Toi et ta maison

ou
Le chrétien chez lui[1]
C.H. Mackintosh

[Série de traités chrétiens n° 10]

Il y a deux maisons qui occupent une place très éminente dans les pages inspirées : ce sont la maison de Dieu et la maison du serviteur de Dieu. Dieu attache une immense importance à Sa maison ; et cela, à juste titre, parce qu’elle est sienne. Sa vérité, Son honneur, Son caractère, Sa gloire sont inclus dans le caractère de Sa maison ; aussi est-ce Son désir que l’expression de ce qu’Il est fasse partie d’une manière évidente de ce qui Lui appartient.

Si Dieu a une maison, elle doit assurément être une maison où règne la piété ; elle doit être une sainte maison, une maison spirituelle, pure et céleste. Elle doit avoir tous ces caractères, non seulement d’une manière abstraite et en principe, mais aussi en pratique. Sa position est telle que Dieu l’a faite ; mais son caractère pratique est le résultat de la marche pratique de ceux qui en font partie ici-bas.

Beaucoup d’âmes peuvent être disposées à comprendre la vérité et l’importance des principes relatifs à la maison de Dieu, mais il y en a peu, comparativement, qui donnent une attention suffisante aux principes qui doivent gouverner la maison du serviteur de Dieu. Cependant, si quelqu’un posait cette question : « Quelle est la maison qui, après celle de Dieu, a le plus d’importance ? » on lui répondrait indubitablement : « C’est la maison du serviteur de Dieu ».

Rien n’étant plus puissant sur la conscience que la sainte autorité de la Parole de Dieu, je désire citer quelques passages de l’Écriture qui tendent à montrer, avec force et clarté, quelles sont les pensées de Dieu à l’égard de ce que doit être la maison d’un de Ses enfants.

Quand l’iniquité du monde antédiluvien eut atteint son plus haut degré, et que la fin de toute chair fut venue devant le Dieu juste, qui allait faire monter les flots de Son jugement sur toute cette scène de corruption, ces douces paroles se firent entendre à l’oreille de Noé : « Entre dans l’arche, toi et toute ta maison, car je t’ai vu juste devant moi en cette génération » (Gen. 7, 1).

On dira sans doute, et avec raison, que Noé était, en cela, un type de Christ — tête juste de toute la famille des sauvés — sauvés en vertu de leur union avec Lui. Mais je vois, dans l’histoire de Noé, autre chose encore qu’un caractère typique ; je vois, ici et dans d’autres passages analogues, un principe que, dès le début de cet écrit j’exprimerai explicitement ; ce principe est celui-ci, que la maison de chaque serviteur de Dieu est, en vertu de sa relation avec lui, placée dans une position de privilège et par conséquent de responsabilité[2].

Ce principe a d’infinies conséquences pratiques : c’est ce que nous nous proposons de constater par la Parole de Dieu. Si nous étions réduits à raisonner par analogie, le principe en question serait aisément établi ; car quelle est la personne, qui, connaissant le caractère et les voies de Dieu, pourrait croire que Dieu attache une immense importance à ce qui concerne Sa propre maison et qu’Il n’en attache aucune ou presque point, à celle de Son serviteur ? Cela ne ressemblerait pas à Dieu, qui est toujours semblable à Lui-même, d’être indifférent à ce qui concerne un de Ses enfants.

Mais nous ne sommes pas réduits à des déductions pour traiter cette question si sérieuse et si profondément pratique ; le passage que nous avons cité n’est que le premier d’une série d’autres qui sont des preuves positives de ce que je désire faire comprendre. Dans Genèse 7, 1, nous trouvons les mots significatifs : « Toi et ta maison » inséparablement unis. Dieu n’y révèle pas à Noé un salut sans profit pour sa maison. Jamais Il n’a pensé à une telle chose. La même arche, qui est ouverte pour lui, est aussi ouverte pour les siens. Pourquoi ? Est-ce parce qu’ils étaient fidèles ? — Non, mais parce que Noé l’était et qu’ils étaient unis à lui. Dieu lui donne, pour ainsi dire, un sauf-conduit qui doit servir pour lui et pour sa famille. Je le répète, ceci n’affaiblit en rien le caractère typique de Noé. Je vois en lui ce caractère ; mais j’y vois aussi ce principe, que, quelles que soient les circonstances, on ne doit pas séparer un homme de sa maison. Le faire impliquerait tout d’un coup la plus violente confusion et la plus basse démoralisation. La maison de Dieu est placée dans une position de bénédiction et de responsabilité, parce qu’elle est unie à Lui ; et la maison du serviteur de Dieu est, par la même raison, dans une position de bénédiction et de responsabilité. Telle est notre thèse.

Le second passage que je citerai est relatif à la vie d’Abraham. « Et l’Éternel dit : Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire… ? Car je le connais, et je sais qu’il commandera à ses enfants et à sa maison après lui de garder la voie de l’Éternel, pour pratiquer ce qui est juste et droit, afin que l’Éternel fasse venir sur Abraham ce qu’il a dit à son égard » (Gen. 18, 17-19).

Ce n’est pas ici une question de salut, mais c’en est une de communion avec la pensée et les conseils de Dieu. Que le père chrétien remarque et pèse solennellement le fait que, lorsque Dieu cherchait un homme à qui Il pût dévoiler Ses conseils secrets, Il choisit celui qui commandait « à ses fils et à sa maison » de garder les voies du Seigneur.

Ceci ne peut manquer de faire une vive impression sur une conscience délicate ; car s’il est une chose à l’égard de laquelle les chrétiens aient manqué plus qu’à d’autres, c’est bien le devoir de commander à leurs enfants et à leur maison de servir le Seigneur. Ils n’ont certainement pas eu Dieu devant les yeux à ce sujet ; car, en regardant aux voies de Dieu relativement à Sa maison, ils les auraient vues constamment signalées par la puissance sur le principe de la justice. Il a fermement établi et invariablement maintenu Sa sainte autorité. N’importe l’aspect ou le caractère extérieur de la maison de Dieu, le principe essentiel de Ses dispensations envers elle est immuable : « Tes témoignages sont très sûrs. La sainteté sied à ta maison, ô Éternel ! pour de longs jours » (Ps. 93, 5). Le serviteur doit toujours prendre son maître comme modèle, et si Dieu gouverne Sa maison avec une puissance exercée en justice, ainsi dois-je gouverner la mienne ; car si, en quelque détail, je diffère de Dieu dans ma conduite, j’ai évidemment tort en ce détail : c’est clair. Or, non seulement Dieu gouverne Sa maison comme nous l’avons dit, mais encore Il aime, Il approuve et honore de Sa confiance ceux qui L’imitent. Dans le passage cité, nous L’entendons dire : « Je ne puis cacher mes desseins à Abraham ». Pourquoi cela ? Simplement parce « qu’il commandera à ses fils et à sa maison de servir le Seigneur ». Un homme qui sait commander cela à sa maison est digne de la confiance de Dieu. C’est là une étonnante vérité, dont le tranchant atteindra, j’espère, la conscience des parents chrétiens. Plusieurs d’entre nous, hélas ! en méditant Genèse 18, 19, feront bien de se prosterner devant Celui qui a prononcé et fait écrire cette parole, et de s’écrier : « De ma part, quelle chute honteuse et humiliante ! ».

Pourquoi sommes-nous dans ce cas ? Pourquoi avons-nous manqué à la solennelle responsabilité qui nous est échue relativement au gouvernement de notre maison ? La seule réponse, à mon avis, que l’on puisse faire à cette question, c’est que nous n’avons pas su réaliser par la foi le privilège conféré à cette maison, en vertu de son association avec nous. Il est remarquable que nos deux premiers passages nous présentent, d’une manière fort exacte, les deux grandes divisions de notre sujet, savoir, le privilège et la responsabilité. Dans le cas de Noé, la parole était : « Toi et ta maison », et cela relativement au salut. Dans le cas d’Abraham, c’était : « Toi et ta maison », relativement au gouvernement moral. La rapport est, tout à la fois, remarquable et beau, et l’homme qui manque de foi pour s’approprier le privilège, manquera de puissance morale pour réaliser la responsabilité.

Dieu considère la maison d’un homme comme une partie de cet homme, et celui-ci ne peut, à aucun degré, soit en principe, soit en pratique, négliger cette relation, sans souffrir un sérieux dommage et sans nuire au témoignage.

Maintenant, la question, pour la conscience d’un parent chrétien, est celle-ci : « Est-ce que je compte sur Dieu pour ma maison, et est-ce que je gouverne ma maison pour Dieu ? ». C’est là une question solennelle, en vérité ; cependant, il est à craindre que très peu de chrétiens en sentent l’importance et la gravité.

Peut-être mon lecteur se sent-il disposé à demander d’autres preuves scripturaires quant à notre droit de compter sur Dieu pour nos maisons. Je continuerai donc à citer l’Écriture.

Voici une citation tirée de l’histoire de Jacob : « Et Dieu dit à Jacob : Lève-toi, monte à Béthel ». Cette parole semble n’avoir été adressée qu’à Jacob personnellement ; mais il n’en pensa pas ainsi, car jamais, même pour un moment, il n’eut l’idée de s’isoler lui-même de sa famille, ni quant au privilège, ni quant à la responsabilité ; aussi est-il immédiatement ajouté : « Et Jacob dit à sa maison et à tous ceux qui étaient avec lui : Ôtez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, et purifiez-vous, et changez vos vêtements ; et nous nous lèverons, et nous monterons à Béthel » (Gen. 35, 1-3). Nous voyons, par là, qu’un appel fait à Jacob met toute la maison de celui-ci sous une responsabilité. Jacob était appelé à monter à la maison de Dieu, et la question qui se présente immédiatement à sa conscience, est : « Ma maison est-elle dans un état convenable, pour répondre à un tel appel ? ».

Nous arrivons maintenant aux premiers chapitres du livre de l’Exode, où nous trouvons qu’une des quatre objections du Pharaon à refuser de laisser sortir Israël, était spécialement relative aux petits enfants (Ex. 10, 8, 9) : « Et on fit revenir Moïse et Aaron vers le Pharaon ; et il leur dit : Allez, servez l’Éternel, votre Dieu. Qui sont ceux qui iront ? Et Moïse dit : Nous irons avec nos jeunes gens et avec nos vieillards, nous irons avec nos fils et avec nos filles, avec notre menu bétail et avec notre gros bétail ; car nous avons à célébrer une fête à l’Éternel ». La raison pour laquelle ils devaient prendre jeunes et vieux avec eux était qu’ils avaient une fête solennelle à célébrer à l’Éternel. La nature pourrait dire : « Oh ! qu’est-ce que ces petites créatures peuvent comprendre à une telle fête ? Ne craignez-vous pas d’en faire des formalistes ? ». La réponse de Moïse est simple et décisive : Nous irons avec nos petits enfants, etc. (v. 9) car nous avons à célébrer une fête à l’Éternel.

Les parents israélites n’avaient pas l’idée qu’ils doivent chercher une chose pour eux-mêmes et une autre pour leurs enfants. Ils ne soupiraient pas après Canaan pour eux-mêmes et après l’Égypte pour leurs enfants. Comment auraient-ils pu se nourrir de la manne du désert ou du froment du pays de la promesse, tandis que leurs enfants se seraient nourris des poireaux, des oignons et des aulx de l’Égypte ? Impossible. Ni Moïse ni Aaron n’auraient compris une telle manière d’agir. Ils sentaient qu’un appel de Dieu adressé à eux, était un appel adressé à leurs enfants, et, de plus, s’ils n’en avaient pas été pleinement convaincus, ils ne seraient pas plus tôt sortis d’Égypte par une route, que les enfants les y auraient attirés de nouveau par une autre. Que tel ait été le cas, Satan le savait bien, aussi mettait-il dans la bouche du Pharaon cette objection : « Il n’en sera pas ainsi ; allez donc, vous les hommes faits, et servez l’Éternel ». C’est là ce que plusieurs chrétiens professants font, ou plutôt essaient de faire de nos jours. Ils professent de sortir de l’Égypte pour servir le Seigneur, et ils y laissent leurs petits enfants. Ils professent avoir fait « le chemin de trois jours » au désert ; en d’autres mots, ils professent avoir laissé le monde, être morts au monde, et ressuscités avec le Christ, comme possédant une vie céleste, et héritiers d’une gloire céleste ; mais ils laissent leurs enfants en arrière, entre les mains du Pharaon, ou plutôt de Satan. Ils ont renoncé au monde pour eux-mêmes, mais ils ne peuvent y renoncer pour leurs enfants. Le jour du Seigneur, ils revêtent la profession d’étrangers et voyageurs ; ils chantent des hymnes, ils prononcent des prières, édifient, enseignent, paraissent être des personnes bien avancées dans la vie céleste et qui, par leur expérience réelle, touchent aux frontières de Canaan (en esprit, ils y sont déjà) ; mais, hélas ! dès le lundi matin, chacun de leurs actes, chacune de leurs habitudes reprises, contredit leur profession de la veille. Leurs enfants sont élevés pour le monde. Le but, la direction et le genre d’éducation qu’on leur donne, le choix de leur carrière, tout cela est mondain, dans le sens le plus vrai et le plus strict de ce mot. Moïse et Aaron n’auraient pu admettre une telle manière de faire, pas plus qu’un cœur moralement droit et sincèrement intègre ne peut le comprendre.

Je ne dois avoir, pour mes enfants, nul autre principe, nul autre objet à poursuivre, nulle autre perspective, que ceux que j’ai pour moi-même ; et je ne dois pas non plus leur permettre d’entretenir même l’idée d’en avoir d’autres. Si Christ et la gloire céleste sont suffisants pour moi, ils sont suffisants pour eux aussi ; mais il faudrait que la preuve qu’ils sont réellement suffisants pour moi ne fût pas équivoque. Le caractère d’un père ou d’une mère chrétiens devrait être tel qu’il ne donnât pas lieu à l’ombre d’un doute, relativement à ce qui est l’objet réel ou le but positif de son âme. Que pensera mon enfant, si je lui dis que je désire ardemment qu’il soit rendu participant de Christ et du ciel, et qu’en même temps je l’élève pour le monde ? Que croira-t-il ? Qu’est-ce qui exercera la plus puissante influence sur son cœur et sur sa vie ? Mes paroles, ou mes actes ? Que la conscience réponde et que sa réponse soit droite et franche : qu’elle procède des plus intimes profondeurs de l’âme, qu’elle montre sans réplique que la question a été comprise dans ce qu’elle a de grave et de poignant. Je crois que le temps est venu, pour les chrétiens, de chercher à agir sur la conscience les uns des autres.

Il doit être évident, pour tout homme de prière qui observe avec soin l’état actuel du monde christianisé, que celui-ci est bien malade, que le ton en est misérablement bas, en un mot, qu’il doit y avoir en lui quelque chose de radicalement mauvais. Quant au témoignage relatif au Fils de Dieu, hélas ! qu’on y pense peu ! Le salut personnel semble former, pour quatre-vingt-dix-neuf chrétiens professants sur cent, le tout de ce qui les intéresse, comme si nous étions laissés ici-bas pour être sauvés, et non comme des sauvés pour glorifier Christ. Or je voudrais, avec affection et pourtant avec fidélité, demander à mes lecteurs si, en grande partie du moins, on ne pourrait pas attribuer la chute, quant au témoignage pratique pour Christ, à la négligence du principe que nous trouvons impliqué dans ces mots : « Toi et ta maison » ? Je suis convaincu que cette négligence y a une grande part.

Une chose est certaine, c’est que beaucoup de mondanité, de confusion et de mal moral se sont glissés au milieu de nous, parce que nos enfants ont été laissés en Égypte. Plusieurs qui, il y a dix, quinze ou vingt ans, prirent dans l’Église une position éminente de témoignage et de service, et semblaient être de tout cœur à l’œuvre du Seigneur, sont maintenant retournés en arrière d’une manière si lamentable, qu’ils n’ont pas la force de tenir leurs têtes au-dessus de l’eau, et encore bien moins celle d’aider les autres à se tenir debout. Tout ceci ne crie-t-il pas bien haut aux parents chrétiens : Gardez-vous de laisser vos enfants en Égypte ? Plus d’un cœur de père est brisé pour avoir manqué de fidélité dans le gouvernement de sa maison. Il a laissé ses enfants en Égypte, dans un temps funeste de grossières illusions ; et maintenant qu’avec une réelle fidélité, peut-être, et une sérieuse affection, il essaie de les avertir du danger, il ne rencontre que des cœurs séduits et sourds à ses avertissements, des cœurs attachés, avec décision et avec vigueur, à cette Égypte dans laquelle son inconséquence et sa faiblesse les ont laissés. C’est là un fait sérieux, dont la seule mention pourra tourmenter plus d’un cœur ; mais la vérité doit être dite ; si elle paraît blessante à quelques-uns, elle peut être, pour d’autres, un avertissement salutaire[3].

J’en reviens aux preuves scripturaires que j’ai à fournir. Dans le livre des Nombres, les « petits enfants » nous sont encore présentés. Nous avons déjà vu qu’un fidèle en communion avec Dieu ne peut jamais, de propos délibéré, avoir l’intention de laisser ses enfants en Égypte. Il faut qu’ils en sortent, coûte que coûte ; mais ni la foi ni la fidélité de parents chrétiens ne se borneront à cela. Nous devons compter sur Dieu non seulement pour les sortir d’Égypte, mais aussi pour les amener en Canaan. À cet égard, Israël manqua d’une manière évidente, car, lorsque les espions revinrent de Canaan, le peuple, en entendant leur décourageant rapport, laissa échapper ces tristes paroles : « Pourquoi l’Éternel nous fait-il venir dans ce pays, pour y tomber par l’épée, pour que nos femmes et nos petits enfants deviennent une proie ? Ne serait-il pas bon pour nous de retourner en Égypte ? » (Nomb. 14, 3). Effrayant état d’âme, qui, autant qu’il était en eux, réalisait cette menace rusée et méchante du Pharaon : « Comme je vous laisserai aller avec vos petits enfants ! Regardez, car le mal est devant vous » (Ex. 10, 10).

L’incrédulité justifie toujours Satan et fait Dieu menteur, tandis que la foi, au contraire, justifie toujours Dieu et fait Satan menteur ; et comme il est invariablement vrai qu’il nous est fait selon notre foi, il est aussi toujours vrai que l’incrédulité moissonne ce qu’elle sème. Ainsi en fut-il d’Israël, malheureux, parce qu’il était incrédule. « Je suis vivant, dit l’Éternel, si je ne vous fais comme vous avez parlé à mes oreilles… ! Vos cadavres tomberont dans ce désert. Et tous ceux d’entre vous qui ont été dénombrés… Mais vos petits enfants, dont vous avez dit qu’ils seraient une proie, je les ferai entrer, et ils connaîtront le pays que vous avez méprisé. Et quant à vous, vos cadavres tomberont dans ce désert » (v. 28-32). « Ils limitaient le Saint d’Israël » quant à leurs petits enfants (voir Ps. 78, 41 note). C’était un grave péché, et il nous a été mentionné pour notre instruction.

N’arrive-t-il pas aussi constamment que le cœur de parents chrétiens raisonne sur la manière d’agir avec leurs enfants, au lieu de les mettre simplement sur le terrain de Dieu ? On dira peut-être : Nous ne pouvons faire des chrétiens de nos enfants ; mais ce n’est pas là la question. Nous ne sommes pas appelés à faire d’eux quelque chose ; c’est l’œuvre de Dieu et de Dieu seul ; mais s’Il nous dit : « Amenez vos petits enfants avec vous », refuserons-nous d’obéir ? Ou encore : « Je ne voudrais pas faire de mon enfant un formaliste, et je ne pourrais pas en faire un vrai chrétien » ; mais si, dans Son infinie grâce, Dieu me dit : « Je considère ta maison comme une partie de toi-même et en te bénissant je la bénis », dois-je, par incrédulité de cœur, repousser cette bénédiction, sous prétexte de la crainte du formalisme ou de mon impuissance à communiquer la vérité ? Dieu nous garde d’un tel égarement !

Réjouissons-nous plutôt, avec de vives actions de grâces, de ce que Dieu nous a bénis d’une bénédiction si riche, si abondante, qu’elle s’étend non seulement à nous, mais encore à tous ceux qui nous appartiennent ; et puisque la grâce nous a accordé cette bénédiction, il faut que la foi la saisisse et l’approprie à notre famille.

Plusieurs se consolent de ce que sont leurs enfants par l’assurance que, une fois ou une autre, ils seront convertis. Mais ce n’est pas les mettre tout de suite sur le terrain de Dieu. Si nous avons l’assurance qu’ils sont des enfants de Dieu, pourquoi ne pas agir en conséquence ? Si nous attendons de voir certaines preuves de conversion en eux, il est clair alors que nous regardons à autre chose qu’à la promesse de Dieu. Le chrétien doit, dès maintenant, considérer son enfant comme appartenant à Christ, et il est tenu de l’élever en conséquence, en s’attendant à Dieu, avec une pleine assurance, pour le résultat. Si avant d’agir ainsi, j’attends de voir des fruits, ce n’est pas de la foi ; et pendant ce temps mes enfants pourront vagabonder, pour ainsi dire, loin des sentiers du Seigneur, n’apportant qu’opprobre sur Son nom et sur Son évangile. Me suffira-t-il de me dire : « Ils seront convertis plus tard » ? Non ; mes enfants devraient être, dès maintenant, un témoignage pour Dieu, et ils ne peuvent l’être qu’autant que je choisis pour eux, dès maintenant, le terrain de Dieu et que je marche avec Lui dans ce qui les concerne.

Rappelons-nous que le moyen de prouver que nous savons jouir d’une bénédiction, c’est d’être fidèles à la responsabilité qu’elle impose. Dire que je compte sur Dieu pour amener mes enfants en Canaan et, en même temps, les élever pour l’Égypte, est une pernicieuse illusion. Ma conduite crie que ma profession est un mensonge, et je ne dois pas m’étonner si, dans Ses justes dispensations, Dieu permet que je recueille les fruits amers de mes voies.

C’est la conduite qui est la meilleure preuve de la réalité de nos convictions, et, en ceci comme en toute chose, cette parole du Seigneur est solennellement vraie : Si quelqu’un veut faire la volonté de Celui qui m’a envoyé, « il connaîtra de la doctrine si elle est de Dieu ». Mais souvent nous voulons connaître la doctrine avant de faire Sa volonté, et il en résulte que nous sommes laissés dans la plus profonde ignorance. Faire la volonté de Dieu à l’égard de nos enfants, c’est les considérer, ainsi qu’Il le fait, comme une partie de nous-mêmes, et les élever en conséquence. Ce n’est pas seulement espérer que plus tard ils seront manifestés comme des enfants de Dieu, mais c’est les considérer comme étant déjà sous la bénédiction, et agir avec eux d’après ce principe, à tous égards.

On pourrait conclure des pensées et des actes de plusieurs chrétiens qu’à leurs yeux leurs enfants ne sont que des Gentils qui n’ont, pour le présent, aucun intérêt en Christ, aucune relation avec Dieu du tout. C’est là assurément faire bien peu de cas du sceau divin. Il ne s’agit nullement ici de la question trop souvent débattue du baptême des enfants ou des adultes. Non, c’est simplement et uniquement une question de foi en la puissance et en l’étendue de cette parole toute miséricordieuse : « Toi et ta maison » — parole dont la force et la beauté nous apparaîtront toujours mieux, à mesure que nous avancerons dans ce petit écrit.

Dans le chapitre 16 des Nombres, versets 26, 27, nous trouvons encore les enfants considérés comme inséparablement unis à leurs parents, et cela dans une circonstance des plus tragiquement solennelles. Et Moïse « parla à l’assemblée, disant : Éloignez-vous, je vous prie, d’auprès des tentes de ces méchants hommes, et ne touchez à rien qui leur appartienne, de peur que vous ne périssiez dans tous leurs péchés. Et ils se retirèrent d’auprès de la demeure de Coré, de Dathan et d’Abiram, tout à l’entour. Et Dathan et Abiram sortirent, et se tinrent à l’entrée de leurs tentes avec leurs femmes, et leurs fils, et leurs petits enfants ». Tous ces enfants descendirent vivants dans le gouffre et y furent engloutis, non pour s’être personnellement associés à la rébellion, mais à cause de leur identité avec leurs parents rebelles. Soit en bénédiction, soit en jugement, Dieu traite les enfants comme n’étant qu’un avec leurs parents. On peut demander : Pourquoi cela ? Et Dieu répond dans Exode 34, 6 et 7 : « L’Éternel passa devant lui, et cria : L’Éternel, l’Éternel ! Dieu, miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en vérité, gardant la bonté envers des milliers de générations, pardonnant l’iniquité, la transgression et le péché, qui ne tient nullement celui qui en est coupable pour innocent, qui visite l’iniquité des pères sur les fils, et sur les fils des fils, sur la troisième et sur la quatrième génération ! ».

Quelques personnes peuvent trouver difficile de concilier ce passage avec celui d’Ézéchiel 18, 20, où il est dit : « L’âme qui a péché, celle-là mourra. Le fils ne portera pas l’iniquité du père, et le père ne portera pas l’iniquité du fils ; la justice du juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui ». Dans ce dernier verset, le père et le fils sont considérés dans leur propre capacité individuelle et, en conséquence, ils sont jugés selon l’état moral de chacun d’eux individuellement. C’est ici une question absolument personnelle.

D’un bout à l’autre du Deutéronome, les Israélites sont enseignés de Dieu à mettre les commandements, les statuts, les jugements et les préceptes de la loi devant leurs enfants ; et ceux-ci sont représentés comme s’enquérant, dans plusieurs circonstances, de la nature et du but de diverses ordonnances et institutions.

J’en viens maintenant à cette belle déclaration de Josué : « Choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir… Mais moi et ma maison, nous servirons l’Éternel » (Jos. 24, 15). Remarquez qu’il ne dit pas seulement moi, mais « moi et ma maison ». Il comprenait qu’il n’était pas suffisant que lui, Josué, soit parfaitement pur de tout contact avec les souillures et les abominations de l’idolâtrie ; il sentait, de plus, qu’il avait à veiller sur le caractère moral et sur les actes de sa maison. Quoique Josué n’ait pas adoré lui-même les idoles, n’aurait-il pas été coupable si ses enfants les avaient servies ? De plus, le témoignage pour la vérité eût été aussi réellement gâté par l’idolâtrie de la maison de Josué que par l’idolâtrie de Josué lui-même ; et le jugement n’aurait pas manqué de suivre.

Il est très important de bien comprendre cela : la vérité nous en est solennellement démontrée au commencement du premier livre de Samuel, par ces paroles : « Et l’Éternel dit à Samuel : Voici, je vais faire en Israël une chose telle, que quiconque l’entendra, les deux oreilles lui tinteront. En ce jour-là j’accomplirai sur Éli tout ce que j’ai dit touchant sa maison : je commencerai et j’achèverai ; car je lui ai déclaré que je vais juger sa maison pour toujours, à cause de l’iniquité qu’il connaît, parce que ses fils se sont avilis et qu’il ne les a pas retenus » (1 Sam. 3, 11-13).

Dans cet exemple, nous voyons que quel que soit le caractère personnel du serviteur de Dieu, le Seigneur ne le tiendra point pour innocent, s’il ne discipline pas convenablement sa maison. Éli aurait dû réprimer ses fils. C’était son privilège, comme c’est le nôtre, de pouvoir compter que la puissance de Dieu agirait avec lui pour soumettre tout élément qui, dans sa maison, était de nature à compromettre le témoignage qu’il devait à Dieu. Mais il n’agit pas dans ce sens et ne sut pas se prévaloir de cette puissance pour surmonter le mal dans les siens ; aussi la fin d’Éli fut-elle un terrible jugement : parce que son cœur n’avait pas été brisé au sujet de sa maison, sa nuque fut brisée au sujet de la maison de Dieu. S’il avait compté sur Dieu et agi fidèlement avec Lui pour réprimer ses fils coupables, selon la sainte responsabilité qu’il avait de le faire, la maison de Dieu n’aurait pas été souillée, et l’arche de Dieu n’aurait pas été prise. En résumé, si Éli avait considéré sa famille comme une partie de lui-même et avait fait tout ce qui dépendait de lui pour la rendre telle qu’elle devait être, certainement, alors, il n’aurait pas attiré sur lui-même le terrible jugement de Celui qui a pour principe de ne jamais séparer ces mots : « Toi et ta maison ».

Hélas ! depuis cet événement, combien de parents n’ont-ils pas marché sur les traces d’Éli ! Combien n’y en a-t-il pas qui, se faisant une idée totalement fausse de la base et du caractère de leurs relations avec leurs enfants, agissent envers eux d’après le principe d’une indulgence illimitée et leur laissent faire leur propre volonté dès l’enfance ? Ne les plaçant pas par la foi sur le terrain divin, ces parents n’ont pas même la force morale de se placer sur le terrain humain pour rendre leurs enfants respectueux et obéissants ; et le résultat de tout cela est le plus triste spectacle d’insubordination et de confusion.

Le premier but que doit se proposer le serviteur de Dieu dans le gouvernement de sa maison, c’est qu’il y ait là un témoignage rendu à la gloire de Celui à la maison duquel il appartient lui-même. C’est là le vrai principe qui doit surtout agir dans le cœur et dans la conduite d’un père chrétien. Ainsi ce n’est pas pour que ses enfants lui donnent moins de peine et plus de repos qu’il doit les tenir dans l’ordre, mais c’est parce que la gloire de Dieu est intéressée au bon ordre des maisons de tous ceux qui font partie de la maison de Dieu.

Mais, peut-être, objectera-t-on que tout ce que nous avons dit jusqu’ici, sur ce point, ne respire que l’atmosphère de l’Ancien Testament d’où nous l’avons tiré. Maintenant, au contraire, dira-t-on, Dieu agit envers nous selon le principe de l’élection et de la grâce, qui conduit à l’appel individuel, sans égard à aucun lien ou à aucune relation domestique, en sorte qu’il se peut qu’un saint très pieux, très dévoué et affectionné aux choses d’en haut, se trouve pourtant à la tête d’une famille impie, déréglée et mondaine.

Je maintiens cependant que les principes du gouvernement moral de Dieu sont éternels et doivent, par conséquent, être les mêmes et avoir leur application dans tous les âges. Dieu ne peut pas enseigner, dans un temps, qu’un homme et sa maison sont un et que le chef doit la gouverner convenablement, puis enseigner, dans un autre temps, que le père et sa famille ne sont pas un et que le père est libre de la diriger comme bon lui semble. Cela est impossible.

L’approbation ou la désapprobation de Dieu à l’égard de telle ou telle chose dérive de ce qu’Il est en Lui-même ; et comme Dieu gouverne Sa maison d’après ce qu’Il est Lui-même, Il commande à Ses serviteurs de diriger leurs maisons d’après le même principe. La dispensation de la grâce ou du christianisme a-t-elle annulé ce bel ordre moral ? — Oh ! non, bien au contraire ; elle y a ajouté, s’il est possible, de nouveaux traits de beauté.

Si la maison d’un Juif était considérée comme une partie de lui-même, celle d’un chrétien le sera-t-elle moins ? Non, en vérité. Ce serait faire un triste abus et une bien fausse application du céleste mot, grâce, que de s’en autoriser pour justifier le désordre et la démoralisation qui règnent, de nos jours, dans les maisons d’un grand nombre de chrétiens. Est-ce vraiment la grâce qui fait qu’un père lâche la bride à la volonté de ses enfants ? Est-ce la grâce, de les laisser se livrer aux caprices, aux convoitises, aux passions d’une nature corrompue ? Ah ! gardez-vous d’appeler cela du nom de grâce, de peur que vous ne finissiez par perdre l’intelligence du vrai sens de ce mot, et que vous n’arriviez à imaginer que la grâce est le principe de tout ce mal ! Appelez plutôt ces vues de leur propre nom — un monstrueux abus de la grâce — une négation de Dieu, non seulement comme gouverneur de Sa propre maison, mais aussi comme administrateur moral de l’univers — une contradiction flagrante de tout précepte inspiré.

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Mais, laissant l’Ancien Testament, voyons si nous ne trouvons pas, dans les pages sacrées du Nouveau, de nombreuses preuves à l’appui de notre thèse. Dans cette grande division du livre, le Saint Esprit sépare-t-Il la famille d’un homme des privilèges et de la responsabilité que l’Ancien Testament y attache ? Nous nous convaincrons facilement qu’Il ne fait rien de pareil.

Ainsi, quand le Seigneur Jésus envoie Ses apôtres en mission, Il leur dit : « Dans quelque ville ou village que vous entriez, informez-vous qui y est digne ; et demeurez là jusqu’à ce que vous partiez. Et quand vous entrerez dans une maison, saluez-la. Et si la maison [non pas seulement le chef] en est digne, que votre paix vienne sur elle ; mais si elle n’en est pas digne, que votre paix retourne à vous » (Matt. 10, 11-13). Ailleurs, Jésus dit à Zachée : « Aujourd’hui le salut est venu à cette maison, vu que lui aussi est fils d’Abraham ; car le fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui est perdu » (Luc 19, 9, 10).

De même dans le cas de Corneille : « Envoie à Joppé, et fais venir Simon qui est surnommé Pierre, qui te dira des choses par lesquelles tu seras sauvé, toi et toute ta maison » (Act. 11, 13, 14). Il fut dit aussi au geôlier de Philippes : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta maison » (Act. 16, 31). Puis nous en trouvons le résultat pratique : « Et il les fit monter dans sa maison, fit dresser une table ; et croyant Dieu, il se réjouit avec toute sa maison » (v. 34). Dans le même chapitre, Lydie, après avoir été baptisée, ainsi que sa maison, dit : « Si vous jugez que je suis fidèle au Seigneur, entrez dans ma maison et demeurez-y » (v. 15).

« Le Seigneur fasse miséricorde à la maison d’Onésiphore » ; et pourquoi ? Était-ce à cause des bons offices de cette maison envers l’apôtre ? Non, dit Paul, mais parce que lui, Onésiphore, « m’a souvent consolé et n’a point eu honte de ma chaîne » (2 Tim. 1, 16). « Il faut donc que le surveillant soit irrépréhensible… conduisant bien sa propre maison, tenant ses enfants soumis en toute gravité. Mais si quelqu’un ne sait pas conduire sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l’assemblée de Dieu ? » (1 Tim. 3, 2, 4, 5).

Dans toutes ces citations, nous trouvons la même grande vérité, savoir que, lorsque Dieu visite un homme en lui accordant des bénédictions et des responsabilités, Il visite de la même manière la maison de cet homme. Parcourez toute l’Écriture inspirée, partout vous y verrez ce principe pratique soigneusement établi et posé. Il est digne de Dieu de nous le faire connaître ; mais, hélas ! frères bien-aimés du Seigneur, combien nous y avons été infidèles, et quel préjudice le témoignage au Fils de Dieu n’a-t-il pas reçu, en ces derniers temps, par nos manquements à cet égard et à tant d’autres !

Le mal s’est manifesté, il est vrai, sous diverses formes : orgueil, vanité, mondanité, esprit charnel, motifs tristement mélangés, impie déploiement d’une énergie purement charnelle ou intellectuelle, emploi de la précieuse Parole de Dieu comme d’un piédestal pour nous élever nous-mêmes, misérables prétentions à une position dans l’Église ou dans le monde, affectation de dons, exposition déloyale de principes dont nos consciences n’ont jamais réellement éprouvé l’ascendant, présentation aux autres d’une balance dans laquelle nous ne nous sommes jamais pesés nous-mêmes en présence de Dieu, lamentable état d’une conscience qui, si elle avait été bien réglée, nous aurait conduits à voir l’inconséquence manifeste qui existe entre les principes que nous professons et notre manière d’agir.

En toutes ces choses, comme aussi en beaucoup d’autres, il y a eu une chute des plus profondes et des plus évidentes, chute qui a contristé le Saint Esprit de Dieu par lequel nous professons d’être scellés, et qui a déshonoré le saint nom qui est invoqué sur nous. La pensée de cette chute devrait nous faire prendre le sac et la cendre, nous couvrir de honte et de confusion de face, nous amener à l’humiliation et à la confession — non pas un moment, ou un jour, ou une semaine, mais jusqu’à ce que Dieu Lui-même nous relève. Nous avons quelquefois des assemblées de prières et d’humiliation, mais, hélas ! frères, à peine en sommes-nous dehors que nous prouvons, par la détestable légèreté de notre esprit et de notre manière d’être, combien peu nous avons réellement jugé notre état devant Dieu. De cette manière, comment pourrait être atteinte la racine si profonde et si étendue de la maladie de nos cœurs ? Notre conscience a besoin d’être bien profondément labourée, afin que la semence de la vérité divine n’y soit pas semée en vain. L’instrument dont Dieu se sert pour labourer et semer, tout à la fois, est la vérité. Donc, il faut nous mettre sous l’action de cette vérité ; il faut apporter sous son influence « un cœur honnête et bon », une conscience délicate et un esprit droit. Or, si la vérité agit sur nous de cette manière, que nous révélera-t-elle ? Quel est notre état ? Qu’est-ce que nous sommes au milieu de cette sphère, dans laquelle le Maître nous a commandé « de trafiquer jusqu’à ce qu’il vienne » ?

D’où vient que nos réunions de culte, nos réunions d’édification et nos réunions de prières sont si souvent sans puissance et sans efficace ? La promesse de Christ est pourtant toujours vraie : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux ». Or là où Sa présence est réalisée, il doit y avoir puissance et bénédiction ; mais Il ne nous fait sentir Sa présence qu’autant que nos cœurs, vrais et droits devant Lui, Le cherchent comme l’objet spécial de notre réunion. Si nous avons en vue quelque autre objet que Lui-même, nous ne pouvons plus dire que nous sommes assemblés en Son nom, et, en conséquence, Sa présence ne sera pas réalisée.

Combien n’y a-t-il pas de chrétiens qui assistent aux réunions sans avoir Christ comme leur premier et direct objet ! Quelques-uns y vont pour entendre des discours, afin d’être édifiés. C’est l’édification et non pas Christ qui les réunit. Il peut y avoir de pieuses émotions, de saintes aspirations, beaucoup de sentiment religieux, un vif intérêt intellectuel en s’occupant de la lettre des Écritures ou de certains points de la vérité ; mais tout cela peut exister sans la moindre réalisation de la sainte et sanctifiante présence de Christ, selon la promesse faite en Matthieu 18, 20.

D’autres viennent à l’assemblée avec le cœur préoccupé de ce qu’ils vont dire ou faire. Ils ont un chapitre à lire, une hymne à indiquer, quelques remarques à faire, ou ils ont l’intention de prier et ils épient le moment favorable pour se mettre en avant. Il est, hélas ! bien évident que ce n’est pas Christ qui est le principal objet de ces chrétiens, mais uniquement le moi, ses pauvres actes et ses misérables paroles. Ces personnes contribuent à dépouiller l’assemblée de son caractère de sainteté, de puissance et de vraie élévation ; car, à cause d’elles, ce n’est pas Christ qui préside, c’est la chair qui figure, et cela dans les plus sérieuses circonstances. La chair peut jouer son rôle sur un théâtre ou dans une tribune politique, mais, dans une assemblée de saints, elle devrait être comme n’existant pas.

Je ne suis pas du tout autorisé à me présenter devant le Seigneur, dans une réunion d’enfants de Dieu, avec la préméditation de lire tel ou tel chapitre, d’indiquer telle ou telle hymne, ou avec un discours préparé. Je dois venir au milieu de mes frères pour m’y asseoir en la présence de Dieu et me soumettre à Sa souveraine direction. En un mot, si j’y vais au nom de Jésus, Lui seul sera mon objet et j’oublierai toute autre chose. Cela ne veut pas dire que, ayant Jésus pour objet, je ne puisse ni communiquer ni recevoir de l’édification. Oh ! bien au contraire ; car ce n’est qu’autant que le Seigneur est comme placé devant moi, que je serai vraiment capable d’édifier ou d’être édifié. Le moindre est toujours renfermé dans le plus grand. Si j’ai Christ, je ne puis manquer d’avoir de l’édification ; mais si je cherche celle-ci au lieu de Christ, si j’en fais mon but, je les perds tous deux.

En outre, combien n’y a-t-il pas de chrétiens qui viennent pour rendre culte et qui n’ont ni la conscience purifiée, ni le cœur jugé, ni la chair mortifiée. Ils prennent leurs places sur des bancs, mais ils sont froids et stériles, sans prières et sans foi, sans but réel. Ils viennent machinalement, parce que c’est leur habitude de venir, mais ils ne sont pas dominés par un sincère désir de rencontrer le Seigneur. Pour eux, se rassembler n’est qu’une pure formalité religieuse, et ils ne sont pour les autres qu’un obstacle à la bénédiction.

Plusieurs causes variées concourent ainsi à corrompre les sources de la vie et de la vigueur dans les assemblées, et voilà pourquoi le témoignage est, en général, si pauvre et si faible au milieu de nous. Ce n’est qu’un travail profond de la conscience qui pourrait sonder jusqu’au fond ces causes funestes. Ah ! que du moins surgisse, de beaucoup de cœurs, cette question : « Seigneur, est-ce moi ? ». Il est parfaitement inutile d’attendre une bénédiction durable ou une vraie restauration, tant que nous ne serons pas sérieusement amenés à une humiliation véritable, à un sincère jugement de nous-mêmes. Si nous sommes appelés à rendre témoignage à Christ, il faut que cet appel nous trouve aux pieds de Jésus, ayant appris, là, ce que nous sommes, et combien nous avons manqué.

Nul n’a le droit de jeter la pierre à l’autre. Tous nous avons péché ; tous nous avons été infidèles au témoignage du Fils de Dieu ; tous nous avons contribué, en quelque mesure, à l’humiliant état de choses qui nous entoure. Il ne s’agit pas ici d’une simple question d’église, d’une simple différence de jugement quant à des points de la vérité, quelque importants qu’ils soient en eux-mêmes. Non, frères, le monde, la chair et le diable sont au fond de notre triste état actuel, et tous les arguments que l’amour de Christ peut nous suggérer se réunissent pour nous inviter à nous juger nous-mêmes foncièrement, en la présence de Dieu. Or je suis convaincu que si ce jugement a lieu et met tout en lumière, il se trouvera qu’une des plus grandes causes de tant de mal, de tant de faiblesse et d’une si grande chute, consiste dans la négligence de ce que comporte cette expression : « Toi et ta maison ». Pour des observateurs, les enfants sont la pierre de touche de ce que sont les parents ; et la maison révèle l’état moral de son chef.

Je ne puis jamais me former une idée exacte de ce qu’est un homme, d’après ce que je vois ou entends de lui dans une assemblée. Là, il peut paraître très spirituel et enseigner des choses très belles et très vraies, mais, pour juger sainement de sa personne, laissez-moi entrer dans sa maison, et là je pourrai connaître ce qu’il en est de lui. Il peut parler comme un ange du ciel, mais si sa maison n’est pas gouvernée selon Dieu, il n’est pas un fidèle témoin de Christ.

Sous l’expression « maison », deux choses, éventuellement trois, sont comprises : la maison elle-même, les enfants et, s’il y a lieu, les serviteurs, ou domestiques. Ces trois choses, prises collectivement ou une à une, doivent porter le cachet de ce qui appartient à Dieu. La maison d’un homme de Dieu doit être gouvernée pour Dieu, pour Sa gloire et en Son nom. Le chef d’une maison chrétienne doit y être le représentant de Dieu. Que ce soit comme père ou comme maître de maison, il est, pour tous ceux qui sont sous son toit, le dépositaire de l’autorité de Dieu, et il est tenu d’agir selon l’intelligence et le développement pratique de ce fait. C’est sur ce principe qu’il doit diriger sa maison et en prendre soin. Aussi est-il écrit : « Si quelqu’un n’a pas soin des siens et spécialement de ceux de sa famille, il a renié la foi et il est pire qu’un incrédule ».

En négligeant la sphère dans laquelle Dieu l’a établi, il prouve qu’il connaît peu Celui qu’il est appelé à représenter, et par conséquent, il Lui ressemble peu. Cela est très simple. Si je désire savoir quel soin je dois avoir de ceux qui sont sous ma responsabilité et comment je dois gouverner ma maison, je n’ai qu’à étudier soigneusement la manière dont Dieu prend soin des siens et dont Il gouverne Sa maison. C’est la bonne manière d’apprendre. Il ne s’agit pas maintenant de savoir si les personnes qui composent la maison sont ou ne sont pas converties.

Ce que je voudrais mettre avec force sur la conscience de tous les chrétiens chefs de famille, c’est que tout ce qu’ils font, d’un bout à l’autre de leur marche, devrait porter bien visiblement l’empreinte de la présence de Dieu et de l’autorité de Dieu. L’influence du père de famille devrait être telle, que, lorsqu’il est là, chacun pût dire ou penser : Dieu est là ; et cela devrait avoir lieu, non pour que le chef de la maison fût loué à cause de son influence morale et de sa judicieuse administration, mais simplement pour que Dieu fût glorifié. Rien d’autre que ce qui tend à ce but ne devrait nous satisfaire.

La maison de tout chrétien devrait être une représentation en miniature de la maison de Dieu, quant à l’ordre moral et à la pieuse disposition de tout l’ensemble. Quelques-uns pourront secouer la tête et dire : « Tout cela est bien beau, mais où le trouverez-vous ? ». Je me borne à demander : Est-ce que la Parole de Dieu enseigne et prescrit au chrétien de gouverner sa maison de cette manière ? S’il en est ainsi, malheur à moi si je refuse d’obéir ou si je manque de fidélité dans l’obéissance. Toute personne dont la conscience est droite reconnaîtra qu’il y a eu une chute des plus graves, quant à la direction de nos maisons ; mais rien n’est plus honteux que de voir un homme prendre calmement son parti du désordre, de l’indiscipline qui règne dans sa maison, et se rassurer par la pensée qu’il lui est impossible d’atteindre la règle parfaite que Dieu lui propose.

Tout ce que j’ai à faire, c’est de suivre les directions de l’Écriture, et la bénédiction suivra nécessairement tôt ou tard, car Dieu ne peut se renier Lui-même. Mais si, par incrédulité de cœur, je me persuade qu’il m’est impossible d’atteindre la bénédiction, il est sûr que je la manquerai. Tout privilège ou toute bénédiction que Dieu met devant nous exige une énergie de foi pour être saisi. Il en est comme de Canaan pour les enfants d’Israël ; le pays était devant eux, mais ils devaient y entrer, car Dieu avait dit : « Je vous ai donné tout lieu où vous aurez mis la plante de votre pied ». Il en est toujours de même : c’est la foi qui prend possession de ce que Dieu donne.

Notre unique but, en toute chose, devrait être de glorifier Celui qui a tout fait pour nous ; et qu’est-ce qui est plus contraire à ce but, sinon de voir la maison d’un des serviteurs de Dieu être justement le contraire de ce qu’Il désire qu’elle soit ? Comment l’œil de Dieu doit-il considérer telle ou telle chose, si notre œil humain en est scandalisé ? On pourrait penser, d’après ce qu’on voit dans telle ou telle maison, que les chrétiens n’ont pas l’idée qu’il y ait la moindre relation entre la tenue de leur maison et leur témoignage. Plusieurs parlent de la séparation d’avec le monde, mais leurs maisons ne présentent que la plus désolante mondanité. Ils disent que le monde est crucifié pour eux et qu’ils sont crucifiés à l’égard du monde, et cependant l’empreinte du monde se retrouve partout chez eux. Chaque objet y semble destiné à servir à la convoitise des yeux, à la convoitise de la chair et à l’orgueil de la vie. On nous accusera de détails puérils, mais les filles de Sion auraient pu en dire autant de ces paroles que leur adresse l’Éternel dans Ésaïe 3, 18 à 23 : « En ce jour-là, le Seigneur ôtera l’ornement des anneaux de pied, et les petits soleils, et les petites lunes ; les pendeloques de perles, et les bracelets, et les voiles ; les diadèmes, et les chaînettes des pieds, et les ceintures, et les boîtes de senteur, et les amulettes ; les bagues, et les anneaux de nez ; les vêtements de fête, et les tuniques, et les manteaux, et les bourses ; et les miroirs, et les chemises, et les turbans, et les voiles de gaze ». N’était-ce pas là descendre à des détails bien minutieux ? N’en est-il pas de même de ce passage d’Amos 6, 1 à 6 : « Malheur à ceux qui sont à l’aise en Sion… qui vous couchez sur des lits d’ivoire et qui vous étendez mollement sur vos divans, et qui mangez les agneaux du troupeau et les veaux gras de l’étable ; qui chantez au son du luth, et qui inventez, comme David, à votre usage, des instruments pour le chant » ? L’Esprit de Dieu peut descendre aux détails, quand cela est nécessaire.

« Mais, diront quelques-uns, nos maisons doivent être en harmonie avec le rang que nous occupons dans la société, et meublées en conséquence ». Une telle objection ne fait que révéler bien ouvertement la mondanité qui règle le cœur de ceux qui oseraient la faire. « Votre rang dans la société » ! Ce terrain est, sans contredit, le monde. Qu’ont à faire avec lui des hommes qui font profession d’être morts au monde ? Parler de notre rang dans la société, c’est renier les éléments mêmes du christianisme. Si nous avons un rang selon le monde, il en résulte que nous devons vivre comme des hommes en la chair, ou comme des hommes naturels, et alors la loi a tout son empire contre nous, « car la loi a autorité sur l’homme aussi longtemps qu’il vit ». Ce rang dans la vie devient donc une affaire bien sérieuse. Comment pouvons-nous l’obtenir ? Ou dans quelle vie se trouve-t-il ? Si c’est dans cette vie-ci, nous sommes donc des menteurs quand nous disons que nous sommes « crucifiés avec Christ »« morts avec Christ »« ensevelis avec Christ »« ressuscités avec Christ »« sortis hors du camp vers Christ » — que nous ne sommes « pas du monde qui passe ». Toutes ces paroles sont autant de brillants mensonges dans la bouche de ceux qui prétendent avoir ici-bas un rang à conserver.

Voilà la vérité sur ce sujet. Ah ! laissons la vérité atteindre nos consciences, afin qu’elle ait aussi son influence sur notre vie pratique ! Quelle est la seule vie dans laquelle nous ayons un rang à conserver ? C’est la vie de résurrection de Christ. C’est là la vie dans laquelle l’amour rédempteur nous a donné un rang. Et certes, nous savons bien que des ameublements mondains, des vêtements somptueux, l’ostentation et le luxe n’ont rien à faire avec le rang dans cette vie-là. Ah ! non, ce qui est en harmonie avec la vie céleste que Jésus nous a acquise et communiquée, c’est la sainteté du caractère, la pureté de la vie, la puissance spirituelle, une profonde humilité, la charité, la séparation de tout ce qui tient directement au monde et à la chair : voilà quels sont les vrais ornements qui peuvent s’harmoniser avec notre rang céleste. Ceux qui parlent de leur rang dans cette vie sont déjà, « dans leurs cœurs, retournés en Égypte ». Ah ! il est bien à craindre que la grande meule, d’Apocalypse 18, ne nous présente un tableau trop fidèle de la fin de bien des éléments du christianisme creux et bâtard de nos jours.

Et si l’on allègue que le christianisme n’approuve pourtant pas le désordre et la saleté des maisons, je dirai que cela est parfaitement vrai. Je connais même peu de choses qui soient plus désolantes et déshonorantes que la saleté et le désordre dans la maison d’un chrétien. De telles choses ne doivent jamais se rencontrer avec un esprit vraiment spirituel, ou même bien réglé. Où de telles choses existent, vous pouvez être sûr qu’elles sont les conséquences de quelque mal moral. Ici encore la maison de Dieu nous est spécialement présentée comme modèle. Sur la porte de cette maison ne pouvons-nous pas voir inscrite cette précieuse devise : « Que toutes choses se fassent avec bienséance et avec ordre » (1 Cor. 14, 40) ? En conséquence, tous ceux qui aiment Dieu et Sa maison désireront voir ce principe appliqué à leur propre demeure.

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Après la maison proprement dite, ce que je vois inclus dans l’expression « Toi et ta maison », c’est le gouvernement de nos enfants. Ah ! là est une plaie des plus grandes et des plus profondément humiliantes pour plusieurs, parce qu’elle révèle une bien triste chute. L’état des enfants tend, plus que toute autre chose, à manifester l’état moral des parents. La mesure réelle de mon renoncement à moi-même et au monde se montrera constamment dans la manière dont j’agis envers mes enfants et dont je les dirige. Je fais profession d’avoir renoncé au monde quant à moi personnellement, mais y ai-je renoncé aussi pour mes enfants ? Quelques-uns s’écrient : « Mais comment le pourrais-je ? Mes enfants ne sont pas convertis, et par conséquent, ils sont du monde ». Ici encore, le véritable état moral du cœur de celui qui parle ainsi se révèle. Il n’a pas lui-même réellement renoncé au monde, et ses enfants lui servent de prétexte pour en ressaisir quelque chose. Si ses enfants sont une partie de lui-même (comme ils le sont assurément), et s’il fait profession d’avoir laissé le monde pour lui-même, tout en le cherchant pour eux, qu’est-ce que cela sinon l’étrange anomalie d’un homme qui serait à moitié en Égypte et à moitié en Canaan ? Le désir seul qu’il puisse en être ainsi, démontrerait que cet homme est, de fait et de cœur, entièrement en Égypte.

Maintenant, frères, jugeons-nous nous-mêmes. La direction de nos enfants témoigne contre nous. Supposons que nous leur donnions des maîtres de danse : ce ne sont assurément pas là les agents que le Saint Esprit choisirait pour les amener à Christ, et ils ne se concilieraient nullement avec le saint nazaréat auquel nous sommes appelés. Si je les élève pour le monde plutôt que pour le témoignage de Christ, cela prouve que celui-ci n’est pas la part que mon âme a choisie comme pleinement suffisante pour moi, et qu’elle apprécie plus que toute autre. Car enfin, ce que j’estimerais suffisant pour moi, je l’estimerais suffisant pour mes enfants qui sont un avec moi ; et pourrais-je être assez insensé que de les élever pour ce monde et pour Satan qui en est le prince ? Servirais-je et développerais-je en eux les affections de la chair que je professe mortifier en moi ? Ah ! ce serait là une erreur de jugement bien dangereuse. Non, si je laisse mes enfants en Égypte, c’est que j’y suis encore moi-même. Si je les laisse jouir de Babylone, c’est que j’en aime encore moi-même les fausses douceurs. Si mes enfants appartiennent de fait à un système religieux corrompu, mondanisé, c’est qu’en principe j’y appartiens moi-même. « Toi et ta maison » êtes un ; Dieu en a fait un tout qu’on ne peut diviser, et ce qu’Il a uni, que l’homme ne le sépare point.

C’est là une vérité solennelle et pénétrante, à la lumière de laquelle nous pouvons clairement voir le mal qu’il y a à faire ou à laisser suivre à nos enfants une voie à laquelle nous disons avoir pour toujours tourné le dos, comme croyant fermement qu’elle aboutit à l’enfer. Nous faisons profession d’estimer comme du fumier et comme étant nuisibles, les honneurs, les richesses, les distinctions, les plaisirs du monde ; eh bien, ces choses mêmes que nous avons déclarées n’être que des obstacles à notre course chrétienne et que nous avons soi-disant rejetées pour nous-mêmes, les recommanderions-nous à nos enfants comme essentielles à leurs progrès ? Agir ainsi serait oublier entièrement que ce qui est obstacle pour nous ne peut absolument pas être aide pour nos enfants, si nous voulons qu’ils atteignent le même but que nous. Il serait plus sincère de lever le masque de notre propre mondanité et d’avouer franchement que nous n’avons nullement abandonné le monde, quand rien ne le prouve mieux que nos enfants.

Par l’état de nos familles, le juste jugement du Seigneur montre, je crois, quel est le réel état du témoignage parmi nous. Dans un trop grand nombre de cas, les enfants de chrétiens sont connus comme les plus indisciplinés des alentours. Devrait-il en être ainsi ? Dieu pourrait-Il avoir pour agréable le témoignage des parents de tels enfants ? Ces enfants seraient-ils tels, si les parents avaient marché fidèlement devant Dieu quant à leurs maisons ? À toutes ces questions, on devra nécessairement répondre : non. Ah ! si seulement les pères chrétiens avaient fermement retenu dans leur conscience ce principe : « Toi et ta maison », ils auraient compris qu’ils pouvaient compter sur Dieu et crier à Lui, autant pour le témoignage de leur maison que pour le leur propre, qui, en réalité, ne peuvent être séparés, quoi qu’on fasse et qu’on dise.

Cela ne fait-il pas mal d’entendre dire : « Un tel est un bon frère, très pieux, très dévoué ; c’est dommage que ses enfants soient si effrontés et si indisciplinés, et que sa maison présente un si triste mélange de désordre et de confusion » ! Je demande de quelle valeur est le témoignage d’un tel homme devant Dieu. Hélas ! il n’en a guère en vérité. Il peut être sauvé, mais le salut est-il tout ce que nous avons à désirer ? N’y a-t-il point de témoignage à rendre ? Et s’il y en a un, quel est-il ? Et où doit-il être rendu ? Doit-il être confiné aux bancs d’une salle de réunion, ou doit-il être vu aussi dans notre maison ? Que le cœur réponde.

On dira peut-être : « Nos enfants ont besoin de quelques jouissances du monde et nous ne pouvons les leur refuser : on ne peut mettre de vieilles têtes sur de jeunes épaules ». À cela je répondrai que nos cœurs aussi demandent souvent des choses mondaines ; les leur accorderons-nous ? Non, je l’espère ; eh bien ! refusons-les aussi à nos enfants. Si je vois mes enfants soupirer après le monde, je dois immédiatement me juger et m’humilier devant Dieu, et crier à Lui de leur ôter ces pensées mondaines, en sorte que le témoignage n’ait pas à en souffrir. Il m’est impossible de ne pas croire que, si le cœur des parents est, du centre à la circonférence, purifié du monde, de ses principes et de ses convoitises, cela exercera sur toute leur maison une puissante influence.

C’est ce qui rend toute cette question si importante et si pratique. Ma maison est-elle un critère exact de ce qu’est mon état moral réel ? Je crois que l’enseignement des Écritures est en faveur de l’affirmative, ce qui rend notre sujet particulièrement solennel. Comment est-ce que je marche comme chef de famille ? Est-il évident à tous, par ma conduite, que mon suprême et unique objet est Christ, et que je ne suis pas plus disposé à élever mes enfants pour le monde ou à désirer le monde pour eux, qu’à ouvrir devant eux les portes de l’enfer ? Je parais peut-être pousser trop loin la recherche des causes d’un mal si fréquent de nos jours ; mais, quant à moi, je pense que c’est notre devoir de poursuivre cette enquête jusqu’à ses dernières limites.

D’où viennent, dans beaucoup de cas, cette terrible profanation, ce dégoût pour les Écritures et pour les assemblées chrétiennes, cette disposition à ridiculiser les choses saintes, et cet esprit sceptique et incrédule, si déplorablement manifeste chez les enfants de chrétiens de profession ? Quelqu’un osera-t-il dire que ce n’est pas la faute des parents ? Ne peut-on pas, au contraire, les attribuer, en grande partie, au triste contraste qui existe entre les principes professés et la conduite suivie par les parents ? Oui, je le crois.

Les enfants sont de perspicaces observateurs, et ils découvrent bientôt ce que sont réellement leurs parents. Ils tirent leurs conclusions, non pas tant des prières et des paroles de leurs parents, mais, d’une manière beaucoup plus expéditive et plus exacte, des actes de ceux-ci, dont ils discernent bien vite les principes et les motifs.

C’est pourquoi, lors même que les parents leur enseignent que le monde et les voies du monde sont mauvais, et qu’ils prient pour que tous les membres de leur famille connaissent et servent le Seigneur, cependant, si on les élève pour le monde, en n’ayant d’autre souci que de les y bien établir et en se félicitant lorsqu’on réussit à le faire, les autres enseignements et toutes les prières sont inefficaces. « Ah ! penseront-ils, le monde est une bonne place après tout, car nos parents rendent grâces à Dieu de nos succès dans ce monde, qu’ils regardent comme une faveur signalée de la providence. Tout ce qu’ils disent, donc, quand ils prétendent être morts et ressuscités avec Christ, quand ils déclarent que le monde est jugé et qu’ils y sont étrangers et voyageurs, tout cela doit être regardé comme un non-sens, ou bien les soi-disant chrétiens doivent être regardés comme des trompeurs ». Qui peut douter que de telles pensées n’aient souvent eu l’occasion de monter dans le cœur d’enfants de bien des parents professants ! La grâce de Dieu, sans doute, est souveraine et peut triompher de toutes nos inconséquences et de toutes nos infidélités. Mais pensons au témoignage, et veillons à ce que nos maisons soient réellement administrées pour Dieu et non pour Satan.

Peut-être demandera-t-on : « Que feront donc nos enfants ? Comment s’en tireront-ils ? Ne faut-il pas les mettre en état de gagner leur pain ? ». Sans doute. Dieu veut que nous travaillions. Le fait même qu’Il nous a donné deux mains prouve que nous ne devons pas être des paresseux. Mais je ne vois pas la nécessité, dans le but de donner à mon fils un moyen de travailler, de le pousser dans un monde dont je me suis séparé. Le Dieu Très-haut, le possesseur des cieux et de la terre, avait un Fils, Son Fils unique, l’héritier de toutes choses, par lequel aussi Il a fait les mondes, et quand Il envoya ce Fils dans le monde, Il ne Lui donna pas une profession savante, mais Il était connu comme « le charpentier ». Cela ne nous dit-il rien, ne nous enseigne-t-il rien ?

Maintenant, Christ est monté en haut et a pris Sa place à la droite de Dieu. Ainsi ressuscité, Il est notre Chef, notre représentant et notre modèle ; mais Il nous a laissé un exemple, afin que nous suivions Ses traces. Les suivons-nous, en cherchant à faire briller nos enfants dans un monde qui a crucifié Jésus ? Ah ! certainement non, nous faisons plutôt le contraire, et le résultat ne tardera pas à se montrer, car il est écrit : « Ne soyez pas séduits ; on ne se moque pas de Dieu ; car ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6, 7). Si relativement à nos enfants nous semons pour la chair et pour le monde, nous pouvons savoir ce que nous moissonnerons.

Ce n’est pas seulement à l’égard de l’objet de l’éducation de nos enfants que nous avons manqué et gâté le témoignage, mais nous avons péché aussi en ne les tenant pas, en général, dans la soumission à l’autorité paternelle. À cet endroit, il y a eu de grands manquements chez les parents chrétiens. L’esprit du siècle présent est un esprit d’indépendance et d’insubordination. « Désobéissants à leurs parents », c’est là un des traits de l’apostasie des derniers jours (2 Tim. 3, 2), et nous avons personnellement aidé à son développement par une application complètement fausse du principe de la grâce, comme aussi en ne voyant pas que la relation de père et de mère comprend un principe d’autorité exercé en justice, sans lequel nos maisons présenteront le triste aspect de la confusion, du désordre, de l’indiscipline. Ce n’est pas de la grâce que de choyer une volonté non sanctifiée. Nous nous affligeons de n’avoir pas une volonté brisée et soumise, et en même temps nous travaillons à fortifier la volonté propre de nos enfants !

C’est toujours, à mes yeux, une preuve de faiblesse dans l’exercice de l’autorité paternelle, ainsi que l’ignorance de la manière dont le serviteur de Dieu doit gouverner sa maison, que d’entendre un père ou une mère dire à son enfant : « Veux-tu ceci ou cela ? Veux-tu faire telle chose ou telle autre ? ». Cette question, toute simple qu’elle paraisse, tend directement à créer ou à servir la chose même qu’il vous faut travailler à soumettre par tous les moyens en votre pouvoir, c’est-à-dire l’exercice de la volonté propre dans l’enfant. Ainsi, au lieu de dire à votre enfant : Veux-tu faire ceci ? dites-lui d’abord ce qu’il doit faire, et ne lui permettez jamais de mettre en question votre autorité. La volonté d’un père doit être considérée comme suprême par son enfant, car le père tient pour lui la place de Dieu. Toute pouvoir est à Dieu, et Il en a donné à Son serviteur soit comme père, soit comme maître. Si donc l’enfant ou le serviteur résiste à ce pouvoir, il résiste à Dieu.

L’exhortation adressée aux pères subsiste néanmoins : « Et vous pères, ne provoquez pas vos enfants, mais élevez-les dans la discipline et sous les avertissements du Seigneur » (Éph. 6, 4). Il y a un grand danger à irriter nos enfants ou à provoquer leur colère par une excessive rigueur et des traitements arbitraires. Nous sommes constamment portés à former et à modeler nos enfants selon nos propres goûts et nos vues particulières, plutôt qu’à les élever « dans la discipline et sous les avertissements du Seigneur », c’est-à-dire selon la manière dont le Seigneur corrige et enseigne Ses enfants. C’est là une grave erreur qui ne peut produire que confusion et mécomptes. Nous n’avons rien à gagner, relativement au témoignage pour Christ, en moulant et façonnant la nature sous les formes les plus recherchées. En outre, la culture et l’instruction de la nature n’exigent point de foi ; mais il faut de la foi pour élever des enfants dans la discipline et dans l’enseignement du Seigneur.

On dira peut-être que, dans ce passage, l’apôtre parle d’enfants convertis. À cela je réponds qu’il n’y est rien dit de la conversion. Il n’est pas écrit : « Élevez vos enfants convertis », etc., sinon la question serait résolue. Mais il est simplement dit « vos enfants », ce qui, à coup sûr, veut dire tous vos enfants. Or, si je dois élever tous mes enfants dans la discipline et l’enseignement du Seigneur, quand dois-je commencer à le faire ? Faut-il que j’attende qu’ils soient presque devenus des hommes ou des femmes, ou faut-il que je commence, comme tous les gens raisonnables commencent leur ouvrage, c’est-à-dire au commencement ? Leur permettrai-je de se livrer à leur folie naturelle pendant la période la plus importante de leur carrière, sans jamais essayer de placer leur conscience en présence de Dieu, quant à leur solennelle responsabilité ? Les laisserai-je gaspiller, dans une totale insouciance, ce temps de leur vie, pendant lequel se produisent les éléments de leur futur caractère ? Ce serait là le comble de la cruauté. Que diriez-vous d’un jardinier qui laisserait les branches de ses arbres fruitiers prendre toute sorte de formes tordues et bizarres, avant d’avoir l’idée de commencer à user de moyens propres à les redresser ? Vous diriez qu’il est insensé. Eh bien ! il serait sage en comparaison de parents qui ajournent la correction et l’enseignement du Seigneur au temps où leurs enfants auront fait des progrès manifestes dans la discipline et l’enseignement de l’ennemi.

Mais, dira-t-on encore, nous devons attendre des preuves de conversion. Je réponds que la foi n’attend jamais des preuves mais qu’elle agit d’après la Parole de Dieu, et que les preuves suivent infailliblement. C’est toujours une incrédulité manifeste que d’attendre des signes quand Dieu a donné un commandement. Si les enfants d’Israël eussent attendu un signe quand Dieu disait : « Qu’ils marchent », cela aurait été une évidente désobéissance. Si l’homme à la main sèche avait attendu que quelque force se manifeste en lui quand Jésus lui commanda d’étendre le bras, il aurait porté sa main sèche au tombeau. Il en est de même des parents. S’ils attendent des signes et des preuves avant d’obéir à la Parole de Dieu en Éphésiens 6, 4, il est certain qu’ils ne marchent pas par la foi, mais par la vue. De plus, si nous devons commencer dès le commencement à élever nos enfants, il en résulte que nous devons commencer avant qu’ils soient capables d’offrir aucune preuve de conversion.

En ceci, comme en tout, notre affaire est d’obéir, et de laisser à Dieu les résultats. L’état moral de l’âme peut être mis à l’épreuve par le commandement ; mais quand il y a la disposition d’obéir, la puissance pour le faire accompagnera, sans aucun doute, le commandement, et les fruits de l’obéissance s’ensuivront, « au temps propre… si nous ne défaillons pas ».

Quant aux serviteurs, il est ajouté : « Que tous les esclaves qui sont sous le joug estiment leurs propres maîtres dignes de tout honneur, afin que le nom de Dieu et la doctrine ne soient pas blasphémés ». Notez qu’il est dit : « Dieu et la doctrine ». Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une question de puissance. Le nom de Christ et la doctrine mettent le maître et le serviteur sur un même niveau, comme membres du même corps (en Christ Jésus, il n’y a point de différence) ; mais quand je sors de là dans les relations d’ici-bas, je rencontre le gouvernement de Dieu qui fait l’un maître, et l’autre serviteur ; et toute infraction à l’ordre établi par ce gouvernement attire un jugement infaillible.

Il est d’une immense importance d’avoir une intelligence nette de la doctrine du gouvernement moral de Dieu ; c’est le moyen de lever bien des difficultés et de résoudre bien des questions. Ce gouvernement s’exerce avec une décision et une justice particulièrement solennelles. En cherchant dans l’Écriture ce qui est relatif à ce sujet, nous trouverons que, dans chaque cas où il y a eu erreur ou péché, ce mal a produit inévitablement ses fruits. Adam désobéit et fut, à l’instant, rejeté du jardin dans un monde gémissant sous le poids de la malédiction causée par son péché. Il ne fut plus jamais replacé dans le paradis. La grâce intervint, il est vrai, et lui fit la promesse d’un libérateur ; elle couvrit encore sa nudité ; néanmoins son péché produisit son résultat, et Adam ne recouvra jamais ce qu’il avait perdu par sa faute.

Moïse, aux eaux de Meriba, parla légèrement de ses lèvres, et la conséquence en fut que Dieu, qui est juste, lui défendit l’entrée de Canaan. Dans ce cas encore, la grâce vint apporter quelque chose de meilleur que ce qui avait été perdu ; car il était beaucoup meilleur de contempler, du sommet du Pisga, les plaines de la Palestine dans la compagnie de l’Éternel, que de les habiter avec Israël (Deut. 34, 1-5).

Dans le cas de David, nous trouvons aussi le mal suivi de sa conséquence. David commet un adultère, et cette sentence solennelle fut aussitôt prononcée : « L’épée ne s’éloignera pas de ta maison, à jamais ». Ici encore la grâce abonda, et David en jouit, avec un sentiment plus profond, lorsqu’il s’avançait par la montée des Oliviers avec les pieds nus et la tête couverte, qu’il n’en avait joui au milieu des splendeurs du trône. Néanmoins son péché produit ses résultats.

Ce n’est pas seulement dans l’Ancien Testament que nous voyons le péché porter son fruit. Dans le Nouveau, nous voyons Barnabas (Act. 15, 37-41) exprimer le désir, bien convenable en apparence, de conserver la société de son cousin Marc. Dès ce moment, Barnabas perd la place honorable qu’il avait dans les récits du Saint Esprit, qui ne fait plus aucune mention de lui. Sa place fut dès lors occupée par un cœur plus entièrement dévoué, plus libre d’affections purement naturelles, que celui de Barnabas. C’était la nature, en Barnabas, qui le portait à désirer la compagnie de celui qui s’était séparé de Paul et de lui dès la Pamphylie, et n’était point allé avec eux pour cette œuvre. C’était une nature aimable, mais c’était la nature, et elle triompha en Barnabas, puisqu’il prit Marc avec lui et qu’ils firent voile ensemble pour l’île de Chypre, terre natale de Barnabas, où, dans le temps du premier amour, il avait vendu sa propriété, afin de pouvoir suivre plus librement Celui qui n’avait pas eu un lieu où reposer Sa tête (Act. 4, 36, 37).

Hélas ! il n’est pas rare que le cœur naturel retourne à ce qu’il a laissé. Les fleurs de l’arbre de la profession chrétienne sont, au printemps, belles et abondantes et répandent un doux parfum ; mais combien peu, souvent, on trouve de fruits savoureux en automne ! Les influences de la nature et du monde soufflent pour dépouiller l’âme qui promet des fruits, et, au lieu de ceux-ci, il n’y a souvent que stérilité et mécomptes. C’est là quelque chose de très triste et du plus fâcheux effet moral sur le témoignage. Le salut de la personne qui a donné ainsi des espérances déçues plus tard n’est pas du tout en question. Barnabas était sauvé, sans doute. L’influence qu’eurent sur lui Marc et l’amour de sa patrie ne put effacer son nom du livre de vie de l’Agneau, mais elle effaça son nom du registre du témoignage et du service ici-bas. Et n’était-ce pas là quelque chose de lamentable ? N’avons-nous rien à craindre ou à déplorer, si ce n’est la perte du salut personnel ? Ah ! ce serait nous montrer bien égoïstes et bien indifférents à la gloire de Dieu !

Dans quel but, ce Dieu béni prend-Il tant de peine à conserver Son Église ici-bas ? Est-ce pour que les croyants soient sauvés et préparés pour la gloire ? Nullement ; ils sont déjà sauvés par la parfaite rédemption du Christ et, par conséquent, préparés pour la gloire. Il y a une inséparable connexion entre la justification et la gloire : « Ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés ». Pourquoi donc Dieu nous laisse-t-Il ici-bas ? C’est pour que nous soyons un témoignage pour Christ. Sans cela nous pourrions tout aussi bien être enlevés au ciel aussitôt après notre conversion. Qu’il nous soit donné de comprendre cette vérité dans toute sa plénitude et sa force pratique !

Le gouvernement moral de Dieu est une vérité de toute importance : il est tel, que celui qui fait mal en moissonnera infailliblement le fruit, qu’il soit croyant ou incrédule, saint ou pécheur, n’importe. La grâce de Dieu peut pardonner au pécheur, et elle pardonne toutes les fois que le péché est jugé et confessé ; mais comme le péché est une atteinte portée aux principes du gouvernement moral de Dieu, il faut que celui qui l’a commis soit amené à sentir sa faute. Il a manqué, et il doit nécessairement en éprouver les conséquences. C’est là une vérité bien solennelle, mais tout particulièrement salutaire, dont l’action a été misérablement entravée par de fausses notions sur la grâce. Jamais Dieu ne permet à Sa grâce d’affaiblir Son gouvernement moral ; ce serait une confusion, et Dieu n’est pas un Dieu de confusion. Nous avons oublié que Dieu nous a donné un exemple en exerçant un juste gouvernement.

Les épîtres de Pierre développent la doctrine du gouvernement moral de Dieu. C’est là que nous trouvons cette question : « Qui est-ce qui vous fera du mal, si vous êtes devenus les imitateurs de celui (ou de ce) qui est bon ? ». Quelques personnes trouvent difficile de concilier cette question avec la déclaration de Paul : « Tous ceux aussi qui veulent vivre pieusement dans le Christ Jésus, seront persécutés ». Il semble superflu de dire que les deux idées sont en parfaite harmonie.

Le Seigneur Jésus Lui-même, qui fut le seul imitateur parfait et constant de ce qui était bon, Lui qui, d’un bout à l’autre de Sa carrière ici-bas, alla « de lieu en lieu, faisant du bien », trouva à la fin la croix, la lance et le sépulcre. L’apôtre Paul qui, plus que tout autre homme, marcha sur les traces du grand modèle qui était constamment devant lui, fut appelé à boire une coupe extraordinaire de privations et de persécutions. Et de nos jours, plus un saint sera semblable et dévoué à Christ, plus il aura à endurer de persécutions et de privations. Si, poussé par un pur dévouement à Christ et par amour pour les âmes, il allait s’établir ouvertement dans certaines contrées pour y prêcher Christ, sa vie pourrait y être en danger. Tous ces faits sont-ils en opposition avec la question de Pierre ? Nullement.

La tendance directe du gouvernement moral de Dieu est de garantir du mal tous ceux qui sont « imitateurs de ce qui est bon », et d’infliger des châtiments à tous ceux qui font le contraire ; mais elle n’a rien à faire avec la voie plus élevée de la position de disciple ; elle ne prive qui que ce soit du privilège et de l’honneur d’être aussi semblable à Christ qu’il le désire, « parce qu’à vous, il a été gratuitement donné, par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui, ayant à soutenir le même combat que vous avez vu en moi et que vous apprenez être maintenant en moi » (Phil. 1, 29, 30). Ici, nous apprenons que c’est une grâce qui nous est conférée d’être appelés à souffrir pour Christ, et cela au milieu d’une scène dans laquelle, sur le terrain du gouvernement moral de Dieu, il peut être dit : « Qui est-ce qui vous fera du mal, si vous êtes devenus les imitateurs de ce qui est bon ? ».

Reconnaître le gouvernement de Dieu et s’y soumettre, est une chose ; être imitateur d’un Christ rejeté et crucifié, est une tout autre chose. Même dans cette épître de Pierre qui, comme nous l’avons fait remarquer, a pour sujet spécial la doctrine du gouvernement de Dieu, nous lisons : « Mais si, en faisant le bien, vous souffrez, et que vous l’enduriez, cela est digne de louange devant Dieu, car c’est à cela que vous avez été appelés ; car aussi Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle, afin que vous suiviez ses traces ». Et encore : « Si quelqu’un souffre comme chrétien (ou parce qu’il est moralement semblable à Christ), qu’il n’en ait pas honte, mais qu’il glorifie Dieu en ce nom ».

Il ne faut pas cependant confondre le principe du gouvernement de Dieu avec Son caractère. Le premier est justice, le second est grâce ; ce que je cherche à faire ressortir maintenant, c’est le fait que la relation de père et de maître implique un principe de justice, et que si ce principe n’a pas une application convenable dans le gouvernement de la famille, il doit y avoir confusion. Si je vois un enfant, qui m’est étranger, agir mal, je ne suis revêtu d’aucune autorité divine pour exercer une juste discipline à son égard ; mais dès que je vois mon propre enfant qui fait mal, je dois le discipliner, parce que je suis son père.

Mais, dira-t-on peut-être, la relation de père à fils est une relation d’amour. C’est vrai, car il est écrit : « Voyez de quel amour le Père nous a fait don, que nous soyons appelés enfants de Dieu » (1 Jean 3, 1). Mais quoique cette relation soit fondée sur l’amour, elle est exercée en justice, car il est aussi écrit : « Car le temps est venu de commencer le jugement par la maison de Dieu » (1 Pier. 4, 17). De même Hébreux 12 nous enseigne que notre qualité de fils légitimes nous place sous la juste discipline du Père des esprits. Et dans Jean 17, l’Église est remise aux soins du Père saint pour qu’Il la garde en Son nom.

Or, toutes les fois que les parents chrétiens perdent de vue cette grande vérité, leurs maisons sont livrées au désordre. Ils ne gouvernent pas leurs enfants ; il en résulte que, avec le temps, ce sont leurs enfants qui les gouvernent : car enfin, il faut que le gouvernement soit quelque part ; et si ceux à qui Dieu a confié les rênes ne les tiennent pas comme ils le doivent, elles tomberont bientôt en de mauvaises mains.

Quelle chose triste et honteuse que de voir des parents gouvernés par leurs enfants ! Je ne doute pas qu’aux yeux de Dieu ce ne soit une tache, un désordre qui attire tôt ou tard Son jugement. Un père qui laisse tomber de ses mains les rênes du gouvernement, ou qui ne les tient pas fermement, manque gravement à sa sainte responsabilité d’être, pour sa famille, le représentant de Dieu et le dépositaire de Sa puissance. Je ne pense pas qu’un tel homme puisse jamais reprendre complètement sa position ni être, dans sa génération, un fidèle témoin de Dieu. Il peut être l’objet de la grâce, ce qui est tout autre chose qu’un témoin pour Dieu. Voilà ce qui peut expliquer le lamentable état de beaucoup de frères. Ils ont totalement manqué à leur devoir de gouverner leurs maisons selon le Seigneur, ce qui leur a fait perdre leur vraie position et leur influence morale ; de là vient que leur énergie est paralysée, que leurs bouches sont fermées, leur témoignage annulé ; et si quelqu’un d’eux vient à faire entendre une faible voix, le doigt du mépris, désignant aussitôt l’état de sa famille, amène la rougeur à ses joues et le remords à sa conscience.

Tous ne se font pas des idées justes de ce sujet, et ne savent pas toujours remonter à cette source d’un grave état de déchéance morale. Beaucoup de chrétiens prennent facilement leur parti de voir leurs enfants croître dans la désobéissance et la mondanité. Il leur semble que c’est là une chose naturelle et inévitable, et on les entend dire à d’autres : « Pendant que vos enfants sont jeunes, vous en faites ce que vous voulez ; mais attendez qu’ils soient plus âgés, et vous verrez bien que vous serez obligés de les laisser aller dans le monde ! ». Jamais je ne pourrai croire que ce soit selon la pensée de Dieu, que les enfants de Ses serviteurs grandissent nécessairement dans la mondanité et l’insubordination. Eh bien ! si ce n’est pas Sa pensée qu’il en soit ainsi ; si, dans Sa miséricorde, Il a ouvert aux enfants de Ses saints les mêmes sentiers qu’à ces derniers ; s’Il autorise les parents chrétiens à choisir pour leur famille la même part que, par Sa grâce, ils ont choisie pour eux-mêmes ; si, après tout cela, leurs enfants sont volontaires et mondains, que faut-il souvent en conclure, sinon que les parents ont péché dans l’exercice de leur relation et de leur responsabilité ? Mais doivent-ils faire un principe général de ce qui est souvent le résultat de leur infidélité, et prononcer que tous les enfants des chrétiens doivent ressembler aux leurs en grandissant ? Font-ils bien de détourner de jeunes parents de choisir le terrain de Dieu relativement à leurs enfants en leur proposant leurs errements, au lieu de les encourager en plaçant devant eux l’infaillible fidélité de Dieu envers tous ceux qui Le cherchent dans la voie de Ses commandements ? Agir ainsi serait imiter le vieux prophète de Béthel qui, parce qu’il était lui-même dans le mal, cherchait à y entraîner son frère, et contribua à le faire tuer par un lion pour sa désobéissance à la parole de l’Éternel.

En résumé, la propre volonté de mes enfants manifeste souvent la propre volonté de mon propre cœur, et un Dieu juste se sert d’eux pour me châtier parce que je ne me suis pas jugé moi-même. Pour m’épargner de la peine, j’ai laissé le mal avoir son cours dans ma famille, et maintenant mes enfants ont grandi autour de moi et sont comme des épines à mes côtés, parce que je ne les ai pas élevés pour Dieu. Telle est l’histoire de milliers de familles. Nous ne devrions jamais perdre de vue que nos enfants doivent, aussi bien que nous-mêmes, servir à la « défense et à la confirmation de l’évangile ».

Je suis convaincu que, si nous pouvions être amenés à considérer nos maisons comme devant être un témoignage pour Dieu, cela produirait une immense réforme dans notre manière de les gouverner. Nous chercherions alors à y établir un ordre moral plus élevé, non pas afin de nous épargner de la peine ou du chagrin, mais plutôt afin que le témoignage n’ait pas à souffrir du désordre de nos maisons.

Mais n’oublions pas que, pour pouvoir dompter la nature en nos enfants, il faut premièrement la dompter en nous-mêmes. Nous ne pouvons jamais vaincre la chair par la chair, et ce n’est qu’autant que nous l’avons surmontée en nous, que nous sommes en état de la surmonter en nos enfants.

De plus, il faut, pour cela, une parfaite intelligence et une complète harmonie entre le père et la mère. Leur voix, leur volonté, leur autorité, leur influence doivent être une dans le sens le plus strict de ce mot. Étant eux-mêmes « une seule chair », ils devraient toujours présenter à leurs enfants la beauté et la puissance de cette unité.

Dans ce but, ils doivent servir Dieu ensemble, s’attendre à Lui, se tenir beaucoup en Sa présence, Lui ouvrir tout leur cœur, Lui exposer tous leurs besoins. Les maris et les femmes manquent fréquemment à ce qu’ils se doivent à cet égard. Il arrive parfois que l’un des deux désire réellement renoncer au monde et dompter la chair à un degré auquel l’autre n’est pas arrivé, et cela produit de tristes résultats. Cela conduit souvent à de la réserve, à des détours, à un antagonisme positif dans les vues et les principes du mari et de la femme, en sorte qu’on ne peut dire d’eux qu’ils sont unis dans le Seigneur. L’effet de tout cela, sur les enfants qui grandissent, est pernicieux, et son influence funeste sur toute la maison est incalculable. Ce que le père commande, la mère le conteste ; ce que l’un défend, l’autre le permet ; ce que le père édifie, la mère le détruit. Le père est représenté comme rigide, sévère, exigeant. L’influence maternelle agit en dehors et indépendamment de celle du père ; parfois même elle met complètement de côté celle-ci, en sorte que la position du père devient des plus pénibles, et que toute la famille présente un aspect de trouble et d’indiscipline[4]. C’est une chose affreuse. Des enfants ne peuvent jamais être bien élevés dans de telles circonstances, et la seule pensée en fait frémir, relativement au témoignage pour Christ. Là où domine un tel état de choses, il devrait y avoir la contrition de cœur devant le Seigneur à ce sujet. Sa miséricorde est inépuisable et Ses tendres compassions ne font jamais défaut ; et nous pouvons certainement espérer que, s’il y a une vraie douleur et une sincère confession, Dieu interviendra en grâce pour guérir et pour relever.

Nous ne devrions pas prendre notre parti de choses pareilles ; c’est pourquoi, que tous ceux qui en sont affligés dans leur cœur crient au Seigneur jour et nuit, crient à Lui, en se fondant sur Sa vérité et sur Son nom, qui sont blasphémés par de tels péchés ; et certainement Dieu entendra et exaucera. Mais que cette question dans son entier soit envisagée à la lumière du témoignage pour le Fils de Dieu. C’est pour ce témoignage que nous sommes laissés ici-bas. En effet, nous n’y sommes assurément pas laissés seulement pour élever nos familles n’importe comment, mais bien afin de les élever pour Dieu, avec Dieu et devant Lui.

Pour atteindre ce but élevé, il nous faut être beaucoup en la présence du Seigneur. Un père chrétien ne peut pas frapper, souffleter, réprimander ses enfants comme le font les hommes du monde, selon leurs caprices et leur humeur du moment. Le chrétien doit représenter Dieu au milieu de sa famille : cela bien compris réglera tout dans la maison. Il est l’intendant de Dieu ; il devra donc, pour bien comprendre cette charge et pour s’en acquitter fidèlement, avoir de fréquentes relations, ou plutôt des relations non interrompues, avec son Maître. Il faut qu’il se tienne habituellement aux pieds de ce Maître, afin de savoir ce qu’il doit faire et comment il doit le faire. Par ce moyen tout, dans son administration, deviendra simple et facile.

Souvent le cœur voudrait avoir une règle générale pour chacun des divers détails de l’administration domestique. On demande, par exemple, quelle sorte de punitions, quelle sorte de récompenses, et quelle sorte d’amusements les parents chrétiens doivent adopter. Quant aux punitions, je pense qu’elles seront rarement nécessaires, si les divins principes d’éducation de l’enfant sont mis en pratique dès la plus tendre enfance. Quant aux récompenses, il me semble qu’elles devraient essentiellement consister en expressions d’amour et d’approbation. Un enfant doit être obéissant — obéissant à tous égards et immédiatement — non pour obtenir une récompense, propre à nourrir et à développer l’émulation qui est un fruit de la chair, mais parce que Dieu le veut ainsi. Cependant il me semble assez convenable que les parents manifestent leur approbation par quelque présent.

Quant aux amusements que vous désirez procurer à vos enfants, qu’ils aient toujours, si possible, le caractère de quelque occupation utile. Cela est salutaire à l’esprit. J’ai souvent vu de très jeunes enfants trouver un plaisir beaucoup plus réel, et certainement beaucoup plus simple, avec du papier, un crayon ou telle autre chose qu’ils se procuraient eux-mêmes, qu’avec les jouets les plus chers. Enfin, pour toutes choses, punitions, récompenses ou jeux, ayons l’œil sur Jésus et cherchons sérieusement à soumettre la chair sous quelque apparence ou forme qu’elle se présente. Alors nos maisons seront un témoignage pour Dieu, et tous ceux qui y entreront seront contraints de dire : Dieu est ici.

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Il faut que je termine. Je n’ai pas pris la plume, Dieu le sait, pour blesser qui que ce soit. Je sens avec force l’importance du sujet que j’ai traité, et en même temps mon incapacité à le présenter avec la clarté nécessaire. Cependant je m’attends à Dieu pour qu’Il donne efficace à ces lignes, et quand Il agit, le plus faible instrument peut répondre à Son but. C’est à Lui que je recommande maintenant ces pages qui, j’en ai la confiance, ont été commencées, poursuivies et terminées en Sa sainte présence. Une pensée m’a extrêmement soutenu : c’est qu’au moment même où je sentais sur ma conscience la nécessité d’écrire cette brochure, un certain nombre de bien-aimés frères étaient réunis en assemblée d’humiliation, de confession et de prières, au sujet du témoignage rendu au Fils de Dieu dans ces derniers jours. Je ne doute pas qu’un point fort important de la confession n’ait été relatif au gouvernement de la famille ; et si ces pages étaient utilisées par l’Esprit de Dieu pour produire, ne fût-ce que dans une seule conscience, un sentiment plus profond de cette chute, et dans un seul cœur, un plus sincère désir de réparer cette brèche selon les pensées de Dieu, je m’en réjouirais en éprouvant que je n’ai pas écrit en vain.

Puisse le Dieu tout-puissant, selon les richesses de Sa grâce, produire, par Son Saint Esprit, dans les cœurs de tous Ses bien-aimés, un plus ardent désir de rendre, dans cette dernière heure, un témoignage pour Christ plus complet et plus décidé, afin que, quand la voix de l’archange et la trompette de Dieu retentiront, il se trouve ici-bas un peuple préparé à aller avec joie à la rencontre de l’Époux !