Traité:Pèlerinage et repos/Troisième méditation

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

Troisième méditation : Jean 14

Ce chapitre de l’évangile de Jean nous est familier à tous ; nous l’avons, sans doute, lu et relu, mais la Parole de Dieu a toujours une nouvelle fraîcheur pour l’âme qui s’en approche. Mon intention n’est pas d’aborder ici l’exposition de tout le chapitre, mais je chercherai à en faire ressortir trois points, présentés par le Seigneur à ses disciples pour leur consolation.

Le premier, c’est la vérité précieuse que la terre n’offre plus désormais aucun lieu de repos aux disciples du Seigneur. Ce fait devrait être plus familier aux chrétiens, à ceux surtout qui, par la grâce et par la puissance du Saint Esprit, ont compris en quelque mesure les vérités que Dieu a mises en lumière dans ces derniers temps.

Nous comprenons et nous saisissons bien plus facilement cet autre côté de la vérité, que l’homme, considéré comme homme dans la chair, n’a pas de place devant Dieu, et que son histoire est close à la croix de Christ. S’il se trouvait cependant ici quelqu’un pour qui ces termes fussent nouveaux ou étranges, je vais chercher à lui expliquer ce qu’ils signifient. L’homme, envisagé dans sa condition naturelle devant Dieu, a été mis à l’épreuve de diverses manières par Dieu Lui-même, et le résultat de cette épreuve, c’est que l’homme, en tant qu’homme né d’Adam, a été mis entièrement de côté, qu’il n’a plus, comme tel, aucune place devant Dieu. Du moment qu’un homme devient chrétien, qu’il croit au Seigneur Jésus Christ, sa position n’est plus en aucune manière liée à celle du premier homme : Dieu ne le considère pas comme étant en relation avec le premier Adam, mais comme occupant une toute nouvelle position en Christ ressuscité d’entre les morts. Grâce à Dieu, chers amis, cette vérité est maintenant connue et enseignée, quelque faibles et peu visibles que puissent être ses effets sur nous. Plût à Dieu que nos consciences la connussent davantage ! Quel fait extraordinaire, en effet : devant Dieu, je n’ai point ma place en Adam, mais j’ai une position tout à fait nouvelle en Christ ! « Si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création : les choses vieilles sont passées ; voici, toutes choses sont faites nouvelles ». Ne dites pas : « Je voudrais pouvoir saisir cette vérité » ; laissez-vous plutôt saisir par elle. Si elle avait réellement pris possession de votre âme, vous ne pourriez retourner à aucune des choses du premier Adam sans faire violence à votre conscience et à la vérité ; et dans la mesure selon laquelle vous marcheriez avec une bonne conscience devant Dieu, votre conscience serait gardée en activité et serait prompte à vous montrer où et comment vous vous êtes écarté du chemin.

On commet ici souvent une grande méprise. On s’agite beaucoup pour arriver à saisir des vérités, et l’on ne se trouve pas assez dans le calme de la présence de Dieu pour que la vérité puisse nous saisir et prendre possession de nous. Il faut que ce soit la vérité qui opère et non pas nous. Naturellement, nous n’aimons pas cela, et nous nous en trouvons humiliés, parce que nous préférons faire quelque chose. Nous aimons à faire de la vérité un objet de notre travail et de notre activité ; mais Dieu nous prend et nous place dans le repos de Sa présence, de manière à assurer à l’action de la vérité toute son efficace par l’Esprit sur nos consciences. Je vous en donnerai un exemple. Lorsque Moïse monta pour la seconde fois sur la montagne pour y recevoir les tables de la loi, travailla-t-il sur quelque chose qui était déjà là, pour obtenir le reflet de la gloire sur son visage ? Non ; Moïse se tint tranquille devant Jéhovah, et la gloire de Dieu laissa son empreinte et son reflet sur la face de Moïse ; puis, lorsqu’il descendit de la montagne, le seul homme dans toute l’assemblée du peuple qui ne s’aperçut pas de la gloire qui brillait sur sa face, ce fut Moïse lui-même. Tous les autres voyaient que Moïse avait été en présence de Dieu, car ils pouvaient constater les effets de cette présence. Je sens que, de nos jours tout particulièrement, nous avons un besoin extrême de cette tranquillité d’âme devant Dieu, de ce repos du cœur qui permet à la vérité de nous former et de nous façonner selon elle-même. Du moment que votre esprit s’occupe de la vérité, comme d’un objet de votre travail, vous introduisez l’un des plus grands obstacles à sa réception. Il y a une immense différence entre la vérité de Dieu, maniée par le Saint Esprit et produisant certains effets sur notre conscience, et le travail de notre esprit sur cette vérité. Votre intelligence peut être occupée de la vérité, et cependant, par le fait même de votre travail, le diable prendra avantage sur vous, et finira par s’emparer de vous, votre conscience n’ayant pas été assez exercée devant Dieu pour que la vérité agisse sur elle.

Du moment que j’accepte ma vraie position devant Dieu, en dehors du premier Adam et en Christ ressuscité d’entre les morts, du moment que cette pensée a prise sur ma conscience, il faut nécessairement que tout ce qui me concerne soit mis en accord avec cette position. Chercher à adapter la vérité à nos circonstances, c’est tout autre chose que d’être façonnés par la vérité, afin d’être rendus propres pour la présence de Dieu. Il prend plaisir à nous rendre tels, que nous répondions à la place glorieuse dans laquelle Il nous introduit. Il ne nous appartient pas d’arranger les choses à notre convenance et selon nos circonstances ; nous sommes placés devant Dieu dans la position la plus merveilleuse et qui dépasse tout ce qu’un cœur d’homme peut concevoir ; et puis Dieu s’occupe à mettre tout ce qui nous concerne parfaitement d’accord avec la position qu’Il nous a faite, il faut donc qu’Il ôte tout ce qui n’y appartient pas. Plus je connaîtrai tout ce que je possède en Christ, plus mon cœur jouira des affections de mon Dieu, plus aussi je serai prêt à faire la perte de tout ce qui n’est pas Christ.

Le second point que je désire mettre bien en évidence, c’est que non seulement je n’appartiens plus du tout au premier homme, mais que je n’appartiens pas davantage à la terre. Cette vérité ne vous plaît pas peut-être ? Chacun est heureux de pouvoir dire : « Dieu merci ! étant chrétien, je n’appartiens plus au premier homme ; je suis placé dans une position nouvelle en Christ ressuscité d’entre les morts ; j’appartiens à la gloire, à Christ ». Mais êtes-vous prêt à dire aussi : « Je n’appartiens pas à cette terre ; mon chez-moi est ailleurs » ? Le chrétien n’est pas de ce monde. Vous trouverez ces deux choses dans les deux premiers chapitres de l’épître aux Éphésiens : c’est qu’un chrétien n’est pas en Adam, et qu’il n’est pas de la terre. Nous n’appartenons pas au premier homme quant à notre position, et nous ne sommes pas de ce monde quant à notre place. Nous sommes ici-bas dans le corps, je ne le nie pas ; mais c’est une chose immense que de savoir que nous n’avons pas de place sur la terre. La terre nous est fermée ; si Christ n’y a pas eu de place, nous n’en avons pas non plus. Quelle chose précieuse et solennelle à la fois ! Et quelle puissance elle exerce sur un cœur qui demande en soupirant : Où est ma place ? Où est mon chez-moi ? Où suis-je libre d’entrer et de sortir ? C’est cette vérité qui nous est présentée en premier lieu au chapitre 14 de l’évangile de Jean. Jésus dit aux siens : J’ai une place pour vous, en dehors de cette terre de péché et de misère. « Dans la maison de mon Père, il y a plusieurs demeures ; s’il en était autrement, je vous l’eusse dit, car je vais vous préparer une place. Et si je m’en vais, et que je vous prépare une place, je reviendrai, et je vous prendrai auprès de moi ; afin que là où moi je suis, vous, vous soyez aussi ». Il y a quelque chose de bien précis dans ces mots : « auprès de moi ». Il en est de même au chapitre 3 de l’épître aux Colossiens : « Si donc vous avez été ressuscités avec le Christ, cherchez les choses qui sont en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu ». Dieu ne nous montre-t-Il pas là un lieu bien défini, pour que le cœur du croyant sache et goûte qu’il y est chez lui ?

Avant d’aller plus loin, remarquez comment la vérité de Colossiens 3 et celle de Jean 14 se rencontrent. L’apôtre, après avoir montré aux Colossiens, au chapitre 2, qu’ils n’étaient pas en Adam, étant morts avec Christ, mais qu’ils avaient une place toute nouvelle, étant ressuscités avec Christ, ajoute au verset 1 du chapitre 3 : « Cherchez les choses qui sont en haut, où le Christ est assis ». Bien-aimés, ces cinq petits mots correspondent exactement pour l’étendue et la signification à ce précieux : « là où moi je suis » de Jean 14. Ils fournissent tout ce qui est nécessaire à un cœur qui a Christ pour objet. Les définitions et les descriptions plus ou moins poétiques du ciel, que j’ai entendu faire, n’ont aucun attrait pour moi ; je n’y crois pas, et ce qui me frappe, c’est le silence de l’Écriture sur ce sujet. L’Écriture, en effet, parle fort peu du ciel ; l’imagination de l’homme s’en occupe beaucoup ; mais ce que la Parole nous assure, c’est que nous serons là où est Jésusle lieu est caractérisé par la personne. Ce qui est précieux, c’est que le Seigneur veut nous avoir avec Lui, là où Lui est ; et cela suffit au cœur qui a Christ pour objet. Christ est là : Sa présence est la définition du lieu ; elle répond à tout. « Nous serons toujours avec le Seigneur » (1 Thess. 4).

Remarquez que c’est la position de Christ, quelle qu’elle soit, qui détermine la nôtre. Il veut que là où Il est, nous aussi nous y soyons avec Lui. Quelle chose merveilleuse ! Son amour l’a voulu ; Son cœur autrement, ne serait pas satisfait !

Le chapitre 13 de l’épître aux Hébreux nous présente un autre côté de cette même vérité. Nous lisons au verset 12 : « C’est pourquoi aussi Jésus, afin qu’il sanctifiât le peuple par son propre sang, a souffert hors de la porte. Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre ». Remarquez-le bien. Le Seigneur vous dit, comme nous venons de le voir, qu’Il a une place pour vous là-haut dans les cieux ; des demeures — la meilleure place que l’on puisse concevoir ou que le cœur puisse souhaiter ; et que c’est Sa présence qui caractérise cette place et qui la distingue : là où Il est, Il veut nous avoir avec Lui ! N’y a-t-il pas là de quoi faire les délices de nos cœurs ? Mais le passage d’Hébreux 13 présente un autre côté pratique de la vérité ; il dit : « Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre ». Remarquez la sagesse de l’Esprit de Dieu : si vous demeurez dans le camp, vous échappez à l’opprobre ; si vous sortez du camp vers Jésus, vous trouvez l’opprobre. Qu’y a-t-il donc pour nous amener dehors et pour adoucir l’opprobre ? Ah ! c’est que nous sortons vers Lui ! Ce n’est pas tout de sortir seulement et de protester ainsi contre toutes les choses qui sont dedans ; il y a davantage : je sors par affection pour Christ. Je sors, il est vrai, parce que ma conscience, exercée devant Dieu, ne me permet pas de rester dedans ; mais je sors, attiré par une personne vivante qui est dehors ! Je lève les yeux au ciel et je demande : Où est Jésus ? Il est là-haut dans le sanctuaire ! J’y entre donc, moi aussi ! Et sur la terre ? Il est dehors, Il a souffert hors de la porte (comp. Lév. 4, 12, 21 ; Nomb. 19, 3) ; et moi, je n’ai pas autre chose à faire qu’à sortir, à sortir vers Lui ! Ce sont les deux parties de mon histoire : j’entre pour jouir des délices de la maison ; je sors pour être en compagnie de Celui qui m’a préparé là-haut une demeure, « portant son opprobre ». Bien-aimés, cette vérité parle-t-elle à vos consciences ? L’aimez-vous ? Sans doute, elle est comme un couteau affilé qui tranche dans le vif et qui pénètre jusqu’au fond, atteignant ce qui nous est le plus sensible. Quelques-uns de ceux qui sont ici présents pourraient nous dire comment, quand et ils ont senti le tranchant de la lame. Mais où est la douleur, du moment que le Saint Esprit nous a montré Jésus dans les demeures situées en dehors des ruines de ce monde, et que notre cœur, attiré vers ce lieu, a compris qu’il y a préparé une place pour nous ? Alors nous pouvons supporter l’enlèvement de nos biens, le vent desséchant de l’affliction, les vagues impétueuses de l’épreuve !

Nous pouvons nous tenir debout devant l’épée de la mort, qui n’épargne personne ici-bas sur la terre. Tout tombe sous ses coups dans ce triste monde ! Mais Jésus monte au ciel et dit : « Je vais vous préparer une place. Et si je m’en vais, et que je vous prépare une place, je reviendrai ». Non seulement Il tient la place en réserve pour nous ; Sa présence même nous la prépare (car c’est là la force du passage) ; mais encore, Il reviendra Lui-même nous prendre et nous y introduire.

Je ne crois pas que l’activité de Jésus soit en exercice pour nous préparer cette place : c’est Sa présence là-haut qui la prépare. Son activité dans le ciel s’exerce envers nous, envers nos personnes, ici-bas, pour nous garder propres pour Sa présence, Son sang nous ayant déjà rendus tels. Son sang est le fondement sur lequel nous sommes devant Lui ; Sa grâce est le principe qui nous y maintient propres pour Sa présence ; mais c’est Sa présence qui prépare la place et qui fait qu’elle est prête. Une seule chose nous manque encore : la personne qui nous y introduira. Je ne vais pas seulement, dit le Seigneur, vous préparer une place ; je ne veux pas seulement vous garder purs, vous préserver de toute séparation morale d’avec moi pendant que vous êtes ici-bas et moi là-haut, mais il faut que la première parole de bienvenue qui vous accueille dans ce lieu de ma présence sorte de ma propre bouche. « Si je m’en vais, et que je vous prépare une place, je reviendrai, et je vous prendrai auprès de moi ». « Auprès de moi », ce n’est ni le ciel, ni la gloire, c’est Sa personne. « Afin que là où moi je suis, vous, vous soyez aussi ». Quelle joie !

Avant d’aller plus loin, mes chers amis, je vous demanderai quelle influence tout cela exerce sur vos cœurs ? La tendance du jour, il faut le dire, c’est de profiter de Christ autant que possible, puis de L’oublier, et trop souvent nous sommes entraînés par elle. Il en est de ce qui nous entoure exactement comme de cet homme qui, dans sa prison, était heureux d’avoir Joseph pour être réconforté par lui, par la perspective de sa prospérité et de son bonheur futurs, et qui ensuite l’oublia. Chacun cherche du soulagement, du soulagement pour sa conscience, ou du soulagement pour son cœur, car nous avons une conscience et nous avons un cœur, bien que plusieurs semblent n’en point avoir. Un homme qui n’aurait que la conscience et point de cœur, ou vice versa, ne serait pas un homme. Eh bien, nous avons une conscience qui a besoin d’être purifiée, et nous avons un cœur qui veut être satisfait. Le sang de Christ met notre conscience en parfaite liberté, la personne de Christ satisfait aux affections du cœur. Or je dis que souvent nous nous servons de Christ pour nos besoins, quitte à l’oublier ensuite. Ce fait même, que Christ a une place pour nous en dehors de cette terre, et que nos cœurs peuvent se réfugier là quand le souffle de la mort passe sur les choses d’ici-bas, qu’en faisons-nous, lorsque la tempête s’est calmée ? Hélas ! le plus souvent cette place n’est pour nous qu’un lieu de refuge pendant l’orage : nous en sortons dès que l’orage est passé.

Mais Christ nous parle d’une demeure. Sans doute, ce lieu est un soulagement, un refuge, un abri, le seul ombrage contre les atteintes de la chaleur du désert ; mais nous en sortirons bien vite, si nous n’y avons pas trouvé notre « home », les attractions, les joies, la bénédiction de la maison du Père dans la compagnie de Celui qui sait mettre le cœur parfaitement à l’aise. Or, le monde qui nous entoure ne pense pas à une demeure avec Christ en dehors de cette scène ; les hommes estiment que le monde est une demeure particulièrement agréable ; on y fait descendre la grâce de Christ, l’amour de Christ, Son secours, Sa rédemption, afin de s’y trouver bien à l’aise.

Dieu veut autre chose : Il veut que l’œuvre de la rédemption en Christ, le sang et la grâce de Christ aient pour effet de briser les liens qui nous attachent à ce monde, de nous ébranler pour ce qui est de la terre, mais de nous établir fermement là-haut. Du moment que nous avons fait notre demeure de cette place merveilleuse où Christ est entré, nous ne songeons plus à faire d’ici-bas un lieu de repos. Supposez qu’un homme soit tout à coup transporté dans une contrée étrangère : il n’aura nul besoin de s’y faire étranger, d’y prendre l’esprit ou les sentiments d’un étranger : il l’est. Qu’est-ce qui le rend tel ? Le simple fait qu’il vient d’un endroit où il est chez lui. Il n’est pas étranger dans son pays : là son cœur est resté, là sont ses joies, ses intérêts, ses désirs ; mais il se trouve ailleurs, dans un lieu qui n’est pas cela pour lui. La marque la plus sûre que l’on n’est pas réellement un pèlerin, c’est l’effort pour le devenir. On cherche toujours à être ce qu’on n’est pas. Mais celui qui est véritablement un pèlerin, n’a besoin d’aucun effort : son caractère est l’effet de sa vie et de sa nature. La plante, l’herbe, l’arbre, ne font pas d’efforts pour croître. Tout ce qu’il leur faut, c’est la chaleur du soleil et la lumière du soleil ; et ainsi elles grandissent et leur nature s’affirme. Il y a deux choses que vous ne pourrez jamais faire. Vous ne pouvez ni acquérir la qualité d’étranger, ni, en tant que pécheurs, vous rendre propres pour la présence de Dieu ; mais du moment que votre cœur a trouvé le repos auprès de Christ, là où Il est, vous êtes hors du courant des choses d’ici-bas ; elles vous deviennent étrangères ; elles cessent d’être l’objet de votre intérêt ou de votre poursuite.

Il n’est pas un d’entre nous qui ne doive confesser devant Dieu combien peu il se trouve encore réellement déplacé dans ce monde, combien peu son esprit mène deuil et s’afflige de l’état de tout ce qui nous entoure. Si nous vivions là-haut, comme une plante transportée hors de sa zone, nous sentirions que l’atmosphère d’ici-bas ne convient pas à notre nature. Mais, hélas ! nous nous sommes acclimatés, endurcis, à force de vivre dans l’esprit des choses qui nous environnent. Nous affrontons le monde, parce que nous nous sommes accoutumés à ses frimas et à ses ténèbres ; nous préférons y habiter que d’y être en voyage. Mais le dessein de Dieu, c’est que nous demeurions en haut, afin que, trouvant les joies de la maison auprès de la personne de Christ et en communion avec Lui, nous ne soyons plus ici-bas que comme des étrangers en passage, visiteurs qui apportent avec eux toute la grâce, toute la perfection, la débonnaireté, la force et la puissance du Seigneur Jésus.

On retrouve le même esprit dont je viens de parler dans la manière dont on cherche à affronter les choses d’ici-bas. On prévoit la difficulté, on l’examine, on la mesure, et l’on tache de s’y préparer. Mais la chose est impossible. Le moment venu, vous éprouvez une amère déception. Pourquoi ? Parce que Dieu donne, selon les richesses de Sa gloire, une force nouvelle quand le besoin est là. Ce n’est pas une force qui se puisse accumuler. Dieu ne donne jamais de provision. Il nous donne selon nos besoins de chaque instant. Quelle bonté et quelle sagesse ! Il sait très bien que nous emploierions les provisions qu’Il nous donnerait, à devenir indépendants. Il garde les choses en main, dans Son infinie miséricorde, et Il tient ainsi nos cœurs dans Sa dépendance pour tout ce dont nous avons besoin. Nous n’avons rien à faire que d’aller à Dieu chaque jour pour les besoins de chaque jour. Plus nos cœurs demeurent avec Christ, là où Il est, plus ils jouissent des joies de la maison, plus nous affrontons simplement, naturellement, sans effort — sans chercher à nous fortifier à l’avance — les difficultés de chaque jour. Oh ! marchons ainsi journellement dans la patience, la tranquillité, la joie de Christ, et lorsque les difficultés surviendront, nous les traverserons avec Sa grâce et Sa puissance. Dans la proportion où nous jouirons de la place où le Seigneur se trouve, nous serons capables de supporter l’adversité et de tout surmonter. Nous ne pouvons affronter les difficultés qu’autant que nous les rencontrerons en sortant de ce lieu-là. Que ce soit donc en sortant du sanctuaire, avec tout le sérieux, le calme, la paix, et la puissance de Christ, que nous affrontions toutes les choses d’ici-bas, où nous ne sommes que des visiteurs célestes. Habitons davantage notre patrie, et n’en sortons que pour combattre dans un pays ennemi. La grâce de Christ qui a été manifestée en nous donnant une place avec Lui, n’est pas moins glorifiée maintenant en nous rendant capables de surmonter les difficultés qui nous environnent.

*
*     *

Je désire maintenant attirer votre attention sur un second point contenu dans ce chapitre 14 de l’évangile de Jean. Le Seigneur dit, au verset 23 : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera ; et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui ». Êtes-vous prêts à témoigner de cette manière votre affection pour Christ ? Le Seigneur ne parle pas d’œuvres à accomplir ; Il ne dit pas : « Si quelqu’un m’aime, il travaillera ».

Dans ces temps de fiévreuse activité, où l’évangélisation même prend si souvent ce caractère, les hommes préféreraient, sans doute, que Jésus se fût exprimé ainsi. Loin de moi la pensée de médire de ce que Dieu, dans Sa souveraineté et Sa miséricorde, trouve bon de faire par le moyen d’instruments quelconques pour accomplir Ses desseins, mais ce n’est pas tout de rendre témoignage : il faut garder la parole de Jésus. Le faites-vous ? « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ».

Il est très solennel de penser qu’il peut y avoir une activité incessante, du zèle, du travail, sans qu’il y ait, au fond de tout cela, une seule parcelle de vraie affection pour Christ. Vous pensez peut-être que j’exagère ? Mais lisez au second chapitre de l’Apocalypse : Jésus, avec des yeux comme une flamme de feu, marche au milieu des lampes d’or ; il entend tout, voit tout, juge tout ; et il dit : « À l’ange de l’assemblée qui est à Éphèse, écris… Je connais tes œuvres, et ton travail, et ta patience, et que tu ne peux supporter les méchants ; et tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas, et tu les as trouvés menteurs ; et tu as patience, et tu as supporté des afflictions pour mon nom, et tu ne t’es pas lassé ». Où trouver aujourd’hui, dites-le-moi, un état de choses plus favorable que celui-là, sous le regard pénétrant du Seigneur ? Lui-même, avant tout, Il mentionne tout ce travail, comme Il fait toujours pour tout ce qu’Il peut reconnaître ; mais Il ajoute : « J’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour ! ». Je ne sais si nous tenons assez compte de la possibilité solennelle, très solennelle, de faire les œuvres quand l’amour fait défaut. Il est évident que le Seigneur apprécie l’amour bien plus que les œuvres, et, d’autre part, il est possible qu’il y ait du travail, un travail reconnu même de Lui, sans que le cœur Lui soit vraiment et sincèrement attaché. Prenons bien garde de ne pas faire des œuvres lorsque l’amour, qui est leur mobile, fait défaut. J’éprouve tout ce qui se passe autour de nous par cette simple parole du Seigneur Jésus : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ». Avez-vous de l’affection pour Christ ? Je vous parle au nom du Seigneur ? L’aimez-vous ? Votre cœur est-il avec Lui ? Avez-vous exprimé votre affection pour Lui ? Dites-vous : Oui, je L’aime ? Nous vivons dans des jours où chacun dit librement ses sentiments. Eh bien ! « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ». Et si vous ne gardez pas Sa parole, Son conseil, Sa volonté révélée, n’est-il pas faux de dire que vous L’aimez ? Vous vous rappelez ce que Delila dit à Samson. Cette femme misérable, coupable, dépravée, comprenait quelque chose de la nature d’une sincère affection ; elle disait : « Comment dis-tu : Je t’aime — et ton cœur n’est pas avec moi ? ». — « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ».

Maintenant, en contraste avec l’église d’Éphèse, considérons ce que le Seigneur dit à Philadelphie. « Je connais tes œuvres » ; mais rien de plus sur ce point : pas un mot des œuvres, sinon qu’Il les connaît. C’est que, je n’en doute pas, personne d’autre ne les reconnaissait. Les œuvres de Philadelphie étaient de telle nature, qu’il fallait l’œil de Jésus pour les discerner ou pour comprendre leur caractère. Elles étaient trop insignifiantes, trop cachées aux yeux du monde ; elles avaient un caractère, un motif, un objet trop particulier, pour être appréciées par un œil autre que celui de Christ. « Je connais tes œuvres ». Puis le Seigneur ajoute : « Tu as peu de force, et tu as gardé ma parole ». C’est la même pensée qu’Il avait exprimée en Jean 14 : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ». Et voici la récompense : « Mon Père l’aimera ; et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui ». C’est exactement le même mot qu’au verset 2 du même chapitre. Le Fils de Dieu a une demeure pour moi là-haut ; c’est merveilleux ! Mais il est plus merveilleux encore de penser qu’en attendant qu’Il m’y introduise, Il veut descendre et faire Sa demeure — Lui et le Père — ici-bas dans mon pauvre cœur ! Combien peu on y pense aujourd’hui ! Où sont les cœurs qui souhaitent ardemment Sa présence, qui font leurs délices d’être la demeure de Jésus ? Mes amis, jouissez-vous d’une chose si merveilleuse ? Ce pauvre cœur petit, faible, inconstant, devenu la demeure du Père et du Fils ! Après la meilleure place, nous trouvons ici la meilleure compagnie. Le Père et le Fils ! Pensez-vous que l’on puisse se sentir seul si l’on a conscience d’une telle compagnie ? Le Père et le Fils venant, non pas nous rendre visite, mais demeurer ici-bas, dans des cœurs où le monde, la chair, le diable ont régné auparavant. Que le Seigneur nous exerce par Son Esprit, et que nous nous posions cette question : Désires-tu qu’ils fassent chez toi leur demeure — le Père et le Fils ? — Alors, garde la parole de Jésus !

Avez-vous été ainsi exercés ? Avez-vous jamais passé une nuit d’angoisses ou de méditation en face de ce fait, que partout la parole de Jésus est mise de côté ? Nous parlons de notre amour pour Christ, de nos désirs et de notre affection pour la parole de Jésus ; eh bien, je vous le demande, nos cœurs sont-ils affligés, brisés, de voir que tous, de propos délibéré, systématiquement, cherchent leur propre intérêt, et non pas les intérêts de Jésus Christ, et que Sa Parole n’est pas gardée ?

Nous parlons de notre amour, de notre affection — quelle chose chétive, misérable, souillée, égoïste ! Si nos cœurs et nos pensées étaient sincèrement, réellement occupés des affections de Christ, pourrions-nous prendre si facilement notre parti de tant d’indifférence à Ses désirs ? Ne serions-nous pas affligés de voir combien peu on estime le désir de Son cœur ? « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi ; afin qu’eux aussi soient un en nous », et combien on oublie le but pour lequel Il mourut et qui était de « rassembler en un les enfants de Dieu dispersés » (Jean 17, 21 ; 11, 52). La chrétienté professante a-t-elle égard à ce dessein, à cette prière de Jésus, ou plutôt n’est-il pas vrai qu’elle n’en fait aucun cas ? « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ».

*
*     *

Mon troisième point est contenu dans les versets 26-28 de notre chapitre. Nous avons parlé de la meilleure place, et puis de la meilleure compagnie ; parlons maintenant des meilleures circonstances. La meilleure place est dans les cieux avec Christ ; la meilleure compagnie, c’est d’être ici-bas, « hors du camp » avec Lui, et de l’avoir, Lui — et le Père — faisant Sa demeure chez nous. Et les meilleures circonstances ? C’est d’abord une double paix, la paix qu’Il a faite par le sang de Sa croix, et puis la paix dont Il a joui comme homme obéissant et dépendant, comme Fils avec Son Père. Il nous laisse la première, Il nous donne la seconde. Quelqu’un de vous possède-t-il cette double paix ? Chose affligeante à constater, il est très commun de trouver parmi ceux qui font profession d’être le peuple de Dieu, des personnes qui n’ont pas même la première. Cette paix signifie simplement ceci, qu’il n’y a plus d’ennemis : aucun ennemi ne lève plus la tête. Si vous voyez que tous les ennemis sont vaincus, vous avez trouvé la paix que Jésus a faite par le sang de Sa croix. Y a-t-il un seul ennemi que Christ n’ait pas vaincu ? Le péché ? « Il a été manifesté une fois pour l’abolition du péché par son sacrifice ». Satan ? « Il a rendu impuissant celui qui avait la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable ». La mort ? « Ô mort, où est ton aiguillon ? où est, ô mort, ta victoire ? ». Il n’y a plus d’ennemis ! Si votre cœur se soumet à Celui qui a tout accompli sur la croix, et si vous mettez votre confiance en Lui, vous avez cette paix ; et, avec elle, aucun ennemi ne peut lever la tête contre vous.

La seconde paix est celle qui provient de la simple soumission du cœur à Jésus ; la dépendance et l’obéissance. Cette paix est ma part quand je prends Son joug sur moi et que j’apprends de Lui. On met généralement le joug en rapport avec le travail ; le joug de Christ se prend pour trouver le repos « Prenez mon joug sur vous,… et vous trouverez le repos de vos âmes ». Aussitôt que je prends simplement ma place devant Dieu, me reconnaissant comme mis entièrement de côté quant à tout ce que j’étais dans la chair, aussitôt que je reconnais être ce que je suis devant Dieu, me reconnaissant comme mis entièrement de côté quant à tout ce que j’étais dans la chair, aussitôt que je reconnais être ce que je suis devant Dieu, un homme mort, la volonté n’étant plus en exercice ; aussitôt que, par la puissance de la vie en Christ, je me tiens pour mort, que par la foi je reconnais ce fait, alors j’ai cette seconde paix. Ce qui trouble si souvent, c’est qu’on ne fait pas son compte avec Dieu. La foi fait son compte, et ce dont elle fait son compte, elle le réalise. Si vous ne vous tenez pas pour morts, c’est votre volonté qui vous gouverne, et si elle n’est pas gouvernée, vous ne pouvez avoir cette seconde paix dont je parle ; mais si vous avez fait votre compte avec Dieu, vous avez placé la croix sur votre volonté, et vous avez la paix d’un homme dépendant et soumis. C’est notre volonté qui nous tient en dehors de la dépendance et de la soumission ; et nous ne pouvons pas, je le dis hautement, abdiquer la volonté par la propre force de la volonté. Des souverains ont pu abdiquer, mais la volonté n’a jamais abdiqué et ne le fera jamais. Une seule chose peut nous mettre de côté entièrement : c’est la croix ! J’ai à faire mon compte avec Dieu ; Dieu a crucifié mon vieil homme avec Christ ; Dieu a mis fin dans la mort à tout ce que j’étais ; et je n’ai qu’une seule chose à faire, c’est de « me tenir moi-même pour mort au péché ».

Je trouve encore, dans ce chapitre 14 de Jean, une autre chose très précieuse qui se rapporte aux circonstances. « Si vous m’aviez aimé, vous vous seriez réjouis de ce que je m’en vais au Père ». Il semble que nous entrons bien peu dans cette pensée, mes chers amis. C’est comme si le Seigneur avait dit : « Je vous ai si parfaitement associés avec moi, je vous ai établis dans une position si extraordinairement bénie en moi-même, que je compte sur vous pour partager ma propre joie. Je vous donne d’avoir part avec moi, à ma joie. Est-ce beaucoup d’oublier votre tristesse à cause de ma joie ? ». « Si vous m’aviez aimé, vous vous seriez réjouis de ce que je m’en vais au Père ». Combien peu ils entrent dans Sa joie, ces pauvres cœurs égoïstes, qui se meuvent toujours dans le cercle étroit du moi ! Combien peu Christ nous occupe exclusivement, nous qui trouvons si peu notre joie dans Sa joie ! « Si vous m’aviez aimé, vous vous seriez réjouis de ce que je m’en vais au Père, car mon Père est plus grand que moi ».

Chers amis, les vérités dont nous venons de parler sont capitales. Dieu les place devant nous pour les jours que nous traversons. Je sais qu’il y a, parmi les enfants de Dieu, de l’énergie pour le service, mais y a-t-il assez de repos pour la communion ? Je suis persuadé que personne ne peut prendre sa place dans le témoignage que Dieu a suscité pour ces derniers temps, s’il ne connaît le repos pour avoir communion avec le Seigneur ; nous ne pouvons avoir cette communion si notre cœur n’est pas en repos. Si je n’ai pas le repos, celui du cœur aussi bien que celui de la conscience, je ne suis pas affranchi. Je crois aussi, comme je l’ai dit précédemment, que l’état dans lequel se trouvent aujourd’hui beaucoup d’enfants de Dieu les porte à faire l’épreuve des mille choses qui les entourent, afin de combler, si possible, le vide affreux qui provient de ce qu’ils n’ont pas le repos du cœur devant Dieu.

Que le Seigneur nous donne quand il n’y a que faiblesse au-dedans, ruines au-dehors, de connaître si bien la place où Jésus est entré, qu’elle soit dès maintenant la demeure de nos âmes et que, jouissant de Sa présence et de Sa compagnie dans les circonstances qu’Il trouve bon de nous faire traverser, nous savourions la paix et la joie qu’Il donne, jusqu’au moment où nous entendrons Sa voix et où nous serons enlevés à Sa rencontre pour être toujours avec Lui !