Écho du Témoignage:Remarques sur Ésaïe/Partie 6

De mipe
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Chapitres 30 ; 31. — Nous abordons un sujet sur lequel jusqu’ici s’est portée faiblement l’attention, et sur lequel l’Esprit de Dieu s’étend avec développement. Puisqu’il se présente à nous dans le chapitre que nous allons étudier, nous en dirons quelques mots. Je veux parler de la condition morale d’Israël, telle que la révélation de Dieu la démontre et l’en convainc. Car ce n’est pas simplement de délivrance qu’il s’agit dans tous ces chapitres, ni d’une délivrance accordée par 1’Éternel, uniquement dans Sa grâce, en une époque de ruine ; mais le Seigneur y est aussi comme le Seigneur juste qui manifeste Son amour pour la justice. Il y avait sujet de démontrer que Dieu ne pouvait moralement supporter la condition d’Israël. Celui-ci était plongé dans l’aveuglement, dans un aveuglement religieux qui, à la fin, était un aveuglement judiciel. Le Saint Esprit en trace le tableau de diverses manières. Jetons un rapide coup d’œil sur ce qui nous est exposé ici.

Le premier trait du mal commis par Israël, et qui excite l’indignation de Dieu, c’est sa descente en Égypte. Qu’un peuple béni de Dieu, auquel ont été promises des bénédictions encore plus précieuses que celles qu’il a goûtées — des bénédictions que la grâce divine doit répandre sur lui aux derniers jours, bénédictions les meilleures possibles pour un peuple sur la terre — qu’un tel peuple descendît en Égypte pour y chercher un appui, c’était chose non seulement humiliante pour lui, mais surtout déshonorante pour Dieu. Aussi le Saint Esprit, après nous avoir montré la délivrance des Juifs, revient-Il en arrière et indique-t-Il de quoi ils ont été délivrés. Dieu fait ressortir l’un après l’autre les divers caractères du mal, et montre qu’il entraîne fatalement la ruine. Cependant Il retire Israël de toutes ses détresses, et finit par le bénir comme Son propre peuple. Il est particulièrement consolant, en étudiant les voies de Dieu, d’apprendre qu’Il ne se borne pas à délivrer du danger, des ennemis du dehors, de Satan, mais aussi de toutes les diverses formes du péché. Il ne déguise pas habilement le mal, mais, chapitre après chapitre, Il le met à nu, bien que le châtiment que ce mal entraîne, paraisse devoir amener la destruction du peuple. Seulement, en même temps que nous voyons le côté sombre, Dieu se montre intervenant en grâce, enlevant les pièges de dessous les pas de Ses bien-aimés, rétablissant dans leur pays ceux qui sont dispersés, et assurant le triomphe de Sa grâce aussi bien que celui de Sa justice. C’est pour cela qu’Il dit, au verset 1 : « Malheur aux enfants rebelles, qui prennent conseil, mais non pas de moi ». Ces paroles renferment quelque chose de solennel ; mais ce qui l’est plus encore, c’est de penser combien elles peuvent s’appliquer à nous-mêmes. Quoiqu’enfants de Dieu, la pente de nos cœurs est de suivre nos propres jugements, car la chair ne vaut pas mieux chez le chrétien que chez les autres hommes. Toutes les fois que nous prenons conseil de nous-mêmes, nous pouvons être assurés que le même caractère de mal que l’Esprit du Seigneur reprochait à Israël, est à l’œuvre au-dedans de nous.

Recourir aux directions de la sagesse naturelle dans les difficultés par lesquelles nous passons, est pour nous ce qu’était pour Israël descendre en Égypte, c’est-à-dire qu’il recherchait la sagesse charnelle, dont l’Égypte était le symbole dans l’ancien monde. Il n’y avait pas sous ce rapport de contrée plus distinguée dans l’histoire des nations. Plus tard, la Grèce et Rome prirent le dessus, mais ce fut longtemps après l’époque à laquelle se rapportait la vision d’Ésaïe comme fait historique. Elles ne furent guère, dès le principe, autre chose qu’un ramassis de hordes barbares. Nulle part on n’aurait rencontré la sagesse humaine au même degré qu’en Égypte. Le grand Assyrien qui envahit la Judée se distinguait moins par sa sagesse que par ses vastes ressources et les forces dont il disposait. L’Égypte s’enorgueillissait au contraire de sa sagesse — comme s’il n’y avait pas un Dieu souverainement sage ! — se reposait sur l’expérience de l’homme, car elle était l’une des plus anciennes puissances qui eussent atteint un rang prééminent. Versée comme elle l’était dans la politique de l’ancien monde, elle avait acquis une immense réputation pour sa connaissance des moyens de résoudre les difficultés de nation à nation, de maintenir la paix, la prospérité, etc.

Les Israélites, menacés par les Assyriens, recherchèrent l’appui de l’Égypte : je parle maintenant du fait auquel la prophétie qui nous occupe s’applique littéralement. Bien qu’il ait eu lieu du temps d’Ésaïe, cependant le caractère de la prophétie montre qu’elle ne saurait être limitée à cette époque ; elle ne s’accomplit alors qu’en très faible partie. Mais entre les deux termes de l’infidélité passée et future d’Israël qui, dans ses difficultés, a recours à la sagesse du monde, il y a pour nous une sérieuse leçon dans la pression de toute épreuve qui se rapporte au témoignage de Dieu ; le cœur est fortement enclin à faire face à des épreuves terrestres par des voies mondaines. On est porté à penser qu’il n’est pas possible de surmonter par des moyens spirituels, les efforts du monde contre nous ; et ainsi il y a danger de recourir aux armes charnelles en vue d’échapper. N’est-ce pas la même chose que nous trouvons ici ? Et pourtant, qui est-ce qui a du cœur pour les enfants de Dieu et pour la vérité et qui ne connaisse les dangers de cela ? Si nous ne le voyons pas, c’est, j’en suis sûr, parce que nous sommes nous-mêmes sous l’influence du monde. Le sentiment du danger, la frayeur qui s’empare de nos esprits, la crainte que nous fassions face à la chair par la chair, c’est là ce dont Dieu se sert pour nous amener à regarder à Lui. Dieu ne posera jamais Son sceau sur ce principe : dépendre de moi ; au contraire, la grande leçon qu’enseigne toute la vie de Christ est tout l’opposé. Il vécut par le Père ; aussi lisons-nous que « celui qui se nourrit de lui vivra par Lui ». Cela signifie que c’est dans la dépendance d’un autre, savoir de Christ, que se trouvent la joie, la force et la sagesse du chrétien. Nous recueillons ceci avant que survienne la difficulté. Alors, « je puis tout par Christ qui me fortifie ».

Là où nous manquons souvent, c’est lorsque nous agissons de notre propre mouvement. Si nous voulons nous tracer un plan, au lieu de prier dans un sentiment de véritable dépendance de Dieu, il y a sujet de craindre pour nous-mêmes. N’est-ce pas outrager le Dieu dont l’oreille est toujours ouverte à nos requêtes ? Et toutefois qui ne sait que c’est à cela, plus peut-être qu’à toute autre chose, que nous sommes le plus enclins ?

Voilà donc où se trouve, à mon avis, la leçon morale du chapitre — prendre conseil, mais non pas de Dieu. En conséquence (v. 1-7), Dieu fit que le pays d’Égypte devint le moyen d’aggraver profondément le mal d’Israël. Si nous examinons le Nouveau Testament pour nous conduire au milieu de ces difficultés, nous y trouverons exactement la même vérité. Quand l’apôtre ne parle que des tribulations ordinaires, nous avons la même leçon en d’autres termes. Ainsi il nous recommande de faire que notre douceur soit connue de tous les hommes, parce que le Seigneur est proche ; de faire monter nos prières vers Dieu avec des actions de grâces, au lieu d’être préoccupés ou anxieux à l’égard de quoi que ce soit, ce qui ne veut pas dire que nous devions être sans souci, mais nous ne devons pas nous laisser absorber par les préoccupations.

Notre force, est-il dit ici, est de nous tenir tranquilles ; nous avons droit d’attendre que Dieu intervienne en notre faveur ; ce droit, Il nous l’a conféré Lui-même. Nous pouvons en être parfaitement assurés, il ne s’agit pas de ce que sont les circonstances ; même en supposant qu’il y ait quelque chose à juger en nous, si nous le disons à Dieu, ne nous écoutera-t-Il pas ? Il ne peut se renier Lui-même. Il doit renier celui qui porte le nom de Christ. Celui qu’Il couvre de honte, c’est Son enfant qui s’est égaré ; mais bien loin que ce soit là une preuve qu’Il ne l’aime pas, cela prouve au contraire combien Il l’aime. Cependant, si les hommes se permettent d’aller au-delà de ce qu’Il juge convenable pour discipliner Son enfant, Il prend aussitôt la verge ; et rien ne saurait être plus terrible que lorsque l’adversaire dépasse le châtiment prescrit, et s’abandonne à sa propre haine. Alors Dieu se lève dans Son indignation, et agit conformément à Sa majesté ; la grâce même de l’évangile ne saurait L’en empêcher. Voyez, par exemple, la seconde épître à Timothée. Si des personnes portant le nom de Christ sont entraînées par leur zèle charnel et combattent contre la vérité de Dieu ou contre les messagers de cette vérité, Dieu peut se servir d’elles pour sévir contre les péchés de Son peuple. Dieu sait comment abaisser les siens quand ils se sont enflés à cause de quelque chose qui est en eux, ou de la grâce qu’Il leur a conférée. Mais quand les limites d’une juste réprimande sont dépassées, malheur à ceux qui luttent contre eux, couvrant du nom de Dieu leur esprit de vengeance ou de jalousie. Il est évident que la grâce même de l’évangile fait d’autant plus ressortir cette conduite ; car elle paraît d’autant plus terrible que Dieu doit en agir ainsi au milieu de ceux qui parlent si hautement de Son amour.

Les évangiles aussi mettent en lumière, dans les paroles de notre Seigneur Lui-même, la perversité de la lutte contre ce que Dieu accomplit même par le moyen de pauvres et faibles disciples. C’est là pour nous la grande leçon : nous n’avons pas à prendre conseil de nos cœurs, ni à recourir à la force de l’homme. Quand nous nous appuyons sur le bras de la chair, nous nous écartons du sentier chrétien ; tandis que Dieu a montré Sa force sur le fondement qui contient toute la bénédiction de grâce pour les pécheurs, à savoir la mort et la résurrection ; c’est toujours ainsi qu’elle se manifeste pour le chrétien. L’épreuve sera probablement très lourde ; elle paraîtra devoir anéantir ; mais aussi sûrement qu’il y aura apparence de mort, aussi sûrement il y aura peu après réalité de résurrection. Que personne ne perde courage. La croix est le canal direct de la bénédiction pour les enfants de Dieu. Il en a été strictement de même quand nous avons été conduits à Dieu. Nous savions ce que c’était que ressentir les horreurs de la conviction du péché, car Dieu était en voie de nous amener, pour la première fois, dans une position de bénédiction particulière. Il en a toujours été ainsi. Tel a été le cas d’Abraham ; et la profondeur de la souffrance est toujours proportionnée à la grandeur de la bénédiction qu’elle précède. Isaac leur fut donné quand le patriarche avait cent ans, et que Sara n’était pas plus capable d’enfanter qu’une morte. Ils se trouvaient tous deux dans une impuissance absolue, et pourtant ils devaient attendre un fils. Même après la naissance et le développement de l’enfant de la promesse, Abraham eut à le restituer, à offrir son fils unique en sacrifice à Dieu. Mais aussitôt que la simplicité et la fidélité de son cœur furent manifestées et que le sacrifice eut été offert en principe, l’ange de l’Éternel arrêta sa main. Combien Isaac lui fut plus précieux, lorsqu’il fut, pour ainsi dire, l’enfant de la résurrection. Ainsi en est-il de toutes nos bénédictions, peu importe lesquelles. Il faut que nos sentiments soient brisés, que nous réalisions la crucifixion pratique du moi, si nous voulons connaître comment Dieu bénit ; nos bénédictions doivent passer par le moule de la mort et de la résurrection.

C’est en Celui qui est mort et ressuscité que nous viennent toutes nos bénédictions. Pour être pratiquement bénis, il faut que nous marchions, moralement, par la même voie. Toutes nos espérances naturelles doivent être déçues, tous les objets de nos désirs détruits. Quand Dieu, dans Sa fidélité, nous visite par l’épreuve, notre premier mouvement est de chercher à fuir. Israël descend en Égypte, au lieu de se tenir tranquille dans la parfaite assurance que Dieu est la souveraine sagesse et l’unique puissance. Il se dirige vers le pays de la sagesse et de l’habileté humaines. Si Dieu n’eût pas été là, s’ils n’eussent pas été Son peuple, on eût pu comprendre cette conduite ; mais la chose étant comme elle est, quelle folie ! Et pourtant, c’est là la folie de nos cœurs. N’en avons-nous pas conscience ? Prenons garde, que si nous n’en avons pas le sentiment humiliant, la raison n’en soit précisément que nous sommes habitués à agir de cette manière. Nous avons besoin de veiller plus attentivement à tirer profit de cette leçon. La force des Juifs était de se tenir tranquilles au lieu de se jeter du côté de l’Égypte. Il devait être écrit dans un livre, « à perpétuité, à jamais », qu’ils étaient « des enfants qui ne voulaient pas écouter la loi de l’Éternel » (v. 8, 9). C’était même là le pire de tout ; la rébellion pouvait être pardonnée, les enfants menteurs pouvaient avoir honte de leurs mensonges. « Ne nous prophétisez pas la vérité » (v. 10), c’est-à-dire ce qui est selon Dieu. Nous ne devons pas supposer qu’ils tenaient réellement ce langage. Nous lisons souvent dans les évangiles que Jésus répondit en bien des cas où pas une seule question ne Lui avait été adressée. Pourquoi l’Esprit de Dieu dit-Il que Jésus répondit, quand Il n’était pas interrogé ? Parce qu’Il connaissait les pensées de leurs cœurs. Il répondait non à ce qu’ils avaient dit, puisqu’ils avaient gardé le silence, mais à ce qu’Il savait qu’ils auraient dit, s’ils l’avaient osé, à ce qu’Il savait être l’objet de leurs préoccupations. Ici pareillement, les Juifs n’entrent pas dans de longs discours, mais ce qui nous est rapporté est l’expression vraie des sentiments et des actions que Dieu connaissait et voyait en eux. Ils n’aimaient pas la vérité qui mettait sous leurs yeux leur rébellion et leurs mensonges ; ils s’efforçaient de l’éviter et de la fuir. C’est précisément ce qui est indiqué ici : « Pourquoi ne pas mettre à profit les ressources qu’offrent les hommes, alors que Dieu ne fait plus de miracles en leur faveur ? ». Dieu avait choisi Israël pour qu’on pût voir un peuple dont la force était dans le Seigneur et qui prouvât combien il est précieux pour une nation de se confier au Dieu vivant, dans toutes ses affaires publiques ou privées. Tout devait être réglé par la loi de l’Éternel, terme technique qui désigne l’Ancien Testament. Les Israélites étaient destinés à servir d’exemple pratique de la bénédiction qui reposerait sur un tel peuple et un tel pays. Descendre en Égypte, c’était délaisser Dieu pour l’homme ; s’ils eussent demandé conseil, ils auraient appris que Dieu ne les enverrait jamais dans cette Égypte d’où Il les avait retirés. Mais ils ne Le consultent point, ils agissent avant de L’avoir interrogé ; peut-être ensuite L’ont-ils prié à ce sujet. Mais qu’est-ce que prier Dieu de bénir une entreprise faite sous l’impulsion de la volonté propre ? Demandons-Lui ce qu’Il veut que nous fassions avant d’agir. Il se peut que Dieu veuille que nous ne fassions rien, ou qu’Il nous communique Ses directions par le moyen d’un de Ses enfants, car Dieu n’entend pas que nous suivions chacun une ligne de conduite tellement indépendante. Il agit sur les uns par les autres ; Il veut nous faire sentir que nous sommes membres les uns des autres ; mais quelle que puisse être la valeur des avis des uns ou des autres, chacun doit être responsable vis-à-vis de Dieu. Le danger consiste à mettre l’homme à la place de Dieu. Les hommes n’en estiment pas plus leur semblable pour cela, car lorsque nous nous abandonnons à notre propre volonté et que notre conseiller est ferme pour le bien, il en résultera bientôt que celui qui se mettait un jour à la place de Dieu, peut se trouver le lendemain à la place du diable. C’est là la chair : tantôt elle déifie la créature, tantôt elle la ravale au rôle de démon.

Ce à quoi nous devons nous attacher, par conséquent, c’est à regarder à Dieu ; et c’est précisément la première recommandation adressée ici : « vous tenant tranquilles » (v. 15). Mais il y a plus. Dans le chapitre précédent, il était question de la Parole de Dieu, que la chair traitait comme un livre fermé ; mais il faut s’attendre à Dieu aussi bien qu’a Sa Parole. Dieu n’a jamais autorisé l’homme à considérer l’Écriture indépendamment de Lui ; au-dessus de la Bible, il y a Dieu Lui-même. Non pas que Dieu puisse jamais s’élever contre Sa propre Parole, mais ce n’est que par Lui qu’il est possible d’en saisir l’application. Car la Bible ne nous a pas été simplement donnée pour que nous regardions à elle, mais pour que, par elle, nous regardions à Dieu. Ce n’est pas un livre d’histoire ou d’excellents discours ; c’est la voix du Dieu vivant qui parle à nos âmes. Quand on la lit dans cet esprit de soumission à Dieu, la relation et l’attitude de l’âme changent complètement ; on est délivré du danger de confondre la Parole sainte avec ses propres idées ou sa propre volonté. Tandis que lorsque la Parole vous conduit à vous relever vers Dieu en prières, alors ce n’est ni la prière sans la Parole, ni la Parole sans la prière, choses qui sont l’une et l’autre excessivement dangereuses, l’une conduisant au fanatisme, l’autre au rationalisme. C’est pour cela que l’apôtre dit : « Je vous recommande à Dieu et à la Parole de Sa grâce ». Il faut regarder à Dieu pour pouvoir profiter de Sa Parole, et du sein même de cette Parole, regarder de nouveau à Lui pour la comprendre avec fidélité et simplicité. Ici, Israël avait failli, ainsi que l’atteste le chapitre 29. Aussi le voyons-nous, au chapitre 30, recourir à celui de ses plus proches voisins capable de lui prêter le concours de la sagesse humaine, en lutte avec la sagesse et la grâce de Dieu qui l’engageaient à s’appuyer sur Lui : « C’est pourquoi ainsi parle le saint d’Israël : Puisque vous rejetez cette parole, que vous vous confiez dans la violence et dans les détours, et que vous les prenez pour appuis, cette iniquité sera pour vous comme une crevasse qui menace ruine et fait saillie dans un mur élevé, dont l’écroulement arrive tout à coup, en un instant. Il la brisera comme se brise un vase de terre que l’on casse sans ménagement, et dont les débris ne laissent pas un morceau pour prendre du feu au foyer, ou pour puiser de l’eau à la citerne » (v. 12-14). Telle était l’Égypte. La chair est d’ordinaire rusée et perverse ; mais Dieu la juge selon son caractère propre. Elle est toujours remuante et prétend aboutir à quelque résultat. Elle peut avoir un aspect imposant, mais elle est promptement anéantie et condamnée par le Seigneur. « En vous tenant tranquilles et en repos, vous serez délivrés ; c’est dans le calme et la confiance que sera votre force, mais vous ne l’avez point voulu. Vous avez dit : Non ! nous nous enfuirons sur des chevaux ! C’est pourquoi vous vous enfuirez ; et : nous monterons des coursiers légers ! C’est pourquoi on ne sera pas moins léger à vous poursuivre » (v. 15, 16). Dieu fera d’eux un exemple signalé, et montrera que les ressources dans lesquelles ils se confiaient n’étaient que des filets dans lesquels ils sont tombés. Veulent-ils fuir ? La terreur les poursuivra ; — cherchent-ils leur secours dans une fuite rapide ? Rapide aussi sera la vengeance de leurs ennemis. Dieu se sert constamment des objets terrestres comme de la verge qui fustige l’insensé.

Quelle est la réponse que fait le Seigneur quand Il en vient à cela ? Rien n’est plus terrible que la condamnation qu’Il prononce. Mais s’Il traite rigoureusement ici-bas Son peuple coupable, n’est-ce pas toujours pour le bénir finalement ? S’Il manifeste le pauvre état de Ses enfants, s’Il abat leur orgueil, s’Il jette le trouble dans leurs rapports avec ceux que dans un moment pénible ils Lui ont préféré, c’est qu’Il a des vues merveilleuses de grâce. Retourner à Lui, même avec des os brisés, c’est une chose bénie. Combien magnifique est l’élan du prophète : « Cependant l’Éternel attend pour vous faire grâce ; et ainsi il sera exalté (non pas en retranchant Israël, mais) en ayant pitié de vous ; car l’Éternel est un Dieu de justice : heureux tous ceux qui se confient en lui. Oui, peuple de Sion, habitant de Jérusalem, tu ne pleureras plus ; il te fera grâce quand s’élèvera ton cri ; dès qu’il l’aura entendu, il te répondra. Le Seigneur vous donnera du pain dans l’angoisse, et de l’eau dans la détresse ; ceux qui t’instruisent ne se cacheront plus, mais tes yeux verront ceux qui t’instruisent. Tes oreilles entendront derrière toi la voix qui dira : Voici le chemin, marchez-y ! car vous iriez à droite, ou vous iriez à gauche » (v. 18-21). Dieu avait laissé toute cette affliction s’appesantir sur Son peuple ; Il avait Lui-même attendu et avait été exalté ; pourquoi ? Pour faire grâce. L’ennemi pouvait montrer sa malice, Israël sa faiblesse et sa préférence coupable de la chair à Dieu, Dieu Lui-même permettait tout cela, afin de n’avoir autre chose à faire que de tirer Son peuple de l’abîme dans lequel il était tombé, et de le bénir comme il n’avait jamais été béni auparavant, sans que nul obstacle vînt cette fois s’opposer à l’effusion de Son amour. Il attend après lui, et s’Il diffère, c’est pour lui accorder des bénédictions encore meilleures (v. 19-22). Il sera relevé moralement, et tirera vengeance de ce qui a séduit précédemment son cœur. « Vous tiendrez pour souillé l’argent qui recouvre vos idoles et l’or dont elles sont revêtues. Tu en disperseras les débris comme une impureté. Hors d’ici ! leur diras-tu » (v. 22).

Puis viennent le bonheur extérieur, la bénédiction intérieure et la gloire d’en haut.

« Alors il répandra la pluie sur la semence que tu auras mise en terre, et le pain que produira la terre sera gras et nourrissant ; en ce même temps, ton bétail paîtra dans de vastes prairies. Les bœufs et les ânes qui labourent la terre mangeront un fourrage salé, qu’on aura vanné avec la pelle et le van. Sur toute haute montagne et sur toute colline élevée, il y aura des ruisseaux, des courants d’eau, au jour du grand carnage, à la chute des tours. La lumière de la lune sera comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil sera sept fois plus grande, comme la lumière de sept jours, lorsque l’Éternel bandera la blessure de son peuple et qu’il guérira la plaie de ses coups » (v. 23-26).

Telle est la délivrance que Dieu opérera en faveur d’Israël. Mais que devient l’Assyrien ? Israël est béni, mais l’Assyrien n’est pas jugé ; Israël a été méchant, mais l’Assyrien s’est montré impitoyable. Après en avoir fini avec Israël, Dieu doit se tourner vers ses ennemis, comme il est dit dans Ésaïe 10 : « Quand le Seigneur aura terminé toute son œuvre sur la montagne de Sion », alors il détruira les Assyriens (v. 27, 28). Ils ne sauront pas que c’est Dieu qui les pousse du côté de la Terre Sainte, et s’imagineront tomber sur ce pays et sur ses habitants comme sur une proie facile ; c’est là précisément que Dieu les attend pour venger Son peuple (v. 28). Il y a même plus ici que lors du jugement de l’Égypte ; là, Israël mangeait, mais c’étaient des herbes amères. Il n’en est plus de même au jour du jugement qui vient ; ce n’est pas à cette partie de la Pâque qu’il est comparé, mais au chant de leurs fêtes sacrées (v. 29). Ce n’est pas un simple jugement providentiel — Dieu agissant à distance et se bornant à détruire un peuple pour en élever un autre. C’est l’intervention de Dieu d’une manière éclatante ; il y aura déploiement de la justice divine (v. 30-32). C’est la verge du châtiment de Dieu qui frappera les plus rudes coups sur l’Assyrien. Quant à Israël, il jouira d’un bonheur et d’une joie qu’il n’avait jamais connus auparavant. Dieu épousera si visiblement sa cause, qu’Il fera éclater ses chants de louange les plus magnifiques et tous les signes de la confiance en Dieu. Cette prédiction a-t-elle jamais été, depuis Ésaïe, accomplie en Palestine ? A-t-on ouï parler de faits semblables, même au temps de Sankhérib ? Israël était déjà en captivité, et Juda était peu après traîné loin de son pays par le roi de Babylone. Ici, au contraire, il est question de triomphe, de paix, de gloire et de bénédiction. Le pouvoir infini de Dieu a renversé pour toujours les ennemis d’Israël. Cette prophétie doit donc recevoir une réalisation plus complète que celles qu’elle a pu recevoir jusqu’à maintenant.

Verset 33. Il ne s’agit pas dans ce passage d’une simple dévastation. Un bûcher est préparé ; ceci montre clairement quand et comment la chose aura lieu. Topheth (le bûcher) est le symbole du jugement de la part de Dieu, qui vient. Il sera « pour le roi », et non pas « vraiment pour le roi ». Cette expression vraiment (vers. angl.) a induit souvent en erreur en faisant confondre deux personnages importants. Je ne nie pas que le mot rendu par vraiment ne puisse être traduit de la sorte dans certains cas, mais la signification première en est bien plus, même, et c’est justement celle qui convient ici. L’important est que le bûcher est préparé, non seulement « pour l’Assyrien », mais aussi « pour le roi ». Le roi et l’Assyrien sont tellement différents et opposés l’un à l’autre qu’il était nécessaire de révéler que la même condamnation était réservée à tous deux. La mauvaise traduction provenait de ce que les traducteurs ignoraient cette différence et s’imaginaient, en outre, que le roi et l’Assyrien étaient un seul et même personnage. « Le roi », c’est ce faux Messie qui se montrera parmi les Juifs aux derniers jours. Reçu en son propre nom, il se donnera pour le vrai Oint, tout en étant en réalité l’envoyé du diable. La conséquence en est que le bûcher ou le feu de l’enfer est préparé pour lui. L’essentiel est que Dieu prépare le même feu pour tous les deux, non seulement pour l’Assyrien, mais aussi pour le chef de la méchanceté d’Israël, pour « le roi ». Pour lui le feu du bûcher est préparé, aussi bien que pour son ennemi l’Assyrien. C’est de cette merveilleuse manière que Dieu le précipitera dans l’enfer, sans attendre le jour du jugement, avant même d’y jeter le diable. De peur que nous n’eussions pensé qu’il serait le seul, il est dit : « même pour le roi », cet autre personnage qui régnera sur les Juifs sera également désigné par le Seigneur pour être traité de même façon. Les expressions figurées employées représentent une réalité terrible.

Le chapitre 31 est un bref commentaire moral et un résumé succinct de celui qui précède. En quels termes touchants le prophète met en garde contre le danger que fait courir l’Égypte d’abandonner l’Éternel : « Lui aussi cependant, il est sage, il fait venir le malheur, et ne retire point ses paroles (auxquelles Israël s’efforcerait en vain d’échapper) ; il s’élève contre la maison des méchants (israélites ou non) et contre le secours de ceux qui commettent l’iniquité ». La protection du Seigneur envers les justes se manifestera au jour où Il jugera ceux qui secourent et ceux qui sont secourus. Il agira de Sion, et pas seulement du ciel. « Car ainsi a parlé l’Éternel : Comme le lion, comme le lionceau gronde sur sa proie, et, malgré tous les bergers rassemblés contre lui, ne se laisse ni effrayer par leur voix, ni intimider par leur nombre ; de même l’Éternel des armées descendra pour combattre sur la montagne de Sion et sur sa colline. Comme des oiseaux qui déploient les ailes sur leur couvée, ainsi l’Éternel des armées étendra sa protection sur Jérusalem : Il protégera et délivrera, il épargnera et sauvera. Revenez à celui dont on s’est profondément détourné, enfants d’Israël ! En ce jour, chacun rejettera ses idoles d’argent et ses idoles d’or, que vous vous êtes fabriquées de vos mains criminelles. Et l’Assyrien tombera sous un glaive qui ne sera pas celui d’un homme, et un glaive qui ne sera pas celui d’un homme le dévorera ; il s’enfuira devant le glaive, et ses jeunes guerriers seront asservis. Dans son effroi, il franchira sa forteresse, et ses chefs trembleront devant la bannière, dit l’Éternel qui a son feu dans Sion, et sa fournaise dans Jérusalem ».