Pierre sur les eaux

(Matthieu 14, 22 à 33)
(Traduit de l’anglais)
C.H. Mackintosh

[Courts articles 53]

Il y a deux façons d’après lesquelles considérer l’intéressante portion de l’Écriture ci-dessus. Nous pouvons la lire d’après un point de vue dispensationnel, comme portant sur le sujet des opérations de Dieu avec Israël. Et nous pouvons aussi la lire comme une portion traitant directement du sujet de notre propre marche pratique avec Dieu, jour après jour.

Notre Seigneur, ayant nourri la foule et l’ayant renvoyée, « monta sur une montagne à l’écart pour prier ; et le soir étant venu, il était là seul ». Cela répond précisément à Sa position actuelle, en rapport avec la nation d’Israël. Il les a laissés et s’en est allé en haut pour entrer dans Son travail béni d’intercession. Pendant ce temps, les disciples — un type du résidu pieux — étaient ballottés sur la mer houleuse durant les sombres veilles de la nuit, profondément éprouvés et exercés en l’absence de leur Seigneur. Mais Il ne les perdait pas de vue un seul instant, Il ne retirait jamais Ses yeux de dessus eux. Et quand ils furent amenés, en quelque sorte, à ne plus savoir que faire, Il apparaît pour leur soulagement, fait taire le vent, calme la mer et les amène au port qu’ils désiraient.

Voilà pour ce qui est de la portée dispensationnelle de ce passage de l’Écriture, dans la mesure où notre but est de présenter au cœur du lecteur la précieuse vérité dévoilée dans le récit de Pierre sur les eaux — une vérité qui porte directement sur notre propre chemin individuel, quelle que puisse être la nature de ce chemin.

Il n’y a pas besoin d’effort d’imagination pour voir, dans le cas de Pierre, une image frappante de l’Assemblée de Dieu collectivement, ou du chrétien individuel. Pierre quitta la nacelle à l’appel de Christ. Il abandonna tout ce à quoi le cœur s’attacherait si volontiers, et s’avança pour marcher sur les eaux houleuses — un chemin de foi, un chemin dans lequel rien sinon la simple foi ne peut vivre une seule heure. Pour tous ceux qui sont appelés à fouler ce chemin, ce doit être Christ ou rien. Notre unique source de puissance est en gardant l’œil de la foi fermement fixé sur Jésus, « regardant à Jésus, le chef et le consommateur de la foi » (Héb. 12). Du moment que nous détournons notre œil de Lui, nous commençons à sombrer.

Il ne s’agit pas du salut — d’atteindre en sûreté le rivage. En aucun cas ! Nous parlons maintenant de la marche du chrétien dans ce monde, de la carrière pratique de quelqu’un qui est appelé à laisser ce monde, à renoncer à tout ce sur quoi compte la simple nature et en quoi elle se confie, à abandonner les choses terrestres et les ressources humaines, pour marcher avec Jésus au-dessus de la puissance et de l’influence des choses temporelles qui se voient.

Tel est l’appel élevé du chrétien et de toute l’Assemblée de Dieu, en contraste avec Israël, le peuple terrestre de Dieu. Nous sommes appelés à vivre par la foi, à marcher dans une calme confiance tout à fait au-dessus des circonstances de ce monde, à nous mouvoir dans la sainte compagnie de Jésus. C’est après cela qu’aspirait l’âme de Pierre, quand il prononça ces mots : « Seigneur, si c’est toi, commande-moi d’aller à toi sur les eaux ». Voilà le point important : « si c’est toi ». Si ce n’était pas Lui, la plus grande erreur qu’aurait pu commettre Pierre aurait été de quitter la nacelle. Mais si en effet c’était bien Jésus — cette personne bénie, très glorieuse et pleine de grâce, que Pierre voyait se déplacer tranquillement à la surface des profondeurs agitées — alors, assurément, la chose la plus élevée, la plus heureuse, la meilleure, qu’il puisse faire, était d’abandonner toutes les ressources terrestres et de la nature, pour aller à Lui et goûter la merveilleuse bénédiction d’être dans Sa compagnie.

Il y a une force, une profondeur et une signification immenses dans ces expressions — « Si c’est toi » — « Commande-moi d’aller à toi » — « sur les eaux ». Remarquez que c’est « à toi sur les eaux ». Ce n’était pas Jésus venant à Pierre dans la nacelle, quelque béni et précieux que ce soit, mais Pierre venant à Jésus sur les eaux. C’est une chose d’avoir Jésus venant au milieu de nos circonstances, faisant taire nos craintes, apaisant toutes nos angoisses, tranquillisant nos cœurs ; mais c’est une chose tout à fait différente pour nous de sortir du rivage des circonstances ou de la nacelle des systèmes de la nature, pour marcher dans une victoire paisible sur les circonstances, simplement pour être avec Jésus là où Il est. La première nous rappelle quelque chose de la femme de Sarepta en 1 Rois 17 ; la dernière, de la Sunamite en 2 Rois 4.

Est-ce que nous n’apprécions pas la grâce excellente qui se dégage de ces paroles : « Ayez bon courage ; c’est moi ; n’ayez point de peur » ? Bien loin de nous cette pensée ! Ces paroles sont très précieuses. De plus, Pierre aurait pu les goûter, révélées dans leur douceur, même s’il n’avait pas quitté du tout la nacelle. Il est bon de distinguer ces deux choses. Elles sont très souvent confondues. Nous sommes tout disposés à nous reposer dans la pensée d’avoir le Seigneur avec nous, et Ses miséricordes qui nous environnent dans notre chemin quotidien. Nous nous attardons parmi les relations de la nature, les joies de la terre, telles qu’elles sont, et les bénédictions que notre Dieu plein de grâce verse sur nous si libéralement. Nous nous accrochons aux circonstances au lieu d’aspirer à une compagnie plus intime avec un Christ rejeté. De cette manière, nous souffrons une perte immense.

Oui, nous le disons délibérément, « une immense perte ». Ce n’est pas que nous devrions moins apprécier les bénédictions et les bontés de Dieu, mais nous devrions L’apprécier davantage, Lui. Nous croyons que Pierre aurait été perdant s’il était demeuré dans la nacelle. Certains peuvent estimer que c’est de l’agitation et de l’audace ; nous croyons que c’était le fruit d’une aspiration sincère après son Seigneur tant aimé — un désir intense d’être près de Lui, coûte que coûte. Il contemplait son Seigneur marchant sur les eaux et il aspirait à marcher avec Lui, et son aspiration était juste. Elle plaisait au cœur de Jésus.

En outre, il avait l’autorité de son Seigneur pour quitter la nacelle. Ce mot : « Viens » — un mot d’une immense force morale — tomba dans son cœur et le tira hors de la nacelle pour aller à Jésus. La parole de Christ était l’autorité pour entrer dans cet étrange et mystérieux chemin, et la présence de Christ réalisée était la puissance pour y poursuivre. Sans cette parole, il n’aurait pas osé démarrer ; sans cette présence, il ne pouvait pas continuer. C’était une chose étrange, surnaturelle, au-dessus et au-delà de la nature, de marcher sur la mer ; mais Jésus y marchait, et la foi pouvait marcher avec Lui. Pierre le pensait ainsi, et c’est pourquoi « il descendit de la nacelle et marcha sur les eaux pour aller à Jésus ».

Or c’est une image frappante du vrai chemin d’un chrétien, le chemin de la foi. La garantie pour ce chemin est la Parole de Christ. La puissance pour le poursuivre est de garder les yeux fixés sur Lui. Il ne s’agit pas de juste ou de faux. Il n’y avait rien de faux à demeurer dans la nacelle. Mais la question est : « À quoi visons-nous ? ». Est-ce le propos arrêté de l’âme de nous approcher autant que possible de Jésus ? Désirons-nous goûter une communion plus profonde, plus intime, plus complète avec Lui ? Nous suffit-Il ? Pouvons-nous abandonner tout ce à quoi la simple nature s’accroche, et nous appuyer sur Jésus seul ? Il nous appelle à aller à Lui, dans Son amour infini. Il dit : « Viens ». Refuserons-nous ? Hésiterons-nous et resterons-nous en arrière ? Nous accrocherons-nous à la nacelle tandis que la voix de Jésus nous invite à « venir » ?

On pourrait dire que Pierre enfonça et qu’il était donc meilleur, plus sûr et plus sage, de demeurer dans la nacelle plutôt que de sombrer dans les eaux. Il vaut mieux ne pas prendre une position en vue, que l’ayant prise, de faillir en elle. Eh bien, il est tout à fait vrai que Pierre a failli, mais pourquoi ? Était-ce parce qu’il avait quitté la nacelle ? Non, mais parce qu’il avait cessé de regarder à Jésus. « Quand il vit que le vent était fort, il eut peur ; et comme il commençait à enfoncer, il s’écria, disant : Seigneur, sauve-moi ! ». Ainsi en fut-il avec le pauvre Pierre. Son erreur n’était pas de quitter la nacelle, mais de regarder aux vagues et au vent — de regarder à ce qui l’entourait au lieu de regarder à Jésus. Il était entré dans un chemin qui ne pouvait être foulé que par la foi — un chemin dans lequel, s’il n’avait pas Jésus, il n’avait rien du tout — ni nacelle, ni espar ni planche auquel se cramponner. En un mot, c’était Christ ou rien. C’était soit marcher avec Jésus sur les eaux, soit sombrer en dessous d’elles sans Lui. Seule la foi pouvait soutenir le cœur dans une telle course. Mais la foi pouvait le soutenir, car la foi peut vivre au milieu des vagues les plus violentes et des cieux les plus tempétueux. La foi peut marcher sur les eaux les plus agitées ; l’incrédulité ne peut pas marcher sur les plus calmes.

Mais Pierre a manqué. Oui ; et alors quoi ? Cela prouve-t-il qu’il avait tort d’obéir à l’appel de son Seigneur ? Jésus lui reprocha-t-Il d’avoir quitté la nacelle ? Ah, non ! cela ne Lui aurait pas ressemblé. Il ne pouvait pas dire à Son pauvre serviteur de venir, puis le reprendre pour être venu. Il connaissait et pouvait sentir la faiblesse de Pierre. C’est pourquoi nous lisons que « aussitôt Jésus, étendant la main, le prit et lui dit : Homme de petite foi, pourquoi as-tu douté ? ». Il ne dit pas : « Ô toi impatient d’avancer, pourquoi as-tu quitté la nacelle ? ». Non ; mais « pourquoi as-tu douté ? ». Tel était le tendre reproche. Et où était Pierre quand il l’entendit ? Dans les bras de son Seigneur ! Quelle place ! Quelle expérience ! Ne valait-il pas bien la peine de quitter la nacelle pour goûter une telle bénédiction ? Assurément que si ! Pierre avait raison de quitter la nacelle, et bien qu’il tomba dans ce chemin élevé dans lequel il s’était engagé, cela ne fit que l’amener dans un sentiment plus profond de sa propre faiblesse et de son néant, et de la grâce et de l’amour de son Seigneur.

Lecteur chrétien, quelle est pour nous la morale de tout cela ? Simplement ceci. Jésus nous appelle hors des choses du temps et des sens, pour marcher avec Lui. Il nous enjoint d’abandonner toutes nos espérances terrestres et notre confiance dans les créatures — les soutiens et les ressources sur lesquels compte notre pauvre cœur. Sa voix peut être entendue bien au-dessus du vacarme des vagues et des tempêtes, et cette voix dit : « Venez ! ». Oh ! que nous obéissions. Que nous cédions de tout cœur à Son appel. « Sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre ». Il veut nous avoir près de Lui, marchant avec Lui et comptant sur Lui, ne regardant pas aux circonstances, mais regardant seulement et toujours à Lui.