Qu’est-ce qu’un réprouvé ?

(Traduit de l’anglais)
C.H. Mackintosh

[Courts articles 37]

« Mais je mortifie mon corps et je l’asservis, de peur qu’après avoir prêché à d’autres, je ne sois moi-même réprouvé » (1 Cor. 9, 27).

Ce passage a rendu perplexe et a troublé bien des cœurs sincères. Beaucoup ont ainsi argumenté, en méditant sur le solennel passage ci-dessus, que « si quelqu’un comme Paul n’était pas sûr de la direction de sa course, qui donc pouvait en être sûr ? ». Mais Paul était-il incertain quant à son issue ? En aucun cas. Le verset qui précède immédiatement nous enseigne tout le contraire : « Je cours ainsi, non comme ne sachant pas vers quel but ; je combats ainsi, non comme battant l’air ». Paul savait parfaitement bien comment toute la chose devait se terminer, en ce qui le concernait. Il pouvait dire : « Je sais qui (non pas seulement ce que) j’ai cru, et je suis persuadé qu’il a la puissance de garder ce que je lui ai confié, jusqu’à ce jour-là » (2 Tim. 1, 12). Et encore : « Je suis assuré que ni mort, ni vie, ni anges, ni principautés, ni choses présentes, ni choses à venir, ni puissances, ni hauteur, ni profondeur, ni aucune autre créature, ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, qui est dans le christ Jésus, notre Seigneur » (Rom. 8, 38-39).

Ces passages sont amplement suffisants pour montrer que Paul n’avait pas l’ombre d’un doute quant à sa sécurité éternelle. « Je sais », « je suis persuadé ». Il n’y a ni doute ni incertitude dans de telles déclarations. Paul connaissait bien mieux. Son fondement était aussi stable que le trône de Dieu. Quelque certitude que Christ puisse donner, Paul la possédait. Nous sommes pleinement convaincus que, en ce qui concernait Paul, du moment que les écailles tombèrent de ses yeux dans la ville de Damas jusqu’à ce qu’il soit offert en sacrifice dans la ville de Rome, son cœur n’a jamais abrité un seul doute, une seule crainte, une seule appréhension. « Il était dans la tribulation de toute manière, mais non pas réduit à l’étroit ; dans la perplexité, mais non pas sans ressource ; persécuté, mais non pas abandonné ; abattu, mais ne périssant pas ». Oui, au milieu de toutes ses luttes et ses troubles, il pouvait dire : « Notre légère tribulation d’un moment, opère pour nous, en mesure surabondante, un poids éternel de gloire » (2 Cor. 4, 17).

Paul n’avait ni doute ni crainte quant à l’issue finale. Et quiconque est vraiment venu à Christ ne devrait pas non plus en avoir, dans la mesure où Lui-même a dit : « Je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi » (Jean 6, 37). Nul qui est réellement rejeté sur Christ, ne sera jamais rejeté de Sa part. C’est un axiome divin, une vérité fondamentale, une réalité éternelle. Christ se charge de chaque agneau du troupeau. Les conseils de Dieu L’ont fait tel ; l’amour de Son cœur L’a rendu tel ; les saintes Écritures déclare qu’Il est tel. Aucun des agneaux rachetés par le sang de Christ ne peut jamais être perdu, aucun ne peut être réprouvé. Ils sont tous autant en sûreté que Lui peut les y mettre — aussi en sûreté que Lui.

Que veut donc dire Paul quand il dit : « de peur que je ne sois réprouvé » ? S’il ne veut pas transmettre l’idée d’incertitude quant à sa sécurité personnelle en Christ, que veut-il donc dire ? Je crois que l’expression s’applique non à son futur, mais à son service actuel — non à sa demeure céleste, mais à son chemin terrestre — non à ses privilèges éternels, mais à ses responsabilités présentes. Paul était un serviteur aussi bien qu’un fils, et il s’exerçait donc et tenait son corps asservi, « de peur qu’en quelque manière, il ne soit désapprouvé », la meilleure traduction de réprouvé. Le corps est un bon serviteur, mais un mauvais maître. S’il n’est pas gardé abaissé, il disqualifiera complètement le serviteur de Christ pour accomplir ses saintes et hautes responsabilités. Quelqu’un peut être un enfant de Dieu, et pourtant être « désapprouvé » comme serviteur de Christ. Être un serviteur de Christ efficace implique le renoncement à soi, le jugement de soi, être vidé de soi, le contrôle de soi. Je ne deviens pas un enfant de Dieu par ces exercices, mais très certainement, je ne serai jamais un serviteur accompli de Christ sans eux.

Cette distinction est très simple et très importante. Nous sommes trop enclins à penser que la question de notre sécurité personnelle est la seule qui a de l’importance pour nous. C’est une erreur. Dieu a assuré que — et Il nous le dit — avec des cœurs libres, nous pouvons courir la course, poursuivre le combat, accomplir le service. Nous ne courons, combattons ou travaillons pas pour avoir la vie ; nous avons la vie éternelle avant d’entreprendre un seul pas dans la course chrétienne, de frapper un seul coup dans le combat chrétien, ou d’effectuer un seul acte du service chrétien. Un homme mort ne peut pas courir une course, mais un homme vivant doit courir « selon les lois », sinon il ne peut être couronné. Il en est de même pour ce qui regarde le serviteur de Christ. Il doit se renoncer lui-même ; il doit garder la nature abaissée ; il doit garder son corps asservi, de peur d’être désapprouvé et mis de côté comme un serviteur impropre au travail du Maître, un vase qui n’est pas « utile au Maître ». Un vrai croyant ne peut jamais perdre sa relation avec Christ ou les dignités et les privilèges éternels qui y sont liés, mais il peut perdre son aptitude actuelle au service. Il peut agir de manière à être désapprouvé en tant qu’ouvrier. Pensée solennelle !

Nous avons, dans la personne de Jean Marc, une illustration du principe énoncé en 1 Corinthiens 9, 27. En Actes 13, 5, Jean Marc fut estimé digne d’être associé avec Paul dans le ministère. En Actes 15, 38, il fut désapprouvé, mais en 2 Timothée 4, 11, il fut de nouveau reconnu comme un serviteur utile. Or Marc était aussi réellement un enfant de Dieu, une personne sauvée, un croyant en Christ, quand Paul le rejeta comme compagnon d’œuvre, que quand il le reconnut au début, et quand il lui rétablit sa confiance à la fin. En aucun cas la question du salut personnel de Jean Marc ne fut soulevée. C’était absolument une question d’aptitude au service. Il est évident que l’influence des affections naturelles avaient pu agir sur le cœur de Marc pour le rendre impropre, au jugement de Paul, pour cette grande œuvre qu’il poursuivait, comme administrateur de Christ.

Si mon lecteur se tourne vers Juges 7, il trouvera un autre exemple qui illustre notre principe de façon frappante. Quelle était la grande question soulevée, en ce qui concernait la compagnie avec Gédéon ? Était-ce de savoir si un homme était un Israélite, un fils d’Abraham, un membre circoncis de la congrégation ? En aucun cas. Alors quoi ? Simplement de savoir s’il était un vase propre au service imminent. Et qu’est-ce qui rendait un homme propre à un tel service ? La confiance en Dieu et le renoncement à soi-même ! Voyez les versets 3 et 6. Ceux qui avaient peur furent rejetés (v. 3). Et ceux qui s’occupèrent de leurs aises furent rejetés (v. 7). Or, les trente et un mille sept cents qui furent rejetés étaient tout autant de vrais Israélites que les trois cents qui furent approuvés, mais les premiers n’étaient pas des serviteurs appropriés ; les derniers l’étaient.

Tout ceci est facile à comprendre. Il n’y a pas de difficulté si le cœur ne s’en crée pas à lui-même. Beaucoup de passages de la Parole, qui sont conçus pour agir sur la conscience du serviteur, sont utilisés pour jeter l’alarme dans le cœur de l’enfant ; nombre de ceux qui sont seulement destinés à nous avertir en lien avec notre irresponsabilité, sont utilisés pour nous faire mettre en question notre relation.

Que le Seigneur augmente en nous la grâce d’un esprit de discernement et nous permette de distinguer les choses qui diffèrent, de sorte que tandis que nos cœurs pénètrent dans la douceur et la puissance tranquillisante de ces paroles : « Je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi », notre conscience puisse aussi sentir la solennité de notre position comme serviteurs et reculer devant tout ce qui pourrait nous faire mettre de côté comme un vase impur que le Maître ne peut pas prendre et utiliser.

Que nous nous souvenions toujours que, tandis que comme enfants de Dieu, nous sommes éternellement sauvés, cependant comme serviteurs de Christ, nous pouvons être désapprouvés et mis de côté.