Livre:Étude sur l’Apocalypse/Chapitre 18
Ce chapitre ne nous arrêtera pas longuement. Nous y trouvons, non la relation de Babylone avec la bête, mais la description de la chute de la cité, avec les chants funèbres des différentes classes d’hommes qui se lamentent parce qu’elle a disparu de la scène d’ici-bas. En même temps Dieu avertit Son peuple de la ruine de Babylone et l’invite à en sortir. « Sortez du milieu d’elle, mon peuple, afin que vous ne participiez pas à ses péchés et que vous ne receviez pas de ses plaies : car ses péchés se sont amoncelés jusqu’au ciel, et Dieu s’est souvenu de ses iniquités ».
Nous entendons ensuite cette parole : « Donnez-lui comme elle vous a donné, et doublez-lui le double, selon ses œuvres ; dans la coupe qu’elle a mixtionnée, versez-lui le double. Autant elle s’est glorifiée et a été dans les délices, autant donnez-lui de tourment et de deuil. Parce qu’elle a dit dans son cœur : Je suis assise en reine, et je ne suis point veuve, et je ne verrai point de deuil ». C’est-à-dire que Babylone est vue dans ce chapitre, non pas tant sous sa forme mystérieuse et religieuse, donnant cours à toute sorte de confusion entre la vérité et l’erreur, entre le bien et le mal, empoisonnant, séduisant et corrompant, comme tous peuvent le voir, par sa fatale et pernicieuse influence religieuse ; mais elle apparaît ici de la manière la plus évidente, comme aidant et poussant le monde dans tout le luxe et les délices et l’orgueil de la vie — tout ce que les hommes nomment « civilisation ». C’est là ce qui est traité dans notre chapitre avec beaucoup de détails, en même temps que nous sont présentés les regrets et les plaintes de ceux qui pleurent sur la chute de Babylone et la perte de leurs richesses et de leurs jouissances.
Mais le récit ne se termine pas sans que l’Esprit de Dieu ne nous ait montré un tout autre aspect de Babylone. « Et un ange puissant leva une pierre, comme une grande meule, et la jeta dans la mer, disant : Ainsi sera jetée avec violence Babylone la grande ville, et elle ne sera plus trouvée ». La raison en est donnée à la fin ; non seulement il lui est dit : « Car, par ta magie, toutes les nations ont été égarées », mais, par-dessus tout, « en elle a été trouvé le sang des prophètes, et des saints, et de tous ceux qui ont été immolés sur la terre ».
Quel fait grave et solennel dans le gouvernement de Dieu ! Comment se peut-il que ce système vil, corrompu et idolâtre des derniers jours, soit coupable du sang de tous les martyrs ? C’est qu’il a suivi l’esprit et ainsi accepté l’héritage de tous ceux qui, depuis les jours de Caïn, ont levé leurs mains contre leurs frères justes. Au lieu de tirer un avertissement de la méchanceté de ceux qui l’ont précédée, qui, d’un côté, entraînaient par leurs séductions, et, de l’autre, persécutaient, Babylone, toutes les fois qu’elle l’a pu, a enchéri sur eux, jusqu’à ce qu’enfin le coup du jugement divin l’ait frappée. Telle est la règle habituelle de Dieu dans Ses jugements. Il ne les fait pas tomber nécessairement sur celui qui, le premier, a introduit le mal, mais sur ceux qui ont marché dans la même voie coupable, et peut-être ont aggravé le mal, au lieu de s’en détourner. Et quand Dieu juge, ce n’est pas seulement pour le mal commis par ceux que frappe le jugement, mais pour tout, depuis l’origine jusqu’au moment du jugement. Bien loin que cette manière de procéder soit injuste, c’est, à un point de vue divin, la voie de la plus haute justice.
Prenons pour exemple les membres d’une famille. Supposons que le père se soit laissé aller à s’enivrer. S’il y a chez ses fils une étincelle de sentiments honnêtes, non seulement ils éprouveront une honte profonde et une vive douleur à cause de la faute de leur père, mais, comme ceux des fils de Noé qui sentaient ce qu’ils devaient à leur père, ils s’efforceront de jeter quelque manteau d’amour sur ce qu’ils ne peuvent nier, et dont, cependant, ils détournent la vue, mais sûrement, par-dessus tout, ils veilleront à ne pas se laisser surprendre eux-mêmes par ce honteux péché. Mais hélas ! dans la famille se trouve un fils qui, au lieu de tirer enseignement de ce qui est arrivé à son père, en prend occasion de satisfaire la même passion. Le coup tombe sur lui, et non sur le misérable père. Il est doublement coupable, parce qu’il a vu la nudité de son père, qu’il a compris qu’il devait la couvrir et ne l’a pas fait. Il aurait dû haïr le péché, tout en ayant pour son père la plus profonde compassion. Au lieu de cela, il a, au contraire, persévéré dans le même courant du mal, et fait peut-être pire que son père ; ainsi se trouve aggravée sa culpabilité.
Voilà précisément ce que nous avons ici. Babylone avait entendu les divers témoignages de Dieu ; aucune partie de la vérité ne lui avait été cachée. De même qu’autrefois la Babylone de Chaldée avait pu connaître la loi et les prophètes, la prédication de l’évangile a retenti dans celle-ci, qui doit aussi entendre le témoignage final de Dieu, l’évangile du royaume qui sera annoncé dans les derniers jours. Mais elle aime ses aises et sa puissance, et repousse la vérité. Elle en viendra à mépriser tout ce qui est réellement divin ; elle n’emploiera de la Parole de Dieu que ce qu’elle pourra pervertir pour le faire servir à accroître sa propre importance, obtenir un plus grand ascendant sur les consciences, et jouir plus entièrement du luxe et des plaisirs dans ce monde ; elle fera tout pour effacer tout souvenir du ciel, et faire de ce monde une sorte de paradis qu’elle embellira, non par une religion pure et sans tache, mais au moyen des arts humains et des idolâtries du monde.
C’est là ce qui fera éclater l’indignation et le jugement de Dieu sur la dernière phase de Babylone, de sorte que tout le sang versé sur la terre lui sera imputé et qu’elle sera jugée en conséquence. Il est évident que cela n’empêchera nullement que, dans le jugement des morts, chaque homme ne soit jugé pour son propre péché. Cette vérité demeure. Le jour du Seigneur pour le monde n’annule en rien Ses voies et Son action envers chaque âme individuellement. Le jugement des morts est strictement individuel, les jugements qui atteignent le monde ne le sont pas ; ils viennent sur lui comme autrefois sur Israël, c’est-à-dire qu’ils tombent sur les nations ; mais ils sont incomparablement plus sévères pour la chrétienté corrompue, ou Babylone comme elle est nommée ici, parce qu’elle a joui de privilèges beaucoup plus grands.
Selon ce principe du gouvernement de Dieu, ce n’est pas seulement la culpabilité personnelle qui vient sous le jugement, mais celle qui, par le mépris de Dieu, s’est ainsi moralement accumulée d’âge en âge, en raison même du témoignage de Dieu et de la méchanceté dans laquelle les hommes se sont complu en dépit de ce témoignage.