S’écarter

W.G. Turner

[Traités pour l’édification n° 6]

S’écarter est un danger particulier dans les choses spirituelles. Nous trouvons dans l’Écriture sainte des avertissements et des exhortations relatifs à ce péril positif qui menace la marche du chrétien, car rien n’est plus aisé que de s’écarter (ou glisser loin, ou aller à la dérive). Faire avancer un bateau à l’aide de rames demande l’accomplissement d’un effort ; le diriger au moyen du gouvernail, un jugement réfléchi ; mais aucune de ces deux choses n’est nécessaire pour le laisser aller à la dérive. Relâchez votre effort, soyez moins attentifs, et aussitôt vous vous écartez. Mais ce qu’il y a de tragique dans une vie relâchée, c’est que celui qui s’écarte est souvent le dernier à s’en apercevoir.

« C’est pourquoi nous devons porter une plus grande attention aux choses que nous avons entendues, de peur que nous ne nous écartions. Car si la parole prononcée par les anges a été ferme,… comment échapperons-nous, si nous négligeons un si grand salut ? » (Héb. 2, 1-3). Il faut nous rappeler que l’apôtre ne s’adresse pas ici à des incrédules, mais à des personnes qui, ayant fait profession d’être des chrétiens, étaient en danger de s’écarter de la vérité qu’elles avaient entendue et qu’elles connaissaient. Remarquez que ce ne sont pas ces choses qui pourraient s’écarter de nous ; le danger est que nous, nous nous écartions d’elles. Il y a là une possibilité qui n’est ni exagérée, ni improbable ; c’est pourquoi nous sommes prévenus et exhortés.

L’enseignement de l’apôtre est donc que nous sommes en danger de nous écarter, de partir à la dérive dans le courant, et que si notre esprit ne reste pas fermement attaché à la Parole de Dieu, il s’écartera inévitablement d’elle et du salut. La vérité, elle, ne s’éloigne jamais ; mais nous devons prendre garde de ne pas nous en écarter ; les choses dites demeurent, mais nous pouvons glisser loin. Nous serons sages si nous ne l’oublions pas, et en nous tenant sur nos gardes relativement à trois choses qui sont la cause de cette tendance au relâchement dans la marche du croyant sur la terre.

Ce sont : la distraction d’esprit, le manque de fermeté, l’amour du bien-être. Presque chaque exemple de relâchement peut être attribué à l’une ou à l’autre ou à plusieurs de ces trois causes à la fois.

La distraction d’esprit est due à la multitude de choses qui appellent notre attention dans ce monde ; des choses qui peuvent être bonnes, mauvaises ou indifférentes et qui se présentent continuellement à nous comme dans un panorama mouvant.

Le manque de fermeté vient de notre négligence à garder intactes les assurances de la foi ; ou à nous laisser aller à raisonner et à discuter ; il peut provenir aussi du fait que notre esprit et notre énergie sont si occupés par les événements, que nous nous laissons entraîner insensiblement par le courant des choses en les considérant avec légèreté. Nous nous écartons des choses que nous avons entendues et qu’une fois, pourtant, nous avons estimées au-dessus de toutes les autres.

L’amour du bien-être est la conséquence d’une prospérité générale dans le monde, jointe au déclin de la vie spirituelle ; ou aussi d’un certain sentiment de ce qui est dû à notre âge ou à la position honorable que nous occupons ; comme quelqu’un le disait tout dernièrement à l’auteur de ces lignes : « Il faut tenir compte de la fierté de chacun ! ».

Mais ni l’âge, ni le rang, ni l’occupation ne sont à l’abri du danger et de la dangereuse possibilité de nous écarter ; les courants du monde et du bien-être sont trop forts dans le fleuve du présent siècle mauvais, pour que puissent y résister ceux dont les esprits sont distraits par le monde, dont le but n’est pas certain, et pour lesquels l’amour du bien-être est un piège. « Comment échapperons-nous, si nous négligeons un si grand salut ? ».

Cette question s’impose à notre attention : elle exige un examen immédiat, urgent et personnel. Beaucoup de chrétiens ont une idée très sommaire de ce qu’est le salut. Ils pensent que la conversion en est la fin, oubliant qu’elle n’est que l’action de se diriger dans la bonne direction. « Vous vous êtes tournés vers Dieu ». Mais jusque-là aucun pas n’a encore été fait sur le chemin. Il est vrai que nous sommes sauvés quand nous croyons au Seigneur Jésus Christ. Mais le même apôtre qui affirme cela, exhorte les croyants : « travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement », et les assure encore que « maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru ».

Les vrais croyants dans le Seigneur Jésus ne périront jamais. Il nous en donne l’assurance ; mais justement parce qu’ils sont de vrais croyants, travailler à leur propre salut avec crainte et tremblement, est la grande affaire de leurs vies jusqu’à ce qu’Il revienne comme Sauveur changer nos corps et les rendre semblables à Son propre corps de gloire. Alors notre salut sera complet, le corps, l’âme et l’esprit sauvés au jour de Christ.

Mais il y a deux manières d’arriver au port. Il y a exactement onze cents ans, un écrivain chrétien qui avait été pris par des pirates et vendu comme esclave, écrivit un cantique qui par une singulière association d’idées est considéré comme décrivant l’arrivée du croyant au ciel ; arrivée dont Pierre dans sa seconde épître parle d’une manière toute différente. Mettons-les en parallèle :

« Sécurité dans le port ! les cordages sont coupés, les agrès tombés, les voiles déchirées, les provisions touchent à leur fin ! Nous avons à peine évité le naufrage ! Mais quelle joie, sur le rivage, de nous dire que les périls du voyage sont passés ! ». « C’est pourquoi, frères, étudiez-vous d’autant plus à affermir votre appel et votre élection, car en faisant ces choses vous ne faillirez jamais ; car ainsi l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ vous sera richement donnée » (2 Pier. 1, 9, 10).

Le Seigneur ne perdra aucun des siens, mais quel chemin choisirez-vous pour arriver ? Le vaisseau faisant eau de toutes parts, qui échappe tout juste au naufrage, ou bien la riche entrée qui est réservée au bon et fidèle serviteur ?

Puissions-nous ainsi travailler à notre salut, de façon à ce que nous arrivions non comme des épaves, mais comme ceux qui ont tenu ferme à Dieu et à Sa Parole, se renonçant eux-mêmes, prenant leur croix chaque jour, continuant avec persistance, effort et attention jusqu’à la fin.

Car soyons assurés que si nous pouvons nous écarter vers le péché ou vers le diable par la négligence de notre vie, nous ne pouvons pas nous écarter de la grâce et du ciel. Ce sont là des réalités qui exigent toute notre attention.