La doctrine du Nouveau Testament sur le Saint Esprit
Méditation 7 — Romains 8, 1-27
Notre sujet embrasse deux points principaux qu’il importe de bien distinguer. Le premier est la vérité bénie que nous sommes dans l’Esprit. En contraste avec la nature et la chair, c’est là une condition entièrement nouvelle que les rachetés du Seigneur revêtent déjà sur la terre. Le second est celui de la demeure actuelle, personnelle, du Saint Esprit dans celui qui croit. Notre chapitre, qui insiste avec force et précision sur ces deux vérités, va nous donner l’occasion d’en expliquer la différence et de tirer la conclusion qui ressort de chacune d’elles pour la bénédiction du chrétien, à la propre gloire de Dieu. Pour bien saisir la première de ces vérités, il nous faut rappeler les grandes lignes de l’épître aux Romains.
La clef de cette épître est la justice et essentiellement la justice de Dieu. Celle-ci est la qualité divine révélée par l’évangile et fondée sur la rédemption qui permet à Dieu d’être parfaitement conséquent avec Lui-même en justifiant le coupable qui croit en Christ.
Cette épître nous apprend comment il se fait que Dieu puisse ainsi nous justifier. La justice divine est par Jésus Christ, le Seigneur. Elle est fondée sur Son sang, sur Sa mort. Mais elle ne se limite pas à la rédemption, bien que la plupart des croyants aiment à s’arrêter là. Tout en bénissant Dieu de ce que beaucoup de pécheurs en arrivent à ce point, nous devons vivement regretter que certains de nos frères n’avancent pas au-delà. Nous le regrettons pour eux-mêmes, pour la joie qu’ils perdent par rapport à la liberté chrétienne. Nous le déplorons surtout parce que tout ce qui dérobe à l’âme sa bénédiction propre, son entière liberté devant Dieu, diminue d’autant la gloire de Christ, et entraîne, en proportion, faiblesse dans le service aussi bien que dans le culte chrétien.
Plusieurs considèrent cette perte comme de minime importance ; ils estiment que la seule chose désirable est qu’une âme soit sauvée de la colère à venir. Nous ne pouvons que les plaindre. Si le salut de l’homme était le seul but de Dieu, cette attitude se justifierait. Mais jamais Dieu ne se propose moins que Sa propre gloire, et celui qui fait du simple salut la grande question, prouve qu’il est plus occupé de lui-même et de son entourage qu’exercé dans son âme à l’égard de ce que le Saint Esprit révèle de Dieu et de Son Fils. Du reste, jamais on n’a vu une âme ayant appris à jouir de Dieu, à triompher du monde et à adorer dans l’énergie de l’Esprit Saint, consentir à revenir en arrière pour s’enfermer dans les pauvres limites de la théologie humaine. Cette dernière est la science qui prétend s’occuper des vérités divines. C’est un système de raisonnements qui, parce qu’ils sont le produit de l’intelligence, et non de la foi, empêchent la puissance, sacrifient la liberté, s’opposent à la gloire de Dieu, et donnent à l’homme une place qui ne lui appartient pas. Les enfants de Dieu qui s’en contentent sont arrêtés dans leurs progrès ; ils ne croissent pas, et le Saint Esprit est contristé par le déshonneur qu’on Lui fait ainsi. Lui seul en effet est qualifié pour guider le racheté. Lui seul peut bénir ceux qui appartiennent à Christ pour la gloire de Dieu le Père.
En premier lieu, j’appelle donc l’attention sur les grands principes développés dans l’épître aux Romains. On n’y trouve pas un mot sur l’amour de Dieu ni sur la victoire dont jouit le chrétien, jusqu’à ce que la question entière de la justice soit décidée. Au premier abord, il ne semble pas que ce soit le moyen le plus court de soulager le cœur, de lui donner la paix et la liberté ; pourtant c’est bien le moyen dont Dieu se sert. Dès les premiers versets apparaît ce mot toujours inflexible et accablant pour l’homme : « la justice de Dieu ». Cette justice en effet, place devant l’homme l’autorité divine et ne lui permet pas d’oublier le droit solennel que Dieu a de juger.
Jusqu’au moment où le péché fut entré dans le monde, il n’était pas question de justice. Qu’y avait-il à juger avant que l’homme se fût ruiné lui-même en même temps que la création dont il était le chef ? Auparavant, tout était très bon. Le jugement n’était donc nullement la relation normale entre Dieu et l’homme dans l’état d’innocence. Dieu n’agissait alors envers Adam que pour le combler de toutes les bontés dont s’accompagnait la création. L’homme ne faisait alors que se réjouir, et adressait à Dieu les actions de grâces d’une créature sans péché. Mais bientôt la scène fut changée et gâtée. La conscience acquise à l’homme par la connaissance du bien et du mal (connaissance du bien qu’il avait perdu et du mal qu’il avait acquis, gain amer du péché par lequel il avait été vaincu), cette conscience porta l’homme tout d’abord à cacher sa nudité puis à se dérober à la présence de Dieu. Hélas ! bien avant que la voix de Dieu ne prononçât contre lui la sentence judiciaire, la conscience de l’homme l’avait déjà condamné et banni moralement. Il sentait qu’il n’y avait plus place pour lui dans la présence de Dieu. La conséquence fatale fut manifestée dès ce jour-là, bien qu’elle ne se déclarât que progressivement, selon le bon plaisir de Dieu, et avec une clarté toujours croissante : le péché nécessitait le jugement.
Il s’ensuit évidemment que si l’homme devait être sauvé, il fallait qu’il fût appelé ; et cela par la gloire et par la vertu, comme il est dit au premier chapitre de la seconde épître de Pierre. C’est là le caractère de l’appel de Dieu. Il appelle l’homme à ce qu’il ne possède pas. Il ne s’agit pas seulement pour ce dernier de maintenir ce qui lui reste et d’en user sagement. Il a perdu sa possession originelle ; bien plus, il a perdu non seulement tout ce que Dieu avait placé au-dessous de lui, sous sa responsabilité, mais encore Celui qui était au-dessus de lui : Dieu Lui-même. Et sa propre conscience, nouvellement acquise, en portait le témoignage pénible mais véritable. C’est pourquoi Dieu l’appelle dans Sa grâce ; mais Il l’appelle par la gloire. Il l’appelle à ce qui ne se voit pas, tout en agissant sur lui par des motifs moraux comme frein pour le mal qui s’était introduit dans le cœur de l’homme et l’avait soumis à sa domination.
Tout cela est, sans contredit, développé dans le christianisme avec une force et une propriété incomparablement plus grandes ; toutefois, le principe n’en est pas moins vrai à partir du moment où l’homme tomba. Au moment convenable, Dieu fit des promesses ; et celles-ci, est-il besoin de le dire, agirent puissamment en ceux qui avaient la foi. Plus tard la loi fut donnée et avec elle une certaine connaissance du péché. Car la loi soulevait le problème de l’état de l’homme, question que les promesses ne touchaient point. Les promesses ne faisaient que présenter une bénédiction que Dieu donnerait assurément en Son propre temps. Elles ne dépendaient pas de l’état de l’homme mais de la Parole et de la volonté de Dieu agissant en grâce. Toutefois l’homme étant pécheur, il est évident qu’il ne serait pas bon pour lui de ne pas sentir son état réel. C’est pourquoi, les promesses étant données mais non encore accomplies, la loi fut introduite ; elle sonda l’homme, mettant en évidence sa méchanceté et son entière culpabilité ; elle prouva en outre que, même doué de la connaissance de sa méchanceté, il ne possédait ni la volonté ni la force d’amender ses voies.
Christ vint enfin. Soumis à la loi, Il aurait pu s’approprier les promesses. En effet, Il était l’héritier véritable aussi bien que le témoin fidèle — le seul qui ait jamais fait ressortir la beauté de la loi comme instrument moral ; le seul qui ait répondu à cette expression du droit que Dieu a sur l’homme. Seul Il justifia dans toutes Ses voies ici-bas Celui qui avait donné la loi. Mais s’Il s’était saisi des promesses comme se rattachant à l’observance de la loi, il est bien évident que personne n’aurait pu partager avec Lui l’héritage. C’est pourquoi dans la croix du Seigneur Jésus se fait voir une chose toute nouvelle : Lui qui avait accompli la loi, Lui, l’héritier même des promesses, au lieu de la couronne, prend sur Lui la malédiction — au lieu du royaume de Dieu, Il subit le jugement !
Alors s’accomplit cette œuvre, la plus merveilleuse de toutes : tout ce que Dieu ressentait contre le péché s’exprima contre Celui qui n’a pas connu le péché ; tout ce que, dans Sa sainte indignation, Dieu pouvait contre le mal, tomba sur Celui qui n’avait point commis le mal, dans la bouche duquel il ne se trouvait aucune fraude [És. 53, 9]. Lui, Son propre Fils, l’objet de Ses parfaites délices, de Sa pleine et éternelle faveur, fut abandonné au jugement impitoyable, Dieu agissant envers Lui comme jamais Il n’avait agi, ni ne le pourra jamais de nouveau envers aucun autre. La gloire même de la personne du Fils unique, qui Lui donnait la force de soutenir ce jugement, rendait cette colère d’autant plus insupportable. Le fait même qu’Il était Dieu, Sa qualité de Fils en rapport avec le Père (car Il possédait et la nature de Dieu et la connaissance du Père), ajoutait aux souffrances du Seigneur, à cette heure solennelle, une extrémité poignante, indicible. Mais, « c’est accompli… » [Jean 19, 30] ! Et, dès ce moment, la justice de Dieu n’est plus seulement promise ; elle commence à être révélée. Ce sujet-là n’est peut-être pas entièrement exposé dans les Romains ; mais cette épître en contient l’essentiel, notamment ce qui se rattache aux besoins de l’homme.
Dans la seconde épître aux Corinthiens, l’Esprit considère un autre aspect de la justice de Dieu : « ce que nous sommes faits en Christ ». À cet égard, le point principal c’est que Jésus est glorifié au ciel dans la gloire de Dieu. Il n’est fait que très brièvement allusion à cette vérité dans le chapitre 8 des Romains, le but de cette épître étant de présenter les bases du salut et de la paix avec Dieu, plutôt que la hauteur céleste à laquelle nous donne droit la justice divine. Ce dernier point de vue aurait pu contrarier le courant de l’Esprit occupé dans cette épître à faire ressortir la vie en Celui qui est ressuscité des morts plutôt qu’à révéler la gloire de Christ assis dans les cieux. Car ce qu’il y avait de plus absolument indispensable pour établir la base et la manifestation de la justice divine c’est que Dieu entrât dans la scène de la mort, là où Jésus s’abaissa comme sacrifice pour le péché, s’étant en grâce parfaite rendu responsable pour nous. Ensuite Il ressuscite Christ d’entre les morts, et enfin Le fait asseoir à Sa droite dans les lieux célestes.
En tout cela s’exprimait la justice de Dieu, comme conséquence de la croix. C’était ce que Dieu devait à Jésus ; une dette dont il Lui fallait s’acquitter soit comme Dieu, soit comme Père. Car Jésus était l’homme qui L’avait glorifié au plus haut degré, comme jamais auparavant Il n’avait été glorifié, et cela quant à ce qu’Il détestait le plus : le péché lui-même. Christ ne s’est rien épargné ; Il a tout enduré ; Il n’a pas cherché à montrer Sa gloire, Il l’a mise de côté. Il se plaça, pour ainsi dire, complètement entre les mains de Dieu, prenant sur Lui tout ce qui était dû à Dieu pour le péché. La conséquence en est que Dieu, aussi bien comme Dieu que comme Père, ressuscita par Sa propre gloire, celui qui était à la fois Fils et homme (Rom. 6, 4).
Mais cela même n’aurait pas suffisamment exprimé la valeur de l’œuvre et des souffrances de Christ. Aux yeux de Dieu, la croix méritait encore incomparablement davantage. Jésus y mourut, portant nos péchés en Son propre corps. Par la grâce de Dieu, Il goûta la mort pour tout [Héb. 2, 9]. Voilà ce qui détruisait la puissance de Satan, effaçait le péché, rapportait à Dieu une gloire infinie, et à cet égard Le rendait redevable envers l’homme, le Fils de l’homme. C’est pourquoi Jésus pouvait déclarer dans le chapitre 13 de Jean : « Si Dieu est glorifié en lui, Dieu le glorifiera en lui-même ; et incontinent il le glorifiera ». Sans attendre « l’administration de la plénitude des temps » [Éph. 1, 10], ce moment où Lui seront données la terre et toutes les nations de la terre, Dieu glorifie Christ en Lui-même immédiatement et dans le ciel. La justice de Dieu était en question, Sa gloire morale et céleste était en jeu. Il relève Christ d’entre les morts et Le place sur Son propre trône dans le ciel. Qui, excepté Dieu, eut jamais la pensée d’un tel dessein ? Sans doute, les Psaumes et d’autres passages contenaient des paroles inspirées qui ont pu être comprises après que Dieu eut agi de la sorte, et montrer que telle était déjà, dans le passé, la pensée divine. Mais glorifier le Fils de Dieu en Lui-même, c’est là un moyen d’exprimer la gloire dont Il couronna Jésus qu’on chercherait en vain dans la Parole jusqu’à ce que Lui-même le déclare au moment où Il allait quitter la terre.
Et pourtant, toute glorieuse qu’elle soit, cette portion ne suffirait pas à Dieu. Elle était personnelle à Christ et précieuse par-dessus tout ; mais Son œuvre s’appliquait à d’autres, et voilà le côté de la justice de Dieu que déploie l’épître aux Romains : savoir l’effet de Sa justice par rapport aux croyants plutôt que par rapport à Son Fils. Il souffrit sur la croix et fut exalté dans la gloire céleste ; mais que deviendraient ceux pour lesquels Il mourut ? Dieu les laisserait-Il dans leurs péchés ? Serait-il juste que Jésus fût ainsi traité ? Comment estimer à sa pleine valeur l’œuvre accomplie par le Fils de l’homme pour Ses brebis perdues qu’Il était venu chercher et sauver ? Avait-Il échoué ou au contraire vaincu dans cette puissante entreprise ? Il avait souffert et Il était mort pour eux et pour leurs péchés : qu’en est-il résulté ? La réponse se trouve dans l’épître aux Romains qui nous présente la conséquence de cette vérité pour l’homme dans le péché : il est mis au bénéfice de la justice de Dieu « envers (ou pour) tous, et sur tous ceux qui croient ». Le troisième chapitre, auquel nous empruntons ces paroles (v. 22), nous apprend que la justice de Dieu a satisfait entièrement aux péchés. Nous y trouvons l’expiation, ou la propitiation, pour les péchés des hommes. Mais ce chapitre prouve que la mort de Christ ne se borne pas à répondre aux besoins de l’homme : tout se rapporte maintenant à la gloire de Dieu. « Les hommes n’atteignent pas à sa gloire » [v. 23] ; mais si Dieu introduit Son salut, ce doit être pour rendre l’homme capable de se tenir en Sa présence dans le ciel. Si le salut s’accomplit, ce n’est pas simplement pour réinstaller l’homme où il était avant sa chute, mais bien pour lui fournir la capacité de se tenir dans la présence de la gloire de Dieu.
Eh bien ! c’est ce qu’exposent les chapitres 4 et 5, en nous montrant par quel moyen s’accomplit cette œuvre. Non pas cette fois par la mort de Christ, mais par Sa résurrection. « Il fut livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification » [4, 25]. Et c’est aussi la foi qui s’empare de ce complément glorieux de l’œuvre de Christ pour nous. « Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu » (chap. 5, 1).
C’est là, remarquons-le, que, pour la première fois dans cette épître, nous trouvons la paix avec Dieu, l’accès à cette faveur dans laquelle nous sommes, et notre privilège de nous glorifier dans l’espérance de la gloire de Dieu. L’épître aux Romains ne nous considère jamais, ainsi que le fait celle aux Éphésiens, comme actuellement unis à la gloire ; mais elle nous représente comme capables, ici-bas, d’abonder dans l’espérance de la gloire que nous avons en perspective.
Puis, au milieu des tribulations, dont nous pouvons tirer de quoi nous glorifier, il est dit que nous avons l’amour de Dieu versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné [5, 5]. Ainsi la première allusion à l’amour de Dieu n’apparaît qu’après que la justice de Dieu a été expliquée aussi complètement que l’exigeait cette épître. Pour quelle raison ? Parce que Dieu voulait d’abord produire en ceux envers lesquels Il agissait avec tant de grâce un sentiment profond, solennel, du péché. Je ne dis pas que c’est ainsi que nous devions agir envers une pauvre âme inquiète ; mais, en fait, l’épître aux Romains ne s’adresse pas à ceux qui sont inquiets et troublés dans leur conscience. Il ne s’agit pas là de gagner à Dieu des âmes non encore converties. Avec celles-là, rien de plus important que de démontrer l’amour : et c’est là d’abord ce que fait Jésus. Il attire l’attention, gagne la confiance, puis Il éveille la conscience avant de la mettre dans la parfaite liberté telle que nous la connaissons par le Saint Esprit depuis que l’œuvre est achevée. Mais dans nos rapports avec ceux qui croient, et surtout avec les âmes qui ont saisi la bénédiction de l’évangile sans que la conscience ait été bien profondément labourée, il est de toute importance de présenter avec la plus grande clarté possible le côté de la justice de Dieu et de comprendre distinctement que l’évangile est « la puissance de Dieu pour le salut » [1, 16] parce qu’il est la justice de Dieu. C’est là le raisonnement de l’apôtre dès le premier chapitre de l’épître.
Jusqu’au chapitre 5, 11, nous voyons ainsi en présence : des pécheurs coupables, et un Dieu qui, à Sa manière propre, vient au-devant d’eux tels qu’ils sont, dans leurs péchés. Mais alors, pour l’âme réveillée qui a trouvé la paix, un sujet de plus grand tourment encore apparaît : ce ne sont plus ses péchés mais son péché ; non pas ce qu’elle a fait, ce dont elle est coupable, mais son état même devant Dieu. Après sa conversion, après avoir trouvé la paix, voici cet homme qui découvre la misère de son état, qui voit dans son cœur des replis de méchanceté qu’il ne pouvait croire possibles chez un enfant de Dieu ; replis qu’aucun homme ne soupçonne avant d’en faire l’expérience personnelle. La Parole de Dieu en parle bien, mais l’homme passe outre et ne s’arrête pas à ces passages. À vrai dire, du reste, personne ne comprend la chose avant d’en avoir fait l’expérience personnelle une fois que le cœur est véritablement amené à Dieu.
C’est la grande lacune du christianisme de nos jours, et depuis bien longtemps assurément. Il laisse les âmes, je puis bien le dire, à demi sauvées ; il leur présente des vérités partielles, mais il ne leur apprend pas qu’elles sont en Christ. Je ne veux pas dire que l’expression « en Christ » n’est jamais employée ; mais qu’en lisant ce passage : « il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus » [8, 1] — la plupart des personnes n’y comprennent rien, sinon que Christ est mort et ressuscité pour elles, et que par conséquent elles sont justifiées devant Dieu. Mais c’est loin d’être toute la signification de ce passage. Dès le milieu du chapitre 5, le Saint Esprit soulève une question nouvelle, à savoir : la culpabilité de l’homme, sa nature pécheresse, la manière dont Dieu y répond et dont une âme peut être délivrée. Tout cela a été décidé ; et c’est là la doctrine propre de l’épître aux Romains du chapitre 5 au chapitre 8. C’est une instruction de la plus haute importance pour l’âme qui a déjà trouvé Christ. Non seulement elle me révèle un Sauveur mort pour mes péchés, et ressuscité pour ma justification ; mais elle m’apprend que ma vieille nature a été jugée, condamnée dans la mort de Christ. « Comme par un seul homme le péché est entré dans le monde… ». Il ne s’agit donc pas de ce que j’ai fait mais de ce que je suis.
Tous mes péchés étant effacés et pardonnés, je puis me trouver encore dans un état misérable pour moi-même, et plein de déshonneur pour Dieu. D’où vient cet état ? Il a été introduit par un seul homme : Adam. Mais, de même que ce premier homme a introduit le péché et la mort, Christ, le second homme, a accompli, Lui, la justice, et « la grâce règne par la justice pour la vie éternelle, par Jésus Christ notre Seigneur » (5, 21). Voilà la délivrance. Il ne s’agit plus de pécheurs condamnés par la loi, mais d’Adam à une extrémité et de Christ à l’autre. Aucun Juif ne pouvait nier les conséquences de la position d’Adam à l’égard de toute sa race. Le monde était ruiné avant même que la loi n’entrât ; et la loi, loin de réparer la ruine, ne fit qu’imposer à l’homme de nouvelles entraves. Elle ne pouvait que prouver plus complètement l’étendue de la ruine. Mais maintenant était venu un autre homme, Jésus qui passa, par la mort, dans la vie de résurrection. Par conséquent, depuis le verset 12 du chapitre 5, le Saint Esprit aborde une question toute nouvelle : ce n’est plus la justification par le sang, c’est la justification de vie. Il n’est pas question de ce que le Seigneur a fait, mais d’un état nouveau, d’une condition fondée sur la rédemption et déployée dans Sa résurrection.
Christ a magnifié Dieu en toutes choses ; et ce qui était absolument nécessaire pour la gloire de Dieu constitue en outre une part essentielle de notre bénédiction, parce que nous possédons réellement un Christ entier. Quand il s’agit de ce qui fait face à notre état de péché comme hommes, l’Écriture ne fait pas ressortir ce que Jésus fit ici-bas, mais ce à quoi Il fut élevé. C’est pourquoi, de même qu’Adam n’est devenu chef de race qu’après être devenu pécheur (on pourrait dire, quand il eut accompli l’œuvre du péché), de même, le Seigneur Jésus ne devient Chef, le Chef reconnu et révélé — « un Esprit vivifiant » [1 Cor. 15, 45] — qu’en entrant en résurrection. C’est seulement lorsqu’Il eut déposé Sa vie dans la mort que l’œuvre fut achevée. C’est alors que le grain de froment, qui était tombé en terre et était mort, maintenant ressuscité, pouvait porter du fruit en abondance [Jean 12, 24].
Le chapitre 6 applique ce principe au péché qui tourmentait le croyant. Le point principal de ce chapitre n’est pas que nous sommes ressuscités mais que nous vivons à Dieu en Christ ressuscité. Le raisonnement de l’apôtre ne va pas ici comme dans l’épître aux Colossiens jusqu’à contempler celui qui croit comme ressuscité avec Christ (dans les Éphésiens, il est même assis en Christ dans les lieux célestes [2, 6]). Car, si je suis ressuscité, je ne puis en même temps me tenir pour mort ; ce serait une contradiction dans les termes. Une telle erreur est exclue par le raisonnement même ainsi que par la portée de chacune de ces deux épîtres, et c’est un point d’une très grande importance comme on le verra dans l’Écriture. Aussi dans les Romains, le croyant n’est-il jamais considéré comme ressuscité : il est simplement « mort au péché et vivant à Dieu » [6, 11]. Mais c’est là justement ce qui me fournit une délivrance bien merveilleuse pour la pratique ; délivrance à laquelle j’ai droit dès le premier moment de ma carrière chrétienne, dès que je reconnais le Seigneur Jésus et que je suis baptisé en Son nom.
Le baptême est un signe de mise à part, un sceau mis sur quelqu’un dans un but déterminé. On est baptisé pour quelqu’un ou quelque chose. Pour quoi donc suis-je baptisé ? Pour la vie de Jésus, pour ce qu’Il a fait ? Non pas ; c’est pour Sa mort que je suis baptisé. Mon point de départ est cet acte infini de grâce divine qui a répondu à mon état et non seulement à mes péchés (pour ceux-ci en effet, je trouve Son sang précieux). Ce n’est pourtant pas pour le sang de Christ que je suis baptisé mais pour Sa mort — expression plus vaste et plus profonde. Voilà ce qui répond à ma condition comme pécheur — comme homme « vivant au péché ». J’ai besoin d’être délivré de cette condition. Or la seule délivrance possible d’un état de péché, c’est la mort. C’est là précisément ce qu’il me fallait. Je ne suis pas seulement pardonné, chose nécessaire et du plus haut prix. Mais ce n’est pas là tout ce qui est appelé le salut. J’ai besoin de me voir appliquer la mort de Christ et Sa vie au-delà de la mort, aussi bien que Son sang précieux : et c’est là ce que je possède en Christ. Dieu soit béni, j’ai le droit de considérer la mort de Christ comme satisfaisant pleinement à ma condition quant à toute la racine du mal.
De sorte que j’ai le bonheur de savoir non seulement que je suis pardonné par Son sang, mais que, ressuscité par Lui, j’ai le droit de me tenir pour mort à tout péché demeurant en moi, péché qui serait autrement un fardeau insupportable. Une bénédiction du plus haut prix résulte d’un Christ mort et ressuscité. Avec la rémission des péchés, une délivrance plénière m’est accordée. Celui-là seul qui est mort est quitte du péché ; mais pour le péché, il me faut la mort de Christ dans sa pleine efficace. Elle seule répond à nos besoins. Car Celui qui est mort est ressuscité dans un état tout à fait nouveau où ne saurait jamais reparaître la terrible question du péché ni de son expiation.
La bénédiction entière de Christ est la part du croyant et cela dès qu’il croit. Ce n’est pas quelque chose que l’homme atteint par degrés, et qui donnerait une certaine valeur à ses expériences : cela ne tendrait qu’à l’exposer tristement à être content de lui-même et, par suite de la subtilité de son cœur, à lui fournir le moyen de dépouiller Christ sous prétexte d’honorer l’œuvre de l’Esprit de Dieu au-dedans de lui-même. C’est là précisément, hélas ! malgré le soin de Dieu à nous mettre en garde dans l’Écriture et dans les faits du christianisme (lire l’épître aux Galates), c’est là que trébuchent tant de chrétiens ; et voulez-vous savoir pourquoi ? Parce qu’ils se remettent sous la loi. Lorsque Dieu était occupé de fait de Son peuple Israël, Il leur donna Sa loi qui agissait en frein, une espèce de mors, de bride pour leur chair rebelle. D’une part il fallait réprimer celle-ci ; de l’autre, pour ainsi dire, la pousser. Mais revenir aujourd’hui à la loi dans une bonne intention en visant à la piété, c’est simplement renier le christianisme. Car la loi, au lieu d’être une règle de vie, est nécessairement une règle de mort pour celui qui a le péché dans sa nature. Loin d’être une puissance libératrice, elle ne peut que le condamner ; loin d’être un moyen de sainteté, elle est de fait, et d’après l’apôtre, la force du péché.
Ce qu’il me faut avant tout, c’est la délivrance. Et comment l’obtenir ? Par la mort. Dois-je mourir moi-même ? Ce serait ma destruction, et non mon salut ; ce n’est pas là non plus l’enseignement de l’Écriture. Mais en me reposant sur la mort de Christ, je puis, avec l’apôtre, mourir chaque jour (1 Cor. 15, 31), je puis, selon la mesure de ma foi, me soumettre au mépris du monde, m’exposer à ce qui m’obtiendra de Sa part et la mise à l’écart et la souffrance. C’est la gloire du chrétien — tout en se séparant ainsi — d’avancer avec humilité, et pourtant avec hardiesse, dans le sentier qui est semé de toute l’amertume de l’épreuve. Mais que me faut-il comme point de départ ? Si j’avais à mourir graduellement à ma nature mauvaise, il y aurait occasion pour moi de me glorifier moi-même. Or il n’en est pas ainsi ; et de là l’importance de la vérité démontrée dans le baptême du chrétien. L’homme commence à professer Christ en confessant Sa mort et Sa résurrection. Que signifie le baptême ? Que le Sauveur qu’on a confessé n’est pas vivant sur la terre, mais mort et ressuscité. « Tous ceux qui sont baptisés pour Jésus Christ sont baptisés pour sa mort » [6, 3].
Outre le sang, il y a Sa mort ; c’est elle qui a affaire avec ma nature, et me met en liberté devant Dieu en Christ ressuscité. Plus je reçois cette vérité avec simplicité, mieux cela vaut. Dans les choses de Dieu, il n’y a rien de comparable à la simplicité ; et la vraie foi est celle qui reçoit Sa Parole (même encore peu comprise) sur Sa propre autorité. Si Dieu me dit, à moi chrétien, que je suis mort, dois-je le croire ou non ? Si donc il est incontestable que je suis mort, ne dois-je pas aussi croire les conséquences que Sa Parole en déduit pour moi ? Quelles sont ces conséquences ? Que mon jugement est tombé sur Christ, que Lui ressuscité est la puissance et le garant de ma délivrance, et que l’homme et le monde n’ont plus aucun droit sur moi, puisque j’appartiens désormais à un autre, savoir à Celui qui est ressuscité des morts ? Quel droit peut-on encore exercer sur un homme qui est mort ? Aucun ! Il ne reste qu’à l’ensevelir. La loi n’a plus d’application envers les morts : non qu’elle perde sa force, mais elle n’a plus sur qui s’exercer. Son autorité se limite à des hommes vivants dans le monde. Or je suis moralement sorti de cet état-là par la mort et la résurrection de Christ ; de sorte que pour ce qui est de ma vie proprement chrétienne, je ne suis plus vivant dans le monde. Je suis mort à la chair et au monde ; et c’est bien là mon point de départ dans le baptême et dans ma profession du Seigneur Jésus. En tant qu’homme naturel, je vivais ; mais un Christ mort et ressuscité a terminé tout cela pour moi. Ce n’est pas seulement que je crois en Christ et que je connais le pardon de mes péchés par Son sang précieux ; la Parole de Dieu me donne encore le droit de savoir et de déclarer que, dans la mort de Christ, je suis mort moi-même.
La vertu du sang de l’agneau pascal était expérimentée en Égypte même, mais la mer Rouge séparait manifestement le peuple du pays de la servitude afin que, racheté et délivré, il fût désormais seulement au Seigneur. Il est donc absolument nécessaire que la marche du chrétien s’effectue dans la pure lumière de la grâce de Dieu. « Nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce » [6, 15]. Le sixième chapitre des Romains insiste sur ce point. Et c’est là une marche aussi humble que sainte, où la chair ne compte pour rien ; aussi n’y est-il pas dit un mot de la loi, si ce n’est pour déclarer expressément celui qui croit complètement affranchi de sa juridiction. Elle n’est pas faite pour un homme juste, et c’est bien sûrement ce qu’est un croyant. Sa force est contre les injustes ; elle s’applique aux méchants qui vivent dans le monde, soit que les hommes lâchent la bride à la chair impure, soit qu’ils se retranchent dans les prétentions religieuses de la chair exaltée. C’est pour de telles personnes qu’est la loi (1 Tim. 1, 9). Mais, quant au chrétien, il commence par la mort de sa nature, ce qui est le sens du baptême chrétien. Ce qui est si terrible pour le cœur naturel, la mort, devient pour le chrétien sa bénédiction. Mais c’est dans la mort de Christ qu’il est un homme mort devant Dieu, mort à tout ce en quoi il vivait auparavant. Et maintenant il jouit, comme faisant partie de la grâce de Dieu à son égard, du privilège de se tenir pour mort au péché et vivant à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur.
Voilà un des privilèges auxquels l’Esprit Saint applique la mort et la résurrection de Christ ; et à ce privilège se rattache une grave responsabilité. Remarquons encore qu’il ne s’agit pas de nos péchés, ni de la grâce de Dieu qui nous en purifie dans le sang de Christ. Le péché comme tel, la nature charnelle, trouve son juste sort, sa fin en condamnation, dans la mort de Christ qui, ressuscité, communique une vie nouvelle, une nature spirituelle, dans la puissance de Sa résurrection. Cet homme est mon Sauveur et cette nouvelle nature devient ma part dans la nouvelle création ; car, « si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création : les choses vieilles sont passées ; voici toutes choses sont faites nouvelles » [2 Cor. 5, 17]. La deuxième épître aux Corinthiens peut développer cette doctrine, car elle s’occupe de la gloire de Christ et non pas seulement de la justice de Dieu comme base du salut, ce qui est le sujet de l’épître aux Romains.
Le chapitre 7 de cette épître traite la question de la loi. Bien que ce ne soit pas à proprement parler notre sujet, remarquons que nous trouvons ici, de la part de Dieu, une aussi pleine délivrance de cette difficulté-là que de celle dont traite le chapitre 6 par rapport au péché. « C’est pourquoi, frères, dit l’apôtre, vous aussi êtes morts à la loi par le corps du Christ » [v. 4]. Que signifie cette expression : « le corps du Christ » ? Personne ne l’emploierait pour décrire la vie de Christ ici-bas. Mais appliquez-la à Sa mort et tout devient simple. « Vous aussi, vous avez été mis à mort à la loi par le corps du Christ, pour être à un autre ». Est-ce comme à Celui qui versa Son sang pour vous ? Non pas ; mais comme à Celui « qui est ressuscité d’entre les morts, afin que nous portions du fruit pour Dieu. Car quand nous étions dans la chair… », continue l’apôtre, preuve que nous n’y sommes plus maintenant. Et c’est là ce qu’il nous faut. Mais ceux qui insistent sur la loi comme règle de vie du chrétien, lorsqu’il font allusion à cette expression de l’apôtre, « vous n’êtes pas dans la chair », lui prêtent un sens erroné ; ils entendent par là notre ancienne condition d’inconvertis. En réalité cette expression va plus loin. Quelle est, en effet, l’expérience que nous présente le Saint Esprit à la fin du chapitre ? Celle d’un homme misérable, mais évidemment converti. Il lui a été donné de revenir à Dieu ; il déteste le péché, pourtant il y tombe toujours. Il aime la sainteté, mais jamais il n’y atteint. Ses sentiments sont droits ; mais, pour faire le bien ou éviter le mal, aucun effort ne lui réussit. Le mal est présent ; le bien semble toujours lui échapper. Telle est l’expérience de son cœur ; je ne parle pas de sa vie extérieure ; car ce n’est pas là la question, c’est quelques chose de bien plus profond. Il peut n’y avoir aucun péché manifeste, mais le péché est tristement à l’œuvre au-dedans de lui.
Ce que l’apôtre rapporte ici à lui-même, comme pour se l’appliquer, c’est l’amertume d’une âme qui pensait n’avoir plus que bénédiction, et qui pourtant ne s’est jamais trouvée aussi malheureuse dans sa vie. Avant d’être régénéré cet homme aurait pu goûter les plaisirs du monde qui ne donnent pas de vraie satisfaction. Maintenant il a tourné le dos au monde et la face vers Dieu ; et pourtant jamais il n’a connu une si grande misère, au point qu’il finit par pousser ce cri de douleur : « Misérable homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? » [v. 24]. Dès lors l’obscurité disparaît, la lumière se fait et apporte le calme et la sérénité. C’est donc l’expérience d’une âme qui avait connu Christ comme son espérance, une âme née de Dieu, et n’ayant néanmoins aucun sentiment de délivrance. Dieu lui laisse sentir son mal propre, intérieur, jusqu’à ce qu’elle regarde tout à fait hors d’elle-même à Christ, comme son libérateur, non seulement de la condamnation et de la colère, mais « de ce corps de mort ».
Ce ne sont pas tant ses péchés, c’est le péché qui tourmente cette âme et cela d’autant plus que sa conscience est devenue plus sensible à ce qui est dû à Dieu. Mais ne connaissant suffisamment ni la grâce, ni la rédemption, ni Dieu, ni son propre cœur, elle est dans le plus grand désarroi jusqu’à ce qu’elle apprenne la réalité, la nature et l’étendue de la liberté en Christ. Aussi c’est précisément à cette angoisse et à cette perplexité que le Saint Esprit fournit la réponse au chapitre 8. Il commence par m’apprendre la portée de la délivrance que Dieu dans Son amour a déjà assurée à mon âme. Il m’apprend que, plus tard, une délivrance aussi entière interviendra pour mon corps mortel. Ainsi donc la parfaite délivrance, déjà accomplie en grâce, devient le gage de tout ce qui suit dans la gloire. Si, en parlant de ce que Dieu donne maintenant, je me sers du mot « partiel », c’est simplement en raison de la coexistence du corps et de l’âme. Pour tout ce qui regarde l’âme, la délivrance est parfaite, mais elle ne l’est pas pour le corps ; elle est accomplie pour l’homme intérieur, non encore pour l’homme extérieur.
C’est ce que l’apôtre nous présente dans les premiers versets du chapitre 8 des Romains : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation », proclame-t-il, parce qu’il n’envisage que Christ ; il « est » et se repose en Lui seul. Telle est la première et bienheureuse réponse à l’âme qui confesse sa misère et réclame un libérateur. Réveillé pour sentir que ce n’est pas le pardon seul qu’il lui faut, mais bien d’être délivré de soi-même, l’homme découvre que cette délivrance est dans un autre. Il s’était imaginé jusque-là qu’ayant obtenu le pardon en Christ, il lui fallait se délivrer par l’opération intérieure de l’Esprit de Dieu. Mais au moment même où son secours lui était le plus nécessaire, il a appris que l’Esprit Saint, non seulement ne l’aidait pas, mais le rendait profondément misérable. La raison en est claire : en fait il s’était placé sous la loi. Et le Saint Esprit — précisément parce qu’Il est l’Esprit de Dieu descendu pour glorifier Christ — ne donnera jamais la puissance à l’homme tant que celui-ci cherchera à mettre la loi à la place de Christ ; au contraire, Il lui fera éprouver son impuissance totale. Le Saint Esprit est descendu du ciel sur la terre pour glorifier le Seigneur et non pas la loi.
C’est dans les gémissements que le croyant du chapitre 7 avait appris l’impossibilité de se délivrer lui-même. Réduit à se tourner vers le Libérateur, la conclusion qu’il en tire c’est « qu’il n’y a aucune condamnation » — non pas pour ceux pour lesquels Christ mourut — mais « pour ceux qui sont dans le Christ Jésus ». Nous sommes maintenant par grâce établis dans un autre : Christ ressuscité. Voilà ce qui détermine notre condition devant Dieu. Rien ne peut être plus béni. La comparaison suivante pourra aider à s’en faire une faible idée. Prenez un homme noble, dont les sentiments sont à la hauteur de sa situation sociale. Il fait choix d’une femme et il lui plaît de la prendre dans un milieu tenu pour indigne. Qu’en résulte-t-il ? Celle qu’il a choisie et qui devient sa femme acquiert de ce fait, publiquement, l’état propre à son mari, et tous les antécédents, la misère, l’humiliation disparaissent entièrement. Aux yeux de tous la femme prend un nouveau nom, celui de son mari ; le sien propre est à jamais abandonné. Il en est de même pour ceux qui sont dans le Christ Jésus. Quelle est leur place ? Là où Lui se trouve. Ma position ne peut être celle de Jésus marchant sur la terre. En tant qu’exemple parfait nous sommes invités à Le suivre, mais Il « demeure seul » [Jean 12, 24]. S’il n’y avait eu que Sa vie, j’aurais été à jamais exclu. Mais Christ est mort, bien plus, Il est ressuscité, Il peut me donner Son Esprit. Sa mort a agi de deux manières à l’égard du mal : les péchés ne sont plus, mais aussi la nature même est jugée, saintement et justement. Dès lors, Dieu peut révéler la nature nouvelle qu’Il a donnée, et conférer une position correspondante.
Christ ressuscité est le seul chef de la famille de Dieu (à l’exception de l’allusion au « seul corps en Christ » que nous trouvons au chapitre 12, 5, l’épître aux Romains ne va pas au-delà de la famille). Or ici je trouve la demeure et la condition de cette famille devant Dieu, comme résultat de la mort et de la résurrection de Christ. « Me voici, moi et les enfants que Dieu m’a donnés », déclare Jésus ressuscité (Héb. 2, 13). La grâce fait participer la famille tout entière à l’état même de Christ. Et quel en est le résultat pour eux ? « Aucune condamnation ». Christ avait souffert pour le chrétien, et maintenant qu’Il est ressuscité, le chrétien, pour ainsi dire, fait partie de la justice de Dieu, ainsi que 2 Corinthiens 5, 21 l’affirme avec plus de force encore. Comment Dieu pourrait-Il, en justice, exiger une seconde fois le paiement de la même dette ? Et désormais Christ est entré dans cette position où Il pouvait avoir avec Lui Ses rachetés, identifiés avec Sa propre bénédiction devant Dieu, bénédiction caractérisée par le fait qu’il n’y a « aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus ».
Et puis vient la raison : ce que l’apôtre appelle « la loi de l’Esprit de vie ». Remarquons bien que le sang de Christ n’est pas tout ce dont nous avons besoin. Si efficace qu’il soit pour faire disparaître les conséquences de notre ancienne condition, ce n’est pas ce sang qui nous donne une position nouvelle devant Dieu. Certes, sans Son précieux sang, je ne pourrais jamais entrer dans cette condition nouvelle. Mais ce qu’il me faut ce n’est pas seulement le sang qui nettoie les péchés de ma vie passée, mais encore l’affranchissement complet hors de l’ancienne condition et une place sainte, sûre et joyeuse dans la création nouvelle. Et qu’est-ce qui peut produire cela ? Christ mort et ressuscité. De même que c’est Lui qui a été la parfaite propitiation pour les péchés ; qui, plus que cela, fut jugé pour le péché ; de même c’est Lui qui est le modèle béni et la puissance du nouvel état en résurrection. Il est le chef et la source de toute la bénédiction. Voilà pourquoi lorsqu’Il fut ressuscité des morts, après avoir, au prix de Son sang, acquis les bénédictions les plus chères et les plus hautes, Il souffla sur les disciples [Jean 20, 22] : Sa personne adorée en accorde le signe. Le jugement était tombé sur Christ au lieu de tomber sur nous ; le péché était aboli, la mort vaincue ; rien ne peut affecter la vie nouvelle qui est en Christ. Ce n’est pas qu’un chrétien ne puisse tomber dans le péché, comme il peut aussi mourir. Mais ce n’est pas parce qu’il possède la vie nouvelle qu’il pèche ou qu’il meurt. Il pèche, parce qu’il a cédé à la vieille nature ; il meurt, parce qu’il plaît à Dieu que Jésus ne vienne pas encore. La vie que le chrétien obtient de Jésus ne pèche, ni ne meurt. C’est une vie sainte, au sujet de laquelle Dieu peut déclarer : « Quiconque est né de Dieu ne pratique pas le péché » (1 Jean 3, 9). De même, quant à la nature nouvelle, le chrétien ne meurt pas, puisqu’il n’a rien moins que la vie éternelle du Christ. Mais répétons que toute cette délivrance n’est au profit que de l’homme intérieur. Quant à l’âme, la réconciliation est complète ; mais pour ce qui regarde le reste de notre être, elle n’est que partielle. Et Dieu ne se contentera jamais de ce qui n’atteint pas à Ses propres conseils. Il se propose de nous affranchir complètement, et cet affranchissement sera digne de Lui-même, du Saint Esprit, de Christ et de Sa rédemption.
Plus loin, l’apôtre donne la raison pour laquelle la loi de l’Esprit de vie en Christ a affranchi le chrétien de la loi du péché et de la mort. Il dit : « Ce qui était impossible à la loi en ce qu’elle était faible par la chair, Dieu l’a fait… » [v. 3]. Remarquez que la loi et la chair vont naturellement ensemble : la loi, dit l’apôtre, était faible par la chair. Pour répondre à cette impuissance, Dieu a envoyé Son propre Fils en ressemblance de chair de péché. Né de femme, mais par puissance surnaturelle, cet Être béni n’a pas refusé de se trouver dans un monde souillé par le péché. Il n’est venu qu’« en ressemblance de chair de péché », et pourtant Il est véritablement né dans le monde ; condition nécessaire pour qu’Il participe à la nature humaine. Celui qui était Fils de Dieu devient homme aussi véritablement qu’Il était Dieu de toute éternité, et meurt dans la nature qu’Il avait prise, meurt pour l’homme, meurt pour glorifier Dieu quant aux péchés de l’homme ; plus encore, Il meurt non seulement pour les péchés, mais pour le péché. « Dieu envoya son propre Fils en ressemblance de chair de péché, et pour le péché ». Ce n’est pas seulement d’une accumulation de péchés mais de la nature même qu’il est ici question. Le pardon de mes péchés m’est indispensable et je le possède ; mais comment pourrais-je désirer que Dieu pardonne à ma mauvaise nature ? Je ne lui pardonne pas moi-même ! Non, ce qu’il me faut, c’est que cette nature soit condamnée et que moi je sois affranchi. Et c’est là exactement le caractère du nouvel état dans lequel Christ nous introduit et nous place devant Dieu. Quant à l’âme, c’est la liberté parfaite ; la délivrance, non seulement de ce que j’ai fait, mais de ce que je suis. De sorte que, comme chrétien, je n’ai plus affaire avec la responsabilité qui s’attache à l’homme mortel ; je suis déjà passé à un état nouveau, lors même que je suis encore dans le monde. Avant de quitter les choses d’ici-bas, j’ai déjà acquis par grâce une relation nouvelle envers Dieu. Et Celui qui proclame cette relation, qui l’établit, qui en est le modèle, c’est Jésus dans la présence de Dieu. Telle est, en vertu de la rédemption, la place du croyant ; et elle appartient à tous les chrétiens.
La question sérieuse est de savoir si nous occupons cette place réellement et d’une manière consciente. Selon l’Écriture, nul ne peut douter que Dieu n’ait véritablement destiné cette position aux siens. Mais la foi devrait y entrer dès à présent, la réaliser en regardant à Christ. C’est se tromper soi-même et se méprendre sérieusement sur la Parole de Dieu, que de supposer que l’homme puisse au même instant être engagé dans la lutte entre le mal et le bien, décrite au dernier verset de Romains 7, et jouir de la liberté de Romains 8. Un homme peut-il être au même instant esclave et libre ? Ce sont deux états qui se contredisent et s’excluent mutuellement. Personne ne peut être à la fois misérable et heureux, à la fois « affranchi de la loi de la mort et du péché » et « charnel », « vendu au péché ». Mais après avoir été « misérable », on peut dire : « Je rends grâces à Dieu ».
On peut être accablé sous des épreuves répétées, tout en jouissant de la paix dans le Saint Esprit ; on peut avoir la paix avec Dieu et souffrir pourtant profondément à cause de l’état du monde et de celui du peuple de Dieu. Cette douleur pleine de grâce pesait sur notre bien-aimé Sauveur ici-bas, et provoquait Ses soupirs. Or nous pouvons et devons connaître la communion de Ses souffrances. Mais ces soupirs n’étaient pas ceux de quelqu’un à qui manquait la paix de Dieu. La communion ininterrompue est précisément ce que posséda sans cesse le Seigneur Jésus dans les jours de Sa chair. Ne dit-Il pas, en effet : Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix [Jean 14, 27] ? Eh bien, cette paix est maintenant notre part. Elle a été faite par Son sang, établie pour nous dans la puissance de Sa résurrection ; mais nous n’en jouissons qu’après avoir laissé derrière nous les tourments décrits dans le chapitre 7. Hélas, combien d’âmes vivifiées s’attachent encore à la loi et se font un devoir de travailler comme des forçats à la rame de cet amer esclavage, alors que Dieu les appelle à la liberté du Christ ! Elles ne sont pas mortes à la loi. La mort de Christ nous place absolument en dehors de cette condition-là. Si un homme emprisonné pour ses dettes vient à mourir, la justice ne peut plus rien exiger de lui. Tant qu’il est en vie, la loi s’applique à lui ; mais que la mort survienne, et il est impossible dès lors que la justice le retienne. Pour le chrétien, il en est précisément de même.
Certains traitent tout cela de mysticisme. Sans doute est-ce dans un style figuré que l’apôtre nous parle, mais c’est pour rendre plus expressive une bienheureuse réalité. Ceux qui n’y croient pas en toute simplicité se privent de la certitude et de la puissance qui en découlent. Prendre la loi comme règle de vie, c’est éprouver aussitôt son esclavage. La loi est la force du péché et non de la sainteté. C’est la défaite qui en est la fin, non la victoire. Ce n’est jamais ainsi qu’on trouve la force ; celle-ci est le fruit de la grâce et non pas de la loi. Quand une âme est ainsi sous la loi, plus le Saint Esprit agit sur la conscience, et plus cette âme est malheureuse ; il s’ensuit que ce sont souvent les plus consciencieux qui en sont là. Osera-t-on affirmer que c’est là l’ordre de Dieu ? Est-ce bien Son œuvre qu’un chrétien pieux et consciencieux demeure privé d’une joie paisible et du repos en Christ ? Qu’est-ce qui explique un état si étrange, sinon le fait que l’âme n’a jamais compris la condition de mort à la loi dans laquelle Christ voulait l’établir ?
La mort au péché par la mort de Christ est une vérité essentielle du christianisme. Celui qui borne l’évangile au pardon par le moyen du sang de Christ ; qui, dans l’œuvre de Jésus, n’admet rien de plus que Sa mort pour les péchés, celui-là n’a pas saisi le côté positif du christianisme. Savoir que toutes mes œuvres mauvaises et ma culpabilité sont entièrement effacées est une immense bénédiction de la part de Dieu ; mais cela tout seul est comparativement négatif, et explique pourquoi tant d’enfants de Dieu s’acharnent à établir un terrain positif de justice à partir de la vie de Christ prise pour modèle. Or le côté positif existe aussi bien que le côté négatif ; seulement il se trouve au-delà de la croix, dans la résurrection — et non pas sous la loi, avant la mort de Christ.
Ainsi le chrétien apprendra qu’il a besoin de tout ce que Dieu lui a donné — y compris cette précieuse vérité. Être mort à la loi est une partie essentielle de la bénédiction du chrétien. L’ignorer, c’est méconnaître tout le côté positif du christianisme révélé dans les Romains depuis le verset 12 du chapitre 5 jusqu’au chapitre 8. Je ne parle même pas des épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens, épîtres qu’on ne doit jamais s’attendre à voir comprises par ceux qui se retranchent sur le terrain de la loi. Je limite mon sujet à ce dont le chrétien a besoin pour la liberté et l’affermissement de son âme. Remarquez que, jusqu’à ce que nous en soyons arrivés là, il n’est pas question de victoire ni d’être « plus que vainqueurs » [8, 37], la joie et les soupirs de l’Esprit, ce travail intime de Dieu dans l’âme, sont absents jusqu’à ce qu’on soit solidement affermi sur le terrain précieux où nous placent la mort et la résurrection du Seigneur Jésus Christ. Que Dieu garde Ses enfants d’abandonner ce qu’Il a fait et déclaré pour leur délivrance et pour la victoire pratique ! L’Écriture est bien claire : comme toujours l’obscurité et les difficultés viennent d’ailleurs : de ce que le cœur recule devant une condamnation de la nature sous toutes ses formes.
Les jours sont-ils mauvais ? Raison de plus pour tenir ferme ! Que trouvons-nous dans la seconde épître de Pierre et dans celle de Jude, deux portions de la Parole de Dieu qui ont particulièrement en vue un jour de déclin, de méchanceté croissante, et même d’apostasie ? Que les saints sont abandonnés au déclin comme à une chose inévitable ? Point du tout ! C’est dans ces épîtres-là plus que dans toutes les autres que nous sommes exhortés à croître et à avancer dans la vérité de Dieu. Telles sont les ressources de la grâce pour un jour de ténèbres, de plus en plus profondes. Considérons, chers amis, comme l’œuvre de l’Ennemi tout ce qui contribue à affaiblir, à effacer une vérité à la fois si simple et si fondamentale se rattachant même à notre baptême.
Comment donc décrire cette position nouvelle où le Seigneur Jésus place le chrétien ? Selon le Nouveau Testament, il n’y a pas deux, mais bien trois conditions dans lesquelles l’homme peut se trouver. J’y insiste car c’est une question de foi aussi bien que de pratique. Il n’est pas vrai que, si l’on n’est pas un homme spirituel, on doive nécessairement être un homme naturel. Ce dernier état est évidemment celui de quelqu’un dont les péchés ne sont pas encore remis — qui est simplement enfant d’Adam, sans rien posséder d’autre que la nature déchue.
Quand une telle âme est convertie par la grâce de Dieu, elle reçoit une nouvelle nature, et, sur le pied de la rédemption, elle est amenée à Dieu. Mais tout homme ainsi réconcilié avec Dieu n’est pas nécessairement un homme spirituel. Ceux qui sont spirituels (ou parfaits selon Phil. 3, 15 et d’autres passages) sont ceux qui « ne sont pas dans la chair mais dans l’Esprit » [8, 9], comme s’exprime l’apôtre Paul.
Parlant aux saints de Corinthe, malgré la gravité de leurs fautes, l’apôtre ne leur dit pas qu’ils sont des hommes naturels. Il pose ce principe : « l’homme animal (ou naturel : Jude 19 note) ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu ». Ce n’est nullement ainsi qu’il désigne les saints ; mais il leur parle comme à de petits enfants non encore parvenus à la maturité spirituelle, en sorte qu’au lieu de pouvoir les entretenir des choses profondes de Dieu, il est contraint de les nourrir du lait qui convient à leur état. Et qu’étaient-ils donc ? « Des hommes charnels » [1 Cor. 3, 1]. Il s’ensuit que les hommes sont ou naturels ou charnels ou spirituels. C’est là une vérité bien humiliante. On comprend facilement que les hommes ne l’aiment pas ; ils craignent, si les croyants peuvent être charnels, sans être des hommes naturels, qu’on ne les estime pas, eux, comme spirituels. Faites allusion à une action du Saint Esprit qui soit distincte de la nouvelle naissance, et ces personnes-là dressent l’oreille. Elles refusent d’entendre parler de Ses opérations qui sont distinctement chrétiennes, comme si l’assertion de privilèges si brillants devait les priver de ce qu’ils ne possèdent pas au lieu de leur faire sentir le manque de ce qu’ils devraient posséder. N’est-ce pas là le moyen de rectifier le mal, et d’obtenir de Dieu qu’Il supplée à ce qui fait défaut ?
Eh bien, il y a plusieurs causes qui retardent le progrès spirituel du croyant. La première est qu’il n’ait pas encore la conviction intime que, dans sa chair, il n’existe absolument que le mal, ni la foi que la chair a été complètement jugée dans la mort de Christ. Un tel chrétien ne peut vraiment être considéré comme spirituel, tout en ayant peut-être un sentiment bien profond de l’amour de Christ. Mais une autre difficulté peut se présenter : non plus la loi, mais la sagesse de la chair. Attribuer de la valeur aux pensées de l’homme, admirer ses capacités, se laisser influencer par la philosophie de ce monde, sous une forme ou sous une autre, c’est également être charnel. Ceux qui sont spirituels manifestent les caractères moraux du second homme ; et, quant au premier, ils désirent non le cultiver, mais le mortifier. Loin d’admirer la chair, le chrétien spirituel la traite en chose morte en sorte qu’il reçoit de Dieu la puissance d’échapper à cette emprise de la gloire de l’homme.
Le piège dans lequel Satan cherche toujours à entraîner les enfants de Dieu, c’est de leur faire croire qu’ils peuvent saisir d’une main les privilèges chrétiens tout en retenant fermement de l’autre ce qu’ils souhaitent des aises de ce monde. Il est clair que le cœur et la conscience du croyant doivent repousser de telles pensées et un tel comportement. Du reste, le monde lui-même le comprend : qu’un enfant de Dieu soit découvert là où il ne devrait pas être, les autres exprimeront leur étonnement qu’un chrétien puisse se trouver là. N’est-ce pas profondément humiliant pour un chrétien d’étonner le monde de cette manière-là ? — se permettant, lui, une liberté qui, d’après le sentiment des hommes en général, convient si peu au nom de son Maître ? Le monde sait apprécier une conduite conséquente. Il peut inciter le chrétien à le suivre dans ses occupations et ses plaisirs ; il peut souligner le rôle social et exemplaire que le chrétien pourrait remplir utilement en aidant à bien diriger le monde, en siégeant dans ses sénats, dans ses tribunaux, et en exerçant l’autorité dans toutes les sphères imaginables. Or, sans aucun doute, il est fort agréable à la chair de participer à la dignité et au pouvoir ! Mais n’est-ce pas précisément là ce que Christ a formellement interdit aux siens aussi bien par l’esprit de Son enseignement que par Son exemple ? Il est mort et ressuscité afin de nous retirer de ce présent siècle mauvais. Au milieu de notre humble sort, Sa grâce peut nous rendre heureux et contents des circonstances, quelles qu’elles soient, qu’il a plu à Dieu de nous départir. Dans un monde tel que celui-ci, puissions-nous estimer Christ à un tel prix, et jouir si pleinement de la place que Dieu nous a faite en Christ, que nous ne soupirions qu’après Sa volonté et Sa gloire.
En troisième lieu, nous l’avons vu, aussi longtemps qu’un homme travaille et lutte sous la loi, livré à ses propres forces, il est toujours faible à cause de la chair. Il prend des résolutions qu’il n’est pas capable de tenir ; il fait des efforts considérables, mais au bout de chaque journée, il est contraint de reconnaître que « ce qu’il voulait, il ne le fait pas, et ce qu’il ne voulait pas, il le fait » [7, 19]. Il passe ainsi son temps à se repentir et à pécher, à pécher et à se repentir. Telle est la condition invariable d’un homme sous la loi. Mais est-ce celle du chrétien ? L’état de bien des enfants de Dieu y ressemble en fait, mais c’est entièrement anormal et contraire à ce que suppose l’Écriture chez tous les rachetés du Seigneur. En faisant valoir que ce n’est pas là une condition chrétienne, je ne prétends pas qu’aucun chrétien ne puisse s’y trouver, mais seulement que cet état est tout l’opposé de ce que notre Dieu nous accorde et de ce qu’Il attend de nous. Un enfant de Dieu peut être dans un état qui ne répond pas à la grâce qui lui a été témoignée. Mais quelle intention de Dieu se discerne dans toutes les épîtres ? Il veut que, par le moyen du Saint Esprit agissant par la Parole, je m’empare de la place qu’Il m’a donnée, de manière à m’établir dans une paix stable et dans la joie véritable du cœur. Pour le témoignage pratique, cela est de la plus haute importance. En tant que vase du Saint Esprit, Dieu veut que je sois toujours occupé à rendre témoignage à Christ dans ce misérable monde. Voilà la raison principale de tant de bénédictions octroyées par la grâce, grâce qui veut que nous les connaissions et que nous en jouissions pleinement.
Ce qui précède explique ce que c’est qu’être « dans l’Esprit », position qui est à la fois la conséquence et la preuve du fait que le Saint Esprit habite en nous. Ce n’est pas l’Esprit agissant sur l’âme pour y produire la foi ; c’est l’Esprit habitant en celui qui croit. « Vous n’êtes pas dans la chair mais dans l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous ; mais si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, celui-là n’est pas de lui » [v. 9]. C’est là ce qui caractérise celui qui est de Christ. Sans Son Esprit, on n’est pas revêtu de l’empreinte de Son caractère essentiel. C’est le Saint Esprit, et non seulement la nature humaine, qui distingua Christ dès Sa conception ; de même, au temps convenable, Il fut scellé par l’Esprit, et jamais Il n’agit que « dans l’Esprit ». Il en est ainsi du chrétien. De même qu’il vit par l’Esprit, il est appelé désormais à marcher par l’Esprit. Il ne s’agit pas de ne pas être perdu — ce n’est pas là la force de l’expression du verset 9 (fin) du chapitre 8 mais bien d’être distinctement de Christ, même ici-bas. « Et si Christ est en vous, le corps est bien mort à cause du péché, mais l’esprit est vie à cause de la justice ».
L’homme qui est converti mais tourmenté sous la loi n’a aucun sentiment d’une telle position, aucun pouvoir de tenir le corps pour mort. Tant qu’il est dans cet état, l’Esprit lui donne la conviction du péché, et non pas la force de glorifier Dieu en paix. Mais qu’il accepte simplement la condamnation de Dieu sur la chair, trouvant en Christ une entière délivrance, aussitôt l’Esprit le fortifie intérieurement. Non seulement il est affranchi, mais il peut encore user de sa liberté en puissance pratique. Il y a plus encore : « Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ d’entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous ». C’est là la pleine délivrance garantie même pour le corps, et la réponse complète à la question soulevée dans la détresse du chapitre 7, 24.
Ainsi donc, l’Esprit Saint qui rend témoignage de la rédemption n’assure pas seulement mon état présent en Christ mort et ressuscité devant Dieu ; Il est encore le gage divin qu’en regardant à Christ ce corps mortel sera pénétré de cette vie dont je jouis déjà dans mon âme. Car ce n’est pas seulement comme Fils de Dieu que j’envisage Christ, mais comme ressuscité selon la justice et par la gloire du Père. En grâce, Il descendit et mourut ; désormais Il est ressuscité en justice et assis à la droite de Dieu. Et nous jouissons pleinement des justes et glorieuses conséquences de l’œuvre infinie qu’Il accomplit en grâce. Jadis esclaves du péché et de Satan, nous qui maintenant croyons en Lui sommes affranchis par Dieu selon la liberté même de Christ — pour l’âme d’abord, puis pour le corps quand Lui-même viendra nous réveiller. L’Esprit est le sceau de l’une de ces deux parties de notre bénédiction et les arrhes de l’autre.
Christ est-Il ma portion ? C’est Lui-même qui détermine l’étendue de la justification. Elle est réellement aussi parfaite que Christ devant Dieu. Quelle mesure devant Dieu que Christ Lui-même ! C’est pourquoi il est déclaré que « nous sommes devenus justice de Dieu en Lui » [2 Cor. 5, 21].
Avec cette justice pour base, l’Esprit Saint vient dès maintenant non seulement agir mais habiter en moi ; de là, Il anticipe le jour radieux de la gloire, et, en attendant, me donne la puissance dans la mesure même où je tiens pour morte la vieille nature et fais de Christ mon tout. Voilà donc la réponse complète pour celui qui crie après un Libérateur. L’âme est d’abord émancipée ; plus tard, le corps aussi sera vivifié. En attendant, l’Esprit Saint prend Sa place bénie, non seulement par rapport à l’âme, mais aussi par rapport au corps. Lorsque aura lieu, bientôt, la résurrection du croyant, elle ne s’effectuera pas sans le Saint Esprit. C’est le Fils qui donne la vie, mais Il le fait par l’Esprit qui a Sa part dans toutes les parties de la bénédiction que reçoivent l’âme et le corps. Qu’il est doux, qu’il est glorieux de posséder ainsi l’Esprit de Dieu s’identifiant avec chaque partie de la bénédiction ! Combien il est grave d’attrister le Saint Esprit de Dieu « par lequel nous avons été scellés pour le jour de la rédemption » [Éph. 4, 30] ! Mais ce n’est pas tout ! Assurément le Saint Esprit n’a pas encore ressuscité nos corps mortels ; néanmoins Il opère en nous déjà, inspirant le cri : « Abba, Père ». C’est là l’action première, l’action propre du Saint Esprit quand le croyant a bien compris la délivrance. Elle oriente l’âme vers Dieu, et elle est l’action de l’Esprit comme Esprit filial ou l’adoption. Ce n’est donc pas dans la bénédiction seule que l’âme se réjouit, mais dans la source d’où elle a découlé : aussi l’expression est-elle bien : « Abba, Père ».
Et ce n’est pas seulement de cette manière qu’opère le même Esprit qui habite en nous. Il donne la certitude que nous serons bientôt délivrés ; bien plus : Il soupire en nous ; et ce sont « des soupirs inexprimables » [v. 26]. Ce n’est pas parce que je ne suis pas affranchi que l’Esprit de Dieu pousse ces soupirs, mais justement parce que je le suis. Il est vrai que je ne suis délivré encore qu’en partie. Si l’Esprit soupire en moi, c’est parce que, affranchi dans mon âme, je sens l’état contraire de mon être extérieur et de tout ce qui m’entoure (conflit qui auparavant ne m’était pas sensible). Et mon cœur envisage le jour où la création même sera affranchie de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. La liberté de la grâce de Dieu, je la possède déjà ; la liberté de la gloire, pour le corps même, sera à moi tout à l’heure. Notre place bénie est celle que prend l’Esprit en tant que personne, distincte de la nouvelle nature. Mais en même temps le Saint Esprit donne Son nom, pour ainsi dire, à la condition dans laquelle je suis introduit comme âme affranchie, comme chrétien, en vertu de la mort et de la résurrection de Christ ; et ainsi je suis dans l’Esprit en même temps que l’Esprit habite en moi.
Il n’est pas possible dans cette courte esquisse d’envisager toutes les applications d’une aussi grande vérité. Mon propos était principalement de traiter la question, généralement peu comprise, de l’Esprit comme condition dans laquelle nous nous trouvons à présent. La vérité qui nous est la plus familière est probablement celle de l’Esprit de Dieu habitant en nous. Mais celle que nous avons considérée n’est pas de moindre importance et elle a pour la pratique de notre vie chrétienne d’incalculables conséquences.