Traité:Les petits enfants
(Matt. 18, 1-14)J.L. Favez 1889
L’attention du Seigneur et Son amour envers les petits enfants, sont un trait touchant de la Parole de Dieu. Sous l’Ancien Testament, nous voyons le Dieu des miséricordes montrer Sa pitié envers Ninive, et avoir égard aux petits enfants de cette vaste cité, aux cent vingt mille et plus de ces « êtres humains » irresponsables, qui ne savaient pas distinguer « leur droite et leur gauche ». Sous le Nouveau, nous voyons tout l’intérêt que le Seigneur manifeste à leur égard — comment Il blâme Ses disciples qui les repoussaient, tandis que Lui les accueille, les prend dans Ses bras, pose les mains sur eux et les bénit (Marc 10, 13-16). Mais l’amour de Dieu envers les petits enfants embrasse davantage. Cet amour les place dans la bénédiction du salut. J’en trouve l’expression dans les paroles de notre Seigneur, rapportées au chapitre 18 de l’évangile de Matthieu, aux versets 1-14, à l’occasion d’une question de primauté soulevée parmi les disciples, et du jugement que le Seigneur prononce à ce sujet. Il appelle auprès de Lui un petit enfant qu’Il place au milieu d’eux, et, après avoir déclaré que l’on n’entre point dans le royaume des cieux à moins que l’on ne se convertisse et que l’on ne devienne comme les petits enfants, Il ajoute :
« Quiconque donc s’abaissera comme ce petit enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des cieux. Et quiconque reçoit un seul petit enfant, tel que celui-ci, en mon nom, me reçoit ». Jusque-là (v. 3-5), le Seigneur a parlé d’un réel petit enfant : « tel que celui-ci », ajoute-t-Il. C’est ce petit enfant qui sert de type à l’humilité qui convient au chrétien et par laquelle un croyant est « le plus grand dans le royaume des cieux » ; — c’est de lui qu’Il dit : « Quiconque reçoit un seul petit enfant, tel que celui-ci, me reçoit ».
Dans les versets 6-9 qui suivent, Jésus parle des croyants considérés dans le caractère d’humilité du petit enfant — caractère fondamental qui leur convient devant Dieu ; et, afin qu’il n’y ait pas de confusion, Jésus les désigne par l’expression : « Ces petits qui croient en moi ». Ils sont l’objet de la faveur de Dieu. Malheur à ceux qui sont pour eux « une occasion de chute » (v. 6), et qui ont le malheur de faire tort aux favoris du Seigneur. Leur conduite encourt la peine du châtiment de Dieu. Aussi, mieux vaudrait-il s’arracher les membres, que de s’y exposer (v. 8-9).
Ensuite (v. 10-14), le Seigneur revient sur le sujet des petits enfants : on doit prendre garde de ne pas les mépriser. Être pour eux « une occasion de chute », n’est pas le danger à craindre, comme lorsqu’il s’agit des croyants ; mais il peut arriver qu’on « les méprise ». Il n’est pas rare même de voir les personnes vulgaires désigner les enfants par des expressions de mépris.
Quant à eux, dit le Seigneur, « leurs anges voient sans cesse la face de mon Père qui est dans les cieux… Le Fils de l’homme est venu pour sauver ce qui était perdu ». Il n’y a donc pas lieu de les mépriser, loin de là. Ces paroles de faveur, le Seigneur les prononce à l’adresse des « petits enfants ». Il répète, à leur sujet, la parabole qu’Il prononce ailleurs (Luc 15), touchant le berger qui est venu pour sauver sa brebis perdue ; mais ici, avec quelques différences. D’abord, le ton de la parabole est plus général, et, quant à la brebis, les expressions sont moins détaillées, moins personnelles. La conclusion s’exprime aussi en termes différents. Nous lisons : « Ce n’est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux, qu’un seul de ces petits périsse » ; tandis que, dans Luc 15 (v. 6-7), il y a : « Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé ma brebis perdue », et : « Il y aura de la joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent ». À la vérité, on ne saurait, en parlant des petits enfants, faire une distinction personnelle absolue, comme si chacun d’eux était sauvé isolément : ils sont tous ensemble dans la même condition devant Dieu[1]. Et quant à la repentance, il n’y a pas lieu d’en parler. Il ne s’agit, quant à leur salut, ni de l’appel, ni de la réconciliation par la repentance et la foi.
Ces paroles expriment d’une manière suffisamment nette la position des petits enfants devant Dieu et leur salut par Jésus Christ ; car leurs anges voient sans cesse la face du Père de notre Seigneur Jésus Christ, et le Fils de l’homme est venu pour sauver ce qui était perdu, savoir ces mêmes petits enfants dont Il parle. Ils sont évidemment dans une condition spéciale. Qu’ils soient nés pécheurs, comme tous les hommes, conçus dans le péché (Ps. 51, 5) et perdus par nature, nous le reconnaissons ; mais pendant ce premier âge de la vie, et jusqu’à ce que naisse la conscience, savoir le sens du bien et du mal, ils ne sont pas sous une responsabilité à cet égard. À quel âge commence cette responsabilité ? Nous ne saurions le dire. Cela doit varier selon les individus. Dieu seul peut fixer ce moment pour chacun. Mais tels qu’ils sont jusque-là, ils ne tombent pas sous le coup de la colère de Dieu : ils ne sont pas de ceux « qui possèdent la vérité tout en vivant dans l’iniquité » — termes dans lesquels nous trouvons le chef d’accusation pour tous les hommes (voir Rom. 1, 18), car Dieu n’est pas demeuré sans témoignage envers Sa créature égarée. Ce témoignage, comme nous le voyons dans Romains 1-3, c’est le témoignage de la création, celui de la conscience et celui de la loi — à quoi nous pouvons ajouter maintenant, le témoignage de l’évangile, car il est des hommes qui périront, parce qu’ils n’ont pas obéi à l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ (2 Thess. 1, 8-9). L’homme n’a écouté aucun de ces témoignages : il les a connus et il est demeuré dans l’iniquité.
Les petits enfants ne sont pas dans ce cas, ne s’étant pas trouvés sous cette responsabilité. D’autre part, ils ne sont pas fatalement sous les conséquences finales du péché d’Adam, puisqu’il y a une intervention divine en leur faveur. S’il arrive qu’ils soient retirés dans ce premier âge, Dieu les recueille comme siens. Il les sauve. Il le fait en vertu de Sa grâce souveraine et sous un régime différent de celui auquel nous sommes soumis. Comme il n’y a pas lieu de les juger en tant que sous la responsabilité de la conscience, ou de la foi, Dieu les place d’autorité sous le bénéfice de la mort de Christ, ajoutant à tous ceux qui sont sauvés par la foi, selon l’ordre régulier de l’administration de la grâce, la classe nombreuse de ces petits êtres, qui portent comme nous une âme immortelle. Dieu donne ainsi à Son amour envers Ses créatures perdues, toute l’expansion qui convenait à cet amour.
- ↑ Dans les cieux, leurs anges (les anges d’eux tous) voient continuellement la face du Père de notre Seigneur Jésus Christ.