Une nuit sans sommeil

(lire Esther 6)
(Traduit de l’anglais)
C.H. Mackintosh

[Courts articles 55]

« Cette nuit-là le sommeil fuyait le roi ». Comment cela se faisait-il ? Qu’est-ce qui chassait le sommeil des yeux du roi et l’assoupissement de ses paupières ? Pourquoi le puissant Assuérus ne pouvait-il pas jouir d’une miséricorde qui était la part du moindre de ses sujets ? Certains diraient : « Les lourdes responsabilités de la royauté lui dérobaient ce dont jouit un homme de peine ». Ce pouvait être le cas en d’autre nuits, mais « cette nuit-là », nous devons expliquer son absence de sommeil d’une manière tout à fait différente. Le doigt du Tout-puissant se trouvait dans cette nuit sans sommeil. « L’Éternel Dieu des Hébreux » avait une grande œuvre à accomplir au bénéfice de Son peuple bien-aimé, et afin de la produire, Il chassa « le doux sommeil » de la luxueuse couche du monarque des cent vingt-sept provinces.

Cela met en évidence d’une manière très marquée le caractère du livre d’Esther. Le lecteur observera que, tout du long de cette intéressante partie de l’inspiration, le nom de Dieu n’est jamais prononcé. Pourtant, Son doigt est empreint sur toutes choses de manière visible. Les circonstances les plus triviales manifestent Son « conseil merveilleux et Sa grande sagesse ». La vue de la nature ne peut pas suivre le mouvement des roues du char de l’Éternel, mais la foi, non seulement les suit, mais connaît la direction dans laquelle elles se meuvent. L’ennemi complote, mais Dieu est au-dessus de lui. Chaque mouvement de Satan se trouve n’être qu’un maillon dans la merveilleuse chaîne des événements par laquelle le Dieu d’Israël accomplissait Son propos de grâce envers Son peuple. Il en a été ainsi, il en est ainsi, et il en sera toujours ainsi. La malice de Satan, l’orgueil de l’homme, les influences les plus hostiles, ne sont tous qu’autant d’instruments dans la main de Dieu pour l’accomplissement de Ses desseins de grâce. Cela donne au cœur le repos le plus doux, au milieu des ballottements incessants et des fluctuations des affaires humaines. « La fin du Seigneur » sera assurément manifestée. « Son conseil s’accomplira, et il fera tout son bon plaisir ». Béni soit Son nom pour cette assurance qui soutient l’âme ! Elle apaise le cœur en tout temps. L’Éternel est derrière la scène. Chaque rouage, chaque vis, chaque pivot dans la vaste machine des affaires humaines, est sous Son contrôle. Bien que Son nom ne soit pas connu ou reconnu par les enfants de la terre, les enfants de la foi voient Son doigt, se confient en Sa parole, et attendent Sa fin.

Combien tout cela est vu clairement dans le livre d’Esther. La beauté de Vasthi, l’orgueil du roi à cet égard, son commandement inconvenant, le refus indigné de la reine, la suggestion des conseillers du roi, ne sont tous que la manifestation des propos de l’Éternel qui mûrissent. De « toutes les belles jeunes filles vierges rassemblées à Suse, la capitale », aucune n’est autorisée à conquérir le cœur du roi, sinon Esther, la fille d’une obscure maison juive, une orpheline affligée. Puis encore, de tous les officiers, ministres et participants du palais, il n’est permis à aucun de découvrir la conspiration contre la vie du roi, sinon à « un certain Juif dont le nom était Mardochée ». Et en cette nuit sans sommeil, rien ne devait être amené pour passer le temps des heures de fatigue du monarque, que « le livre d’annales des chroniques ». Étrange divertissement pour un roi sensuel ! Mais Dieu était derrière tout cela. Il y avait un certain enregistrement, dans ce livre, au sujet « d’un certain Juif », qui doit être mis immédiatement sous les yeux du monarque privé de sommeil. Mardochée doit être remarqué. Il doit être récompensé pour sa fidélité, et récompensé de manière à couvrir d’une confusion accablante la face du fier Amalékite. Au moment même où ce récit était passé en revue, nul autre que le hautain et méchant Haman ne se trouvait dans la cour de la maison du roi. Il était venu pour s’assurer de la mort de Mardochée, mais il est forcé, par la providence de Dieu, d’organiser le triomphe et la dignité de Mardochée. Il était venu pour qu’il soit pendu à un gibet, mais il est amené à le revêtir du manteau du roi, à le mettre sur le cheval du roi, et, lui-même à pied, à le conduire à travers les rues de la ville, et comme un simple héraut, à proclamer son triomphe.

« Oh ! scènes surpassant les fables, et pourtant vraies ».

Qui aurait pu imaginer que le plus noble seigneur dans tous les territoires d’Assuérus — un descendant de la maison d’Agag — devrait être contraint ainsi à servir un pauvre Juif, et un tel Juif, à un tel moment ? Certainement, le doigt du Tout-puissant était en tout cela. Qui, sinon un infidèle, un athée ou un sceptique, pourrait mettre en question une vérité si flagrante ?

Voilà quant à la providence de Dieu. Considérons maintenant l’orgueil de Haman. En dépit de toute sa dignité, de sa richesse et de sa splendeur, son méchant cœur était blessé par une petite chose, indigne d’une pensée au jugement d’un esprit réellement grand ou d’un cœur bien réglé. Il était rendu misérable par le simple fait que Mardochée ne voulait pas s’incliner devant lui ! Bien qu’il occupât la position la plus proche du trône et qu’il se soit vu confier l’anneau du roi — bien qu’il possédât une richesse princière et soit placé dans une position princière, « pourtant », dit-il, « tout cela ne me sert de rien, aussi longtemps que je vois Mardochée, le Juif, assis à la porte du roi » (Esth. 5, 13). Misérable homme ! La position la plus élevée, la richesse la plus grande, l’influence la plus étendue, les marques les plus flatteuses de la faveur royale, tout cela « ne lui servait de rien » simplement parce qu’un pauvre Juif refusait de s’incliner devant lui ! Tel est le cœur de l’homme ! Tel est l’homme ! Tel est le monde !

Mais « l’orgueil va devant la ruine, et l’esprit hautain devant la chute ». Haman en a été la preuve. Au moment même où il semblait sur le point de poser son pied au plus haut sommet de son ambition, une juste providence rétributive fit en sorte qu’il fut obligé de servir Mardochée, et le gibet même qu’il avait ordonné de préparer pour sa victime désignée, fut utilisé pour sa propre exécution !

Demandons-nous pourquoi Mardochée refusait de s’incliner devant Haman ? Cela ne semblait-il pas être une obstination aveugle, de refuser l’honneur coutumier envers le plus noble seigneur du roi — son officier le plus élevé ? Assurément pas ! Haman était le plus grand officier d’Assuérus, mais il était le plus grand « ennemi de l’Éternel », étant le plus grand « ennemi des Juifs ». Il était un Amalékite, et l’Éternel avait juré qu’Il « aurait la guerre contre Amalek de génération en génération » (Ex. 17, 16). Comment donc un vrai fils d’Abraham pourrait-il s’incliner devant quelqu’un avec qui l’Éternel était en guerre ? Impossible ! Mardochée pouvait sauver la vie d’un Assuérus, mais il ne pouvait jamais s’incliner devant un Amalékite. En tant que Juif fidèle, il marchait trop près du Dieu de ses pères pour prêter attention à quelqu’un de la semence d’Amalek.

C’est pourquoi le ferme refus de Mardochée de s’incliner devant Haman n’était pas le fruit d’une obstination aveugle et d’un orgueil insensé, mais de l’aimable foi dans et en haute communion avec le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Il ne pouvait jamais renoncer à la dignité qui appartenait à l’Israël de Dieu. Il demeurerait par la foi sous la bannière de l’Éternel, et en demeurant là, il ne pouvait jamais rendre hommage à un Amalékite. Même si Son peuple était « répandu loin et ravagé » — même si leur « belle maison » était en ruine — même si l’ancienne gloire de Jérusalem avait disparu — la foi devait-elle donc abandonner la haute position assignée à Son peuple par les conseils de Dieu ? En aucun cas. La foi reconnaîtrait la ruine et marcherait doucement. En même temps, la foi saisissait la promesse de Dieu et occupait avec une sainte dignité la position que cette promesse avait ouverte pour tous ceux qui croyaient en elle. Mardochée fut amené à ressentir profondément la ruine. Il se vêtit d’un sac, mais il ne voulait jamais s’incliner devant un Amalékite.

Quel en fut le résultat ? Son sac fut échangé pour un vêtement royal. Sa place à la porte du roi fut échangée pour une place près du trône. Il réalisa dans son heureuse expérience la vérité de cette ancienne promesse, qu’Israël devait être « la tête et non la queue ». Ainsi en fut-il avec ce fidèle Juif de jadis. Il prit sa place sur ce terrain élevé où la foi place toujours l’âme. Il forma son chemin, non selon la vue de la nature sur les choses qui l’entouraient, mais selon la vue de la foi en la Parole de Dieu. La nature pouvait dire : « Pourquoi ne pas abaisser votre mesure d’action au niveau de vos circonstances ? Pourquoi ne pas vous adapter à votre condition extérieure ? Ne feriez-vous pas mieux de reconnaître l’Amalékite, en voyant qu’il se trouve dans une position de puissance ? ». La nature pouvait parler ainsi, mais la réponse de la foi était simple : « L’Éternel a juré qu’Il aurait la guerre contre Amalek de génération en génération ». Ainsi en est-il toujours. La foi saisit le Dieu vivant et Sa Parole éternelle, et demeure en paix et marche dans une sainte élévation.

Lecteur chrétien, que la sainte instruction du livre d’Esther pénètre dans vos âmes par la puissance du Saint Esprit. En elle, nous voyons la providence de Dieu, l’orgueil de l’homme, la puissance de la foi. De plus, elle nous fournit un tableau frappant des actes de l’Éternel en faveur de Son peuple Israël — le renversement soudain de leur dernier et fier oppresseur, leur restauration et leur bénédiction, leur repos et leur gloire éternels.