Cette question a préoccupé de nombreux chrétiens du siècle passé. Et Dieu leur a révélé d’une manière remarquable les passages de Sa Parole où sont exposés Ses pensées et Son propos concernant l’Église. Plusieurs ont alors eu à cœur d’agir dans l’obéissance à la vérité qu’ils avaient découverte. Le résultat a passé dans l’histoire. Mais la ruine qui caractérise tout ce qui est confié à la responsabilité de l’homme est survenue, entraînant une confusion générale dans les esprits. Aujourd’hui, pour beaucoup, la question prend une signification nouvelle et revêt un caractère d’urgence. Aussi voulons-nous essayer une fois encore d’y répondre.
En bref, notre réponse ne peut être que celle d’autrefois : Nous devons nous rassembler sur le terrain de toute la vérité révélée quant à l’Assemblée de Dieu, que celle-ci soit considérée dans son aspect universel ou local.
Ces paroles sont vite écrites et faciles à lire. Pourtant, ce qu’elles impliquent ne saurait être exposé ni discerné en un moment. Nous nous proposons donc de reprendre patiemment le sujet, pas après pas, et de le diviser en sections clairement marquées.
Remarquons tout d’abord que la vérité est révélée afin que nous y obéissions.
Elle ne nous est pas donnée pour satisfaire notre curiosité ou pour nous fournir des sujets de discussion, ni même en premier lieu pour éclairer notre esprit ; la vérité nous est révélée afin que, notre esprit étant éclairé, nous soyons dirigés et amenés à nous conformer pratiquement à ce qu’elle enseigne. Si l’évangile est prêché, c’est « pour l’obéissance de la foi » (Rom. 1, 5). Si « le mystère » a été manifesté, c’est « pour l’obéissance de la foi » (Rom. 16, 26). Lorsque des croyants retournent à la loi après avoir marché un temps sous la grâce, la question qui leur est posée est : « Qui est-ce qui vous a arrêtés pour que vous n’obéissiez pas à la vérité ? » (Gal. 5, 7).
Ceci est bien propre à nous exercer. Nous comprenons facilement pourquoi le Seigneur a dit : « Prenez donc garde comment vous entendez ; car à quiconque a, il sera donné, et à quiconque n’a pas, cela même qu’il paraît avoir sera ôté » (Luc 8, 18). La plupart d’entre nous trouvent du plaisir à augmenter leurs connaissances. Ils éprouvent une sorte d’exaltation à voir l’Écriture et la vérité qu’elle contient s’ouvrir à leur esprit ; mais cette exaltation se tempère et se transforme en sobriété, et parfois même en un exercice profond, quand nous sommes placés devant la responsabilité de mettre la vérité en pratique et de lui donner expression dans notre marche. La vérité peut être douce comme du miel dans notre bouche, mais lorsqu’elle est reçue en nous et digérée, nous en éprouvons la puissance et même l’amertume (voir Apoc. 10, 9, 10).
Une grande partie de la vérité traite de l’Église de Dieu, et nous devons autant d’obéissance à cette partie qu’à toute autre.
Une part importante de la vérité s’applique à nous individuellement, en tant que croyants, et de nombreux ordres de relations nous concernent personnellement, bien que nous ne soyons pas seuls. Par exemple, nous sommes enfants de Dieu. Chacun de nous est un enfant, et il y a une famille. Néanmoins un moment arriva, dans les voies de Dieu, où tous les enfants devaient être introduits dans une unité d’une sorte nouvelle. C’est ce que Caïphe, à son insu, a annoncé prophétiquement en Jean 11 : « Il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation ; et non pas seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés » (v. 51, 52). Ce rassemblement en un a eu lieu par la venue du Saint Esprit, comme conséquence de la mort, de la résurrection et de l’ascension de Jésus.
L’Église de Dieu a été alors constituée. Nous y avons été introduits par la réception de l’Esprit de Dieu et nous en faisons partie, que nous le reconnaissions ou non. Les épîtres du Nouveau Testament placent devant nous l’appel et les privilèges de cette Église, mais aussi l’ordre qui devrait la caractériser pendant son pèlerinage sur la terre et les responsabilités qui s’y rattachent. Cet appel, ces principes, cet ordre, ces responsabilités sont tous nôtres : nous devons par conséquent chacun y répondre dans la pratique, comme les épîtres le montrent clairement. Aucune d’entre elles n’est un simple exposé de doctrine. Toutes font l’application de la vérité présentée et l’expliquent d’une manière pratique, pour en donner la portée. Dans certains cas, l’instruction pratique à la lumière de la vérité nous apprend encore plus que l’exposé de la vérité elle-même.
Nous faisons partie de ce merveilleux ensemble, l’Église de Dieu, et nous devrions chercher diligemment à connaître mieux ce à quoi nous appartenons, afin de pouvoir nous conformer à la vérité qui s’y rattache.
Il n’est cependant pas nécessaire de chercher ailleurs que dans la Bible des renseignements concernant cette vérité qui réclame notre obéissance. Toute la vérité est contenue dans les Saintes Écritures.
Nous le rappelons, non parce que nous avons là l’expression de la pensée générale des chrétiens « protestants » d’autrefois, mais parce que l’Écriture l’affirme : « Toute écriture est inspirée de Dieu… afin que l’homme de Dieu soit accompli et parfaitement accompli pour toute bonne œuvre » (2 Tim. 3, 16, 17). Il n’est pas dit que l’Écriture a été donnée afin que « les petits enfants en Christ » soient accomplis ; on aurait alors pu objecter que si l’Écriture était suffisante pour rendre accomplis « les petits enfants », elle ne pouvait guère l’être pour le croyant parvenu à une maturité spirituelle lui permettant d’être appelé un « homme de Dieu ». Ou, si le passage s’était arrêté après « afin que l’homme de Dieu soit accompli », on aurait pu dire que l’Écriture pouvait bien rendre accompli quant au principe général de la vérité, mais qu’elle ne nous fournissait pas tout ce dont nous avions besoin pour les détails de la conduite et de la marche pratiques. Eh bien ! non, l’Écriture rend l’homme de Dieu parfaitement accompli, dans tous les détails, pour toute bonne œuvre. Cela couvre toute œuvre pouvant à juste titre être qualifiée de « bonne ».
C’est un point très important, car certains voudraient fixer pour l’Église de Dieu des normes, soit d’amour soit de sainteté, qui vont au-delà de ce que l’Écriture établit. Or « l’amour » qui aimerait plus que celui qui est enjoint dans l’Écriture, et la « sainteté » plus sainte que celle qui est requise en elle, ne sont ni le vrai amour ni la vraie sainteté.
La vérité de l’Écriture quant à l’Église de Dieu se divise, très schématiquement, en deux sujets : premièrement, le corps de Christ ; secondement, la maison de Dieu.
Le premier, le corps de Christ, couvre une notion présente uniquement dans le Nouveau Testament, le second a une place dans l’Ancien. La première mention de la maison de Dieu dans la Bible se trouve en Genèse 28, 17 ; mais pour que cette maison puisse être établie parmi les hommes sur la terre, même en figure, il a fallu attendre l’accomplissement typique de la rédemption (voir Ex. 15, 2, 13 ; 25, 8). À partir du moment où les enfants d’Israël furent rachetés comme nation, on trouva la maison de Dieu au milieu d’eux ; et dès que la maison cessa d’être au milieu d’eux, leur existence en tant que nation prit fin. Mais peu avant la destruction du temple sur le mont Morija en l’an 70 de notre ère, Dieu avait constitué Sa maison d’une manière tout à fait nouvelle. Les croyants en Christ, recevant Son Esprit, comme des pierres vivantes, étaient « édifiés une maison spirituelle » (1 Pier. 2, 5). Ils étaient « édifiés ensemble [Juifs et Gentils], pour être une habitation de Dieu par l’Esprit » (Éph. 2, 22). La maison de Dieu a pris dès lors un caractère impliquant une proximité et une intimité de relation avec Dieu qui étaient impossibles autrefois ; nous lisons en effet : « Vous n’êtes plus étrangers ni forains, mais vous êtes concitoyens des saints et gens de la maison de Dieu » (Éph. 2, 19). Ceux qui constituent la maison sont également gens de la maison de Dieu et, par Son Esprit, Dieu demeure maintenant dans Sa maison d’une manière plus intime et vitale qu’Il ne pouvait le faire précédemment.
Aux jours de l’Ancien Testament, il ne pouvait être question du corps de Christ, car Christ Lui-même n’avait pas encore été révélé ; par la force des choses, cette notion ne pouvait pas être connue. Mais Christ est venu ; après Sa mort et Sa résurrection, l’Esprit fut répandu, et les croyants tant d’entre les Juifs que d’entre les Gentils furent baptisés en un corps, un seul corps, le corps de Christ. Le Seigneur Jésus avait pu dire en vérité : « Tu m’as formé un corps » (Héb. 10, 5), et dans ce corps saint Il a souffert. « L’offrande du corps de Jésus Christ faite une fois pour toutes » a eu lieu (Héb. 10, 10). Maintenant Il est assis dans le ciel, avec un corps spirituel, et le seul corps qu’Il reconnaisse ici-bas est le corps constitué par le baptême du seul Esprit procédant de Lui, la Tête glorifiée. C’est dans ce corps que Christ doit être manifesté à ce monde et révélé dans Ses caractères moraux.
Le corps de Christ et la maison de Dieu expriment l’un et l’autre ce qu’est l’Église en tant qu’entité réelle et pratique sur la terre, et non pas comme idée mystique, théorique, pour le ciel.
Il est fréquent de lire et d’entendre des formules telles que « le corps mystique de Christ » et « l’Église invisible ». Ceux qui emploient ces termes peuvent avoir des pensées justes, mais en elles-mêmes ces expressions sont trompeuses, pensons-nous, parce qu’elles obscurcissent, si elles ne nient pas, la vérité que le corps de Christ est une réalité présente. Ce corps existe sur la terre aujourd’hui aussi bien qu’aux jours apostoliques, même si sa manifestation est ternie par l’intrusion de la volonté de l’homme et par son comportement. Il faudrait donc dire qu’il ne peut pas être vu sous une forme concrète comme au temps des apôtres, mais qu’il doit être conçu abstraitement. Nous devons détourner nos pensées de ce que nous voyons autour de nous et les avoir formées par ce que nous trouvons dans l’Écriture. Mais cette vérité que nous ne pouvons percevoir que d’une manière abstraite est aussi vraie, réelle et présente que ce que nous pouvons découvrir sous une forme concrète.
Par conséquent, elle a une portée très pratique sur nous : celle de régler nos relations avec le Seigneur Jésus, avec Dieu, avec les autres croyants, et cela maintenant, ici-bas dans ce monde. Aucun de ces faits importants ne nous est révélé comme devant avoir son accomplissement plus tard quand nous serons dans la gloire, ni ne nous est donné maintenant seulement comme encouragement ou stimulant ; ils nous sont présentés comme des réalités effectives aujourd’hui, afin que nous y conformions nos voies.
Dans sa portée pratique, la vérité quant au corps de Christ met particulièrement en évidence la suprématie de Christ comme Tête, l’énergie de l’Esprit comme puissance, de même que l’unité, l’amour et la croissance spirituelle du corps qui en résultent.
Les passages dans lesquels il est parlé de l’Assemblée comme le corps de Christ le montrent clairement. Prenons d’abord Romains 12. La vérité du corps n’est pas développée dans ce chapitre ; il y est seulement fait allusion d’une manière très brève pour faire ressortir la variété des dons qui existent parmi les membres, afin que tout se fasse avec diligence et amour.
Le sujet n’est traité en détail que dans le chapitre 12 de la première épître aux Corinthiens. Par l’illustration du corps humain et par analogie avec celui-ci, l’Assemblée est présentée comme une unité organique, mais une unité composée de divers membres. Elle a été constituée par le baptême de l’Esprit. Ceux qui y ont été introduits ont été « noyés » quant à leurs caractéristiques naturelles, de naissance ou sociales, et par conséquent faits un dans l’énergie du seul Esprit. Mais il est bien évident que ceux qui sont ainsi constitués en une unité sont et demeurent des individus. Recevoir le Saint Esprit signifie donc aussi être abreuvé ou pénétré individuellement du seul Esprit, de sorte que chaque membre est possédé et conduit par l’Esprit qui anime le tout. Ainsi dans ce chapitre, c’est l’Esprit qui se manifeste dans le corps. Les différents dons sont des manifestations de l’Esprit (v. 7).
Mais l’Esprit qui opère tout cela est l’Esprit de Christ glorifié, envoyé par Christ glorifié. Le corps est par conséquent le corps de Christ (v. 12, 27), et c’est Lui qui le dirige. Dans le siècle à venir, Son administration comme Seigneur couvrira la terre entière. Actuellement, l’Assemblée en est la sphère, pour ce qui concerne la terre. La volonté de Dieu selon l’administration du Seigneur doit se trouver dans l’Assemblée ici-bas (v. 5).
La portée pratique de ce fait se manifeste dans les soins, les égards et la sympathie réciproques, que ce soit dans les souffrances ou dans les honneurs, comme l’indique la dernière partie du chapitre. Elle se manifeste également dans l’amour, que le chapitre 13 célèbre divinement, et dans les saines directives du chapitre 14, qui règlent l’exercice des dons dans l’assemblée. Le chapitre 12 nous présente la puissance résidant dans le corps — celle du Seigneur et de l’Esprit ; le chapitre 13, l’amour comme ce qui régit le corps ; le chapitre 14, le sobre bon sens qui doit en être le régulateur. Nous avons là le fonctionnement du corps de Christ ici-bas sur la terre selon l’intention divine à son égard.
Dans les Éphésiens, le corps de Christ est présenté dans toute l’élévation de son privilège selon le propos éternel de Dieu. La croix de Christ est la base sur laquelle repose sa formation (2, 16). Sa fonction est d’être « la plénitude de celui qui remplit tout en tous » (1, 23), c’est-à-dire d’être Son complément ou ce qui Lui correspond — ce en quoi Il est pleinement exprimé. Son privilège atteindra publiquement toute son étendue lorsque Christ sera manifesté comme « chef sur toutes choses » et donné comme tel « à l’assemblée » (1, 22). Il y en a eu une figure, pendant une brève période, lorsque Adam fut établi sur toute la création animale et que, Ève ayant été tirée de son corps, il fut donné pour être chef à celle qui avait part à sa domination.
Le chapitre 4 de cette épître nous donne la portée pratique de la vérité. « Avec toute humilité et douceur, avec longanimité, vous supportant l’un l’autre dans l’amour, vous appliquant à garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » — croissant alors « en toutes choses jusqu’à lui qui est le chef, le Christ », et le corps se développant « pour l’édification de lui-même en amour » (v. 2, 3, 15, 16).
Enfin dans les Colossiens, il est parlé du corps, mais sans beaucoup de détails, puisque le grand sujet de l’épître est plutôt la gloire de la Tête. Toutefois, il est insisté sur la responsabilité de chaque membre de « tenir ferme le chef » (ou : la tête) (2, 19). Nous y voyons l’apôtre Paul, un membre du corps, se réjouir dans les souffrances pour le corps (1, 24), et trouvons, culminant dans l’amour et la paix, les traits merveilleux et pleins de grâce de Christ reproduits dans les croyants.
Ainsi donc, la vérité concernant le corps de Christ, dans sa portée pratique, est large : elle embrasse tous les croyants. Il y a unité absolue dans l’union avec Christ et la soumission à Lui, en sorte que, comme Tête, Il est exprimé dans Son corps.
Dans sa portée pratique, la vérité concernant la maison de Dieu met particulièrement en évidence la présence de Dieu par Son Esprit dans l’Assemblée et, par conséquent, l’ordre, la piété, la sainteté qui conviennent à Son habitation ; car la maison doit être conforme à Celui à qui elle appartient.
Cette affirmation est aussi facile à vérifier par l’examen des passages de l’Écriture où cet aspect de l’Assemblée nous est présenté. Deux expressions sont employées : « maison » et « temple ». Ces deux termes présentent évidemment une nuance, mais nous ne nous y arrêterons pas ici, car ils ont le même sens général et, par conséquent, une portée pratique similaire.
En 1 Corinthiens 3, les croyants sont « le temple de Dieu » parce que l’Esprit de Dieu habite en eux : la sainteté s’impose donc (v. 16, 17). Cette vérité est largement développée en 2 Corinthiens 6, 14 à 7, 1, et la sainteté requise est très complète : elle exclut le joug mal assorti, exige une séparation nette d’avec le monde corrompu, l’absence de contact avec les choses impures ; elle demande aussi le refus de toute souillure de chair et d’esprit.
Cette vérité se retrouve dans les derniers versets d’Éphésiens 2 ; le temple y est qualifié par un seul adjectif : « saint ».
Dans la première épître à Timothée, il est parlé de l’Assemblée comme de « la maison de Dieu… la colonne et le soutien de la vérité », et toute l’épître est remplie d’instructions relatives à l’ordre et à la piété qui conviennent à ceux qui en font partie. Le caractère de Dieu devrait être vu en ceux qui composent sa maison.
En 1 Pierre 2 enfin, la maison est appelée une « maison spirituelle » ; elle est composée de ceux qui, étant venus à la pierre vivante, sont eux-mêmes des pierres vivantes. Chacun individuellement est une « pierre » bâtie sur « ce roc ».
Ainsi, la vérité concernant la maison de Dieu, dans sa portée pratique, est étroite : elle exclut le mal, tout ce qui souillerait le caractère et compromettrait la sainteté de Celui dont elle est la maison. Cette exclusion peut s’étendre jusqu’au retranchement de personnes, comme nous le montre 1 Corinthiens 5, passage qui fait suite à la vérité relative au « temple de Dieu » énoncée au chapitre 3. Le même principe est développé en 2 Timothée 2, 15 à 26, qui reprend la vérité présentée dans la première épître — sauf qu’ici, en fait d’application pratique, il s’agit de se purifier de mauvaises associations, plutôt que d’exclure le méchant.
Dès le moment où nous comprenons la vérité de l’Église telle qu’elle est présentée dans l’Écriture et que nous sommes prêts à la mettre en pratique, nous réalisons que la condition actuelle de la chrétienté, dans son ensemble, en est la négation totale.
Certains aspects sont si évidents qu’il est à peine nécessaire de les mentionner ; par exemple, la multiplicité des sectes, ce qui nie l’unité de l’Assemblée ; l’acceptation délibérée de l’union entre le monde et l’Église, manifestée dans des systèmes religieux officiels ; la domination complète exercée par l’homme, mettant ainsi le Seigneur de côté — l’homme se place au-dessus de la Parole du Seigneur, prétend au droit de créer des saints par la canonisation et de faire sortir des âmes du purgatoire, etc., comme on le voit dans la religion romaine ; — une absence presque totale de discipline, permettant à toute espèce de mal flagrant, doctrinal et moral, de subsister sous le nom de christianisme.
D’autres aspects sont peut-être moins visibles. Le péché caractéristique de la dispensation actuelle est l’ignorance pratique, et par conséquent la mise de côté, de la présence et des opérations du Saint Esprit de Dieu dans l’Église. Les réunions chrétiennes se déroulent d’une manière qui traduit une incrédulité totale à l’égard de Sa présence dans l’Église — tout en admettant peut-être qu’Il est présent dans les individus. Un homme est désigné comme ayant seul le droit de prendre la parole ; les chapitres 12 et 14 de la première épître aux Corinthiens sont par conséquent lettre morte. La rédemption est niée, ses effets pour s’approcher de Dieu ne sont pas reconnus ; des lieux saints ont été constitués sur la terre, avec des autels et des sacrificateurs servant les laïques retenus ainsi loin de Dieu et maintenus souvent, hélas ! dans une ignorance à laquelle le commun du peuple parmi les Juifs n’a jamais été abaissé avant la venue de Christ. Partout les règles et les arrangements humains ont remplacé la simplicité de l’ordre divin tel qu’il avait été établi au commencement par les apôtres et consigné dans les Écritures. Cette organisation humaine peut paraître très méthodique à l’esprit de l’homme et nécessaire pour prévenir les désordres qui pourraient résulter de la tentative de se conformer à ce que les apôtres ont établi. Pourtant, tout « ordre » qui n’est pas un ordre divin est du désordre.
Des dénominations et des « églises » se sont constituées sur la base de prises de position concernant certaines vérités ou interprétations de vérités, ou par identification avec un homme dont Dieu s’est beaucoup servi en son temps. Il leur manque par conséquent la largeur, l’ouverture qui est divine, puisqu’elles reconnaissent uniquement les croyants qui partagent leurs vues ou qui deviennent partisans de leur conducteur. Elles manquent également de la véritable étroitesse, celle qui vient de Dieu, car leur zèle s’épuise en général contre ce qui met en danger ou appauvrit leur système, alors que le mal réel se donne libre cours, et que les faux enseignements de toute sorte et l’infidélité à Christ et à Sa vérité sont souvent traités avec tolérance.
Dans cette situation, une question se pose alors tout naturellement : Est-ce que l’obligation de mettre la vérité en pratique s’impose encore à nous ? Ne pourrions-nous pas nous contenter de maintenir mentalement la vérité dans ses grandes lignes, et éviter toute complication en restant là où nous nous trouvons quant à nos relations ecclésiastiques ?
La tentation de répondre négativement à la première question et affirmativement à la seconde a toujours été forte, mais jamais aussi forte qu’aujourd’hui, car la confusion ne cesse d’augmenter dans la chrétienté. Toutefois, la réponse selon la Parole est oui à la première question et non à la seconde. Les dernières épîtres, celles de Paul comme celles de Pierre ou de Jean, qui parlent des jours difficiles de la fin, ne permettent pas un seul instant de supposer que la vérité est devenue un objet de pure théorie, dissociée de toute application pratique.
Par exemple, dans la seconde épître à Timothée, Paul dit de l’Écriture qu’elle est utile non seulement sur le plan doctrinal, mais pour corriger et pour instruire dans la justice. À ceux qui voudraient prétendre que « corriger » et « instruire » ne s’appliquent qu’à l’esprit, montrons le verset suivant, où le but est clairement indiqué : « afin que l’homme de Dieu soit… accompli pour toute bonne œuvre » C’est éminemment pratique.
Dans sa seconde épître, Pierre parle des précieux traits moraux qu’il convient de joindre à notre foi. Essentiellement, ce sont des caractères qui doivent être en nous ; et pourtant, même alors, l’apôtre ajoute : « En faisant ces choses vous ne faillirez jamais » (1, 10). Là encore, c’est pratique.
Dans sa deuxième et sa troisième épître, Jean a beaucoup à dire à l’égard de la « marche » des croyants. Il les exhorte à marcher « dans la vérité » et « selon Ses commandements ». « Marcher » dans une chose, c’est la mettre en pratique, et cela est rappelé au moment même où les docteurs anti-chrétiens se multipliaient, et où Diotrèphe se mettait en avant et semait la confusion dans l’Église.
En fait, plus la confusion et la défection se généralisent, plus il est important de marcher dans la vérité — de mettre toute la vérité en pratique — même si seul un petit nombre est prêt à le faire.
Une autre question se pose : Est-il encore possible de réaliser pratiquement la vérité de l’Église dans les conditions actuelles ? De quelle manière le faire dans la situation présente ?
Il est clair qu’il est impossible de vouloir à la fois se rattacher à un édifice quelconque consacré au service divin selon une liturgie, ou dans lequel officie un seul homme nommé comme ministre, et réaliser le rassemblement selon les principes établis par le Saint Esprit en 1 Corinthiens 12 et 14. Celui qui s’y essaierait passerait pour un querelleur ou un fauteur de troubles. L’unique moyen de mettre en pratique la vérité quant à l’Église consiste à nous détourner de ce qui n’est pas la vérité, en nous retirant de ce que l’Écriture n’approuve pas, de ce qui, en fait, est manifestement contraire à l’Écriture. Nous étant ainsi libérés de la désobéissance, nous sommes en mesure de réaliser l’obéissance. En un mot, il nous faut d’abord « cesser de mal faire », puis « apprendre à bien faire ». La tentative de mener les deux de front desservirait grandement la cause de la vérité. Cela reviendrait en effet à dire qu’il n’y a pas de différence essentielle entre ce qui est purement humain et ce qui est divin, et que nous pouvons donc continuer à marcher indifféremment avec l’un ou l’autre, ou avec les deux. On prétend souvent que se retirer ne conduit finalement qu’à la création d’une nouvelle secte. Mais il n’y a rien de sectaire à se rassembler de manière à mettre la vérité en pratique. Il est tristement vrai qu’un tel pas peut aboutir en fin de compte à la création d’une nouvelle secte, mais il n’en est pas la cause ; c’est ce qui s’ensuit, le déclin, brusque ou au contraire lent et imperceptible (ce dernier cas est plus probable), qui conduit à des principes sectaires.
Mais avons-nous l’autorité pour nous retirer des organisations ecclésiastiques établies, lorsque celles-ci n’enseignent pas ou ne tolèrent pas des doctrines fondamentalement fausses ?
C’est une question très importante. Elle revient à ceci : Est-ce qu’une organisation humaine, un système humain introduit dans l’ordre établi par Dieu pour Son Église, est une chose mauvaise — si mauvaise que nous devions nous en séparer, même s’il nous en coûte beaucoup ?
De l’aveu général, les organisations et les systèmes religieux d’aujourd’hui, grands ou petits, ont été largement victimes d’une forme d’infidélité très ambitieuse, basée sur une grande prétention d’érudition. C’est ce qu’on nomme communément le « modernisme ». Mais s’il s’agit de systèmes ne se rattachant pas à ce mouvement, et se trouvant, relativement à l’évangile, sur une base scripturaire saine, devons-nous encore nous séparer d’eux ? Il y a effectivement aujourd’hui un nombre assez important de petites organisations, plus ou moins indépendantes, fondées sur un terrain de vérité fondamentale saine, mais qui ignorent l’ordre de l’Assemblée tel qu’il est présenté dans l’Écriture. Leurs adhérents sont des personnes sérieuses et pieuses. Devons-nous nous tenir à l’écart de ces organisations ?
En premier lieu, nous affirmons qu’imposer une organisation ou un système humains à l’ordre divin, entraînant par là finalement la disparition de l’élément divin, est un péché très grave. Ce n’est pas un péché qui puisse être mis à la charge d’une personne précise, puisqu’il s’est infiltré lentement et progressivement au cours des siècles ; c’est néanmoins un mal grave. Il est frappant que Paul déclare solennellement, à la fin d’un long passage de la première épître aux Corinthiens, dans lequel il nous donne, par l’Esprit, l’ordre divin pour les réunions d’assemblée : « Si quelqu’un pense être prophète ou spirituel, qu’il reconnaisse que les choses que je vous écris sont le commandement du Seigneur » (14, 37). Le Saint Esprit de Dieu, avec la prescience qui Le caractérise toujours, prévient ainsi non seulement les tendances qui existaient parmi les Corinthiens dans leur état charnel, mais ces mêmes tendances qui devaient inévitablement surgir partout où le caractère charnel se manifestait — et qui, par conséquent, se sont montrées au cours des siècles et sont encore prédominantes aujourd’hui.
Lorsque la puissance spirituelle décline et que les principes du monde prévalent dans l’Église, on est enclin à trouver l’ordre divin ennuyeux. Il exige un certain effort d’une condition spirituelle qui n’existe pas. Il met au grand jour la faiblesse charnelle qui est là. La tendance est alors forte de traiter les instructions de la Parole comme n’étant pas contraignantes : utiles sans doute en bien des occasions, intéressantes et instructives, mais facultatives et ne requérant pas impérativement notre obéissance ; des choses qui peuvent être observées, mais non pas qui doivent l’être. Les paroles de l’apôtre balaient toutes les objections. Ces instructions sont « le commandement du Seigneur ». Sommes-nous autorisés à les accommoder à notre goût ?
Certainement pas ! Pensons, par analogie, à ce qui a été institué en relation avec le système de la loi, qui pourtant n’avait que « la figure et l’ombre des choses célestes ». Nous lisons : « Moïse, quand il allait construire le tabernacle, a été averti divinement… Prends garde… à faire toutes choses selon le modèle qui t’a été montré sur la montagne » (Héb. 8, 5). Moïse a été fidèle dans toute la maison de Dieu et le modèle a été exécuté strictement. Plus tard, quand le moment est venu de bâtir la maison permanente à Jérusalem, il est dit : « Et David donna à Salomon, son fils, le modèle du portique, et de ses maisons… et le modèle de tout ce qu’il avait, par l’Esprit… — tout cela, dit David, toute l’œuvre du modèle, il m’en a, par écrit, donné l’intelligence, par la main de l’Éternel sur moi » (1 Chron. 28, 11-19. Lire tout le passage). Là de nouveau, nous voyons que chaque détail a été ordonné divinement, et par écrit. Le Nouveau Testament nous donne par écrit les instructions divines relatives à l’ordre de la maison spirituelle de Dieu. Avons-nous davantage le droit de prendre des libertés à l’égard de ces instructions que les anciens n’en avaient autrefois quant à celles concernant la maison matérielle ? Nous répondons encore : Certainement pas !
En fait, plus tard, les Juifs se crurent autorisés à changer les ordonnances divines quant à la maison ou à y ajouter ; qu’en résulta-t-il ? Lorsque le Seigneur Jésus entra dans le temple, Il dit : « Ma maison est une maison de prière ; mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs » (Luc 19, 46). Ils prirent également des libertés avec la parole divine en général, de sorte que le Seigneur dut les accuser : Vous annulez la parole de Dieu « par votre tradition que vous vous êtes transmise les uns aux autres, et vous faites beaucoup de choses semblables » (Marc 7, 13). La sévérité du langage employé alors par le Seigneur devrait nous amener à voir que leur péché en cela n’était pas peu de chose à Ses yeux.
Mais il y a davantage. Nous attirons l’attention, en second lieu, sur une instruction claire de la Parole quant à la position du croyant relativement à un système de religion extérieure.
L’épître aux Hébreux a été écrite peu avant que la destruction de Jérusalem et du temple entraîne la disparition de toute l’économie religieuse judaïque. Dans cet écrit, l’Esprit de Dieu encourage les croyants juifs, en leur montrant que le système de symboles religieux visibles institué en relation avec la loi consistait seulement en ombres, et que ceux qui s’étaient enfuis pour trouver leur refuge en Christ possédaient la réalité par la foi. Il termine par un appel à rompre les derniers liens qui les attachaient à l’ancien système périmé de religion terrestre. L’Esprit place devant eux le Christ qui « a souffert hors de la porte ». Son exhortation est : « Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre » (Héb. 13, 13).
Nous sommes appelés à sortir vers Lui, remarquons-le bien, non pas hors de la ville, mais « hors du camp ». Dans l’épître aux Hébreux, il ne s’agit pas de l’ordre de choses — ville et temple, etc. — lié à l’établissement permanent dans le pays, mais de l’ordre relatif au pèlerinage dans le désert — le tabernacle et le camp. Une des raisons en est que, dans cette épître, les chrétiens sont considérés comme une compagnie ayant des associations célestes, en marche vers un repos céleste, mais se trouvant en fait encore sur la terre, dans les conditions du désert. Une autre raison est la suivante : la ville et le temple furent établis lorsque Dieu suscita une autorité royale en Israël, en relation avec David. La ville et le temple sont donc davantage liés au gouvernement de Dieu sur la terre, et Israël est vu comme étant la nation par laquelle ce gouvernement est administré. Par contre, dans le tabernacle du désert, Dieu manifesta Son propos de demeurer au milieu d’un peuple racheté et de rassembler ce peuple autour de Lui. Le camp, c’était Israël entourant l’habitation de Dieu dans un ordre établi — Israël considéré non pas d’un point de vue gouvernemental mais religieux.
Lorsque l’épître aux Hébreux a été écrite, la shekina, la nuée qui avait été la gloire du camp d’Israël, avait disparu depuis longtemps ; pourtant le camp — le système religieux israélite — existait toujours. Mais il avait scellé son destin en crucifiant Jésus hors de la porte, et pour tout vrai croyant d’entre les Juifs, l’heure était venue de couper les derniers liens avec ce système de religion terrestre, qui pourtant, à son origine, avait été institué par Dieu. Il n’en restait plus désormais que les « faibles et misérables éléments » (Gal. 4, 9).
De ce fait, nous n’avons aucune hésitation à répondre de la manière suivante à la question posée plus haut : — Si, au cours du premier siècle du christianisme, la volonté divine était que les croyants qui avaient été rattachés à un système religieux terrestre, institué par Dieu à son début, rompent leurs derniers liens avec ce système et en sortent pour aller vers Christ, la volonté de Dieu aujourd’hui ne peut pas être que les croyants restent dans des systèmes religieux terrestres, qui sont d’origine purement humaine, et n’ont jamais, à aucun moment, été institués par Dieu.
Il est évident qu’un système religieux d’origine humaine existe, et tout aussi évident que Christ est en dehors de ce système. Cela n’empêche évidemment pas que de nombreux croyants qui y sont retenus prisonniers aiment individuellement beaucoup Christ et se tiennent très près de Lui. C’est donc une autorité divine qui nous conduit à nous retirer d’organisations religieuses d’origine humaine pour suivre l’ordre divin tel qu’il est présenté dans l’Écriture et y conformer notre marche.
De plus, la séparation du mal et des méchants incombe dans tous les temps à ceux qui craignent le Seigneur et qui invoquent Son nom.
En 2 Timothée 2, 14 à 3, 5, cette injonction est exprimée de la manière la plus forte, revêtue de toute l’autorité apostolique (c’est-à-dire comme étant la Parole de Dieu). Dans ce passage, la séparation est présentée non moins de six fois sous différents aspects. Les six mentions sont les suivantes :
« Évite les discours vains et profanes » (2, 16),
« Qu’il se retire de l’iniquité » (2, 19),
« Si donc quelqu’un se purifie de ceux-ci » (2, 21),
« Fuis les convoitises de la jeunesse » (2, 22),
« Évite les questions folles et insensées (2, 23),
« Détourne-toi de telles gens » (3, 5).
Lorsqu’on vous présente quelqu’un ou quelque chose, si vous l’évitez, vous en retirez, vous en purifiez, le fuyez et vous en détournez, vous adoptez manifestement une attitude de séparation intransigeante.
Mais ce passage important a été l’objet de tant de discussions, on s’en est servi de tant de manières, que nous allons tenter de l’expliquer méthodiquement tout en restant bref ; et nous laisserons le lecteur juger. Nous invitons ce dernier à ouvrir sa Bible au passage en question et à s’y référer constamment en suivant notre exposé.
Versets 14 et 15 : Timothée doit rappeler la vérité aux croyants et leur ordonner de ne pas se livrer à des disputes sur des objets qui n’apportent rien, et dont le seul effet est de troubler l’esprit de leurs auditeurs. Quant à lui-même, il est invité à s’appliquer à être un bon ouvrier au service de Dieu, expliquant la Parole de Dieu avec discernement.
Versets 16 à 18 : Il n’y avait pas seulement de vaines disputes de mots, sans aucun profit ; un mal plus grave se manifestait sous la forme de « discours vains et profanes », entraînant plus avant dans l’impiété et rongeant comme une gangrène ; c’est-à-dire qu’ils iraient en empirant, tant par leur intensité que par leur portée. Pour bien faire comprendre sa pensée, Paul nomme deux hommes, qui étaient meneurs dans ces « discours profanes » — Hyménée et Philète — et il spécifie le point particulier de la vérité sur lequel ils s’étaient égarés : ils affirmaient « que la résurrection a déjà eu lieu ». L’apôtre dénonce la gravité de cette erreur en montrant ses effets sur ceux qui la recevaient : leur foi était renversée. C’était une erreur fondamentale, qui sapait la foi de ceux qui l’acceptaient.
Verset 19 : En contraste avec les enseignements humains qui renversent la foi de ceux qui les reçoivent, il y a « le solide fondement de Dieu » qui « demeure ». L’apôtre fait allusion, nous ne pouvons en douter, non pas à une vérité ou à une parole particulière de Dieu, mais au fait général que tout ce qui est réellement fondé par Dieu est immuable. Ce fondement porte un sceau ayant une double face : d’abord, en relation avec la souveraineté de Dieu et Son omniscience, ce qui garantit la sécurité des siens ; puis en rapport avec la responsabilité de l’homme, ce qui impose à tous ceux qui professent la soumission à Christ l’obligation de se retirer de l’iniquité. Là aussi, les termes employés sont très généraux. C’est très probablement une allusion à la révolte de Coré, Dathan et Abiram, relatée en Nombres 16. Ces hommes se rebellèrent contre la parole de Dieu, représentée par Moïse et Aaron, et en entraînèrent quelques-uns à l’insoumission. À cette occasion, l’Éternel délivra un double message. Premièrement : « Demain, l’Éternel fera connaître qui est à lui » (v. 5) ; deuxièmement : « Éloignez-vous, je vous prie, d’auprès des tentes de ces méchants hommes » (v. 26).
Cette allusion jette de la lumière sur notre passage. Mais le verset placé devant nous ne pose que des principes généraux. Le croyant doit se retirer de l’iniquité partout et toujours. L’iniquité revêt différentes formes, et notre obligation de nous en retirer peut être remplie de diverses manières selon les différentes formes de l’iniquité. Mais le croyant ne doit en aucun cas rester en complicité avec un mal quelconque. Il doit s’en séparer quelle qu’en soit la forme.
Verset 20 : Après avoir clairement spécifié le mal qui était en question et avoir posé le principe général qui doit diriger le croyant quant à son attitude à l’égard de tout mal, Paul donne une illustration de son sujet. Dans une grande maison — il pense à quelque chose de vaste — il y a de nombreux vases, très différents les uns des autres tant par la matière dont ils sont constitués que par l’usage auquel ils sont consacrés. Certains sont faits de métaux précieux, d’or et d’argent, d’autres de bois et de terre. Certains sont des vases à honneur, d’autres des vases à déshonneur. L’illustration était d’autant plus adéquate que l’Église, ayant déjà beaucoup crû en nombre, devenait comme une grande maison, et que des hommes de caractère douteux, comme Hyménée et Philète, s’y multipliaient — des hommes semblables à des vases faits de matériaux sans valeur, affectés à un usage vil.
Le verset 21 donne l’application du principe général du verset 19 au cas particulier présenté dans le verset 18, et cette application est faite à la lumière de l’illustration du verset 20.
« Si donc quelqu’un » — Cette expression montre que ce que Paul a particulièrement devant lui ici, ce n’est pas l’illustration, mais son application au mauvais état manifesté alors dans l’Église.
« Quelqu’un » — parce que l’injonction concerne tous les croyants, mais qu’elle demeure la responsabilité de chacun individuellement. C’est un commandement personnel.
« Se purifie de » — L’expression originale contient la pensée que nous avons dans les termes : purger, ôter. On ne la trouve que deux fois dans le Nouveau Testament : en 1 Corinthiens 5, 7, où elle est traduite par « ôter », et ici. Dans le premier passage, il s’agit de l’opération normale consistant à ôter le mal de l’Église. Dans notre verset, c’est la démarche anormale d’un homme se retirant d’une association où le mal est parvenu à s’imposer.
« De ceux-ci » — c’est-à-dire d’Hyménée, de Philète et de ceux qui leur étaient associés. Certains prétendent que, grammaticalement, « ceux-ci » se rattache aux vases à déshonneur. Cela ne change rien à la signification de ce passage, car les vases à déshonneur ne servent qu’à représenter ces hommes qui se sont égarés. Cependant nous croyons que ces mots ne se réfèrent pas à l’illustration, mais bien aux hommes qu’elle évoque.
La suite du verset adopte clairement le langage de l’illustration. Le disciple qui se sépare fidèlement de toute communion ou complicité avec les docteurs enseignant une doctrine fondamentalement fausse est comparé à un vase à honneur, sanctifié et utile au maître, préparé pour toute bonne œuvre.
Verset 22 : « Mais fuis les convoitises de la jeunesse ». C’est une autre application de ce même principe général : « Qu’il se retire de l’iniquité ». Cette injonction ne concerne pas les autres, mais chacun pour lui-même. Elle n’a pas en vue la séparation d’avec les méchants, elle requiert la sainteté personnelle, sans laquelle la séparation dégénérerait en pure hypocrisie. « Les convoitises de la jeunesse » — parce que Timothée, à qui l’exhortation est adressée, était encore un jeune homme. Toutes les mauvaises convoitises doivent naturellement être évitées, et le croyant est invité à poursuivre « la justice, la foi, l’amour, la paix ». On trouve dans le monde exactement l’opposé : le péché, l’aveuglement spirituel, la haine et les disputes. Et le fidèle, au milieu de cela, est appelé à revêtir le caractère de Christ, tel qu’il est décrit par ces quatre termes. En outre, ces traits doivent être poursuivis d’une manière pratique et « avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur ».
Nous sommes appelés à poursuivre « avec ceux… » — c’est-à-dire non pas dans l’isolement mais en compagnie. « Invoquer le Seigneur » signifie professer la soumission à Christ et la foi en Son nom. Il s’agit de L’invoquer « d’un cœur pur » ou « d’un cœur purifié ». Le mot employé ici dans l’original est pratiquement le même que le mot « purifier » du verset 21, sauf que dans notre verset nous avons l’adjectif, non pas le verbe, et que le préfixe ek, signifiant « hors de », manque. Invoquer le Seigneur d’un cœur pur, c’est L’invoquer non pas seulement avec sincérité, mais en ayant le siège même de l’homme intérieur purifié par l’obéissance aux exhortations à la sainteté personnelle, selon le début du verset, et à la sainteté quant aux associations, selon le verset 21.
Remarquons qu’il ne nous est pas dit de poursuivre avec « tous ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur » — comme ce verset est souvent cité. Ce serait nous imposer une tâche impossible, et par conséquent insupportable, dans l’état actuel. Beaucoup, parmi les plus excellents chrétiens correspondant à cette description, pourraient par exemple refuser la compagnie d’autres croyants qui y répondent également, en raison de préjugés ou parce qu’ils acceptent comme étant des faits ce qui n’en est pas. Telle est, hélas ! l’infirmité du plus fidèle même des croyants, et telle est aussi la confusion dans la chrétienté. Mais nous pouvons poursuivre « avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur » — quel que soit leur nombre ; et certes, plus ils seront nombreux, plus nous en éprouverons de joie.
Les versets 23 à 26 montrent que le croyant qui obéit à l’injonction donnée doit éviter les questions folles et insensées : elles en engendrent d’autres. En même temps, il doit s’attendre immanquablement à de l’opposition et doit y répondre dans l’esprit d’humilité de Christ. Il pourra ainsi être employé pour la bénédiction et la restauration des opposants.
L’Esprit de Dieu s’est servi de l’occasion suscitée par le faux enseignement d’Hyménée et de Philète pour donner ces instructions. Mais il ne semble pas qu’à ce moment le mal avait atteint un degré tel que Timothée et d’autres témoins fidèles aient été contraints de se retirer de la masse des croyants professants. Au contraire, le mal fut endigué par l’énergie de l’Esprit. Certains se réveillèrent sans doute « du piège du diable » (2 Tim. 2, 26), et les docteurs anti-chrétiens, voyant leurs efforts déjoués, sortirent « du milieu de nous » (1 Jean 2, 19). Toutefois, les instructions divines demeurent, et le moment a été atteint depuis longtemps où la démarche indiquée, et dans toute son étendue, est devenue nécessaire. On a dit très justement que « poursuivre l’union aux dépens de la vérité, c’est trahir le Seigneur », car une union réalisée dans la complicité avec le mal n’est pas de Dieu. L’unité selon Dieu ne peut se trouver que dans la séparation du mal.
Notons encore, en terminant cette partie du sujet, que la séparation enjointe est une affaire individuelle. « Si quelqu’un » (v. 21) : c’est à celui-ci qu’incombe cette responsabilité, bien que l’individu qui répond fidèlement à l’injonction peut, selon le verset 22, s’attendre à trouver des compagnons dans la position qu’il prend.
Les croyants qui sortent vers Christ « hors du camp », et qui se purifient des faux docteurs et des faux enseignements, doivent désormais, dans leurs rassemblements comme en toute autre chose, être conduits par toute la vérité concernant l’Assemblée. Et ils ne doivent jamais oublier qu’ils ne sont rien de plus que quelques-uns de ceux qui constituent l’Assemblée.
C’est à la suite d’un exercice et d’une démarche individuels qu’ils sont parvenus à la position qu’ils occupent, mais ils ne sont pas appelés à poursuivre leurs routes individuellement, comme si tout ce qui revêt la nature de corps constitué avait cessé d’exister. Le corps de Christ, la maison de Dieu, demeurent des réalités, et les croyants qui sont sortis vers Christ restent des membres de ce corps et des pierres vivantes de cette maison ; aussi les privilèges et les responsabilités attachés à ces deux réalités leur incombent maintenant comme autrefois.
Lorsqu’ils se réunissent, ils devraient se rassembler exactement selon ce qu’ils sont, et agir conformément aux directives de la Parole de Dieu. Ils sont appelés à le faire même s’ils ne sont que deux ou trois, alors que le nombre des chrétiens qui, dans leur ville, pour différentes raisons, restent dans « le camp » ou en complicité avec le mal se monte à deux ou trois mille. Christ demeure leur Tête dans le ciel, et ils peuvent compter fermement sur Lui pour être dirigés. L’Esprit est encore là, et ils peuvent compter fermement sur Sa puissance. La Parole de Dieu reste et ils peuvent toujours s’appuyer sur elle pour être instruits.
Par conséquent, ils peuvent encore jouir d’une certaine mesure de communion selon le modèle apostolique. D’autres croyants s’accrochent peut-être à leur position et à leurs noms sectaires, eux connaissent la joie de considérer ces croyants simplement comme des membres du corps de Christ, et de recevoir selon la Parole tous ceux qui désirent être reçus, à condition toujours qu’ils ne soient pas disqualifiés par une mauvaise conduite, une fausse doctrine ou des associations avec le mal. Recevoir des croyants qui sont préparés formellement pour « se joindre à nous », c’est ce que font toutes les sectes. Recevoir des croyants parce qu’ils sont membres de Christ, et qu’ils ne sont pas disqualifiés selon les Écritures, voilà qui est conforme à la vérité.
Une exception doit être relevée : le cadre extérieur — si l’on peut s’exprimer ainsi — en relation avec la direction et le service dans l’assemblée, constitué par les anciens et les serviteurs, n’est plus valable officiellement du fait qu’il n’y a plus d’autorité pour nommer. Mais la présence d’anciens établis d’une manière officielle n’est pas indispensable au maintien d’une assemblée. Il n’y avait manifestement pas d’anciens à Thessalonique lorsque Paul écrivit sa première épître à ces croyants. Il leur dit : « Nous vous prions, frères, de connaître ceux qui travaillent parmi vous, et qui sont à la tête parmi vous dans le Seigneur, etc. » (1 Thess. 5, 12, 13). Il est clair qu’ici « connaître » signifie « reconnaître ». Une telle injonction ne se justifiait que si des hommes portant véritablement le caractère d’« anciens » étaient présents, sans toutefois avoir été nommés officiellement. Rien aujourd’hui n’empêche que des anciens soient « connus », là où ils existent. On peut également remarquer qu’en 1 Corinthiens, l’épître qui présente l’ordre dans l’assemblée, les évêques ou anciens ne sont même pas mentionnés, et qu’en corrigeant le désordre qui régnait à Corinthe, l’apôtre ne suggère pas une seule fois que des anciens devaient être nommés.
En fait, depuis de longues années maintenant, des croyants s’efforcent de se réunir selon les principes indiqués. Et l’expérience a mis en évidence certains dangers constants qui risquent de détourner de la vérité. Nous allons en énumérer quelques-uns.
Le sectarisme
Rien n’est plus facile que de glisser dans ce travers. Les croyants qui ont cherché la grâce de se rassembler selon les principes relevés ci-dessus se sont nécessairement trouvés en dehors des organisations religieuses de leur temps, et par conséquent séparés, quant à toutes les choses extérieures, de la grande masse des autres croyants, qui y sont liés. Qu’il est facile dès lors de se tenir tout à fait séparés d’eux de cœur et d’affections ! Qu’il est vite fait de se considérer comme une compagnie d’élite, homogène et fermée sur elle-même, ne s’intéressant à rien de ce qui se trouve en dehors des frontières de la communauté !
Ce danger a été accentué par la grande mesure de lumière sur l’Écriture que Dieu a accordée à ceux qui se sont réunis dans l’obéissance pratique à Sa Parole. La tendance naturelle a été de se servir de cette lumière de la même manière que les premiers croyants à Corinthe usaient de leurs dons, ou plutôt en abusaient : c’est-à-dire pour leur propre profit et pour leur gloire personnelle, et non pas pour le bien du corps tout entier. La lumière donnée par Dieu, la lumière sur l’Écriture, peut être utilisée exactement de la même façon : la communauté qui la possède peut s’en servir pour s’élever et se donner du crédit, plutôt que pour le bien de tous les saints. Cette lumière lui sert alors de signe distinctif, et elle vire au sectarisme. La « lumière » tend à se changer en ténèbres. Il s’ensuit que la lumière, ou ce qui passe pour être « la lumière » à un moment donné, devient le grand test de communion, et la disposition a être reçu comme membre de la communauté, l’élément primordial. La possibilité de recevoir des croyants — qui ne soient pas disqualifiés par une mauvaise conduite, une fausse doctrine, ou l’association et la complicité avec celles-ci — comme membres de Christ, est ainsi écartée. Nous nous retrouvons alors sur l’ancien terrain du sectarisme ; seulement, étant beaucoup plus proches de la vérité quant à notre mode de rassemblement et notre connaissance de l’Écriture, nous sommes pour cette raison même d’autant plus condamnables dans la position que nous adoptons.
Les croyants qui se rassemblent dans l’obéissance à la vérité seront immanquablement accusés d’être une simple secte, et de plus une secte insignifiante. N’étant qu’une très petite partie de l’Église et non pas l’Église, ils seront peut-être dans l’impossibilité de rejeter l’accusation. Toutefois, qu’ils veillent à fuir le sectarisme aussi bien dans leur esprit que dans le principe de leur rassemblement.
Le laxisme dans les principes et la pratique
Ce danger est l’opposé de celui que nous venons de considérer ; il est trompeur, parce qu’il revêt plusieurs formes. Le sectarisme est le piège qui guette spécialement les esprits rigides et étroits, mais intellectuels. Le laxisme menace les chrétiens aux idéaux vastes et universels, et aux cœurs enclins à la bienveillance. Les uns s’efforcent de préserver la vérité et de maintenir la sainteté en excluant tous ceux qui ne font pas partie d’une élite très restreinte. Les autres défendent la charité et favorisent l’amitié et l’union par une tolérance accommodante.
Mais cette dernière ligne de conduite aussi est fatale au maintien du vrai terrain de l’assemblée. En premier lieu, la prise de position avec Christ hors du « camp » se trouve affaiblie, sinon détruite, puisque des compromis sont faits et des liens maintenus avec le camp, pour garantir une plus grande universalité. On tend vers un simple inter-dénominationalisme. En second lieu, le rejet tout à fait clair et sans compromis de doctrines fondamentalement fausses, et la séparation d’avec ceux qui les propagent — selon l’enseignement de 2 Timothée 2, 15 à 26 et 2 Jean 7 à 11 — est amoindri, et souvent sapé. La tendance est de mettre indûment l’accent sur l’esprit de tolérance, et, quand enfin le mal dans ses formes les plus criantes est désapprouvé, de l’admettre sous une apparence modifiée.
Le chemin est ainsi tout préparé pour l’abandon d’une marche selon la vérité, non par un grand pas décisif, mais par étapes lentes et presque imperceptibles. L’histoire nous offre de nombreux exemples de la manière d’agir de l’esprit laxiste. Il semble que chaque fois qu’un mal fondamental a surgi dans l’Église, les premiers à réagir s’y sont opposés avec détermination et fermeté ; ensuite se sont manifestés ceux qui plaidaient pour la tolérance et souhaitaient des compromis sous un prétexte ou un autre.
La prétention ecclésiastique
Celle-ci résulte du premier danger indiqué ; en fait les deux vont presque de pair. Peu soucieux de l’état de ruine de l’église professante, des chrétiens s’attribuent des pouvoirs ne jouissant d’aucune garantie divine, des charges qu’ils estiment très sincèrement nécessaires pour maintenir la communauté dans la forme qui lui est propre. Les décisions et les actes relevant de l’assemblée, bien que conçus et exécutés hâtivement sous la pression d’une personne ou d’un groupe, peuvent être revêtus d’une immense sainteté et faire l’objet de revendications extravagantes. L’autorité peut être assignée à certaines villes ou à certains groupes de personnes, et ainsi un système de centralisation métropolitaine ou de contrôle bureaucratique peut s’installer. Malheur alors au croyant assez téméraire pour mettre en question ce qui a été arrangé ou décidé dans de telles conditions.
L’indépendance ecclésiastique
Mais le pendule peut aussi aller à l’opposé de ces prétentions élevées ; pour éviter les maux qui leur sont liés, on recourt au système de l’indépendance. Chaque rassemblement est alors considéré comme une unité en soi, reposant sur ses propres bases, indépendante de toute autre assemblée. L’Église comme le corps de Christ, la maison de Dieu, une unité composée de tous les croyants partout, indépendamment de toute question de lieu, est soit totalement ignorée soit traitée comme un simple idéal, n’ayant aucune conséquence pratique. Adopter un ordre de choses qui conduise à un certain nombre d’assemblées locales indépendantes plus ou moins étroitement affiliées, ou même sans aucune affiliation, de manière que l’individu jouisse de la plus grande mesure possible de liberté personnelle, c’est pratiquer l’opposé de ce que l’Écriture enseigne.
Une discipline extravagante non garantie par l’Écriture
Elle découle naturellement du premier et du troisième dangers mentionnés. Une position sectaire appelle presque toujours un zèle fanatique pour sa défense. Rien n’est plus féroce que l’esprit de parti, et sous son influence, les mesures les plus extrêmes sont adoptées. Pourtant, dans les premiers jours, avant que les apôtres quittent la scène, l’Église était menacée à l’intérieur par le mal de toute sorte, et les mesures disciplinaires qui convenaient ont été présentées par des plumes inspirées. Exercer aujourd’hui une discipline plus sévère ou plus drastique que ce qu’ont montré les apôtres, peut avoir une apparence de grande sainteté et de zèle ; ce n’est en réalité que de la présomption et de l’obstination humaine, comme si nous étions plus sages que Dieu. Substituer une action disciplinaire sévère aux soins pastoraux et aux manifestations fidèles de l’amour, qui exercent dans une beaucoup plus grande mesure nos facultés spirituelles, a été la cause très fréquente de manquements graves.
Une discipline relâchée
Celle-ci résulte tout aussi naturellement des deuxième et quatrième dangers. Quand la notion d’universalité devient primordiale, une grande tolérance est de mise. Si l’on considère l’assemblée locale comme une entité autonome, toute discipline exercée se trouve limitée par les frontières de cette communauté locale, et toute tentative de discipline peut facilement être privée de sa puissance par l’action contraire d’une autre assemblée autonome, située à proximité de la première. Lorsque Paul écrit aux Corinthiens pour les presser d’exercer la discipline la plus sévère possible (1 Cor. 5), il s’adresse à « l’assemblée de Dieu qui est à Corinthe… avec tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, et leur Seigneur et le nôtre » (1 Cor. 1, 2). La responsabilité de la discipline incombait avant tout à l’assemblée locale à Corinthe ; pourtant toute l’Église était impliquée. Et si les croyants qui cherchent à se rassembler maintenant sur le terrain de l’assemblée et à marcher à la lumière de la vérité, aussi peu nombreux soient-ils, sont appelés à exercer la discipline, ils doivent en principe agir dans cet esprit.
S’il y a des croyants aujourd’hui, qui se trouvent en dehors des organisations religieuses d’origine humaine, qui réalisent la séparation du mal, qui mettent la vérité en pratique et qui marchent selon la vérité de l’Église telle qu’elle est révélée dans l’Écriture, ils ont, nous en sommes convaincus, l’approbation de Dieu quant à leur position — ils se rassemblent sur un terrain divin. N’oublions cependant jamais que, même ainsi, l’état moral et spirituel reste de la première importance. Une position ecclésiastique correcte sans l’état spirituel qui y correspond est le spectacle le plus triste qu’on puisse imaginer. Cet état précède l’éloignement : la position ne tardera pas à être perdue.
Cherchons donc par-dessus tout cette piété pratique, cette séparation du monde, cette communion avec Dieu, cette consécration à Christ et à Ses intérêts, par lesquelles seulement une position correcte et scripturaire sera un témoignage à la vérité et pour la gloire de Christ.
Nous devons confesser en outre qu’au cours du siècle passé, de grands manquements se sont produits parmi ceux qui ont cherché à se rassembler sur un terrain scripturaire, et qu’il en est résulté des divisions. L’expression de la vérité de l’Église s’en est trouvée gravement obscurcie et de nombreuses questions relatives à « un cercle de réunions » ont été soulevées. Où en sommes-nous face à ces manquements ?
Ces questions ne peuvent être traitées en quelques mots. Pour y répondre, il convient de revenir à ce qui était au commencement. On trouvait :
1º Le croyant individuel.
2º Les différentes assemblées locales, à Jérusalem, Antioche, Corinthe, etc. Chacune de ces assemblées locales portait le caractère de corps de Christ. Écrivant aux Corinthiens, l’apôtre dit : « Or vous êtes [le] corps de Christ » (1 Cor. 12, 27). Non pas « le » corps de Christ[1]. Seule l’Église tout entière est le corps de Christ, mais chaque assemblée porte le caractère de corps dans la localité où elle se trouve. Chaque assemblée locale a également un état et une responsabilité qui lui sont propres, et peut être sondée pour elle-même par le Seigneur, comme nous le voyons en Apocalypse 2 et 3. En bref, chaque assemblée locale avait son propre statut.
3º L’Église entière telle qu’elle existe sur la terre à un moment donné : elle est le seul corps de Christ et est animée par un seul Esprit (voir Éph. 4, 4).
Par commodité de langage, nous appellerons ces trois entités : « le croyant individuel », « l’assemblée locale » et « l’Église ».
1
Au début donc, lorsque les choses étaient encore selon la pensée divine, rien qui porte un statut propre ne s’interposait entre le croyant individuel et l’assemblée locale. La tentative de créer à Corinthe des cercles plus restreints que l’assemblée locale — « Moi, je suis de Paul », d’Apollos, de Céphas, etc. — avait été sérieusement censurée. Il y avait certes des assemblées qui se réunissaient dans les maisons de différents croyants (voir Rom. 16, 5 ; Col. 4, 15 ; et d’autres passages). Nous ne pouvons pas savoir s’il s’agissait des assemblées locales des localités où ils vivaient, ou d’un certain nombre de croyants d’un quartier d’une grande ville qui se réunissaient là par commodité. Cela ne changerait d’ailleurs rien pour nous. Il se peut que les plusieurs qui étaient assemblés et priaient dans « la maison de Marie, mère de Jean » (Act. 12, 12), formaient une de ces assemblées ; mais dans ce cas elle n’avait aucune autre statut que celui d’être une partie de « l’assemblée qui était à Jérusalem » (Act. 11, 22).
Nous répétons : il n’existait rien qui porte un statut propre entre l’assemblée locale et l’Église. Il est parlé des « assemblées de la Galatie » et des « assemblées [ou comme certains manuscrits le comportent : l’assemblée]… par toute la Judée et la Galilée et la Samarie » (Act. 9, 31) ; c’est-à-dire, l’église ou les églises dans certaines limites géographiques. Il n’est pas question d’une « église de Galatie » qui pourrait servir de précédent pour « l’église d’Angleterre », « l’église d’Écosse », etc.
2
Si, de ce qui était au commencement, nous passons à ce qui existe aujourd’hui, nous découvrons heureusement sans difficulté le croyant individuel, du moins dans nos pays. Mais l’assemblée locale et l’Église ont reculé dans le domaine de la vérité abstraite. On ne trouve ni l’une ni l’autre sous une forme concrète quelconque, visible et à laquelle on puisse se référer. Il est possible que, parmi les païens, aux premiers jours des travaux missionnaires dans un lieu donné, l’assemblée locale ait existé concrètement. Mais même ce point est discutable (voir « The Collected Writings of J.N. Darby », vol. 20, p. 448[2]).
Limitant nos pensées à ce qui nous entoure plus directement, nous savons que certains chrétiens se sont retirés d’associations non scripturaires nombreuses et variées pour se rassembler comme membres du corps de Christ, sur le seul terrain de l’Église de Dieu et selon ses principes du début. En différents lieux, un résultat concret s’est ainsi manifesté : des rassemblements de croyants réunis et constitués sur le modèle et selon les principes d’une assemblée locale. Mais ces assemblées n’étaient en aucune manière l’assemblée locale dans tel ou tel endroit : elles étaient beaucoup plus restreintes que celle-ci, n’en étant dans chaque cas qu’un fragment.
Le mouvement prit de l’extension ; ces rassemblements locaux crûrent en nombre, ils établirent des rapports entre eux et cherchèrent à jouir de relations et de la communion pratique les uns avec les autres, sur le modèle de l’Église apostolique, se recommandant par des lettres, etc. Ainsi, de même qu’il y avait des croyants se réunissant localement et agissant dans la lumière et selon les principes d’une assemblée locale, sans être l’assemblée locale, on trouva un peu partout, en Angleterre et ailleurs, des croyants agissant dans la lumière et selon les principes de l’Église, sans être l’Église.
La situation se développa de la sorte pendant quelque temps. Puis l’ennemi fit son travail et des divisions se produisirent, avec la dispersion qu’elles entraînent, tant pour ce qui en est du rassemblement local marchant selon la vérité de l’assemblée locale, que pour ce qui concerne le nombre plus élevé de croyants marchant selon la vérité de l’Église.
La confusion et la détresse produites par cet état eurent pour résultat que, dans les années qui suivirent, des chrétiens se sont levés pour condamner l’idée que des croyants puissent chercher à marcher dans la lumière de la vérité relativement à l’Église ; pour eux, ce n’est qu’une tentative de maintenir « un cercle de rassemblements », restreint et obscur, et c’est la racine principale de tout le trouble. En même temps, ils approuvent et soutiennent le « rassemblement local » — plus exactement, le rassemblement local qui leur ouvre ses portes — même si celui-ci, bien loin d’être l’assemblée locale, n’est en réalité, dans la localité en question, qu’un rassemblement parmi plusieurs autres, n’ayant que peu ou pas du tout de communion entre eux, du fait des divisions survenues. Ils prétendent qu’il n’existe rien de scripturaire entre l’assemblée locale et l’Église, et que par conséquent, le remède à nos difficultés consiste à abandonner toute idée de « cercle » plus grand que le petit cercle constitué localement par un « rassemblement ». Quant à quelque chose de plus large, chaque rassemblement et chaque croyant dans un rassemblement doivent avoir la liberté de former leurs propres « relations » ou « communion » ou « cercle », selon qu’ils l’estiment juste devant le Seigneur.
Si par « assemblée locale » on entend, non pas un petit « rassemblement » quelconque, mais l’assemblée locale — qui, hélas ! n’existe pas concrètement aujourd’hui — il est tout à fait exact qu’il n’existe rien de scripturaire entre l’assemblée locale et l’Église. Il est également vrai qu’il n’existe rien de scripturaire entre le chrétien individuel et l’assemblée locale, bien que les défenseurs de l’idée qui nous occupe ne semblent jamais mettre l’accent sur ce point. Pourquoi ne pas être conséquent et ne pas pousser le développement jusqu’à sa conclusion logique ? Le raisonnement qui voudrait interdire aux croyants d’établir une communion clairement reconnue sur le plan général avec d’autres chrétiens dans le pays, afin qu’ils puissent marcher ensemble dans la lumière de la vérité quant à l’Église, s’applique également aux quelques croyants qui chercheraient à se rassembler et à goûter une communion clairement établie sur le plan local, pour marcher dans la lumière de l’assemblée locale. En d’autres termes, ce raisonnement nous pousserait à la conclusion que tout le mouvement du siècle passé a été une erreur et qu’il n’était pas sanctionné par l’Écriture.
Si, désireux, d’obéir aux enseignements de la Parole et de les mettre en pratique, nous n’avons aucune autorité pour marcher dans la lumière de ce qui est général selon la vérité de l’Église, quelle autorité avons-nous pour nous rassembler, afin d’obéir à ces enseignements et de les mettre en pratique, dans la lumière de ce qui est particulier, selon la vérité de l’assemblée locale ? Cette question prend de l’importance quand nous nous souvenons que l’aspect local est, pour ainsi dire, accidentel et non pas essentiel. Il a été donné en vue de l’état actuel de l’Église. À la venue du Seigneur, toutes les assemblées locales cesseront d’exister en un clin d’œil, seule l’Église subsistera — l’Église dans son aspect le plus complet, comprenant tous les croyants depuis la Pentecôte jusqu’à ce moment. L’aspect général est permanent et lié au propos éternel de Dieu.
3
Certains demanderont peut-être : Est-ce que Matthieu 18, 20 n’est pas une garantie scripturaire pour un rassemblement local qui pourrait ne pas inclure tous les croyants de l’endroit ? Nous croyons, avec une grande reconnaissance, qu’il en est bien ainsi. Quoique ce passage ne soit pas proprement une prophétie des derniers jours, nous pensons que le Seigneur s’est exprimé de manière que Ses paroles donnent autorité même à deux ou trois seulement de se rassembler en Son nom dans les jours de ruine qui sont survenus pendant Son absence. Mais nous sommes également convaincus (et avec la même reconnaissance) que 2 Timothée 2, 22 est formulé de manière à être, pour le croyant qui s’est purifié, une garantie scripturaire afin qu’il puisse marcher avec des croyants animés de la même pensée, d’une manière générale. Ce passage ne se trouve pas dans un contexte local. L’épître n’a pas été écrite à une assemblée locale particulière, mais à un serviteur de Christ doué. Timothée vivait sans doute dans une localité — Éphèse ou une autre ville — mais il n’était pas revêtu d’une charge locale ; il n’était ni ancien ni diacre. Il avait un don (1, 6), or un don est universel et non pas local. La « grande maison » du chapitre 2 (v. 20) est une illustration de ce qu’était en train de devenir rapidement, non pas un rassemblement local simplement, mais l’église professante, la chrétienté en fait. Ainsi tout le passage, le verset 22 y compris, doit être lu dans un sens universel et non dans quelque sens local restreint. Remarquons cependant que dans les deux passages une condition est posée. Dans le premier cas, c’est : « en mon nom », dans le second : « d’un cœur pur ». Ces expressions sont destinées à nous arrêter et à exercer nos cœurs et nos consciences.
4
On nous demandera : Voulez-vous dire que tous les croyants avec lesquels vous êtes en communion possèdent ce cœur pur, et qu’il fait défaut à tous les autres ? Et on ajoutera peut-être la question parallèle : Prétendez-vous que seuls ceux qui se réunissent localement avec vous sont assemblées au nom du Seigneur ? Nous répondons que nous n’avons pas de telles prétentions, mais que nous nous efforçons de remplir ces deux conditions, en attendant le jour à venir de la comparution, où le Seigneur déterminera dans quelle mesure nous avons atteint notre but. Ni l’une ni l’autre de ces questions ne devrait nous empêcher de chercher à nous conformer à la vérité contenue dans ces deux versets, à savoir, de marcher selon la vérité de l’assemblée locale et de l’Église — de l’Église tout entière aussi bien que de l’assemblée locale.
5
On nous demandera peut-être encore de déclarer clairement si oui ou non nous croyons à un « cercle de réunions ». Notre réponse est : « Non, car nous croyons à quelque chose de beaucoup plus vaste qu’un cercle de réunions ».
Les travaux de Paul au premier siècle peuvent avoir conduit, et ont effectivement conduit, à ce qui, pour l’observateur ordinaire, présentait l’apparence d’un simple « cercle d’assemblées chrétiennes » ; mais ce n’était pas cela parce que c’était plus que cela. Paul était employé pour mettre en évidence le corps de Christ.
Les travaux d’hommes pieux, éclairés, du siècle passé, peuvent avoir conduit, et ont effectivement conduit, à ce qui, pour l’observateur ordinaire, présentait l’apparence d’un simple « petit cercle de réunions » ; mais ce n’était pas cela, car nous croyons fermement que Dieu s’est servi de ces hommes pour ramener quelques croyants à l’obéissance pratique à la vérité de l’Église sous ses deux aspects : local et général. Au cours du siècle qui s’est écoulé, il peut s’être produit beaucoup de divisions et de confusion ; néanmoins le but que nous nous proposons aujourd’hui n’est ni différent ni moins élevé. Notre désir est de marcher selon la vérité, et non pas de former ou de maintenir un simple cercle de réunions.
6
Si nous nous tournons maintenant vers ceux qui, selon leurs déclarations, ont abandonné l’idée d’un cercle de réunions, que constatons-nous ? — Qu’il leur est tout aussi impossible d’échapper à un « cercle » d’une espèce ou d’une autre que de fuir leur propre ombre lorsqu’ils sont au soleil. Elle colle inexorablement à leurs pas. Les réunions sont si nombreuses, leur variété est telle, que même le croyant le plus ouvert ne pourra jamais les embrasser toutes et devra se contenter d’un certain « cercle ». Ce que les chrétiens ont manifestement abandonné, c’est le principe de régler les questions de communion en communion avec les autres : ils les résolvent individuellement. Ils estiment qu’il appartient à chaque croyant de trancher pour lui-même — sans s’inquiéter des conflits de décisions que les choix ainsi effectués peuvent entraîner — si les chrétiens qui se réunissent ici ou ceux qui se réunissent là doivent être reconnus comme étant assemblés selon la vérité, et s’il peut s’associer à eux. Selon eux, ce n’est pas une décision qui doive être prise en communion avec d’autres marchant déjà dans la vérité. En rompant avec ce qu’ils pensent être « un cercle de réunions », ils renoncent à essayer d’obéir à la vérité concernant l’Assemblée tout entière et à la mettre en pratique.
7
Cela dit, nous sommes très conscients qu’il y aurait bien des raisons de faire la remarque suivante : En fait, vous vous êtes les uns et les autres tellement écartés de la compréhension et de la mise en pratique de la vérité, que vous êtes tous plus ou moins devenus des « cercles de réunions » — des factions ennemies, défendant chacune son propre point de vue quant à la vérité, ou ses propres actions et décisions ecclésiastiques. Si tel était effectivement le cas, la marche à suivre par un homme de foi serait tout à fait claire. Il devrait se tenir en dehors de tous ces partis. Nous ne doutons pas que si la situation ressemblait à celle qui est décrite dans la première épître aux Corinthiens, où les partis et écoles d’opinion étaient tous au sein de la même assemblée, les croyants « approuvés » (11, 19) seraient ceux qui, tout en excluant les méchants (comme dans le chapitre 5), marcheraient librement avec tous les chrétiens, absolument au-dessus et en dehors de tous les partis. Aujourd’hui, hélas ! les choses sont beaucoup plus graves. Les schismes naissants de Corinthe sont devenus des brèches ouvertes et déclarées, qui, si elles ne sont pas sanctionnées par la Parole du Seigneur, sont des péchés très graves. Et aller dans tous les milieux serait approuver le péché qu’ils représentent.
Quant à nous, bien que conscients du danger, nous ne croyons pas que tous soient déjà tombés si bas qu’il ne reste plus que des factions ennemies ; le profond exercice présent dans de nombreux cœurs témoigne du contraire. Et si même nous le pensions, nous ne pourrions pas y remédier en adoptant une sorte « d’inter-cercle-isme », de nature très proche de l’inter-dénominationalisme populaire du jour. Si effectivement certains d’entre nous se sont laissés entraîner dans ce qui n’est devenu rien d’autre qu’un cercle de réunions, cherchons par tous les moyens à nous en retirer dans un esprit de repentance, car la repentance ouvre toujours une « porte d’espérance » (voir Apoc. 2, 5, 16, 21 ; 3, 3, 19). Mais ne renonçons pas au but de marcher selon la vérité de l’Église ; cela aboutirait, dans les questions de communion, à ce que chacun fasse ce qui est bon à ses propres yeux.
8
Enfin, nous reconnaissons que, en raison des tristes développements de ces quelques dernières décennies, un grand discrédit a été jeté sur la vérité et sur toute tentative de la mettre en pratique. Et qu’il existe, par conséquent, une tendance croissante parmi les croyants à se regrouper, en dehors de dénominations religieuses organisées, dans de petites « missions » ou réunions de diverses sortes, qui sont souvent le fruit des travaux d’un évangéliste pieux. Ces rassemblements ont des liens avec tous les groupements de chrétiens avec lesquels cet évangéliste est en contact ; mais ces relations sont en général d’un ordre très relâché au début de l’histoire du groupe. Avec le temps, elles se confirment et deviennent puissantes. Nous croyons que, si l’occasion se présente, une attention spéciale peut être vouée à de tels croyants et un service particulier leur être rendu. Mais tout serviteur de Dieu qui apprécie la communion sera sans doute prudent à cet égard, comme en toute chose, afin d’agir dans la mesure du possible de concert avec ceux avec lesquels il marche. Et s’il va vers ces croyants, ce ne sera pas pour les conforter dans leur position anormale et imparfaite, mais pour les instruire, afin de les rendre parfaits et accomplis dans toute la volonté de Dieu.
Un dernier point peut être soulevé face à la montée de l’éclectisme. Parmi les anciens philosophes grecs, les « éclectiques » étaient ceux qui refusaient de souscrire aux systèmes philosophiques existants, préférant se servir de leur propre jugement pour sélectionner certaines idées tirées de ces différents systèmes. Ainsi, comme leur nom l’indique (eklego = choisir), ils choisissaient ou glanaient un élément ou un autre dans le domaine intellectuel des concepts et des idées, et fondaient ce qu’ils avaient récolté dans des systèmes à eux. Dans cet écrit, nous nous servons du mot éclectisme pour parler de la volonté de sélectionner et de réunir en un les personnes les plus excellentes, dans le but de constituer une compagnie de choix, une élite. Avoir pour objectif de tirer de la masse la moins intéressante et la moins spirituelle un groupe choisi de personnes plus intéressantes et spirituelles, c’est poursuivre ce que, pour simplifier, nous désignerons par « éclectisme »[3]. Est-ce sur cela que l’Écriture met son sceau plutôt que sur le terrain de l’Assemblée ?
Nous sommes persuadés qu’aucune personne bien informée sur le mouvement qui a commencé à se mettre en place le siècle passé, ne mettra en doute qu’il a abouti, d’une part à la remise en lumière et à la présentation claire de la vérité concernant la nature, le caractère, le privilège et la responsabilité actuels de l’Église de Dieu, ainsi que sa destinée future ; et que, d’autre part, il a conduit des croyants à sortir de nombreux systèmes non scripturaires pour se réunir dans la soumission et l’obéissance pratiques à la vérité restituée ainsi à leurs âmes. Ceux qui voudraient prétendre le contraire et affirmer que le but poursuivi par ces frères était de réunir en un corps les êtres les plus excellents et les plus spirituels qu’on pût trouver dans la chrétienté devront s’incliner en présence des écrits qui datent de cette période, nous en sommes certains.
Il y a cependant quelque chose de beaucoup plus important : Que dit l’Écriture ? À la lumière de celle-ci, nous sommes persuadés que le seul chemin approuvé de Dieu pour les derniers jours d’une dispensation quelconque, c’est le retour le plus complet possible aux principes originaux et à l’état pratique qui caractérisaient la dispensation à son début. Ce que Dieu institue est toujours selon Sa pensée ; par conséquent, toute déviation ou toute modification de Ses principes implique leur corruption. En revanche, les inventions de l’homme portent à leur origine la marque de ce qui est grossier et imparfait, et les modifications apportées sont généralement des améliorations.
C’est là le chemin de Dieu : la dispensation passée en présente une illustration. Dieu fit connaître Sa pensée par Moïse et tout était parfait dans sa mesure. Mais l’histoire d’Israël a été caractérisée par une succession de manquements ; des prophètes furent envoyés les uns après les autres pour rappeler au peuple ce qui avait été établi au commencement. Jérémie, par exemple, qui a prophétisé dans les derniers jours du royaume, disait : « Tenez-vous sur les chemins, et regardez, et enquérez-vous touchant les sentiers anciens, quelle est la bonne voie ; et marchez-y, et vous trouverez du repos pour vos âmes » (Jér. 6, 16). Mais les fils d’Israël ne voulurent pas y marcher et, par conséquent, ils furent emmenés en captivité à Babylone.
Plus tard, il y eut le retour de la captivité et ses différentes étapes, sous Zorobabel, Esdras et Néhémie. Le roi Cyrus de Perse ouvrit toute grande la porte du retour pour tous les Juifs. Il fit proclamer : « Qui d’entre vous, quel qu’il soit, est de son peuple — que son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem » (Esdr. 1, 3). Or nous sommes convaincus que cette proclamation a eu en fait un effet sélectif. « Ceux dont Dieu avait réveillé l’esprit » (1, 5) répondirent et montèrent ; et sans doute, ils étaient, parmi le peuple, les plus pieux, ceux qui avaient le plus de crainte de Dieu. Le mouvement n’était cependant pas délibérément éclectique ; c’était simplement un retour dans le pays, et à la connaissance et à la mise en pratique de la loi telle qu’elle avait été donnée par Moïse (voir Néh. 8, 1-13 ; 9, 3 ; 10, 29).
Plus tard encore, nous assistons à un déclin plus subtil, celui de ce résidu remonté de la captivité. Les fils d’Israël ne sont pas retombés dans l’idolâtrie, et ils n’ont pas non plus brutalement enfreint la lettre de la loi. Plutôt, tout en vénérant la lettre de la loi, ils en ont éludé l’esprit ; et au lieu d’être humiliés par elle, ils se sont complus dans la satisfaction et dans l’orgueil de la posséder. D’où la situation déplorable dénoncée par le prophète Malachie. Même à cette époque-là, il s’en est trouvé quelques-uns qui craignaient l’Éternel (Mal. 3, 16). Ils formaient une sorte de résidu au sein du résidu. Mais l’exhortation qui leur est adressée est celle-ci : « Souvenez-vous de la loi de Moïse, mon serviteur, que je lui commandai en Horeb pour tout Israël — des statuts et des ordonnances » (Mal. 4, 4). Ils sont ramenés à toutes les paroles de Dieu, données à l’origine par Moïse, et il leur est rappelé que la parole de Dieu entière est pour tout le peuple de Dieu, non pas seulement pour eux. C’est le dernier mot de Dieu dans l’ancienne dispensation, et le silence n’a été rompu que lorsque la voix de Jean le baptiseur s’est fait entendre dans le désert de Judée. Il est donc tout à fait clair que le sentier de la volonté de Dieu à la fin d’une dispensation implique un retour aux principes qui la caractérisaient à son début.
Nous retrouvons la même chose dans le Nouveau Testament, pour notre instruction, spécialement dans les dernières épîtres des trois apôtres. Dans ses paroles d’adieu à Timothée, Paul dit : « Garde le bon dépôt par l’Esprit Saint qui habite en nous » (2 Tim. 1, 14) ; et dans la même épître, il mentionne « toute écriture » comme étant notre sauvegarde. Pierre écrit : « Je réveille votre pure intelligence en rappelant ces choses à votre mémoire, afin que vous vous souveniez des paroles qui ont été dites à l’avance par les saints prophètes, et du commandement du Seigneur et Sauveur par vos apôtres » (2 Pier. 3, 1, 2). Jean nous parle de « ce qui était dès le commencement » et dit : « Pour vous, que ce que vous avez entendu dès le commencement demeure en vous : si ce que vous avez entendu dès le commencement demeure en vous, vous aussi vous demeurerez dans le Fils et dans le Père » (1 Jean 2, 24). Il donne également l’avertissement : « Quiconque vous mène en avant et ne demeure pas dans la doctrine du Christ, n’a pas Dieu » (2 Jean 9).
Là encore, nous ne doutons pas que, dans l’ensemble, ce seront les saints de Dieu les plus éclairés et les plus pieux qui discerneront la volonté et le propos originels de Dieu relativement à Son Église, et qui y répondront. Nous sommes convaincus que ceux qui discerneront et mettront en pratique les instructions données en 2 Timothée 2, 16 à 26 seront d’entre les croyants les plus spirituels ; mais c’est un point secondaire, ce n’est pas le trait essentiel du mouvement dont nous parlons. L’essence de ce mouvement est une séparation pour la justice, la foi, l’amour et la paix, en association avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur. La justice consiste d’abord à donner à Dieu et à Sa Parole la place de suprématie et d’autorité qui leur revient. La foi embrasse toute la volonté et tout le conseil révélés de Dieu. Le mouvement n’est pas, dans son essence, une tentative de souder ensemble tous les croyants répondant à un certain standard élevé de spiritualité et d’intelligence, bien qu’incidemment il puisse dans quelque mesure en être ainsi. C’est un mouvement en accord avec la sainteté de Dieu, afin qu’il y ait une forme visible à laquelle on puisse se référer. Cette recherche d’obéir à toute la volonté révélée de Dieu est possible, car une telle obéissance est la justice pratique.
Nous posons alors expressément la question suivante : En nous rassemblant au nom du Seigneur avec quelques autres croyants, devons-nous nous considérer comme une compagnie éclectique, unie par la fidélité à certaines procédures et décisions ecclésiastiques, ou à un témoignage que nous pensons nous avoir été confié, ou par une condition subjective supérieure qui aurait été produite en nous, de sorte que nous serions caractérisés par une spiritualité d’un ordre plus élevé que les autres ? Ou nous réunissons-nous comme étant quelques croyants qui aimons le nom du Seigneur, qui désirons reconnaître Son autorité et marcher dans l’obéissance pratique à toute la vérité — nous plaçant ainsi sur le vrai terrain de l’Assemblée — en attendant Son retour ?
Ce n’est pas là une question d’intérêt purement théologique ou académique. Des résultats pratiques très importants s’y rattachent. Notre manière de nous comporter et d’agir en tant qu’assemblée est grandement influencée par la réponse que nous lui donnons. Des conceptions erronées à cet égard sont la cause, nous en sommes sûrs, de bien des tristes erreurs du passé.
Dans le cadre de ce court écrit, nous ne pouvons pas traiter de manière exhaustive les conséquences pratiques de tout ceci. Nous nous contenterons de considérer un seul point, celui de la discipline, vu qu’il illustre d’une manière très frappante la différence entre les deux positions dont nous nous occupons. Nous trouvons dans les épîtres une somme considérable d’instructions sur ce sujet. La discipline à divers degrés de sévérité est enjointe, allant dans certains cas jusqu’à l’excommunication. Mais celle-ci n’intervient qu’en dernier ressort, et est l’aveu que toute discipline au sens propre est inutile.
L’Église, dès le début de son histoire, a été caractérisée par la faiblesse ; et les épîtres établissent clairement que les assemblées fondées par Paul n’étaient pas des modèles de tout ce qu’une assemblée devrait être. Elles comptaient en leur sein beaucoup de « petits enfants », de personnes « charnelles », de chrétiens aux mains lassées et dont les pas risquaient de se détourner du chemin. Pire que cela, il se trouvait même au milieu d’elles « d’insubordonnés vains discoureurs », des hommes qui prêchaient le Christ « par envie et par un esprit de dispute », des docteurs judaïsants tendant à mettre les croyants dans l’esclavage. Est-il alors surprenant que, plus récemment, lorsque des chrétiens se sont rassemblés sur le terrain de l’Assemblée, un état de choses semblable n’ait pas tardé à se manifester au milieu d’eux ? Que convient-il donc de faire ?
Cette question ne présente aucune difficulté pour ceux qui marchent sur un terrain éclectique. Pour eux, la réponse est claire comme le jour. Quiconque ne peut pas souscrire aux bases de leur association éclectique est, de ce fait même, indésirable, et doit si possible être éliminé. Voilà un frère qui ne peut pas approuver une certaine action ou décision ecclésiastique, et qui se sent, dans sa conscience, tenu de protester contre elle. Il ne sera dès lors pas autorisé à rester en communion, même si, ayant déchargé sa conscience par sa protestation, il est prêt à se soumettre. Ou en voici d’autres qui ne peuvent pas accepter une certaine ligne d’enseignement très prisée, comme étant un exposé sain et équilibré de la vérité selon l’Écriture. Eh bien ! du fait que l’association éclectique suit cette ligne d’enseignement, elle n’aura pas de repos avant que ces personnes aient été ôtées du « dedans » pour être mises « dehors ». Et ainsi, dans un système éclectique, l’excommunication — peu importe qu’elle résulte d’une méthode directe ou de diverses manœuvres sournoises et détournées — devient le remède souverain à tous les maux. Si vous n’adhérez pas entièrement à leur système, votre place est dehors. Tout ceci a le mérite d’être très simple, et revêt en général la forme extérieure et l’apparence d’une sainteté et d’une sanctification scrupuleuses. Aucun exercice n’est requis. La patience de personne n’est exercée. Nulle expression de la grâce de Christ n’est produite. Le sens de la propre importance de chacun est flatté et la volonté de tous ceux qui font partie du système éclectique a libre cours.
Il n’est alors pas étonnant que l’éclectisme se soit solidement implanté dans de nombreux esprits et que certains ne paraissent presque plus capables d’apprécier autre chose.
Mais pour ceux qui se réunissent sur le terrain de l’Assemblée, la question n’est pas aussi simple. L’essence même de leur position est la soumission aux principes de l’Assemblée. Or l’Assemblée est le lieu où le Seigneur administre et où l’Esprit opère (voir 1 Cor. 12, 4-8). C’est le lieu où la Parole de Dieu, donnée par l’inspiration de l’Esprit de Dieu, décide et dirige (voir Act. 15, 13-29 : « Siméon a raconté… avec cela s’accordent les paroles des prophètes, selon qu’il est écrit… C’est pourquoi moi, je suis d’avis… il nous a semblé bon, étant tous d’accord »). C’est le lieu où la volonté de l’homme n’a pas de place et où la volonté de Dieu, telle qu’elle est exprimée dans Sa Parole, est la seule chose qui compte ; aussi exercer une discipline plus rigoureuse que l’Écriture ne l’enseigne n’est en aucun cas admissible. La question n’est pas : Qu’est-ce qui convient à notre compagnie (présumée) spirituelle et intelligente ? Elle est plutôt : Qu’est-ce qui convient à la maison de Dieu dont nous faisons partie et selon les principes de laquelle nous désirons marcher ? La réponse ne peut être trouvée qu’à la lumière de la Parole de Dieu.
Vouloir marcher dans cette ligne entraînera de profonds exercices pour que l’Écriture soit correctement appliquée. Souvent, la patience de presque chacun sera exercée, car il se présentera des cas particuliers au sujet desquels nous ne trouverons pas d’instructions précises du Seigneur, nous indiquant comment agir. La sagesse consistera alors à patienter et à nous attendre beaucoup au Seigneur, afin qu’Il manifeste d’une manière ou d’une autre Sa main, plutôt que de prendre la loi entre nos propres mains et d’agir sans Lui. La grâce sera toujours nécessaire. Chacun sera amené à sentir son néant et tout ce qui n’est que volonté propre sera repris. Car, en définitive, d’où vient l’autorité pour exercer la discipline dans la maison de Dieu ? De Dieu seul. Là où on est assemblé au nom du Seigneur, il y a autorité (voir Matt. 18, 18-20), mais nous ne pouvons agir en Son nom qu’en étant dirigés par Sa Parole.
L’éclectisme a souvent agi précipitamment là où les croyants qui tremblent à la Parole de Dieu n’avaient pas osé aller de l’avant, n’ayant pas autorité de le faire. La compagnie, ou la cause, ou le témoignage représentés par la compagnie, devaient être sauvés, et une action drastique s’imposait, selon eux. Et s’il n’existait aucune autorisation du Seigneur pour agir, ils trouvaient et imposaient un passage ne s’appliquant au cas que d’une manière très éloignée ou même obscure. Ainsi, d’innombrables fois, ce qui a été appelé la discipline de la maison de Dieu a servi de support à des fins purement personnelles ou peut-être simplement de parti — et c’est un péché très grave. Mais l’éclectisme qui agit de la sorte se révèle alors n’être que du sectarisme commun et ordinaire, caché seulement sous un déguisement très prétentieux.
Lorsque des croyants, aussi peu nombreux et faibles soient-ils, se rassemblent véritablement sur le terrain de l’Assemblée de Dieu, ils marchent selon la sainteté de la maison de Dieu, comme ils en ont l’exemple dans Sa Parole et comme ils y sont instruits par elle. Et cependant, de cœur et d’affection, ils ne se séparent jamais de l’Église de Dieu tout entière. Ils reconnaissent Christ comme Chef en haut, l’Esprit comme puissance ici-bas, et ils savent que pour « sauver » ce qui est de Dieu, ils ne sont en aucun cas appelés à aller au-delà des instructions de la Parole de Dieu (voir 2 Tim. 3, 16, 17). En fait, leur préoccupation principale n’est pas de « sauver » une cause ou « le témoignage », car ils savent que, dès le début, le Seigneur a su maintenir Sa propre cause et préserver Son témoignage au cours des siècles. Ils savent qu’Il le fera jusqu’à la fin, et c’est la seule chose qui leur importe. Leur souci devrait être et est d’obéir à toute la Parole de Dieu, à toute la vérité de Dieu ; car une telle obéissance est le gage du salut tant pour eux-mêmes que pour ceux qui les écoutent (voir 1 Tim. 4, 15, 16).
Puissions-nous dire comme le psalmiste : « Éternel ! mon cœur n’est pas hautain, et mes yeux ne s’élèvent pas ; et je n’ai pas marché en des choses trop grandes et trop merveilleuses pour moi » (Ps. 131, 1). Il y a effectivement des choses trop grandes, qui sont beaucoup trop élevées (ou : merveilleuses) pour nous. Le Seigneur les tient par conséquent entre Ses propres mains et ne nous les a pas déléguées. Il poursuit Sa propre œuvre. Il dirige Son témoignage et le sauve quand c’est nécessaire. Il établit et conduit Ses serviteurs. Lorsque les hommes, aussi bien intentionnés soient-ils, essaient de remplir ces tâches, qui ne leur ont jamais été demandées, ils finissent invariablement par se tromper de façon évidente dans ce qu’ils ont l’intention de faire.
L’œuvre à laquelle nous sommes appelés est moins prétentieuse mais plus pratique : c’est de marcher dans l’obéissance à la pensée révélée de Dieu. Nous sommes laissés ici-bas pour obéir à la vérité. La vérité est une chose suffisamment grande et merveilleuse pour nous. Toute la vérité a été manifestée en Christ, de sorte qu’Il est la vérité. Tout nous est révélé dans l’Écriture, de sorte que la Parole est la vérité. L’Esprit qui nous a été donné pour que nous connaissions la vérité et y obéissions, est l’Esprit de vérité. Que la grâce nous soit alors accordée de dépenser l’énergie spirituelle qui nous est départie dans cette direction !