Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende

S. Prod’hom

La terrible guerre européenne qui sévit aujourd’hui (1914) a subitement tiré le monde de sa fausse quiétude. En quelques jours, toute sa prospérité financière était, sinon anéantie, du moins très gravement compromise ; les distractions, les plaisirs étaient abandonnés ; la frayeur et l’angoisse étreignaient les âmes ; puis sont venues les batailles qui se succèdent journellement, semant la mort, la destruction, les incendies, provoquant partout des deuils et des désespoirs… De tels événements sont bien de nature à rendre les âmes sérieuses ; et ne pensez-vous pas que, par ces malheurs, Dieu a quelque chose à nous dire ? Oui, il est nécessaire que celui qui a des oreilles pour entendre, entende Sa voix !

Le monde, familier avec les vérités évangéliques, se plait à proclamer la bonté de Dieu, au détriment de son caractère de juge. La pensée que, par cette guerre épouvantable, Dieu veuille châtier les hommes, n’aborde pas les cœurs ; ils attribuent les événements à des causes secondes, certes très réelles, l’orgueil et l’ambition des rois et des peuples, les haines et les jalousies qui en sont la suite, l’âpre recherche d’influence politique et commerciale des uns aux dépens des autres… mais, avec cela, ils oublient les jugements de Dieu. Il leur semble que, de Sa part, ils n’auront rien à craindre, et que Dieu est trop bon pour leur en vouloir. Sans doute, disent-ils, nous avons trop vécu dans l’oubli de ses lois ; prenons des « résolutions viriles » ; introduisons des réformes dans notre existence ; hâtons-nous de reconnaître nos faiblesses, afin que « le Dieu des armées » soit pour nous et que nous puissions accomplir nos desseins. Il nous aidera si nous lui faisons les concessions qu’Il est en droit d’attendre de nous.

Ce langage, pour n’être pas peut-être dans la bouche des hommes, n’en est pas moins certainement dans leur cœur. Ils oublient deux choses : d’abord, que le péché exclut tout homme, qu’il professe ou non le christianisme, de la présence de Dieu et de relations avec Lui ; ensuite, que tout pécheur n’a pas autre chose à attendre que le jugement. Suffit-il, pour être sauvé, d’être né dans un pays chrétien ? Pour gagner la faveur de Dieu, suffit-il de réformer sa vie ? Est-ce à ce prix que Dieu se fera le serviteur de notre volonté, de nos passions, de notre orgueil ? Ou bien sommes-nous des pécheurs perdus, ne méritant autre chose que le jugement, et n’avons-nous d’autre moyen d’y échapper que la repentance et la foi dans le Sauveur ?

Il est parfaitement vrai que Dieu est amour. Il l’a montré en envoyant dans ce monde son Fils unique comme Sauveur : « Dieu a tant aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean 3, 16). Pendant les dix-neuf siècles qui viennent de s’écouler, Dieu n’a cessé de travailler pour rendre les hommes attentifs au salut gratuit qu’il leur offre. Ce temps est appelé à juste titre « le temps de la grâce ». Même le titre de votre almanach vous le dit : Nous sommes encore en « l’an de grâce 1914 ».

Mais qui donc, cher lecteur, a prêté l’oreille à la voix de ce Dieu d’amour ? Quel cas le monde fait-il de l’évangile qui annonce que le Dieu d’amour, afin de sauver du jugement les coupables qui l’ont mérité, l’a fait tomber, à la croix, sur son Fils bien-aimé ?

Vous êtes-vous contenté jusqu’ici de la profession extérieure du christianisme ? Vous mettra-t-elle à l’abri du jugement de Dieu ? Le monde s’en contente, et, chose pire encore, cette profession s’accommode, de nos jours, d’un scepticisme qui conduira les hommes, à bref délai, à l’apostasie, c’est-à-dire au rejet complet de toute vraie religion. Ne vous abusez pas : si la forme extérieure du christianisme a été plus ou moins conservée jusqu’ici, elle n’empêche nullement les hommes de jouir à leur gré de tout ce que le monde leur offre : « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie » (1 Jean 2, 16). Au lieu de mener deuil et de se repentir, si ce n’est occasionnellement et pour la forme, le monde se vante des progrès d’une civilisation, influencée sans doute par le christianisme, mais dont le vernis superficiel recouvre et cache le véritable état du cœur de l’homme. Cet état, nous le voyons aujourd’hui briser subitement son enveloppe fragile et se dévoiler dans toute sa brutalité, ses rages et ses atrocités, au milieu des massacres de la guerre actuelle.

Et cependant, Dieu se sert même de tout ce mal : il travaille, en le mettant à découvert, à dépouiller les hommes des illusions qu’ils s’étaient faites sur leur propre état, sur celui du monde, et sur le caractère de Dieu. En laissant le mal se manifester, il veut ouvrir les yeux des hommes, réveiller leur conscience et produire chez eux le besoin de salut. De plus, il leur retire subitement une prospérité qu’ils croyaient inébranlable, selon qu’il est dit : « Tu as caché ta face ; j’ai été épouvanté » (Ps. 30, 7) et détruit ainsi la base même de leur confiance, afin qu’ils se réfugient auprès de Lui. Peut-être espèrent-ils, une fois l’orage passé, retrouver la prospérité perdue. La chose est possible, mais Dieu les arrête et leur dit : « Que profitera-t-il à un homme s’il gagne le monde entier, et qu’il fasse la perte de son âme ; ou que donnera l’homme en échange de son âme ? » (Matt. 16, 26).

Si les choses présentes ont plus de prix pour vous que le salut de votre âme, cher lecteur, songez-y sérieusement : Votre vie dans ce monde est de courte durée, la mort arrive une fois, qu’elle se termine subitement sur un champ de bataille ou au sein de la famille, car « il est réservé aux hommes de mourir une fois, et après cela le jugement » (Héb. 9, 27).

Le jugement ! Il est, pour le pécheur, aussi inévitable que la mort, dont il est la conséquence nécessaire ; car Dieu est un Dieu juste. Mais remarquez que c’est précisément en rapport avec le jugement que l’amour de Dieu a été manifesté. C’est pour épargner des coupables que Dieu a fait tomber à la croix le jugement sur son propre Fils. Sa justice ayant été satisfaite au sujet du péché, Dieu, dans son amour, offre maintenant à tout croyant le pardon, le salut, la vie, un bonheur actuel et éternel que le monde ne connaît pas. Pour celui qui croit, le jugement est passé ; la mort et son prince ont été vaincus par la mort de Christ (1 Cor. 15, 55 ; Héb. 2, 14). Le « roi des terreurs » est devenu « un gain » (Job 18, 14 ; Phil. 1, 21).

Grâces à Dieu, le jour actuel, malgré les châtiments terribles qui s’abattent sur le monde, n’est pas le jour du jugement ; il est encore le jour de la grâce, pendant lequel Dieu offre à tous les hommes le salut, par la foi en l’œuvre expiatoire de Christ. Mais, cher lecteur, si, fondés sur la Parole de Dieu, nous pouvons affirmer cela, nous pouvons tout aussi sûrement vous dire que le temps de la grâce ne durera pas toujours, que la fin de cette période est très proche, que nous en avons déjà sous les yeux les signes avant-coureurs. Le commencement des douleurs de la fin s’annoncera par les mêmes événements qu’aujourd’hui : « Nation s’élèvera contre nation et royaume contre royaume » (Matt. 24, 7) — mais alors, il ne sera plus possible aux hommes qui ont fait une vaine profession de christianisme d’être sauvés. Le jour de la grâce aura pris fin.

Ne tardez pas ! Les heures sont comptées : « la fin de toutes choses est proche » [1 Pier. 4, 7], mais quelque terribles que soient les événements actuels, ce n’est pas, comme plusieurs de ceux qui en sont atteints le pensent, la fin du monde. La fin du monde arrivera aussi, car « le ciel et la terre passeront » (Matt. 24, 35 ; 2 Pier. 3, 10), mais seulement après le règne glorieux de Christ sur la terre. Avant ce règne, quand le jour de grâce sera terminé, une période de jugements terribles aura lieu, auxquels ce qui se passe aujourd’hui sous nos yeux, tout affreux que ce soit, ne peut être comparé. « Alors ils se mettront à dire aux montagnes : Tombez sur nous ; et aux coteaux : Couvrez-nous ! » (Luc 23, 30). « Tenez-nous cachés de devant la face de Celui qui est assis sur le trône, et de devant la colère de l’Agneau ! » (Apoc. 6, 16). Cher lecteur, profitez, je vous en supplie, du jour de grâce qui dure encore aujourd’hui, et peut-être ne durera pas demain. « Écoutez et votre âme vivra » [És. 55, 3]. Fuyez « la colère à venir » [Matt. 3, 7], devant laquelle ceux qui n’ont que la profession chrétienne ne pourront subsister !

Dieu vous fait entrevoir aujourd’hui, par les événements dont nous sommes témoins, ce que sera la fin du temps pendant lequel Dieu sauve quiconque croit à l’évangile. Il nous fait sentir l’instabilité des choses les mieux établies ici-bas ; il nous montre qu’on ne peut y mettre sa confiance, car les fondements les plus sûrs seront détruits (Ps. 11, 3) ; il nous appelle à recourir à Lui, à nous confier en sa Parole de grâce et de vérité, si nous voulons être en sécurité pour le présent et pour l’avenir. Il ne suffit pas d’être impressionné par les événements ; il faut revenir à la Parole de Dieu et la croire, afin de trouver la paix avec le Dieu que nous avons offensé par nos péchés.

C’est en lisant cette Bible, si méconnue et si méprisée de nos jours, que nous trouverons la bonne part, la seule chose nécessaire pour être heureux, car c’est dans ce livre que Dieu se révèle au pécheur comme un Dieu juste, mais dont la justice a été satisfaite par le sacrifice de l’Agneau offert par Son amour. C’est en lisant la Bible que vous connaîtrez ce qui arrivera au monde quand les temps actuels auront pris fin : les jugements qui tomberont sur ceux qui n’auront pas « cru à la vérité », qui n’auront « pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés » (2 Thess. 2, 10-12). Ces jugements purifieront la terre de tout le mal qui la remplit, afin de la préparer pour le beau règne futur de Christ, annoncé par les prophètes.

Jésus reviendra. Le temps de sa réjection ne durera pas à toujours. Dieu lui a dit : « Assieds-toi à ma droite jusqu’à ce que je mette tes ennemis pour le marchepied de tes pieds » (Ps. 110, 1). Il est encore assis, prenant patience pour offrir la grâce à tous, mais, nous le répétons, la patience aura un terme, et nous approchons de ce terme. C’est pourquoi « Dieu ordonne maintenant aux hommes que tous, en tous lieux, ils se repentent, parce qu’il a établi un jour auquel il doit juger en justice la terre habitée par l’homme qu’il a destiné à cela, de quoi il a donné une preuve certaine à tous, l’ayant ressuscité d’entre les morts » (Act. 17, 30-31).

« Voici, c’est maintenant le temps agréable ; voici, c’est maintenant le jour du salut ! » (2 Cor. 6, 2).

« Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs ! » (Héb. 4, 7).