Responsabilité et puissance

(Traduit de l’anglais)
C.H. Mackintosh

[Courts articles 20]

La question de la responsabilité de l’homme semble rendre perplexe beaucoup d’esprits. Ils trouvent difficile, voire impossible, de la réconcilier avec son manque total de puissance. Si, avance-t-on, l’homme est complètement impuissant, comment peut-il être responsable ? S’il ne peut de lui-même se repentir ou croire l’évangile, comment peut-il être responsable ? Et s’il n’est pas responsable de croire l’évangile, sur quelle base peut-il être jugé pour l’avoir rejeté ?

Ainsi raisonne et dispute l’esprit. Malheureusement, la théologie n’aide pas à résoudre la difficulté mais, au contraire, augmente la brume et la confusion. D’un côté, une certaine école théologique enseigne, et à juste titre, l’impuissance complète de l’homme, qu’il ne veut et ne peut venir, s’il est laissé à lui-même, que c’est seulement par la grande puissance du Saint Esprit que quelqu’un peut venir — que, si ce n’était par la libre et souveraine grâce, pas une seule âme ne serait jamais sauvée, car abandonnés à nous-mêmes, nous ne ferions que le mal et jamais le bien.

De cela, cette école déduit que l’homme n’est pas responsable. Son enseignement est juste, mais sa déduction est fausse. Une autre école théologique enseigne, et à juste titre, que l’homme est responsable ; qu’il sera puni d’une destruction éternelle pour avoir rejeté l’évangile ; que Dieu ordonne aux hommes que tous, en tout lieu, ils se repentent ; qu’Il supplie les pécheurs, tous les hommes, le monde entier, d’être réconciliés avec Lui ; qu’Il veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité.

De cela, cette seconde école déduit que l’homme a la puissance pour se repentir et croire. Son enseignement est juste ; sa déduction, fausse. De là il découle que ni les raisonnements humains, ni les enseignements de la simple théologie, ne peuvent jamais régler la question de la responsabilité et de la puissance. La Parole de Dieu seule peut le faire, et elle le fait d’une manière très simple et concluante. Elle enseigne, démontre et illustre, depuis le début de la Genèse jusqu’à la fin de l’Apocalypse, la totale impuissance de l’homme pour le bien, et son penchant incessant pour le mal. Elle déclare, en Genèse 6, que toute l’imagination des pensées du cœur de l’homme n’est que méchanceté en tout temps. Elle déclare, en Jérémie 17, que le cœur est trompeur par-dessus tout et désespérément mauvais. Elle nous enseigne, en Romains 3, qu’il n’y a pas un juste, pas même un seul ; qu’il n’y a personne qui ait de l’intelligence, personne qui recherche Dieu. Ils se sont tous détournés, ils se sont tous ensemble rendus inutiles ; il n’y en a aucun qui fasse le bien, il n’y en a pas même un seul.

De plus, non seulement l’Écriture enseigne la doctrine de la ruine complète et désespérée de l’homme, sa méchanceté incorrigible, son impuissance totale quant au bien et son penchant invariable pour le mal, mais elle nous fournit une série de preuves irréfutables sous forme de faits et d’illustrations tirés de l’histoire vraie de l’homme, pour prouver la doctrine. Elle nous montre l’homme dans le jardin d’Éden, croyant le diable, désobéissant à Dieu, et chassé. Elle le montre, une fois ainsi chassé, poursuivant dans la méchanceté, jusqu’à ce que Dieu doive envoyer le déluge. Puis, sur la terre restaurée, l’homme s’enivre et s’avilit lui-même. L’homme est mis à l’épreuve sans loi, et se montre un rebelle sans respect. Il est mis à l’épreuve sous la loi et devient un transgresseur obstiné. Des prophètes sont envoyés, il les lapide ; le baptiseur est envoyé, il le décapite ; le Fils est envoyé, il Le crucifie ; le Saint Esprit est envoyé, il Lui résiste.

Ainsi, dans chaque volume de l’histoire de l’homme — l’histoire de la race humaine — dans chaque section, chaque page, chaque paragraphe, chaque ligne, nous lisons quelque chose de sa ruine totale, de sa complète aliénation de Dieu. Nous sommes enseignés, de la manière la plus claire possible, que, laissé à lui-même, il ne peut jamais, et ne veut jamais — quoique très certainement, il le doive — se tourner vers Dieu et faire des œuvres qui conviennent à la repentance. Et dans un parfait accord avec tout cela, nous apprenons par la parabole du grand souper, donnée par notre Seigneur en Luc 14, que pas un seul de ceux qui ont été simplement invités ne se trouvera à table. Tous ceux qui s’y assoient sont « amenés » ou « contraints ». Nul ne voudrait jamais venir, s’il était laissé à lui-même. La grâce, la libre grâce, doit les forcer à entrer ; et c’est ce qu’elle fait, grâces en soient rendues à toujours au Dieu de toute grâce !

D’un autre côté, en parallèle de tout ceci, et enseigné avec une force et une clarté tout aussi égales, se trouve la solennelle et grave vérité de la responsabilité de l’homme. Dans la création, sous la loi et dans l’évangile, il est parlé à l’homme comme à un être responsable, car c’est ce qu’il est. De plus, sa responsabilité est, dans tous les cas, mesurée par ses avantages. Ainsi, au début de l’épître aux Romains, le Gentil est vu comme étant sans loi, mais responsable d’écouter le témoignage de la création, ce qu’il n’a pas fait. Le Juif est vu sous la loi et responsable de la garder, ce qu’il n’a pas fait. Puis, en Romains 11, la chrétienté est vue comme responsable de persévérer dans la bonté de Dieu, ce qu’elle n’a pas fait. Et en 2 Thessaloniciens 1, nous lisons que ceux qui n’obéissent pas à l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ seront punis d’une destruction éternelle. Enfin, en Hébreux 2, l’apôtre insiste sur cette question très solennelle : « Comment échapperons-nous, si nous négligeons un si grand salut ? ».

Le Gentil ne sera pas jugé sur la même base que le Juif, ni le Juif sur la même base que le chrétien de nom. Chacun sera traité sur son propre terrain distinct et selon sa lumière et ses privilèges. Il y aura peu de coups et plusieurs coups, comme en Luc 12. Ce sera plus « supportable » pour certains que pour d’autres, comme en Matthieu 11. Le Juge de toute la terre fera ce qui est juste, mais l’homme est responsable, et sa responsabilité est mesurée par la lumière et les avantages qui lui sont accordés. Tous ne sont pas regroupés ensemble négligemment, comme s’ils étaient tous sur un même terrain. Au contraire, il y a la distinction la plus précise, et nul ne sera jamais condamné pour avoir négligé ou refusé des avantages qui n’étaient pas à sa portée. Mais le fait même qu’il y aura un jugement de tous, démontre, même s’il n’y avait pas d’autre preuve, que l’homme est responsable.

Qui assume la plus haute forme de responsabilité ? Celui qui rejette ou néglige l’évangile de la grâce de Dieu ! L’évangile met en avant toute la plénitude de la grâce de Dieu. Toutes Ses ressources sont manifestées là — l’amour de Dieu, l’œuvre précieuse et la personne glorieuse du Fils, le témoignage du Saint Esprit. De plus, Dieu est vu dans l’évangile, dans le merveilleux ministère de la réconciliation, suppliant de fait les pécheurs d’être réconciliés avec Lui[1]. Rien ne peut surpasser cela. C’est la plus élevée et la plus complète manifestation de la grâce, de la miséricorde et de l’amour de Dieu. C’est pourquoi tous ceux qui le rejettent ou le négligent portent la plus solennelle responsabilité et amènent sur eux-même le jugement de Dieu le plus lourd. Ceux qui refusent le témoignage de la création sont coupables. Ceux qui violent la loi sont encore plus coupables, mais ceux qui refusent la grâce de Dieu librement offerte sont les plus coupables de tous.

Quelqu’un objectera-t-il encore et dira-t-il qu’il ne peut réconcilier les deux choses, l’impuissance de l’homme et la responsabilité de l’homme ? Qu’il garde bien à l’esprit que ce n’est pas notre affaire de les réconcilier. Dieu l’a fait pour nous, en les plaçant côte à côte dans Sa Parole éternelle. Notre affaire est de nous soumettre et de croire, non pas de raisonner. Si nous écoutons les conclusions et les déductions de nos propres esprits, ou les dogmes des écoles de théologies opposées entre elles, nous serons toujours dans la confusion et le désordre, perplexes et désorientés. Mais si nous nous inclinons simplement devant l’Écriture, nous connaîtrons la vérité. Les hommes peuvent bien raisonner et se rebeller, mais la question est si c’est l’homme qui doit juger Dieu, ou Dieu l’homme ? Dieu est-Il souverain, ou non ? Si l’homme doit s’asseoir en jugement contre Dieu, alors Dieu n’est plus Dieu. « Ô homme, qui es-tu, qui contestes contre Dieu ? ».

C’est là la grande question. Pouvons-nous y répondre ? La chose claire est que cette difficulté quant à la question de la puissance et de la responsabilité est une erreur complète, soulevée par l’ignorance de notre propre condition réelle et par notre manque de soumission absolue à Dieu. Toute âme dans une condition morale juste reconnaîtra ouvertement sa responsabilité, sa culpabilité, sa totale impuissance, qu’elle est exposée au juste jugement de Dieu, et que sans la souveraine grâce de Dieu en Christ, elle serait inévitablement damnée. Quiconque ne reconnaît pas cela au plus profond de son âme, est ignorant quant à lui-même, et se trouve virtuellement assis pour juger Dieu. Ainsi en est-il, si nous devons être enseignés par l’Écriture.

Prenons un exemple. Un certain homme me doit cent livres, mais il est peu scrupuleux et extravagant, et s’est ainsi mis dans l’incapacité absolue de me payer. Et non seulement il n’en est pas capable, mais il ne le désire pas. Il n’a aucune volonté de payer, ni ne désire avoir affaire avec moi en quoi que ce soit. S’il me voit venir au bout de la rue, il s’éclipse dans la première allée venue pour m’éviter. Est-il responsable ? Et suis-je en droit d’engager des procédures légales à son encontre ? Son incapacité totale de payer élimine-t-elle sa responsabilité ?

De plus, je lui envoie mon serviteur avec un message aimable ; il l’insulte. Je lui en envoie un autre ; il le frappe. J’envoie mon fils lui demander de venir à moi et de se reconnaître comme mon débiteur, de confesser et prendre sa vraie place, et que non seulement je lui pardonnerai sa dette, mais que je le prendrai comme associé. Il insulte mon fils de toutes les manières possibles, lui inflige toutes sortes d’indignités, et finalement le met à mort.

Tout cela n’est qu’une très faible illustration de la condition réelle des choses entre Dieu et le pécheur, et pourtant certains veulent raisonner et discuter sur l’injustice qu’il y a à tenir l’homme pour responsable. Tout cela est une erreur fatale, et qui se révèlera encore telle dans tous les cas. Il n’y a pas une âme en enfer qui ait quelque difficulté à ce sujet. Et, très certainement, il n’y a pas de difficulté ressentie par quiconque dans le ciel. Tous ceux qui se retrouveront en enfer reconnaîtront qu’ils ont reçu la juste rétribution de leurs œuvres, et tous ceux qui se trouveront dans le ciel reconnaîtront qu’ils sont « débiteurs de la miséricorde seule ». Les premiers auront à se remercier eux-mêmes ; les derniers, à remercier Dieu. Telle doit être, croyons-nous, la seule vraie solution à la question de la responsabilité et de la puissance.