Traité:Mephibosheth boiteux des deux pieds

De mipe
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ou La bonté de Dieu
Traduit de l’anglais
C. Stanley 1860

Un matin, il y a bien des années de cela, je lisais le neuvième chapitre du second livre de Samuel. Après une première lecture, je me dis : « Quel singulier chapitre qui ne parle que d’un jeune homme boiteux des deux pieds ! ». Je le lus de nouveau, sans pouvoir encore y trouver rien d’édifiant. L’ayant parcouru une troisième fois, mes yeux s’arrêtèrent sur ces paroles : « Certainement je te ferai du bien pour l’amour de Jonathan, ton père ». Soudain cette pensée se présenta à mon esprit : « Ah ! c’est là aussi un tableau de la bonté de Dieu par Jésus Christ ». Ce tableau s’offrit alors à mes regards comme un beau paysage au point du jour. Plusieurs années se sont écoulées dès lors, mais la beauté de ce tableau n’a fait que croître aux yeux de mon âme. Maintes fois j’ai été conduit à prendre ce chapitre pour texte en prêchant le salut par Christ, et je puis dire, à la gloire de mon Dieu, que beaucoup d’âmes ont été converties par le moyen de ces prédications. C’est ce qui m’encourage à publier quelques pensées sur cette intéressante portion de la Parole de Dieu, espérant que le Seigneur voudra bien s’en servir pour la bénédiction de quelques âmes.

Dans cette description typique de la bonté de Dieu, nous trouvons deux personnages de caractère différent : Mephibosheth, l’enfant de la grâce, et Tsiba, l’homme à propre justice. La condition de Mephibosheth représente frappamment l’état d’un pécheur quand il est amené à Dieu.

Si vous lisez le quatrième verset du quatrième chapitre de ce livre de Samuel, vous y verrez que Mephibosheth était fils de Jonathan, fils de Saül, qui étaient morts l’un et l’autre ; qu’il était tombé à l’âge de cinq ans, et qu’il en était resté boiteux. Depuis cet accident, il s’était tenu caché, boiteux des deux pieds, à Lodebar (mot hébreu qui peut signifier « un lieu où il n’y a point de pâturage »). Étant de la maison de Saül qui avait été l’ennemi de David, il en concluait, sans doute, que David devait être son ennemi ; c’est pourquoi il se dérobait aux yeux du roi.

Comme tout cela représente bien l’état de l’homme déchu. À peine le péché eut-il aveuglé l’entendement du premier homme que, comme il est écrit, « il se cacha de devant l’Éternel Dieu parmi les arbres du jardin ». Et n’est-ce pas encore de nos jours l’état réel de l’homme ? Pourquoi les uns vont-ils en foule chercher des distractions au théâtre et d’autres à la taverne ? Ah ! c’est qu’ils ne connaissent pas Dieu. Étant en inimitié contre Dieu, ils en concluent que Dieu est leur ennemi, et ils redoutent Sa présence. La pensée de comparaître aujourd’hui même en la présence de Dieu serait pour eux terrifiante. Si cette pensée vous alarme, mon cher lecteur, cela vient de ce que vous ne connaissez pas Dieu. Peut-être dites-vous : « J’ai péché, et c’est ce qui me fait avoir peur de Dieu ». Il est vrai, vous avez péché, moi aussi j’ai péché, tous ont péché. Mais si vous connaissiez le don de Dieu, si vous saviez qu’Il n’a point épargné Son bien-aimé Fils, alors vous comprendriez qu’il n’y a que Dieu auquel, en tant que pécheur, vous puissiez aller — alors vous croiriez que « le sang de Jésus Christ, son Fils, purifie de tout péché ».

Venons-en maintenant à quelques détails de notre chapitre. « David dit : N’y a-t-il plus personne de la maison de Saül, afin que j’exerce à son égard la bonté de Dieu ? » (traduction littérale). N’est-ce pas là, encore à présent, ce que fait l’Esprit du Seigneur ? N’agit-Il pas comme s’Il disait en quelque sorte : N’y a-t-il pas encore quelques enfants déchus d’Adam, auxquels je puisse faire connaître la bonté de Dieu ? Peu importe qu’ils soient tombés au plus bas degré, qu’ils soient complètement boiteux, boiteux des deux pieds, et demeurant en vérité dans un lieu sans pâturage ; car, pauvre pécheur, en quelque endroit que tu cherches à te cacher de Dieu, il n’y a rien, dans ce monde de péché et de misère, qui puisse te rendre heureux. Ne l’as-tu pas éprouvé ? As-tu poursuivi les fantômes dont Satan sait fasciner les regards ? As-tu mis ta confiance dans les séduisantes promesses du monde, jusqu’à ce que d’amers désappointements soient venus briser ton cœur, en n’y laissant qu’un vide affreux ? Alors, écoute, je veux te parler de Celui qui ne te traitera jamais ainsi.

Tsiba, l’homme à propre justice, apprend au roi que Jonathan avait encore un fils, blessé aux pieds, dans la maison de Makir, fils de Ammiel, à Lodebar. « Alors le roi David envoya, et le fit amener ». Eh bien ! cet acte de David nous offre une image frappante de la grâce de Dieu. L’homme témoigne de la bonté à ceux qui, à son jugement, la méritent ; ou bien, il le fait en espérant quelque chose en retour ; mais il n’en est pas ainsi de Dieu. Mephibosheth n’avait rien fait pour mériter la bonté du roi. Il n’avait pas fait les premiers pas, comme on dit. Non ! la grâce vint le chercher à Lodebar, au lieu même où il se trouvait. Et n’est-ce pas précisément là où étaient les pauvres pécheurs, que le Fils de Dieu est venu ? Il est venu les chercher, et Il les a trouvés morts dans leurs fautes et dans leurs péchés ; ne s’est-Il pas mis volontairement dans leur position ? N’est-Il pas mort, Lui juste pour les injustes, afin de nous amener à Dieu ? Honte et malheur à tout orgueilleux pharisien qui, après cela, pourrait dire encore : « C’est à l’homme de faire les premiers pas » !

Mephibosheth était trop boiteux pour faire les premiers pas. Il fallait bien qu’on vînt le chercher. Or celui qui connaît à la fois la totale infirmité de l’homme, et cette grâce prévenante, a dit : « Nul ne peut venir à moi, à moins que le Père qui m’a envoyé, ne le tire ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour ». Et encore : « Tout ce que le Père me donne, viendra à moi ; et je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi » (Jean 6, 37, 44). Ah ! n’eût été cette grâce qui nous a cherchés, nous aurions tous péri dans nos misérables efforts pour nous cacher loin de Dieu. « Et quand Mephibosheth… fut venu vers David, il tomba sur son visage et se prosterna ». Comme cela peint le respect et la terreur ! Qu’est-ce que le petit-fils de Saül, de cet homme qui avait poursuivi la vie de David, pouvait attendre de celui-ci ? Si la voix seule de la stricte justice se fait entendre, elle pourrait immédiatement demander sa vie. Nous avons là une image d’un pécheur tremblant, amené en la présence de Dieu, avec un terrible fardeau de transgressions et de péchés ; il ne connaît pas Dieu — il ne sait pas ce qu’il doit attendre de Lui.

Avant d’en venir aux paroles de David, retournons un peu en arrière à l’alliance d’amour, mentionnée dans 1 Samuel 20, 14-17. Jonathan, le père de ce jeune homme prosterné aux pieds de David, parle ainsi dans ce passage : « N’est-il pas ainsi que, si je suis encore vivant, tu useras envers moi de la bonté de l’Éternel, en sorte que je ne meure point ; et que tu ne retireras point ta bonté de ma maison à jamais ?… Jonathan fit encore jurer David par l’amour qu’il lui portait ; car il l’aimait autant que son âme ».

Avez-vous jamais visité les lieux où s’est passée votre enfance, ou vu pour la première fois l’enfant d’un ami bien cher et décédé ? — Alors vous pouvez vous former une idée de ce que David éprouva quand il vit Mephibosheth, le fils de Jonathan, prosterné devant lui. Qui pourrait dire avec quelle tendresse et quelle douceur de ton, le roi fit sortir du fond de son cœur ce seul mot : « Mephibosheth ! » — « Voici ton serviteur », répond celui-ci en tremblant. Combien peu il prévoyait la faveur toute gratuite, qui allait lui être accordée. « Voici ton serviteur », c’est là le plus haut point auquel les pensées de l’homme tombé puissent s’élever. Il se hasarde à s’offrir lui-même à Dieu comme serviteur et il espère être à la fin, sauvé par son service. C’est là la religion du cœur humain.

Mais écoutons maintenant les paroles de David. Comme le père, dans la parabole du fils prodigue, il ne laisse pas Mephibosheth aller plus loin, il l’interrompt en disant : « Ne crains point, car certainement je te ferai du bien pour l’amour de Jonathan, ton père, et je te restituerai toutes les terres de Saül, ton père, et tu mangeras toujours du pain à ma table ». Ah ! voilà qui est selon Dieu, point de conditions, point de reproches, point de débats. Ce n’est pas : Si tu fais ceci, si tu ne fais pas cela. Oh ! non ; ici tout est pure grâce. C’est la bonté de Dieu ! « Certainement je te ferai du bien », et cela entièrement à cause ou pour l’amour d’un tiers. « Et tu mangeras toujours du pain à ma table ». Dans la parabole, à laquelle nous venons de faire allusion, qu’est-ce que Jésus veut montrer sinon la grâce inconnue ou méconnue, et pourtant illimitée, du cœur du Père ? Y a-t-il de la part de ce père un seul reproche adressé à son indigne enfant ? Y a-t-il une seule condition à la bonté qu’il va lui témoigner ? Non, il se jeta à son cou et le baisa (Luc 15). N’est-ce pas là la bonté de Dieu ? Est-ce que je m’abuserais en voyant là, avec Jésus, un développement du vrai caractère de Dieu ? N’est-ce pas ainsi que Dieu reçoit le pécheur perdu ? Ne sont-ce pas là, je le demande, les paroles qu’Il adresse au pécheur misérable, tremblant, méritant l’enfer ? N’est-ce pas Dieu qui, montrant la croix du Christ, peut dire : « Ne crains point, certainement j’userai de bonté envers toi », pour l’amour de Jésus ? Et tout cela, de même, sans une seule condition ; tout est pure grâce, découlant de Son cœur qui déborde d’amour.

Ô mon cher lecteur, connaissez-vous Dieu de cette manière ; ou tel que la Parole nous Le dépeint en disant : « Dieu qui est riche en miséricorde, à cause de son grand amour dont il nous a aimés, alors même que nous étions morts dans nos fautes, nous a vivifiés avec le Christ (vous êtes sauvés par grâce), et nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes dans le Christ Jésus ; afin qu’il montrât dans les siècles à venir les immenses richesses de sa grâce, par sa bonté envers nous dans le Christ Jésus » (Éph. 2, 4-7) ? Pouvez-vous dire que cette bonté est votre portion ? Les hommes auraient envoyé un volume de directions au jeune boiteux, pour lui apprendre comment il devait se repentir, comment il devait soigner et guérir ses pieds avant d’oser se présenter devant le roi ; comment il devait faire encore je ne sais quoi. Mais ici nous n’avons pas un mot sur toutes ces prétendues exigences préalables. Non, Mephibosheth vient tel qu’il est, il ne lui est rien demandé de plus ; et comment n’en serait-il pas ainsi, puisque le cœur de David était déjà rempli d’amour pour lui ? Par-dessus tout, Satan s’efforcera de cacher ou de voiler au pécheur cette bonté de Dieu. Si je connais vraiment Dieu, je n’ai pas besoin d’un prêtre sur la terre ou d’un saint dans le ciel, pour apaiser Son cœur envers moi. Ce cœur est déjà rempli d’un amour ineffable. Sentez-vous, mon cher lecteur, le fardeau du péché ? Avez-vous été jeté dans la perplexité ou l’angoisse par les livres d’hommes qui donnent de longues directions sur la manière dont vous devez vous repentir, sur ce que vous avez à faire pour plaire à Dieu et pour obtenir qu’Il vous sauve ? Peut-être l’un de vous recommande une voie aussi opposée que possible à Colossiens 2, 20 ; il vous dit que c’est en observant les ordonnances et les sacrements que vous pouvez espérer d’être sauvé. Un autre, dont les conseils n’auraient pas au fond un effet moins pernicieux, vous exhortera à être profondément affligé de vos péchés (ils ne disent jamais jusqu’à quel degré de profondeur), à les abandonner tous, et à aimer Dieu de tout votre cœur, etc. ; et qu’après avoir fait tout cela vous pourrez vous juger capable de venir à Christ. C’est-à-dire, au fond, qu’ils s’efforcent de vous persuader, que vous n’êtes pas si complètement tombé que la Bible le déclare ; que vous êtes seulement un peu boiteux et d’un seul pied, et que si vous avez besoin de Christ, ce n’est que pour vous en faire une sorte de béquille, et qu’ainsi avec Son aide vous irez très bien ; en réalité, cela revient à dire, que vous pouvez mériter le ciel à la fin.

Or, si vous avez été ainsi égaré et angoissé, permettez-moi de vous inviter à fermer tous vos livres d’hommes et à laisser de côté toutes leurs directions. Que votre esprit s’attache à Dieu seul, tel qu’Il s’est révélé en la croix de Christ. Peut-être, tout alarmé, allez-vous vous écrier : Mais est-ce que vous rejetez et reniez la repentance comme inutile ? Non, je suis loin, bien loin d’une telle pensée. Il n’est peut-être pas beaucoup de passages de la Parole de Dieu qui exposent plus clairement que notre chapitre, ce qu’est la repentance et quelle en est la vraie place, ou qui montrent, d’une manière plus frappante, ce qui produit la repentance.

Aussitôt que le courant de la grâce sans condition a été répandu dans le cœur tremblant de Mephibosheth, « il se prosterna, et dit : Qui suis-je, moi, ton serviteur, que tu aies regardé un chien mort, tel que je suis ? ». C’est ainsi que la bonté de Dieu conduit à la repentance. Le pécheur est amené en la présence de la grâce infinie et aussi de l’infinie sainteté. Le vrai caractère de Dieu lui est révélé en Christ Jésus. Il entend ces douces paroles de l’amour divin : « Ne crains point, car certainement j’userai de bonté envers toi ». Et l’effet en est qu’il s’humilie lui-même dans la poussière, tout pénétré de cette surabondante grâce. C’est ce changement de dispositions qui s’appelle la repentance. Mais ferais-je bien de vous dire, mon cher lecteur, que vous devez vous repentir de cette manière avant d’aller à Christ ? Non, pas plus que je n’aurais l’idée de vous demander de commencer à sentir la chaleur avant de vous approcher du feu, si je vous voyais mourant de froid au milieu d’une tourmente.

Mais, si je ne me trompe, ce que plusieurs entendent par la repentance, c’est un effort orgueilleux du moi, une réforme extérieure, par le moyen desquels les pécheurs s’imaginent de changer les dispositions de Dieu à leur égard, comme si Dieu était irrité et avait besoin de nos bonnes œuvres pour que Son cœur puisse se tourner vers nous. Est-ce qu’il était besoin d’un changement de dispositions en David ? Non, son cœur était plein d’amour. Comment donc pourrait-il être besoin d’un changement de dispositions en Dieu ? Qu’est-ce que la croix, sinon l’expression de l’amour de Dieu pour des pécheurs perdus ? Or, mon cher lecteur, si vous connaissiez la bonté de Dieu envers vous — si vous saviez que rien ne pourrait vous séparer de Sa bonté et de Son amour en Jésus Christ — est-ce que cela ne produirait pas à l’instant un total changement de pensées et de dispositions en vous ? Et plus vous connaîtriez la gratuité de ce précieux amour, plus aussi vous seriez humilié jusque dans la poussière devant Lui. Ce que vous tentez vainement d’opérer en vous-même comme un préliminaire ou comme un titre au salut, serait produit au moment même où vous croiriez au merveilleux amour de Dieu.

Remarquez maintenant le contraste que présentent ces deux hommes : Tsiba le serviteur ou l’esclave, et Mephibosheth le fils. David appelle Tsiba, et lui donne des ordres, auxquels il promet de se conformer : « Ton serviteur fera tout ce que le roi, mon seigneur, a commandé à son serviteur ». C’est précisément là ce qu’Israël s’engagea présomptueusement de faire à Sinaï — c’est précisément là encore ce que s’engagent de faire de nos jours des milliers de personnes qui ainsi tournent le dos au christianisme et retournent au judaïsme. Hélas ! oui, et il serait bien possible que, sur dix lecteurs de ces lignes, il y en a neuf qui sont de la religion du serviteur et non de celle du fils.

Quel contraste on découvre dans ces paroles de David au fils, si pleines de pure grâce : « J’ai donné… ; Mephibosheth mangera toujours du pain à ma table. Quant à Mephibosheth, il mangera à ma table, comme un des fils du roi ».

« Et Mephibosheth demeurait à Jérusalem, parce qu’il mangeait toujours à la table du roi ; et il était boiteux des deux pieds ». Pas un mot de grâce à l’esclave, et pas un commandement au fils. Pour l’un c’est le service de la servitude légale, pour l’autre c’est le service de l’affection la plus profonde du cœur.

Qu’elle est heureuse ta position, enfant de la grâce ! Dieu t’a donné la vie éternelle. Tu n’es plus un serviteur, mais un fils royal, à la table de ton Seigneur. Ce n’est pas là un sacrement qui t’aide à te sauver, mais tu es toujours assis à la table du Seigneur, rompant et mangeant ce pain, et buvant de cette coupe, qui te rappellent le corps rompu et le sang répandu du Christ, par lequel tu es sauvé. Oui, Dieu t’a donné le pain de vie, dont tu seras toujours nourri. Comment se fait-il donc que tu puisses te nourrir continuellement de Jésus ? C’est Dieu qui l’a voulu. C’est Dieu qui l’a dit, et il en sera ainsi. Si tu es un croyant, ta condition et ta position ne peuvent absolument pas être celles d’un esclave ; car « à tous ceux qui l’ont reçu [Jésus], il leur a donné le droit d’être enfants de Dieu ; savoir à ceux qui croient en son nom ». « Et si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers ; héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ » (Jean 1, 12 ; Rom. 8, 17).

De quelle immense importance n’est-il pas de comprendre cette miséricordieuse et merveilleuse relation. Vous devez bien voir qu’il y a une grande différence entre la relation d’esclave et celle de fils. Un esclave ne demeure pas dans la maison pour toujours, le fils y demeure pour toujours. Ainsi la grâce tire Mephibosheth de sa retraite de peur et d’inimitié, et lui donne soudain tous les privilèges de l’adoption, et cela sans une seule condition. Nous avons vu l’effet que cette grâce produisit sur lui : une humiliation profonde, un changement total de dispositions ; nous verrons bientôt que dès lors son cœur fut donné à David pour toujours.

La froide incrédulité pourrait dire : « C’était, il est vrai, un pauvre être boiteux, avant qu’il fût amené à David et traité comme un fils du roi. Mais sûrement il ne put jamais jouir du privilège de s’asseoir à la table royale, s’il continua d’être un pauvre boiteux ». Car il y a bien des gens qui peuvent admettre que c’est la seule grâce qui amène à Christ un pauvre pécheur, boiteux et perdu, et qui néanmoins s’imaginent qu’une fois amené à Christ, sa persévérance et son salut final dépendent, de quelque manière, de sa propre marche et de son obéissance. C’est là une erreur des plus propres à troubler et à angoisser les âmes. S’il en était ainsi, hélas ! qui pourrait être sauvé ? Tout croyant qui connaît son propre cœur dira : Pas moi. Si, ne fût-ce que pour une heure, mon salut final dépendait de moi, je n’oserais pas même espérer d’être sauvé. L’osez-vous ? Mais que voyons-nous dans ce tableau divinement inspiré de l’amour de Dieu ? « Mephibosheth mangeait toujours à la table du roi ; et il était boiteux des deux pieds ». Précieuse grâce qui nous a cherchés, qui nous a trouvés, et qui seule peut nous garder dans la position de faveur où elle nous a placés.

Le croyant est souvent et cruellement angoissé, quand il s’aperçoit que, s’il s’agit de force en lui-même pour demeurer debout à l’heure de la tentation, il est aussi faible maintenant qu’il l’était autrefois. Et si, un seul instant, il perdait de vue sa position dans la grâce comme un fils, et se mît à essayer de marcher comme un esclave, il serait aussitôt tout préoccupé de ses misérables pieds boiteux. Trouvant ainsi que, comme un esclave sous la loi, il ne peut plaire à Dieu, il serait tout prêt à s’abandonner au désespoir et à renoncer à la foi. Plus d’un de mes lecteurs peuvent avoir été rudement souffletés par l’ennemi, de cette manière. Vous pouvez avoir regardé à votre pauvre marche boiteuse jusqu’à en venir à dire dans votre cœur : Je ne suis certainement pas un enfant de Dieu ! Ah ! vous ne trouverez jamais la paix en regardant à vos pieds boiteux. Mettez-les sous la table, et regardez à ce dont Dieu, dans Sa grâce infinie, a couvert cette table. Il place devant nous le mémorial de Christ. Tout ce que nous sommes en nous-mêmes, pauvres, misérables, boiteux, morts, a été jugé et mis à mort sur la croix. Et Dieu tient notre vieil homme comme mort et enseveli loin de Ses yeux. Il nous voit maintenant ressuscités avec Christ ; oui, et même assis en Lui dans les lieux célestes.

Oh ! oui, il est parfaitement vrai qu’en lui-même, le croyant est aussi boiteux après sa conversion qu’avant. Il a, sans doute, une nouvelle vie, une nouvelle nature, qu’il n’avait pas auparavant ; il a le Saint Esprit habitant en lui. Mais quant à sa vieille nature, appelée la chair, elle est encore ce qu’elle a toujours été. Que doit-il donc faire ? N’avoir aucune confiance quelconque en la chair, mais reconnaître la grâce par laquelle il est devenu enfant de Dieu et qui le garde pour toujours dans cette relation. Tenons donc nos pieds sous la table, et rassasions-nous des richesses de la grâce divine, placées devant nous. Quand nous en avons fini avec toute confiance en nous-mêmes, avec tous les vœux, avec toutes nos résolutions — quand nous reconnaissons réellement que le vieil homme est totalement perdu — alors il s’ensuit une calme confiance en Christ, en qui nous commençons à réaliser la puissance de la résurrection dans une sainte vie. Mais la chair, remplie de propre justice, aura une rude lutte à soutenir avant qu’elle cède et se reconnaisse comme morte (voir Rom. 7).

Le sujet du chapitre suivant (2 Sam. 10) est : la bonté manifestée et rejetée, avec le jugement qui en est la conséquence. C’est le péché amenant la condamnation. La bonté de Dieu envers un monde coupable a été manifestée. « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui, ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle ». Quelle bonté ! Mais écoutez ces sérieuses paroles : « Celui qui ne croit pas, est déjà jugé ». Si vous, lecteur, étiez du nombre de ceux qui rejettent la bonté de Dieu signalée par le don de Son Fils, pensez, oh ! pensez à la condamnation éternelle qui doit être la conséquence de ce rejet.

Je voudrais maintenant poursuivre, en peu de mots, l’histoire de ces deux hommes — considérés comme des types de tous ceux qui, de nos jours, ou bien, ont trouvé grâce et salut en Dieu, ou bien s’efforcent de se sauver en gardant les commandements du Seigneur.

Dans le chapitre 15, nous avons le récit de la révolte d’Absalom. David, le vrai roi, est rejeté ; il sort de Jérusalem et, détail à remarquer, il traverse le même torrent que Jésus rejeté aussi traversera plus tard. « Et tout le pays pleurait à grands cris, et tout le peuple passait plus avant ; puis le roi passa le torrent de Cédron » (comp. Jean 18, 1). Quand Jésus le traversa, la nuit de Sa réjection, les deux ou trois qui L’accompagnaient, ne purent pas même veiller une heure avec Lui. Et dans le verset 30, il est dit : « Et David montait par la montée des Oliviers et, en montant, il pleurait ». C’est aussi sur cette montagne que Jésus conduisit Ses disciples quand, après avoir été mis à mort par ce monde et ressuscité d’entre les morts par la puissance de Dieu, Il monta au ciel — rejeté par le monde, mais reçu dans la gloire.

Or, c’est quand David, ainsi rejeté, a passé ce mont des Oliviers, que le caractère de Tsiba, l’esclave, se dévoile (lisez chap. 16, 1-4). La première chose que nous voyons dans ce passage, c’est un grand étalage de dévouement au roi : des ânes chargés de pain, de fruits et de vin. « Que veux-tu faire de cela ? » demande le roi. Où est Mephibosheth ? Tsiba répond qu’il est demeuré à Jérusalem, en insinuant qu’il cherche à monter sur le trône. Vraiment il semble, d’après tout cela, que la meilleure religion est bien celle de Tsiba, le propre juste. En effet, quant à l’extérieur seulement, il a toujours semblé en être ainsi. Mais Dieu connaît les secrets de tous les cœurs. Selon toutes les apparences extérieures, Tsiba paraissait avoir un grand zèle et beaucoup de dévouement ; puis il avait un si beau formulaire de prières. Mais, au fond, tout cela n’était qu’hypocrisie. Le jour du retour de David rejeté vint à la fin (chap. 19, 24-30), et Mephibosheth sort pour aller au-devant de lui. Oui, et le jour du retour de Jésus rejeté viendra promptement ; et tout enfant de la grâce, qu’il soit endormi dans la poussière, ou vivant quand le Seigneur arrivera, sortira pour être ravi à Sa rencontre en l’air (1 Thess. 4, 15-18).

Maintenant se manifeste le vrai caractère des deux hommes. Mephibosheth « n’a point lavé ses pieds, ni fait sa barbe, ni lavé ses habits, depuis que le roi s’en était allé, jusqu’au jour qu’il revint en paix ». La bonté de David avait gagné son cœur. Ce cœur était rempli d’affection pour le roi rejeté ; et cette affection était trop profonde pour qu’il pût, sur la terre, prendre une autre attitude quelconque que celle d’un homme menant deuil et attendant, dans la tristesse, le retour de celui qu’il aimait.

Et le Seigneur Jésus ne comptait-Il pas sur une semblable affection, lorsqu’Il disait dans la nuit de Sa réjection : « Dans peu de temps vous ne me verrez pas, et encore un peu de temps et vous me verrez… En vérité, en vérité, je vous dis que vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira ; et vous serez dans la tristesse ; mais votre tristesse sera changée en joie ». Hélas ! combien peu nous avons répondu au cœur de notre Seigneur rejeté ! Si notre attitude morale n’est pas la même que celle de Mephibosheth, celle d’hommes affligés et dans le deuil, en attendant le retour de Celui qu’ils aiment, cela ne peut venir que de l’oubli de Jésus.

Mais qu’en était-il des fruits, du pain et du vin ? « Pourquoi n’es-tu pas venu avec moi, Mephibosheth ? ». Maintenant la vérité vient au jour ; c’était de lui que venaient les provisions dont les ânes étaient chargés. Mais il était boiteux, ce qui avait permis à Tsiba de le supplanter ; et maintenant il calomniait Mephibosheth et prenait un masque hypocrite. Or remarquez ce que peut produire la grâce. Mephibosheth dit : « Fais donc ce qu’il te semblera bon ; car quoique tous ceux de la maison de mon père ne soient que des gens dignes de mort envers le roi, mon seigneur, cependant tu as mis ton serviteur entre ceux qui mangeaient à ta table ». Qu’elle est douce la confiance que donne la grâce ! Avez-vous, mon lecteur, l’assurance fondée que Dieu vous a donné, par pure grâce, une place à Sa table ? Si vous l’avez, vous pouvez, avec une parfaite joie, regarder en avant à l’arrivée de Jésus.

« Et le roi lui dit : Pourquoi me parlerais-tu encore de tes affaires ? Je l’ai dit : Toi et Tsiba, partagez les terres ». Qu’elle est belle la réponse du fils de Jonathan : « Qu’il prenne même le tout, puisque le roi, mon seigneur, est revenu en paix dans sa maison ». Ce n’étaient pas les terres qu’il lui fallait ; non, son plus ardent désir était maintenant réalisé, puisqu’il revoyait celui qui lui avait témoigné tant de bonté.

Et n’en est-il pas de même chez ceux dont la grâce a réellement gagné le cœur à Christ ? Ce ne sont plus les choses de la terre qu’ils désirent. « Certes, dit l’apôtre, je regarde toutes choses comme étant une perte à cause de l’excellence de la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur ». Oh ! plût à Dieu que nous ressemblassions davantage à Mephibosheth, davantage aux saints de Thessalonique qui attendaient « des cieux le Fils de Dieu ». Mephibosheth avait reçu le témoignage de la bonté de David avec une entière confiance ; malgré ses pieds boiteux, il n’avait jamais douté de la réalité de l’amour de David, et il avait patiemment attendu le retour de David ; supportant toute espèce d’opprobre, jusqu’à ce que le temps fût venu. Les Thessaloniciens avaient aussi reçu la bonne nouvelle de la grâce de Dieu en puissance et dans la vertu de l’Esprit Saint, et en pleine certitude — aussi enduraient-ils avec patience, et même avec joie, les injures et les tribulations de la part de leurs adversaires. Et quelle était la puissance secrète qui les mettait en état de le faire ? Ils attendaient Jésus des cieux. Les vrais enfants de Dieu ont toujours été haïs et calomniés — et même souvent mis à mort sur les échafauds et sur les bûchers — par les orgueilleux, cherchant le salut dans l’observation de la loi.

Mais quel est le jour qui s’approche ? Qui peut dire avec quelle rapidité peut arriver le Seigneur que nous attendons ? Les tout derniers mots qu’Il nous a adressés, sont ceux-ci : « Oui, je viens bientôt » ; à quoi, par l’Esprit, l’Église répond : « Amen ! viens, Seigneur Jésus ! ». David a-t-il pu revenir, et le Seigneur de David ne reviendra-t-Il pas ? Oui, nos yeux Le contempleront bientôt. Oh ! glorieuse et bienheureuse espérance ! Ce n’est pas le millénium, ce n’est pas l’accomplissement des prophéties, que nous attendons proprement, quelque bénis que soient ces événements ; mais c’est Jésus Lui-même, que le croyant qui a été lavé dans Son sang, désire de voir.

Ce magnifique type va plus loin encore ; dans le chapitre 21, il nous montre le jour du jugement sur la maison de Saül. « Or le roi épargna Mephibosheth, fils de Jonathan, fils de Saül, à cause du serment que David et Jonathan, fils de Saül, avaient fait entre eux au nom de l’Éternel ». Cela termine l’histoire de cet enfant de la grâce. Et longtemps après que Jésus sera revenu, et que Son royaume aura été établi ; quand l’Église de Dieu jouira, depuis longtemps déjà, de la gloire céleste de Christ, et Israël, de la gloire du royaume sur la terre ; oui, même lorsque le grand trône blanc sera dressé et que les enfants déchus d’Adam se tiendront devant ce trône ; alors même, pas un de ceux qui, selon les conseils d’éternité, aurait pu faire partie de la famille de la grâce, non, pas même un seul ne sera perdu. Mais où paraîtront en ce jour-là les pécheurs insouciants ou même les faiseurs d’œuvres pour le salut ? Trouvez-moi un homme faisant profession d’être un observateur de la loi, qui ne soit pas un transgresseur de la loi. Pouvez-vous, mon cher lecteur, ou puis-je moi-même subsister devant ce trône sur le fondement de ce que nous avons fait ? Impossible. Assurément, l’homme qui prétend être meilleur que son prochain, doit être un hypocrite ; car Dieu déclare qu’il n’y a point de différence — que tous ont péché. Non, non, ce n’est pas par des œuvres qu’un pécheur quelconque peut être sauvé. Si vous pouvez trouver un homme qui ne soit pas un pécheur, à la bonne heure, qu’il essaye de ce moyen. Mais un pécheur a besoin de pardon. « Et sans effusion de sang il n’y a point de rémission ». Adorable Jésus, tu as porté le poids de la colère, de la malédiction, du jugement qui étaient dus aux péchés de ton peuple, et maintenant une bonté sans entrave et une éternelle paix sont l’heureux partage de toute âme qui se confie en toi. Regarde à la croix, ô mon lecteur, et prête l’oreille. Du haut de cette croix, Dieu ne te dit-Il pas : « Certainement j’userai de bonté envers toi » ?

Mais ne doit-il point y avoir d’œuvres en retour de cette bonté ? Oh ! oui, un service sincère, réel, cordial, dévouéfruit de la foi qui sauve. Combien d’œuvres qui apparaissent comme de bonnes œuvres aux yeux des hommes, ne sont que néant devant Dieu ! Les hommes s’imposent de pesants fardeaux d’actes de propre justice ; et pourtant, que sont-ils tous, au fond, sinon le rejet de la bonté toute gratuite de Dieu ?

Plus sera profondément enracinée ton assurance de l’immuable bonté de Dieu envers toi, indigne pécheur, plus profonde aussi sera ta haine du péché ; plus entière, la joie que tu éprouveras à servir Christ d’un cœur vraiment tout dévoué ; et plus ardente, quoique patiente, ton attente de Son retour des cieux.



  1. Publié dans le Salut de Dieu de 1873.