Études Scripturaires:Pensées sur les expériences d’Abraham et de Jacob

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(traduit de l’allemand par J.B. Rossier)J.N. Darby 1 août 1855

Les expériences du cœur occupent une grande place dans les pensées des chrétiens. Il est cependant important de les juger toujours par la Parole de Dieu. Ces expériences sont l’expression de l’état intérieur du cœur et de nos relations avec d’autres, aussi bien que des sentiments que notre conduite, dans ces mêmes relations, produit dans nos cœurs et dans nos consciences.

Il n’est point nécessaire de parler ici des expériences d’un inconverti, quoique ce dernier ne soit pas, non plus, sans expériences. Il est vrai qu’il ne connaît pas Dieu ; mais, en un certain sens, il jouit de Sa bonté dans la nature ; sa conscience peut le blâmer ; il peut être las du péché et s’effrayer à la pensée du jugement. Il peut encore oublier ce dernier, en jouissant, dans une vie naturellement honorable, de sa famille et des hommes. Mais il ne peut rien faire de plus.

Cependant il y a une grande différence dans les expériences des hommes, en lesquels agit l’Esprit de Dieu. Cette différence provient, d’un côté, des relations dans lesquelles nous sommes avec Dieu, et d’un autre côté, de notre conduite dans ces mêmes relations. Il est vrai que Dieu ne nous a pas placés sous la loi ; et cependant la conscience réveillée est, quant à ses rapports avec Dieu, ou sous la loi ou sous la grâce. L’Esprit de Dieu qui l’a réveillée y fait pénétrer Sa lumière et y produit le sentiment de sa responsabilité. Je suis sous la loi aussi longtemps que je fais dépendre mon acceptation auprès de Dieu de ma fidélité, c’est-à-dire de l’accomplissement de mes devoirs. Si, au contraire, l’amour de Dieu et son œuvre en Christ sont, pour ma conscience, l’unique et parfait fondement de mon adoption, alors je suis sous la grâce. Le Saint Esprit ne peut pas affaiblir la responsabilité, mais il peut me révéler que Dieu a sauvé mon âme, qui était perdue parce que ma vie n’a pas répondu à cette responsabilité. Aussi longtemps que l’âme réveillée demeure sous la loi, elle fait de tristes expériences ; elle sent qu’elle est coupable selon la loi et qu’elle n’a aucune force pour l’accomplir. Elle reconnaît bien que la loi est bonne, mais, malgré tous ses efforts, elle n’atteint pas le but qui est l’obéissance. Les expériences de ces âmes-là sont des expériences de leur péché — de leur faiblesse, et de la puissance du péché. Lors même qu’une telle âme ne serait pas encore tout à fait conduite au désespoir par l’attente du juste jugement de Dieu, parce qu’elle ressent quelque peu l’amour de Dieu et qu’elle espère en l’œuvre de Christ, l’incertitude quant à ses relations avec Dieu n’en subsistera pas moins, et cela donne lieu à des alternatives de paix et de trouble. Dans ce dernier cas, l’âme a bien été attirée par la grâce, mais la conscience n’est pas purifiée et le cœur n’est pas affranchi. Ces expériences sont utiles pour nous convaincre de péché et d’impuissance, et pour anéantir toute confiance en nous-mêmes. Il est nécessaire que nous nous sentions condamnés devant Dieu et que nous sachions que désormais tout dépend de Sa grâce imméritée.

Il en est autrement lorsque notre conscience est purifiée et que nous avons compris notre position, devant Dieu, en Christ. Condamnés dans la présence de Dieu, nous reconnaissons que Dieu nous a aimés et qu’Il nous justifie par l’œuvre de Son Fils ; nous comprenons que le péché est ôté, et notre conscience est rendue parfaite. Nous n’avons plus de conscience de péchés devant Dieu, parce que Lui-même les a ôtés à jamais par le sang du Christ et que ce sang est, en tout temps, devant Ses yeux ; nous savons qu’étant unis avec Christ, qui a pleinement glorifié Dieu en ce qui concerne nos péchés, nous avons été faits justice de Dieu en Lui. Ainsi, le cœur est libre pour jouir de Son amour, dans la présence de Dieu.

Dès lors nous sommes sous la grâce ; nos relations avec Dieu dépendent, désormais, de ce que Dieu est et de la justice, laquelle Christ est devenu pour nous. Nos relations avec Dieu ne dépendent pas de ce que nous sommes devant Lui comme hommes responsables. Nos expériences reviennent désormais toujours à ceci : que Dieu est amour, que Christ est notre justice et Dieu notre Père. Nous avons communion avec Dieu et avec Son Fils, Jésus Christ. Nous jouissons de tous les privilèges de cette relation. Cependant, l’usage que nous faisons de ces privilèges, influe sur notre jouissance. Les relations demeurent constamment les mêmes, ainsi que le sentiment que nous en avons ; mais la jouissance de ce que Dieu est dans cette relation, dépend de notre conduite dans une telle position.

Les expériences sont toujours fondées sur mes rapports avec Dieu. Suis-je triste ? C’est que la communion avec Dieu, communion qui répond à mes rapports avec Lui, est interrompue. Je sens que je ne jouis pas de la communion bénie à laquelle je suis parvenu, et c’est ce qui cause ma tristesse — mais celle-ci ne provient pas d’incertitude sur la communion elle-même. La chair n’a point de rapports avec Dieu, et la chair est toujours en nous : « Or l’amour de Dieu est versé dans nos cœurs, par le Saint Esprit qui nous a été donné » (Rom. 5, 5). Par cet Esprit, nous avons communion avec le Père et avec Son Fils, Jésus Christ (1 Jean 1, 3), et nous sommes appelés à marcher dans la lumière comme Dieu Lui-même est dans la lumière (1 Jean 1, 7). Notre communion avec Dieu dépend de notre marche dans la lumière, quoique, lorsque nous l’avons perdue, Dieu puisse nous visiter par Sa grâce et renouveler la communion. Mais Dieu est fidèle et ne permet pas le péché dans Ses enfants. S’ils ne marchent pas avec Lui dans la lumière, Il les fera marcher à travers toutes les épreuves et à travers tous les combats nécessaires pour les amener à la connaissance d’eux-mêmes, afin qu’ils demeurent dans la lumière et que la communion soit véritable et pure.

Il est vrai que ces épreuves et ces combats ne touchent pas à nos rapports avec Dieu, puisque ceux-ci dépendent de ce que Dieu est, en Christ, selon Sa grâce et selon Sa justice ; mais l’interruption de la communion avec Dieu, interruption qui nous place hors de la jouissance de la lumière, nous introduit dans toute sorte de combats et d’expériences douloureuses et humiliantes sur ce qu’est notre propre cœur. Dieu, Lui-même, emploie aussi la correction pour nous humilier et briser notre volonté. La chute réelle dans le péché n’est pas seule une occasion pour l’action de Dieu dans nos âmes, mais tout ce qui est dur et rebelle dans nos cœurs y donne aussi lieu. La conséquence de ces vérités est que les expériences d’une âme qui marche avec Dieu sont beaucoup plus simples que les expériences d’une âme infidèle, et cependant la connaissance de Dieu et du cœur humain sera beaucoup plus profonde chez la première. Aussi longtemps que nous marchons en communion avec Lui, nous marchons dans la lumière et nous avons, en Sa présence, le sentiment continuel de Son amour paternel. Néanmoins, cette présence agit sur notre âme pour manifester tout ce qui n’est pas d’accord avec la lumière. Le jugement de nous-mêmes a lieu dans la présence de Dieu, dans le sentiment de Son amour et en rapport avec cet amour. Le péché porte le caractère de tout ce qui n’est pas lumière et qui est jugé, non seulement parce que le péché n’est pas d’accord avec la sainteté, mais aussi parce qu’il n’est pas d’accord avec l’amour de Dieu.

Avec des cœurs purifiés par l’amour de Dieu, et fortifiés par la communion avec Lui, la grâce qui agit ainsi en nous, prend la place du péché qui a été jugé, et dès lors, notre marche dans le monde est l’effet de la communion de Dieu dans nos cœurs. Nous portons Dieu, pour ainsi dire, dans nos cœurs à travers le monde. Remplis de Son amour et vivant dans la puissance de la vie de Christ, ce que Satan nous offre ne nous tente pas. Nos épreuves dans le monde deviennent un mobile à l’obéissance et non au péché. La présence de Dieu dans nos cœurs nous garde dans nos rapports avec les hommes. Nous faisons dès lors les expériences de notre corruption dans la présence et dans la communion de Dieu. C’est ainsi que nous jugeons le péché en nous, et le péché ainsi jugé ne se manifeste pas dans notre vie pratique. Mais, si nous ne marchons pas dans la communion de Dieu, si le péché n’est pas ainsi jugé, nous marchons plus ou moins dans le monde avec une volonté rebelle et avec des convoitises non jugées. L’action de notre propre volonté nous rend inquiets, parce que nous ne sommes pas satisfaits. Est-on satisfait ? Alors Dieu est oublié. Satan offre des tentations qui correspondent aux convoitises non jugées, puis la corruption du cœur se manifeste par la chute et par nos relations avec Satan qui prennent la place de nos relations avec Dieu. Une telle connaissance de la corruption du cœur ne sera jamais aussi profonde, aussi claire, aussi véritable, que celle que nous aurons faite dans la présence de Dieu, par la lumière elle-même. Nous connaîtrons le péché par le péché, par une mauvaise conscience, au lieu de le juger par la lumière de Dieu lui-même. Au lieu d’être humbles, nous serons humiliés. La fidélité de Dieu rétablira l’âme, mais la puissance persistante et la lumière croissante de Sa communion, ne seront plus les mêmes. Nous ferons bien l’expérience de Sa patience et de Sa bonté, mais nous ne connaîtrons pas Dieu de la même manière qu’en marchant fidèlement dans Sa communion. Sans doute Dieu se glorifie par Ses voies avec une telle âme, puisque tout concourt à Son éternelle gloire, mais la connaissance de Dieu croît par notre communion avec Lui.


La vie d’Abraham et celle de Jacob viennent, par d’intéressants exemples, à l’appui de ce que nous venons de dire : Il est vrai que ni la loi, ni la plénitude de la grâce n’avaient encore été révélées. Cependant, comme nous le voyons en Hébreux 11, les principes de la vie de la foi aux promesses de Dieu étaient, en général, les mêmes.

Nous bronchons tous en plusieurs manières. La foi a manqué à Abraham lui-même dans quelques occasions ; mais, en général, sa vie était une marche de la foi, avec Dieu. C’est ce qui fait que ses expériences sont d’une autre nature, beaucoup plus intimes avec Dieu et plus simples que celles de Jacob. Son histoire est courte et peu riche en incidents, tandis que les communications de Dieu à ce patriarche sont nombreuses et fréquentes. Dans son histoire il est beaucoup question de Dieu mais peu de l’homme. Un seul cas excepté, Abram demeura toujours dans le pays de la promesse. Il y était bien étranger et pèlerin parce que les Cananéens y demeuraient (Gen. 12, 6), mais il était en relation avec Dieu et marchait devant Sa face.

Au commencement, lorsque Dieu l’avait appelé, il n’avait pas obéi pleinement à cet appel. Il abandonna bien son pays et sa parenté, mais non la maison de son père, et ainsi il n’arriva pas en Canaan. Il est vrai qu’il avait quitté beaucoup de choses ; il était parti d’Ur en Chaldée, mais il ne vint pas plus loin que Charan et demeura là (11, 31, 32). Il en est ainsi du cœur qui n’a pas compris qu’il appartient tout entier à Dieu. Ce n’est que conformément à l’appel de Dieu que nous pouvons entrer dans la position de Sa promesse.

Après la mort de Taré, son père, Abram partit à l’appel de Dieu : « Et ils partirent pour venir au pays de Canaan, auquel ils entrèrent » (12, 5). Ici nous avons la position du peuple céleste. Placés, par la grâce et la puissance de Dieu, dans la position céleste, dont Canaan est une image, ils y demeurent ; ils ont tout en promesse, mais rien encore en possession. — Le Seigneur s’était révélé à Abram en l’appelant. Il se révèle de nouveau à lui dans le pays qu’il connaissait maintenant et qu’il devait posséder : « Je donnerai ce pays à ta postérité » (v. 7). Telle est, en général, notre assurance en Dieu, que nous posséderons réellement dans l’avenir ce que nous connaissons maintenant comme étrangers.

« Et Abram bâtit là un autel à l’Éternel qui lui était apparu » (v. 7). Il sert Dieu et jouit de Sa communion. Puis, il va dans un autre lieu et y dresse sa tente ; il bâtit de nouveau un autel à l’Éternel et invoque le nom de Jéhovah (v. 8). Il est pèlerin dans le pays de la promesse et c’est là son histoire entière. Nous habitons dans les lieux célestes, nous en jouissons par la foi et nous avons communion avec Dieu qui nous a amenés là. La tente d’Abraham et son autel dans le pays caractérisent toute son histoire, et toutes les expériences de la foi consistent en cela.

Son incrédulité le conduit en Égypte (v. 10-21). Ici il n’avait point d’autel ; une servante égyptienne devint, plus tard, l’occasion de sa chute et une source de trouble pour lui. Elle est, comme nous l’apprenons en Galates 4, 24, 25, un type de la loi, car la loi et la chair sont toujours en relation l’une avec l’autre. La grâce de Dieu ramène Abraham, mais il ne retrouve pas d’autel avant qu’il ne soit revenu à l’endroit où il avait dressé sa tente au commencement, et à l’autel qu’il avait bâti auparavant. Ici, il a de nouveau communion avec Dieu (13, 3, 4).

Les promesses de Dieu sont la portion d’Abraham ; il laisse Lot prendre ce qu’il veut : « Tout le pays n’est-il pas à ta disposition ? Sépare-toi, je te prie, d’avec moi. Si tu choisis la gauche, je prendrai la droite ; et si tu prends la droite, je m’en irai à gauche. Et Lot élevant ses yeux, vit toute la plaine du Jourdain qui, avant que l’Éternel eût détruit Sodome et Gomorrhe, était arrosée partout, jusqu’à ce qu’on vienne à Tsoar, comme le jardin de l’Éternel, et comme le pays d’Égypte. Et Lot choisit pour lui la plaine du Jourdain » (v. 9-11). Lot est le type du croyant mondain. Il prend ce qui, pour le moment, paraît être la meilleure part, et choisit le lieu sur lequel est suspendu le jugement de Dieu. Abraham avait, selon la chair, tout abandonné, et Dieu lui montre toute l’étendue de la promesse. Il lui fait faire l’expérience visible de ce qu’Il lui a donné et lui confirme tout pour jamais (v. 14-18). Lot, le croyant mondain, est vaincu par les princes du monde. Abraham le délivre ; avec les serviteurs de sa maison, il surmonte la puissance de l’ennemi (14, 1-21). Il ne veut rien recevoir du monde. Il dit au roi de Sodome : « J’ai levé ma main à l’Éternel, le Dieu fort, souverain, possesseur des cieux et de la terre, en disant : Si je prends rien de tout ce qui est à toi, depuis un fil jusqu’à une courroie de soulier, afin que tu ne dises point : J’ai enrichi Abram » (14, 22, 23).

Ensuite Dieu se révèle à Abraham comme son bouclier et sa grande récompense. Il lui promet une postérité, alors que son corps était déjà amorti ; justifié par la foi, il reçoit la confirmation des promesses de Dieu qui se lie par un sacrifice, type du sacrifice de Christ. Alors l’héritage lui est montré dans ses détails (chap. 15).

Suivant les conseils de la chair, Abraham veut, pour un moment, l’accomplissement de la promesse, par la loi, c’est-à-dire par Agar. Mais, ainsi, il apprend seulement qu’il est impossible que l’enfant de la loi puisse hériter avec l’enfant de la promesse (chap. 16). Ensuite Dieu se révèle de nouveau à lui comme le Dieu Tout-puissant. Il lui annonce qu’il sera père de beaucoup de nations et que Dieu sera son Dieu à jamais (17, 1-14). La postérité selon la promesse est de nouveau promise (17, 15-19).

Après cela, Dieu visite encore une fois Abraham et lui fait des promesses positives quant à la prochaine naissance de son fils (18, 9-15). Il l’envisage comme Son ami, disant : « Cacherai-je à Abraham ce que je m’en vais faire ? » (18, 17). Il lui communique Ses pensées à l’égard du monde, et Abraham s’entretient en toute paix et intimité avec Lui. Il prie pour ceux qui avaient oublié le Seigneur (18, 23-33). Il fallait qu’Abraham éprouvât encore, dans le cas d’Ismaël, que la loi produit la tristesse et l’angoisse ; et à la cour d’Abimélec il apprit à connaître que, lorsque l’incrédulité agit, elle ne produit que troubles et douleur. Mais Dieu, dans Sa fidélité, veille sur lui aussi bien que sur la mère de la postérité.

Ensuite, Abraham fut éprouvé au plus haut degré jusqu’à devoir tout abandonner selon la chair, et même les promesses. Mais les promesses en un Christ ressuscité en figure sont assurées à Christ Lui-même et, en Lui, à toute la postérité spirituelle d’Abraham (22, 15-19 ; comp. Gal. 3, 16-18).

Abraham a donc appris par une chute que ni la loi ni la promesse ne valent rien pour la chair ; cependant, en général, ses uniques expériences ont consisté dans le pèlerinage et l’adoration tout en demeurant dans le pays de la promesse. Nous avons déjà remarqué que sa vie est caractérisée par une tente et un autel. Toute l’expérience, toute la vie du fidèle Abraham ne consiste presque qu’en adoration, intercession et communications de Dieu, de sorte qu’il apprit à comprendre ces dernières toujours plus clairement et plus exactement. Il passa son temps dans le pays auquel Dieu l’avait appelé. Les révélations de Dieu furent, pour lui, riches, douces et admirables ; sa connaissance de Dieu intime et profonde ; ses expériences personnelles heureuses et simples ; car il marchait avec le Dieu qui s’était révélé à lui en grâce. — Maintenant examinons aussi d’un peu plus près la vie et l’histoire de Jacob.

Jacob était l’héritier de la même promesse et, comme croyant, il l’estimait ; mais il ne se confiait pas en Dieu seul. Il ne marchait pas, comme Abraham, en relation journalière avec le Seigneur et s’attendant au Seigneur. Il a bien remporté la promesse, mais ses expériences furent plus diverses que celles d’Abraham. Quoique, à la fin de sa vie, il ait pu dire : « L’ange qui m’a délivré de tout mal » (Gen. 48, 16), il a cependant dû ajouter : « Les jours des années de mes pèlerinages ont été courts et mauvais, et n’ont point atteint les jours des années de la vie de mes pères, du temps de leurs pèlerinages » (47, 9). La variété de ses expériences est une preuve de l’infidélité.

D’après le conseil de sa mère, il employa des moyens profanes pour s’acquérir la bénédiction de son père et dut, par crainte de son frère trompé mais impie, abandonner le pays de la promesse (27 ; 28). Maintenant sa position est tout à fait changée ; son infidélité l’a chassé du pays de la promesse. Son pèlerinage n’est pas, comme celui d’Abraham, dans le pays, mais en dehors. À la vérité, Dieu veille sur lui, l’assiste et le garde ; mais il ne marche pas avec Dieu. Il n’a pas d’autel jusqu’à ce qu’il soit de retour après une suite d’expériences douloureuses (33, 20). Il n’eut point de communion entière avec Dieu jusqu’à ce qu’il revint à l’endroit où il avait joui la dernière fois de la révélation de Dieu et où il avait été fortifié par Ses promesses. Pendant vingt et une années, il avait eu affaire avec les hommes qui le trompaient et l’opprimaient, pendant que Dieu le préservait en secret ; mais il ne put point avoir d’autel hors du pays promis. Nous aussi, nous adorons Dieu, et nous avons communion avec Dieu, lorsque nous habitons en esprit dans les lieux célestes, là où Dieu Lui-même nous a donné notre propre place. Mais si nous nous en écartons, nous ne pouvons avoir aucune communion avec Lui, quoiqu’Il sache nous garder par Sa grâce et Sa fidélité.

Au bout des vingt-et-un ans, Dieu ordonne à Jacob de s’en retourner. Il doit fuir loin de son beau-père, comme un fugitif coupable. Il est impossible d’être net du monde si nous avons perdu la communion céleste avec Dieu ; et il est difficile de ne rien emporter de ce qui appartient au monde, si nous abandonnons cette communion. Mais Dieu est fidèle. De ce moment, commencent pour Jacob une suite d’expériences — comme on les appelle ordinairement — mais qui pourtant ne sont rien autre que les conséquences de son éloignement de Dieu.

Délivré de Laban, Jacob poursuit sa route vers Canaan ; et Dieu, pour le consoler et le fortifier, envoie l’armée de Ses anges à sa rencontre (32, 1). Cependant malgré cet encouragement de Dieu, l’incrédulité (que l’éloignement du danger ne détruit pas) renouvelle la crainte de Jacob devant son frère Ésaü. On n’ôte pas les difficultés du chemin de la foi en les évitant ; il faut les surmonter par la force de Dieu. Jacob s’était lui-même attiré ces difficultés parce qu’il ne s’était pas confié en Dieu. L’armée de Dieu était oubliée et l’armée d’Ésaü, qui ne nourrissait plus, dans son cœur, de haine contre son frère, effrayait le faible Jacob (32, 7). Il dut alors employer toutes sortes de moyens, pour apaiser la colère présumée et redoutée de son frère. Il fait suivre troupeau après troupeau et cela révèle bien plus l’état du cœur de Jacob, que cela ne change celui d’Ésaü. Cependant Jacob pense à Dieu ; il Lui rappelle qu’Il lui a dit qu’il devait revenir ; il L’implore pour qu’Il le sauve des mains de son frère ; il pense à l’état dans lequel il a quitté le pays, et reconnaît que Dieu lui a donné tout ce qu’il possède (32, 9-11). Mais sa prière manifeste une crainte sans fondement ; il rappelle à Dieu Ses promesses comme s’il était possible qu’Il les eût oubliées. La foi est bien là ; mais l’effet de l’incrédulité produit un tableau bigarré et mélangé. Le timide Jacob n’a pas seulement envoyé des troupeaux en avant pour apaiser Ésaü (32, 13-20), mais il envoie toute sa famille au-delà du torrent et reste seul en arrière (v. 22-24). Son cœur est rempli de soucis. Mais Dieu qui conduit tout l’attend précisément là. Quoiqu’il n’eût pas permis qu’Ésaü touchât même un cheveu de la tête de Jacob, Il devait cependant juger Lui-même ce dernier et l’amener dans la lumière de Sa présence, car Jacob ne pouvait pas jouir autrement, avec Dieu, du pays de la promesse. Dieu lutte avec lui dans l’obscurité, jusqu’à l’aube du jour (v. 24). Ce n’est point, ici, Jacob qui lutte avec Dieu par une impulsion propre, mais c’est Dieu qui lutte avec lui. Il ne peut pas le bénir simplement comme Abraham ; Il veut auparavant combattre l’incrédulité de son cœur. Jacob doit faire l’expérience des effets de sa marche ; il faut même qu’il souffre parce que Dieu veut le bénir. Cependant l’amour de Dieu agit encore en tout cela. Il communique de la force à Jacob pendant le combat qu’il doit livrer pour obtenir les bénédictions, pour persévérer à les attendre. Il conservera, néanmoins, une preuve permanente de sa faiblesse et de sa précédente infidélité. L’articulation de sa hanche avait été luxée pendant que Dieu luttait avec lui (v. 25). Et non seulement cela, mais Dieu lui refuse aussi de lui révéler Son nom sans réserve. Il bénit Jacob. Il lui donne un nom en souvenir de son combat de foi ; mais Il ne se révèle pas Lui-même. Combien est grande la différence, ici, entre Jacob et Abraham ! Dieu révèle Son nom à ce dernier sans en être prié, afin qu’Abraham Le connaisse pleinement, car Abraham marchait, en général, avec Lui dans la force de cette révélation. Il n’avait point de combat avec Dieu et, bien loin d’avoir à craindre ses parents, il surmontait la puissance des rois de ce monde. Il est là comme un prince parmi les habitants du pays. Dieu s’entretient souvent avec lui ; et, au lieu de lutter afin d’obtenir une bénédiction pour lui-même, Abraham intercède pour les autres. Il voit le jugement du monde, de la hauteur où il était en communion avec Dieu. — Retournons à l’histoire de Jacob.

Malgré tout sa crainte ne le quitte pas. Béni de Dieu par le moyen de son combat, il continue à trembler devant son frère Ésaü. Il divise ses enfants et ses femmes selon la mesure de ses affections, de telle sorte que ceux qu’il préférait étaient les plus éloignés d’Ésaü. Alors seulement il entreprend d’aller à la rencontre de son frère ; mais cependant il le trompe encore. Il élude l’offre d’une escorte que lui fait Ésaü et promet de le suivre un peu plus lentement dans sa résidence vers Séhir (33, 14). « Mais Jacob s’en alla à Succoth » (v. 17).

Maintenant, Israël (Jacob) est dans le pays ; cependant son cœur habitué depuis longtemps à la position d’un voyageur sans Dieu, ne sait pas encore être un pèlerin avec Dieu. Il achète un champ près de Sichem et se fixe dans le pays où Abraham n’était qu’un étranger et où, connaissant la volonté de Dieu, il n’avait pas possédé de quoi poser le pied (v. 19).

C’est à Sichem, pour la première fois et après être rentré dans le pays, qu’il bâtit un autel ; le nom de l’autel rappelle la bénédiction d’Israël mais non pas le nom du Dieu de la promesse. Il le nomme (autel) de Dieu, du Dieu d’Israël (33, 20). La gratitude reconnaît bien les bénédictions que Jacob a reçues, mais le Dieu qui le bénissait n’était pas encore révélé.

Dans sa famille nous trouvons maintenant la corruption et la violence (chap. 34). La colère cruelle et sans crainte de Dieu de ses fils, le fait sortir de son faux repos qui n’était pas fondé en Dieu ; mais la fidélité de Dieu le préserve de nouveau. — Jusqu’ici Jacob n’avait point encore pensé au lieu où Dieu Lui-même lui avait fait la promesse lors de son départ, et où Jacob avait promis d’adorer lorsqu’il serait revenu par l’aide de Dieu. Dieu Lui-même l’y envoie maintenant, en lui disant : « Lève-toi, monte à Béthel et demeure là, et y dresse un autel au Dieu fort qui t’est apparu quand tu t’enfuyais de devant Ésaü ton frère » (35, 1). Dieu qui l’avait gardé, dirigé, châtié, l’avait préparé à entrer dans Sa communion. Mais auparavant, il fallut qu’il abandonnât son faux domicile, où Dieu n’était pas. Il devait loger à Béthel (maison de Dieu) et, là même, bâtir un autel au Dieu qui s’était premièrement révélé à lui. Nous voyons ici l’effet instantané de la présence de Dieu devant Jacob, présence qu’il n’a pas encore appris à connaître, malgré toutes ses expériences jusqu’à ce moment. La pensée de cette présence lui rappelle aussitôt les faux dieux qui étaient encore parmi ses ustensiles. Ces faux dieux provenaient de ses rapports avec le monde, et Rachel, par crainte de Laban, les avait précédemment cachés sous un bât de chameau. Jacob savait bien qu’ils étaient là ; cependant « il dit à sa famille et à tous ceux qui étaient avec lui : Ôtez les dieux des étrangers qui sont au milieu de vous, et vous purifiez, et changez de vêtements ; et levons-nous et montons à Béthel, et je ferai un autel au Dieu fort qui m’a répondu au jour de ma détresse, et qui a été avec moi dans le chemin où j’ai marché. Alors ils donnèrent à Jacob tous les dieux des étrangers qu’ils avaient en leurs mains, et les bagues qui étaient à leurs oreilles, et il les cacha sous un chêne qui était auprès de Sichem » (35, 2-4). La pensée de la présence de Dieu le fait souvenir des faux dieux ; elle éveille dans son âme la conscience que les dieux, les objets de l’adoration de ce monde, ne peuvent absolument pas être gardés ensemble avec le Dieu fidèle. Rien autre ne pouvait éveiller cette conviction. Toutes les expériences possibles n’auront jamais l’effet que produit la présence de Dieu sur une âme. De telles expériences sont utiles pour nous humilier ; elles sont un moyen pour nous dépouiller de nous-mêmes. Cependant il n’y a que la présence de Dieu, comme lumière, qui puisse nous faire condamner en nous-mêmes et nous donner de nous purifier de nos idoles les plus profondes et bien connues quoique cachées. Abraham n’eut rien affaire ni avec les idoles, ni avec les expériences de Jacob.

La frayeur de Dieu régnait sur les ennemis de Jacob, tellement qu’ils ne le poursuivirent pas, malgré la violence meurtrière de ses fils (35, 5). Maintenant, Dieu pouvait se révéler à Jacob ; et, sauf que ce dernier demeura boiteux, tout se passa comme s’il n’eût fait auparavant aucune expérience. Jacob était arrivé à Béthel d’où il était parti. Là il bâtit un autel au Dieu qui lui avait fait les promesses et qui avait toujours été fidèle à son égard. Le nom de son autel ne nous rappelle plus Jacob béni, mais Celui qui bénit et Sa maison. — Il ne s’appelle pas « (autel) de Dieu, du Dieu d’Israël » ; mais « (autel) du Dieu de Béthel » ; c’est-à-dire de la maison de Dieu (35, 7). Dieu parle à cette heure avec Jacob, sans mentionner le moins du monde ses expériences. Celles-ci avaient été nécessaires pour châtier Jacob et pour le vider de lui-même, parce qu’il avait été infidèle. Dieu Lui-même lui apparaît maintenant sans en être prié. Nous lisons en Genèse 35, 9 : « Dieu apparut encore à Jacob quand il venait de Paddan-Aram, et le bénit ». Il lui donne le nom d’Israël, comme s’Il ne le lui avait encore jamais donné, et lui révèle Son nom sans que Jacob l’eût demandé. Il s’entretient avec lui comme autrefois avec Abraham. Il renouvelle et lui confirme les promesses, du moins celles qui se rapportent à Israël ; puis après avoir terminé Son entretien avec lui, Dieu remonta d’avec lui (35, 13) ; car Il l’avait visité.

Jacob était donc revenu, après une suite d’expériences, à l’endroit où il pouvait avoir communion avec Dieu — à la position dans laquelle, par la grâce de Dieu, Abraham s’était presque toujours maintenu. Jacob nous sert d’avertissement, mais Abraham de modèle. Le premier a, il est vrai, retrouvé le Seigneur, par Sa grâce ; mais il n’a pas fait les nombreuses et bénies expériences de l’autre ; il ne prie pas pour les autres. Ce qu’il a atteint de plus élevé, est le point de départ d’Abraham, le domicile de son âme. Quelques chutes exceptées, c’était l’état habituel d’Abraham, état dans lequel il vivait : « Abraham mourut dans une heureuse vieillesse, fort âgé et rassasié de jours ; et il fut recueilli vers ses peuples ». Mais Jacob dit : « Les jours des années de ma vie ont été courts et mauvais, et n’ont point atteint les jours des années de la vie de mes pères du temps de leurs pèlerinages » (Gen. 25, 8 ; et 47, 9). Il acheva sa vie en Égypte.

Les expériences de Jacob sont des expériences de ce que sont les cœurs des hommes. Les expériences d’Abraham sont des expériences de ce qu’est le cœur de Dieu.

Nous avons dépeint trois espèces d’expériences : celles qui se font sous la loi, la position du croyant n’étant pas connue, ou lorsque, sans l’ignorer, on y est, tout en ayant encore le cœur sous la loi. — Les expériences que l’on fait de son cœur, dès que l’on marche loin de cette position où Dieu se révèle, pour nourrir et entretenir cette communion. — Les simples et bénies expériences que l’on fait, lorsqu’on marche avec Dieu, dans la position où Dieu nous a placés, pour jouir de Sa communion dans l’humilité et la reconnaissance. Les dernières sont des expériences du cœur de Dieu qui nous introduisent dans la connaissance de Ses conseils et du fidèle amour qui y est contenu. Elles trouvent place dans un commerce intime avec Dieu Lui-même ; les autres sont, comme il a été dit, les douloureuses expériences du cœur de l’homme, dans lesquelles le degré le plus élevé, et aussi précieux pour nous, c’est que Dieu demeure fidèle au milieu de notre infidélité et qu’Il est patient à l’égard de notre folie, par laquelle nous nous éloignons de Sa présence.

Notre privilège est de marcher comme Abraham ; notre refuge, lorsque nous sommes infidèles (car Dieu est fidèle qui ne permet pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces), c’est que Dieu demeure fidèle et nous tire de tout danger, jusqu’à la fin. Que Dieu nous donne de demeurer près de Lui, de marcher avec Lui, afin que nos expériences aient pour fin la connaissance croissante de Son amour et de Sa nature (Col. 1, 9-12) !