Se retirer, fuir et poursuivre

(2 Tim. 2, 19-22)
S. Prod’hom

Plus nous réalisons la ruine de l’Église responsable, plus nous éprouvons le besoin d’être fondés sur les enseignements certains de la Parole de Dieu. Aussi la seconde épître à Timothée, où nous trouvons les ressources pour un temps de ruine, devient-elle toujours plus précieuse à ceux qui désirent être fidèles au Seigneur au milieu des difficultés croissantes des derniers jours.

La Parole de Dieu demeure, sans avoir subi ni modification, ni altération ; nous la possédons dans sa pureté, par la grâce et la puissance de notre Dieu. L’apôtre Paul, en voyant commencer la ruine de l’édifice qu’il avait élevé au prix de tant de souffrances, sait que c’est dans cette Parole que les saints trouveront, jusqu’à la fin, tout ce qui leur sera nécessaire, afin qu’en dépit de tout le levain des fausses doctrines qui, du temps de l’apôtre, s’introduisaient déjà dans l’Église, les fidèles puissent garder la vérité enseignée par ce fidèle serviteur.

Au chapitre 1, il dit à Timothée : « Aie un modèle des saines paroles que tu as entendues de moi, dans la foi et l’amour qui est dans le Christ Jésus » (v. 13). Au chapitre 2, 2, il dit : « Et les choses que tu as entendues de moi, devant plusieurs témoins, commets-les à des hommes fidèles qui soient capables d’instruire aussi les autres ». Ce modèle, ou exposé, ou sommaire, nous le possédons dans l’ensemble des écrits de l’apôtre ; et, par ces exhortations à Timothée, nous voyons l’importance qu’il y a à s’en tenir exclusivement à la Parole, et à ce que sa transmission à d’autres et par d’autres se fasse fidèlement, afin que rien n’en soit altéré et que tous puissent se conduire selon la vérité justement exposée, en évitant toute immixtion des pensées de l’homme. Au verset 15, Timothée est exhorté à se « présenter approuvé à Dieu, ouvrier qui n’a pas à avoir honte, exposant justement — ou découpant droit — la parole de la vérité ». Cette Parole qui présente dans son ensemble la vérité, se compose de parties distinctes, dont chacune a son application spéciale ; et cela exige une exposition juste et nette, pour que toutes ces parties produisent leurs effets variés, en maintenant l’ensemble de la vérité. Si quelqu’un s’écarte de l’enseignement d’une partie de la vérité, il ne s’écarte pas seulement d’une vérité, mais de la vérité, parce qu’il touche à tout l’ensemble de la révélation de Dieu qui s’appelle la vérité. On a souvent dit que la vérité, c’est « toute la vérité et rien que la vérité ». Aussi Timothée est exhorté à éviter tout ce qui est vain et profane, ce qui, dans les prétendus enseignements que l’on présentait déjà alors, n’a aucune valeur pour l’âme, et profane la Parole de Dieu. L’effet de ces enseignements, pour ceux qui les donnent comme pour ceux qui les écoutent, au lieu de produire la piété, conduit plus avant dans l’impiété ; et, au lieu d’édifier, la parole de ces gens produit l’effet d’une gangrène et renverse la foi de quelques-uns, ce qui nécessairement aboutit à une ruine complète, et fait disparaître toute trace de la vérité. Cela aura lieu pleinement au temps de l’apostasie, dont nous nous approchons à grands pas. Mais jusque-là : « Le solide fondement de Dieu demeure, ayant ce sceau : Le Seigneur connaît ceux qui sont siens, et : Qu’il se retire de l’iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur ». Si, au milieu de ce chaos, il est souvent impossible de discerner ceux qui ont la vie, le Seigneur les connaît. Cela doit suffire au fidèle quand il considère la masse de ceux qui invoquent le nom du Seigneur par une profession sans vie, de savoir que le Seigneur connaît ceux qui sont à Lui. Mais cela ne peut suffire à celui qui, au milieu de cet état de choses, sait qu’il est au Seigneur, car Lui a des droits sur Ses rachetés, et ils Lui doivent l’obéissance. Il y a donc l’autre côté du sceau qui demeure, concernant chaque croyant, et s’adressant à sa conscience : « Que celui qui prononce le nom du Seigneur se retire de l’iniquité ». Si aujourd’hui, tous les croyants ne peuvent être connus, tous sont responsables d’agir d’après l’ordre du Seigneur présenté dans ces paroles. Celui qui prononce le nom du Seigneur doit donc se retirer de l’iniquité.

L’iniquité a ici le sens d’injustice, et non d’un état sans loi et sans frein, qui caractérise l’homme naturel ; celui qui pratique l’iniquité dans ce sens-là, est étranger à la vie de Dieu (1 Jean 3, 4). Se retirer de l’iniquité, c’est se retirer non seulement des actions grossières qui se commettent dans le monde, sens que l’on donne souvent à ce passage pour en éviter le tranchant effilé, mais se retirer de tout ce qui n’est pas selon la vérité, lorsque cette injustice, ou erreur, est présentée comme doctrine. On ne peut appeler juste, ou selon la justice, un enseignement opposé à ce que la Parole de Dieu nous présente, lorsqu’elle est exposée justement. Il n’est pas juste de dire : « Moi je vois », quand il faudrait dire : « La Parole dit », et s’y soumettre en toute pureté de cœur. On ne peut rester associé à ce qui est faux, sans en contracter la souillure ; la fausse doctrine est présentée dans la Parole sous la figure du levain, ce ferment qui a la propriété de pénétrer dans la pâte dans laquelle il est placé, et qui finit par la caractériser tout entière.

En suite de l’introduction, dans la maison de Dieu, d’éléments étrangers au caractère du Maître, ou qui ne tiennent pas compte de ce qui Lui est dû, l’apôtre compare cette maison à une grande maison qui contient des vases à honneur et des vases à déshonneur. Dans une telle maison, où les droits et les caractères du maître doivent être reconnus et maintenus, il faut agir avec la dignité qui Lui convient, en séparant les vases à honneur d’avec les vases à déshonneur, afin que ceux-là puissent Lui être utiles. Aucun maître de maison ne peut employer à son usage des vases, fussent-ils à honneur quant à leur nature, s’ils ont contracté la souillure en étant mélangés avec des vases indignes.

En obéissant à cette parole qui enjoint à quiconque prononce le nom du Seigneur de se retirer de l’iniquité, pensant à ce qui convient au Seigneur de la maison et non à ce qui nous convient à nous, le croyant sera un vase utile au maître, préparé pour toute bonne œuvre. Il pourra accomplir selon la pensée du Seigneur, avec l’enseignement pur de Sa Parole, ces bonnes œuvres préparées à l’avance, afin que nous marchions en elles. Pour être sous l’effet de cette Parole de Dieu, « utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit accompli et parfaitement accompli pour toute bonne œuvre », il ne faut pas que cette Parole soit frelatée, mélangée de pensées humaines qui la détournent de son but et en faussent la véritable application, sous quelque rapport que ce soit. Il faut absolument se séparer de tout milieu qui accepte ce qui est injuste quant à cette application, car le but bien déterminé du fidèle est d’être utile au Maître, en se trouvant dans le chemin de l’obéissance. Il est à remarquer que l’on ne peut se purifier d’une fausse doctrine, sans se séparer de celui, ou de ceux, qui la retiennent ; l’apôtre dit : « Si quelqu’un se purifie de ceux-ci », des vases. Et l’on ne peut porter le titre de « vase à honneur », qu’en se purifiant des vases à déshonneur.

À cette exhortation s’en ajoutait, pour Timothée et pour chacun de nous aujourd’hui, une seconde, qui est de fuir les convoitises de la jeunesse. Premièrement, se séparer de tout ce qui déshonore le Seigneur par un enseignement qui rend incapable d’être propre pour toute bonne œuvre, puis fuir un autre genre de mal qui ne rendrait pas moins impropre à Le servir, savoir : « les convoitises de la jeunesse ». Il ne faut pas penser que les convoitises de la jeunesse se limitent aux vanités que peut convoiter une jeunesse folâtre et insouciante. Cette expression peut comprendre tout ce que le monde offre, sous quelque forme que ce soit. Les choses qui sont dans le monde et qui sont offertes à la convoitise des hommes, sont appelées « les convoitises de la jeunesse », parce que c’est à la jeunesse qu’elles se présentent avec leurs attraits les plus séduisants. Quittant l’état d’enfance, ouvrant les yeux sur le vaste horizon de ce monde pour y poursuivre sa carrière, la jeunesse veut jouir, veut s’approprier les avantages qui se présentent à elle avec tant d’attrait ; elle fait son choix, ses plans, suivant ses goûts et ses aptitudes ; les choses convoitées s’impriment, pour ainsi dire, dans son cœur, et elle les poursuit. C’est vers elles et d’après elles que sa vie est orientée. C’est de ces convoitises-là que parle l’apôtre Jean quand il s’adresse aux membres de la famille chrétienne qu’il appelle « jeunes gens », les mettant en garde contre « tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, et la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie » (1 Jean 2, 16).

La conversion est venue donner une toute autre orientation à la vie du croyant. Au lieu de poursuivre un but dans ce monde, qui n’est souvent qu’un mirage trompeur, son but est céleste ; il est gouverné par la Parole de Dieu ; « en persévérant dans les bonnes œuvres », il cherche « la gloire et l’honneur et l’incorruptibilité » (Rom. 2, 7) ; il cherche à mettre sa vie au service du Seigneur, qui lui a donné toutes les directions et les ressources nécessaires afin que, même dans ces derniers mauvais jours, il puisse être utile, étant préparé pour toute bonne œuvre.

On comprend que, pour cela, il faille fuir ce que le monde présente à la jeunesse, aussi bien que se retirer de toute injustice en fait de doctrine. En faisant cela, on se sépare des deux grands caractères de mal de la chrétienté : la fausse doctrine et la mondanité.

Enfin, il faut poursuivre « la justice, la foi, l’amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur ». Ces choses doivent être poursuivies ici-bas par le fidèle, car aucune ne caractérise ce monde où s’étalent les convoitises de la jeunesse et l’erreur. Il faut, pour les réaliser, y apporter toute l’énergie que peut déployer un chrétien sérieux qui peut compter sur le secours du Saint Esprit dans sa marche d’obéissance.

En contraste avec l’injustice dont il y a dû se retirer, le fidèle doit poursuivre la justice, la justice pratique à tous égards, car le Seigneur ne peut être honoré par un croyant qui aurait pris une position de séparation dans la chrétienté et qui, dans sa vie journalière, négligerait la pratique de la justice, en paroles ou en actes, dans ses rapports avec ses frères ou avec le monde, dans ses affaires matérielles, dans quelque position que ce soit, comme maître ou serviteur. La justice pratique, a-t-on dit, « est l’absence de péché dans toutes nos voies ». Il faut appliquer à nos voies la vérité, qui forme la partie intérieure de « l’armure complète de Dieu », et qui donne la force nécessaire pour être revêtu de la cuirasse de la justice, et pour la garder. Cette cuirasse est une bonne conscience découlant de la pratique de la justice, que nous avons à poursuivre sans relâche et à toute occasion.

Après la justice vient la foi, qui nous fait réaliser toutes nos bénédictions divines. Dans plusieurs passages, les bénédictions du christianisme sont appelées la foi, parce que c’est par elle que nous les saisissons et en jouissons (1 Tim. 1, 19 ; 2 Tim. 4, 7 ; 2 Pier. 1, 1 ; Jude 3, 20). Les biens de ce domaine invisible et céleste sont apportés par la foi à nos cœurs, afin que nous en vivions et que nous les gardions pratiquement dans toute leur pureté.

Il semblerait que la foi doive venir en premier lieu, avant la justice. S’il s’agissait de la foi pour le salut, ce serait le cas, car ce n’est qu’après la foi au Sauveur que les bonnes œuvres peuvent s’accomplir ; mais il faut la pratique de la justice qui donne au croyant une bonne conscience, afin de pouvoir garder intacte la foi, c’est-à-dire l’ensemble des vérités qui sont l’objet de la foi. Dans 1 Timothée 1, 19, l’apôtre dit : « Gardant la foi et une bonne conscience, que quelques-uns ayant rejetée, ils ont fait naufrage quant à la foi ». Le chrétien le mieux instruit dans la doctrine, dans une séparation ecclésiastique conforme aux Écritures, s’il ne garde pas une bonne conscience, par la pratique d’une vie conforme aux enseignements de la Parole dans sa conduite habituelle, ne pourra pas cheminer longtemps dans la vérité ; il fera naufrage quant à la foi. Car les vérités qu’il connaît, ne pouvant avoir l’action nécessaire sur sa conscience endurcie, il les abandonnera. Dieu veut de la réalité dans le cœur et dans la marche ; il ne Lui suffit pas de voir un des siens prendre une position extérieure de séparation ecclésiastique, et ne pas tenir compte de Sa Parole dans la vie pratique. Dieu agira nécessairement d’après ce principe : « À quiconque a, il sera donné ; et à celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui sera ôté » (Luc 19, 26). On comprend donc que poursuivre la justice vienne en premier lieu, parce que c’est en la pratiquant que l’on est rendu capable de poursuivre la foi et de la garder. Nos cœurs, détournés des choses visibles, pourront jouir de toutes leurs bénédictions spirituelles et célestes par une foi active dans la vie tout entière, comptant sur Dieu pour les besoins de chaque jour, comme pour tout ce qui concerne notre vocation.

L’amour est aussi étranger au monde que la justice et la foi, chaque homme étant plus ou moins gouverné par l’égoïsme qui caractérise la nature adamique. Le croyant doit poursuivre ce qui caractérise la nature divine, l’essence même de ce que Dieu est : l’amour. Cet amour est le seul motif qui ait fait agir Dieu en grâce envers nous, car tout autre motif nous aurait conduits au jugement. Si nous poursuivons cet amour, avec son caractère divin, pour l’introduire comme mobile de tout ce que nous faisons, soit pour le Seigneur, soit les uns envers les autres, notre vie sera le reflet de ce qu’a été celle du Seigneur Jésus dans ce monde. Nous serons « les imitateurs de Dieu, comme de bien-aimés enfants ». L’amour pour le Seigneur nous empêchera de marcher avec le mal, sous quelque forme qu’il se présente, et nous engagera à Le servir. L’amour pour nos frères nous élèvera au-dessus de ce qui en eux nous déplaît, nous froisse, ou exige du support ; il nous fera rechercher leur bien, et produira le dévouement dont nous avons besoin pour nous servir les uns les autres ; l’amour envers les hommes, au lieu de nous faire marcher dans leurs voies, nous poussera à les en détourner en leur présentant le Sauveur.

Rien n’exige, pour être réalisé, autant d’énergie spirituelle que l’amour : car il est l’opposé de notre nature qui agit toujours en vue d’elle-même, tandis que l’amour cherche toujours le bien d’autrui. Il est la source du dévouement, de l’humilité, de l’obéissance, en un mot de tout ce qui caractérisait Christ ici-bas. Poursuivons l’amour, car si nous l’abandonnons, notre christianisme sera décoloré, sans puissance, et nous perdrons bientôt les caractères du témoignage, pour être finalement mis de côté par le Seigneur (Apoc. 2, 4-5).

Le monde parle beaucoup de paix, parce qu’elle ne se trouve pas en lui ; et il ne la poursuit pas. Nous devons la rechercher ; elle est la part d’un cœur heureux, soumis à Dieu et à Sa Parole, d’un cœur où tout est en ordre et ainsi sans conflit avec Dieu. Il nous faut la poursuivre, évitant tout ce qui peut en priver les autres aussi bien que nous-mêmes. Si nous agissons avec amour, en renonçant à nos droits, en manifestant cette douceur qui doit être connue de tous, la paix sera produite au lieu des guerres et des contestations. « Le fruit de la justice, dans la paix, se sème pour ceux qui procurent la paix » (Jacq. 3, 18). La paix selon Dieu ne se réalise pas aux dépens des autres caractères divins, et pour la satisfaction pure et simple d’éviter des difficultés avec les hommes ou avec nos frères. Il est dit aux Hébreux : « Poursuivez la paix avec tous, et la sainteté, sans laquelle nul ne verra le Seigneur » (chap. 12, 14). Jacques montre que c’est en rapport avec la justice que l’on jouit de la paix, et Paul en rapport avec la sainteté. Une paix que nous obtiendrions aux dépens de la vérité, de la justice ou de la sainteté, n’est pas la paix que nous avons à poursuivre.

Toutes les exhortations de l’apôtre, dans ces versets, sont individuelles ; mais lorsque le croyant, obéissant à cette parole, est placé personnellement en dehors des diverses formes du mal qui s’est introduit dans la maison de Dieu, il peut réaliser les enseignements du Seigneur à l’égard de la marche collective des croyants. Tout en éprouvant une grande affliction de la ruine de l’Église, il peut avec bonheur retrouver le terrain scripturaire que l’apôtre Paul a établi dans ses épîtres, ainsi que tous les enseignements qui s’y rattachent. Il réalise alors la marche collective de l’Assemblée de Dieu, avec ceux qui se sont séparés comme lui, et qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur ; d’un cœur délivré de tout autre motif que de plaire à son Seigneur et à son Sauveur ; d’un cœur purifié de tout alliage charnel, de tout ce qui déshonore Christ ; d’un cœur qui, malgré sa faiblesse et ses manquements divers, ne tient compte que de la volonté du Seigneur pour diriger sa marche. Il s’est retiré de l’iniquité pour être utile au Maître ; il fuit les convoitises de la jeunesse, et poursuit la justice, la foi, l’amour, la paix — tout seul s’il le fallait — mais la Parole ajoute : « Avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur ». Car dans les mauvais jours, il y a eu, en tout temps, plusieurs fidèles, quoique peut-être en petit nombre. La ruine s’accentuant pourrait produire du découragement ou favoriser la tendance à s’isoler et à penser que le témoignage collectif ne peut plus exister ; mais souvenons-nous que nous trouverons toujours des croyants plus fidèles que nous, et qu’avec eux nous pourrons — non seulement nous réunir, ce qui ne suffit pas, mais — poursuivre la justice, la foi, l’amour, la paix, dans notre marche pratique, en nous y exhortant l’un l’autre ; à moins que quelqu’un n’estime, comme le prophète Élie, dans un moment de découragement, qu’il est resté seul fidèle.

Au temps de Malachie, ceux qui craignaient l’Éternel et pensaient à Son nom se connaissaient, et parlaient l’un à l’autre (chap. 3, 1-16). Ce résidu, que l’on trouve aux jours où tout Jérusalem était troublé en apprenant que le roi des Juifs était né, était connu d’Anne, la prophétesse, car elle parlait de Lui à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient la délivrance (Luc 2, 38). Aujourd’hui, nous avons, au milieu de la ruine, un avantage immense sur le résidu d’autrefois : Christ est notre centre de rassemblement, et le Saint Esprit, la puissance qui nous unit, et ces privilèges peuvent être réalisés par deux ou trois qui obéissent à la Parole.

Conscients de leur propre faiblesse, et de la ruine à laquelle ils participent, ces quelques-uns, s’ils obéissent à la Parole, peuvent représenter ce qu’est l’Église, composée de tous les croyants selon la pensée de Dieu, sur la terre, et former ainsi un témoignage collectif. C’est aussi ce que chaque croyant devrait rechercher de tout son cœur, pour la gloire de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ.

Grâce à Dieu, c’est ce qu’un certain nombre de croyants eurent à cœur depuis que le cri de minuit se fut fait entendre, vers le milieu du siècle passé. Beaucoup d’entre eux ont pris une position de séparation, au milieu de la chrétienté, en répondant à l’appel de se retirer de l’iniquité. Plusieurs l’ont fait au commencement et le font encore avec de grandes luttes et de pénibles exercices de cœur. Mais depuis cette séparation, l’on s’est insensiblement arrêté en chemin, oubliant qu’elle a eu lieu pour être « utile au Maître, préparé pour toute bonne œuvre », pour « fuir les convoitises de la jeunesse », le monde, en un mot, et pour « poursuivre la justice, la foi, l’amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur ». La mondanité qui s’est introduite chez les chrétiens est la preuve que l’on s’est contenté d’une séparation ecclésiastique, mais que l’on n’a pas fui les convoitises de la jeunesse. Au contraire, satisfaits de se réunir à part des divers systèmes humains, on s’est mis parallèlement avec le monde, et souvent, comme lui, à poursuivre les choses de la terre en se conformant à ce siècle. À chaque instant, la vérité est abandonnée par ceux qui l’ont professée pendant un temps ; et ce n’est qu’avec beaucoup de peine que l’on parvient à discerner l’erreur, à s’en purifier, à aider d’autres à s’en préserver, parce que la poursuite de la justice, de l’amour, de la foi, de la paix, a fait place à ces convoitises. Les sens spirituels émoussés conduisent à l’indifférence pour la gloire du Seigneur et paralysent l’intelligence spirituelle, si même on n’a pas tout à fait rejeté une bonne conscience, pour faire enfin naufrage quant à la foi.

Les temps sont sérieux, le retour du Seigneur est proche ! Dieu veut de la réalité dans la marche pratique, car c’est en cela seul que nous pouvons Lui témoigner notre amour. Beaucoup de lumières nous ont été accordées et sont présentées avec une grande clarté, mais la marche pratique a-t-elle augmenté en raison de la lumière ? Si les chrétiens du premier réveil pouvaient revenir, ne seraient-ils pas scandalisés en voyant l’usage que l’on fait de tant de connaissances qu’ils ne possédaient pas, eux qui étaient si conséquents avec le peu de lumière qu’ils avaient ? Il est à craindre que la connaissance doctrinale ne satisfasse et ne paraisse suffisante, car lorsque des difficultés surgissent dans les assemblées, chacun peut entrer dans cette lutte doctrinale et intellectuelle ; mais s’agit-il de l’application pratique de ces vérités, on ne trouve plus beaucoup de savants ! La lumière, au lieu d’avoir été employée pour conduire les pieds dans le sentier (Ps. 119, 105), a éclairé la tête et n’a souvent servi qu’à faire errer loin du but pour lequel elle a été donnée, et l’on va même jusqu’à s’abriter derrière elle pour faire sa propre volonté.

Cela n’aurait pas eu lieu si, après s’être retiré des divers systèmes de la chrétienté, l’on avait mieux compris et réalisé que cette séparation avait pour but d’être utile au Maître (préparé pour toute bonne œuvre), et qu’en vue de cela, l’on ait fui les convoitises de la jeunesse et poursuivi la justice, la foi, l’amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur.

Que Dieu nous accorde de comprendre tout à nouveau que ces choses sont inséparables les unes des autres. Soyons beaucoup plus exercés au sujet de ce qu’il faut fuir et poursuivre. Sans cela, la position de séparation prise au milieu de la chrétienté devient du pharisaïsme, et la profession d’invoquer le Seigneur d’un cœur pur, une fausse et coupable prétention.

Le Seigneur nous parle solennellement, dans ces dernières années, par toutes sortes de moyens. Il nous montre de nouveau qu’Il ne peut se contenter d’une profession extérieure unie à une marche qui ne répond plus à Ses pensées. Il exerce les siens par beaucoup d’épreuves personnelles et collectives, et nous rappelle ce qu’Il dit à Sardes : « Souviens-toi donc comment tu as reçu et entendu ; et garde, et repens-toi » (Apoc. 3, 3). Dans Son amour infini pour les siens, Il ressent profondément cet abandon du premier amour pour Lui, et combien on offense Son amour en n’y répondant pas. Combien Ses paroles devraient pénétrer notre cœur : « Mais j’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour. Souviens-toi donc d’où tu es déchu, et repens-toi, et fais les premières œuvres ; autrement, je viens à toi et j’ôterai ta lampe de son lieu, à moins que tu ne te repentes » (Apoc. 2, 4-5).