La doctrine du Nouveau Testament sur le Saint Esprit
Méditation 5 (Jean 20, 17-23)
Peu de passages souffrent plus que celui que nous avons sous les yeux d’être séparés de leur contexte. Impossible de saisir la force des communications spéciales du Seigneur, de Sa conduite à l’égard de Marie de Magdala, de ce qu’Il a dit et fait le soir de cette glorieuse journée, si l’on ne rattache pas strictement ces faits et ces paroles à Sa résurrection en qualité de Fils de Dieu. C’est parce qu’Il ressuscite les morts qu’Il est démontré être tel (Rom. 1, 4). Et c’est essentiellement comme Fils de Dieu, que le Saint Esprit Le contemple dans ce chapitre : non pas ici comme ressuscitant les autres, mais bien comme se ressuscitant Lui-même. La parfaite aisance qui préside aux circonstances, les linges pliés avec ordre, et, à part, le suaire qui enveloppait Sa tête, sont pour l’œil tant soit peu exercé la preuve évidente que, toute glorieuse que soit la scène, elle s’est opérée avec la simplicité et la sérénité d’un homme qui se lèverait du lit où il vient de passer la nuit. En vérité, c’est le Fils de Dieu qui vient d’accomplir l’œuvre de grâce pour laquelle Il était envoyé du Père ; Il ne nous est pas présenté ici comme l’objet de la puissance divine pour Le ressusciter des morts. Cette dernière vérité a sa place dans d’autres passages. Il est bien vrai que Dieu L’a ressuscité ; Pierre et Paul insistent sur ce fait. Mais il n’en est pas moins vrai que Christ ressuscite les morts ainsi que Lui-même comme Fils de Dieu.
« Détruisez ce temple », dit-Il au chapitre 2 de cet évangile, « et en trois jours je le relèverai ». Il ne manque pas d’ajouter plus tard : « J’ai reçu ce commandement de mon Père » (chap. 10, 18). Son obéissance parfaite unit la conformité à la volonté du Père à la puissance divine qui le proclame Fils de Dieu par le moyen d’une telle résurrection. Il s’agit de la même puissance par laquelle Il avait Lui-même ressuscité des morts : la fille de Jaïrus, le fils de la veuve, ainsi que Lazare au sujet duquel Il déclarait : « Cette maladie n’est pas à la mort, mais pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle » (Jean 11, 4). Ainsi maintenant Il se ressuscite Lui-même. Pierre et Jean toutefois nous montrent de quelle faible manière la vérité de Sa résurrection selon l’Écriture avait pénétré leur esprit. Bien que ce soit à Sa propre honte ainsi qu’à celle de Pierre, Jean en donne le récit et conclut : Ils entrèrent et virent et crurent. Tout en étant de vrais enfants de Dieu, ils ne s’étaient que bien pauvrement approprié la pensée révélée de Dieu. Ils n’avaient pas saisi le « il faut » de l’Écriture (Luc 24), pas davantage ils n’avaient encore compris que la grâce et la gloire de Dieu ne pouvaient trouver leur digne et parfaite expression que dans la résurrection du Fils. Quant aux faits, ils les voient ; ils constatent les preuves, puis s’en retournent chez eux, ce qui trahit l’impuissance de l’esprit de l’homme pour apprécier les faits divins, même si la conclusion qu’il peut en tirer est juste.
Mais il n’en est pas ainsi de Marie. Elle n’a peut-être pas plus de connaissance de la gloire de la résurrection ou de la parole qui l’annonçait, que n’en avaient Pierre et Jean. Mais pour elle au moins, Jésus est Celui qui répond aux besoins du cœur. Si grande est la peine de son âme qu’elle ne peut que demeurer attachée au lieu où le corps de son Maître avait reposé. Il lui est impossible de prendre son parti de Sa disparition aussi facilement que les deux apôtres. De fait, elle ne peut plus avoir de « chez elle » dans un monde dont son Sauveur est absent. C’est pourquoi elle s’arrête à ce sépulcre vide du Seigneur. Voici bien ce qui révèle à quel point son esprit était absorbé dans ses pensées et son amour pour Jésus : elle regarde à nouveau dans ce tombeau qu’un moment auparavant elle savait être vide (puisqu’elle venait d’en apporter la nouvelle), et voit deux anges, vêtus de blanc, assis l’un à la tête, l’autre au pied du lieu où le corps de Jésus avait été couché, mais cette vue ne produit en elle aucun signe d’alarme, tel que chez les femmes dont il est question ailleurs. En des circonstances ordinaires, quelle surprise, quelle frayeur, une pareille apparition ne lui aurait-elle pas causées ! Eh bien, notre évangéliste ne lui attribue pas même l’ombre d’une pareille émotion. Le besoin de Jésus possédait tellement son cœur que la présence de tous les anges n’aurait pu la troubler le moins du monde. Les deux anges qui sont là l’interrogent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? ». Aussitôt, elle épanche le sentiment de son cœur : « Parce qu’on a enlevé mon Seigneur — répond-elle — et je ne sais où on l’a mis ». Alors elle se tourne en arrière et aperçoit Jésus, qui Lui aussi demande : « Pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? ». Tout d’abord ne reconnaissant pas le Maître, pensant que c’était le jardinier, elle répond en exprimant de nouveau son unique préoccupation : « Seigneur, si toi tu l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et moi je l’ôterai ». Mais un mot rompt le charme, lui rappelle la vérité, et révèle le Seigneur. C’était Sa voix, la voix du bon Berger appelant Sa propre brebis par son nom. « Marie », dit Jésus. Aussitôt elle se tourne vers Lui et Le reconnaît comme son « maître ».
« Ne me touche pas », enjoint alors le Seigneur, expression qui ne rend pas complètement la force de l’expression originale, qui se traduirait littéralement : « Ne me touche pas avec la main ». Jésus invite Marie à ne pas céder à son penchant à s’attacher familièrement à Sa personne (le mode particulier du verbe suppose un attachement continu au Seigneur). Autrement dit la phrase aurait cette portée : « Ne persiste pas à t’attacher à moi ! ».
Cela me semble donner à ce passage beaucoup plus de force et de précision. En effet, nous voyons en Marie de Magdala quelqu’un qui regarde à Jésus selon les espérances juives, quelqu’un qui, dans la ferveur de ses sentiments, ne pouvait que mener deuil sur Son absence corporelle, et aurait même trouvé une douloureuse satisfaction à penser que Son corps mort était encore là. Ceci étant nous comprenons facilement l’instinct, dirai-je, par lequel elle se saisit du Seigneur sitôt qu’elle Le reconnaît. Mais tout de suite, Il le lui défend. Et cela est d’autant plus frappant que dans l’évangile de Matthieu, lorsque les femmes de la Galilée Lui saisissent les pieds, Il ne refuse pas cet hommage ; au contraire, Il l’accepte. Bien plus, dans ce même chapitre de Jean, nous entendons, huit jours plus tard, le Seigneur inviter Thomas à avancer le doigt, à mettre sa main dans Son côté [v. 27].
À quoi attribuer ces différences ? Comment concilier ces attitudes en apparence contradictoires : le fait que Matthieu nous présente l’hommage comme accepté, alors qu’il est ici refusé ? La raison en est aussi simple qu’instructive. En Matthieu, où le Messie nous est présenté comme rejeté par Son peuple, nous trouvons aussi le dessein auquel la grâce de Dieu va faire servir ce rejet : celui de proclamer l’évangile aux nations, et d’appeler des disciples du milieu de toutes ces nations. Pensée bénie ! La grâce se refuse, pour ainsi dire, à l’inaction. Il faut à l’énergie de l’amour de Dieu que cette grâce se manifeste. Si le Juif la repousse, il est impossible que Dieu ne prenne pas de nouvelles mesures, qu’Il ne répande même de plus grandes bénédictions. Si l’ancien peuple abandonne ses propres miséricordes, il en est d’autres, pauvres et misérables, que Son amour avait jadis comparativement négligés. Israël incrédule, ingrat et aveugle à l’Orient d’en haut qui l’avait visité [Luc 1, 78], a consommé cette incrédulité par le rejet et la mort de son propre Messie. Dieu alors se sert de ce rejet même pour l’accomplissement de la rédemption et fait proclamer ces bonnes nouvelles à toutes les nations sous les cieux. Et pourtant, malgré ce déploiement des ressources de la grâce envers les Gentils, Matthieu nous fait voir les femmes de Galilée, se tenant fermement attachées à Jésus ressuscité et L’adorant. Quel témoignage ! Jésus est rejeté de la nation ; Dieu va faire servir ce rejet au développement de Sa grâce ; et toutefois Il prend le plus grand soin que les espérances juives soient maintenues sur une base immuable. Le rejet du Messie signifie la ruine d’Israël, mais le dernier mot est-il dit ? C’est bien la justice, mais que fera la grâce ? Le temps viendra où la miséricorde de Dieu attirera à Lui les cœurs impénitents, à Lui qu’ils auront trop longtemps méprisé. Cette miséricorde ranimera leurs espérances et les liera si étroitement au trône du Fils de l’homme glorifié, qu’au moment même où Dieu jugera le monde en justice, eux seront reçus en grâce ! La chaîne de la miséricorde divine se trouve si fortement rivée à la mort et à la résurrection du Seigneur que, toutes différées que soient leurs espérances, elles conservent pourtant une base inébranlable, et la grâce de Dieu les bénira alors dans la plénitude de Ses conseils souverains aux derniers temps.
La fin de l’évangile de Matthieu nous fournit de cette vérité en quelque sorte un gage assuré. Non seulement par les paroles du Seigneur (comme dans la prophétie du chapitre 24) mais encore dans le culte figuratif du chapitre 28. Les femmes de la Galilée forment le type de ce résidu du peuple juif qui, au dernier jour, sera attiré par la grâce, et s’attachera à Jésus, trouvant en Lui le Seigneur. Et Lui-même ne rejettera pas le culte de ce résidu ; culte qui se distingue par Sa présence personnelle et corporelle, après qu’Il sera revenu au milieu de Son peuple élu. Le Juif, en tant que tel, n’est guère appelé comme le chrétien à marcher par la foi, mais plutôt par la vue : « Ils verront celui qu’ils ont percé », déclare Zacharie 12. En effet, ils Le contempleront réellement. Il ne s’agit pas de la foi ; ils Le verront de leurs propres yeux. Aussi, cette réception du Seigneur par les femmes de la Galilée, leur attachement à Sa personne, le fait même qu’Il accepte leur culte, tout cela constitue le gage sûr de cette miséricorde du Seigneur qui se déploiera au dernier jour envers le résidu de Son ancien peuple, quand Il apparaîtra pour régner sur eux ici-bas.
Telle est aussi probablement la raison pour laquelle la scène de l’ascension n’est pas décrite dans l’évangile de Matthieu — circonstance qui plonge le critique dans la perplexité mais qui est pour le croyant la simplicité même. Si l’ascension de Christ avait été introduite ici, elle aurait fait sortir le Seigneur de cette relation. Tandis que Sa présence corporelle au milieu des siens, sans mention aucune dans ce chapitre de Son départ pour le ciel, le laisse pour ainsi dire avec eux comme leur joie éternelle pour les bénir à tout jamais en miséricorde. Mais au chapitre 20 de Jean, nous avons précisément le contraire : nous y avons une femme, pleinement pénétrée de sentiments israélites, qui, à la vue de Christ ressuscité des morts, témoigne encore de son attachement à ces espérances juives, et cela d’autant plus ardemment que la croix et la mort l’avaient pour un moment privée de tout espoir. Ce qui explique qu’elle ne veuille pas se dessaisir de Christ. Mue par cet amour instinctif, elle s’empare de Lui, mais Lui la prie de ne pas Le saisir ainsi : « Je ne suis pas encore monté vers mon Père ». C’est d’une autre manière en effet qu’Il se fera maintenant connaître. Il va quitter la scène unique où le résidu d’Israël, plus tard, se rattachera au Messie. Cette espérance-là ne sera pas flétrie ; elle fleurira en son temps et en son lieu ; mais à présent le Seigneur met le résidu à part d’Israël. De fait, c’est ainsi que commença le christianisme : « Le Seigneur », est-il dit, « ajoutait tous les jours à l’assemblée ceux qui devaient être sauvés » (Act. 2, 47 note).
Marie de Magdala représente ici ce résidu d’Israël. Jusqu’à ce jour elle avait nourri l’espoir que le Seigneur allait introduire la gloire et la félicité ici-bas pour Israël. Mais Jésus lui apprend que ce n’est pas de cette manière que dorénavant Il se plaît à bénir. C’est comme monté auprès du Père qu’Il devait être connu du chrétien. Par conséquent songer à Le retenir ici, même si cela avait été possible, était hors de saison. Il avait au cœur une pensée infiniment plus haute et allait précisément charger Marie d’en faire part à Ses disciples. Annonce, non pas d’un éloignement ou d’une séparation, mais au contraire des liens les plus étroits qui soient : ceux qui nous unissent à Jésus à la droite de Dieu. N’est-ce pas une étrange manière d’opérer l’union, contraire aux pensées de la chair ? Mais la chair n’est aucunement le moyen de notre association avec le Seigneur, tandis qu’il en est ainsi d’Israël. Jésus était Lui-même Juif d’origine et de naissance. Mais le chrétien ne Le connaît pas ainsi, comme le dit Paul : « Et si même nous avons connu Christ selon la chair, toutefois maintenant nous ne le connaissons plus ainsi » (2 Cor. 5, 16). C’est d’une façon bien plus excellente que nous avons affaire à Lui. Le connaître ici-bas comme le Messie était une vraie bénédiction, et à ces femmes de la Galilée le Seigneur donna un avant-goût de l’accomplissement de cette bénédiction dans un jour encore à venir. Mais, répétons-le, ce n’est pas cette connaissance-là de Christ qui est le propre du christianisme.
Ayant accompli l’œuvre de la rédemption, Christ prend Sa place à la droite de Dieu comme l’homme céleste. De sorte que le christianisme n’est pas seulement la bénédiction descendant sur la terre, bien que cela aussi soit parfaitement vrai. Mais la scène et la nature de notre félicité sont célestes, notre bien-aimé Sauveur étant déjà au ciel et notre bénédiction s’y trouvant en Lui. En tant que manifestation de Dieu, il n’est rien de plus béni que de contempler dans les évangiles le Seigneur Jésus comme homme ici-bas. Mais ne perdons pas de vue la position spéciale qui résulte de notre union avec Lui là-haut. Christ a achevé l’œuvre qui efface nos péchés et glorifie la nature de Dieu à l’égard de tout ce qui pouvait la compromettre dans ce bas monde. Il est maintenant monté au ciel où Il est révélé à nos âmes, et où aussi nous Lui sommes unis. En même temps qu’Il doit monter au ciel à cette fin, à cette fin aussi le Saint Esprit doit en descendre. La présence de l’Esprit Saint sur la terre est la réponse nécessaire à l’absence de Jésus monté à la droite de Dieu, après avoir opéré la rédemption.
Telles sont les deux grandes et nécessaires vérités qui constituent le christianisme et la raison pour laquelle le Seigneur défend à Marie de Le retenir ; car Il n’était pas encore monté vers Son Père. Tel Il devait dorénavant être connu ; telle était la relation qui s’établissait avec Lui pour ceux qui croiraient, débarrassés de leurs préjugés juifs et mis en rapport avec l’amour et la gloire dans lesquels Il allait entrer Lui-même, dans la maison du Père.
Un passage de l’Ancien Testament nous aidera à éclaircir un peu le sujet qui nous occupe. Ce sont au chapitre 5 de Michée les versets annonçant la naissance du Seigneur : « Et toi, Bethléhem Éphrata, bien que tu sois petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit dominer en Israël, et duquel les origines ont été d’ancienneté, dès les jours d’éternité ». Ce verset 2 associe Sa naissance humaine d’origine israélite et Sa gloire éternelle — Celui qui, quoique né de femme, était néanmoins « d’ancienneté, dès les jours d’éternité ». De qui s’agit-il ? De Celui qui est désigné au verset 1 comme le dominateur d’Israël, de qui il est écrit : « Ils frappent le juge d’Israël avec une verge sur la joue » (v. 1). Il ne peut évidemment s’agir que de l’humiliation du Messie — né ici-bas à Bethléhem de Juda ; et pourtant, tout aussi bien qu’Il est homme, Il est Dieu de toute éternité. De sorte que ce verset nous met en présence de vérités touchant Jésus Christ qui ont une importance capitale et dont découle une bénédiction immense. Aucune imagination humaine n’aurait pu les concevoir. Dieu seul dans la connaissance absolue et parfaite qui Lui est propre peut nous les enseigner dans toute la plénitude de leur simplicité. Voilà ce qui met le comble à la culpabilité d’Israël : c’est qu’une telle personne, qui était en même temps leur juge, ait pu être frappée, et surtout par eux, d’une verge sur la joue. « C’est pourquoi il les livrera », ajoute le verset 3. C’est exactement ce qui a eu lieu. Le juge d’Israël, frappé, a abandonné Israël pour un temps, « jusqu’au temps où celle qui enfante aura enfanté ».
Grand est le dessein de Dieu pour les derniers jours ! Le chapitre 12 de l’Apocalypse met en scène cette femme (Israël) mettant au monde un fils mâle (le Messie). Le dragon qui la menaçait est précipité ; la lutte en faveur de la terre et du peuple terrestre se poursuit. Enfin le juge d’Israël revient, et l’ancien peuple reprend de nouveau sa place, mais dorénavant sous l’autorité de son Messie ici-bas. Autrement dit, selon les voies de Dieu, il doit y avoir aux derniers jours un retour à Ses conseils concernant les Juifs. De fait, où en sommes-nous aujourd’hui ? Christ a paru ; Il a été rejeté par les Juifs et Lui les a abandonnés. Depuis la croix, non seulement ils sont abandonnés comme nation, mais Dieu en a appelé du milieu d’eux un certain nombre pour les unir aux Gentils qui ont cru, et pour composer ainsi le corps de Christ. Ce sont ceux dont il est écrit au second chapitre des Actes que « le Seigneur ajoutait tous les jours à l’assemblée ceux qui devaient être sauvés » (v. 47). Mais quand viendra le moment d’accomplir les conseils futurs et éternels de Dieu envers Israël sur la terre, alors, poursuit le passage de Michée, « le reste de ses frères (au lieu d’être séparés comme aujourd’hui pour former l’Église) retournera vers les fils d’Israël » (v. 3). Aujourd’hui les croyants juifs perdent leur caractère israélite, pour former avec ceux des nations « un seul homme nouveau » [Éph. 2, 15]. Mais dans ce jour futur, ils retourneront aux conseils anciens et aux voies initiales de Dieu envers Son peuple terrestre. Admirons la clarté et l’harmonie de toute la vérité, l’ancienne et la nouvelle. N’est-ce pas à la fois la preuve et le fruit de la vérité divine qu’elle nous mette encore à même de trouver une nouvelle beauté, un nouvel ordre dans ce qui, avant cette connaissance additionnelle, pouvait sembler incohérent, un amas immense de matériaux que nous n’avions jusque-là aucun moyen de coordonner ? Mais il suffit que Dieu nous dise touchant n’importe quelle partie de la vérité : « Que la lumière soit » [Gen. 1, 3], pour que tout s’illumine aux yeux de notre foi. À Sa manière propre et glorieuse, Dieu montre alors comment la nouvelle lumière s’adapte heureusement à l’ancienne.
Ce qui paraît ici interrompre les conseils de Dieu, introduire la confusion dans Ses voies, en constitue précisément la clé de voûte. De fait aucun conseil de Dieu ne saurait jamais faillir. Peut-être le cœur devra-t-il être mis à l’épreuve par une longue attente. L’incrédulité semble avoir tout pour elle ; mais la foi seule a toujours raison, et chaque parole que Dieu a prononcée sera accomplie, tous Ses desseins aboutiront infailliblement, et cela par le moyen de la mort de Christ.
Le Seigneur fait ici une révélation tout à fait nouvelle. Elle concerne Sa personne. Remarquons d’ailleurs comment dans l’évangile de Jean tout se rattache à cette personne ; il s’agit non de dispensation, mais de Lui-même. Ici Il est considéré dans Son ascension. En vérité, après la rédemption, rien n’est plus important à comprendre si nous voulons faire des progrès et jouir du christianisme. Prenez n’importe quel autre système : les personnes qui s’y rattachent sont comparativement insignifiantes ; l’une disparaît, une autre la remplace. Mais séparez Christ du christianisme, que reste-t-il ? De plus, le Saint Esprit peut-Il sceller de son sceau le moindre déshonneur fait au Seigneur Jésus, le moindre mépris de Son œuvre ou de Sa gloire ?
Jésus annonce à Marie qu’Il va monter vers le Père, et que pour cette raison l’hommage rendu à Sa présence corporelle ne concorde pas avec la manière dont Il veut désormais se révéler, manière qui ressort de tout l’évangile de Jean. Celui-ci se compose de deux grandes parties. La première est la révélation du Fils de Dieu et de Son œuvre ; la seconde, la révélation d’une autre personne, également divine, qui, au départ de Christ, prend Sa place ici-bas parmi les disciples. Tout le christianisme est là : Christ Lui-même, l’objet de la foi ; et le Saint Esprit, la puissance qui établit la gloire de Christ dans l’Église aussi bien qu’en chaque chrétien.
De ces deux parties, c’est spécialement la première, concernant Christ, que nous trouvons dans le message confié à Marie par le Seigneur : « Va vers mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Non seulement Il associe les siens avec Lui — fait d’une immense valeur — mais, en outre, Il détermine leur relation avec Dieu. Cette relation n’a aucun rapport avec les formes anciennes de bénédiction. Ce n’est pas la révélation de Sa puissance protégeant Ses pauvres pèlerins sur la terre. Il n’est pas fait mention du Dieu Tout-puissant. Ses voies de gouvernement envers Israël dont Il était le Dieu comme Jéhovah l’Éternel, ne s’y trouvent pas davantage. Ici tout est en rapport avec Christ montant au ciel. C’est le texte même de Son message : « Je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu ». Parole pleine de bénédiction ! Ce que le Père est pour le Fils, Il le devient désormais pour les fils. Ce que le Père était pour cet homme béni qui vient d’abolir le péché, Il le devient, et rien de moins, pour ceux dont les péchés ont été abolis. Dieu qui est pleinement en relation avec Jésus comme Dieu et Père l’est dorénavant aussi avec nous par la rédemption de Christ et dans la résurrection.
Il ne s’agit pas d’une connaissance vague de Dieu comme paternel dans Ses voies. Dans la grande détresse d’Israël, Ésaïe le prophète fait dire à ce peuple : Véritablement, « tu es notre Père : si même Abraham ne nous connaît pas et si Israël nous ignore, toi, Éternel, tu es notre Père » (chap. 63, 16). Le but de ce langage n’est évidemment pas de décrire leur relation mais simplement de leur apporter de la consolation. Ce n’est que comme nation qu’Israël pouvait réclamer une place pareille, comme le montre par exemple Exode 4. Mais ici, nous avons infiniment plus. En effet, Lui qui était Fils, et qui connaissait le Père comme nul autre ne pouvait Le connaître, était descendu sur la terre. Il était venu ici-bas comme un homme, l’objet alors des délices du Père tout aussi parfaitement que lorsqu’Il était simplement Dieu, dans Sa présence. Jamais un mot n’avait été prononcé par Lui, jamais aucune émotion ressentie, jamais pensée ne Lui était entrée au cœur, jamais motif ne L’avait inspiré, qui ne fût la parfaite expression de la bonté même de Dieu. Seul, Jésus répondait moralement en esprit, en œuvres et en paroles, à tout ce qui se trouvait en Dieu. Aussi Dieu se penchait-Il du ciel pour considérer ce seul objet qui pût faire en tout temps Ses délices. Sur ce monde coupable dont les iniquités Le provoquaient continuellement, Il portait le regard d’en haut et parfois y répondait par les coups terribles de Son jugement. Mais maintenant, pour la première fois depuis le commencement des âges, il ne s’agissait pas seulement d’entrevoir un rayon éloigné de Sa gloire : Dieu se réjouissant dans un Énoch ou un Noé. Le Fils se trouve là Lui-même ; le ciel s’ouvre et Dieu fait descendre le Saint Esprit sur Jésus en tant qu’homme. Il ne peut être en effet question de la descente du Saint Esprit sur Lui comme Dieu ; c’est comme homme qu’Il fut oint de l’Esprit Saint. « C’est lui que le Père a scellé » [Jean 6, 27] — « le Fils de l’homme ». Afin de trouver pour la première fois ce qui répondrait à tout Son jugement, à tous Ses sentiments, à tout Son être moral, à Ses plus intimes affections, Dieu eut à porter le regard sur un homme !
Mais, l’heure vient où un changement immense s’opère sur le Bien-aimé. Une scène nouvelle se présente : les cieux sont voilés par d’épaisses ténèbres. Dieu Lui-même, du sein de cette profonde obscurité, agit contre Lui. C’est l’heure où il est permis à l’homme poussé par Satan de se dresser contre le Messie et de L’accabler. Et au milieu de cette scène, Dieu, dans toute Sa majesté et Son horreur absolue du mal, se déploie contre le péché dont la sainte personne de Christ est chargée comme victime de propitiation.
C’est bien l’heure redoutée où les comptes doivent être rendus. Le jugement divin contre toute iniquité et indifférence, contre l’injustice envers l’homme et la révolte contre Dieu, ce jugement tombe sur le Saint de Dieu. Aussi, ce n’est pas seulement l’heure de l’homme, ni exclusivement la puissance des ténèbres [Luc 22, 53], c’est encore, et au-delà de tout, l’heure de Dieu ; l’heure où Sa sainteté qui ne saurait rien épargner revendique Ses droits sur Celui qui porte le péché : Son propre Fils se livrant Lui-même, victime responsable, pour porter le jugement de nos péchés sur la croix. Tout ce que Dieu pouvait ressentir contre le péché s’épuisa alors sur le Fils, sans qu’aucune circonstance atténuante vînt briser, pour ainsi dire, la force de Sa colère et de Son indignation. Et c’est pourquoi cette rédemption par le sang de Christ est parfaite dans le sens absolu. Dieu n’a plus besoin dorénavant pour la justification et le maintien de Son caractère d’ajouter un seul mot, un seul acte, qui n’ait déjà fait valoir Ses droits sur la personne du Seigneur Jésus Christ. À une œuvre aussi entière, ne peut que répondre une révélation entière aussi bien de Sa nature de Dieu que de l’amour du Père. Rien dans le saint caractère de Dieu n’est plus caché ni gardé en réserve : tout ce qu’Il ressent contre le péché s’est épuisé sur le Seigneur Jésus. Et par conséquent, tout ce qui se trouve en Lui, comme Père et comme Dieu, s’exprime désormais en notre faveur. Le mal qui est en nous a été si pleinement condamné qu’il ne s’agit plus maintenant pour Dieu, non seulement comme Père mais comme Dieu, que de témoigner Sa parfaite satisfaction dans la rédemption accomplie par le Seigneur Jésus.
Et c’est bien dans ce sens-là que le Seigneur s’adresse à Ses disciples par le message qu’Il leur envoie. Ils L’avaient vu se remettre à Son Père lorsque personne ne pouvait sympathiser à Ses douleurs, déjà comme homme de douleurs dans ce monde sans être encore la propitiation pour le péché. Ils avaient su que chaque jour, avant l’aurore, Il était avec Son Père. Ils avaient pu voir que pendant le sommeil des autres, Lui était toujours devant le Père. Ils avaient pu voir aussi que chacun des fardeaux dont Il se chargeait, chaque souffrance humaine qui attirait Son regard, remplissaient Son cœur de divine compassion et L’amenaient plus près du Père. Mais à la croix, il ne s’agit plus de sympathie ni de communion. Il s’agit de ce que Dieu ressent contre nos péchés imputés au Seigneur Jésus, nullement toutefois contre Lui-même. Jamais au contraire Christ n’est davantage l’objet des délices ineffables de Dieu qu’au moment où Il porte le jugement de nos péchés. Néanmoins il importe au caractère de Dieu que les souffrances de Jésus ne soient nullement un semblant de souffrance, mais qu’Il endure réellement, effectivement, le jugement divin. Car Il prend réellement en notre faveur cette position devant Dieu, de même qu’auparavant Il avait joui réellement, durant Sa vie entière, d’une communion parfaite avec Son Père.
Nous comprenons maintenant toute la précieuse portée du message dont Marie est chargée. Ce que Jésus connaissait comme Fils de Dieu né dans le monde, Il le remet, en quelque sorte, entre nos mains. Ce n’est pas, certes, que nous puissions partager ce qui Lui appartenait ici-bas en tant que personne divine. Il est, Il était le Fils unique avant la création des mondes. Là, évidemment, nous ne saurions prendre place avec Lui. Comme tel, Il est pour nous tout simplement l’objet de l’adoration et du service dévoué. Mais Lui, le Fils avant toute création, était né Fils de Dieu. Il était Fils de Dieu comme homme ici-bas, et c’est à l’évangéliste Luc qu’a été commise la charge de retracer Sa marche comme tel parmi les hommes. Tous, par nature, nous étions enfants de colère [Éph. 2, 3]. Lui, dans Sa nature humaine aussi bien que dans Sa nature divine, était Fils de Dieu. L’ange annonce à Marie que le saint (enfant) qui naîtra sera appelé Fils de Dieu (Luc 1, 35).
Entre Christ et l’homme, existait à tous égards un contraste parfait. Alors qu’il était impossible à ce dernier de goûter la communion avec Dieu, celle de Jésus avec Dieu était continuelle et Il était pour le cœur du Père l’objet de parfaites délices. La condition de l’homme pécheur était celle du mal et de la colère. Mais la rédemption délivre celui qui croit, de tout mal, de toute colère. Sinon, serait-il possible de se fier à la Parole de Dieu ? Que voudraient dire les assurances constantes et solennelles qui y sont adressées à la foi ? Si la Parole m’a apporté un tel témoignage touchant la croix, mon âme se repose-t-elle sur ce témoignage ? Suis-je bien assuré que devant Dieu il ne reste plus sur moi, comme croyant en Jésus, absolument aucun mal ? Il est entièrement effacé et banni. Ce n’est pas de l’expérience que je parle ici. Il est clair que chacun, qui a de la conscience, sent son propre mal ; et nous qui avons la foi, par cela même nous le sentons davantage. Plus nous connaîtrons Son amour, et plus nous aurons horreur du péché. Nous ne serons pas jugés pour le péché ; c’est précisément pour cela que nous devons nous-mêmes condamner tout péché. Si nous étions jugés, nous serions perdus. Ce que Christ a accompli nous met à même, nous qui croyons, de juger maintenant le péché. La responsabilité du chrétien consiste à porter, pour ainsi dire, dès à présent, la sentence de Dieu contre le péché ; en nous-mêmes premièrement mais aussi quand nous le rencontrons chez ceux qui portent le nom de Christ et avec lesquels nous sommes unis comme membres de Son corps qui est un. Si le mal est détestable quelque part, c’est bien chez l’enfant de Dieu. Et c’est là précisément qu’il nous faut l’intervention de la rédemption et la puissance de l’Esprit.
Beaucoup de chrétiens semblent ne jamais dépasser le stade de la rémission des péchés et de la nouvelle naissance. Ils se privent du privilège de vivre pour Dieu. Ils méconnaissent les nouvelles relations de la grâce dans laquelle ils sont placés. C’est cette base et la forme de ces relations, tant envers Dieu qu’envers Christ Lui-même, qui nous sont présentées dans le message confié à Marie : « Dis à mes frères : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Ainsi je puis regarder en haut comme quelqu’un que Jésus n’a pas honte d’appeler Son frère [Héb. 2, 11]. Je puis regarder en haut et voir Son Père et le mien, Son Dieu et mon Dieu, dans la certitude absolue que je suis ainsi amené à Lui dans toute la valeur et la relation intime de Jésus, et que l’œuvre, accomplie par Lui et acceptée de Dieu, est la base morale de mon salut et de ma bénédiction. Dans la grâce qu’Il nous témoigne aujourd’hui, Dieu rend, en quelque sorte, justice à cette œuvre et en reconnaît la pleine valeur. On peut même affirmer que l’œuvre infinie de la croix ne serait pas pleinement justifiée par Dieu s’Il n’usait pas envers nous de grâce entière et ne reconnaissait pas les relations proclamées maintenant par Jésus Lui-même. Hâtons-nous d’ajouter que ces bénédictions n’ont pas été péniblement extorquées à Dieu. Au contraire, elles répondaient à Ses propres desseins. Il désirait trouver des êtres qui prendraient place dans Son amour et en jouiraient en vertu de ces relations mêmes, établies par le Seigneur Jésus. Le Père avait contemplé le Fils comme un homme sur la terre. Et maintenant c’est comme s’Il disait : il me faut des fils ; il me faut des âmes, jadis pécheresses, qui deviennent mes enfants. Autrefois j’avais un peuple ; en dépit d’une bonté inépuisable à son égard, celui-ci s’est corrompu ; il est devenu aussi misérable que le péché pouvait le rendre ; mais voilà, je vais me former un peuple nouveau, une famille qui ne soit pas de ce monde, bien qu’elle soit encore dans ce monde.
Et c’est de cela que Dieu s’occupe maintenant. Son amour agit sur la base de l’œuvre de la croix, et de la résurrection qui en est le résultat. Ceux qui sont appelés, Jésus les reconnaît comme Ses frères, et cela après Sa mort et Sa résurrection. Contrairement aux affirmations du rationalisme et de la religion conventionnelle d’accord pour une fois, le seul moyen d’avoir de saintes relations avec Dieu conformément à Sa pensée est bien cette base posée sur la croix de Christ. Ce n’est pas, comme certains théologiens l’ont prétendu, et le prétendent encore, l’incarnation du Seigneur Jésus qui établit l’union avec Sa créature. Dans l’Écriture, la base invariable du lien qui nous attache à notre Chef glorifié, c’est Sa mort, Sa résurrection, Son ascension. L’incarnation était nécessaire pour manifester un homme parfait et une personne divine : le Fils de Dieu, ici-bas. Mais la rédemption fut accomplie afin de nous introduire dans Sa propre relation. La rédemption ne se proposait et n’effectuait rien moins que cela. Car la justice de Dieu qui sans la croix aurait dû s’abattre en châtiment sur nous, nous place maintenant, autant que la chose est possible, dans la position de Christ devant Dieu. Combien notre Dieu est bon et sage ! Quelle efficace dans la mort et dans la résurrection de Christ, sauvant ceux qui croient et leur donnant déjà le titre (et, par la puissance du Saint Esprit, la joie aussi dès à présent) de Sa propre position comme Fils de Dieu et homme ressuscité ! Je le répète : Sa place de Fils, objet pour nous d’un culte incessant, n’est pas mise de côté. Mais Il nous accorde, à nous, d’être fils, et de goûter Ses propres affections dans cette relation si intime ; en contraste avec la simple position de saints, ou de membres d’un peuple béni sur la terre. Voilà ce que notre Seigneur Jésus établit tout d’abord.
Mais Il fait encore davantage. Le soir de ce même jour, le Seigneur se trouve au milieu des siens rassemblés. Et le premier mot qu’Il prononce, c’est celui de paix : « Paix vous soit ! ». Précieuse parole ! Ce n’était pas simplement la rémission des péchés, toute bénie qu’elle soit. La paix est bien autre chose que le simple pardon des péchés. « Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté ». Il leur fait voir ce qui constitue le signe et le témoignage du sang versé sur la croix par lequel Il a fait la paix. « Les disciples se réjouirent donc quand ils virent le Seigneur ». Il leur dit encore une fois : « Paix vous soit », moins comme une parole personnelle que comme préambule à leur mission. Car Il ajoute : « Comme le Père m’a envoyé moi aussi je vous envoie ». La première parole de paix est essentiellement pour leur propre joie, tandis que la seconde déclaration se présente comme prélude à leur ministère. C’est le message avec lequel ils sont envoyés vers d’autres. Ils se mettront en route munis de la force renouvelée de cette paix. Comme le Père L’avait envoyé, de la même manière le Fils les envoie, Lui qui parle toujours comme le Fils de Dieu, dans la jouissance consciente de Sa communion avec le Père.
Mais un signe remarquable accompagne cette parole. « Ayant dit cela, il souffla en eux et leur dit : Recevez l’Esprit Saint. À quiconque vous remettrez les péchés, ils sont remis ; et à quiconque vous les retiendrez, ils sont retenus » (v. 22, 23).
Deux théories contradictoires se sont fait jour dans la chrétienté au sujet de ce passage. L’une affirme que notre Seigneur établit ici une sorte d’autorité sacerdotale, en vertu de laquelle ceux à qui Il s’adressait alors, ainsi que leurs successeurs, recevaient le pouvoir d’accorder en Son nom la rémission des péchés à quiconque confesserait convenablement ses fautes. Ils admettent bien tous qu’il se peut que les conditions ne soient pas remplies — et qu’après tout, la rémission ne soit pas effectuée. Mais pourtant, ils soutiennent que, là où existe la droiture de la part de l’homme, le Seigneur s’engage à faire Sa part par l’entremise de Ses serviteurs, et par cela on entend l’absolution prononcée par le moyen d’un clergé mandaté à cet effet. Non, rétorque le parti opposé, ce n’est pas ce que le Seigneur institue ici. Ce passage suppose une action miraculeuse. Si de nos jours on a la prétention d’absoudre les gens de leurs péchés, pourquoi ne pas aussi guérir les lépreux et ressusciter les morts ? Pourquoi ne pas opérer les autres miracles que le Seigneur rendait Ses disciples capables d’accomplir ? Il est clair que cet argument suppose que, si les hommes pouvaient guérir les lépreux et ressusciter les morts, ils auraient aussi le pouvoir d’absoudre les péchés. Mais je nie que les disciples aient jamais possédé le droit d’accorder une telle absolution.
En vérité, il est difficile d’affirmer laquelle de ces deux théories s’écarte le plus de l’Écriture. Ce qui donne la clef du sujet, c’est la résurrection du Seigneur telle qu’elle est présentée ici. Une plus intime connaissance de Christ et de la puissance de Sa résurrection ferait comprendre ce qui en est le fruit. Observons-le bien : c’est après que notre Seigneur a envoyé Ses disciples comme messagers de Sa paix qu’Il souffle en eux. Je ne connais dans la Bible qu’un seul acte dont celui-ci puisse être rapproché tout en comportant avec lui un contraste plein d’instruction. En nous reportant au deuxième chapitre de la Genèse, nous constatons une différence très frappante entre la formation de l’homme par l’Éternel et celle des autres animaux. Quand Il créa les variétés multiples d’animaux : poissons, oiseaux, reptiles, bêtes des champs… chacun eut en lui « une âme vivante » par le simple fait qu’il possédait une organisation appropriée. Mais pour l’homme, il n’en fut pas ainsi. Il fut fait de la poussière du sol ; mais ce n’est pas pour avoir été ainsi façonné qu’il devint une âme vivante. Lui seul reçut sa vie directement d’en haut : L’Éternel Dieu « souffla dans ses narines une respiration de vie, et l’homme devint une âme vivante » (Gen. 2, 7). Aucun autre être animé ne fut fait de la même manière. L’homme seul possède le souffle de l’Éternel Dieu. C’est là la vraie source de l’immortalité de l’âme[1]. C’est aussi la raison pour laquelle seul l’homme se trouve directement dans une position de responsabilité morale vis-à-vis de Dieu ; il doit rendre compte des choses faites dans le corps à ce Dieu qui lui donne ainsi son âme et son esprit. Le principe vital de la bête périt avec elle, parce qu’il s’agit simplement de ce qui, par la volonté de Dieu, se rattache à son organisation physique. Tandis que l’homme possède une âme et un esprit qui en vertu de leur origine subsistent à toujours, distincts du corps, ayant avec Dieu Lui-même un rapport conscient. L’âme participe à une immortalité que le corps tout seul, vivant ici-bas de sa propre nature, ne possède point. La mortalité du corps relève simplement de la volonté de Dieu. Au contraire l’immortalité de l’âme et de l’esprit dépend d’un principe intrinsèque, indestructible qui leur est attaché. Voilà pourquoi aussi le corps de l’homme sera ressuscité et réuni à son âme et à son esprit ; et ainsi « chacun de nous rendra compte pour lui-même à Dieu » (Rom. 14, 12).
Revenons à notre sujet, c’est-à-dire à la personne du Seigneur Jésus Christ sous le double caractère que cet évangile est seul à réunir : Il est homme — ici, homme ressuscité — mais Il est aussi l’Éternel Dieu ; et Thomas le confesse peu après : « Mon Seigneur et mon Dieu » [v. 28]. En ce premier jour de la semaine, Il est devant nous, Lui, l’homme ressuscité, le second homme ; et comme esprit vivifiant [1 Cor. 15, 45], Il souffle sur Ses disciples pour leur donner la vie. C’est l’Esprit du Christ Jésus ressuscité des morts ; c’est le Saint Esprit accompagnant cette vie de résurrection et en étant la puissance, que le Seigneur, comme Chef d’une nouvelle famille, confère aux membres de celle-ci. Ils avaient cru en Lui, ils avaient donc déjà la vie éternelle. Mais maintenant ils reçoivent cette vie en abondance.
C’est donc là le changement capital qu’introduit l’acte de notre Seigneur Jésus Christ. Certains diront peut-être : « Si l’on obtient la vie éternelle, je ne vois pas quelle différence cela fait que ce soit une vie de résurrection — ni ce qu’elle peut donner de plus ». Je voudrais qu’ils prennent conscience à quel point la victoire complète diffère de la lutte avec la mort, la liberté diffère de la servitude, le repos en Christ diffère du tourment qui consiste à poursuivre le bien sans parvenir à l’atteindre, à s’efforcer d’éviter le mal tout en y étant sans cesse entraîné. Ce dernier état est celui de l’homme qui ignore la puissance libératrice de la résurrection de Christ. Mais pour celui qui a la foi, cet état a pris fin. Le croyant réalise qu’il est introduit dans une position nouvelle par la mort et la résurrection du Seigneur Jésus Christ. La vie que je reçois aujourd’hui en Christ est une vie qui n’est pas asservie à la loi ; elle n’a rien à faire avec la terre ni avec ses ordonnances. C’est la vie de Celui qui m’a fait entrer dans la paix parfaite avec Dieu, de Celui qui m’a mis en possession de Sa propre relation. Et c’est pour donner cette vie dans sa forme la plus condensée, dans sa plus entière puissance, que le Seigneur souffle dans Ses disciples. Il détermine ainsi le nouveau caractère de la vie que déjà ils possédaient, attestant que ce qu’ils vivaient dans la chair était véritablement la vie de la foi au Fils de Dieu. « Je ne vis plus moi, dit l’apôtre, mais Christ vit en moi » (Gal. 2, 20). Et c’est en soufflant ainsi en eux qu’Il leur communique cette vie. Il les fait participer à Lui-même, tel qu’Il est en résurrection, maintenant que toutes les questions ont été à jamais réglées et que la délivrance parfaite, assurée par Lui, est accordée aux siens.
Paul fait allusion à cette vérité quand il s’écrie : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus ». Et pourquoi ? « Car, ajoute-t-il, la loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus m’a affranchi de la loi du péché et de la mort » (Rom. 8, 1, 2). La loi (ou le principe) de l’Esprit de vie dont parle l’apôtre est exactement ce qui est ici accordé aux disciples. C’est l’Esprit Saint, mais comme Esprit de vie ; non pas ici comme l’Esprit de puissance, opérant des miracles, ou déployant son énergie — ce que les hommes sont portés à admirer beaucoup plus. Encore bien moins était-ce cette prétention extrême selon laquelle l’homme prend la place de Dieu et prétend pardonner les péchés sur la terre. Jamais apôtre ne s’est arrogé un tel droit. C’était un privilège de tout autre nature, et il est aussi vrai actuellement qu’au jour où Jésus ressuscita des morts. Cette action du Saint Esprit consistait, et consiste encore, simplement dans la communication de la vie selon le caractère et la puissance de la résurrection par l’entremise de Jésus Christ, le second homme, ressuscité des morts. C’est la portée de l’expression : « Recevez l’Esprit Saint ». L’Esprit de Dieu accompagne toujours la vie que le Seigneur donne. Sans doute, c’est Christ qui est l’objet de la foi et qui donne la vie ; mais, c’est par l’opération du Saint Esprit qu’Il la donne. Communiquée durant le cours de Sa vie humaine ou dans les jours actuels, c’est toujours l’Esprit de vie qui accompagne cette vie ; et c’est pourquoi ces paroles de Jésus en confèrent la puissance.
Mais Il ajoute : « À quiconque vous remettrez les péchés, ils sont remis ; et à quiconque vous les retiendrez, ils sont retenus ». On dira : Croyez-vous cela ? Assurément ; et bien plus, je crois que tous les enfants de Dieu possèdent ce pouvoir et sont responsables envers Dieu d’y conformer leur marche. Voilà, diront certains, une prétention peu ordinaire ! Appartient-il à un autre qu’à Dieu de remettre et de retenir les péchés ? Le passage répond par l’affirmative. Mais à qui le Seigneur s’adressait-Il ce jour-là ? Non pas seulement aux douze apôtres, mais à tous les disciples. « Le soir donc étant venu, ce jour-là, le premier de la semaine, et les portes du lieu où les disciples étaient… étant fermées… ». Si ç’avait été une prérogative restreinte au corps des apôtres, assurément l’Esprit aurait pris soin de le signaler. Mais ici le Seigneur parlait aux disciples — à leur nombre tout entier. Prenons la Parole telle qu’elle est écrite. Ce qu’Il dit alors ne s’applique-t-il pas à tous ? La vie de résurrection du Seigneur Jésus Christ n’était-elle pas que pour les douze ? La paix conférée par le Seigneur avec tant de solennité et d’une manière répétée, n’était-elle que pour les apôtres ? Évidemment non ! Les apôtre y eurent part, sans doute, et y attachèrent certainement le plus grand prix.
Sans parler de dons personnels, le Seigneur conférait à Ses apôtres une autorité spéciale pour former les assemblées et pour les gouverner une fois formées. Ce privilège de poser le fondement comportait des actes d’initiative et de gouvernement que l’Écriture n’assigne qu’aux apôtres. Mais il entre si peu dans le dessein et le caractère de l’évangile de Jean de s’arrêter à ce qui est officiel, que le mot « apôtre » ne se trouve nulle part dans son récit. L’esprit, la forme, la substance de cet évangile sont consacrés à ce qui est essentiel et qui ne passe pas. De plus, nous le verrons, cette portion de l’évangile place expressément le christianisme sur une base qui lui est propre et lui imprime un caractère tout à fait distinctif devant Dieu et devant les hommes. Ce sont autant de raisons pour nous convaincre que nous ne devons pas restreindre l’application de ces paroles aux douze, ou à d’autres qui leur succéderaient. Encore moins peut-on les rattacher aux fonctions des anciens, comme si le pouvoir de remettre et de retenir les péchés leur avait été officiellement confié ainsi que certains corps religieux le prétendent avec tant d’assurance. Le fait est que le Seigneur Jésus a devant Lui Ses disciples comme tels ; c’est à eux tous qu’Il communique l’Esprit ; c’est donc bien eux tous qu’Il charge de cette importante mission. Mais l’histoire inspirée des apôtres, ainsi que les épîtres, ne jettent-elles aucune lumière sur le sens dans lequel les premiers croyants entendirent les paroles de Christ, et dans lequel nous devons aussi les interpréter ? Prenez, par exemple, ceux qui furent convertis le jour de la Pentecôte, et d’autres que le Seigneur ajoutait de temps en temps. Par qui leurs péchés étaient-ils remis ? Ils ne se contentaient pas de croire à l’évangile individuellement ; ils soumettaient à ceux qui étaient chrétiens avant eux leur confession du nom du Seigneur. C’est là un fait de la plus haute importance. Il ne m’est pas permis de me déclarer chrétien sur la seule opinion que je forme de moi-même, sur mon propre jugement quant à la foi que je professe ; je dois soumettre mes prétentions à ceux qui ont été en Christ avant moi. Toute miraculeuse qu’ait été sa vocation, Paul lui-même n’en fut pas dispensé. Il fut baptisé par un certain disciple ; plus tard il fut reçu par d’autres. Voilà qui est plein de consolation. Pour un chrétien, se refuser à ce privilège, ou l’affaiblir, est de la présomption. En effet, plus la foi d’un homme est véritable et plus il désirera que d’autres en fassent l’examen. Il est bon de se soumettre les uns aux autres et cela dès le commencement, dans la crainte de Dieu qui est plus sage que l’homme et qui a déclaré Sa volonté par le moyen de ces paroles du Seigneur Jésus.
Lorsqu’une personne fait profession de revenir à Dieu avec repentir et foi ; lorsqu’elle croit au nom du Seigneur Jésus Christ, il ne lui est pas seulement demandé de se reposer sur ce divin Sauveur pour le salut de son âme ; elle doit « confesser de sa bouche » aussi bien que « croire dans son cœur » (Rom. 10). Cette confession a normalement lieu en rendant témoignage devant le monde. Mais il convient qu’elle soit faite aussi devant d’autres enfants de Dieu. Un nouveau converti pourrait nourrir des pensées portant atteinte à la gloire de Christ ou ne pas être assez sur ses gardes contre tel danger pour son âme et pour celle des autres. Alors s’exerce cette fonction de la plus haute importance qui échoit à ceux qui sont avant lui dans la foi — fonction que l’Écriture ordonne pour la gloire de Dieu, comme nous voyons faire à l’apôtre Paul dans le chapitre 15 des Romains (v. 7). Soyons sûrs que les disciples constitués en assemblée de Dieu sanctionnèrent dans certains cas la rémission des péchés, dans d’autres les retinrent. Ils avaient à recevoir cordialement et en simplicité, comme frères de Jésus, ceux qui peu auparavant se corrompaient peut-être dans toute espèce de péchés, mais qui d’un moment à l’autre s’étaient tournés vers Dieu. N’était-il pas capital dans ces conditions qu’il y ait dans ce monde un corps constitué par le Seigneur, possédant une autorité positive pour reconnaître la réalité des conversions ? Capital de prendre acte de la confession de ceux qui étaient sincères et d’examiner les prétentions de ceux qui faisaient profession de christianisme ? Un tel examen ne pouvait aucunement nuire à un véritable enfant de Dieu. Au contraire, c’était une grande consolation pour lui, une joie de plus pour son cœur. Il était reconnu et accueilli ici-bas comme il l’était au ciel où les anges se réjouissent devant Dieu au sujet d’un pécheur qui se repent [Luc 15, 7]. Par contre c’était un frein sérieux chaque fois qu’il y avait de la réserve, que quelque méchanceté se cachait ou qu’on percevait le désir d’introduire quelque chose en secret !
L’assemblée de Dieu agissait constamment dans l’esprit de cette règle ; on remettait et on retenait les péchés. Je ne parle pas de la circonstance solennelle où Ananias et Sapphira furent frappés de mort à l’instant et sur place, mais d’occasions où ceux qui péchaient devaient être retranchés puis rétablis publiquement. Les deux épîtres aux Corinthiens illustrent les deux faces de ce sujet. Un homme avait été retranché comme méchant à la suite de ce que Paul avait écrit dans la première épître (chap. 5). Dans la seconde, le cas est de nouveau examiné : « il suffit pour un tel homme — déclare l’apôtre — de cette punition qui lui a été infligée par le grand nombre, de sorte qu’au contraire, vous devriez plutôt pardonner et consoler, de peur qu’un tel homme ne soit accablé par une tristesse excessive. C’est pourquoi je vous exhorte à ratifier envers lui votre amour » (2 Cor. 2, 6-8). Dans ce cas, nous trouvons d’un côté le péché retenu, de l’autre le péché remis. Et je pense qu’une des raisons pour lesquelles les chrétiens ont cessé de tenir leur position séparés du monde et de marcher heureux dans la joie que le Seigneur donne, source de riches bénédictions pour les autres, c’est qu’ils ont perdu de vue cette responsabilité, la traitant de fonction ministérielle ou de puissance depuis longtemps évanouie. L’Église, qui avait pour dot l’amour et la gloire du Seigneur Jésus, n’a pas, sous prétexte de charité, maintenu sa position de peuple à part ; elle a cru pouvoir annexer le monde, christianiser des foules et des peuples entiers sans ce contrôle de la foi individuelle. Mais aucune indulgence charitable ne peut être en profit à ceux qui ne croient pas. Il n’en est pas même question envers ceux qui ont la foi. Les bornes publiques et distinctives de la grâce et de la sainteté ont ainsi été foulées aux pieds, et par conséquent la fonction qui consiste à remettre et à retenir les péchés — si l’on excepte les superstitieux qui en font un acte sacerdotal — a été sous-estimée ou même absolument mise de côté.
Les paroles du Seigneur enseignent au contraire que l’assemblée chrétienne dans ce monde doit être connue comme le témoignage public et l’expression de ce que la grâce a fait. De quelle manière ? En recevant ceux dont la confession lui paraît satisfaisante et en rejetant publiquement ce qui ne se recommande pas à sa conscience. Précisons bien que le critère pour être reçu n’est pas un certain degré de lumière et d’intelligence. Sans aucun doute, l’intelligence spirituelle a sa place et sa valeur. Mais soyons certains d’une chose : ce que Jésus souffla sur Ses disciples n’était pas de l’intelligence simplement ; c’était Sa propre vie de résurrection. Et c’est bien là ce qu’Il voudrait nous voir accueillir ; c’est là ce que nous devons reconnaître chez ceux qui se présentent. « Il vous a vivifiés ensemble, vous ayant pardonné toutes vos fautes » [Col. 2, 13]. Ceci ne permet pas de sanctionner le péché sous prétexte que la vie de Christ est aussi là. Mais nous devons accueillir les brebis et les agneaux de Christ et témoigner un grand support en nous occupant des fautes qui sont les fruits d’une fausse position et d’un mauvais enseignement. Prenons bien garde de ne pas faire le jeu de l’ennemi en ayant même l’apparence de confondre le principe sur lequel nous recevons, avec un certain degré d’instruction ou d’expérience chrétiennes. Retenons ferme ce fait — grand, simple et infini — que Jésus souffle sur Ses disciples l’Esprit de Sa propre vie de résurrection. À ce titre nous devons recevoir les plus faibles comme faisant partie de l’assemblée chrétienne. Mais si d’une part nous accueillons, de l’autre ne craignons pas de rejeter, selon que la confession est, ou n’est pas digne du nom de Jésus. Un homme a-t-il véritablement la vie de résurrection de Christ ; attendez-vous de sa part à la sainteté, fruit d’une conscience purifiée. De plus nous pouvons admettre que Christ sera la mesure de tous ses jugements, de même qu’il est la source de toutes ses bénédictions, et, après tout, l’objet dont son âme sera occupée. C’est pourquoi, le nom de Jésus, passeport unique et suffisant pour la simple créature qui possède en Lui la vie éternelle, ce même nom reste la pierre de touche pour rejeter toute prétention qui compromet Sa gloire. Que le Seigneur soit pour nous, comme Il l’est en vérité, la parfaite, la seule mesure. S’Il est reconnu honoré tout ira bien, et nous en serons bénis. En revanche, essayer d’unir Christ au péché est une tentative fatale. Quoi de plus outrageant pour Dieu ? Aussi, il est de toute importance que nous Le tenions, Lui, fermement devant les yeux ; nous éviterons ainsi les pièges tendus pour nous faire ériger des systèmes, des théories ecclésiastiques, choses que nous avons laissées derrière nous.
Soyons persuadés que toute théorie religieuse est fausse si d’une manière quelconque on lui permet de voiler la valeur de Christ. S’associer avec un système voulant retenir quelque chose qui n’est pas de Christ, ne pas « apporter la doctrine de Christ » [2 Jean 10], c’est la ruine. Un homme pourrait paraître aussi orthodoxe qu’un apôtre sur la vérité ecclésiastique, et posséder impeccablement toute autre vérité du Nouveau Testament, que vaut toute cette science là où le nom de Christ est déshonoré ? Mais inversement, là où Christ est l’objet de l’âme, même si celui qui Le confesse est très ignorant, Christ a soufflé Sa vie en lui. Et si nous sommes soumis à Christ, notre règle de conduite est claire : Quiconque se présente au nom de Jésus est le bienvenu de nos cœurs. C’est l’affaire de l’Église d’accueillir tous ceux-là, et de les instruire. Comment, en effet, croîtraient-ils en lumière, où trouveraient-ils à redresser leurs fausses notions, si ce n’est dans l’Église de Dieu ? Par contre, si nous les tenons à l’écart jusqu’à ce qu’ils soient parfaitement établis, c’est pour eux-mêmes une impossibilité et pour nous cela signifie l’abandon de notre position de secours et de responsabilité envers eux. L’Assemblée de Dieu est la colonne et le soutien de la vérité [1 Tim. 3, 15], et la vérité ne peut réellement s’apprendre que si l’on vit en elle ; m’en faut-il davantage pour recevoir ceux qui eux-mêmes ont reçu Christ ? Puis-je moi-même me vanter d’en posséder davantage ? Alors, pourquoi la moindre hésitation ?
Que le Seigneur nous apprenne à écarter les difficultés et qu’Il ouvre nos cœurs pour accueillir les âmes chaque fois qu’il n’y a pas trace d’opposition à Dieu dans la foi ou dans les mœurs. Je ne dis pas chaque fois que se trouve la doctrine de la justification par la foi : bien des choses mauvaises peuvent marcher de concert avec cette doctrine retenue et même enseignée. Ces paroles de notre Seigneur Jésus Christ constituent une règle immuable, et nous sommes responsables d’agir d’après elles. Si nous sommes rassemblés en Son nom, une expression claire, ferme, de notre position, de nos privilèges doit y correspondre. Notre action collective doit être aussi ferme en faveur de la vérité que notre marche individuelle. Possédant Christ, estimant ce don, nous sommes tenus en Son nom de remettre les péchés et de les retenir s’il reste quelque chose qui soit incompatible avec ce nom ! Nous n’avons aucunement la prétention de nous interposer entre Dieu et l’homme. Le pardon aussi bien que la condamnation restent du ressort du Juge suprême. Jamais l’Église ne réclama un tel droit ; jamais les apôtres n’aspirèrent à une action pareille. Mais il est clair que Jésus appelait les disciples collectivement à se charger tant de retenir que de remettre les péchés. Et, comme nous l’avons vu, ce privilège fut exercé dans l’Assemblée chrétienne sous son double aspect, à savoir de retrancher ou au contraire de rétablir devant les hommes. Non pas, répétons-le, comme question éternelle entre Dieu et l’âme, mais comme affaire d’administration, comme devoir envers Christ d’accueillir le vrai et le bien, de rejeter le faux et le mal.
Que le Seigneur nous accorde de ne pas manquer à cette responsabilité et de L’honorer ainsi collectivement !