Livre:Croître dans la grâce/textev
ou Le livre de RuthAuteur: H. Smith
Introduction
Un charme particulier se dégage du livre de Ruth, de sorte que ce court récit exerce son attrait même sur le lecteur le plus indifférent.
Il s’agit d’une histoire d’amour d’un autre temps, dans laquelle se mêlent tristesse et joie, fautes et consécration, vie et mort, le tout aboutissant au jour des noces et à la naissance de l’héritier.
Le cadre même du récit repose l’esprit, puisque, transportés dans des scènes champêtres, nous nous retrouvons en compagnie de moissonneurs et de glaneurs.
Toutefois, pour le chrétien qui lit les pages sacrées avec Christ devant les yeux, le livre de Ruth présente un intérêt plus profond, et revêt une signification plus riche, parce qu’il y discerne, comme dans toutes les Écritures, « les choses qui le concernent ».
Du point de vue historique, le livre de Ruth nous présente d’importants chaînons dans la généalogie selon la chair du Seigneur Jésus. Il se clôt sur une courte généalogie de dix noms, dont le dernier est celui du roi David. Dans le premier chapitre du Nouveau Testament, ces dix noms occupent une place d’honneur dans l’ascendance du Roi des rois, mais avec cette différence que l’Esprit de Dieu leur associe le nom de quatre femmes, dont l’une est Ruth la Moabite. Fait significatif, chacune de ces femmes se trouve liée à des épisodes caractérisés par le péché et l’infamie, soulignant seulement que « là où le péché abondait, la grâce a surabondé » [Romains chapitre 5 verset 20]. Le livre de Ruth, sur le plan historique, est donc un témoignage à la grâce de Dieu qui, treize siècles avant la venue du Roi, assurait la lignée dont il devait être issu, triomphait ainsi de toutes les défaillances du peuple et se magnifiait elle-même en introduisant une étrangère — une Moabite — dans la généalogie du Roi.
Le peuple de Dieu se trouvait dans une période de ruine et de faiblesse ; néanmoins, il apparaît clairement que, sans se laisser arrêter par un tel état, Dieu poursuivait Ses voies et accomplissait Son conseil pour l’établissement de Son Roi. Plus même, Dieu se servit des circonstances du moment et de la ruine du peuple pour mener à bien ces desseins. Qui aurait jamais imaginé qu’une famine à Bethléhem aurait un lien quelconque avec la naissance du Roi dans cette même ville treize siècles plus tard ? Il en fut pourtant bien ainsi, car la famine était un anneau dans la chaîne des circonstances qui introduisirent Ruth la Moabite dans la lignée du Roi.
Pour nous qui vivons en des jours où le peuple de Dieu est caractérisé par une ruine et une faiblesse plus grandes encore, nous trouvons consolation pour nos cœurs et repos pour notre esprit dans la conscience qu’au-delà de toute la défaillance de l’homme responsable à travers les âges, Dieu poursuit toujours l’accomplissement de Ses desseins en Christ, pour la gloire de Christ et la bénédiction de Son peuple, qu’il soit terrestre ou céleste. De plus, ni la puissance de l’ennemi, ni l’opposition du monde, ni les manquements de Son peuple ne peuvent empêcher Dieu d’amener Ses conseils de bénédiction à leur glorieuse réalisation. Comme dans l’histoire de Ruth tout conduit au jour des noces, de même pour Israël, tout converge à l’établissement de sa relation avec Christ ; de même encore, l’Église s’avance inéluctablement vers le grand jour des noces de l’Agneau.
Du point de vue typologique, le livre de Ruth montre que l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu relatives à Israël se fonde désormais sur Sa seule grâce souveraine, puisque la nation a perdu tout droit à la bénédiction sur la base de sa propre responsabilité. Il offre ainsi un contraste frappant avec le livre précédent. Le livre des Juges dévoile la déchéance toujours plus grande de l’homme en dépit de l’intervention et de l’aide divines, et se termine sur les plus sombres scènes de ténèbres et de dégradation morale. Le livre de Ruth retrace l’activité de la grâce de Dieu, malgré la ruine de l’homme, et se termine sur une scène de joie et de bénédiction.
Outre sa portée historique et typologique, le livre de Ruth est également riche en instructions morales et spirituelles ; nous y apprenons quelque chose des voies fidèles et miséricordieuses de Dieu envers nous au cours de notre histoire personnelle : soit qu’Il nous tire de nos ténèbres naturelles pour nous amener dans la lumière de Son propos à notre égard en Christ, soit qu’Il nous restaure dans Ses voies de grâce, lorsque nous nous sommes éloignés de Lui. C’est surtout sous ce point de vue de l’enseignement moral que nous désirons méditer ce touchant récit.
Ruth l’étrangère
Le premier verset de Ruth situe les événements de ce livre « dans les jours où les juges jugeaient » (verset 1). Le dernier verset du livre précédent nous apprend que l’époque des juges était caractérisée par deux traits. Premièrement, « en ces jours-là, il n’y avait pas de roi en Israël ». Deuxièmement, « chacun faisait ce qui était bon à ses yeux ».
Bien sérieuse en effet est la condition d’un pays où chacun fait ce qui est bon à ses propres yeux,… de sorte que finalement rien de bon ne se fait ! Cela aboutit au règne de la volonté propre, au rejet de toute limite et à la tolérance de tous les débordements. Telle était la condition à laquelle le peuple de Dieu était réduit au temps des juges. Hélas ! sous de très nombreux aspects, cette triste situation se retrouve dans le monde d’aujourd’hui et dans la chrétienté professante. Les mêmes principes sont en vigueur, produisant les mêmes résultats. La volonté propre de l’homme, jugeant toute contrainte insupportable, rejette toujours plus l’autorité, quelle qu’en soit la forme… Il en résulte que le système mondial dans son ensemble est en voie de démoralisation et tombe rapidement dans la ruine et le chaos.
Mais bien plus grave encore, ces mêmes principes qui sèment la confusion dans le monde agissent au sein du peuple de Dieu avec les mêmes conséquences désastreuses. C’est pourquoi nous le voyons, lui aussi, divisé, dispersé, sans que cesse le processus de désintégration. L’exercice de la volonté propre exclut l’autorité du Seigneur et refuse à la Tête Sa fonction directrice. Comme le monde, la grande masse des chrétiens fait ce qui est bon à ses propres yeux. Ces principes étaient même déjà actifs au temps de l’apôtre Paul, puisqu’il doit avertir les saints de prendre garde à tenir ferme le Chef (Colossiens chapitre 2 verset 19), et qu’il constate avec douleur que « tous cherchent leurs propres intérêts, non pas ceux de Jésus Christ » (Philippiens chapitre 2 verset 21).
Dès l’instant où nous cessons de puiser toutes nos ressources en Christ, la Tête exaltée de l’Église, Son corps, dès que nous n’agissons plus sous la direction du Seigneur et sous le contrôle du Saint Esprit, nous nous mettons à faire ce qui est bon à nos propres yeux. Il est fort possible que moralement nous ne commettions rien de mal aux yeux du monde ; nous pouvons même être très zélés dans les bonnes œuvres, et parfaitement sincères ; mais si, dans nos activités, les droits du Seigneur et la direction de la Tête sont ignorés, c’est tout simplement notre propre volonté qui agit et fait ce qui est bon à ses propres yeux.
La triste conséquence de l’état misérable d’Israël est dépeinte dans le premier verset de notre chapitre. « Il y eut une famine dans le pays ». Dans le pays qui aurait dû être le lieu d’abondance par excellence sur cette terre — un pays découlant de lait et de miel — il n’y avait plus assez pour répondre aux besoins du peuple de Dieu.
Hélas ! les mêmes maux ont produit des conséquences similaires dans la chrétienté. Les chrétiens, ne tenant plus ferme le Chef, et ne donnant plus au Seigneur la place d’autorité qui Lui revient, ont fait ce qui semblait être le meilleur à leurs yeux, et ont formé d’innombrables sectes dans lesquelles le peuple de Dieu demeure affamé faute de nourriture spirituelle. La maison de Dieu, qui aurait dû être un lieu d’abondance, est devenue entre les mains des hommes un lieu de famine.
I
Une période de famine est une période de mise à l’épreuve pour le croyant sur le plan individuel. La famine teste notre foi. Élimélec habitait dans le pays que Dieu avait attribué à Israël. Là se trouvaient le tabernacle, les sacrificateurs et l’autel, mais dans les voies gouvernementales de Dieu, la famine aussi. L’épreuve pour Élimélec consistait en ceci : pourrait-il mettre sa confiance en Dieu pendant la famine et rester dans le chemin tracé par Dieu en dépit de celle-ci ? Cet homme de Bethléhem n’était malheureusement pas à la hauteur du test. Il voulait bien habiter dans le pays choisi par Dieu dans la séparation des nations environnantes pendant les temps d’abondance, mais sous la pression de la famine, il l’abandonne.
De même, dans l’histoire de l’Église, beaucoup se montrèrent heureux d’être liés au peuple de Dieu et au témoignage du Seigneur lorsque, par milliers, les incrédules se convertissaient, lorsque tous ceux qui croyaient étaient un cœur et une âme, lorsqu’une « grande grâce » et une « grande puissance » reposaient sur tous. Mais lorsque les chrétiens professants se mirent à faire ce qui était bon à leurs propres yeux, que tous cherchèrent leurs propres intérêts, que Paul le grand apôtre se retrouva en prison et l’évangile, dans l’affliction, alors la famine apparut. Avec la famine vint le temps de la mise à l’épreuve, et sous la pression qui s’ensuivit, la foi de plusieurs fut ébranlée, puisque Paul doit dire : « tous ceux qui sont en Asie m’ont abandonné » [2 Timothée chapitre 1 verset 15], et « tous cherchent leurs propres intérêts, et non pas ceux de Jésus Christ » [Philippiens chapitre 2 verset 21].
Nous n’échappons pas davantage au test de la famine aujourd’hui. Dieu, dans Sa miséricorde, a encore une fois éclairé de nombreux croyants au sujet du vrai terrain du rassemblement pour Son peuple, et beaucoup, attirés par le ministère de la Parole, ont accepté avec joie le sentier de la séparation. Mais lorsque survient la mise à l’épreuve, que le nombre diminue, que la faiblesse extérieure est manifeste, et que l’apport spirituel s’amenuise, alors ils estiment que ce terrain est trop étroit pour eux, la faiblesse trop éprouvante, la lutte trop rude. Sous la pression des circonstances, ils abandonnent la place et s’égarent dans un lieu de leur propre choix, dans lequel ils espèrent trouver une échappatoire à l’épreuve et un répit du combat.
Tel est le cas d’Élimélec. Fait révélateur, son nom signifie : « dont Dieu est le roi ». Peut-être ses parents étaient-ils des personnes pieuses qui, réalisant qu’il n’y avait pas de roi en Israël, désiraient que Dieu soit roi dans la vie de leur fils. Mais hélas ! comme si souvent, nous démentons notre propre nom. Lorsque l’épreuve survient, Élimélec manque de rendre obéissance à son roi. Pourtant, si Dieu est roi, Il peut entretenir les siens aussi bien dans les jours de famine que dans les jours d’abondance ; mais la foi d’Élimélec n’est pas à la hauteur de ce que professe son nom, et ne peut donc résister à la pression des circonstances. Sa femme et ses deux fils, de façon bien naturelle, le suivent.
Ayant abandonné le pays de l’Éternel, il arrive dans le pays de son propre choix. Pire encore, une fois parvenu dans les champs de Moab, il « demeure là ». Il est en effet plus facile de persister dans une fausse position que de rester dans une position juste. L’endroit choisi par Élimélec est significatif. Les pays qui entourent la terre promise typifient, sans aucun doute, le monde sous ses différentes formes. L’Égypte représente le monde avec ses trésors et ses plaisirs coupables, et surtout l’asservissement à Satan, qu’entraîne nécessairement la poursuite du plaisir. Babylone symbolise le monde dans sa corruption religieuse. Moab présente encore un autre aspect du monde. Le prophète Jérémie nous donne une clé de sa signification spirituelle au chapitre 48, verset 11 : « Moab a été à son aise dès sa jeunesse, et tranquille sur sa lie ; il n’a pas été versé de vase en vase ». Moab évoque donc une vie de facilité, qui s’écoule sans grand mouvement ni changement, où l’on cherche à protéger sa tranquillité de toute forme d’intrusion. Pour reprendre le langage figuré du prophète, il n’y a là aucun transvasement.
Ni l’Égypte avec ses plaisirs grossiers, ni Babylone avec sa religion corrompue, n’ont attiré Élimélec. Mais Moab, avec ses aises et la confortable retraite qu’il offre, a exercé sur lui un attrait considérable, comme moyen d’échapper aux luttes et aux épreuves. Lorsque sévit la famine, Moab constitue aujourd’hui encore un piège redoutable pour ceux qui ont un jour accepté le terrain choisi par Dieu pour Son peuple. En période de famine, ceux-ci peuvent trouver trop pénible le combat pour maintenir un chemin de séparation, trop éprouvant le mouvement constant dans le chemin, et ils sont tentés d’abandonner le bon combat de la foi pour s’installer tranquillement dans quelque vallée retirée de Moab, afin de ne plus subir de transvasement et de stagner ainsi dans leurs propres affaires. Mais comme Élimélec, nous devons, souvent au travers d’expériences douloureuses, apprendre à connaître les amères conséquences de la désertion.
Nous l’avons vu, Élimélec non seulement se rendit au pays de Moab avec sa femme et ses fils, mais « ils demeurèrent là ». Il n’y eut pas de restauration pour Élimélec. Le pays de Moab devint pour lui la vallée de l’ombre de la mort. Il avait cherché à échapper à l’étreinte mortelle de la famine, mais c’était pour se jeter dans les bras de la mort dans le pays de Moab. Les mesures mêmes qu’il avait prises pour éviter l’issue fatale l’y conduisirent. Une fausse démarche, au lieu de nous épargner les troubles, nous plonge directement dans les problèmes que nous cherchons à éviter. De plus, chercher du repos dans le monde, même dans les choses qui ne sont pas moralement mauvaises en elles-mêmes, c’est chercher son repos dans des objets que la mort peut nous arracher, ou auxquels la mort peut nous enlever. Sur les plus belles scènes de cette terre plane l’ombre de la mort. Mais Christ est ressuscité, la mort n’a plus de pouvoir sur Lui, et il vaut mille fois mieux subir la famine, avec le Christ ressuscité, que de se trouver environné de l’abondance du monde, en compagnie de la mort.
Élimélec meurt. Les tristes conséquences de son faux pas ne se limitent toutefois pas à lui-même. À l’instar de Naomi, son épouse, ses deux fils l’ont suivi en Moab. Ces derniers s’allient par mariage à des femmes de Moab et transgressent ainsi la loi de l’Éternel. Dix ans passent, puis la mort revendique les deux fils, et Naomi, privée de mari et d’enfants, se retrouve veuve et esseulée dans un pays étranger. L’Éternel l’a certes abattue et affligée, mais Il ne l’a pas abandonnée. La main qui a frappé cette femme si douloureusement accables est mue par un cœur qui l’aime. La discipline du Seigneur prépare le chemin de sa restauration.
II
Si Élimélec illustre le chemin de la chute, en Naomi nous voyons celui de la restauration. Loin du pays de l’Éternel pendant dix longues années, elle avait cherché ses aises dans le pays de Moab et n’avait trouvé que l’affliction. Mais finalement la discipline du Seigneur atteint son but, car nous lisons au verset 6 : « Elle se leva, elle et ses belles-filles, et s’en revint des champs de Moab ». Qu’est-ce qui la pousse à revenir ? Sont-ce les souffrances endurées et les peines éprouvées ? Non point. C’est la bonne nouvelle de la grâce du Seigneur qui la ramène. C’est lorsqu’elle entend dire que « l’Éternel avait visité son peuple pour leur donner du pain » qu’elle se lève pour revenir au pays.
Les peines ne nous inciteront pas à revenir à Dieu, bien qu’elles puissent nous apprendre combien il est amer de s’éloigner, et ainsi préparer nos cœurs à recevoir les bonnes nouvelles concernant le Seigneur et Sa grâce envers les siens. Ce ne sont pas la misère et les privations, l’asservissement cruel, les gousses et la faim endurées dans le pays éloigné, qui ont ramené le fils prodigue au foyer paternel, mais bien le souvenir de l’abondance de la maison et de la grâce du cœur de son père qui l’ont conduit à dire : « Je me lèverai et je m’en irai vers mon père » [Luc chapitre 15 verset 18]. Ce n’est pas la misère du pays éloigné qui l’a repoussé, mais la grâce du cœur du père qui l’a attiré de nouveau à la maison. Il en est de même de Naomi : dans le pays de Moab où tout lui a été repris, elle entend parler du pays de Juda et de ce que l’Éternel donne là à Son peuple. Et parce qu’elle a devant les yeux l’Éternel, elle peut s’élever au-dessus de tous ses manquements, et se mettre en route pour retourner dans son pays.
Son premier pas dans le sentier du retour est de se dégager entièrement de ses fausses associations avec Moab. « Et elle partit du lieu où elle était » (verset 7). Cet acte éminemment pratique a un effet immédiat sur d’autres. Ses deux belles-filles partent « avec elle ». Témoigner contre une position fausse tout en y restant n’aura aucune influence sur autrui. Si la position est fausse, la première chose à faire est de s’en séparer.
C’est ce que fait Naomi. Elle revient, elle et ses deux belles-filles. Elles rompent avec leurs mauvaises associations, et ont devant elles le juste but, car « elles se mirent en chemin pour retourner dans le pays de Juda ».
III
Toutefois se séparer d’une position erronée et envisager de revenir à une position juste ne prouve pas nécessairement un exercice réel dans le cœur de tous ceux qui font ce pas. Des trois femmes, Naomi est une sainte égarée mais sur le chemin de la restauration ; Ruth est le témoin de la grâce souveraine de Dieu et se caractérise par la foi et une affection dévouée, tandis qu’Orpa se contente d’une profession de belle apparence, mais vide, et n’atteindra jamais la terre promise.
Orpa et Ruth font toutes deux profession de dévouement à l’égard de Naomi. Tant l’une que l’autre déclarent vouloir quitter le pays de leurs pères, et les deux tournent leur face du côté du pays de l’Éternel. Mais, comme toujours, la profession est mise à l’épreuve. Naomi déclare : « Allez, retournez chacune dans la maison de sa mère » (verset 8). L’occasion leur est offerte de revenir sur leurs pas. Ce test va démontrer si le fond de leur pensée est en accord avec ce qu’elles professent. Si elles se souviennent du pays d’où elles sont sorties, elles ont maintenant la possibilité d’y retourner (cf. Hébreux chapitre 11 verset 15). L’esprit d’Orpa se trahit sur-le-champ. Son cœur est resté attaché au pays de sa naissance. Ruth, au contraire, désire « une patrie meilleure » comme nous le verrons. Certes, Orpa fait une belle profession, mais elle en reste là. Elle est profondément émue, au point même d’élever sa voix et de pleurer (verset 9). Ses affections sont touchées, puisqu’elle baise sa belle-mère (verset 14), et ses paroles ne manquent pas de beauté : « Non, mais nous retournerons avec toi vers ton peuple » (verset 10). Mais il est significatif que seule Ruth mentionne le Dieu de Naomi ; Orpa, quant à elle, se contente de parler de Naomi et du peuple de Naomi. C’est ainsi qu’en dépit de toutes ses protestations, de ses larmes et de ses baisers, elle tourne le dos à Naomi, au Dieu de Naomi et au pays de la bénédiction, pour revenir à « son peuple », à « ses dieux », et au pays de l’ombre de la mort.
IV
Combien différente est l’histoire de Ruth ! Cette jeune femme va être le témoin de la grâce de Dieu. Comme Orpa, Ruth fait une profession remarquable. Elle exprime elle aussi de belles paroles, et se montre tout aussi émue que sa belle-sœur, car elle élève sa voix et pleure avec elle. Mais chez Ruth, il y a plus. En elle se trouvent les « choses… qui tiennent au salut », la foi, l’amour et l’espérance (Hébreux chapitre 6 versets 9 à 12).
Chez Orpa, l’amour se réduit à une simple manifestation extérieure d’affection. Elle peut embrasser Naomi pour prendre congé d’elle tout comme plus tard Judas donnerait un baiser au Seigneur pour Le trahir. La Bible ne nous dit pas que Ruth embrasse sa belle-mère ; mais si l’expression extérieure fait défaut, la réalité n’en est pas moins là, car il nous est dit que « Ruth s’attacha à elle » (verset 14). L’amour réel ne peut renoncer à son objet, et la compagnie de la personne aimée lui est indispensable. C’est pourquoi Ruth ajoute : « Ne me prie pas de te laisser, pour que je m’en retourne d’avec toi » (verset 16).
En outre, la foi de Ruth est à la hauteur de ses affections. L’énergie de la foi la rend capable de vaincre l’attrait exercé par son pays natal, la maison de sa mère, son peuple et ses dieux. Ruth emprunte délibérément le chemin du pèlerin, puisqu’elle déclare : « où tu iras, j’irai ». Elle accepte de subir le sort de l’étranger, en disant : « où tu demeureras, je demeurerai ». Elle s’identifie au peuple de Dieu par ces mots : « ton peuple sera mon peuple ». Finalement, et surtout, elle met sa confiance dans le vrai Dieu, car non seulement elle fait sien le peuple de Naomi, mais elle ajoute : « ton Dieu sera mon Dieu ». Même la mort ne peut la faire revenir en arrière, puisqu’elle s’exclame : « Là où tu mourras, je mourrai et j’y serai enterrée ». Dans la mort comme dans la vie, elle s’identifie à Naomi, et revendique par conséquent pour elle-même le peuple et le Dieu de Naomi. Et tout cela quand, à vue humaine, elle n’avait devant elle qu’une vieille femme brisée. Comme quelqu’un l’a dit, Ruth a uni sa destinée à celle de Naomi « à l’heure de son veuvage, de son exil et de sa pauvreté ».
Pour l’homme avisé de ce monde, le choix de Ruth est insensé. Quitter les aises de Moab, la douceur de son foyer et son pays natal, pour entreprendre un voyage à travers de sauvages contrées dont on ignore tout, pour gagner un pays qu’on n’a jamais vu, avec pour seule compagnie une veuve indigente, semble être le comble de la folie. Mais ce n’est là que le début de l’histoire. La fin ne peut être discernée à ce stade. Ce que Ruth va devenir n’est pas « encore manifesté » (cf. 1 Jean chapitre 3 verset 2). La foi peut être conduite à faire son premier pas dans un contexte de faiblesse et d’indigence, mais à la fin elle sera justifiée, et recevra sa brillante récompense, dans des circonstances de puissance et de gloire. Au début de notre récit, Ruth s’identifie de tout cœur à une femme âgée et désolée ; à la fin, elle est présentée à tous comme l’épouse du puissant Boaz ; plus encore, son nom, enchâssé dans la généalogie du Seigneur, sera transmis à toutes les générations futures.
À son époque, Moïse, doté de tous les avantages que la nature peut conférer, avec toutes les gloires du monde à sa portée, avait été lui aussi un brillant exemple de cette même foi. Tournant le dos aux délices du péché et à l’opulence des pharaons, « estimant l’opprobre du Christ un plus grand trésor que les richesses de l’Égypte » [Hébreux chapitre 11 verset 26], il avait quitté le monde et toutes ses gloires pour se retrouver dans le désert avec un peuple pauvre et souffrant. Quelle folie aux yeux du monde ! Mais la foi pouvait vraiment dire à ce moment-là : « ce qu’il sera n’a pas encore été manifesté » [1 Jean chapitre 3 verset 2]. La foi doit attendre seize siècles avant d’avoir un premier aperçu de ce que sera Moïse : c’est alors qu’il lui est permis de voir ce serviteur de Dieu apparaître en gloire sur la montagne de la transfiguration en compagnie du Fils de l’homme — vision éphémère d’une gloire qui ne passera jamais. Et lorsque enfin Moïse entrera dans les gloires du royaume à venir en compagnie du Roi des rois, alors il sera évident à tous que les gloires du monde refusées par lui étaient bien dérisoires comparées au poids éternel de gloire qu’il aura obtenu.
Il n’en est pas autrement aujourd’hui. Le chemin de la foi peut sembler le comble de l’inconscience aux yeux de ce monde. Refuser la gloire qu’il nous offre, s’identifier au peuple de Dieu pauvre et méprisé, sortir vers Christ hors du camp, portant Son opprobre [Hébreux chapitre 13 verset 13], peut paraître à la raison humaine, à la vue naturelle, de la pure folie. Mais la foi répète : « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ». La foi estime que « notre légère tribulation d’un moment opère pour nous, en mesure surabondante, un poids éternel de gloire » (2 Corinthiens chapitre 4 verset 17). Et la foi recevra sa récompense, car lorsque enfin poindra le jour de la gloire, et que la foi sera changée en vue, lorsque le grand jour des noces de l’Agneau sera venu, alors Ses saints, aujourd’hui pauvres et méprisés, paraîtront avec Lui et semblables à Lui, comme « l’épouse, la femme de l’Agneau » [Apocalypse chapitre 21 verset 9].
De plus, si les choses qui tiennent au salut — la foi, l’amour et l’espérance — sont actives en nous, il en résultera une profonde résolution dans nos cœurs. Il en était ainsi de Ruth. Sans égard pour le pays qu’elle quittait, libre de tout vain regret, elle était « résolue » d’aller avec Naomi. C’est ainsi qu’elles « marchèrent les deux jusqu’à ce qu’elles arrivèrent à Bethléhem ». Quel bénéfice pour nous si à notre tour, animés par la foi, l’amour et l’espérance, nous oublions les choses qui sont derrière et tendons avec effort vers celles qui sont devant, pour courir droit au but pour le prix de l’appel céleste de Dieu dans le Christ Jésus [Philippiens chapitre 3 verset 14].
V
Cette partie de l’histoire de Ruth se termine tout naturellement sur l’accueil de l’âme restaurée. Nous avons vu comment l’amertume empoisonne le sentier du cœur égaré, et comment le Seigneur le restaure dans Sa grâce. Il nous faut apprendre maintenant que la juste réponse à un travail de restauration opéré par le Seigneur est la réception de l’âme restaurée au sein du peuple de Dieu. Leurs faces dirigées vers le pays et le peuple de l’Éternel, la croyante restaurée et la jeune convertie poursuivirent leur route « jusqu’à ce qu’elles arrivèrent à Bethléhem ». « Et il arriva que, comme elles entraient dans Bethléhem, toute la ville s’émut à leur sujet ». Hélas ! nous devons reconnaître qu’il y a aujourd’hui peu de puissance de restauration parmi nous ; la raison ne serait-elle pas que nous manquons de compassion envers ceux qui tombent ? Un saint peut chuter, le mal être jugé, et le coupable traité comme il convient, sans que nous soyons « émus » à son sujet, de sorte qu’il est bien rare que l’âme égarée retrouve sa place parmi le peuple de Dieu. Le monde est rempli de cœurs tristes et brisés, de chrétiens en errance ; combien peu souvent ils sont restaurés et combien peu souvent nous sommes émus à leur sujet !
Rien ne peut mieux parfaire le travail de restauration dans une âme que la compassion des saints. Tel fut le cas pour Naomi. L’amour avec lequel elle fut reçue permit à son cœur de s’ouvrir et d’exprimer une confession remarquable, qui atteste de la réalité de sa restauration.
1. Elle reconnaît que le Seigneur ne l’a jamais abandonnée, quels qu’aient été ses manquements. À propos de ses années d’égarement, elle confesse que le Tout-puissant l’a remplie d’amertume, admettant par là implicitement qu’Il n’a cessé de s’occuper d’elle. Nous pouvons cesser de nous soucier de Dieu, mais Lui nous aime trop pour ne plus s’occuper de nous. Et c’est heureux ainsi, car comme nous dit l’apôtre : « Vous endurez des peines comme discipline : Dieu agit envers vous comme envers des fils… Mais si vous êtes sans la discipline à laquelle tous participent, alors vous êtes des bâtards et non pas des fils » (Hébreux chapitre 12 versets 7 et 8).
2. Par cette confession, Naomi montre encore que si le Seigneur s’occupe des siens égarés, Sa manière d’agir sera ressentie comme très amère. L’apôtre nous le rappelle aussi : « Or aucune discipline, pour le présent, ne semble être un sujet de joie, mais de tristesse » (Hébreux chapitre 12 verset 11).
3. Il faut ensuite relever la belle attitude de Naomi, qui prend sur elle toute la responsabilité de son égarement. Elle déclare : « Je m’en allai… ». Au début du chapitre, nous avions pourtant lu : « un homme s’en alla de Bethléhem de Juda, pour séjourner aux champs de Moab ». Naomi ne fait aucun reproche à son mari. Elle ne rejette pas la faute sur autrui pour s’excuser elle-même.
4. Si d’une part Naomi endosse l’entière responsabilité de son éloignement, d’autre part, elle attribue à juste titre tout le crédit de sa restauration à l’Éternel. Elle peut dire : « l’Éternel me ramène ». C’est moi qui suis partie, mais c’est l’Éternel qui me ramène. Dans un état d’esprit similaire, David peut déclarer au psaume 23, verset 3 : « Il restaure mon âme ». Il peut y avoir des moments où, enflés de propre suffisance et de confiance en nous-mêmes, nous pensons pouvoir revenir au Seigneur quand bon nous semblera ; mais en réalité, pas une âme égarée ne reviendrait jamais au Seigneur s’Il ne prenait l’initiative de la restaurer. C’est la prière du Seigneur en faveur de Pierre avant qu’il ne tombe, et le regard du Seigneur au moment de sa faute, qui ont brisé le cœur du disciple et conduit à sa restauration. Pierre avait suivi de loin, puis Pierre avait chuté ; mais c’est le Seigneur qui l’a ramené.
5. De plus, Naomi ne dit pas simplement que l’Éternel l’a ramenée, mais qu’Il l’a ramenée, ou fait revenir, « à la maison » (note : D’après la version anglaise de J.N. Darby.). Lorsque le Seigneur restaure une âme, Il la ramène toujours à la chaleur et à l’amour du cercle familial. Que fait le Berger une fois qu’Il a retrouvé la brebis perdue ? Il la ramène dans Sa propre maison. Il nous semble l’entendre dire : « Rien de moindre ne saurait convenir à ma brebis ».
6. De manière touchante, Naomi doit reconnaître encore que si l’Éternel l’a fait revenir à la maison, Il l’a ramenée « à vide ». Aussi longtemps que nous sommes éloignés du Seigneur, nous ne faisons aucun progrès spirituel. Le Seigneur peut très bien, dans Sa discipline, nous dépouiller de nombreuses choses qui empêchent nos âmes de progresser. Faisant écho à Naomi, nous avons à confesser : « Je m’en allai comblée, et l’Éternel me ramène à vide ». Comme tous ceux qui s’éloignent, Naomi doit goûter à la souffrance. C’est vrai, elle connaît une restauration bénie, elle revient à la maison, au peuple et au pays de l’Éternel ; mais elle ne retrouvera jamais son mari et ses fils. Ils s’en sont allés pour toujours. Elle avait recherché ses aises et voulu éviter les luttes et les exercices, mais elle n’a trouvé que la mort et le dépouillement. Elle est ramenée à vide.
7. Mais si le Seigneur nous ramène à vide, Il veut nous faire revenir dans un lieu d’abondance. Ainsi, c’était le « commencement de la moisson des orges » lorsque Naomi revint à Bethléhem.
Quelle consolation pour nos cœurs de savoir que si nous manquons de compassions les uns pour les autres, le Seigneur ne fait jamais défaut. Dans peu de temps, le Seigneur ramènera Ses pauvres brebis égarées à la maison, et il n’en manquera aucune. Alors, dans l’amour de la maison éternelle, nous jouirons de la moisson céleste — ce sera le « commencement » d’une moisson de joie et de bénédiction qui ne prendra jamais fin.
Ruth la glaneuse
Si le premier chapitre du livre de Ruth nous dépeint la grâce qui sauve, le second nous présente la grâce qui nourrit. La grâce de Dieu non seulement nous apporte le salut, mais nous enseigne ensuite à vivre sobrement, justement et pieusement dans le présent siècle [Tite chapitre 2 verset 12]. C’est dans la mesure où nous nous laisserons instruire par la grâce que nous ferons des progrès spirituels. Ce chapitre 2 illustre d’une manière pleine de charme cette croissance dans la grâce, ou progrès spirituel.
Pour le jeune converti, c’est une réelle bénédiction que de bien commencer sa course chrétienne en rompant définitivement avec le monde et en s’engageant dans le sentier de la foi avec le peuple de Dieu. Mais un bon début ne suffit pas. Si nous désirons être maintenus dans le chemin de la foi, nous devons croître dans la grâce. Comme le dit l’apôtre Pierre, si les chrétiens veulent jouir de la grâce et de la paix en abondance, et de « tout ce qui regarde la vie et la piété », et veulent échapper « à la corruption qui est dans le monde par la convoitise », cela ne leur sera possible que par « la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur » (2 Pierre chapitre 1 versets 2 à 4). C’est pourquoi il conclut son épître en exhortant les croyants à croître « dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ » (2 Pierre chapitre 3 verset 18).
Les croyants à Corinthe, après avoir pourtant bien commencé, se montraient lents à faire des progrès spirituels. La mondanité et la sagesse de ce monde leur étaient un obstacle. Les Galates firent aussi un bon début, puisque l’apôtre reconnaît qu’ils couraient bien ; mais il doit leur demander : « qui est-ce qui vous a arrêtés pour que vous n’obéissiez pas à la vérité ? » (Galates chapitre 5 verset 7). Tombés sous l’emprise de faux docteurs, ils avaient été retenus par le légalisme. De même aujourd’hui, beaucoup semblent bien commencer et promettent de devenir des chrétiens consacrés, mais dans la suite de leur vie, ils piétinent spirituellement. Ils ne croissent pas dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ [2 Pierre chapitre 3 verset 18]. Ils succombent aux attractions de ce monde et deviennent mondains, ou ils tombent sous l’influence de faux docteurs et deviennent légalistes.
I
Cette portion de l’histoire de Ruth va donc nous faire découvrir le secret de la croissance dans la grâce. Ruth nous y est présentée de façon insistante comme glaneuse. Au verset 2, nous l’entendons dire à Naomi : « Je te prie, j’irai aux champs, et je glanerai… ». Au verset 7, elle demande aux serviteurs : « Permettez que je glane ». Au verset 17, nous lisons : « Et elle glana », puis au verset 23 : « Et elle se tint auprès des jeunes filles de Boaz, pour glaner ».
Ruth est donc vue comme une glaneuse dans ce chapitre. Mais quelle est la signification spirituelle du glanage ? Nous devons nous rappeler que le premier chapitre se termine sur ces mots : « elles vinrent à Bethléhem au commencement de la moisson des orges ». Naomi et Ruth se retrouvaient au milieu de l’abondance. Mais la moisson, aussi copieuse soit-elle, ne pourra pas rassasier les affamés si elle n’est pas rentrée. Les moissonneurs et les glaneurs doivent faire leur travail, sinon ils mourront de faim au milieu même de l’abondance. En glanant, Ruth s’approprie pour ses propres besoins et pour ceux de Naomi les riches provisions mises à leur disposition par le seigneur de la moisson.
Ne pouvons-nous pas dire que le glanage, sur le plan spirituel, représente l’appropriation par le croyant des bénédictions spirituelles que Dieu lui a octroyées ? Dans l’histoire d’Israël, Dieu avait donné à cette nation un droit de propriété absolu sur le pays promis, dont Il avait délimité les frontières de façon très précise. Toutefois Dieu avait aussi déclaré : « Tout lieu que foulera la plante de votre pied sera à vous » [Deutéronome chapitre 11 verset 24]. Les Israélites devaient prendre possession de leur pays. C’est ainsi que Paul pouvait affirmer avec une entière confiance que les croyants sont bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ [Éphésiens chapitre 1 verset 3], mais cette certitude ne l’empêchait pas de prier pour que l’Esprit Saint fasse son travail dans l’homme intérieur, afin que les saints puissent comprendre quelle est la largeur, et la longueur, et la profondeur, et la hauteur [Éphésiens chapitre 3 verset 18] de toutes ces bénédictions spirituelles.
Dans l’histoire de nos vies, le jour où le Seigneur Jésus nous a appelés à Lui, où nous avons su que nos péchés étaient pardonnés, où nous avons été scellés du Saint Esprit et rendus par là capables de participer au lot des saints dans la lumière [Colossiens chapitre 1 verset 12], reste à jamais merveilleux ; mais, bien qu’il ne puisse y avoir d’accroissement dans notre capacité de participer à la gloire, l’apôtre désire pourtant constater chez les croyants une croissance « par la connaissance de Dieu » (Colossiens chapitre 1 verset 10). Hélas ! nous avons été de bien médiocres glaneurs. Combien peu nous sommes entrés dans les richesses insondables du Christ !
II
Comment cela se fait-il que nous soyons des glaneurs si négligents ? N’est-ce pas que le glanage requiert des conditions auxquelles nous ne sommes pas toujours prêts à nous soumettre ? Ceci devient évident au fur et à mesure que nous relevons les qualités qui firent de Ruth une si bonne glaneuse.
Tout d’abord, elle était caractérisée par un esprit d’humilité et de soumission. Elle dit à Naomi : « Je te prie, j’irai aux champs, et je glanerai… ». Plus tard, elle demanda aux serviteurs de Boaz : « Permettez que je glane ». Elle n’agissait pas de manière indépendante face à ceux qui étaient plus âgés et plus expérimentés qu’elle. Elle ne méprisait pas les directives et les conseils. Elle n’était pas affectée d’une volonté indomptée, qui l’aurait conduite à faire ce qui était juste à ses propres yeux. Pierre peut dire : « Pareillement, vous, jeunes gens, soyez soumis aux anciens ; et tous, les uns à l’égard des autres, soyez revêtus d’humilité ; car Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne la grâce aux humbles » (1 Pierre chapitre 5 verset 5). Le Saint Esprit associe la soumission et l’humilité. L’homme fier n’aime pas se soumettre à qui que ce soit. Une volonté non brisée est le plus grand obstacle à la croissance dans la grâce.
Deuxièmement, Ruth était caractérisée par la diligence. Comme nous le lisons au verset 7, « elle est venue, et est demeurée depuis le matin jusqu’à cette heure ; ce qu’elle a été assise dans la maison est peu de chose ». Puis au verset 17, « et elle glana dans le champ jusqu’au soir ». Ne constate-t-on pas un grand manque de diligence parmi les croyants pour les choses de Dieu ? Nous sommes bien zélés pour les choses de ce monde, mais hélas ! nous ne réservons trop souvent que les moments creux de notre vie pour les choses du Seigneur. Étudions-nous la Parole avec application ? Sommes-nous diligents dans la prière ? Nous pouvons bien alléguer que le stress et les difficultés de la vie ne nous laissent guère de temps, mais la question demeure néanmoins : comment utilisons-nous le peu de temps qui nous reste ? En Hébreux chapitre 6 verset 12, l’auteur exhorte à la diligence et ajoute : « que vous ne deveniez pas paresseux, mais imitateurs de ceux qui, par la foi et par la patience, héritent ce qui avait été promis ». Si nous désirons jouir de notre héritage, nous devons montrer du zèle. Il n’est pas étonnant que nous fassions peu de progrès spirituels si nous trouvons le temps de lire les quotidiens et la littérature légère de ce monde, mais que nous n’ayons pas le temps de glaner dans les richesses de la sainte Parole de Dieu.
Troisièmement, Ruth était persévérante. Elle n’était pas diligente un jour et paresseuse le lendemain, mais « elle se tint auprès des jeunes filles de Boaz pour glaner, jusqu’à ce que la moisson des orges et la moisson des froments fût achevée » (verset 23). Jour après jour, elle alla glaner, jusqu’à l’achèvement des deux récoltes. Les Béréens reçurent des éloges spéciaux, non pas simplement pour avoir examiné les Écritures, mais pour l’avoir fait chaque jour (Actes chapitre 17 verset 11). Il est facile de se montrer zélé une journée, mais rester diligent jour après jour demande de la persévérance. « Chaque jour » est une expression exigeante qui nous met à l’épreuve. Le Seigneur demande à Son disciple de prendre Sa croix chaque jour (Luc chapitre 9 verset 23). Fournir un grand effort pour accomplir un acte de renoncement héroïque est relativement facile, mais persévérer tranquillement jour après jour, à la suite du Christ, est l’épreuve à réussir. Ce n’est pas l’homme qui commence bien qui gagne la course, mais celui qui persévère.
Finalement, nous lisons que Ruth « battit ce qu’elle avait glané » (verset 17). Il ne suffit pas de glaner l’orge et le froment, encore faut-il les battre. Les vérités que nous recueillons, soit par notre étude personnelle, soit par le ministère d’autrui, doivent devenir aussi le sujet de nos prières et de notre méditation, pour pouvoir contribuer à notre croissance spirituelle. La simple acquisition d’une vérité ne fera qu’enfler notre esprit. Il faut jouir de cette vérité en communion avec le Seigneur pour qu’elle puisse nous mener plus loin dans la connaissance de Sa personne.
Ainsi, pour faire des progrès spirituels, une certaine condition de l’âme est requise, caractérisée par la soumission, la diligence, la persévérance et la méditation.
En outre, l’état de l’âme, bien que primordial, n’est pas tout. L’aide que nous recevons des autres croyants contribue aussi à nos progrès spirituels. Nous voyons cela de manière frappante dans les différents personnages qui apparaissent au cours de ce chapitre. Naomi, les jeunes filles, les moissonneurs, le serviteur établi sur ces derniers, et finalement Boaz, l’homme puissant et riche, défilent les uns après les autres devant nos yeux, et sont toujours présentés en relation avec Ruth. De diverses façons, tous aident la jeune glaneuse dans son travail, nous montrant par là les différents moyens que Christ utilise pour stimuler chez les siens la croissance spirituelle dans la grâce.
III
Naomi était de longue date en relation avec Boaz ; aussi est-elle capable de conseiller et d’instruire Ruth. De même aujourd’hui, certains marchent depuis longtemps sur le chemin, en relation avec Christ ; et bien qu’ils aient pu, à l’instar de Naomi, manquer gravement, l’expérience les rend néanmoins aptes à donner des conseils et des instructions aux plus jeunes croyants. Il serait difficile de voir en Naomi la figure d’un croyant doué pour l’enseignement ou la prédication ; bien plutôt, nous voyons en elle l’image de ces saintes femmes âgées, dont Tite chapitre 2 nous parle, qui sont appelées à être des exemples, « enseignant de bonnes choses », et capables de donner avec amour des conseils judicieux aux femmes plus jeunes. Dans l’esprit de tels versets, Naomi ne soulève pas de difficulté ni ne place d’obstacle sur le chemin de Ruth. Elle répond immédiatement : « Va, ma fille ». Elle encourage Ruth dans cet heureux travail. En outre, lorsque Ruth revient de son labeur, elle reconnaît avec joie les progrès réalisés, car nous lisons : « et sa belle-mère vit ce qu’elle avait glané » (verset 18). Non seulement elle constate les progrès, mais elle s’y intéresse vraiment, puisqu’elle s’enquiert : « Où as-tu glané aujourd’hui, et où as-tu travaillé ? » (verset 19). Finalement, elle éclaire Ruth au sujet de Boaz et lui prodigue affectueusement ses conseils pour la suite du glanage. Si seulement l’esprit de Naomi pouvait animer davantage les sœurs âgées et les conduire à prendre soin des plus jeunes, pour les encourager, pour relever leurs progrès, s’enquérir de leur bien-être spirituel, les instruire dans la connaissance du Christ, et les aider de leurs conseils dans leur glanage.
IV
Les jeunes filles sont aussi des aides pour Ruth dans cet heureux travail de glanage. Elles apparaissent aux versets 8, 22 et 23. Ruth glane à leur côté ; elles sont ses compagnes de labeur. Ne nous parlent-elles pas, en image, de cette heureuse communion entre les enfants de Dieu qui contribue tant aux progrès spirituels ?
Boaz met en garde Ruth : « Ne va pas glaner dans un autre champ, et ne t’en va pas non plus d’ici, mais tiens-toi ici auprès de mes jeunes filles » (verset 8). Il existe d’autres champs et d’autres servantes, mais ils sont étrangers à Boaz. Que nous soyons jeunes ou plus âgés dans la foi, nous faisons bien de prêter attention à l’avertissement de Boaz. Le monde en effet compte beaucoup de champs attrayants, et peut offrir parfois une compagnie très agréable, mais les champs opulents et la vaine société de ce monde ne sont pas de Christ. Jadis, le monde n’octroya qu’une prison aux apôtres ; et lorsque ceux-ci furent libérés, ils rejoignirent « les leurs » (Actes chapitre 4 verset 23). Nous avons nécessairement affaire aux gens de ce monde dans le cadre professionnel ou de la vie courante, mais nous ne pouvons pas jouir d’une douce communion ni faire des progrès spirituels dans ce cercle-là. Ce n’est que dans la compagnie des « nôtres » que nous pourrons les réaliser. Dans les premiers jours du christianisme, la communion ininterrompue des croyants résultait en « une grande puissance » et « une grande grâce » (Actes chapitre 4 verset 33). En Hébreux chapitre 10 verset 24, nous sommes exhortés à prendre « garde l’un à l’autre pour nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres, n’abandonnant pas le rassemblement de nous-mêmes, comme quelques-uns ont l’habitude de le faire, mais nous exhortant l’un l’autre, et cela d’autant plus que vous soyez le jour approcher ». La source de l’amour et des bonnes œuvres ne se trouve pas dans les saints, mais la compagnie des croyants stimule certainement cet amour et ces bonnes œuvres. Le jour approche où ce monde sera jugé, c’est pourquoi nous faisons bien de nous en séparer pour trouver notre lot béni parmi « les jeunes filles de Boaz », c’est-à-dire parmi ceux qui ne se sont pas souillés, et qui ont gardé leurs vêtements blancs [Apocalypse chapitre 3 verset 4]. Plus le jour est proche, plus nous devrions nous rapprocher les uns des autres.
V
Les moissonneurs ont aussi un service à l’égard de Ruth. Ces derniers sont mentionnés aux versets 4, 5 à 7, 9 et 21 de notre chapitre. Serviteurs de Boaz, ils offrent une vivante image des qualités requises des serviteurs du Seigneur qui se consacrent au ministère pour aider les enfants de Dieu.
La première chose nécessaire à tout serviteur de Dieu est la présence du Seigneur. Ainsi, nous entendons Boaz saluer ses moissonneurs par ce vœu magnifique : « L’Éternel soit avec vous » (verset 4). Nous retrouvons ce même esprit à l’époque de l’évangile : « Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux » (Marc chapitre 16 verset 20).
Deuxièmement, pour accomplir le service de Boaz de manière efficace, les moissonneurs doivent se soumettre au serviteur établi sur eux. Nous avons besoin non seulement de la compagnie du Seigneur, mais aussi du contrôle de l’Esprit, la personne divine préfigurée par ce serviteur anonyme (verset 5).
Troisièmement, les moissonneurs précèdent Ruth, comme elle peut le dire elle-même : « Permettez que je glane et que je ramasse entre les gerbes, après les moissonneurs ». Les Écritures reconnaissent l’existence de conducteurs spirituels parmi le peuple de Dieu, qui nous exposent la Parole de Dieu et dont nous avons à imiter la foi. Nous sommes appelés à obéir et à nous soumettre à de tels conducteurs, car ils veillent sur nos âmes (Hébreux chapitre 13 versets 7 et 17).
Quatrièmement, ces jeunes hommes — les serviteurs de Boaz — tirent l’eau du puits. Si le privilège de Ruth était de boire de cette eau, c’était la responsabilité des jeunes hommes de la puiser. Tous ne sont pas appelés, ni capables, de tirer l’eau des puits profonds de Dieu, mais tous peuvent boire cette eau, une fois versée dans des vases adaptés à leur capacité. L’eau au fond du puits est hors de portée pour beaucoup, mais l’eau dans les vases est à la disposition de tous. C’est pourquoi le mot d’ordre pour Ruth est : « tu iras aux vases, et tu boiras ». Timothée était invité à s’occuper de « ces choses, à s’y donner tout entier. Ceci correspond certainement au puisage de l’eau ; mais le résultat, ses « progrès », devaient aussi être « évidents à tous ». Nous voyons là l’eau dans les vases, accessible à tous (1 Timothée chapitre 4 verset 15).
Cinquièmement, pour être rendus propres à leur service, les moissonneurs reçoivent des directives spéciales de leur maître. « Et Boaz commanda à ses jeunes hommes, disant : Qu’elle glane même entre les gerbes, et ne lui en faites pas de reproche ; et vous tirerez aussi pour elle quelques épis des poignées, et vous les laisserez ; et elle les glanera, et vous ne l’en reprendrez pas » (versets 15 et 16). Pour répondre aux besoins spécifiques des individus, il est nécessaire de recevoir des directives particulières de la part du Seigneur. Combien le serviteur doit être proche du Maître s’il veut savoir, au cours de son service, où et comment laisser tomber la poignée qui correspondra au besoin spécifique du moment, et cela sans faire ni reproche ni réprimande. Le Seigneur est ici, comme toujours, l’exemple parfait pour nous. Lorsqu’au jour de la résurrection, Il fait envoyer un message à Pierre : « … allez, dites à ses disciples et à Pierre… », ne tire-t-Il pas, dans Son infinie perfection, « quelques épis des poignées » pour Sa pauvre brebis égarée, sans y ajouter ni blâme ni reproche (Marc chapitre 16 verset 7) ?
Finalement, le labeur des moissonneurs amène la fin de la moisson, car Boaz donne l’ordre à Ruth de se tenir près de ses jeunes hommes « jusqu’à ce qu’ils aient achevé toute la moisson que j’ai » (verset 21). Il en est des serviteurs du Seigneur comme des serviteurs de Boaz, puisque l’apôtre évoque la glorieuse espérance placée devant nous comme stimulant dans le service. « Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, abondant toujours dans l’œuvre du Seigneur… » (1 Corinthiens chapitre 15 verset 58).
VI
Le serviteur de Boaz établi sur les moissonneurs joue aussi son rôle dans les progrès accomplis par Ruth dans son glanage. Il n’est pas nommé et n’apparaît que rarement dans le récit, mais il est néanmoins derrière tout ce qui se passe et, au nom de Boaz, contrôle chaque moissonneur qui travaille dans les champs de son maître. C’est lui qui introduit Ruth auprès de Boaz. Il fait un rapport véridique au sujet de la jeune femme, sans ajouter un mot de dénigrement à son égard ; il anticipe aussi la pensée de Boaz en encourageant Ruth à glaner dans ses champs. En tout cela, le serviteur agit en parfait accord avec la pensée de son maître. Certainement, nous avons là un type frappant de cette glorieuse personne, le Saint Esprit, qui est venu de la part de Christ glorifié, au nom de Christ, pour représenter les intérêts de Christ. Quelqu’un qui ne parle pas de Lui-même, qui est invisible aux yeux du monde, mais qui dirige les serviteurs du Seigneur et qui, par Son travail de grâce dans les âmes, les met en contact avec Christ. Quelqu’un qui est venu sur la terre pour les intérêts de Christ, qui pense et agit en parfait accord avec la pensée et le cœur du Père et du Fils.
VII
Finalement, il y a Boaz, qui représente Christ sous deux aspects. D’abord dans la gloire de Sa personne et de Son œuvre, puis dans Sa manière d’agir, pleine de grâce, envers nous, individuellement.
Sur le plan personnel, Boaz est présenté comme un « parent », et un « homme puissant et riche ». Le mot « parent » si souvent utilisé dans le livre de Ruth est rendu ailleurs par « rédempteur », terme qui indique bien la vraie portée du service de parent. Le parent avait et le droit et le pouvoir de racheter son frère ainsi que son héritage, si l’un ou l’autre avaient passé aux mains d’un étranger.
Par la chute, l’homme a perdu tous ses droits sur son héritage terrestre ; lui-même est tombé au pouvoir de l’ennemi, et se trouve, en tant que pécheur coupable, exposé à la mort et au jugement. Il ne peut ni se racheter lui-même ni racheter la terre de la puissance du péché, de la mort et de Satan. Il a besoin d’un rédempteur, de quelqu’un qui ait aussi bien le droit que le pouvoir d’accomplir la rédemption. Christ est le grand Rédempteur, celui dont Boaz n’est que le type. Il rachète les siens d’une double façon, par un acte de rachat et par un acte de puissance. Le prix du rachat qu’Il a payé est Sa propre vie donnée pour nous. Nous avons été rachetés « non par des choses corruptibles, de l’argent ou de l’or, mais par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache » (1 Pierre chapitre 1 versets 18 et 19). Outre cela, Il nous a aussi rachetés par un acte de puissance, car non seulement Son sang a été versé, mais par la résurrection, Il a annulé le pouvoir de la mort et du tombeau. Déjà rachetés par Son sang, nous attendons donc la rédemption en puissance, c’est-à-dire le moment où Il délivrera nos corps mortels de toute trace de mortalité en transformant « le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire, selon l’opération de ce pouvoir qu’il a de s’assujettir même toutes choses » (Philippiens chapitre 3 verset 21). Et finalement, nous obtiendrons notre héritage — une riche possession qu’Il a acquise — qu’Il rachètera du pouvoir du péché, de la mort et de Satan, et dont nous jouirons ensemble avec Lui à la louange de Sa gloire (cf. Éphésiens chapitre 1 verset 14).
VIII
Nous voyons en Boaz non seulement une figure des gloires de notre grand Rédempteur, mais aussi une magnifique exposition de Ses voies de grâce envers nous individuellement. C’est notre privilège, non seulement d’apprendre à connaître la vérité concernant Sa personne et Son œuvre, mais aussi de faire l’expérience de Ses soins pleins de grâce, qui nous mènent plus loin dans la connaissance de Sa personne. Puissent tous les croyants désirer mener une vie plus réelle, plus déterminée avec Christ dans le secret de leur âme — vie dont ils ne pourraient raconter grand-chose — connue seulement de Christ et d’eux-mêmes, où aucun tiers ne saurait intervenir.
C’est de cette relation entre Christ et l’âme que nous parle l’attitude bienveillante de Boaz, l’homme riche, à l’égard de Ruth l’étrangère. Son attitude est caractérisée par la grâce et la vérité, évoquant pour nous celui qui est venu par la grâce et la vérité. Dans notre faiblesse, il nous arrive de faire preuve de grâce au détriment de la vérité, ou de maintenir la vérité aux dépens de la grâce. En Christ, l’expression infinie de la grâce s’accompagne du parfait maintien de la vérité.
Avec une grâce touchante, Boaz met toutes ses richesses à la disposition de l’étrangère venue de Moab, quelqu’un qui, selon la lettre de la loi, n’était pas autorisé à entrer dans la congrégation de l’Éternel, même à la dixième génération (Deutéronome chapitre 23 verset 3). Ses champs, ses jeunes filles, ses jeunes hommes, ses puits, son grain, tout est mis à la disposition de Ruth. Elle doit demeurer dans ses champs, se tenir auprès de ses jeunes filles, glaner après ses jeunes hommes, et boire de son puits. Il ne fait aucune allusion à son origine, à son statut d’étrangère, ou à sa pauvreté. Dans sa bouche, pas un mot de reproche quant à son passé, pas de menaces pour le futur, ni d’exigences exprimées en contrepartie de sa générosité présente : tout est donné dans une grâce souveraine et illimitée. Il n’en est pas autrement dans la manière d’agir de Christ envers les pécheurs que nous sommes. La grâce met les plus excellents dons du ciel à la disposition d’une pécheresse au puits de Sichar, la grâce donne des ordres aux poissons de la mer pour un homme pécheur comme Pierre, et la grâce ouvre le paradis de Dieu au malfaiteur mourant. De même, la grâce nous a bénis de toutes les insondables richesses du Christ, et cela « sans argent et sans prix » (voir Ésaïe chapitre 55 verset 1).
Mais, comme nous le savons bien, les richesses de la grâce ne ternissent pas l’éclat de la vérité. Bien au contraire, c’est justement la grâce qui fait ressortir la vérité. Boaz n’a pas besoin de rappeler à cette étrangère son humble origine : elle la confesse d’elle-même. Mais c’est sa grâce qui l’incite à une telle confession. Elle tombe sur sa face devant Boaz, s’effaçant ainsi dans la conscience de la grandeur de la personne devant qui elle se tient, et à qui elle doit toute bénédiction. Par la question qu’elle pose : « Pourquoi ai-je trouvé grâce à tes yeux ? », elle reconnaît que rien en elle-même ne mérite une telle grâce. Elle reconnaît également que, par nature, elle ne peut avoir aucune prétention sur Boaz, puisqu’elle avoue : « Je suis une étrangère ». Ce n’est qu’en présence de la grâce de Boaz qu’elle donne à ce dernier la place qui lui revient, et qu’elle prend sa juste place. Cela nous rappelle d’autres beaux exemples des voies de grâce et de vérité manifestées par notre Seigneur alors qu’Il était ici-bas.
Si la grâce propose à une pauvre pécheresse le don gratuit de l’eau vive, jaillissant en vie éternelle [Jean chapitre 4 verset 14], elle va aussi manifester la vérité à son sujet. La simple phrase de Jésus : « Va, appelle ton mari » [Jean chapitre 4 verset 16], est la vérité qui dévoile tout ce qu’elle a commis, et l’invitation qui suit : « Et viens ici » est la grâce qui lui ouvre l’accès à tout l’amour du cœur de Dieu. La vérité lui révèle la méchanceté de son cœur, mais la grâce lui révèle un cœur qui, tout en n’ignorant rien des actes commis dans sa vie, pouvait néanmoins l’aimer et l’inviter à venir à Lui.
En une autre occasion, avec une autre femme étrangère comme Ruth, une Cananéenne, nous voyons le même déploiement de la grâce et de la vérité. Les disciples, eux, défendent la vérité aux dépens de la grâce : « Renvoie-la », disent-ils. Le Seigneur ne procède pas ainsi, mais Il ne dispense pas non plus la grâce au détriment de la vérité. C’est pourquoi Il agit envers cette Cananéenne de façon à ce que la vérité sorte de ses propres lèvres, en l’amenant à confesser : « Oui, Seigneur ; car même les chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Elle souscrit à la déclaration de son interlocuteur, mais elle discerne aussi en Lui la grâce qui ne saurait refuser une miette même à un chien. La grâce du Seigneur la conduit à reconnaître la vérité sur elle-même. Elle reçoit alors la récompense de la foi, car le Seigneur répond avec joie aux appels faits à Sa grâce ; Il peut lui dire : « Femme, ta foi est grande, qu’il te soit fait comme tu veux » (Matthieu chapitre 15 versets 21 à 28).
Quel moment béni dans le cours de nos vies, lorsque seuls avec le Seigneur, nous sommes rendus conscients de la méchanceté de nos cœurs en présence de la grâce qui remplit le sien. Quelle bénédiction d’apprendre en de tels instants qu’aussi vils que nous puissions être, la grâce dans Son cœur pourvoit à tout !
C’est donc Boaz qui console le cœur de Ruth. Elle a reconnu la vérité : « Je ne suis qu’une étrangère », et Boaz par sa réponse semble lui dire qu’elle ne peut rien lui raconter sur elle-même qu’il ne sache déjà : « Tout ce que tu as fait… m’a été rapporté » (verset 11). Aucune crainte ne peut désormais subsister en son for intérieur qu’un jour quelque chose de son passé soit révélé au grand jour et conduise Boaz à lui retirer ses dons de grâce. Libérée, elle peut dire : « Tu m’as consolée, et tu as parlé au cœur de ta servante… ». Rien ne touche, ne gagne et ne console autant le cœur que la certitude acquise dans la présence du Seigneur qu’Il sait tout et qu’Il m’aime malgré tout.
IX
L’histoire de Ruth ne se termine cependant pas là. Boaz a fait preuve de grâce, Ruth a confessé la vérité, il en est résulté de la paix dans la conscience et de la joie dans le cœur ; mais ce n’est pas tout. Boaz ne se contente pas d’apporter du soulagement à Ruth et de la laisser avec un cœur rempli de gratitude. Car quand même la jeune femme pourrait s’estimer comblée, le cœur de Boaz ne serait pas satisfait. Si Ruth n’attendait pas d’autres bénédictions, Boaz avait davantage à donner. Boaz ne s’estimerait pas satisfait sans la compagnie de celle au cœur de laquelle il a parlé. C’est pourquoi il ajoute : « Approche-toi ici ». D’une manière plus profonde encore, n’est-ce pas ainsi que le Seigneur agit à notre égard ? S’Il apaise nos craintes, parle à nos cœurs, et gagne nos affections, c’est pour pouvoir jouir de notre compagnie. L’amour n’est pas satisfait sans la présence de la personne aimée. Dans ce but, Il est mort, afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec Lui (1 Thessaloniciens chapitre 5 verset 10). Bienheureux sommes-nous si nous prêtons nous aussi l’oreille et répondons à l’invitation pleine de grâce qu’Il nous adresse : « Approche-toi ici ».
C’est ainsi que Ruth se retrouva assise au milieu d’un peuple qu’elle n’avait pas connu jusque-là. Mais si « elle s’assit à côté des moissonneurs », elle le fit en la compagnie de Boaz, car nous lisons : « et il lui tendit du grain rôti ». Heureux sommes-nous si, dans la conscience de la présence personnelle du Seigneur, nous prenons place parmi les siens. Alors nous nous nourrirons du grain du pays. Comme Ruth, nous serons rassasiés et nous en laisserons de reste (verset 14). C’est dans Sa présence que nos âmes sont nourries et nos cœurs satisfaits ; et le cœur satisfait, puisant dans Sa plénitude, aura de quoi donner à d’autres.
Ruth l’épouse
Le glanage, nous l’avons vu, constitue le grand sujet du deuxième chapitre ; dans les chapitres 3 et 4, c’est le repos qui est le thème central. Dans le premier verset du chapitre 3, ce repos est mentionné en relation avec Ruth : « Ma fille, ne te chercherai-je pas du repos ? ». Dans le dernier verset, il apparaît en relation avec Boaz : « l’homme n’aura pas de repos qu’il n’ait terminé l’affaire aujourd’hui ».
Il y a sans aucun doute un progrès méthodique dans les vérités présentées dans les quatre chapitres du livre de Ruth.
Dans le chapitre premier, Ruth représente la foi, l’amour et l’énergie consacrée d’une âme nouvellement convertie.
Dans le chapitre 2, Ruth est une image de la croissance dans la grâce, par laquelle le croyant fait des progrès spirituels.
Dans le chapitre 3, Ruth recherche la paix du cœur, qui seule donne satisfaction au croyant.
Dans le chapitre 4, l’histoire de Ruth se termine sur le repos atteint, et montre comment Christ et le croyant parviennent au repos de Dieu.
I
Glaner dans les champs de Boaz et recevoir les bénédictions de ses propres mains, aussi heureux et juste que cela soit, ne peut donner une entière satisfaction et un repos parfait ni au cœur de Boaz, ni à celui de Ruth. Rien ne saurait mettre le cœur en repos hormis la possession de l’être aimé. C’est pourquoi, dans le chapitre 3, Ruth cherche à gagner Boaz, et Boaz ne ménage pas ses efforts pour faire sienne la jeune femme. L’amour ne se satisfait jamais des dons, si précieux soient-ils, il lui faut le donateur.
Boaz, jusqu’ici, a montré dans son comportement à l’égard de Ruth une grâce merveilleuse. Il a mis à sa disposition ses champs, son grain, ses jeunes filles et ses jeunes hommes. Il lui a donné de l’eau de son puits, du grain rôti de sa table, et des poignées tirées des gerbes intentionnellement. Si toutes ces bénédictions ont permis de gagner la confiance de Ruth et de réveiller ses affections, elles n’ont cependant pas satisfait son cœur. Une fois les affections conquises, rien d’autre que la possession de la personne qui les a suscitées ne saura combler le cœur. Cela vaut tant pour les relations humaines que pour les relations divines. Nous le répétons, la grâce et les faveurs par lesquelles Boaz a su éveiller les affections de Ruth ne pouvaient en elles-mêmes satisfaire ces affections. C’est la possession de celui qui bénit et non pas les bénédictions, qui comble le cœur.
Telles sont les voies du Seigneur à l’égard des croyants. Il agit à notre égard de façon à nous amener à la conviction qu’Il est plus grand que toutes les bénédictions qu’Il octroie. Heureux sommes-nous lorsque nous avons appris que les bénédictions ne peuvent apporter de satisfaction en elles-mêmes. Christ seul peut satisfaire le cœur.
N’est-ce pas cette grande leçon que Pierre dut apprendre en Luc chapitre 5 ? Le Seigneur accorda à Pierre une grande bénédiction temporelle. Il lui donna de faire la plus grande prise de poissons de sa vie. C’était une bénédiction si considérable qu’elle ne pouvait être contenue dans ses filets et son bateau, mais c’est précisément par ce don que le Seigneur se révéla à Pierre de telle façon qu’Il devint dans l’estime de Son disciple plus grand que la bénédiction octroyée. Nous lisons en effet immédiatement après : « ils quittèrent tout et le suivirent ». Quoi ? Laisser les poissons donnés par le Seigneur ? Oui, Pierre abandonna tout — filet, bateau, poissons — pour suivre le Seigneur. S’il est une prise que Pierre avait le droit de garder pour lui, c’était bien celle que le Seigneur lui avait donnée ! Mais il laissa la bénédiction pour suivre Celui qui en est la source.
Une autre humble croyante fit la même expérience : Marie de Magdala. Elle avait été entièrement soumise au pouvoir du diable, puisque le Seigneur avait chassé d’elle sept démons [Marc chapitre 16 verset 9]. Si elle avait été richement bénie, son cœur s’était attaché à la source de ses bénédictions. C’est pourquoi, au matin de la résurrection, alors que les disciples s’en étaient retournés chez eux, Marie se tenait près du sépulcre, dehors, et pleurait. Les bénédictions reçues ne lui suffisaient pas ; elle ne pouvait trouver aucun repos dans ce monde sans Christ. Heureuse avec Lui, elle était inconsolable sans Lui.
De la même manière, le Seigneur s’occupa d’un homme qui avait autrefois blasphémé le nom de Christ et persécuté les saints. La grâce le toucha et le bénit de telle façon que Christ devint pour lui plus grand que toutes les bénédictions qu’il pouvait recevoir de Lui. Tout son désir se trouve exprimé dans ces mots : « que je le connaisse, lui » [Philippiens chapitre 3 verset 10], et « afin que je gagne Christ » [Philippiens chapitre 3 verset 8]. Connaître toutes les bénédictions sur lesquelles Christ lui avait donné des droits ne pouvait le satisfaire ; il lui fallait connaître le donateur des bénédictions. Il ne lui suffisait pas de gagner le ciel, il lui fallait gagner Celui qui lui en avait assuré l’accès.
Nous sommes malheureusement bien lents à apprendre que Christ, et Christ seul, peut satisfaire nos cœurs. Parfois, nous cherchons notre repos dans nos bénédictions spirituelles. Nous consacrons nos efforts à maintenir dans nos âmes la joie ressentie à notre conversion, et le sentiment des bénédictions reçues. Mais s’il est légitime de jouir de son salut, de tels efforts sont tous voués à l’échec. Nous ne pouvons jouir des bénédictions en dehors de Celui qui les dispense ; Dieu n’a jamais eu une telle intention pour nous. Toutes les bénédictions reçues ont leur source en Christ, et ne peuvent être goûtées qu’en Sa compagnie.
D’autres cherchent leur satisfaction dans une activité débordante. Il est certes souhaitable d’être occupés au service du Seigneur, mais si ce service est effectué dans le but de trouver le repos, nous nous apercevrons, comme Marthe, qu’il nous distrait plutôt. Le service est bon en soi, mais il ne satisfait pas le cœur.
D’autres encore cherchent quelque satisfaction passagère dans les choses vaines de ce monde, mais seulement pour réaliser que plus nous nous entourons des choses terrestres, plus nous augmentons nos soucis, au lieu de trouver du repos. Le prophète déclare avec raison : « Levez-vous et allez-vous-en ! Car ce n’est pas ici un lieu de repos, à cause de la souillure » (Michée chapitre 2 verset 10). Nous le répétons, seul Christ peut satisfaire le cœur.
Ainsi, pour une raison ou une autre, nous sommes contraints d’admettre qu’en tant que chrétiens, nous ne connaissons guère la satisfaction du cœur. Certes, tout vrai chrétien est sauvé, mais c’est une chose d’être sauvé, et une autre d’être satisfait. Une fois sauvés par l’œuvre de Christ, nous ne pouvons trouver de satisfaction qu’en la personne de Christ. La mesure dans laquelle nous jouissons de la compagnie de Christ est aussi la mesure de notre repos et de notre satisfaction. La satisfaction parfaite, nous ne la connaîtrons que lorsque poindra l’aurore de ce grand jour dont il est dit : « Les noces de l’Agneau sont venues ; et sa femme s’est préparée » (Apocalypse chapitre 19 verset 7). C’est en mystère que cette grande vérité nous est présentée à la fin de la belle histoire de Ruth. Les deux premiers chapitres ont montré, en image, comment l’amour pour Christ est réveillé. Les deux derniers nous enseignent comment l’amour peut être satisfait.
II
Commençons par relever l’instruction donnée à Ruth aux versets 1 à 5. Naomi enseigne à la jeune femme le secret du repos, dans le but de lui assurer le bonheur. Tout d’abord, elle dirige les pensées de Ruth sur la personne de Boaz, lui disant qui il est et ce qu’il fait. Elle déclare qu’il est « de nos amis ». Elle clame en quelque sorte : « Boaz est des nôtres et nous avons des droits sur lui ». Ainsi, nous avons le privilège de pouvoir considérer Christ comme « nôtre » : Il est devenu chair, a habité au milieu de nous, est mort pour nous et, après Sa résurrection, Il nous appelle Ses frères. Il peut dire à Marie : « Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu » [Jean chapitre 20 verset 17].
Deuxièmement, Naomi dit à Ruth ce que Boaz est en train de faire : « Voici, il vanne cette nuit les orges dans l’aire ». De même, notre divin parent, notre Boaz, passe toute la longue et sombre nuit de l’époque actuelle, si l’on ose s’exprimer ainsi, à vanner Son orge. Le Seigneur Jésus ne s’occupe pas de la balle aujourd’hui. Il le fera en jugement dans un jour futur ; pour le présent, Il s’occupe des siens, « il vanne les orges ». En d’autres termes, Il sanctifie Son Assemblée, afin de se la présenter à Lui-même sans tache, ni ride, ni rien de semblable [Éphésiens chapitre 5 verset 27]. Le Seigneur dans les cieux s’emploie pour les siens en vue du jour qui va poindre.
Après avoir rappelé à Ruth ses droits sur Boaz, Naomi poursuit son instruction en lui montrant quel état convient à la présence de Boaz. Si nous réalisons que nous sommes de la parenté de Christ, que nous Lui appartenons et qu’Il est pour nous, nous désirerons sûrement Sa compagnie. Mais la conscience de Sa présence réclame un état d’âme approprié, que les instructions de Naomi à Ruth nous décrivent de manière imagée : « Lave-toi donc, et oins-toi, et mets sur toi tes habits ».
La première condition nécessaire, « lave-toi », ramène nos pensées au lavage des pieds en Jean chapitre 13. Jean doit d’abord avoir les pieds lavés avant de pouvoir se pencher sur le sein de Jésus. Le lavage des pieds précède nécessairement le repos du cœur. Le Seigneur a dû déclarer à Pierre : « Si je ne te lave, tu n’as pas de part avec moi » (Jean chapitre 13 verset 8). Son œuvre nous a acquis une part en Lui, mais pour avoir une part avec Lui, pour jouir de la communion avec Lui dans la demeure où Il est allé, nous devons avoir nos pieds lavés, et nous sommes malheureusement si souvent négligents sur ce point-là. Nous permettons aux influences néfastes et polluantes du monde de s’infiltrer furtivement en nous et d’entraîner nos affections vers les choses de la terre.
Lorsque le lavage des pieds est négligé, les souillures s’accumulent jusqu’à encombrer notre esprit et émousser nos affections à tel point que notre communion avec Christ devient chose rare, voire inconnue. Soyons attentifs à l’avertissement du Seigneur : « Si vous savez ces choses, vous êtes bienheureux si vous les faites » [Jean chapitre 13 verset 17]. Il ne suffisait pas à Ruth d’accepter l’instruction de se laver ; encore fallait-il qu’elle s’exécute. De même, les bienfaits que nous pouvons retirer de Jean chapitre 13 ne résident pas dans la connaissance de la vérité présentée dans ce chapitre, mais dans sa mise en pratique.
Mais il faut plus encore. Après s’être lavée, Ruth doit aussi s’oindre. Il ne suffit pas de purifier nos esprits des influences polluantes, il nous faut aussi nous souvenir de l’exhortation de l’apôtre : « Au reste, frères, toutes les choses qui sont vraies, toutes les choses qui sont vénérables, toutes les choses qui sont justes, toutes les choses qui sont pures, toutes les choses qui sont aimables, toutes les choses qui sont de bonne renommée — s’il y a quelque vertu et quelque louange — que ces choses occupent vos pensées » (Philippiens chapitre 4 verset 8). Le lavage est un acte négatif, dans le sens qu’il élimine la souillure. L’onction est un acte positif, qui dégage un parfum agréable. Non seulement il est nécessaire de purifier nos esprits et nos affections des mauvaises influences, mais il faut aussi les occuper des choses de Christ, pour que nous répandions autour de nous une odeur de Christ, qui convienne à Sa présence.
Après la mention de l’onction, Naomi ajoute : « mets sur toi tes habits ». Cela ne nous parle-t-il pas du fin lin, qui symbolise la justice pratique des saints ? Si le verset 8 de Philippiens 4 nous parle de l’onction, le verset 9 ne nous donne-t-il pas une réponse quant à la justice pratique ? « Ce que vous avez et appris, et reçu, et entendu, et vu en moi — faites ces choses… ». Le mot-clé de Philippiens chapitre 4 verset 8 est « pensées » ; le mot-clé du verset 9 est « faites ». Si nous avions un plus grand sentiment de la beauté de Christ, ne désirerions-nous pas plus ardemment Sa compagnie et la jouissance consciente de Sa présence ? De tels désirs nous exerceraient encore davantage à garder nos pensées, nos affections, nos paroles et nos voies pures de toute souillure, et à nous occuper de ce qui sied à Christ.
Une fois Ruth rendue propre à la présence de Boaz, sa ligne de conduite est claire : elle doit se coucher aux pieds de Boaz et écouter ses paroles car, comme Naomi le dit, « lui, te fera connaître ce que tu auras à faire » (Ruth chapitre 3 verset 4). Cela ne nous transporte-t-il pas dans nos pensées à cette heureuse scène de Béthanie, décrite en Luc chapitre 10, où nous voyons Marie assise aux pieds de Jésus et écoutant Sa parole ? N’est-ce pas ce qui fait tant défaut aujourd’hui ! Dans l’agitation et le stress de la vie, il ne reste guère de temps pour se retrouver seul avec le Seigneur et écouter ce qu’Il veut nous dire. Puissions-nous entendre Sa voix à travers Naomi, et répondre comme Ruth : « Tout ce que tu as dit, je le ferai » (verset 5). Ainsi, lavés, oints, et revêtus, nous pourrons nous asseoir en Sa présence et écouter Sa Parole.
III
Une fois Ruth aux pieds de Boaz, le récit se concentre naturellement davantage sur ce que fait ce dernier. Boaz va travailler à satisfaire les désirs que son amour et sa grâce ont suscités, mais il va aussi agir en vue de la satisfaction de son propre cœur. Tout cela évoque à nos yeux le mystère beaucoup plus profond de Christ et de Ses désirs envers Son Église. Rien ne saura satisfaire Son cœur si ce n’est d’avoir les siens avec Lui et semblables à Lui. Son amour doit jouir de la compagnie de Ses bien-aimés. Nous allons au ciel parce que c’est l’amour qui nous désire là. Il n’a pas suffi au cœur du père d’ôter les haillons du fils prodigue et de suppléer à ses besoins ; il le voulait en sa propre compagnie, dans une tenue convenant à sa présence, revêtu de la plus belle robe, avec des sandales à ses pieds et un anneau à sa main. De même, le cœur de Christ ne saurait se contenter de nous délivrer du jugement et de nous purifier de nos péchés : Il veut nous avoir avec Lui et semblables à Lui.
C’est dans ce but qu’Il rassemblait les âmes autour de Lui tandis qu’Il traversait ce monde ; en effet, lorsqu’Il appela les douze, c’était en premier lieu pour qu’ils soient « avec lui » (Marc chapitre 3 verset 14).
Cela a été l’objet de Sa prière en Jean 17 : « Père, je veux, quant à ceux que tu m’as donnés, que là où moi je suis, ils y soient aussi avec moi » (verset 24).
C’est dans ce but qu’Il est mort, « afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec lui » (1 Thessaloniciens chapitre 5 verset 10).
C’est également ce qu’Il poursuit aujourd’hui dans Son service à notre égard, nous lavant les pieds pour que nous ayons une part avec Lui.
C’est aussi ce qu’Il a en vue lorsqu’Il recueille l’un de Ses saints : Il veut lui donner d’être « avec Christ ».
Finalement, lorsque le Seigneur viendra sur la nuée pour nous prendre auprès de Lui, ce sera, afin que là où Il est, nous soyons aussi [Jean chapitre 14 verset 3], pour « toujours avec le Seigneur » [1 Thessaloniciens chapitre 4 verset 17].
Telle est la vérité que nous apprenons à Ses pieds. Non seulement que nous Le désirons, mais que Lui nous désire. S’il n’est guère étonnant que nous soupirions après Lui, Son désir à notre égard restera un éternel sujet d’émerveillement. Marie apprit à Ses pieds qu’Il peut se passer de tout notre service, mais non pas de nous-mêmes. « Je suis à mon bien-aimé, et son désir se porte vers moi » (Cantique des cantiques chapitre 7 verset 10) est la vérité — combien grande et glorieuse — que nous apprenons à Ses pieds. C’est de cette même vérité que nous parle Ruth, car aux pieds de Boaz, la jeune femme apprit non seulement qu’elle languissait auprès de lui, mais que lui aussi la désirait. Émerveillée par cette découverte, Ruth peut désormais attendre et laisser Boaz terminer l’affaire (verset 18).
IV
La démarche qu’entreprend Boaz pour assurer le repos et la satisfaction de son propre cœur comme de celui de Ruth est très significative. Il y a d’abord ce qu’il fait avec Ruth, puis l’œuvre qu’il fait pour Ruth. Au chapitre 2, il gagne son affection ; au chapitre 3, il lui donne la hardiesse de chercher à satisfaire l’affection qu’il a suscitée.
Après avoir refusé tout autre et suivi Boaz, elle reçoit en premier lieu l’assurance de la bénédiction : « Bénie sois-tu » (verset 10). Deuxièmement, Boaz enlève de son cœur tout vestige de crainte, en lui disant : « Ne crains pas » (verset 11). Puis il l’assure que tous les obstacles à l’accomplissement de son propos seront surmontés (versets 12 et 13). Entre-temps, il pourvoit richement à ses besoins et lui donne six mesures d’orge. Lorsque Ruth avait cherché sa propre bénédiction, elle avait obtenu une mesure d’orge (Ruth chapitre 2 verset 17) ; mais lorsqu’elle recherche la personne même de Boaz, elle en obtient six. Notons toutefois qu’il y en a six seulement, et non pas sept, le nombre parfait. L’orge, en quelque quantité que ce soit, ne saurait procurer une satisfaction complète.
C’est ainsi également que le Seigneur agit envers les siens aujourd’hui. N’y a-t-il pas une bénédiction spéciale en réserve pour ceux qui ont appris le grand secret que le Seigneur nous désire pour Lui-même ? Cette certitude n’enlève-t-elle pas toute crainte de nos cœurs ? Ne nous donne-t-elle pas au contraire une sainte hardiesse, ainsi que l’assurance que nul obstacle ne saurait empêcher l’accomplissement de Son propos à notre égard ? En attendant, Il supplée à tous nos besoins, et nous rend ainsi capables de demeurer tranquilles, dans la ferme conviction qu’Il n’aura pas de repos tant qu’Il n’aura pas terminé ce qu’Il a commencé. « Celui qui a commencé en vous une bonne œuvre, l’achèvera jusqu’au jour de Jésus Christ » (Philippiens chapitre 1 verset 6).
V
Dans le dernier chapitre, nous voyons comment Boaz œuvre en faveur de Ruth. Dans ce labeur, Ruth n’a aucune part. Boaz est seul lorsqu’il monte « à la porte » (verset 1). La porte d’une ville est l’endroit où s’exerce le jugement. En effet, la justice doit être satisfaite avant que Ruth puisse être bénie ou le dessein de Boaz réalisé. À la porte, Boaz répond à tout et règle tous les points qui peuvent être soulevés. Dix témoins sont convoqués. Boaz leur enjoint de s’asseoir, comme ils n’ont rien d’autre à faire que de constater l’incapacité du propre parent, tout en prenant acte que ses droits ont été pleinement reconnus et satisfaits. Ne voyons-nous pas là une image de l’œuvre puissante de notre grand Rédempteur, qui monta seul « à la porte », le lieu du jugement ? Là, sur la croix, Il régla toute question entre le croyant et Dieu. Là aussi, Il démontra pleinement l’incapacité de la loi de répondre à notre situation, tout en reconnaissant ses justes exigences et en y satisfaisant.
Une fois tout obstacle écarté, le jour des noces arrive, où « Boaz prit Ruth, et elle fut sa femme » (verset 13). « Et tout le peuple qui était à la porte, et les anciens, dirent : Nous en sommes témoins » (verset 11). Ils sont témoins de la bénédiction de Ruth, mais ils attribuent la puissance et la gloire à Boaz : « Deviens puissant en Éphrata, et fais-toi un nom dans Bethléhem » (verset 11).
L’heureuse conclusion de l’histoire de Ruth est une très belle préfiguration de ce grand jour en vue duquel l’Église a été fiancée à Christ, et que nous attendons encore, ce jour duquel nous lisons : « les noces de l’Agneau sont venues ; et sa femme s’est préparée » [Apocalypse chapitre 19 verset 7]. En contemplant cette grande vision, le prophète Jean entend à nouveau, si l’on peut dire, la voix de « tout le peuple qui était à la porte, et des anciens », s’élever en louange, quoique la louange soit maintenant amplifiée en un chant d’une puissance infinie, puisque Jean entend « comme une voix d’une foule nombreuse, et comme une voix de grandes eaux, et comme une voix de forts tonnerres, disant : Alléluia ! car le Seigneur, notre Dieu, le Tout-puissant, est entré dans son règne. Réjouissons-nous et tressaillons de joie, et donnons-lui gloire » (Apocalypse chapitre 19 versets 6 et 7).
Le jour des noces de l’Agneau constituera la réponse magistrale à l’œuvre de la rédemption. La gloire répond à la croix. Ce jour-là, l’Épouse sera infiniment bénie, mais c’est à l’Agneau que seront la puissance et l’honneur. Toute la gloire Lui reviendra, mais plus encore, le Seigneur Jésus verra en ce jour-là le fruit du travail de Son âme et sera satisfait [Ésaïe chapitre 53 verset 11]. Nous aussi, nous verrons Sa face en justice et serons rassasiés de Son image (cf. Psaume 17 verset 15).