Soyez mes imitateurs

S. Prod’hom

Deux fois, dans la première épître aux Corinthiens, chapitre 4, 16 et 11, 1, l’apôtre Paul invite les saints à être ses imitateurs. Il dit aussi aux Philippiens, chapitre 3, 17 : « Soyez tous ensemble mes imitateurs, frères, et portez vos regards sur ceux qui marchent ainsi suivant le modèle que vous avez en nous ». En exhortant les saints à être ses imitateurs, l’apôtre parle dans une vraie humilité, car il vivait assez près du Seigneur pour que son moi disparût devant Lui, et il ne cherchait nullement à se donner de l’importance au détriment de son Maître.

Mais il est utile de considérer en quoi l’apôtre se donne comme modèle, dans ces trois passages.

Dans le premier, 1 Corinthiens 4, 16, après avoir montré aux Corinthiens leur état charnel et la manière dont, à l’exemple des écoles des philosophes, ils considéraient les serviteurs de Dieu et Christ Lui-même comme chefs de sectes, il leur dit : « Je vous supplie donc d’être mes imitateurs ». En s’attachant exclusivement à l’un ou à l’autre des serviteurs de Christ, ils se privaient de ce que le Seigneur avait donné à chacun d’eux pour l’édification des saints. En effet, si les dons diffèrent, ils font toutefois partie d’un ensemble et présentent chacun une portion d’un corps de doctrine, l’ensemble de la vérité chrétienne, dont on ne peut rien distraire sans occasionner aux âmes une perte souvent irréparable. L’état actuel de la chrétienté en est le témoin. Au début, les saints « persévéraient dans la doctrine et la communion des apôtres » (Act. 2, 42), c’est-à-dire dans l’ensemble de l’enseignement donné par eux ; et nous avons le même devoir aujourd’hui.

Le fait que les Corinthiens se privaient des bénédictions que le Seigneur avait données à l’Église par le moyen de tous Ses serviteurs, et prétendaient suivre exclusivement Paul, ou Apollos, ou Céphas, ou même Christ, empêchait leur développement spirituel de s’effectuer normalement. Devenus charnels, et agissant comme les hommes charnels, ils étaient tout préparés à recevoir d’autres maîtres qui leur apporteraient un enseignement opposé à celui qu’ils avaient reçu de Paul. Or, dès que l’on n’accepte qu’une partie de la vérité, l’ennemi en profite pour substituer à la partie négligée un enseignement d’hommes qui ne peut être qu’erroné. Un enseignement qui méconnaît une partie quelconque de la vérité, laisse donc toujours la porte ouverte à l’erreur ; et l’erreur elle-même donne toujours carrière à l’activité de la chair ; l’orgueil se développe, avec lui l’esprit sectaire, « on s’enfle pour l’un contre un autre » (1 Cor. 4, 6). N’est-ce pas ce dont nous sommes témoins aujourd’hui ? N’entend-on pas dire : « Paul a dit ceci ; Jean a parlé autrement » ; ou bien : « Pour moi, je retiens ce que Jésus a dit », et ainsi, le chrétien ne prend de la vérité que ce qui est conforme à ses propres pensées, mises au niveau, si ce n’est au-dessus, de la Parole de Dieu.

La vérité retenue partiellement avait exposé les Corinthiens aux enseignements de faux docteurs. Ces derniers s’accréditaient auprès d’eux en flattant et cultivant leur chair ; ils les détournaient de l’apôtre en se faisant paraître comme supérieurs à lui. Et ainsi, s’élevant eux-même, ils élevaient dans leur propre estime ceux qui les écoutaient. Ces derniers, après avoir d’abord appris selon la vérité du christianisme, que la chair n’a aucune place dans ce dernier, et que l’homme a trouvé sa fin à la croix, paraissaient maintenant tout heureux de retrouver une place dans le monde auquel Paul était crucifié. Voici maintenant qu’ils s’élevaient, se glorifiaient, étaient rassasiés, régnaient déjà en quelque sorte au milieu d’un état de choses absolument opposé à Christ, avaient enfin perdu le caractère chrétien dans un monde qui avait rejeté leur Sauveur, tandis que l’apôtre et ses collaborateurs qui leur avaient annoncé Christ crucifié, étaient comme fous pour l’amour de Christ, dans la faiblesse, le mépris, souffrant la faim, la soif, nus, souffletés, injuriés, persécutés, calomniés, réduits à être comme les balayures du monde. Tel était, extérieurement, de la part du monde que les Corinthiens n’avaient pas renié, le grand apôtre qui les avait engendrés dans le Christ Jésus. Cette place est celle que Christ a occupée et que le monde donne à ceux qui réalisent la même vie céleste que Lui, une vie de forain et d’étranger ici-bas. Le christianisme tel que Paul l’enseignait et le pratiquait, était incompatible avec la gloire de ce monde. L’apôtre avait tout quitté pour Christ, il avait abandonné tous ses avantages en vue de Celui qu’il servait et savait devoir les retrouver tous dans le jour glorieux où son Seigneur occuperait la première place (2 Tim. 1, 12) ; mais, en attendant, il ne voulait d’autre part, dans ce monde, que celle de son Seigneur et de tout croyant avec Lui. Il savait que lorsque Christ régnerait, il régnerait aussi avec Lui, mais il ne voulait rien sans Lui.

On comprend l’effet que devait produire sur ce fidèle serviteur de Christ, l’état des Corinthiens, si opposé au vrai caractère chrétien. Il ne pouvait supporter de voir ceux qui étaient rachetés par les souffrances de son divin Maître, satisfaire, ne fût-ce que religieusement, une chair qui n’a aucune place dans le christianisme. Il ne reconnaissait plus ceux qu’il avait engendrés, et cependant lui était leur père, et eux le résultat de son ministère à Corinthe ; il leur avait prêché Christ, et Christ crucifié ; « Christ avait parlé en lui » ; « Christ était en eux » (2 Cor. 13, 5-6). Comment avaient-ils pu tomber si bas que de trouver leur satisfaction dans la gloire d’un monde tellement opposé aux caractères de Christ ? Aussi leur dit-il : « Je vous supplie donc d’être mes imitateurs ». Comme un père fidèle et pieux désire que ses enfants lui ressemblent, Paul le désirait pour eux. Les dix mille maîtres qu’ils écoutaient leur enseignaient à imiter l’homme charnel qui a sa part dans ce monde, tandis que l’apôtre les avait engendrés par la parole de la vérité, qui place l’homme et tout ce qui le caractérise sous la sentence de mort, et fait vivre l’homme nouveau de la vie de Christ. Paul avait été au milieu d’eux l’exemple de ce qu’il enseignait. Vivant de la vie de Christ, il renonçait d’un côté à tout ce qui est du monde, et souffrait tout ce que l’on peut souffrir au milieu d’un état de choses hostile à Christ ; il vivait d’un autre côté dans la contemplation d’un objet souverain, le même qui avait rempli son cœur de joie et sa bouche de louanges dans la prison de Philippes. Aussi l’apôtre suppliait les Corinthiens d’être ses imitateurs, afin qu’ils pussent jouir de la même part que lui.

N’éprouvons-nous pas le besoin d’imiter l’apôtre ? Ses paroles ne nous montrent-elles pas que nous le faisons bien imparfaitement ? Cherchons-nous, au contraire, dans une mesure quelconque, à avoir une place dans ce monde, et à en retirer quelque honneur ? Sans doute, nous ne mondanisons pas tous de la même manière ; mais nous sacrifions facilement une partie de ce qui nous met à part du monde, pour laisser la porte ouverte à quelque satisfaction du moi. Le moi ne peut être satisfait que par ce qui est du monde, sous quelque forme que ce soit. La vérité reçue dans son entier n’en laisse rien subsister. C’est la mort. C’est pourquoi l’apôtre dit aux Philippiens : « Prenez garde à la concision ; car nous sommes la circoncision, nous qui rendons culte par l’Esprit de Dieu, et qui nous glorifions dans le Christ Jésus, et qui n’avons point de confiance en la chair ». Sans que l’on s’en doute, toute vérité négligée quant à la doctrine ou la pratique favorise l’activité de la chair. Plus le chrétien marchera strictement dans la vérité, plus il sera séparé du monde, et ce dernier, au lieu de l’attirer, lui fera sentir combien il est opposé à Christ.

Nous aussi, comme les Corinthiens, nous avons beaucoup reçu du ministère de l’apôtre Paul ; écoutons sa supplication : « Soyez mes imitateurs » !

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Le premier verset du chapitre 11 se rattache à l’enseignement de la seconde partie du chapitre 10. Après avoir montré que le croyant ne peut être en communion avec les idoles, et avec ce qui déshonore le Seigneur et souille Sa table, l’apôtre revient sur ce sujet déjà traité au chapitre 8 et donne quelques exhortations nécessaires aux Corinthiens, qui étaient constamment en contact avec le paganisme. Il établit comme principe que ce qui doit diriger le croyant au milieu de ses frères, dans tout ce que lui-même serait libre, sans cela, de faire devant Dieu, n’est pas la recherche de son propre intérêt, mais de l’intérêt d’autrui (v. 24).

Les uns plus avancés en connaissance que d’autres, savaient qu’une idole n’est rien, et ils mangeaient librement de la viande achetée à la boucherie, sans s’enquérir si, avant d’être mise en vente, elle avait été présentée à l’idole. Mais d’autres, croyant que l’idole est quelque chose, s’abstenaient de manger afin de ne pas commettre un acte qui, selon eux, était une participation à l’idolâtrie. En attendant que la conscience d’un frère faible fût éclairée, il fallait que le frère plus avancé la respectât et ne scandalisât pas son frère par un acte qu’il aurait été libre d’accomplir devant Dieu, mais que son frère croyait être mauvais. L’apôtre dit : « Toutes choses sont permises, mais toutes ne sont pas avantageuses ; toutes choses sont permises, mais toutes n’édifient pas » (v. 23). — Il va sans dire que ces mots : « toutes choses » sont celles qui peuvent être faites sous le regard de Dieu, et non celles qui sont le fruit de notre propre volonté. Il faut donc ne pas penser à soi, mais à son frère, afin de ne pas le scandaliser, en étant pour lui une occasion de chute. Au chapitre 8, l’apôtre montre combien il est sérieux de se servir de sa liberté pour faire tel ou tel acte, sans se préoccuper de l’effet qu’il produira sur un frère faible. En voyant son frère plus avancé se permettre ce que lui n’aurait pas la liberté de faire, ce frère faible est entraîné à l’imiter contre la voix de sa conscience qui l’accuse, et ainsi, étant souillé, il pèche. L’apôtre dit : « Le frère qui est faible périra par ta connaissance » (v. 11). Donc, l’engager à pécher par l’exemple qu’on lui donne, c’est le faire périr ; c’est le placer sur le chemin de la mort, car il ne peut y avoir d’autres conséquences du péché, que la mort. Rien ne peut être plus opposé à la pensée de Dieu et à l’œuvre de la croix, que de placer un frère pour lequel Christ est mort, sur une telle voie. La chose est extrêmement sérieuse, et pourtant, c’est ce que nous faisons chaque fois que, par un acte quelconque, nous engageons un racheté du Seigneur à pécher. L’apôtre ne veut pas dire que ce frère est perdu après avoir été au bénéfice de la mort de Christ, mais il montre où le péché aboutit pour celui qui le commet. Il dit ailleurs : « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez » (Rom. 8, 13). De même, le Seigneur dit : « Quiconque est une occasion de chute pour un de ces petits qui croient en moi, il serait avantageux pour lui qu’on lui eût pendu au cou une meule d’âne et qu’il eût été noyé dans les profondeurs de la mer » (Matt. 18, 6). Dans ce passage, il s’agit de la gravité du péché pour celui qui est une occasion de chute.

Nous devons mesurer tous nos actes selon la mesure divine qui nous est donnée par la Parole, et les considérer comme Dieu les considère, sans en amoindrir la gravité en invoquant la grâce ; mais il nous faut avoir une sainte frayeur du mal, au lieu de nous familiariser avec lui. Ayons toujours à cœur le bien de nos frères, surtout des jeunes, et ne faisons rien qui les scandalise, puisque le péché a de si graves conséquences pour les uns et pour les autres.

Au chapitre 10, l’apôtre montre qu’il ne faut devenir une cause d’achoppement pour personne. Nous pouvons avoir à faire chaque jour l’application de ce principe important, non seulement avec nos frères en Christ, mais avec chaque homme : « Ne devenez une pierre d’achoppement ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l’Assemblée de Dieu » (v. 32). Si, par exemple, un chrétien est affranchi de telle ou telle habitude, surtout en matière religieuse, et que d’autres puissent la tenir pour sacrée, il ne doit pas scandaliser ces derniers en ne tenant pas compte de leurs scrupules, lors même que, devant Dieu, il serait entièrement libre d’agir autrement.

L’apôtre place devant les Corinthiens et devant nous aujourd’hui, un principe aussi simple qu’important à retenir pour notre conduite en toutes circonstances : « Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que ce soit que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (v. 31). Un frère pouvait dire : « Je mange pour la gloire de Dieu, je sais que l’idole n’est qu’une matière inerte » ; mais s’il entraîne son frère à pécher, sera-ce pour la gloire de Dieu ? On ne peut chercher la gloire de Dieu au détriment du bien de son frère. Il faut, comme dit l’apôtre, chercher, non son avantage propre, mais celui du grand nombre. Agir de cette manière, c’est agir dans l’amour. L’amour cherche toujours le bien d’autrui ; il se dépense, se dévoue, ne pense jamais à soi. Tel est le propre de la nature divine dans toute son activité. Dieu est amour. C’est à cause de Son grand amour qu’Il nous a aimés ; non à cause de ce que nous étions. Cet amour a eu son expression dans la personne du Seigneur ici-bas. Il s’est abaissé jusqu’à nous, Il est venu nous servir. « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert, dit le Seigneur » (Luc 22, 27). Il dit aussi : « Quiconque voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et quiconque d’entre vous voudra devenir le premier, sera l’esclave de tous. Car aussi le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs » (Marc 10, 43-45). Tel était le modèle parfait que Paul avait devant lui ; aussi pouvait-il dire : « Or moi, très volontiers, je dépenserai et serai entièrement dépensé pour vos âmes, si même, vous aimant beaucoup plus, je devais être moins aimé » (2 Cor. 12, 15). Le Seigneur a tout fait pour la gloire de Dieu ; Paul en agissait de même. C’est pourquoi il dit : « Soyez mes imitateurs, comme moi aussi, je le suis de Christ ». Il ne voulait pas dire qu’il ne péchait pas, car cela ne peut se dire que de Christ ; mais il agissait toujours selon les mêmes principes que le Seigneur, recherchant le bien de tous, entièrement dévoué, et ne pensant jamais à lui-même. Si le Seigneur avait pensé un seul instant à Lui-même, Il ne serait pas resté dans ce monde, et nous aurions tous été perdus. L’apôtre avait été envoyé pour évangéliser, afin que le grand nombre dont il parle au verset 33 fût sauvé. Il suivait de près les traces de son Maître, dans une recherche constante du salut de tous et de la gloire de Dieu.

Écoutons cet appel de l’apôtre ; il s’adresse à tous les croyants d’aujourd’hui : « Soyez mes imitateurs, comme moi aussi je le suis de Christ ». Marchons-nous comme si nous étions seuls, ou comme étant membres les uns des autres ? Nous devons toujours penser que notre marche et tous nos actes ont une répercussion en bien ou en mal sur les uns et les autres. Le mobile qui doit nous faire agir est la gloire de Dieu ; elle ne peut que se lier au bien de nos frères. Si nous sommes libres de faire telle ou telle chose, d’aller entendre celui-ci ou celui-là, d’aller dans tel ou tel lieu, sommes-nous certains que ce sera en bénédiction à ceux qui nous observent, qu’ils soient chrétiens ou pas ? N’oublions pas que d’autres considèrent notre marche, non seulement pour faire ce que nous faisons, mais, hélas ! aussi, pour s’autoriser à faire plus mal que nous. C’est pourquoi, si nous pensons à leur bien, nous nous abstiendrons de faire ce qui peut leur être nuisible, nous souvenant des paroles de l’apôtre : « Soyez mes imitateurs, comme moi aussi je le suis de Christ ».

Au chapitre 3 de l’épître aux Philippiens, comme dans les deux passages de la première aux Corinthiens dont nous venons de parler, l’apôtre exhorte les saints à être tous ensemble ses imitateurs en rapport avec les vérités qu’il vient de leur présenter.

Dans cette épître, il ne s’agit pas d’imiter Paul reproduisant certains caractères de Christ ; mais de l’imiter dans la course qui a pour objet d’atteindre Christ. Au chapitre 2, le Seigneur est le modèle : c’est Lui qu’il faut reproduire en s’abaissant toujours davantage dans le chemin de l’obéissance ; mais au chapitre 3, Christ dans la gloire est le but à atteindre, et Paul courait en tête des autres.

L’apôtre, selon la parole d’Ananias (Act. 22, 14), avait été « choisi d’avance pour voir le juste et entendre une voix de sa bouche ». Lui seul avait vu le Seigneur dans la gloire, à lui seul avait été révélée la position céleste du croyant en union avec Christ et les grandes vérités de l’Église. Renversé sur le chemin de Damas par la vue de la gloire du Seigneur, tout son judaïsme avait disparu, avec les avantages qui en découlaient pour lui. Dès lors, il n’avait plus eu devant les yeux que Christ dans la gloire comme but et comme expression de la position céleste de tout croyant, et de la perfection qui ne sera atteinte qu’alors. Jusque-là, il courait pour la saisir. Il avait fait la perte de tous ses avantages religieux charnels, remplacés désormais par Christ et par ce qu’il possédait en Lui. Il considérait comme une perte ce qui aurait pu prendre dans son cœur une place qui appartenait à Christ seul. Tout ce qui, dans ce monde, avait le plus de valeur, était considéré par lui comme des ordures à cause de l’excellence de la connaissance du Christ Jésus, son Seigneur. Il voulait Le gagner, comme un coureur dans la lice voulait être le premier à remporter le prix. Il aspirait à être trouvé en Lui, dans la gloire, non avec sa justice, à laquelle il avait employé toute sa vie jusqu’à sa conversion, mais avec la justice qui est de Dieu, moyennant la foi, et dont il avait vu le tableau en Christ glorifié. Il ne pouvait être satisfait que lorsqu’il serait là, semblable à son Seigneur. Pour y arriver, il désirait suivre le chemin suivi par Christ et qui, à travers les souffrances et la mort, avait abouti dans la gloire où Paul avait vu le Seigneur. Dans ce chemin de souffrance, il désirait le connaître Lui et la puissance de Sa résurrection, qui le rendrait capable de Le suivre et d’arriver au même but que Lui. La vue de Christ dans la gloire avait une telle influence sur son cœur, et Sa personne une si grande valeur, qu’au lieu de reculer en chemin devant les souffrances, il désirait en connaître la communion en endurant les mêmes souffrances que Christ ici-bas — sauf, cela va sans dire, les souffrances expiatoires qui ne sont la part que de Christ tout seul — et s’il le fallait, en passant par la mort pour parvenir à la résurrection d’entre les morts.

Tant que l’apôtre était dans ce monde, il n’avait pas atteint le but ; il n’était pas parvenu à la perfection, qui consiste à être semblable à Christ glorifié. Mais ayant été saisi par Christ, il cherchait à Le saisir. Le but était toujours devant lui tel qu’il l’avait vu sur le chemin de Damas. Il ne s’en laissait détourner par quoi que ce fût. Il faisait une seule chose : « laissant les choses qui sont derrière ». Il ne perdait pas son temps, ne s’appesantissait pas sur ses souffrances, ne contemplait pas non plus ses propres progrès, car tout ce qui l’arrêtait n’était que perte. Ce n’est pas qu’il ne se présentât pas de difficultés sur la route, mais il tendait avec effort vers les choses qui sont devant ; son énergie était alimentée par la contemplation de la glorieuse personne de son Seigneur, qu’il allait atteindre comme prix de l’appel céleste de Dieu. Il courait droit au but, ne connaissant ici-bas que l’énergie à déployer pour aller en avant.

Tous n’en étaient pas là ; tous n’avaient pas compris leur position céleste en Christ, ce que l’apôtre appelle « être parfait » ; tous n’avaient pas devant eux un but aussi clair que celui de l’apôtre. Quant à ceux qui avaient compris le vrai caractère chrétien, ils devaient avoir, à cet égard, un même sentiment que lui ; et ceux qui avaient un autre sentiment quant à la position chrétienne, et pouvaient être exposés aux enseignements contraires, Paul les mettait en garde. Au verset 15, il comptait sur Dieu afin qu’Il leur révélât ce qui leur manquait. Jusque-là, ils devaient marcher ensemble dans le même sentier. Les uns, n’ayant pas fait de progrès, restaient en arrière, le but de la course n’étant pas clair à leurs yeux ; ils en restaient peut-être à la connaissance d’un Christ mort pour eux, sans avoir saisi ce qui résultait pour eux de Sa résurrection et de Sa glorification. Mais ils étaient sur le même chemin que Paul. Ce chemin a la croix pour point de départ, il n’y en a pas d’autre ; mais eux restaient en arrière de l’apôtre et de ceux qui marchaient comme lui. C’est pourquoi tous devaient porter leurs regards sur l’apôtre, l’imiter, le suivre, afin de ne pas se détourner du but si glorieux qu’il avait placé devant eux. En faisant ainsi, ils ne se détournaient pas de Christ, car, ayant les yeux dirigés sur Paul, ils voyaient Christ devant lui, et avaient tous le même but à atteindre.

Cet appel à suivre Paul et ceux qui marchaient d’après le modèle qu’ils avaient en lui, a toute son actualité pour nous. Alors Paul était au début de l’appel de l’Église ; aujourd’hui, nous touchons au terme de son existence ici-bas et, comme dit un cantique :

Irions-nous faire une halte inutile
Lorsque le but est si près d’être atteint ?

Nous avons été réveillés par le cri : « Voici l’Époux, sortez à sa rencontre ». Le Seigneur dans la gloire, les vérités relatives à notre position céleste, les privilèges chrétiens, ont été placés devant nous, comme ils ne le furent jamais depuis le temps qui suivit les apôtres. Tout ce qu’il est possible de connaître pour marcher à la hauteur de notre vocation a été mis en lumière. Si nous sommes ignorants, c’est que nous ne faisons pas usage des nombreux écrits que le Seigneur nous a donnés par les serviteurs qu’Il s’est suscité alors qu’Il réveillait l’Église de son sommeil. Si, d’autre part, nous connaissons ces précieuses vérités, qu’en faisons-nous pour notre marche ? Soyons tous ensemble les imitateurs de l’apôtre dans notre vie chrétienne, présentée dans ce chapitre sous la figure d’une course avec un but à atteindre. Mais ne nous considérons-nous pas plutôt comme ayant le privilège d’être en règle avec Dieu au sujet de nos péchés, et pouvant attendre la mort sans effroi, ou bien encore comme étant sûrs d’être enlevés à la rencontre du Seigneur quand Il viendra ? En attendant l’une ou l’autre de ces alternatives, nous nous arrangeons de notre mieux ici-bas, ou tout au moins cherchons-nous à n’y pas être trop mal. Sans que nous nous en doutions peut-être, souvent avec la meilleure intention d’une marche pieuse, toute espèce de choses visibles s’emparent de nos cœurs, et nos regards, au lieu d’être dirigés vers Christ dans la gloire, s’arrêtent aux choses qui se voient, et qui ne sont que pour un temps, aux choses qui sont une perte en ce qu’elles nous voilent Christ. De cette manière, nous perdons de vue notre caractère céleste, ou bien nous le réalisons peu. On ne voit souvent guère de différence entre un chrétien et un honnête homme du monde ; et même, hélas ! cette différence existe-t-elle toujours ?

Réveillons-nous pour imiter l’apôtre, ainsi que nous l’avons vu dans ces trois passages. Dans le premier, 1 Corinthiens 4, 16, en ne voulant dans ce monde, ni au point de vue religieux, ni à tout autre égard, aucune gloire, aucun honneur, aucune place ; en ne cherchant l’approbation que du Seigneur, en acceptant Son opprobre comme la gloire la plus élevée ici-bas, en attendant Son apparition où cette gloire sera publiquement manifestée.

Quant au second passage, 1 Corinthiens 11, 1, soyons imitateurs de Paul comme il l’était de Christ, dans la recherche continuelle des avantages de nos frères et dans l’accomplissement du service auquel le Seigneur nous appelle, faisant tout pour la gloire de Dieu, dans une vie de dévouement, d’abnégation, dont le modèle parfait, imité par Paul, est Christ Lui-même.

Pour pratiquer ce renoncement à nous-mêmes et rechercher le bien d’autrui, pour n’accepter aucune gloire de ce monde, il nous faut avoir devant les yeux le but glorieux placé devant nous dans le chapitre 3 des Philippiens. La personne du Seigneur, objet du cœur, absorbant les affections, ne laisse plus place pour autre chose. On peut alors fournir la course libre de toute entrave, jugeant comme une perte ce qui prend la place de Christ. On peut estimer comme des ordures ce qui a tant de prix pour le cœur naturel, quand le Seigneur n’est pas devant les regards de la foi, mais nous prive de bénédictions éternelles.

La Parole a soin de nous donner des exemples, afin que nous ne croyions pas que pour imiter l’apôtre et le Seigneur, il faut être avancé dans la connaissance des choses de Dieu, ou être de vieux chrétiens, ou avoir des dons spirituels spéciaux. Les seuls croyants auxquels l’apôtre dise qu’ils étaient devenus ses imitateurs et ceux du Seigneur, étaient de tout jeunes chrétiens. C’est ce que nous voyons au chapitre 1 de la première épître aux Thessaloniciens. En recevant la Parole de Dieu, ils avaient, comme l’apôtre, subi de grandes tribulations. Ce qui caractérisait leur vie chrétienne, c’était la foi, l’amour et l’espérance, sources de toute leur activité. Ils attendaient réellement le Seigneur. Par l’entière réalisation de leur christianisme, ils étaient les imitateurs de l’apôtre et du Seigneur ; ils étaient devenus des modèles pour ceux qui croyaient dans la Macédoine et dans l’Achaïe, où l’apôtre avait séjourné plus longtemps qu’à Thessalonique.

Nous ne pouvons donc invoquer notre manque de connaissance, notre peu d’intelligence, notre jeune âge dans la foi, pour être empêchés d’imiter l’apôtre et le Seigneur Lui-même. La Parole nous dit le contraire, car nous voyons que plus tard, ces mêmes Thessaloniciens imitaient moins l’apôtre qu’à leur début, et la seconde épître nous montre qu’il y avait au milieu d’eux un peu de relâchement. L’apôtre les engage à l’imiter. Il leur dit : « Car vous savez vous-mêmes comment il faut que vous nous imitiez ; car nous n’avons pas marché dans le désordre au milieu de vous, ni n’avons mangé du pain gratuitement chez personne, mais dans la peine et le labeur, travaillant nuit et jour pour n’être à charge à personne » (2 Thess. 3, 7-8). Combien la Parole de Dieu est admirable et parfaite ! Dieu, en plaçant devant nous un modèle à imiter tel que l’apôtre, n’a pas voulu nous faire penser que la vie chrétienne soit une vie contemplative ou mystique, ou que la jouissance du Seigneur nous mette en extase en nous soustrayant aux conditions de la vie humaine. Si l’apôtre offre l’exemple d’une vie chrétienne entièrement absorbée par la personne du Seigneur, il montre aussi que cette vie se réalise dans les conditions naturelles de l’humanité, et que travailler de ses propres mains est un devoir auquel le chrétien ne peut se soustraire sans désobéir à Dieu. C’est dans ce travail que nous pouvons manifester le caractère du Seigneur, en le faisant pour Lui et non en vue de nous-mêmes. Comme nous l’avons vu en 1 Corinthiens 10, 31 : « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que ce soit que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu ». De même, en Colossiens 3, 17, nous lisons : « Et quelque chose que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, rendant grâces par lui à Dieu le Père ». Ainsi, qui que nous soyons, quelles que soient nos occupations, ou notre âge dans la vie chrétienne, ou nos progrès spirituels, nous sommes tous appelés à être les imitateurs du Seigneur en imitant l’apôtre. Car nous avons les mêmes ressources que lui, le grand apôtre des nations : la vie divine, le Saint Esprit et la Parole de Dieu. Le Seigneur vient !

Le temps fuit, le jour approche,
Qu’en nous tout montre Jésus ;
Qu’Il nous trouve sans reproche,
Et publiant Ses vertus.