Quelques mots sur la repentance

Établir, comme font quelques-uns, une certaine mesure préalable de repentance, comme travail préliminaire et nécessaire pour croire, est, je pense, tout à fait fâcheux et antiscripturaire. Selon cette manière de voir, la repentance doit avoir lieu sans la Parole de Dieu ; car si elle est opérée par la Parole de Dieu, il faut que l’âme ait foi en cette Parole — ou, autrement, la repentance est fondée sur l’incrédulité, ce qui serait absurde. Que la repentance soit opérée par la prédication d’un évangile plein et complet, par la prédication de la bonne nouvelle d’un salut gratuit et accompli, tel est le désir de mon cœur.

On a fait, dans quelques traités sur la repentance, un mélange fâcheux des moyens et des effets. On a dit que le vrai moyen d’opérer la repentance maintenant, c’est la prédication d’un évangile plein et gratuit ; on a dit aussi, qu’il y a un changement de pensée quant à Dieu, dans la repentance. L’un et l’autre sont vrais ; toutefois, ni l’un, ni l’autre n’est la repentance elle-même.

Selon l’Écriture, je ne puis admettre que croire l’évangile, soit la repentance, ni qu’un changement de pensées, simplement, soit la repentance. J’admets qu’il faut un changement de pensées pour qu’il y ait la repentance ; mais la repentance n’est pas simplement un changement de pensées. Quand le Seigneur dit : « Repentez-vous, et croyez à l’évangile » (Marc 1, 15), ces deux actes : se repentir et croire l’évangile, ne signifient pas une seule et même chose ; l’évangile, ici, n’est pas, non plus, celui que nous avons maintenant en vertu de la mort, de la résurrection, et de l’ascension du Seigneur.

Examinons quelques passages de l’Écriture qui se rapportent à notre sujet.

En premier lieu, Pierre, dans les Actes chapitre 2, reproche ouvertement aux Juifs leur péché ; et ils eurent le cœur saisi de componction et dirent : « Hommes frères, que ferons-nous ? ». Pierre leur annonce l’évangile, qui, étant cru par eux, produit une tristesse selon Dieu. Alors Pierre leur dit : « Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé…, et vous recevrez le don du Saint Esprit ». Et puis viennent les fruits et la louange. Il ne s’agit pas ici de la simple présentation de la glorieuse révélation de Dieu en Christ ; cette œuvre accomplie n’est même pas mentionnée. C’est ce que eux, Juifs, avaient fait à Christ, et ce que Dieu Lui avait fait, qui est mis en contraste. Eux, ils L’avaient crucifié ; Dieu L’avait exalté ; le Saint Esprit, dont ils voyaient l’œuvre, en était la preuve ; et par la grâce, ils eurent le cœur saisi de componction.

En second lieu, je rappellerai le chapitre 3 des Actes. Nous n’avons pas ici un mot de l’évangile. Pierre insiste avec force auprès des Juifs sur leur péché, en ce qu’ils ont rejeté Christ, et leur promet que leurs péchés seront effacés et que Christ reviendra s’ils se repentent. Dans le cas présent, toutefois, nous n’avons aucun récit des effets produits ; car les sacrificateurs avec le commandant du temple et les sadducéens survinrent et mirent fin au discours de Pierre.

En troisième lieu, je citerai le chapitre 10 du même livre des Actes. Ici, il n’y a point d’appel à la repentance du tout : Corneille était déjà un homme pieux ; ses prières et ses aumônes étaient montées pour mémorial devant Dieu. C’est une révélation de la vérité que, « en toute nation, celui qui craint Dieu, et qui pratique la justice, lui est agréable ». C’est le salut apporté à un homme pieux, encore qu’il fût un Gentil.

Ensuite, nous avons le chapitre 13 des Actes, qui se rapporte davantage à notre sujet. L’apôtre y annonce l’accomplissement de la promesse en Christ, la résurrection, le pardon des péchés, et la justification à ceux qui croient. Mais la question de la repentance n’est pas soulevée, bien que je ne puisse pas douter que la repentance n’ait été opérée dans ceux qui crurent.

Enfin, dans le chapitre 17 du même livre, il est parlé de la repentance, mais en vue du jugement de ce monde, et il n’est rien dit de la grâce.

Mais voyons maintenant de quelle manière l’Écriture parle de la repentance elle-même. Je prie le lecteur de remarquer que je ne prétends aucunement que l’appel à la repentance doive être fondé sur ce sur quoi il est fondé dans les passages que je cite. Il doit être fondé maintenant sur un évangile plein et gratuit. On a tort de vouloir faire de la repentance une œuvre préliminaire dans l’homme, bien qu’elle puisse et qu’elle doive, je le crois, précéder la jouissance de la paix et d’une ferme assurance. Je cite les textes pour montrer que ce que j’ai dit tout d’abord sur la repentance est bien l’enseignement de l’Écriture sur ce point. Dans l’Écriture, la repentance ne signifie pas croire ; bien qu’il faille croire pour se repentir ; ensuite la repentance ne veut pas dire un changement de pensée quant à Dieu ; bien qu’il faille que les pensées soient changées quant à Dieu, pour qu’il y ait vraie repentance. J’ajoute que ce changement de pensées ne donne pas en lui-même la paix ou l’assurance.

Les hommes de Ninive se repentirent à la prédication de Jonas. Était-ce là croire au glorieux et gratuit salut de l’évangile ? Non, mais l’Écriture appelle cela repentance. Je ne dis pas que la prédication de Jonas pour produire la repentance, doive être la nôtre ; mais l’Écriture dit que ces hommes de Ninive se repentirent, et elle nous montre ainsi que « la repentance » ne signifie pas « la foi à l’évangile ». Le ministère de Jean-Baptiste, pareillement, était un appel solennel à la repentance ; mais ce à quoi Jean appelait les hommes, n’était pas la foi à cet évangile que nous prêchons maintenant, avec tant de raison. La cognée, leur disait-il, est déjà mise à la racine des arbres (Matt. 3, 10). Repentez-vous, parce que le royaume des cieux s’est approché. L’effet de cet appel fut que ceux qui reçurent son témoignage craignirent Dieu, qu’ils eurent le cœur saisi de componction à cause de leurs péchés et qu’ils les confessèrent ; ils se repentirent, comme les Ninivites à la prédication de Jonas. Quand le Seigneur, au chapitre 13 de l’évangile de Luc, dit : « Si vous ne vous repentez, vous périrez tous de la même manière », il n’invitait pas ces hommes auxquels Il s’adressait à croire un évangile gratuit, mais à se juger eux-mêmes et leurs péchés, avec un cœur tourné vers Dieu. Il en est de même quand Il reproche aux villes dans lesquelles Il avait opéré la plupart de Ses miracles, de ne s’être pas repenties ; — et encore quand Il dit (Luc 17, 3-4) : « Si ton frère pèche, reprends-le ; et s’il se repent, pardonne-lui », et cela, sept fois le jour : — se repentir, dans ces passages, ne signifie évidemment pas croire l’évangile, mais se juger soi-même, et reconnaître sa faute avec componction de cœur. Dans d’autres passages, tels que Actes 8, 22, nous lisons : « Repens-toi de cette méchanceté », preuve évidente que la repentance ne signifie pas croire, ni un changement de pensées quant à Dieu, car Simon devait se repentir d’un acte commis. Ainsi en est-il en Apocalypse 2, 21, de « se repentir de sa fornication », et 2 Corinthiens 12, 21, pour le péché des Corinthiens. Ainsi encore, quand l’apôtre nous dit (2 Cor. 7, 9-11) que Dieu, par la tristesse, opère une repentance à salut dont on n’a pas de regret. Ces Corinthiens étaient déjà croyants ; mais ici, les répréhensions de l’apôtre avaient opéré en eux la repentance pour ce qui était de leur indulgence envers un mal honteux ; ce qui avait opéré cette repentance, c’était une tristesse selon Dieu, non la joie de l’évangile. Il en est de même quand l’Écriture nous parle de « la repentance envers Dieu, et la foi en notre Seigneur Jésus Christ » (Act. 20, 21) : elle nous présente deux choses distinctes, l’une, une disposition du cœur par rapport à Dieu, l’autre, la foi et la confiance en Christ. Ainsi la repentance est à juste titre appliquée à Dieu comme objet, jamais, je crois, à Christ, comme il en est de la foi ; parce que la repentance est envers Dieu, dans le cœur et la conscience ; c’est une opération qui se fait dans notre nature et notre caractère comme tels ; elle n’est pas la foi dans les moyens et dans la puissance du salut. Ainsi, nous lisons (2 Tim. 2, 25) : « Attendant si Dieu, peut-être, ne leur donnera pas la repentance pour reconnaître la vérité », l’apôtre ayant évidemment en vue ici une humiliation du cœur, et voulant que la volonté fléchisse devant la Parole de Dieu. Tous ces passages me montrent clairement que, quoiqu’un évangile plein et gratuit puisse être le moyen de conduire à la repentance, la repentance cependant est un état du cœur produit par l’évangile, et non la foi à l’évangile en elle-même. Je me repens, parce que je crois. Je me repens de mes péchés.

J’en viens maintenant à la riche manifestation de la grâce au chapitre 15 de Luc. Dans les deux premières paraboles de ce chapitre, il s’agit de la grâce souveraine, et non de quelque chose qui soit opéré dans ceux qui sont sauvés ; mais la troisième parabole nous montre l’œuvre s’opérant. Le jeune homme rentre en lui-même, et il y a chez lui le changement de pensées quant à son père, ce qui est toujours le cas, quand la grâce agit : les mercenaires avaient abondance de pain dans la maison du père. Mais le premier effet produit n’était pas la joie. Je péris de faim ; — je me lèverai et je m’en irai. En s’en allant, il n’avait pas encore la connaissance du pardon. Il se propose de dire à son père : « Traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Il n’avait pas non plus encore rencontré son père ; il le rencontra dans ses haillons ; mais il ne dit pas : Traite-moi comme l’un de tes mercenaires. Il sait maintenant ce qu’est son père ; il reçoit alors la plus belle robe et l’entrée dans la maison. Mais l’effet de cette vérité, qu’il y avait de la bonté en Dieu, fut de lui faire sentir qu’il périssait loin de Lui ; de le faire se lever, changer de pensées et s’en aller vers son père, au lieu de lui tourner le dos. De plus ce changement de pensées quant à Dieu, produisit le jugement de lui-même, de toutes ses voies et de tout son état : — en un mot, la bonté de Dieu le poussa à la repentance. Cette repentance devait être prêchée, aussi bien que la rémission des péchés. La foi doit être objective, elle n’est qu’objective, et elle est le moyen de la paix et de la confiance ; le jugement de mon propre état personnel ne sera jamais ce moyen, ni ne doit l’être. Mais la foi aux objets présentés, la foi à l’amour gratuit et souverain de Dieu, la foi au Sauveur et à Son œuvre, produit un état subjectif que l’Écriture appelle la repentance. Cette repentance n’est pas un préliminaire de la foi, mais le fruit de la foi. La foi en la personne de Christ et en Ses paroles peut, avant qu’on ait même entendu l’évangile gratuit, opérer dans l’âme de la tristesse et le jugement de soi-même, et la rendre fatiguée et chargée. Ensuite l’évangile gratuit produira une joie visible. Mais quand l’évangile plein et gratuit est la première chose qu’entende une âme insouciante, ce n’est pas un bon signe que cette âme « le reçoive aussitôt avec joie ». Ainsi, et la parabole, et une ample expérience, montrent qu’une œuvre subjective profonde est un heureux effet produit par l’évangile, et non pas l’œuvre de l’homme sur lui-même pour s’y préparer.

Après ces nombreuses citations de l’Écriture, je puis en appeler à l’expérience, et je demande si celui qui jette un regard en arrière sur ce qui s’est passé dans sa propre âme, ne sait pas qu’il a été amené à un état subjectif de haine du péché, de jugement de lui-même, de confession de ses péchés, accompagné d’humiliation et de dégoût de lui-même ; je demande, si la repentance produite dans son âme (fût-ce même par les terreurs de la loi accompagnées de crainte et de frayeur), n’a pas toujours été accompagnée de quelque besoin de s’approcher d’un Dieu de bonté, de quelque amour de la sainteté, de quelque sentiment de responsabilité en grâce, en dépit des terreurs, car la seule terreur des conséquences n’est pas la repentance du tout. Si la repentance est produite par l’exposé complet de l’amour de Dieu et de la grâce, ce sera une œuvre plus douce, plus entière ; l’humiliation et la haine du péché seront d’autant plus profondes. Je le répète, une âme préalablement exercée par Dieu, trouvera dans l’évangile plein et gratuit la liberté et la paix. Mais j’en appelle à toute âme qui a cru l’évangile, pour qu’elle me dise si elle n’a pas la conscience d’une œuvre subjective, fruit de la foi ; je lui demande encore si, selon l’Écriture, la repentance est cette œuvre elle-même, ou bien la foi à l’évangile ou à la Parole de Dieu sous n’importe quelle forme, par laquelle cette œuvre a été produite ? Je ne demande pas quelle forme la repentance a prise, car cela dépend de la nature du témoignage qui l’a opérée ; mais je voudrais apprendre s’il n’y a pas eu dans toute âme qui a cru la Parole, une œuvre, opérée par le témoignage qu’elle a reçu, œuvre distincte de la foi à ce témoignage, distincte aussi d’un changement de pensées quant à Dieu, quoique produite par ce changement. Si les âmes attachaient à cette œuvre l’importance d’une chose qu’il faille offrir à Dieu, ce serait une funeste erreur. Cependant cet état d’âme est en lui-même important car il est question de l’autorité et des droits de Dieu, dont on doit toujours grandement tenir compte.

J’ajoute ici encore un mot. Le pardon des péchés est autre chose que le jugement des péchés. Je ne crois pas qu’il y ait une paix ferme et bien établie, en rapport avec la justice, avant que cette dernière œuvre soit opérée. Une personne peut être joyeuse à cause du pardon de ses péchés, et l’être avec raison, tout en n’ayant que très peu de connaissance d’elle-même et du péché ; mais il faut qu’elle acquière cette connaissance. Si elle l’a acquise par la loi, avant que le pardon des péchés soit connu, tout le reste est facile ; mais avec un évangile plein et gratuit, tel surtout qu’il est prêché de nos jours, le pardon des péchés est souvent connu là où le moi ne l’est pas ; il faut pourtant qu’on apprenne à le connaître. L’épître aux Romains traite des péchés jusqu’à la fin du verset 11 du chapitre 5 ; elle entreprend alors la question du péché, développée en rapport avec la loi au chapitre 7 ; le résultat étant, non que Christ a été présenté pour propitiatoire par Son sang (Rom. 3, 25), mais que nous ne sommes pas « dans la chair », mais « en Christ ». Vous rencontrerez plus d’une âme qui se réjouit dans le pardon des péchés, et qui ne pourrait pas penser au tribunal sans crainte. Ces âmes ne connaissent pas Christ comme justice. Le sang de la Pâque sur le linteau des portes n’était pas la même chose que la délivrance d’Égypte en traversant la mer Rouge. On dira qu’Israël était en sûreté par le sang — assurément. Dieu était pour eux ; mais ils n’en avaient pas connaissance en tant que délivrance de l’état dans lequel ils étaient ; aussi lorsque Pharaon les poursuit à la mer Rouge, ils sont effrayés ; mais une fois qu’ils ont passé la mer, ils sont libres.

Aurais-je donc un instant la pensée qu’il ne faudrait pas annoncer aux pécheurs un salut plein, gratuit, accompli ? À Dieu ne plaise ! Voudrais-je que l’on insistât sur la nécessité d’une certaine mesure de repentance comme préliminaire ? Je rejette complètement une telle pensée. Je crois que la vie de Christ eut précisément pour effet de rendre à l’homme la confiance en Dieu que Satan avait détruite chez l’homme ; que ce manque de confiance précéda et ouvrit à la convoitise l’entrée dans le cœur d’Ève. Mais tout cela ne m’empêche pas de croire que la foi à cet évangile, produit dans le cœur une œuvre subjective profonde, dans laquelle le cœur humilié, brisé, soumis, se repent envers Dieu ; les justes droits de Dieu sont reconnus, et le moi jugé. On me dira qu’un homme a la vie, lorsque ces choses se passent en lui ? Soit. Mais il n’en est pas moins vrai que cette œuvre est opérée, qu’il faut qu’elle le soit ; et qu’elle l’est avant la réception du Saint Esprit, selon Actes 2 ; par conséquent aussi avant la joie et la liberté ; bien que la vérité, et une vérité croissante, demeure.

Un évangile qui fait peu de cas de l’œuvre dont je parle, est un évangile défectueux. Il ouvre la porte au légalisme et à des vues fausses relativement à la repentance. Les hommes donnent à la repentance la place d’un préliminaire humain. J’ai cela en horreur, et avec raison. Mais quand quelqu’un vient à parler de la repentance d’une manière non justifiée par l’Écriture, des milliers d’âmes, en découvrant que cette personne est dans l’erreur, s’imagineront qu’il s’agit d’une question entre ses vues et la doctrine arminienne, et tiendront cette dernière pour juste. C’est parce que je rejette la doctrine que professent de telles personnes, que je redoute l’emploi des principes non appuyés par l’Écriture, auxquels j’ai fait allusion. Je crois enfin que parler de la repentance, comme si elle n’était que la foi en l’évangile de la grâce de Dieu, est propre à rendre les âmes nouvellement converties, superficielles et présomptueuses, lors même que leur conversion est réelle. Je crois que nombre d’âmes ont été délivrées de notions légales sur la repentance, et d’un faux esclavage, par cette manière erronée de présenter les choses ; mais nous sommes sanctifiés par la vérité, et une erreur reçue avec la vérité porte toujours son fruit subséquent.

Le mot grec que nous rendons par « repentance » signifie une pensée ultérieure, un changement de pensées par réflexion ; mais ce qui importe, c’est de comprendre à l’égard de quoi ce changement de pensées a lieu. C’est là la question. Or, je le dis catégoriquement, ce n’est pas d’un changement de pensée quant à Dieu qu’il s’agit, bien qu’une vraie connaissance de Dieu produise, par la réflexion, un juste jugement du moi (impliquant, je crois, un sentiment des droits de Dieu sur nous et de notre responsabilité, ce qui est autre chose que de connaître Dieu), et ainsi un jugement vrai de toutes nos voies passées. La tristesse selon Dieu n’est pas cela, mais elle l’opère. Dans la repentance, la direction de la vie est changée, l’âme ayant réellement saisi Dieu.