Renoncement à soi

(Traduit de l’anglais)
C.H. Mackintosh

[Courts articles 38]

« Si seulement nous pratiquions un peu de renoncement de soi chaque jour, nous avancerions très confortablement vers le ciel ». Quel volume de saine vérité pratique dans cette brève déclaration ! Le chemin du renoncement à soi est le vrai chemin du chrétien. « Si quelqu’un », dit Christ, « veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même, et qu’il prenne sa croix chaque jour, et me suive » (Luc 9, 23). Ce n’est pas : « qu’il renonce à certaines choses qui lui appartiennent ». Non, il doit « se renoncer lui-même », et c’est une chose à faire « chaque jour ». Chaque matin, quand nous nous levons et entrons de nouveau dans le chemin de la vie quotidienne, nous avons la même grande œuvre de toute importance devant nous, à savoir, se renoncer soi-même.

Ce moi haïssable, nous le rencontrerons à chaque pas, car, bien que nous sachions par grâce que « notre vieil homme a été crucifié » — qu’il est mort et a été enseveli hors du regard de Dieu — ce n’est cependant qu’en ce qui regarde notre position en Christ, selon ce que Dieu voit de nous. Nous savons que le moi doit être rejeté, jugé et assujetti chaque jour, chaque heure, à chaque instant. Le principe de notre position doit être opéré en pratique. Dieu nous voit parfaits en Christ. Nous ne sommes pas dans la chair, mais la chair est en nous, et elle doit être reniée et asservie par la puissance de l’Esprit.

Souvenons-nous que ce n’est pas seulement dans sa grossièreté que le moi doit être renié, mais dans son raffinement — non pas simplement dans ses basses habitudes, mais dans ses goûts cultivés — non pas simplement dans sa rudesse et son caractère grossier, mais dans ses formes les plus polies et les plus élégantes. C’est ce qu’on ne voit pas toujours. Il arrive trop souvent que, comme Saül, nous épargnons ce que nous considérons comme « le meilleur », et ne portons le tranchant de l’épée que sur « ce qui est misérable et chétif ». Cela n’ira jamais ainsi. C’est le moi auquel il faut renoncer. Oui, le moi dans toute sa largeur et son étendue — non pas seulement certaines branches, mais le grand tronc d’origine — non pas seulement certains accessoires de la nature, mais la nature elle-même. C’est une chose comparativement facile de renoncer à certaines choses qui appartiennent au moi, tandis que le moi est choyé et satisfait tout le temps. Je peux renoncer à mon appétit pour nourrir mon orgueil religieux. Je peux m’affamer pour aider mon amour de l’argent. Je peux m’habiller d’habits râpés alors que je m’enorgueillis dans des meubles somptueux et un splendide équipement. De là la nécessité de nous souvenir que nous devons renoncer au moi.

Qui peut résumer ce qui est contenu dans ce terme important, le renoncement au moi ? Le moi agit partout. Dans le cabinet, dans la famille, dans la boutique, dans le wagon de chemin de fer, dans la rue — partout, en tout temps et dans toutes les circonstances. Il a ses goûts et ses habitudes, ses préjugés, ce qu’il aime et ce qu’il déteste. Il faut y renoncer en toutes ces choses. Nous pouvons souvent nous trouver aimant notre propre image. Il faut y renoncer avec une rare décision.

Puis encore en matière de religion, nous aimons ceux qui nous conviennent, qui sont d’accord avec nous et qui sympathisent avec nous, qui admirent nos opinions ou notre façon de les exprimer. Tout cela doit être amené sous le tranchant du couteau du renoncement au moi. Sinon, nous nous trouverons mépriser quelque cher et honoré chrétien simplement à cause de quelque chose qui ne nous convient pas. D’un autre côté, nous pourrons porter aux nues quelque caractère vide et sans valeur, simplement à cause de quelque trait que nous aimons. En effet, parmi les dix mille formes que prend le moi, il n’y en a pas de plus haïssable que celle de la religion. Vêtu de cet habit, il se fera le centre d’une clique, confinera ses affections à l’intérieur de ces étroites limites, et appellera cela la communion chrétienne. De ce cercle restreint, il exclura avec application tous ceux qui se trouvent avoir un seul point ou angle désagréable. Il refusera obstinément de s’accommoder aux scrupules et aux infirmités des autres. Pour eux, il ne cèdera pas d’un cheveu, alors que dans le même temps, il renoncera à toute la vérité nécessaire pour conserver la communion avec sa propre image. Tout cela est terrible, et il faut soigneusement s’en garder.

Si mon lecteur étudie soigneusement 1 Corinthiens 8, 10, il trouvera une leçon très précieuse sur le sujet du renoncement au moi. Le titre de toute cette section pourrait être libellé ainsi : « Peu importe quoi dans le renoncement à soi ; pas un pouce dans l’abandon de la vérité ». Ce devrait toujours être la devise du chrétien. Si c’est seulement une question de soi, renoncez à tout ; si c’est une question quant à la vérité, ne renoncez à rien. « Si la viande est une occasion de chute pour mon frère, je ne mangerai pas de chair, à jamais, pour ne pas être une occasion de chute pour mon frère » (1 Cor. 8, 13). Noble résolution ! Que nous ayons la grâce de la réaliser !

Encore : « Étant libre à l’égard de tous, je me suis asservi à tous, afin de gagner le plus de gens… je suis devenu toutes choses pour tous, afin que de toute manière j’en sauve quelques-uns » (1 Cor. 9, 19-22). « Que personne ne cherche son propre intérêt » — la chose même que nous sommes si prêts à rechercher ; « mais celui d’autrui » — la dernière chose que nous nous sentons disposés à faire.

Il est important et très nécessaire d’observer que quand l’apôtre déclare qu’il est « devenu toutes choses pour tous », il s’agissait entièrement d’une question de renoncement à soi, et non de se plaire à soi-même. Il ne se plaisait pas à lui-même ni n’abandonnait un seul iota de la vérité de Dieu, mais il se faisait serviteur de tous pour leur bien et pour la gloire de Dieu. Voilà notre modèle. Que le Seigneur nous accorde la grâce de l’imiter ! Nous sommes appelés à abandonner non seulement nos pointes et nos angles, nos préjugés et nos préférences, mais aussi nos droits personnels, au profit des autres. C’est l’affaire de chaque jour, pour le chrétien, et c’est dans la mesure où il est capable de la réaliser, qu’il marchera dans les traces de Jésus et « avancera confortablement vers le ciel ».