Livre:La sympathie chrétienne/Lettre 6

De mipe
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Le 18 février 1824

… Combien je soupire après le moment où je vous rejoindrai tous ! Je sens que j’ai besoin de patience, et j’ai bien de la peine à me familiariser avec la pensée qu’il serait possible que je vécusse encore trois fois autant que j’ai vécu jusqu’à présent. Lorsque mes regards se reportent de quelques mois en arrière, et que je me souviens du bonheur que j’éprouvais avec celui qui était si cher à mon cœur, je puis difficilement me persuader que je suis la même personne. Actuellement il possède ce dont il jouissait par la foi, et je suis laissée seule. — Mais j’oublie que j’avais pris la résolution de ne plus murmurer. Quand l’ennemi fond sur moi comme un torrent débordé, il m’est difficile de croire que Dieu m’aime par Christ autant que ceux qui sont déjà dans les cieux ; mais lorsque la foi reprend le dessus, il me semble qu’Abraham, quoique dans la gloire, n’est pas plus en sûreté que je ne le suis. Croyez-vous qu’il y ait de la présomption dans cette pensée ? « Une forte tour ! » quelle précieuse expression ! Et si nous y courons, nous y serons en sûreté ! Quand je serai abandonnée à moi-même, je courrais pour m’en éloigner. Je ne croirais pas aux promesses, et je chercherais à me préserver moi-même du danger. Mais l’amour tout-puissant m’arrête, me pousse dans la tour, puis me récompense de ce que j’y suis allée. En sûreté ! que cela exprime de choses ! En sûreté à l’égard de tous les dangers ! Aucun mal ne pourra ni nous arrêter complètement dans notre course, ni nous empêcher d’arriver. L’amour nous remplira tout entiers. Dès ici-bas toutes choses travaillent ensemble à notre bien. Je jouis de cette précieuse parole : Que tes veuves s’assurent en moi. J’aurais autrefois désiré qu’il y eût pour les veuves une plus riche promesse, mais aujourd’hui je sens qu’il faut que nous passions par des circonstances diverses pour être en état de sentir la force des paroles du Seigneur. En effet, quoi de plus précieux pour les veuves qu’une invitation à s’assurer en Dieu !

Lorsque je porte mes yeux sur ce monde corrompu qu’il me faut traverser toute seule, que n’aurais-je pas à craindre à chaque pas dans mon isolement, si je ne pouvais pas dire avec Paul : « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort ! ». C’est comme si le Tout-puissant nous invitait à nous confier en Lui, en nous promettant qu’aucun mal ne nous approchera. Si je suis sous Ses bras éternels, « j’habiterai seule sûrement » — au milieu des émeutes, des révolutions, des persécutions, des tremblements de terre, etc. « Que tes veuves s’assurent en moi », c’est tout ce dont elles ont besoin. Oui, je sais que je serai gardée. Qu’elle est douce la pensée que l’œil du Seigneur est sur nous pour délivrer notre âme de la mort ! Il agit envers nous comme une mère qui sans cesse a les yeux sur son enfant dans la crainte qu’il ne se fasse du mal, ou comme un bon gardien qui soigne un pauvre insensé et qui le suit constamment. « L’Éternel est celui qui te garde ». Si l’incrédulité se soulève et dit : Comment sais-tu que tout cela est pour toi ? alors je ne puis que lui répondre : Mon Maître m’a dit ainsi. Son Esprit rend témoignage avec mon esprit. Il m’a donné les arrhes de Son Esprit. Il est précieux pour ceux qui croient, et je sens qu’Il m’est précieux. « Mon bien-aimé est avec moi comme un sachet de myrrhe ». Oh ! si je me tenais attachée à Lui ! J’ai besoin que mes pieds se fixent sur le rocher. Ce qui m’afflige, c’est que les vagues du péché et du monde m’emportent si souvent loin de Lui. Ne me refusez pas vos prières, j’en ai un si grand besoin ; ayez la bonté de m’écrire et de m’exhorter à m’attacher de tout mon cœur au Seigneur ; puis dites-moi si vous pensez que je sois trop présomptueuse et que je me trompe en quoi que ce soit. L’ancien serpent est si rusé. Pardonnez si je vous parle autant de moi ; mais parler de ce que Dieu peut faire pour nous, n’est-ce pas magnifier la puissance de Sa grâce bien mieux que ne pourraient le faire des paroles relatives à toutes les autres choses de cette terre ?

Recevez l’assurance de mon affection chrétienne.

T.A. Powerscourt