qui habitent la terre ; car Jésus a dit : « Je t’ai glorifié sur la terre » (Jean 17, 4). Lui seul a pu dire « Je t’ai glorifié », parce qu’Il a été volontairement Celui en qui le nom du Père pouvait l’être : Il a donné Son dos à ceux qui frappaient et Ses joues à ceux qui arrachaient le poil ; Il n’a pas caché Sa face à l’opprobre et aux crachats (És. 50, 6). L’obéissance et la confiance étaient unies en Lui ; car, dit-Il, « le Seigneur l’Éternel m’aidera : c’est pourquoi je ne serai pas confondu ; c’est pourquoi j’ai dressé ma face comme un caillou, et je sais que je ne serai pas confus » (És. 50, 7). Aussi, cette humiliation du Fils, dans l’obéissance, aura-t-elle pour résultat que la pensée du ciel et celle de la terre ne seront plus qu’une ; la volonté de Dieu sera faite sur la terre comme elle est faite dans le ciel ; alors, l’homme dira, comme disait Jésus : « Je sais que son commandement est la vie éternelle » (Jean 12, 50).

N’est-ce pas un inestimable trésor que d’avoir l’immuable lumière céleste pour nous guider au travers de l’obscurité de ce monde ? L’exemple de Jésus emporte toujours un précepte avec lui : un précepte général, dont l’exemple resserre les limites ; notre sagesse consiste à embrasser exemple et précepte, afin que nous sachions comment nous devons marcher et plaire à Dieu : « Je suis venu dans le monde », disait Jésus, « la lumière, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jean 12, 46). Nous avons, dans les jeunes années du Seigneur, un exemple remarquable de cette vérité, exemple d’une valeur immense pour nous qui, d’un côté, sommes appelés à abandonner père et mère pour l’amour de Christ ; et, de l’autre, sommes avertis que la désobéissance envers les parents est un signe de l’apostasie des derniers jours. Jésus dit à Ses parents : « Ne savez-vous pas qu’il me faut être aux affaires de mon Père ? ». Puis, Il descend avec eux et vient à Nazareth ; « et il leur était soumis » (Luc 2, 49-51). Le Seigneur Jésus reconnaissait ainsi Dieu comme la seule source d’autorité ; lorsque cette autorité pesait directement sur Lui, Il ne souffrait pas qu’aucune autre autorité, même établie de Dieu, vînt entraver celle-là. C’est la pensée céleste. Le pouvoir appartient à Dieu, et le chrétien doit reconnaître cette autorité, dans un père, une mère, un mari, un maître, un gouverneur ; sans toutefois que jamais, l’autorité immédiate de Dieu puisse en être contrariée ou amoindrie. Obéir à la puissance, lorsqu’elle agit dans sa compétence, est notre devoir ; mais quand elle se met en opposition avec la propre autorité de Dieu, nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ; obéir à Dieu, et souffrir de la part des hommes. L’obéissance aux hommes, dans un tel cas, serait désobéissance envers Dieu (Act. 5, 29). Combien de questions seraient évitées, combien de difficultés s’aplaniraient, si nous avions un peu de l’esprit de Celui dont la nourriture était de faire la volonté du Père qui L’avait envoyé ! Il n’avait qu’un but, un seul désir ; ainsi les choses qui, pour nous et à cause de notre propre volonté, sont un sujet d’angoisse, étaient simples et faciles pour Lui.

C’est ainsi que la pensée et l’esprit d’en haut peuvent s’exercer dans les choses les plus ordinaires de la vie ; les enfants de Dieu sont appelés en cela à une marche qui est en opposition directe avec le monde dans lequel ils sont, mais duquel ils ne sont pas : ils annoncent « les vertus de Celui qui les a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (1 Pier. 2, 9). Presque toutes nos difficultés de conscience viennent de ce que nous supposons que nous sommes encore débiteurs envers la chair, et que nous devons suivre une marche moins élevée que celle qui convient à des êtres qui sont unis à Christ dans les cieux. « Vous êtes morts », nous dit la Parole (Col. 3, 3) ; nous ne devons donc plus nous regarder comme étant unis au premier homme, Adam, si ce n’est pour renier la chair. Nous sommes unis au second homme, le Seigneur du ciel ; et « tel qu’est le céleste, tels aussi sont les célestes » (1 Cor. 15, 48). Notre part est maintenant de vivre et de marcher par l’Esprit, « ayant revêtu le nouvel homme qui est renouvelé en connaissance selon l’image de Celui qui l’a créé » — possédant les arrhes de cette perfection qui nous attend à la résurrection : la parfaite conformité à l’image du Fils de Dieu, à laquelle nous sommes prédestinés.

Quelle bénédiction, qu’au milieu de la trompeuse moralité des hommes, nous ayons un jugement qui ne peut errer ; et que nous soyons ainsi délivrés des mille perplexités contradictoires qui s’emparent de l’esprit de celui qui cherche à servir à la fois Dieu et Mammon. « La chair ne profite de rien » ; « je sais qu’en moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’habite point de bien ». Ainsi juge celui qui, par la foi, prenant sa place avec Christ à la droite de Dieu, voit toutes choses de ce lieu élevé. Dès que nous prenons la place où Dieu nous a établis en Christ, nous voyons s’évanouir toutes les illusions mensongères fondées sur l’espoir qu’en l’homme il peut se trouver du bien. Nous renonçons alors à toute vaine poursuite ; le seul désir de notre âme est de mortifier nos membres qui sont sur la terre, afin d’hériter la bénédiction promise : « Si par l’Esprit, vous faites mourir les actions du corps, vous vivrez » (Rom. 8, 13).