Études Scripturaires:Lettre sur 2 Cor. 13 v. 5

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J.B. Rossier

Cher frère,

Depuis notre conversation, je me suis appliqué à la lecture de 2 Corinthiens 13, et je me crois obligé de vous faire part de ma profonde conviction sur le verset 5. Plus je l’étudie, moins je sais y voir ce que tant de chrétiens en déduisent, savoir une exhortation adressée à tous les enfants de Dieu sur la nécessité de s’examiner continuellement eux-mêmes pour savoir s’ils sont dans la foi. Je suis même tout à fait persuadé que ce passage n’avait nullement cette portée pour les chrétiens qui étaient alors à Corinthe et auxquels il était spécialement adressé. Je n’y vois qu’un raisonnement, tendant à démontrer la folie du doute des Corinthiens à l’égard de Paul, et, s’il est vrai qu’un tel raisonnement peut être employé dans tout cas réellement analogue à celui-ci, il est pour le moins aussi vrai que, hors un cas pareil, son emploi serait déplacé et même dangereux, suivant les circonstances.

Il s’agit, dans tout le contexte, de l’exercice de l’autorité apostolique de Paul, soit pour constater des cas fâcheux, soit pour discipliner ceux qui avaient péché, soit pour avertir tous les autres. Au verset 5, il s’agit plus particulièrement encore du doute que manifestaient les Corinthiens quant au ministère de Paul dans la Parole. C’est pourquoi l’apôtre dit : « Et si je retourne, je n’épargnerai pas. Puisque vous cherchez une preuve que Christ parle par moi (lui… envers vous), mettez-vous vous-mêmes à l’épreuve (et voyez) si vous êtes dans la foi : éprouvez-vous vous-mêmes. Ou ne reconnaissez-vous pas quant à vous-mêmes que Jésus Christ est en vous ? À moins que vous ne soyez réprouvés ! Or j’espère que vous connaîtrez (par le fait que le Christ est en vous) que nous ne sommes pas réprouvés ».

Il y a déjà longtemps qu’en étudiant ce passage j’avais signalé la parenthèse, qui doit s’ouvrir au milieu du verset 3 après les mots « que Christ parle par moi », et se fermer à la fin du verset 4, après les mots « envers vous ». Aujourd’hui même, je trouve cette parenthèse exactement tracée ainsi dans le texte grec de Griessbach.

Quant au mot « examinez-vous », que j’ai rendu par « mettez-vous vous-mêmes à l’épreuve », la chose aurait peu d’importance sans l’abus incroyable qu’on a fait de la première expression. Au reste le verbe grec n’a pas été traduit une seule fois par « examiner », dans les trente-huit autres passages du Nouveau Testament où il est employé. Dirait-on, en 1 Corinthiens 10, « n’examinons pas le Christ » ?

L’idée générale de tenter, c’est bien « mettre à l’épreuve ». De là aussi, le sens de tenter pour engager au mal. Mais le mot est employé pour toutes sortes de choses par lesquelles on est mis à l’épreuve : Dieu a mis Abraham à l’épreuve. C’est le sujet d’une parfaite joie que d’être entouré de toutes sortes d’épreuves. Or il s’agit ici de sonder des vases dans lesquels Christ habitait, et où Il habitait par la foi en l’évangile que Paul leur avait prêché. On demandait une preuve que Christ parlait par Paul et l’apôtre leur démontre que douter de son ministère, c’était douter d’eux-mêmes ; car, si Christ ne parlait pas par Paul, comment les Corinthiens eux-mêmes étaient-ils chrétiens ? fait dont ils ne doutaient nullement. Paul part de ce point : qu’à moins d’être des réprouvés, ils se connaissaient pour être des chrétiens. Le salut des Corinthiens par la foi, est si peu ce qui doit être prouvé, que (tout misérables qu’ils fussent) ce salut est un fait indubitable et hors de contestation, fait, qui, une fois reconnu, doit, à lui seul, servir de preuve à l’apostolat de Paul.

L’apôtre, méconnu par plusieurs fidèles égarés, en appelle à la puissance et à la bénédiction de son ministère envers ces fidèles eux-mêmes.

La preuve de la mission de Paul, c’était le résultat de l’exercice de son ministère : le salut et la foi des Corinthiens. Cette preuve, l’apôtre la montrait aux Corinthiens dans l’œuvre que Christ avait opérée en eux, au moyen de la Parole que Son serviteur Paul leur avait prêchée. Le ministère de Paul était l’arbre qu’il s’agissait de juger par ses fruits. Or ces fruits étaient là : c’étaient leur propre foi et leur salut que l’apôtre présentait aux Corinthiens. Pour preuve que Christ parlait par lui, Paul leur dit : « Mettez-vous vous-mêmes à l’épreuve… à moins que vous ne soyez réprouvés ».

Tout faible que parût Paul, les Corinthiens, en tant que chrétiens, étaient « une épître de Christ, écrite par le ministère de Paul… avec l’Esprit du Dieu vivant ». « Car, dit-il, eussiez-vous dix mille instituteurs en Christ, cependant vous n’avez pas plusieurs pères, car c’est moi qui vous ai engendrés dans le Christ Jésus, par le moyen de l’évangile ». Ailleurs encore il insiste sur ce point mis en question dans notre passage : « C’est comme de la part de Dieu, devant Dieu, que nous parlons par Christet tout cela, bien-aimés, pour votre édification ». Il ne fait pas son apologie devant eux ; mais il parle devant Dieu, se souciant peu d’être jugé par eux. Il agit comme responsable envers Dieu de l’emploi de l’autorité apostolique, à lui confiée par Jésus Christ souverainement exalté. Or cette autorité lui a été commise « pour l’édification des Corinthiens, pour l’édification des saints », en général, « pour l’œuvre du ministère ».

Les Corinthiens avaient-ils la certitude qu’ils étaient chrétiens (et ils l’avaient), ils avaient aussi la preuve de l’autorité de Paul, la preuve que Christ parlait par lui. « Or je vous fais connaître, frères, l’évangile que je vous ai annoncé et que vous avez reçu, et dans lequel vous êtes demeurés fermes, et par le moyen duquel vous êtes sauvés, si vous le retenez tel que je vous l’ai annoncé, à moins que vous n’ayez cru en vain » (2 Cor. 2, 17 ; 3, 1, 2 ; 4, 15 ; 12, 19 ; 1 Cor. 15, 1, 2).

Notre verset est donc en même temps le dernier et le plus fort, entre une foule d’autres passages des deux épîtres aux Corinthiens, qui nous montrent l’apôtre dans cette position si douloureuse pour son cœur rempli des affections de l’Esprit. Dans tous ces passages l’on retrouve le même fond et la même forme de raisonnement. « Recevez-nous » : tel était le cri de Paul à ces pauvres mais chers enfants de Dieu. « Ne suis-je pas apôtre ?… N’êtes-vous pas mon ouvrage dans notre Seigneur ? Si je ne suis pas apôtre pour d’autres, je le suis au moins pour vous ; car vous êtes le sceau de mon apostolat en notre Seigneur. C’est là ma défense envers ceux qui me jugent injustement ». Et ailleurs : « Nous sommes manifestés à Dieu et j’espère que nous sommes aussi manifestés à vos consciences » (1 Cor. 9, 1-4 ; 2 Cor. 5, 11 ; cf. 4, 2 ; voyez 7, 2 ; 10, 7, 17 ; 11, 16).

Lorsqu’il ne regardait qu’à l’homme, Paul était souvent en perplexité quant au salut ou à la foi des saints qui, déjà alors, marchaient très mal. Mais dès qu’il se tournait vers le Seigneur, il reprenait toute sa confiance et cela sur les points mêmes qui venaient de l’inquiéter quant à l’homme. C’est là le fond et le nœud de la question sur laquelle j’ai l’avantage de vous écrire (cf. avec 2 Cor. 13, 6 ; Gal. 4, 19 ; 5, 10).

Enfin, l’on peut encore observer que, dans tout ce triste débat, Paul proteste continuellement qu’il ne se recommande point lui-même. Aussi, comme il a soin de l’ajouter dans les versets 7, 8, 9, de notre chapitre, s’il demande à Dieu que ses enfants ne fassent aucun mal, ce n’est pas pour l’intérêt de sa propre réputation, ni pour se glorifier de son ministère ; mais il désire que ses chers Corinthiens fassent le bien, dût-il, lui Paul, subir, s’il le fallait, la confusion de paraître réprouvé en étant rejeté par eux (cf. 1 Cor. 9, 27).

Je m’arrête ici, cher frère, et je demande sur quoi l’on peut se fonder pour faire, de 2 Corinthiens 13, 5, une exhortation adressée à tous les chrétiens, pour les engager à s’examiner fréquemment eux-mêmes pour savoir s’ils sont chrétiens (s’ils ont la foi), ou bien s’ils sont, eux chrétiens, des réprouvés. Désolante doctrine, qui fait dépendre de l’état plus ou moins bon des disciples de Christ, leur paix, leur confiance, leur assurance ! Qu’est-ce donc que la pleine certitude ? Qu’est-ce que la pleine certitude de la foi, de l’espérance, de l’intelligence ?

Qui sont ces vous tous, auxquels Paul s’adresse en terminant son épître ? C’est sûrement « l’église de Dieu qui est à Corinthe avec tous les saints qui sont dans l’Achaïe ». Or il y en avait parmi eux plusieurs qui avaient péché auparavant et au sujet desquels Paul craignait qu’ils n’eussent pas encore changé de dispositions quant à l’impureté, à la fornication et à l’impudicité qu’ils avaient commises, choses pour lesquelles l’apôtre était en deuil sur eux ; pour lesquelles il voulait aller à eux avec la verge, s’il le fallait. C’est même, en grande partie, comme pour surmonter ces tristes circonstances, que Paul leur présente à tous, dans cette épître, l’efficace puissante et glorieuse du ministère de l’Esprit, de la justice, de la gloire de Christ et de la réconciliation, comme un ministère qui lui avait été confié. C’est enfin en vue de ces tous, que l’apôtre dit : « Au reste, frères, réjouissez-vous, perfectionnez-vous, consolez (ou mieux, exhortez)-vous, ayez une même pensée ; soyez en paix et le Dieu de l’amour et de la paix sera avec vous ».

Ce ne sont pas les fruits de l’Esprit qui sauvent les croyants. Ni leurs sentiments. C’est Christ, uniquement.

Les Corinthiens étaient tellement misérables et si déchus, qu’ils ne recevaient plus un Paul sans contestation. Mais Paul voulait leur « perfectionnement ». Son ardent désir était de les édifier, de les affermir, et, au lieu de les abattre en les renvoyant à une foi subjective, il leur présente la grâce de Dieu en Christ. S’il leur parle d’eux-mêmes, c’est en les plaçant dans cette grâce. Il leur dit alors qu’ils sont justes, saints, sauvés. Il leur dit, par exemple, à tous : « Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés, par le nom du Seigneur Jésus et par l’Esprit de notre Dieu ». C’est ainsi qu’il les relève, en faisant le contraire de l’interprétation qui voudrait renvoyer les âmes à l’examen d’elles-mêmes, pour savoir si elles sont sauvées.

Depuis le quatrième chapitre des Actes, jusqu’aux sept épîtres de l’Apocalypse, nous trouvons un mal qui existe et qui nous est annoncé comme devant aller en augmentant dans l’Église. Ce mal est extrêmement manifeste dans les deux épîtres aux Corinthiens, qui dévoilent beaucoup de péchés affreux parmi les saints. La Parole a signalé et jugé cet état-là, afin de nous enseigner, le cas échéant, à agir de même pour y remédier, par la discipline en amour — et même par le retranchement, s’il faut en venir là ; mais, dans tous les cas, en édifiant les saints, non en les renversant. Nous apprenons par là à ne pas séparer la grâce de la vérité, ni le jugement de l’amour de Dieu, et, loin qu’il s’agisse d’abuser de la grâce en tolérant le mal, il est question d’y remédier dans le corps, de l’arrêter « en jugeant ceux du dedans ». Quant à ceux qui, individuellement, étaient en chute, ils devaient changer de dispositions, confesser le mal (que d’autres, hélas ! avaient signalé et jugé avant les coupables) pour retrouver ainsi la joie ou la jouissance de la grâce du Dieu de paix. Mais il n’y a pas une ligne, pas un mot, qui exhorte les chrétiens abattus ou affaiblis, et bien moins encore ceux qui marchent fidèlement, à rechercher en eux-mêmes la preuve de leur salut.

Je répète ici, cher frère, tout ce que je vous ai dit relativement à l’assurance et à la jouissance du salut. En vertu de la foi au Christ mort et ressuscité, en vertu de la foi en Son sang, le péché n’est point imputé aux croyants. C’est là le salut et le bonheur éternels qui nous appartiennent, aussi certainement qu’il est certain que Dieu est Dieu. Oui, déjà ici-bas, « bienheureux est l’homme à qui le Seigneur n’impute point le péché ». Mais la jouissance de l’ineffable grâce qui a ôté, aboli le péché, dépend en partie de l’action de la conscience, car Dieu est fidèle et juste aussi envers l’Épouse de son Fils (1 Jean 1, 4-10). Je ne vois rien de plus précieux pour un racheté que de jouir de la grâce qui l’a introduit, en Christ, dans la gloire ; — c’est là réellement être en bon état devant Dieu avec le cœur purifié d’une mauvaise conscience. Mais, pour nous maintenir dans cet état, il faut souvent encore que nos cœurs, déjà purifiés par la foi, passent au tribunal de la conscience.

Il va sans dire que nous parlons ici d’une conscience chrétienne, c’est-à-dire éclairée et soumise, dans la foi, à l’action du Saint Esprit selon la Parole de Dieu. Notre conscience de chrétiens n’est autre chose, au fond, que l’assurance de notre salut, fondé sur l’œuvre de Christ ; œuvre dont la foi a approprié l’efficace à nos âmes. Une telle conscience, tout en devenant de plus en plus sensible sous la grâce, demeure en paix devant Dieu, même au sujet des péchés qu’elle n’aperçoit pas à cause de sa faiblesse. Elle connaît la valeur du sang de Christ qui purifie de toute iniquité. Elle est fondée sur l’amour de Dieu pour nous ; elle juge nos cœurs suivant la vérité, la sainteté et la grâce de cet amour. « Or la fin du précepte, c’est l’amour qui vient d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sans hypocrisie ». Il est impossible d’agir dans l’amour sans croire à l’amour de Dieu et sans avoir un cœur purifié par une bonne conscience. La conscience, à son tour, ne peut être bonne que dans la foi au sang de Christ, mais d’un Christ connu comme ressuscité d’entre les morts, et assis à la droite de Dieu (1 Pierre 3, 21, 22). La conscience chrétienne juge le mal dans sa source, dans le cœur. Elle découvre chaque convoitise du cœur naturel pour la juger et la bannir. Si elle parvient à agir avant la consommation du péché, elle tue la convoitise dans le cœur, elle la fait avorter ; car l’office de la conscience est de rendre net l’œil de la foi, en sorte que le fidèle, allégé de tout fardeau, puisse marcher dans un chemin uni, en faisant avec ses pieds des traces droites. Lorsque la conscience découvre le péché déjà consommé, elle condamne le cœur et l’humilie devant Dieu. Mais, dans ces diverses opérations, la foi vient toujours appliquer définitivement la vertu du sang de Christ à l’âme pour la rétablir dans la jouissance de l’amour ineffable qui a donné ce sang.

Nous avons vu ce qu’est une conscience purifiée, chez le chrétien qui est certain de son salut en croyant au sang de Christ versé une seule fois pour le purifier de tous péchés passés, présents et futurs. Nous avons vu comment elle prend connaissance des souillures de notre cœur pour les en bannir, tout en s’en remettant à l’efficace du sang quant aux fautes qu’elle n’est pas en état de découvrir ou d’empêcher. Mais il me semble qu’après avoir ainsi pris connaissance du péché, la conscience a besoin elle-même d’être rafraîchie par la grâce ou par la foi qui lui applique l’eau de purification. C’est dans ce sens, je crois, qu’il est parlé, en Hébreux 9, du sang de Christ qui purifie notre conscience des œuvres mortes, pour servir le Dieu vivant. C’était à cela que faisait allusion le lavage de l’homme net, après qu’il avait fait aspersion de l’eau et des cendres de la génisse rousse, pour purifier ceux qui s’étaient souillés par le contact avec la mort (Nombres 19, 19, cf. 7, 8). Le lavage des pieds et des mains des sacrificateurs dans la cuve d’airain se rapporte aussi au même cas, au moins en partie, et je crois que la conscience, quoique nette, doit encore être lavée, après avoir jugé le péché.

Hébreux 9, 14 ; 10, 2, 22, 23, se rapportent donc aussi aux diverses opérations dont nous venons de parler. Il est impossible de s’approcher de Dieu, de Le servir et de L’adorer, si l’on n’est pas en état de jouir de la non-imputation du péché. Mais la jouissance de cette grâce assurée n’est elle-même possible que pour ceux qui ont été nettoyés une fois pour toutes, qu’autant qu’ils ont des cœurs arrosés et purifiés d’une mauvaise conscience, ou qu’ils ont passé par l’eau de purification qui lave toute poussière du désert, qui efface toute trace des œuvres mortes, qui ôte toute empreinte que ces œuvres auraient pu laisser dans le cœur ou sur la conscience.

Nous pouvons, nous devons nous approcher ainsi de Dieu pour L’adorer — savoir « sans aucune conscience de péché » (Héb. 10, 2). C’est en parlant de la fausse humilité, remarquons-le bien, c’est en parlant d’un faux culte, d’un culte arbitraire, sans fondement dans la Parole, que Paul dit que de telles personnes « ne retiennent point la Tête, c’est-à-dire Christ ». « C’est pourquoi retenons la grâce, au moyen de laquelle nous servions Dieu d’une manière qui lui soit agréable, avec respect et piété ».

Les procédés de jugement et de purification, qui sont à la disposition des saints pour qu’ils puissent marcher dans la vérité, jouir de l’amour de Dieu, Le servir et L’adorer, ces procédés de la grâce sainte et sanctifiante de notre Dieu n’appartiennent qu’à la foi et à une bonne conscience. L’hypocrisie ou une prétendue assurance de salut, fondée sur quoi que ce soit que l’on puisse chercher en l’homme, ne trouveraient devant de tels procédés que leur jugement. De telles opérations n’ont lieu que sur le terrain de la foi. Il n’y a absolument que des élus manifestés, des saints, qui puissent, comme aussi ils le doivent, se juger à la lumière de la grâce et confesser leurs péchés connus et cachés, pour être justifiés, dans leur conscience, de tout péché, pour pouvoir, en un mot, « déposer tout fardeau et le péché qui enveloppe si aisément ». Il faut pour cela « être venu à la montagne de Sion », type du siège céleste de la grâce et de la gloire de Jésus consommé. Celui qui y est venu n’a plus affaire avec le vieil homme, si ce n’est pour le mâter par l’énergie de la foi en la grâce de Dieu. Quant au vieil homme, il est jugé, son compte est fait. La foi l’envisage comme annulé, malgré toutes ses prétentions.

En considérant les choses en dehors du conseil de l’élection et à notre point de vue, je dis que des saints manifestés ont seuls part à la justice de Dieu qui n’impute point le péché et qui demeure juste, en justifiant les pécheurs dont la foi a saisi Christ comme « propitiatoire par son sang ». Or pour pouvoir marcher saintement, justement et d’une manière digne du Seigneur de grâce, il faut être saint et juste et il faut savoir qu’on est juste et saint. Il faut croire qu’on a été rendu digne et capable, par droit de grâce, par la foi en Jésus, de s’appeler enfant de Dieu, frère de Jésus, membre de Son corps ou de l’Église qui est de Ses os et de Sa chair.

Toute proposition contraire me paraît une doctrine de renversement et je crois que c’est le cas de l’interprétation qui, se fondant sur 2 Corinthiens 13, 5, exhorte les frères à s’examiner eux-mêmes, pour savoir[1] s’ils sont dans la foi, ou pour savoir que Jésus Christ est en eux, ou pour connaître, si eux, frères, ne seraient peut-être pas des réprouvés.

Il faut bien prendre garde aux ruses de Satan. Lorsqu’il tenta Jésus, il Lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre qu’elle devienne du pain. Si tu es Fils de Dieu, jette-toi toi-même d’ici en bas ». Or Jésus, ayant le témoignage en Lui-même, put et dut dédaigner les doutes suggérés par l’ennemi. Jésus vivait de foi en tant que serviteur, envoyé et Fils de Dieu dans l’épreuve.

Ce que l’Adversaire fit avec le Maître, il le fait encore continuellement avec les disciples, en cherchant à leur suggérer des doutes sur leur position et leur droit d’enfants de Dieu, en leur disant : « Si tu es ». Ce que Jésus fit pour repousser ces suggestions de Satan, est par conséquent aussi ce que nous avons à faire pour les repousser. Or, permettez-moi, cher frère, de vous rappeler que rien ne nous manque pour surmonter de telles attaques, puisque nous avons Jésus, Son exemple, Sa Parole, Son Esprit et la foi ; « Celui qui croit au Fils de Dieu a le témoignage en lui-même. Celui qui a reçu le témoignage de Christ, a scellé que Dieu est véritable. Celui qui croit a la vie éternelle. Et l’Esprit lui-même, atteste avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu — nous qui, par l’Esprit, crions Abba, Père ! Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de DieuEt voici le témoignage : C’est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est en son Fils. Qui a le Fils a la vie ; qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie ».

« Je vous ai écrit ces choses, à vous qui croyez au nom du Fils de Dieu — non pas afin que vous mettiez en doute votre foi et votre salut, mais — afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, et afin que vous croyiez au nom du Fils de Dieu ». C’est à des croyants que l’apôtre écrit, afin qu’ils sachent qu’ils ont la vie éternelle et afin qu’en sachant cela ils puissent demeurer fermes et croître dans la foi et dans la certitude, qu’ils possèdent actuellement la vie éternelle.

Or n’est-elle pas en opposition directe avec toutes ces déclarations positives, n’est-elle donc pas un renversement de l’évangile de grâce, la doctrine qui voit, dans 2 Corinthiens 13, 5, une exhortation générale, adressée à quiconque a scellé que Dieu est véritable, à quiconque a le témoignage en lui-même, de s’examiner lui-même, pour savoir s’il a la foi, ou de s’éprouver lui-même pour savoir si Jésus Christ est en lui et s’il n’est pas peut-être un réprouvé ?

Nous avons encore parlé, cher frère, de Romains 8, 8, 9. Ce passage traite des principes généraux sur lesquels les chrétiens sont fondés pour se croire affranchis de la puissance du péché et de ses suites, puis pour jouir de cet affranchissement et pour marcher en conséquence. Or cela a lieu par la présence du Saint Esprit, car si nous ne le possédions pas, nous ne serions pas chrétiens. Ces versets développent le caractère et la position de ceux pour lesquels il n’y a pas de condamnation, ni de séparation possible de l’amour de Dieu en Jésus Christ (voir le premier et le dernier verset de ce précieux chapitre). Je n’y vois donc nullement une exhortation à rechercher en nous la présence de ces bénédictions, pour savoir si nous pouvons prétendre à être chrétiens. Paul présente, généralement, les grands principes suivants : « Ceux qui sont en la chair ne peuvent plaire à Dieu. Si vous vivez selon la chair (ce qui est le cas de ceux qui sont en la chair), vous mourrez. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, celui-là n’est point à Christ ».

De tels principes ne s’appliquent ici à personne spécialement, mais il convenait, pour la force du raisonnement, qu’ils fussent posés d’une manière générale et comme point de départ. Paul, sortant des généralités, peut ensuite s’adresser aux chrétiens dans la personne de « tous ceux qui sont à Rome, bien-aimés de Dieu, appelés, saints », en leur disant : « Vous, au contraire, vous n’êtes pas en la chair, mais en l’Esprit, puisque[2] l’Esprit de Dieu habite en vous ». Enfin tout le huitième chapitre de l’épître aux Romains traite de la position obligatoire où la grâce a placé les rachetés, en insistant sur la responsabilité où ils sont de marcher en Christ, par l’Esprit, puisqu’ils sont de Christ. C’est, en un mot, un chapitre d’affranchissement, à la fois anti-légal et opposé à tout abus de la grâce.

Peu de doctrines sont plus claires dans tout le Nouveau Testament que celle-ci : Le Saint Esprit habite en moi, si je crois, parce que je suis fils de Dieu (Gal. 4, 6 ; Rom. 8, 15). Mon corps en est le temple (1 Cor. 6, 19) et c’est à cause de cela qu’il ressuscitera en la première résurrection (Rom. 8, 11). Ayant reçu le Saint Esprit en don et parce que j’aime Jésus, le Père et le Fils font demeure avec moi (Jean 14, 23). N’est-ce pas là la source de notre communion, par le moyen de l’Esprit, avec le Dieu de l’évangile ? Christ, espérance de la gloire, habite en moi par cet Esprit, comme Il occupe mes affections ou habite en mon cœur par la foi. Devant Dieu, je suis parfait en Christ (Col. 2, 10 ; 1 Jean 4, 17, etc.). Ainsi donc, dès que je crois, je n’ai point à chercher en moi des preuves que j’ai le Saint Esprit. Rien ne détourne plus sûrement de sa vraie source l’activité de l’amour divin en nous, que d’en rechercher les effets en nous-mêmes. Si je cherche en moi des preuves de l’existence des choses que Dieu me dit y avoir mises, c’est tout simplement un fruit de l’incrédulité et du rationalisme.

« Faites votre compte que vous mourûtes », dit Dieu.

Mais êtes-vous réellement mort au péché, au monde, à la chair ? Examinez-vous sérieusement à ce sujet, dit l’incrédule raison, sous prétexte d’humilité. Et c’est ainsi que des âmes mal enseignées dépensent à sonder l’abîme obscur de leur cœur, une énergie que la grâce, contemplée en Jésus, aurait employée à les faire marcher et « croître dans l’amour et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ ».

Enfin, pour terminer en toute simplicité ces quelques lignes sur le Saint Esprit, je citerai Actes 5, 32 et Romains 5, 5, entre une foule de passages qui s’adressent à nous. Le Saint Esprit, lequel Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. — L’amour de Dieu (ce n’est pas notre amour pour Dieu) a été répandu dans nos cœurs, par le Saint Esprit qui nous a été donné.

Peut-être, cher frère, sommes-nous d’accord au fond sur l’assurance du salut. C’est ce que je désire ; mais il me paraît infiniment dangereux de soumettre la question de mon salut, et ainsi ma paix, ma joie et toute ma marche chrétienne, aux résultats d’une exploration, d’un voyage de découverte à la recherche de quoi que ce soit en moi. La présence ou l’absence de certains sentiments, désirables ou mauvais, n’a, dans le fond, aucun rapport avec la question de mon salut, qui ne dépend pas davantage du plus ou moins de vivacité de la foi. Le seul Sauveur, c’est Christ. La foi le saisit et c’est ainsi qu’elle sauve. Dès qu’on croit, on est sauvé malgré et à travers les plus mauvais sentiments du cœur naturel. Je dirai même que c’est à cause de la corruption du cœur et de l’entendement naturels de l’homme, que la foi est indispensable pour le sauver, car il ne peut être sauvé que par grâce. Or, la foi ne détruit pas la chair, elle ne l’améliore ni ne la change pas non plus ; mais tout croyant a reçu le Saint Esprit qui la combat et la mâte. Il ne faut pas confondre la foi avec la conscience chrétienne. La première me sauve en m’unissant à Christ et tout ce qui est l’objet de ma foi est en dehors de moi ; tandis que ma conscience de chrétien est un juge intérieur, qui met toutes choses à leur place suivant la sainteté de celui qui est l’objet de la foi. Nos obligations découlent tout naturellement de notre position de fils et de filles du Dieu saint. « Soyez saints, car je suis saint ». Un saint ne peut jamais oublier que la grâce est sainte et que la grâce oblige. C’est elle qu’il faut prêcher si l’on veut obtenir une marche filiale et dévouée, car cette dernière ne peut provenir que d’un cœur fondé, affermi dans la grâce et nourri de cette grâce.

Il ne peut être question en tout ceci que de ceux qui ont cru au Christ Jésus, afin d’être justifiés par la foi en Lui. « Or », dit l’apôtre Paul en parlant de tels croyants et en se rangeant parmi eux : « Or, si cherchant à être justifiés par la foi au Christ (en qui nous avons cruv. 16), nous étions aussi nous-mêmes trouvés pécheurs, Christ serait donc serviteur de péché ! Qu’ainsi n’advienne, continue Paul, car si je réédifie les choses que j’ai détruites, je me constitue moi-même transgresseur ».

Paul, écrivant ainsi à ses frères de Galatie, à des croyants, n’aurait-il pas estimé comme une transgression, l’acte de réédifier le doute et la crainte de la mort dans l’âme de ceux qui avaient cru ?

Quant aux incrédules, il faut les appeler à croire et les mettre sous la responsabilité de ce qu’ils ont entendu. Dès qu’ils ont cru, nous devons les instruire dans la grâce et leur montrer les glorieux privilèges dans lesquels cette grâce les a placés. C’est le seul moyen de les faire marcher selon la loi parfaite de la liberté, suivant leur nouvel état, leur céleste vocation. Il est très dangereux de prêcher aux croyants leurs devoirs et leurs obligations, sans les rattacher, comme le fait constamment la Parole, aux privilèges de leur glorieux appel. Une source doit être remplie avant que son eau s’écoule au dehors. Si l’on enracine d’abord le cœur dans la grâce, les fruits de la grâce abonderont ensuite avec maturité. En mettant les obligations avant les privilèges, on construit un édifice sans fondements et on se verra forcé de le laisser crouler ou de l’étayer sur la loi.

Un serviteur de Jésus Christ, désireux de donner à chacun la nourriture convenable, ne peut manquer de comprendre bientôt combien il est indispensable de « séparer les disciples » et de « mener dehors les brebis de Jésus ». En effet, la nourriture de ces dernières ne peut convenir aux mondains, comme tels ; tandis que ce qui convient aux mondains, en leur qualité d’étrangers qu’il s’agit d’attirer dans la bergerie, ne peut point nourrir les brebis du Seigneur.

L’évangéliste appelle les étrangers en les invitant à entrer dans la bergerie. Le pasteur paît les brebis. Les saints, réunis comme tels et en dehors du monde, rendent culte à Dieu. Dans ce dernier cas, les dons ne confèrent aucune mission spéciale, quoiqu’ils puissent accompagner le culte. En effet, dès qu’il s’agit de culte, il n’y a plus que des sacrificateurs et un seul souverain Sacrificateur, mais il n’y a plus de Lévites. C’est le Saint Esprit qui préside, qui ordonne et dirige tout dans le culte des frères.

Mais je reviens au pasteur. C’est lui qui soigne et nourrit les brebis, comme c’est le docteur qui les enseigne, quoique sa parole puisse aussi atteindre « ceux du dehors », que le Seigneur, dans sa grâce, lui amène pour cela.

Ainsi, quoique l’exhortation et l’enseignement mutuels soient très utiles à leur place, les brebis croissent et sont rassemblées autour du seul souverain Pasteur, par l’office des pasteurs. Ceux d’entre ces derniers, qui sont fidèles et intelligents, mettront le plus grand soin à rassembler les enfants de Dieu autour de Jésus et uniquement autour de Jésus. Ils ne les réuniront jamais autour d’une œuvre d’hommes, ni autour d’un homme, fût-il le plus excellent des pasteurs humains, fût-il même un Paul ou un Apollos (1 Cor. 1, 12, 13).

Quant à l’assurance et à la jouissance du salut, voici ce que j’ai trouvé dans la Parole. L’une et l’autre appartiennent pleinement à tout élu manifesté par la foi en Jésus Christ. L’œuvre de Dieu pour nous, œuvre parfaite qui nous sauve, s’est passée entre Dieu et Christ. Les hommes n’y étaient pour rien, si ce n’est en tant qu’ils l’avaient rendue nécessaire par leurs péchés et en tant qu’ils furent les instruments de Satan pour l’accomplissement extérieur de la mort du Christ sur la croix. Dès lors le croyant n’a rien d’autre à examiner que Dieu et Christ, pour être parfaitement, constamment, pleinement assuré de son salut.

L’œuvre de Dieu en nous se fait uniquement par Christ ou par l’Esprit donné à tous les croyants et par la méditation, dans la Parole, de ce que Christ est devant Dieu pour nous, mais aussi de ce que nous possédons avec Christ et de ce que nous sommes en Lui et avec Lui devant Dieu.

Ainsi, j’exclus absolument, quant à ma justification, tout ce qui peut me retourner sur moi-même. Si, pendant le temps qui me reste en la chair, la Parole et l’Esprit jugent tout ce qui, en moi, n’est pas conforme à Christ, c’est précisément afin que je sois délivré de tout fardeau et de toute souillure ; c’est afin que je puisse avancer dans la course et dans le combat. Cette action du Saint Esprit, lorsqu’Il m’occupe de moi-même, n’a nullement pour but de m’assurer de ma justification ni de mon salut, mais c’est un moyen négatif de sanctification pratique. L’Esprit opère alors, par la lumière de la Parole, un jugement sur ce qui est contraire à mon état de sainteté et à ma vocation de saint céleste, prédestiné à être conforme à l’image du Fils de Dieu. En un mot, l’Esprit ne me fait penser à moi-même que pour me délivrer de toute souillure incompatible avec ma qualité d’enfant du Père saint.

En moi, si j’entends par là « en ma chair » il n’y a rien de bon. Il n’y a par conséquent aucune source de force, de joie ou de relèvement, mais tout le contraire s’y trouve. Mais s’agit-il de moi, en tant que né de Dieu et racheté, de moi qui, comme tel, suis en Christ et en qui est Christ, c’est tout autre chose. Alors, l’effet de la présence de Christ en moi est de reporter mes affections vers Christ consommé dans le ciel, où je suis assis et béni en Lui et avec Lui. Une humble assurance en la grâce de Dieu est le fruit de cet acte de la foi qui se fonde sur la Parole de Dieu.

Plus un chrétien retient ferme la grâce, plus la banqueroute du vieil homme, sa déconfiture (si vous me passez ce vieux terme), sera complète, plus aussi il sera débarrassé de tout ce qui le privait de la vue et de la jouissance de ses privilèges, de l’attente continuelle et patiente de Jésus, venant le prendre auprès de Lui-même, pour consommer toute son œuvre qu’Il a déjà commencée en lui.

Ainsi tout, absolument tout, repose sur la grâce de Dieu envers nous, en Jésus Christ.

Lorsque des nuages me cachent le soleil et me privent de la pleine jouissance de cet astre, ce ne sera pas en m’enfermant dans un cabinet froid et obscur que je recouvrerai cette jouissance. En demeurant au grand jour, je conserve la ferme assurance que le soleil est là, au-dessus des nuages qui me le cachent et que je juge comme étant l’obstacle qui s’oppose à ma jouissance. Ainsi placé dans la lumière du soleil, j’attendrai qu’il reparaisse lui-même, sans pouvoir oublier que c’est à sa lumière, à sa chaleur que je dois, extérieurement, la conservation de ma vie. Si je pense à Lui, je suis certain qu’il n’a pas changé. Il est mon soleil, lors même que j’ai froid. Quoi qu’il arrive, je Le connais (Héb. 13, 8).

De même, il est bien évident que tout racheté doit considérer comme une nécessité très pressante, d’écarter de sa conscience les nuages de l’incrédulité et du péché, afin de rentrer en communion avec son Dieu qui est lumière et ainsi de recouvrer la jouissance de ses privilèges en Christ.

Or, béni soit Dieu de ce que Sa grâce ineffable nous indique, nous fournit, nous présente, à chaque instant, les moyens les plus simples et les plus efficaces pour purifier nos cœurs et nos consciences. Un serpent d’airain. Une cuve d’airain. La cendre d’une génisse — sont les images de ces moyens qui, tous, préfigurent Christ, et qui, tous, appartiennent spécialement au peuple de Dieu.

Il en est ainsi, cher frère, pour vous et pour moi, pour nous tous qui sommes des « frères saints, participants de la vocation céleste ». Unis à Christ par la foi, nous sommes aussi conservés par lui (1 Pierre 1, 4, 5 ; Jude 1, 21, etc.). Lui et le Père sont un et nul ne nous ravira de Sa main. C’est pourquoi, en nous tenant collés à Lui, nous obtiendrons la couronne, récompense proposée à ceux-là seuls qui ont été saisis par Christ, et placés par Lui dans l’arène, en dehors de la foule, pour combattre et pour courir.

Si la base de mon salut n’est pas ainsi posée une fois pour toutes, alors il n’y a aucun fondement assuré et il me devient impossible de m’avancer vers l’état d’homme fait. Alors, je suis sauvé dès que je suis heureux ; mais je suis perdu dès que je suis contristé. Je me fonde sur moi et sur mon état, et je suis déchu de la grâce. Alors on ne peut donner le titre de « saint » à un fidèle que lorsqu’il a rendu le dernier soupir et cela encore, avec des circonstances extérieures qui prouvent que ce fidèle est mort dans de bons sentiments.

Je ne nie pas les heureuses inconséquences que l’Esprit de Dieu peut produire chez des saints ainsi mal enseignés, et je reconnais, dans ces inconséquences, l’œuvre de Dieu dont la fidélité reste la même malgré nos erreurs. Mais combien ne voit-on pas de rachetés, dont la vie entière devient, à cause de ces erreurs, semblable à l’histoire de Pénélope, de Tantale et de Sisyphe ? Je dis cela hardiment, car de telles doctrines sont vraiment de la mythologie, mais elles ne sont pas l’évangile du Seigneur Jésus Christ. Paul blâmait quelque chose de moins grave que la doctrine que je combats, lorsqu’il reprochait aux Hébreux d’être paresseux d’oreilles. Les Hébreux en étaient au moins restés à du lait pur, quoiqu’ils n’eussent pas l’expérience de la parole de la justice. Mais la doctrine qui attaque l’assurance du salut touche justement à cette parole de la justice. Elle empêche qu’on ne la goûte et qu’on n’en fasse l’expérience. « C’est pourquoi, laissant la parole du commencement de Christ, avançons-nous vers l’état d’hommes faits (de parfaits) sans poser de nouveau le fondement de le conversion loin des œuvres mortes, de la foi envers Dieu… de la résurrection des morts et du jugement éternel ». Or, c’est aussi ce que l’apôtre a fait, par l’Esprit de Dieu, dans le reste de cette glorieuse épître qui se résume en ceci : Christ consommé et notre conscience parfaitement purifiée par la foi en Son œuvre, afin que nous puissions nous approcher de Dieu en toute confiance (9, 9, 14). D’autres épîtres nous parlent de notre consommation et de notre séance en Lui et avec Lui dans les lieux célestes. Car il est écrit que « tel qu’il est, tels nous sommes dans ce monde-ci » (1 Jean 4, 17).

C’est à des pécheurs seulement, mais c’est à tous les pécheurs que la grâce de Dieu en Christ est indispensable. C’est à des pécheurs jugés et condamnés en leur conscience par la lumière de la croix de Christ, que la grâce a fait trouver le pardon et la réconciliation en cette même croix. Pour eux, chaque péché non jugé obscurcit la vue de la précieuse grâce qui les fait vivre devant Dieu comme Ses bien-aimés. Pour eux aussi, chaque relèvement, par cette même grâce, est une nouvelle preuve qu’ils sont dans la lumière et dans la chaleur du soleil de justice, lors même que, par leur faute, ils n’en jouiraient pas.

Aux principes que nous venons de développer, on oppose quelquefois le psaume 51 ; mais il nous paraît, au contraire, une frappante confirmation de ces principes. — À ne le considérer qu’au point de vue historique, comme expression des sentiments du roi David, et tout en reconnaissant que le langage de ce psaume n’est pas entièrement celui d’une âme affranchie sous l’évangile, j’y vois néanmoins un saint gémissant encore sous le poids des péchés affreux qu’il confessait, mais aussi un saint connaissant le salut comme le salut de Dieu (v. 12) et comme son salut à lui (v. 14). Aussi, ce qu’il demande, c’est d’abord d’être purifié du péché par le Seigneur, puis c’est que le Seigneur lui rende, non pas le salut, il ne l’a pas perdu, non pas même l’assurance de ce salut, mais bien la jouissance ou la joie du salut : « Fais-moi entendre la joie et l’allégresse, afin que les os que tu as brisés se réjouissent… Rends-moi la joie de ton salut et que l’Esprit d’affranchissement me soutienne ».

Plus nous apprendrons à connaître Christ et nos richesses en Lui, plus nous vivrons et nous marcherons selon l’Esprit de Christ. L’amour du Père et l’amour de Celui qui a été mort, qui vit et qui revient, les trésors de la richesse de Dieu en Jésus Christ, sont l’unique nourriture capable de nous faire « marcher dans l’amour, comme des enfants bien-aimés de Dieu ».

Veuille le Seigneur nous donner d’avoir tous une même pensée et un désir toujours plus ardent de Le glorifier en Jésus Christ, notre bien-aimé Sauveur !

Votre frère dévoué et affectionné.



  1. Il est bon de dire positivement que ces deux mots soulignés ne sont pas dans le texte grec.
  2. Le mot puisque des versets 9 et 17, n’est pas si du moins (ειγἕ). Mais, quoi qu’il en soit, le passage ne suggère absolument aucun doute dans l’esprit des saints quant à leur salut.