Sur l’usage des dons

S. Prod’hom

Le Seigneur a donné, du sein de la gloire, les dons nécessaires à Son Église jusqu’à Son retour : « Jusqu’à ce que nous parvenions tous, comme il est dit, à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’hommes faits, à la mesure de la stature de la plénitude du Christ : afin que nous ne soyons plus de petits enfants ballottés et emportés çà et là par tout vent de doctrine dans la tromperie des hommes, dans leur habileté à user de voies détournées pour égarer ; mais que, étant vrais dans l’amour, nous croissions en toutes choses jusqu’à lui qui est le chef, le Christ ; duquel tout le corps, bien ajusté et lié ensemble par chaque jointure du fournissement, produit, selon l’opération de chaque partie dans sa mesure, l’accroissement du corps pour l’édification de lui-même en amour » (Éph. 4, 13-16). Le lecteur dira peut-être : « Si le Seigneur a accordé les dons avec le but décrit dans ces passages, comment se fait-il qu’ils donnent si peu de résultats ? ». En effet, c’est une chose bien triste de constater qu’il en est ainsi. Seulement il ne faut pas en chercher la cause dans ce que le Seigneur a donné ; mais plutôt dans le fait que les croyants n’ont pas été soumis à Sa Parole pour la mettre en pratique. Un homme pourrait vivre dans la pauvreté tout en possédant une grande fortune, à laquelle il ne puise pas. Toutes les ressources divines pour une marche individuelle et collective sont aussi abondantes qu’aux plus beaux jours de l’Église. Ce qui manque au chrétien, c’est d’y puiser en obéissant strictement à la Parole. Les chrétiens se plaignent souvent qu’il y a moins de dons aujourd’hui qu’autrefois. La chose n’est vraie qu’en apparence, surtout si l’on ne compte parmi les dons que les frères qui visitent les assemblées. Sans doute on admet généralement avec raison qu’aujourd’hui tout se passe dans la faiblesse, et que les dons sont dispersés dans la chrétienté ; ne fonctionnant pas à leur place, ils ne peuvent être entre les mains du Seigneur des canaux appropriés pour communiquer Sa Parole. Pour être prêts à toute bonne œuvre, il nous faut nous séparer du mal et nous conformer à l’Écriture, dont il est dit qu’elle est « utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit accompli et parfaitement accompli pour toute bonne œuvre » (2 Tim. 3, 16-17). Or, les dons que le Seigneur a envoyés aux hommes depuis qu’Il est monté dans la gloire, sont-ils limités à ceux que nous voyons en activité de nos jours ? Le chapitre 4 de l’épître aux Éphésiens nous dit : « Et lui a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes ». Ces dons, nous les possédons encore et plus que jamais dans les écrits que le Seigneur nous a donnés par eux et qui nous seront nécessaires jusqu’à la fin. Le Seigneur a eu soin de nous faire parvenir leurs écrits inspirés, contenant la vérité infaillible qui peut nous conduire jusqu’à Sa venue. Que nous manque-t-il, sinon de puiser dans la Parole leurs enseignements comme au commencement, « en persévérant dans la doctrine et la communion des apôtres, la fraction du pain et les prières » (Act. 2, 42) ?

À ces deux dons capitaux, le Seigneur ajoute : « les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs ». Dès le commencement de l’Assemblée, et dans tous les temps depuis lors, il y eut des évangélistes, des pasteurs et docteurs qui, avec plus ou moins de lumière donnée par le Saint Esprit, firent valoir la Parole de Dieu, où se trouve cet enseignement. Si quelqu’un se présentait dans une assemblée comme pasteur ou docteur et n’apportait pas la doctrine du Christ, une sœur même ne devait pas le recevoir (2 Jean 10). L’histoire de l’Église nous apprend, hélas ! que la doctrine fut bientôt falsifiée, ce qui amena l’état où se trouvait le christianisme au moment de la Réformation. Dieu suscita alors des hommes doués pour remettre en évidence l’enseignement des apôtres, tout particulièrement au sujet de la justification par la foi. Des évangélistes purent prêcher le salut par grâce, et le plus souvent au prix de quelles souffrances ! Ce travail eut de beaux résultats, mais la pureté de doctrine ne fut pas maintenue, et l’état devint tel qu’au commencement du siècle passé, un réveil fut nécessaire. De nouveau le Seigneur donne des dons par lesquels les vérités des apôtres et prophètes furent remises en lumière, comme jamais elles ne l’avaient été depuis le commencement. Ce fut d’abord la justification par la foi comme les réformateurs l’avaient enseignée ; puis ces dons conduisirent les croyants plus avant encore en faisant connaître ce que la Parole enseignait quant à l’Église : d’abord la présence du Seigneur suffisant pour assembler en Son nom les deux ou trois ; puis la libre action de l’Esprit de Dieu dans l’assemblée et l’exercice des dons qui y sont placés par le Seigneur ; enfin les vérités concernant l’unité du corps de Christ, dont Il est la Tête et dont chaque croyant est membre, et la manière dont il est possible de réaliser cette unité au milieu de la ruine par la fraction du pain à la table du Seigneur. Ajoutez à cela la venue du Seigneur pour enlever l’Église, etc., mais aussi dans la vie pratique une séparation absolue du camp religieux et du monde. Ces vérités, nous les connaissons, nous les possédons ; que nous manque-t-il, sinon de nous en nourrir et de les mettre en pratique ? Le Seigneur ne suscitera pas encore une fois des dons nouveaux pour répéter des choses déjà révélées. Nous devons veiller à ne pas les abandonner, surtout à ne pas retomber dans l’indifférence qui a caractérisé l’Église après le départ des apôtres et ensuite après la Réformation, indifférence qui nous menace encore aujourd’hui, où l’on est à si juste titre alarmé en voyant l’abandon des vérités qui ont été remises en lumière, et par lesquelles nous pouvons lutter victorieusement jusqu’à la venue du Seigneur.

Tous les apôtres ont exhorté les saints à revenir aux enseignements déjà connus des Écritures, afin d’être gardés des nouveautés de l’esprit humain, qui ne font qu’obscurcir la vérité et ramènent l’esprit des hommes aux ténèbres d’où elles sont sorties. L’apôtre Jean exhorte à revenir à ce qui a été enseigné au commencement : « Pour vous, que ce que vous avez entendu dès le commencement demeure en vous : si ce que vous avez entendu dès le commencement demeure en vous, vous demeurerez dans le Fils et dans le Père » (1 Jean 2, 24). L’apôtre Pierre dit : « C’est pourquoi je m’appliquerai à vous faire souvenir toujours de ces choses, quoique vous les connaissiez, et que vous soyez affermis dans la vérité présente. Mais j’estime qu’il est juste, tant que je suis dans cette tente, de vous réveiller en rappelant ces choses à votre mémoire… Et je m’étudierai à ce qu’après mon départ vous puissiez aussi en tout temps vous rappeler ces choses » (2 Pier. 1, 12-14). L’apôtre Paul dit à Timothée : « Aie un modèle des saines paroles que tu as entendues de moi, dans la foi et l’amour qui est dans le Christ Jésus » (2 Tim. 1, 13). « Les choses que tu as entendues de moi devant plusieurs témoins, commets-les à des hommes fidèles qui soient capables d’instruire aussi les autres » (2 Tim. 2, 2). Ces choses enseignées par l’apôtre étaient les vérités concernant l’Église. Les paroles de ces trois apôtres, ils les donnèrent à la fin de leur carrière. Tous trois ramènent les croyants à ce qu’ils ont enseigné, sachant bien que tout ce qui pourrait être présenté en dehors de cet enseignement serait erroné. On pourrait encore citer Jude qui exhorte « à combattre pour la foi qui a été une fois enseignée aux saints » (v. 3). Nous possédons le total de ces Écritures, et, comme nous l’avons remarqué, nous avons, en outre, les enseignements des serviteurs suscités par le Seigneur pour remettre en lumière ce qui, dans les Écritures, avait été perdu de vue ou remplacé par les enseignements des hommes. Nous sommes donc responsables, avec l’Assemblée tout entière, de prendre connaissance de ces précieuses vérités et d’y conformer notre marche individuelle et collective.

Est-ce à dire que le Seigneur ne donne plus à Son Assemblée de pasteurs et docteurs, puisque nous possédons les enseignements de ceux qui nous ont précédés ? Non pas ! Il en suscitera jusqu’au terme du pèlerinage de l’Assemblée, en vue de l’évangélisation, et pour faire valoir la Parole. Le Seigneur, sachant que nous avons besoin de ces dons-là, y a pourvu et y pourvoira. Il les formera Lui-même et les appellera, non quand ils voudront aller, mais quand Lui le trouvera bon. Souvenons-nous néanmoins de ce que le Seigneur nous a donné en suscitant Ses serviteurs, tout particulièrement au siècle dernier, alors que le cri de minuit a retenti : « Voici l’Époux, sortez à sa rencontre ». Or on ne peut aller au-devant de l’Époux sans obéir à Sa Parole.

On est toujours heureux d’entendre un serviteur que le Seigneur envoie ; mais son ministère ne doit pas nous suffire jusqu’à l’arrivée d’un autre ; il doit produire, au contraire, le besoin de s’occuper de la Parole, et cela au moyen des écrits que nous possédons en abondance. On a dit avec raison qu’un vrai ministère doit agir en sorte que le troupeau puisse se passer de lui. Cela a toujours lieu quand les âmes sont conduites à Christ, et cela doit caractériser tout vrai ministère. Ceux qui annoncent des doctrines perverses, au lieu de présenter Christ, attirent toujours les âmes à eux-mêmes (Act. 20, 30).

Au lieu de nous plaindre de la rareté des dons, nous devrions être reconnaissants d’en posséder un si grand nombre pour nous instruire des vérités de la Parole. Demandons à Dieu qu’Il nous donne un plus grand besoin de nous en nourrir.

Au milieu de tant de causes de faiblesse dont nous souffrons dans ce monde agité et superficiel, il en est une qui est spécialement pernicieuse à cause de sa subtilité, et qui fait perdre au chrétien le goût et la capacité de comprendre les écrits qui se rapportent à la Parole. Je parle de l’abondance des lectures de tous genres, et surtout de celles qui sont recommandées par le monde, et même par certains chrétiens, comme de bonnes lectures. Elles sont attrayantes, sans doute, mais le sont-elles pour le nouvel homme ? Nous apprennent-elles quelque chose du Seigneur, de Sa vie, de Ses perfections ? Élargissent-elles le champ de notre connaissance des Écritures ? Produisent-elles le jugement de nous-mêmes en nous plaçant devant Dieu ? Apportent-elles à nos âmes quelque chose de Christ, qui demeurera notre part éternelle ? Certaines lectures sont nécessaires, pour nous instruire, nous perfectionner dans le travail, nous faire connaître la vie d’hommes de Dieu fidèles ; ces lectures-là peuvent avoir lieu pour le Seigneur, comme tout ce que nous devons faire. D’autre part, ce qui ne peut être fait pour la gloire de Dieu (1 Cor. 10, 31) doit être abandonné comme appartenant au monde auquel nous sommes étrangers.

Il est encore temps de rompre avec toute conformité au monde, laquelle est la cause de la grande faiblesse du témoignage individuel et collectif des chrétiens. Profitons des ressources que le Seigneur nous a données ; elles sont complètes. Prenons courage, nous approchons du but. Écoutons ce mot de l’apôtre : « Connaissant le temps, que c’est déjà l’heure de nous réveiller du sommeil, car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru : la nuit est fort avancée, le jour s’est approché ; rejetons les œuvres des ténèbres, et revêtons les armes de la lumière… ». Revêtons donc le Seigneur Jésus Christ, et ne prenons pas soin de la chair pour satisfaire à ses convoitises (Rom. 13, 11, 12, 14).