Livre:La sympathie chrétienne/texte

De mipe
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ou Lettres et écrits
Traduction libre de l’anglais
Auteur: T.A. Powerscourt Date: 1845

Avertissement

La vicomtesse Théodosia A. Powerscourt écrivit, à diverses époques et à diverses personnes, les lettres qui suivent, sans se douter qu’après sa mort elles seraient recueillies par un ami désireux de les faire servir à l’édification de l’Église. Une circonstance providentielle les a fait parvenir jusqu’à nous, ce dont nous rendons grâces à l’auteur de tout don. Elles ont été bénies pour plusieurs de ceux qui les ont lues en anglais, et nous demandons à Dieu qu’il en soit de même pour les personnes qui les liront en langue française, quoique nous sachions fort bien que la traduction que nous en donnons est à tous égards inférieure à l’original. Le style particulier de ces lettres en a nécessité une traduction libre, et ainsi la forme des pensées a souvent été dépouillée de tous ses charmes. Cependant, comme les pensées elles-mêmes demeurent et qu’elles ont pour but d’abaisser l’homme et le moi et de magnifier Dieu et Son amour, nous croyons pouvoir recommander ce livre comme l’un des plus propres à édifier, à consoler les âmes chrétiennes, et à les faire croître dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ. C’est ce que confirme pleinement la préface du révérend Robert Daly, recteur de Powerscourt, l’éditeur du volume anglais, dont nous reproduisons une grande partie.

Paris, janvier 1845

Henri Olivier

Préface du révérend Robert Daly

En offrant ce volume au public, il est peut-être nécessaire que je dise ce qu’on peut en attendre. On n’y trouvera ni anecdotes, ni remarques relatives aux personnes avec lesquelles lady Powerscourt était en correspondance. Ceux qui ont eu le privilège de recevoir des lettres de cette femme pieuse, savent bien qu’elle aimait à s’occuper de sujets beaucoup plus élevés que les actions ou les opinions de ses semblables. Si tout ce qu’elle a écrit devait jamais être mis sous l’œil du public, on s’étonnerait peut-être de voir combien peu elle a parlé des hommes. Dans les lettres qui suivent, je me suis étudié à omettre entièrement tout ce qu’on aurait pu considérer comme personnel. C’est pourquoi ceux qui espéreront trouver dans ce volume les opinions de lady Powerscourt sur telle ou telle personne, ou sur tel ou tel mouvement en dedans ou en dehors de l’Église, seront désappointés. J’ai confiance que ces pages n’offriront aucune nourriture de cette espèce. Si la correspondance qui m’a fourni les matériaux que j’ai choisis eût été entachée d’un tel défaut, je n’aurais jamais consenti à la rendre publique. Mais cette servante si distinguée de notre Seigneur vivait dans une atmosphère plus élevée et respirait un air plus pur. Elle s’est conformée, mieux qu’aucun des chrétiens que j’ai jamais eu le privilège de connaître, à l’idée qu’elle se faisait d’un chrétien, idée qu’elle a exprimée d’une manière si remarquable, quand elle a dit : Il ne regarde par les cieux depuis la terre, mais il regarde la terre depuis les cieux. Il semble qu’elle soit montée sur une haute et sainte colline, pour contempler les scènes de ce monde, se conformant ainsi strictement à cette exhortation de l’apôtre : « Pensez aux choses d’en haut, et non à celles qui sont sur la terre ; car vous mourûtes ; et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu » [Colossiens chapitre 3 versets 2 et 3]. Elle parle le langage d’une âme élevée au-dessus du monde, et qui respire librement et sans contrainte, car « son droit de bourgeoisie était dans les cieux » [Philippiens chapitre 3 verset 20], Jésus Christ l’avait ressuscitée et l’avait fait asseoir dans les lieux célestes [Éphésiens chapitre 2 verset 6].

Ce qui m’engage à publier ce volume, c’est la conviction qu’il exprime les sentiments, l’expérience et la spiritualité d’une personne qui avait fait dans la vie divine des progrès plus rapides que la plupart des membres de l’Église. J’ai pensé que cette lampe que le Seigneur avait allumée devait être mise, non sous le boisseau, mais sur le chandelier, afin qu’elle éclairât tous ceux qui sont dans la maison [Matthieu chapitre 5 verset 15]. Elle abondait en pensées originales et fortes qu’elle savait revêtir d’un langage analogue. Les expressions remarquables dont ses lettres sont remplies me rappellent l’âme la plus forte que j’aie jamais rencontrée dans une femme. Une fermeté mâle peu commune était combinée chez elle avec la douceur féminine la plus exquise. J’espère que par la bénédiction de Dieu ses lettres serviront à faire du bien à d’autres personnes. Mais j’ai confiance qu’elles seront particulièrement utiles à ceux qui pleurent, à ceux qui sont affligés ou angoissés dans leur esprit, ou souffrant de toute autre manière. Lady Powerscourt savait ce qu’est la douleur. Elle avait passé par des épreuves sévères, et elle était ainsi tout particulièrement capable de sympathiser avec les chrétiens éprouvés. « Elle pouvait consoler ceux qui étaient en quelque tribulation que ce fût, au moyen de la consolation par laquelle elle avait été elle-même consolée de Dieu » [2 Corinthiens chapitre 1 verset 4]. Quand elle savait quelqu’un de ses amis dans l’épreuve, elle se sentait spécialement portée à lui écrire une parole de consolation. C’est pour cela que plusieurs des lettres qui suivent sont adressées à des personnes affligées, et j’espère qu’elles serviront à consoler et à fortifier ceux qui sont dans des circonstances semblables.

Il y a un sujet qui a beaucoup retenu l’attention de lady Powerscourt, mais qui n’apparaît pas dans les pages suivantes de façon aussi importante que nombre de ses amis religieux s’y seraient attendus ; c’est le sujet de la prophétie. Elle était connue pour l’avoir étudié attentivement, pour avoir discuté avec des personnes les plus versées dans cette étude, et pour avoir consulté les livres qui ont été écrits sur ce sujet ; et, par-dessus tout, pour avoir lu les Écritures sur ce sujet avec une grande attention — et pourtant, sa correspondance parle très peu de prophétie. Que personne ne pense qu’en sélectionnant les lettres, j’ai mis de côté celles sur ce sujet ; je crois qu’il est juste de dire que j’ai été moi-même surpris de trouver si peu sur cet intéressant sujet, dans ses papiers. Je m’attendais à trouver des déclarations bien plus claires résultant de ses considérations profondes sur la prophétie ; et même si elle avait affirmé des choses qui ne correspondaient pas avec mes propres vues, je les aurais publiées, pour permettre à ceux intéressés par ce sujet d’exercer leur jugement. Je ne ferai certainement pas ce que d’autres, que j’estime, font — publier les sentiments d’un autre, tout en les considérant comme erronés, quant aux principes fondamentaux de l’Écriture — mais je publierais les sentiments d’un autre sur le devenir de l’Église, même en pensant que, dans ces sentiments, l’auteur se trompait ; parce que je considère le premier point comme vital, et que l’erreur à ce sujet est particulièrement dangereuse. Je ne pense pas qu’il en soit ainsi du second point. Je considère que toute l’Église de Christ est dans l’obscurité quant à la prophétie, et plus ou moins dans l’erreur à cet égard ; et que le meilleur moyen de corriger l’erreur, et d’avoir plus de lumière, est d’encourager une libre discussion sur ce sujet. Pour atteindre le but, il est essentiel de ne pas manquer le chemin. Il n’est pas autant essentiel de formuler des anticipations correctes quant à ce que nous trouverons à la fin. Ceux qui sont en chemin atteindront le but, et alors toutes leurs erreurs concernant celui-ci seront corrigées.

Je me sens aussi appelé à remercier les correspondants de lady Powerscourt pour leur gentillesse et leur confiance en me confiant ses précieuses lettres. Ils verront, j’en suis certain, que je n’ai pas trahi leur confiance. J’ai sélectionné les lettres du mieux que j’ai pu ; je n’ai rien modifié, et j’ai peu corrigé, sauf ce qui était nécessaire pour rendre le sens plus clair, ce qui est souvent indispensable en publiant un manuscrit non corrigé. J’ai été obligé d’omettre quelques très belles lettres, du fait de la répétition de sentiments et d’expressions semblables dans d’autres. Il semble que cela ait été fréquemment le cas, que certains sujets scripturaires, avec une suite de pensées en lien avec, avaient très profondément affecté l’esprit de lady Powerscourt ; et elle revenait à ce sujet et à ces pensées en écrivant à ses différents amis, au même moment, à divers endroits. J’ai en général omis les lettres dans lesquelles une similarité de pensées était visible ; mais j’ai parfois admis une répétition, là où j’aurais sinon rejeté une lettre, précieuse sous d’autres aspects, ou aurais dû faire des omissions qui auraient obscurci le sens. J’espère que ses correspondants m’excuseront pour les omissions, et les lecteurs pour les répétitions qu’ils observeront.

Comme mon but est simplement de présenter à l’Église les sentiments de l’auteur, ce qui me semble approprié pour amener de l’édification, j’ai omis même les noms des personnes à qui ces lettres étaient adressées ; et je me suis aussi abstenu d’ajouter à ce volume quoi que ce soit qui ressemble à un mémorial de l’auteur disparue. Il serait impossible d’écrire un résumé biographique de celle qui est partie, sans citer des personnes qui restent, ce qui leur aurait fait une publicité qui aurait froissé leurs sentiments. J’ai ainsi publié les lettres sans aucune recommandation, hormis leur valeur intrinsèque. Je les publie, non parce qu’elles ont été écrites par ma chère amie disparue, mais parce que, à mon avis (non infaillible, je l’admets), elles me semblent être en elles-mêmes dignes de voir le jour.

J’ai ajouté à ces lettres quelques écrits de lady Powerscourt, qui montreront combien ses pensées sur la Parole de Dieu étaient profondes. On peut dire d’elle en vérité, « qu’elle prenait plaisir en la loi de l’Éternel, et qu’elle méditait jour et nuit en sa loi » [Psaume 1 verset 2]. Elle a été un monument signalé de la grâce à laquelle elle a rendu témoignage par toute sa vie. Je demande à Dieu qu’Il fasse que, quoique morte, elle parle encore [Hébreux chapitre 11 verset 4] pour l’édification de Son peuple et à la gloire de Son saint nom.

Powerscourt Glebe, avril 1838

Lettres de lady Powerscourt

Lettre 1

… 1821

J’apprends avec plaisir que vous avez une bonne opinion de …. J’éprouve presque un sentiment d’envie lorsque je vois une personne sentir profondément ses péchés ; mais je suis convaincue que notre sage et tendre Père sait mieux que nous ce que nous sommes capables de supporter, lors même qu’il nous paraît triste de n’être pas plus affligés d’avoir offensé un tel Seigneur.

L’espérance qu’il y a dans cette maison des personnes qui cherchent Celui que je désire aimer plus que tout ce qu’il y a dans le monde, me donne une grande joie. La vue d’un visage chrétien fait déjà du bien. Je n’espère pouvoir me rendre ni mercredi, ni jeudi à …, mais je pense que plus nous sommes privés de telles jouissances, plus nous soupirons après le moment où nous les posséderons éternellement et où toutes les folles joies du monde, qui nous affligent maintenant, auront passé pour jamais.

Votre sincèrement affectionnée

T.A. Howard (note : Nom de jeune fille de l’auteur, avant son mariage en 1822. (Éd.))

Lettre 2

Cher Monsieur,

Je vous renvoie le sermon avec beaucoup de remerciements. Je suis très reconnaissante de ce que vous avez bien voulu me le prêter, et surtout de ce que vous avez eu la bonté de l’accompagner de précieux encouragements. J’espère que le Seigneur m’amènera, ainsi que tous ceux qui me sont chers, à l’état heureux que ce sermon décrit. Je vous remercie aussi de vos bons vœux ; je vous assure que personne dans votre paroisse n’en a plus besoin que moi. Vous espérez, dites-vous, que je prie quelquefois pour vous ; il serait bien étrange, en vérité, que je ne le fisse que quelquefois ; mais si vous saviez ce que sont mes prières, vous me demanderiez de ne plus penser à vous. Je suis bien mécontente de moi à cet égard ; pendant plusieurs semaines je n’ai pas pu prier du tout, et je n’ai lu que rarement la Parole en particulier. Si vous n’étiez pas trop occupé, vous auriez peut-être la bonté de me dire en quelques mots si jamais une personne chrétienne à vos yeux s’est trouvée dans mon cas, et à quelle cause vous l’avez attribué. Quant à moi, je ne doute pas que ce ne soit ma faute. Parfois je crains que l’Esprit du Seigneur ne se lasse de contester avec moi. J’espère que vous me pardonnerez de vous fatiguer en vous parlant de moi ; mais il n’y a point de paix pour nous quand le Seigneur nous cache la clarté de Sa face.

Ce sera un heureux temps que celui où nous en aurons fini avec ce corps de péché.

Votre bien affectionnée

T.A. Howard

Lettre 3

… Je viens de lire ces précieux versets : « Rendant grâces au Père, qui nous a rendus capables de participer à l’héritage des saints dans la lumière, qui nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés au royaume du Fils de son amour » [Colossiens chapitre 1 versets 12 et 13]. Je crains presque que de si grandes choses ne puissent concerner une souche telle que moi ; cependant la pensée d’être participante de cet héritage m’est quelquefois très douce, et j’aime à m’occuper d’aussi glorieux privilèges, lors même que je pourrais ne jamais en jouir…

Lettre 4

Londres, le 9 avril 1823

Mon cher Monsieur, j’espère que vous ne regarderez pas mon long silence comme une preuve d’ingratitude. Vous avez eu la bonté de m’écrire une longue et affectueuse lettre ; mais pendant la maladie de M… j’ai eu peu de moments dont je pusse disposer, et vous préférez que je les consacre à la lecture de la Bible plutôt qu’à vous écrire. D’ailleurs je désirais vous annoncer le rétablissement de M… et c’est ce que, par la grâce de Dieu, je crois pouvoir faire actuellement. Cette maladie a été une longue et douloureuse épreuve, et cela d’autant plus que les nerfs en souffraient beaucoup. Mais le Seigneur ne nous a placés en présence de circonstances aussi pénibles que pour nous faire mieux sentir notre dépendance, et nous rendre plus vigilants à rechercher Sa grâce, par laquelle nous sommes préparés à tout. J’aimerais pouvoir vous dire qu’un tel effet a été produit sur moi, et que mon cœur si dur a reçu de profondes impressions. Pendant quelque temps j’ai été fort affligée à cet égard, et j’aurais dû m’entretenir avec vous. Je m’étais décidée à vous aller voir la veille du jour où nous avons quitté Powerscourt, mais je fus retenue par la pensée que peut-être vous me trouveriez indiscrète et trop remplie de moi-même ; — et comme vous aviez l’intention de m’écrire, je pris le parti d’attendre que vous l’eussiez fait pour vous demander vos conseils. Il me semble que je dois vous faire des reproches, car il est impossible que vous ne vous soyez pas aperçu que je suis bien éloignée du Seigneur ; je n’ai jamais cherché à vous le cacher et vous auriez dû m’en parler. Je ne puis qu’être étonnée de n’être pas plus malheureuse ; il me semble que je suis devenue complètement indifférente, et que c’est à peine si l’incertitude où je suis à l’égard de mon état spirituel me cause quelque inquiétude. Mon âme est aussi malade que lorsque je quittai l’Irlande. Je n’avais rien à perdre. Souvent j’ai la crainte que mon nom ne soit effacé du livre de vie, et que le Seigneur ne se soit lassé de me solliciter à recevoir toutes les bénédictions de l’évangile. Je sais que vous essaierez de me donner quelque consolation, mais ce n’est pas ce dont j’ai besoin ; car dans l’incertitude où je suis, je n’éprouve qu’apathie et indifférence à la vue des promesses.

Oh ! si vous saviez combien mes sentiments actuels sont différents de ceux que j’avais l’année dernière !… Alors j’étais si heureuse dans le Seigneur. Il me semblait que jamais je ne pourrais me détourner de Lui ; Sa bonté m’avait rendue si forte. Je me souviens d’avoir dit : Quels que soient les événements, mon bonheur est assuré ; même quand je serais enfermée pour la vie dans un cachot, je serais encore heureuse dans l’assurance d’être unie à mon Sauveur. Mais Il m’a caché Sa face et j’ai été troublée [Psaume 30 verset 7]. Pour moi, qui ai une fois joui de Son amour, toutes les autres choses ont perdu leur saveur. Je ne prends intérêt à rien, ni aux choses éternelles, ni aux choses passagères du temps. Au lieu de lire ma Bible avec une avidité semblable à celle d’un homme affamé qui dévore la nourriture, je ne la lis que comme une tâche.

La prière n’est plus la plus douce de mes jouissances ; elle n’est plus pour moi qu’un devoir que je serais satisfaite de pouvoir accomplir, et lorsque je veux m’en acquitter, je n’ai plus rien à dire à mon Seigneur. La contemplation du ciel, qui précédemment m’était si douce, ne fait que décolorer à mes yeux toutes les choses de la terre. Si l’on me disait que je serai demain dans la gloire, je n’en éprouverais pas le moindre plaisir. Vous ne pourriez comprendre combien mon cœur est insensible à tous les moyens de grâce dont je jouis ; j’entends des prédications excellentes, mais sans aucun effet ! La vue d’un chrétien ne me procure presque plus de plaisir. Au lieu d’aimer à entendre parler du Sauveur, je suis à chercher quelque chose à dire ; je n’éprouve qu’indifférence pour le salut d’autrui… Mon état est affreux. Je pourrais vous en dire davantage, mais je ne ferais que vous affliger. Je n’ai pas l’espérance que vous puissiez me comprendre, car je ne suppose pas que jamais quelqu’un se soit trouvé dans ma position. Je le sais, vous ne pouvez rien faire pour moi ; cependant, j’espère que vous ferez une chose, que vous combattrez pour moi devant Dieu ; oui, combattez pour moi dans vos prières. Je vous dois bien plus que je ne puis le dire, et je ne vous écrirais pas tout cela, si je ne sentais pas que vous êtes la seule personne au monde qui soit capable de s’associer à la sollicitude que j’éprouve pour ma pauvre âme. Ce que je puis dire, c’est que vous êtes net de mon sang. Oh ! si je pouvais être votre joie et votre couronne au dernier jour ! Puissent toutes vos instructions ne pas me précipiter plus profondément dans l’enfer ! Je pense qu’autrefois j’avais trop l’habitude de considérer la piété comme un plaisir, et qu’après avoir perdue l’amie avec qui je partageais toutes les jouissances qu’elle me procurait, je ne sais plus en trouver maintenant.

Vous ne me trouverez occupée que de moi-même, mais j’ai besoin de vos conseils et de vos prières. Nous avons été tellement renfermées par la maladie de lord P., que je n’ai pu entendre aucune prédication pendant la semaine, mais je vais régulièrement entendre M…, le dimanche. Dimanche dernier je fus à la chapelle de M. Howell, et je l’entendis avec plaisir, quoique son style soit un peu bizarre. Ce qu’il dit est très fort ; il abaisse la créature et élève le Sauveur.

… Pardonnez-moi cette longue lettre, et croyez-moi votre très affectionnée et reconnaissante

T.A. Powerscourt

Lettre 5

Septembre 1823

Cher Monsieur, j’aurais répondu plus promptement à votre bonne lettre, si j’avais eu quelque chose d’agréable à vous dire. Mais, hélas ! j’ai été dans la désolation de toutes manières. Mon époux terrestre m’a été enlevé, je ne puis trouver mon époux céleste, et Satan ne cesse de me harceler en cherchant à me faire dire : Qu’ai-je donc fait de si coupable que mon Père se soit ainsi irrité contre moi ? Cher Sauveur, ne permets pas qu’il règne au-dedans de moi ; éteins ses dards enflammés, fais-moi comprendre que je mérite beaucoup au-delà même de toute la colère d’un Dieu offensé ! Mais toi, Jésus, tu as porté nos langueurs, tu t’es chargé de nos douleurs [Ésaïe chapitre 53 verset 4]. Mes épreuves ne sont que bénédictions, elles sont l’accomplissement de ce qui reste de tes afflictions ! J’ai aussi la tentation de croire que je n’appartiens pas à Dieu, parce que je ne jouis d’aucune des consolations que Ses enfants éprouvent, après en avoir toujours joui auparavant à l’heure de l’épreuve… « Jonas, est-ce bien fait à toi de t’être ainsi mis en colère ? » [Jonas chapitre 4 verset 4]. « Je porterai l’indignation de l’Éternel, parce que j’ai péché contre lui » [Michée chapitre 7 verset 9]. Oh ! cher Monsieur, vous ne savez ce que c’est que de perdre un être si cher, si profondément cher ; il semble que toutes les fibres du cœur sont déchirées. Ce qui me reste à vivre se présente sous un aspect si sombre. Après avoir veillé nuit et jour auprès de lui avec tant d’anxiété, je me laissais aller à l’espérance de pouvoir le conserver encore, et cette espérance a été renversée d’une manière si inattendue, que pendant quelques jours je ne croyais pas pouvoir le supporter. J’oubliais alors que ma force doit durer autant que mes jours. Dans aucune des pertes que j’ai faites précédemment, je n’ai pu prier pour la conservation de la vie de ceux que j’aimais ; mais cette fois, combien tout était différent !

Je ne pouvais m’empêcher de supplier nuit et jour le Seigneur de m’épargner ce coup terrible. J’ai cru qu’Il voulait m’exaucer, et j’ai espéré jusqu’au jour où cet être si cher a rendu le dernier soupir… « Je connais, ô Éternel ! que tes jugements ne sont que justice, et que tu m’as affligée suivant ta fidélité » [Psaume 119 verset 75]. — Je dois attendre, pour connaître les raisons du Seigneur, le temps où je connaîtrai comme j’aurai été connue [1 Corinthiens chapitre 13 verset 12]. Que ce soit par amour qu’Il m’ait châtiée, c’est ce dont je ne puis douter, parce que Celui qui l’a fait est pour moi, non point un ami nouveau, mais un ami éprouvé et précieux, et quand cela me sera bon, Il permettra que je voie qu’Il est amour. Mais c’est avec effroi que je pense à ma rébellion et à mon ingratitude pendant cette douloureuse lutte. J’ai fait pendant cette année bien des découvertes dans mon cœur ; la boue qui se cachait sous une belle apparence a été manifestée. Quel serait votre étonnement, quel serait l’étonnement des anges, si mes péchés n’avaient pas été effacés par le sang de l’Agneau et que le livre en fût ouvert devant tous !

Le contraste que présente ma position de l’année dernière avec celle où je me trouve maintenant, me paraît être une des plus fortes leçons que l’on puisse recevoir sur la vanité des choses terrestres. Où est-elle la perspective de bonheur que j’avais au-devant de moi ? Je suis comme un monument vivant de la vanité de l’homme ; je vois combien mon cœur, à mon insu, était attaché à la terre. Je n’aurais jamais cru qu’après avoir fait profession de croire aux joies du ciel et les avoir réalisées par la foi, on pût ainsi mener deuil, et que, semblable à ceux qui sont sans espérance, on pût rappeler par ses désirs ceux qui s’en sont allés. Mais je n’en dirai pas davantage ; mes plaintes ne font qu’offenser Dieu et vous fatiguer. Je suis par moments excessivement oppressée, et ce soir il me semble que le démon travaille à me déchirer intérieurement et à m’empêcher tout repos. Je vous demande instamment de prier pour moi et de m’écrire.

Croyez à l’affection invariable de votre reconnaissante

T.A. Powerscourt

Lettre 6

Le 18 février 1824

… Combien je soupire après le moment où je vous rejoindrai tous ! Je sens que j’ai besoin de patience, et j’ai bien de la peine à me familiariser avec la pensée qu’il serait possible que je vécusse encore trois fois autant que j’ai vécu jusqu’à présent. Lorsque mes regards se reportent de quelques mois en arrière, et que je me souviens du bonheur que j’éprouvais avec celui qui était si cher à mon cœur, je puis difficilement me persuader que je suis la même personne. Actuellement il possède ce dont il jouissait par la foi, et je suis laissée seule. — Mais j’oublie que j’avais pris la résolution de ne plus murmurer. Quand l’ennemi fond sur moi comme un torrent débordé, il m’est difficile de croire que Dieu m’aime par Christ autant que ceux qui sont déjà dans les cieux ; mais lorsque la foi reprend le dessus, il me semble qu’Abraham, quoique dans la gloire, n’est pas plus en sûreté que je ne le suis. Croyez-vous qu’il y ait de la présomption dans cette pensée ? « Une forte tour ! » [Proverbes chapitre 18 verset 10] quelle précieuse expression ! Et si nous y courons, nous y serons en sûreté ! Quand je serai abandonnée à moi-même, je courrais pour m’en éloigner. Je ne croirais pas aux promesses, et je chercherais à me préserver moi-même du danger. Mais l’amour tout-puissant m’arrête, me pousse dans la tour, puis me récompense de ce que j’y suis allée. En sûreté ! que cela exprime de choses ! En sûreté à l’égard de tous les dangers ! Aucun mal ne pourra ni nous arrêter complètement dans notre course, ni nous empêcher d’arriver. L’amour nous remplira tout entiers. Dès ici-bas toutes choses travaillent ensemble à notre bien [Romains chapitre 8 verset 28]. Je jouis de cette précieuse parole : Que tes veuves s’assurent en moi [Jérémie chapitre 49 verset 11]. J’aurais autrefois désiré qu’il y eût pour les veuves une plus riche promesse, mais aujourd’hui je sens qu’il faut que nous passions par des circonstances diverses pour être en état de sentir la force des paroles du Seigneur. En effet, quoi de plus précieux pour les veuves qu’une invitation à s’assurer en Dieu !

Lorsque je porte mes yeux sur ce monde corrompu qu’il me faut traverser toute seule, que n’aurais-je pas à craindre à chaque pas dans mon isolement, si je ne pouvais pas dire avec Paul : « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort ! » [2 Corinthiens chapitre 12 verset 10]. C’est comme si le Tout-puissant nous invitait à nous confier en Lui, en nous promettant qu’aucun mal ne nous approchera. Si je suis sous Ses bras éternels, « j’habiterai seule sûrement » — au milieu des émeutes, des révolutions, des persécutions, des tremblements de terre, etc. « Que tes veuves s’assurent en moi », c’est tout ce dont elles ont besoin. Oui, je sais que je serai gardée. Qu’elle est douce la pensée que l’œil du Seigneur est sur nous pour délivrer notre âme de la mort ! Il agit envers nous comme une mère qui sans cesse a les yeux sur son enfant dans la crainte qu’il ne se fasse du mal, ou comme un bon gardien qui soigne un pauvre insensé et qui le suit constamment. « L’Éternel est celui qui te garde » [Psaume 121 verset 5]. Si l’incrédulité se soulève et dit : Comment sais-tu que tout cela est pour toi ? alors je ne puis que lui répondre : Mon Maître m’a dit ainsi. Son Esprit rend témoignage avec mon esprit [Romains chapitre 8 verset 16]. Il m’a donné les arrhes de Son Esprit [2 Corinthiens chapitre 1 verset 22]. Il est précieux pour ceux qui croient, et je sens qu’Il m’est précieux. « Mon bien-aimé est avec moi comme un sachet de myrrhe » [Cantique des cantiques chapitre 1 verset 13]. Oh ! si je me tenais attachée à Lui ! J’ai besoin que mes pieds se fixent sur le rocher. Ce qui m’afflige, c’est que les vagues du péché et du monde m’emportent si souvent loin de Lui. Ne me refusez pas vos prières, j’en ai un si grand besoin ; ayez la bonté de m’écrire et de m’exhorter à m’attacher de tout mon cœur au Seigneur ; puis dites-moi si vous pensez que je sois trop présomptueuse et que je me trompe en quoi que ce soit. L’ancien serpent est si rusé. Pardonnez si je vous parle autant de moi ; mais parler de ce que Dieu peut faire pour nous, n’est-ce pas magnifier la puissance de Sa grâce bien mieux que ne pourraient le faire des paroles relatives à toutes les autres choses de cette terre ?

Recevez l’assurance de mon affection chrétienne.

T.A. Powerscourt

Lettre 7

… Il semble que la création tout entière soit en travail pour enfanter quelque grand événement, et que la pauvre Irlande soit montée en mémoire devant Dieu. Oh ! qui sommes-nous pour pouvoir considérer toutes les circonstances avec une assurance parfaite que chacune d’elles travaille, travaillera et doit travailler à notre bonheur éternel ! Si notre jugement était juste, c’est de cette manière que nous les envisagerions, et alors, dans chaque nouvelle manifestation de la puissance du Dieu qui est notre Dieu, nous aurions une consolation nouvelle. Lors même que la terre serait ébranlée jusque dans ses fondements ; lors même qu’extérieurement nous sentirions la malédiction que mérite le péché, nous ne considérerions aucune chose comme un mal réel ; nous serions simplement spectateurs et nous regarderions tout depuis l’ouverture de l’inébranlable rocher dans lequel nous nous serions réfugiés. De là nous pourrions défier avec hardiesse les détresses et les persécutions. Nous avons le Très-haut pour notre haute retraite. Faciles à être mis en mouvement comme le volant, nous pouvons être lancés depuis le moi jusqu’à Satan, et renvoyés de Satan au moi, jusqu’à ce que l’un et l’autre soient fatigués ; mais ni le péché, ni le moi, ni Satan ne pourront porter atteinte à notre vie, car elle est cachée avec Christ en Dieu [Colossiens chapitre 3 verset 3].

Parce qu’Il vit, nous aussi nous vivrons [Jean chapitre 14 verset 19]. Que nous sommes heureux de posséder dans un monde tel que celui-ci une confiance aussi glorieuse, et de pouvoir dire, en portant nos regards en haut : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Le Prince de notre salut ne s’est-Il pas révélé à nous comme notre intime ami ? Tandis qu’Il appelle Son peuple du septentrion au midi, de l’orient à l’occident, Il n’oublie pas ceux qui sont déjà dans Sa bergerie, mais Il vient à eux, et Il leur fait entendre la douce voix de Sa Parole. Il me promet que, quelle que soit l’immensité de Ses œuvres, Il ne m’oubliera jamais ; Il me dit qu’Il ne peut jouir de la gloire et me laisser en arrière ; que l’ange ne peut proclamer qu’il n’y aura plus de temps, avant que le dernier de Ses élus ait le sceau sur son front ; que la Parole de vérité ne peut manquer. Je crois que nous courons actuellement le risque d’être poussés en avant par une certaine excitation qui pourrait nous empêcher de nous souvenir que, comme nous avons reçu Christ, nous devons aussi marcher en Lui [Colossiens chapitre 2 versets 6 et 7], que nous devons être édifiés aussi bien qu’enracinés et fortifiés dans la foi, et que nous ne devons pas nous livrer au combat avec une ardeur qui nous fasse négliger notre armure. J’espère que vous ne nous oubliez pas, et que vous êtes souvent présent en esprit au milieu de nous. Demandez sans cesse que nous demeurions parfaits et accomplis en toute la volonté de Dieu [Colossiens chapitre 4 verset 12], afin qu’Il puisse nous placer comme des fanaux sur les lieux élevés ; que par la splendeur de notre vie nous éclairions un grand nombre de ceux qui sont encore dans le royaume des ténèbres et que nous les conduisions dans le royaume du Fils de Son amour [Colossiens chapitre 1 verset 13] ! Oh ! qu’il nous soit donné de marcher en toute humilité d’une manière digne de notre céleste vocation, et de voir les choses comme Dieu les voit Lui-même, n’aspirant plus qu’à un seul but et ne nous occupant plus, pendant que nous attendons le retour de Christ, qu’à nous avancer vers le prix, en poursuivant constamment la course qui nous est proposée [Hébreux chapitre 12 verset 1] ! C’est ainsi que nous détacherons nos cœurs des désirs et des jouissances qui finissent avec le temps, et que, n’étant plus embarrassés par les soucis de la terre et fascinés par ses séductions, nous démontrerons par notre vie tout entière que notre royaume n’est pas de ce monde [Jean chapitre 18 verset 36].

Priez pour que cela s’accomplisse en nous, et de mon côté je demanderai que la réponse du Seigneur soit aussi pour votre âme une rosée de bénédictions. …

Votre sincèrement affectionnée en Christ,

T.A. Powerscourt

Lettre 8

Janvier 1826

… Je vous remercie de votre longue et bonne lettre. Notre cœur se sent attiré vers ceux qui ont assez de sollicitude à notre égard, pour nous faire remarquer les choses qui, dans notre conduite, pourraient contrister le Saint Esprit. Je crois que vos observations sont parfaitement justes, et j’espère que je puis compter sur vos prières pour être rendue capable de marcher en toute chose d’une manière digne du Seigneur [Colossiens chapitre 1 verset 10]. En effet, c’est dans le Seigneur qu’il nous est dit de nous réjouir [Philippiens chapitre 3 verset 1], et nous pouvons éprouver cette joie, même au milieu de l’affliction ; c’est le « bon courage » dans la tribulation. Quelquefois je me suis arrêtée, comme étonnée que ma coupe fût aussi débordante de cette bénédiction. Plus mon cœur est dépouillé de lui-même pour la recevoir, plus aussi elle abonde ; mais il n’en est pas ainsi lorsque je suis dans quelque illusion. J’avoue que quelquefois je me sens extraordinairement abattue, et cependant je ne suis pas malheureuse. La blessure que j’ai reçue est des plus profondes ; le coup a été bien sévère ; mais comment sans cela aurais-je pu connaître que Jésus naît comme un frère au temps de la détresse [Proverbes chapitre 17 verset 17] ? Comment aurais-je pu L’apprécier comme ma force, si je n’avais pas été laissée à toute ma faiblesse ? Mon cœur est trop égoïste pour que mes yeux ne laissent plus échapper aucune larme ; mais j’espère que le murmure ne m’en fera plus jamais verser. Ma plaie est cicatrisée, mais de temps en temps elle s’entrouvre encore. Il fallait qu’un cœur dur comme le mien fût suffisamment amolli pour sentir le besoin de ce bon médecin, qui fait la plaie et qui la bande [Job chapitre 5 verset 18], qui blesse et dont les mains guérissent.

Je comprends assez bien ces paroles : « Crier et gémir sous les afflictions, et en même temps craindre toute pensée de bien-être ».

Si c’était cependant plus à la gloire de Dieu que je prisse plaisir dans les nombreux sujets de jouissance qui me restent encore dans ce monde, quelque décolorés qu’ils me paraissent au travers du verre de l’affliction, hé bien, me voici, Seigneur ! Puissé-je seulement reposer toute mon âme sur le grand « Je suis ». Je puis vous assurer que, quoique les apparences semblent me démentir, je suis remplie de joie et de paix en croyant [Romains chapitre 15 verset 13], et que la vie est pour moi comme un flux et reflux d’amour. Jésus m’est précieux. La bannière de Son amour est déployée au-dessus de ce lieu. Ici Ses promesses me sont encore comme le miel découlant du rayon. Je ne désire rien sur la terre que Lui seul ; Il est toute mon espérance et tout mon salut ; je vais en avant avec confiance, sachant qu’Il ne peut se renier Lui-même [2 Timothée chapitre 2 verset 13] pour dire : « Je ne t’ai jamais connue », car Il me donne le témoignage que non seulement Il me connaît, mais aussi qu’Il m’aime ; aussi suis-je rendue capable de Lui dire : « Tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime » [Jean chapitre 21 verset 17].

Quelquefois nous nous sentons des vermisseaux si insignifiants, qu’il nous est difficile de comprendre que le Seigneur puisse penser à nous et s’occuper de nos misérables intérêts. Dans d’autres moments on se sent d’une telle importance, qu’on s’étonne que des chrétiens puissent vivre comme les autres hommes, surtout lorsqu’on lit quels sont les transports de joie de l’armée céleste qui, lorsque l’ange du Seigneur annonce aux bergers de Bethléhem la naissance du Sauveur des pécheurs, s’écrie : Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ; paix sur la terre, et bienveillance envers les hommes [Luc chapitre 2 verset 14] ! C’est précisément cette paix qu’il nous faut ici-bas ; aussi nous l’a-t-Il acquise par Son sang et nous l’a-t-Il léguée à Son départ. Que les paroles qu’Il adresse à Ses disciples, après Sa résurrection, paraissent simples ! Il semble qu’Il jouissait du travail de Son âme quand Il distribuait Sa paix. Oh ! qu’Il en remplisse abondamment votre âme ! Puissiez-vous, tandis que vous recommandez aux autres le trésor inexprimable de la Parole, vous en nourrir de plus en plus vous-même par la foi avec actions de grâces ! Qu’Il répande dans tous nos cœurs les richesses de Sa plénitude ; qu’Il nous rende capables de montrer combien nous estimons le privilège de nous approcher de Lui pour Lui parler de craintes que le monde ne peut calmer, de besoins qu’Il ne saurait satisfaire, et de bénédictions auxquelles Il ne connaît rien !

Votre affectionnée,

T.A. Powerscourt

Lettre 9

… Votre âme peut-elle encore regarder en haut ? Peut-elle, à la lumière du ciel, passer au milieu des ténèbres ? Je connais ce qu’est le vaste et aride désert que vous avez devant vous. Qu’il est grand le vide que laisse cet ami tant aimé ! Combien tout doit vous paraître insipide ! Elle a disparu cette tendresse qui savait entrer dans tous les détails qui pouvaient vous intéresser ; vous avez perdu celui qui vous donnait des conseils, qui vous protégeait, qui pleurait avec vous dans vos épreuves, et qui se réjouissait de vos joies. Je sais ce que c’est que de se retirer le soir en disant : Où est-il ? — de se réveiller le matin, et de ne plus le trouver ; — d’entendre jour après jour sonner l’heure qui le ramenait à son heureux foyer, et de ne plus rencontrer qu’un souvenir dont l’avenir entier semble rempli d’amertume. Oh ! ma pauvre, ma pauvre amie ! qui mieux que moi pourrait sympathiser à votre peine ? Qui plus que moi a participé à votre bonheur ? Mais il est passé ce temps si doux, pendant lequel il m’a été donné de jouir de vos joies réciproques. Maintenant je puis partager votre douleur, et je sais que cela est selon Dieu. Si je connais en grand le sens du mot affliction, je sais aussi qu’un autre n’est point mêlé dans la joie de celui que Dieu afflige. Avec quelle tendresse le Seigneur parle des veuves ! C’est comme un père qui sent les coups mieux que l’enfant qu’il châtie. Il semble qu’Il veuille guérir chaque blessure qu’Il a été forcé de faire ; Il proclame du haut des cieux qu’Il guérit les cœurs froissés. Il a déjà répondu à chacune des plaintes que vous pourriez faire. Si vous dites que vous n’avez plus personne qui vous suive, qui vous accompagne, et sur qui vous puissiez vous appuyer ; Il veut vous suivre, et Il vous invite à monter du désert appuyée sur votre bien-aimé [Cantique des cantiques chapitre 8 verset 5]. Avez-vous besoin de quelqu’un qui s’intéresse à ce qui vous concerne ? Rejetez sur lui tout votre fardeau, parce qu’Il prend soin de vous [1 Pierre chapitre 5 verset 7]. — Avez-vous besoin d’un protecteur ? « Que tes veuves s’assurent en moi » [Jérémie chapitre 49 verset 11], est-il écrit. — Vous faut-il un conseiller ? Il est l’admirable en conseil. — Vous faut-il de la société, des amis ? Il vous dit : « Je ne vous laisserai point orphelins, je viendrai à vous » [Jean chapitre 14 verset 18] ; « je ne vous laisserai point, je ne vous abandonnerai point » [Hébreux chapitre 13 verset 5] ; « je ne vous appelle point serviteurs, mais je vous ai appelés mes amis » [Jean chapitre 15 verset 15]. « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi » [Apocalypse chapitre 3 verset 20]. — Vous manque-t-il quelqu’un qui pleure avec vous ? « Dans toute leur angoisse Il a été en angoisse » [Ésaïe chapitre 63 verset 9] ; « Jésus pleura » [Jean chapitre 11 verset 35]. Lorsque vous vous couchez, vous vous placez en sûreté à l’ombre de Ses ailes, sous la bannière de Son amour. Lorsque vous vous réveillez, Il entoure votre lit, et Il est encore sur votre sentier. Il faut que l’affliction contribue à nous unir intimement à Lui, et que nous apprenions à connaître toute l’excellence de ce Jésus qui est le premier entre dix mille [Cantique des cantiques chapitre 5 verset 10]. Tout en Lui est aimable ; Il est le frère qui naît dans la détresse [Proverbes chapitre 17 verset 17], l’ami qui est plus attaché que le frère [Proverbes chapitre 18 verset 24], l’ami des pécheurs. Je vous en prie, écrivez souvent à votre pauvre sœur ; dites-moi tout ce qui peut vous intéresser ; faites que les enfants ne m’oublient pas…

Lettre 10

Mon cher Monsieur… Celui dont je vous parle était une lumière brillante par laquelle Dieu fut glorifié ; je crois que la puissance de Dieu dans l’homme intérieur a été manifestée en lui plus que dans beaucoup d’autres ; il était comme imprégné de l’Esprit de Christ, toutes ses pensées paraissaient soumises à son Maître. Mais il fallait être auprès de lui et le suivre dans tous les détails de sa vie, pour se faire quelque idée de la manière dont l’Esprit le formait à l’image de Jésus. Il me semble que quatre grands traits le caractérisaient principalement.

Le premier était un oubli continuel de lui-même, d’où s’ensuivait une attention constante à tout ce qui pouvait être agréable aux autres, ainsi qu’une sympathie qui entrait dans tous leurs sentiments, qui se faisait à tous leurs préjugés, et qui se plaçait, autant que cela était possible, à leur point de vue, afin d’en gagner quelques-uns. Le second et le plus frappant, était un vrai dégoût de lui-même. Il paraissait avoir réellement senti le péché comme un insupportable fardeau, et en même temps son assurance en Christ pour tout son salut était illimitée. Il m’a souvent rappelé Ésaïe chapitre 59 verset 19. La corruption du cœur naturel lui semblait un fleuve prêt à l’engloutir, et auquel il n’échappait qu’en attachant constamment son âme à Jésus comme à sa haute retraite.

Le troisième trait de son caractère chrétien était une telle soif de la vérité sous tous les rapports, qu’il pouvait se dépouiller de tous les préjugés et éloigner tous les obstacles qui auraient pu l’arrêter dans son chemin. Il ne cherchait qu’à atteindre son but et à se mettre en possession de l’objet qu’il avait en vue.

Le quatrième et dernier trait était une piété telle qu’il paraissait toujours au-dessus de la nature humaine. Son âme était sans cesse occupée de Christ, et semblait ne prendre plaisir qu’en Lui seul. On eût dit qu’il n’avait de vie que pour les choses spirituelles, aussi y faisait-il des progrès de moment en moment. Il savait défendre la vérité avec zèle ; il jouissait avec reconnaissance de la société de ses amis ; et quoiqu’il dût habituellement s’occuper de beaucoup d’affaires, il pouvait vivre seul, et il avait appris la science si difficile d’user de ce monde sans en user pleinement [1 Corinthiens chapitre 7 verset 31]. De même que l’aiguille de la boussole reprend bientôt sa position naturelle quand elle a été détournée du pôle par une force supérieure, de même son esprit se hâtait de se reposer en Dieu lorsqu’il avait pu secouer le poids des affaires.

Je crois que si je disais toute ma pensée, je le peindrais comme un homme parfait, car l’amour couvre tous les péchés ; et les divers fruits de l’Esprit qu’il portait étaient si liés les uns aux autres, qu’il était difficile de savoir quel était celui qui dominait. On peut dire de lui en toute vérité, qu’il rendait honorable à tous égards la doctrine de Dieu son Sauveur. Quand on parle d’un homme qu’on a autant apprécié, on court le risque d’abaisser le Sauveur en élevant trop la créature, et en négligeant de rappeler que le péché était ce qui lui appartenait en propre, et que Christ l’avait revêtu de tout ce qui en lui était aimable.

Je vous écris bien longuement, mais vous savez que c’est le propre des femmes d’user de beaucoup de paroles pour dire peu de choses…

Votre, etc.

T.A. Powerscourt

Lettre 11

… 1826

… Je pensais que la mort du cher … serait pour moi en grande bénédiction, et je crains qu’elle ne m’ait enseigné uniquement que tel n’est pas de toute nécessité le résultat de l’épreuve. Je ne répéterai pas ce que le Seigneur a déjà si hautement proclamé en m’envoyant douleur sur douleur : c’est que, si personne n’a plus besoin d’épreuves que moi, personne n’a un aussi grand besoin de la Bible que moi. Oh ! qu’Il m’enseigne à en faire un meilleur usage ! Il ne faut rien moins que la puissance de Dieu pour soumettre notre volonté ; et quoiqu’il nous soit souvent difficile d’être satisfaits des circonstances, nous avons encore plus de peine à nous résigner à être ce que nous sommes, à n’être que comme l’argile entre les mains du potier, nous laissant façonner pour l’usage du Maître exactement comme Il l’entend, puis à être contents du bien et du mal, sachant que, s’Il a commencé en nous une œuvre de grâce, Il est puissant pour l’achever [Philippiens chapitre 1 verset 6]. Comment pourrions-nous prendre notre parti de déshonorer si souvent Celui que nous adorons, et de perdre si souvent, par notre folie ou par notre négligence, la présence de notre Dieu, que nous estimons cependant comme le plus grand des biens ! Il nous est très pénible d’être dominés par le moi, de nous surprendre encore plaçant et adorant Dagon dans le temple de notre bien-aimé Sauveur, et d’en être obsédés partout où nous allons. Je crois qu’une des parties essentielles de notre bonheur dans l’éternité consistera à en avoir fini avec notre misérable moi pour être remplis de Dieu qui sera tout en tous.

… Ce lieu-ci a subi bien des changements pendant les deux dernières années. Les visites des saints, des bien-aimés du Seigneur m’y étaient plus précieuses que je ne saurais l’exprimer, et cette bénédiction m’aidait à supporter mes épreuves. Cependant pour le chrétien il y a toujours un mais. Mais maintenant j’espère que je serai aidée et réjouie par l’attente de l’arrivée de Celui en qui « tout est aimable » ; et que je serai soutenue par l’intérêt qu’Il prend à tout ce qui me concerne. Mon unique ambition est de vivre pour Lui, d’être une lampe ardente et brillante à la gloire de Son nom, et de Le glorifier dans mon corps aussi bien que dans mon esprit qui Lui appartiennent [1 Corinthiens chapitre 6 verset 20] l’un et l’autre, et qu’Il a achetés par prix. Bientôt nous Le posséderons en réalité ; bientôt nous jouirons de la compagnie des justes rendus parfaits, et nous pourrons peut-être leur raconter comment chaque tempête d’affliction humaine a poussé notre nacelle vers le port.

Je suis bien égoïste lorsque je vous écris ; je m’imagine toujours que vous vous intéressez spécialement à l’état spirituel de tous les membres de votre troupeau. Ne tardez pas, je vous prie, à me répondre, et ne pensez pas que vous perdiez votre temps quand vous le faites. J’espère que votre gorge va mieux. Vos afflictions ne sont pas un privilège pour vous seul, elles sont aussi pour notre consolation et pour notre salut. Mes amitiés à tous ceux qui se souviennent de moi.

Croyez-moi, mon cher Monsieur, votre sincèrement affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 12

Powerscourt, le 1 février 1826

Ma bien-aimée… je dois donc toujours vous écrire sans recevoir aucune réponse ; en vérité cela est dur. Toutefois, si j’avais la pensée que je pusse procurer un moment de soulagement à un saint dans l’affliction, je serais plus que soumise ; combien ne doit-il pas être doux, en effet, d’être un vase de consolation dans le temple de notre Dieu ! Si je ne devais pas avoir ce privilège, j’ai pourtant l’espérance d’être un vase de miséricorde pendant toute l’éternité. Le pauvre pécheur ne voudrait pas, lors même qu’il le pourrait, être autre qu’il n’est pour être sauvé. Orgueilleux comme nous le sommes, nous nous révoltons d’abord à la pensée de n’être que des objets de pitié ; nous préférerions être comme ceux qui pensent n’avoir pas besoin de salut, parce qu’ils sont riches et que leurs biens se sont augmentés. Mais lorsque nous sommes forcés de mettre bas les armes de la rébellion et de venir comme des mendiants, malheureux, misérables, pauvres, aveugles et nus, nous sentons tellement le bonheur qu’il y a à être les objets de la pitié d’un Dieu plein de compassion, que nous nous glorifions même dans nos infirmités [2 Corinthiens chapitre 12 verset 9], en ce qu’elles nous mettent en contact avec Lui pour toutes les choses de la vie présente et de la vie éternelle. Plus nos besoins sont grands et multipliés, plus nous avons affaire avec Lui. Comme vous devez bien Le connaître ! Combien de fois ne vous a-t-Il pas fortifiée au milieu de vos douleurs ! Combien de fois n’a-t-Il pas refait tout votre lit dans votre maladie [Psaume 41 verset 3] ! Combien de fois n’avez-vous pas été rendue capable de porter votre âme sur les bras de la foi jusque dans la retraite de Ses bonnes paroles, qui sont comme un lit de consolation rembourré de Ses douces et précieuses promesses !

Pendant que le croyant expérimente dans la fournaise que l’épreuve n’est pas d’abord un sujet de joie mais de tristesse [Hébreux chapitre 12 verset 11], il est tellement convaincu que le Seigneur fait tout pour le plus grand bien, que, lors même qu’il en aurait le pouvoir, il ne voudrait en rien modifier ses voies. Le nouvel homme éprouve un si grand besoin d’être rendu participant de la sainteté de Dieu, et de jouir du fruit paisible de justice, qui est produit pour ceux qui sont exercés par ce moyen, que, loin de chercher à éviter les coups, il baise bien plutôt la verge en disant : Amen ! traite-moi, Seigneur, comme un enfant ! L’enfant du monde peut avoir quelque relâche ici-bas dans ses souffrances, mais l’enfant de Dieu ne saurait en avoir. Notre Père céleste ne nous fera pas sentir un seul coup inutile, car « de telle compassion qu’un père est ému envers ses enfants, de telle compassion l’Éternel est ému envers ceux qui le craignent » [Psaume 103 verset 13] ; mais aussi Il ne nous épargnera pas un seul coup nécessaire, car « Il fouette tout enfant qu’Il avoue » [Hébreux chapitre 12 verset 6], afin qu’Il puisse le recevoir comme un père reçoit le fils dans lequel il prend plaisir. N’est-il pas étrange que le moment dans lequel Il agit le plus en père à notre égard, soit précisément celui où nous sommes le plus portés à oublier que nous sommes Ses enfants ? N’a-t-Il pas raison de nous reprocher d’oublier l’exhortation qui s’adresse à nous comme à Ses enfants [Hébreux chapitre 12 verset 5] ? Que nous sommes heureux, nous dont Il se nomme le Père, de pouvoir Le prendre au mot, Lui présenter la relation qu’Il a Lui-même formée, puis élever nos yeux en disant : Abba, Père ! Qu’il nous est doux de pouvoir abandonner tous nos intérêts temporels à notre Père céleste qui sait de quoi nous avons besoin [Matthieu chapitre 6 verset 8], en Lui rappelant que c’est au père à pourvoir aux besoins de ses enfants !

Et lorsqu’il est question de nos besoins spirituels, qu’il nous est précieux de savoir que le cœur du Père est toujours disposé à tout donner selon Ses moyens ! Si même nous avons péché, si nous avons regardé du côté du monde, si nous n’avons répondu à l’amour que par une honteuse ingratitude, vers qui élèverons-nous nos cœurs humiliés, si ce n’est vers notre Père ?

C’est ainsi que l’enfant prodigue, quand il confesse qu’il n’est plus digne d’être appelé l’enfant de son père, ne peut s’empêcher de commencer par lui dire : — « Père » ! Non, rien ne peut changer cette relation : « Encore qu’Abraham ne nous reconnût point, et qu’Israël ne nous avouât point, Éternel, c’est toi qui es notre Père, et ton nom est notre rédempteur de tout temps » [Ésaïe chapitre 63 verset 16]. Il pardonne comme un père pardonne à son fils qui le sert [Malachie chapitre 3 verset 17] ; et lors même qu’Il serait forcé de parler contre Son fils tant aimé, Il se souviendrait toujours de lui avec tendresse ; Ses entrailles seraient toujours émues à son sujet ; Il ne pourrait s’empêcher d’en avoir compassion. C’est ainsi qu’Il nous conduira nous-mêmes ; Il nous fera marcher le long des ruisseaux d’eaux et par un droit chemin dans lequel nous ne broncherons point, car Il a été pour Père à Israël. Il veut nous revêtir de la plus belle robe [Luc chapitre 15 verset 22] de Sa garde-robe — de la justice de Christ ; Il veut nous donner en témoignage de Son amour le plus précieux de tous Ses dons — Son Saint Esprit ; Il veut que nous soyons chaussés de la préparation de l’évangile de paix [Éphésiens chapitre 6 verset 15]. Si nous sommes tentés de douter de Sa fidélité, Il nous fait remarquer les sentiments du cœur de David, quand il s’écriait : « Mon fils Absalom ! mon fils ! mon fils Absalom ! Plût à Dieu que je fusse mort moi-même pour toi ! » [2 Samuel chapitre 18 verset 33]. Puis Il nous demande si David eût pu volontairement affliger Absalom. Moïse disait à l’Éternel : « Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple, ou l’ai-je engendré pour me dire : Porte-le dans ton sein, comme le nourricier porte un enfant qui tette ? » (Nombres chapitre 11 verset 12), et en se plaçant dans la relation de père à notre égard, notre Dieu s’engage à nous porter dans Son sein jusqu’au pays de la promesse. Ainsi nous ne chancellerons pas, tant qu’Il ne sera pas fatigué ; ainsi nous ne tomberons pas, tant qu’Il ne fera pas de faux pas ; personne ne nous ravira de Sa main [Jean chapitre 10 verset 28], tant que la toute-puissance de Son bras ne sera pas diminuée ; aucun lion ne nous surprendra, aucun ennemi ne nous renversera, tandis que nous sommes sous les bras éternels et sous la bannière de l’amour céleste. C’est là, ma chère compagne de voyage, votre portion et la mienne. Seigneur, qu’est-ce que de l’homme que tu l’élèves ainsi, que ton cœur le suive avec tant de sollicitude, que tu le visites chaque matin, que tu l’éprouves à tout moment ? Tu fais tout cela pour des êtres tels que nous, qui avons sans cesse besoin de l’exercice de ta grâce pour être préservés de l’enfer, et même pour savoir ici-bas, tandis que nous sentons le poids insupportable du péché, que ta miséricorde s’élève jusqu’aux cieux, et qu’elle y est établie pour toujours. Nos péchés passés ne nous condamneront point, parce que ta miséricorde est de tout temps ; nos péchés à venir ne le pourront pas non plus, parce que ta miséricorde est à toujours. Oui, tous nos péchés ont été mis sur Christ ; ils ont tous été transportés dans le pays d’oubli, et il n’est pas plus possible qu’ils soient jamais mis de nouveau sur nous, qu’il ne le serait que l’orient se confondît avec l’occident. Sous l’ancienne économie, il se faisait chaque année une commémoration des péchés, pour montrer que le sang des taureaux et des boucs ne pouvait jamais ôter le péché ; mais maintenant la déclaration si souvent répétée, que Dieu ne se souviendra plus de nos péchés, prouve abondamment que le sang de Christ est suffisant pour nous purifier de tout péché. Puissions-nous chaque jour pénétrer davantage dans cet insondable amour, et croître dans la connaissance de cet amour qui surpasse toute connaissance jusqu’à ce que nous soyons remplis de toute la plénitude de Dieu [Éphésiens chapitre 3 verset 19], et que tous les sentiments qui étaient en Jésus Christ soient formés en nous ! Puissions-nous, quand Il ouvrira Ses trésors, et qu’Il mettra à part Ses plus précieux joyaux, être trouvés, avec tous nos amis chrétiens, parmi ceux qui auront parlé l’un à l’autre [Malachie chapitre 3 verset 16] de Son saint et glorieux nom, et qui y auront pensé ! Si la grâce donne une telle vue de l’amour de Dieu, ici-bas où il n’y a que faiblesse, quel ne sera pas le ravissement de l’Église dans les cieux, où elle jouira de la présence de Jésus, lorsque le temps ne sera plus, et que le bruit de la vie aura passé ! Cette vie ! notre Dieu la désigne par des noms bien insignifiants quand Il en parle : c’est de l’herbe, une fleur, de la poussière, du vent, une ombre, une feuille qui voltige, la navette d’un tisserand… Distribuez mes amitiés à vos alentours.

Croyez-moi, ma chère…, votre très affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 13

Antrim Castle, le 12 mai 1826
Ma chère amie,

Mon intention n’était pas de vous écrire avant mon arrivée à Powerscourt, où j’avais l’espérance de pouvoir affranchir mes lettres, mais je ne puis renvoyer davantage de vous remercier, vous et vos chères sœurs, des bontés que vous avez eues pour mes enfants. J’en ai été d’autant plus reconnaissante qu’on ne peut me témoigner de l’affection que pour l’amour de mon Maître. Comme Il nous prouve clairement que notre bonheur est le seul but qu’Il se propose à notre égard, quand Il dit : « C’est ici mon commandement, que vous vous aimiez l’un l’autre » [Jean chapitre 15 verset 12]. C’est donc à juste titre que nous pouvons l’abandonner entre les mains de Celui qui n’a point épargné Son propre Fils. Comme la brebis exténuée, laissons-nous porter sur les épaules du Berger, heureuses de passer avec Lui, et par la prospérité et par l’adversité, et par la vie et par la mort. C’est une sagesse et un amour infinis qui ont tracé notre sentier, et, de plus, l’homme de douleur y a passé avant nous ; quelque pénible qu’il soit, nous avons toujours la douce consolation de marcher sur les traces du Prince de notre salut ; de l’intérieur du sanctuaire un écho divin répond à chacun de nos besoins et à chacune de nos angoisses. « Si nous souffrons avec lui, nous serons aussi glorifiés avec lui » [Romains chapitre 8 verset 17]. De même qu’Il est entré par les portes éternelles, en s’écriant d’une voix de triomphe : « Celui qui me justifie est près ; qui est-ce qui plaidera contre moi ? » [Ésaïe chapitre 50 verset 8] — de même, ceux qui Le suivent peuvent dire, malgré leur extrême faiblesse : « Qui intentera accusation contre les élus de Dieu ? » [Romains chapitre 8 verset 33]. Je ne pense pas que personne puisse douter, en lisant la Bible, qu’elle n’ait été écrite par Celui qui connaissait chacune des détresses par lesquelles chaque croyant devait jamais passer, depuis le commencement jusqu’à la fin de sa course ; et je m’assure que tout lecteur attentif se convaincra que la plénitude de la divinité habitait en cet homme [Colossiens chapitre 2 verset 9] qui, lorsqu’Il invitait tous ceux qui étaient travaillés et chargés à aller à Lui, pouvait leur promettre le repos de leurs âmes [Matthieu chapitre 11 versets 28 et 29]. Et n’avons-nous pas besoin de tout ce que la Bible renferme, parole sur parole, promesse sur promesse ? Afin que notre consolation abonde, Dieu nous a placés dans la dépendance les uns des autres, et Il a établi les relations diversifiées qui sont destinées à nous soutenir dans notre pèlerinage ; et, comme s’Il eût voulu montrer qu’elles se trouvent toutes en Lui seul, Il se présente à nos cœurs avec le nom qui désigne chacune d’elles.

J’aime à penser à Lui comme à un Père, car il est écrit : « Quel est l’enfant que le père ne châtie pas ? » [Hébreux chapitre 12 verset 7]. Je suis certaine que Sa tendresse ne nous épargnera pas au-delà de ce qu’il faut, et que notre rébellion ne Le portera pas à dire : « Abandonne-les ». La tendresse dont Il accompagne le châtiment lui-même, nous prouve infiniment mieux que des paroles ne pourraient le faire, que ce n’est pas volontairement qu’Il nous afflige [Lamentations de Jérémie chapitre 3 verset 33], mais que, comme un père a compassion de ses enfants, ainsi Il a compassion de nous. Oserais-je donc jamais murmurer, moi qui peux dire avec tant de raison que Son amour m’étonne moi-même ? Ayant bu quelques gouttes à la coupe de Jésus, je puis en quelque mesure sympathiser avec Lui, et je pense que jamais Il ne reçoit de blessures plus douloureuses dans la maison de Ses amis [Zacharie chapitre 13 verset 6], que lorsqu’ils se laissent aller au murmure. Rien de la part d’Israël ne paraît avoir autant lassé Sa patience. Oh ! puissions-nous tous être rendus capables de dire, en plénitude de foi, dans toutes les circonstances : « L’Éternel est mon berger, je n’aurai point de disette » [Psaume 23 verset 1] ; résignés à vivre, résignés à mourir ; préparés à la prospérité, préparés à l’adversité ! Seulement, « Père, glorifie ton nom ! » [Jean chapitre 12 verset 28].

Si nous pouvions voir l’intérieur du cœur comme Dieu le voit, nous nous écrierions : indigne ! indigne ! qu’il soit écrit de lui comme de l’ancien Éphraïm : « Son iniquité est liée, et son péché est serré » [Osée chapitre 13 verset 12]. Je crois que mon séjour à Édimbourg a rendu plus vivante mon attente de la venue du Seigneur. Les jouissances de l’amitié ne sont plus pour moi ce qu’elles étaient autrefois. J’en avais précédemment de très grandes ici. Actuellement, je sens que mon histoire est finie, que les liens de l’affection tendent vers un autre ordre de choses, et que ce n’est qu’afin que Christ achève Son œuvre en nous et par nous, que nous sommes laissés dans le royaume de Satan. Nous devrions, il me semble, chercher à mieux connaître le but de l’ancien serpent, qui est de nous renverser, et celui de Christ, qui est de nous aider. Satan s’efforce à nous attacher toujours plus fortement au moi, et lorsqu’il perd l’espérance de nous engager à adorer cette idole, il cherche à s’en servir pour nous donner de fausses consolations. Mais notre cher Sauveur veut nous donner une puissante consolation, à nous « qui avons eu notre refuge à saisir l’espérance qui nous est proposée » [Hébreux chapitre 6 verset 18]. Avançons-nous donc vers ce but, non seulement en ouvrant nos bouches pour exposer nos besoins, mais aussi en publiant sur le haut des maisons ce qui nous est dit à l’oreille dans le secret, et en affirmant à nos pauvres compagnons de voyage que nous avons fait l’expérience que « Celui qui a fait les promesses est fidèle » [Hébreux chapitre 10 verset 23].

Quelques-uns de mes amis me reprochent d’écrire des lettres fort peu réjouissantes. Ma vie pourra se résumer, à l’avenir, dans ces paroles : « Toutes choses travaillent ensemble en bien pour ceux qui aiment Dieu » [Romains chapitre 8 verset 28] ; mon seul désir est de pouvoir parler de mon bien-aimé. Néanmoins je ne puis refuser de reconnaître que l’amour que je vous porte est tel, qu’un étranger ne peut y être mêlé.

Avec une affection cordiale, je suis, chère amie, votre

T.A. Powerscourt

Lettre 14

Glenart, octobre 1827
Ma bien chère sœur dans le Seigneur,

N’est-il pas vrai que, fréquemment, nous sommes pour nous-mêmes un sujet d’étonnement ? Quand je pense que j’ai une amie dans ce monde, à laquelle une lettre de moi ne serait sûrement pas désagréable, et que je puis pendant un ou deux mois en rester au seul projet de lui écrire, lors même que je pourrais espérer une réponse en retour ! J’ai confiance que vous parlez à beaucoup de personnes de Celui qui a dit : « Je suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé » [Jean chapitre 10 verset 9], et que vous-même vous pouvez entrer, sortir et trouver de la pâture. Oh ! si nos cœurs étaient toujours brûlants au-dedans de nous, semblables à du vin en fermentation, prêt à faire éclater le vase qui le contient ! Si nous étions sans cesse comme forcés de parler de notre roi ! S’Il habitait tellement dans nos cœurs par le moyen de la foi, que nos discours sortant de cette abondance fussent comme l’aspic qui rend son agréable odeur, comme le parfum de Son glorieux nom, et que cette mine inépuisable de richesses célestes pût continuellement se répandre en consolations et en grâces, pour nous-mêmes et pour ceux qui nous entourent ! Mais qui donc est ce roi, que nous puissions laisser de côté tout autre sujet pour ne parler que de Lui ? C’est l’Éternel fort et puissant, l’Éternel puissant dans nos batailles, l’Éternel des armées, le roi de gloire [Psaume 24 versets 8 et 10] ! C’est mon Seigneur qui s’assied à la droite de l’Éternel, jusqu’à ce que tout ce qu’il y a de mal dans mon cœur devienne le marchepied de Ses pieds ! C’est le roi qui sera sacré sur Sion, la montagne de Sa sainteté [Psaume 2 verset 6], quoique les nations se mutinent et que les rois et les princes de la terre consultent ensemble contre Lui [Psaume 2 verset 2] ! C’est un roi qui est venu au milieu de Son peuple, avec un cœur rempli d’amour. C’est un roi sur la tête duquel sont plusieurs couronnes [Apocalypse chapitre 19 verset 12] ; mais celle qui Lui sied le mieux, et qui est en même temps la plus éclatante, c’est celle dont Il fut couronné le jour de Ses épousailles (Cantique des cantiques chapitre 3 verset 11). C’est un roi dont l’épouse est la plus grande gloire, quoiqu’elle ne se compose que de pécheurs qu’Il a domptés, qu’Il a créés de nouveau, et auxquels Il s’est uni comme tel à jamais. C’est un roi qui, dans le jour de l’allégresse de Son cœur, étendra Sa main sur vous et sur moi, et dira en présence des hommes, des anges et des démons : « Venez, les bénis de mon Père, etc. » [Matthieu chapitre 25 verset 34]. C’est un roi qui, par les témoignages d’amour que chaque jour Il répand sur nos pas, nous prouve qu’Il sait ce que nous sommes, et qu’il nous faut pour être satisfaits la joie même de notre Seigneur, et qui, après nous avoir préparé un royaume, nous prépare maintenant pour que nous puissions y entrer. C’est un roi qui a enrichi Son Église par Sa pauvreté, et qui l’a nourrie de Ses richesses. En un mot, c’est Jésus de Nazareth, le roi des Juifs.

Que de choses n’aurions-nous pas à dire au sujet d’un tel roi ? Pourquoi donc, lorsque nous nous trouvons dans la société des enfants de notre Père, passons-nous si souvent nos moments à parler de sujets que nous ne regardons que comme des vanités ? Cela ne vient-il pas de ce que de l’abondance du cœur la bouche parle [Matthieu chapitre 12 verset 34] ? Hélas ! combien j’ai sujet de m’accuser moi-même à cet égard ! Rien ne me fait autant sentir que je dois vivre sous la dépendance du Seigneur. Combien fréquemment je recherche le moi au lieu de Jésus, et je ne le prouve que trop par mon silence devant ceux qui n’aiment pas la piété ! Combien de fois j’ai eu honte de Lui ; que de fois je me suis irritée lorsqu’on me résistait ; comme je suis encore légère, et combien peu je sens ce que je dis ! Oh ! que vous seriez étonnés si vous me connaissiez ! Tout l’amour des anges et des saints réunis ne pourrait me supporter… « Lui seul peut se taire à cause de son amour ». Assurément, Il n’est pas bien exigeant, puisqu’Il ne nous demande que de l’amour. Et combien il y a de grâce dans cette demande ! Ce n’est pas un ami inconnu qu’Il nous invite à aimer, c’est Celui dont Il nous a, de Son propre pinceau, dessiné les traits. Deux questions se présentent naturellement à notre pensée, lorsque nous sommes invités à aimer une personne : 1° quelle est cette personne ? 2° quelles sont ses dispositions envers nous ? Écoutons les réponses que Dieu Lui-même nous a données.

Quelle est cette personne que nous sommes invités à aimer ?

« Il est le premier entre dix mille » [Cantique des cantiques chapitre 5 verset 10] ; « Il est plus beau qu’aucun des fils des hommes » [Psaume 45 verset 2] ; « tout en lui est aimable » [Cantique des cantiques chapitre 5 verset 16] ; « Il est tel que le pommier entre les arbres d’une forêt » [Cantique des cantiques chapitre 2 verset 3] ; Il est, non seulement « le premier-né d’entre les créatures », mais encore « l’image du Dieu invisible » [Colossiens chapitre 1 verset 15] ; « la splendeur de sa gloire, l’empreinte de sa personne » [Hébreux chapitre 1 verset 3], Dieu Lui-même qui a créé et qui soutient toutes choses dans les cieux et sur la terre. Écoutons ce que dit Pierre lorsqu’il fut témoin de Sa majesté ; écoutons ce que dit Jean quand il Le vit au milieu des sept chandeliers d’or. Au nom de Jésus, tout genou se ploie et toute langue confessera qu’Il est le Seigneur [Philippiens chapitre 2 versets 10 et 11], car Il est saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs [Hébreux chapitre 7 verset 26]. — C’est là ce qu’est notre roi. Mais quelles sont Ses dispositions envers nous ?

« Il est plein de grâce et de vérité » [Jean chapitre 1 verset 14]. Il répand sans cesse de Sa plénitude grâce pour grâce [Jean chapitre 1 verset 16]. Ses paroles sont puissantes par l’amour pour nous surmonter ; elles sont plus tranchantes qu’aucune épée à deux tranchants [Hébreux chapitre 4 verset 12] ; quoiqu’elles soient comme le bruit des grosses eaux, elles sont cependant « plus douces que le miel » [Psaume 119 verset 103], et, comme les lis, elles laissent échapper de doux parfums. « Jamais homme ne parla comme cet homme » [Jean chapitre 7 verset 46], affirmèrent même ses ennemis, car tous « s’étonnaient des paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche » [Luc chapitre 4 verset 22].

C’est là votre bien-aimé et votre ami aussi bien que votre roi ; la grâce est répandue sur Ses lèvres [Psaume 45 verset 2], afin qu’Il puisse assaisonner la Parole à celui qui est accablé de maux. Et toutes nos douleurs ne sont-elles pas des bénédictions, puisque chacune d’elles fait venir une parole de grâce de Lui jusqu’à nous ? Nous sommes si heureux d’entendre notre bien-aimé, notre roi, et de Lui répondre : Mon Jésus, règne ! de pouvoir en toute confiance nous jeter dans Ses bras en lui disant : « Sois mon garant » ; d’être un même esprit avec Celui que Dieu a béni éternellement ; de savoir que notre salut et Sa gloire sont liés dans le même faisceau, et qu’Il a passé par toutes les classes de l’école que nous devons suivre dans le désert ! Êtes-vous contente de ce roi ? car Il est votre roi à jamais ; oh ! puisse notre confiance en Lui répondre à cette question ! Êtes-vous heureuse de Le posséder et de laisser toutes les autres choses pour ne vous attacher qu’à Lui ? Car ce bien-aimé est à vous, et vous êtes à Lui. Oh ! que par notre dévouement, nos affections, notre vie et nos paroles, nous répondions : « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime » [Jean chapitre 21 verset 17], et que jamais nous n’agissions comme si nous avions honte de notre choix !

J’ai beaucoup souffert de mes yeux pendant la dernière quinzaine ; une tache a paru sur le bon œil, mais j’espère qu’elle s’en ira et que je ne serai pas entièrement aveugle. Dans tous les cas j’ai une lumière qui brille dans les ténèbres, dont rien ne peut me priver ; à sa clarté je verrai clair et même je verrai Celui qui est invisible.

Croyez-moi, ma bien chère amie, et à présent et pour toujours, votre tendrement affectionnée sœur dans le lien éternel.

T.A. Powerscourt

Lettre 15

Powerscourt, 26 juillet 1828

Ma bien chère amie, j’ignore où vous êtes ; mon long silence doit vous faire supposer que j’ai pris à tout jamais congé des choses d’ici-bas ; mais si je vous manque, vous avez un ami céleste auquel vous pouvez vous adresser, avec la certitude d’une réponse immédiate. Notre vie devrait être, il me semble, une suite non interrompue de soins pour maintenir notre paix. J’ai vu quelques-uns de nos amis à Londres ; nous espérions y trouver aussi E…, mais il paraît que la nouvelle de son arrivée dans cette ville était sans fondement. Oh ! réalité, réalité ! quelle immensité elle nous présente ; et cependant comme la crainte d’apprendre des choses pénibles nous arrête, quoique nous connaissions trop bien Jésus pour chercher hors de Lui aucun secours quelconque. Sa volonté, rien que Sa volonté. Qu’il nous est précieux d’entendre l’Esprit de vérité nous dire, en parlant de Jésus : « C’est lui qui guérit toutes tes infirmités » [Psaume 103 verset 3] ; nous qui connaissons quelque chose des plaies du cœur humain, nous pouvons comprendre jusqu’à un certain point la grandeur d’une telle entreprise. Il dit Lui-même : « Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes chargés, et je vous donnerai du repos » [Matthieu chapitre 11 verset 28]. Il doit avoir vu d’avance tous les fardeaux dont Ses saints seraient chargés, lorsqu’Il entreprit de donner du repos à tous ; et c’est en vérité ce qu’Il fait, car Il s’est chargé de toutes nos douleurs [Ésaïe chapitre 53 verset 4]. Peut-il guérir les cœurs blessés par le péché et par les inquiétudes, par des murmures contre Ses dispensations, par des désirs coupables et par un penchant continuer à puiser dans des citernes crevassées [Jérémie chapitre 2 verset 13], comme si elles étaient la source des eaux vives ? Peut-Il guérir les cœurs de maniaques errants et furieux, et toujours occupés à prendre du poison ? Peut-Il guérir les meurtrissures qui proviennent de nos chutes, et les blessures infectées de la corruption, de la folie ? — Il est écrit : « C’est lui qui guérit toutes tes infirmités ». Pendant les jours de Sa chair Il exerçait également Sa puissance et Sa bonté en faveur des paralytiques, des boiteux, des aveugles, des sourds, des possédés, des mourants et des morts. Allons donc à Lui avec notre maladie telle qu’elle est, et avec nos besoins auxquels Lui seul peut satisfaire. Avoir confiance en Lui, c’est déjà être guéri ; toucher le bord de Son vêtement, c’est déjà être délivré ; mais touchons-Le continuellement, car une vertu sort sans cesse de Lui. Il veut appliquer à notre cas particulier, quel qu’il puisse être, toutes les vertus du trésor des cieux ; Il est le maître de cette maladie. Nous avons pour nous toute Sa promesse, toute Son habileté, toute Sa puissance, tout Son amour ; Son habileté est infinie, Sa compassion est sans bornes. Bien qu’Il soit monté dans les cieux, Son cœur est encore ici-bas ; Il nous accorde toute Son attention, comme s’il n’y avait aucun autre être qui l’occupât sur la terre. Il n’exige de nous qu’une seule chose, c’est que nous prenions tout ce qu’Il a prescrit, l’amer aussi bien que le doux. Chère amie, mettons un blanc-seing entre Ses mains pour le temps et pour toutes nos circonstances, dans la pleine assurance qu’avec Lui-même Il nous a tout donné. Y a-t-il une chose que nous craignions de Lui confier ? Que ce soit précisément celle que nous Lui remettions avec le plus d’empressement ! Il faut que nous placions la substance des choses que nous espérons dans la balance du jugement et de la conscience, pour faire le contrepoids des choses du temps ; alors aussi certainement que la substance dépasse le poids de l’ombre, aussi certainement nous jugerons des choses avec justesse, jusqu’à ce que toutes nos douleurs soient laissées derrière nous ; et, de la Jérusalem d’en haut, nous pourrons suivre Sa main qui nous aura conduits par un chemin que nous ne connaissions pas, pour donner à connaître la gloire de Sa fidélité et de Sa grâce. Alors nous verrons combien toutes nos craintes auront été méprisables, parce que nous comprendrons que la toute-science qui prévoit, la toute-présence qui nous suit, et la toute-puissance qui nous garantit, étaient de notre côté. Faisons meilleure connaissance avec notre médecin ; logeons-nous dans Son voisinage ; voyons-Le chaque jour, ne Lui cachons rien, exposons-Lui notre cas tout entier, et disons-Lui, comme David quand il était sous Ses soins : « J’écouterai ce que dira le Dieu fort, l’Éternel » [Psaume 85 verset 8] ; reposons-nous sur Son témoignage qui nous déclare « qu’Il pardonne toutes nos iniquités, et qu’Il guérit toutes nos infirmités » [Psaume 103 verset 3]. M. Howels disait un jour, en parlant de ce bien-aimé médecin : Où Jésus a-t-Il fait Ses études ? Où a-t-Il été gradué ? C’est dans le lazaret de la souffrance humaine qu’Il a fait Ses études, et c’est dans l’infirmerie du cœur humain qu’Il a pris Ses degrés.

Chaque fois qu’Il visite un malade, Il dit : « Cette maladie n’est pas à la mort » [Jean chapitre 11 verset 4] ; non seulement Il est le médecin, mais Il est aussi la médecine de l’âme. L’histoire nous parle d’une reine qui, au péril de sa vie, entreprit d’extraire avec ses propres lèvres le venin d’une blessure que son mari avait reçue d’une flèche empoisonnée. Notre médecin a fait bien davantage ; Il a extrait, au prix de Sa vie, le poison du péché que la morsure du serpent a répandu dans toute notre constitution. Il a porté dans les cieux toutes Ses sympathies humaines, et elles y sont sans cesse en activité. Nous nous rappelons quelquefois un temps de souffrance ou d’épreuve qui fut extrêmement douloureux ; mais alors encore il n’y avait aucune altération dans les sympathies et la tendresse de notre médecin. Son amour avait décidé ou permis l’épreuve, et bientôt nous verrons qu’elle entrait dans un plan de miséricorde formé et conduit par le médecin Lui-même. Comme vous devez bien Le connaître, Celui dont la tendresse convient si bien à vos besoins ! N’avez-vous pas sujet de vous glorifier dans vos infirmités ? Et pourrais-je désirer pour vous autre chose que la position même dans laquelle cette lettre vous trouvera ? Celui qui vous a préparé la vie et la gloire, vous a aussi préparé cette affliction pour y arriver. « Il a déterminé d’avance que nous serions conformes à l’image de son Fils » [Romains chapitre 8 verset 29], afin qu’Il ait la prééminence en toutes choses ; c’est pourquoi Il fait que toutes choses travaillent ensemble à notre bien [Romains chapitre 8 verset 28] ; Il l’a ainsi décidé, et qui est-ce qui L’en détournera ? Ce que Son âme désire, Il le fait ; et aussi savons-nous que nous Lui serons semblables quand Il apparaîtra [1 Jean chapitre 3 verset 2]. Si vous êtes dans les ténèbres, la lumière est semée pour vous. Vous êtes encore sur le chemin qui mène à la perfection, apprenant à ne pas faire des idoles de vos sentiments, et suivant pas à pas les traces de Celui qui a été rendu parfait par les souffrances, et qui jamais n’avança avec plus de rapidité vers la perfection que quand Il criait : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » [Matthieu chapitre 27 verset 46]. Je désire vivement recevoir de vos nouvelles.

Croyez-moi, chère amis, votre bien affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 16

Glenart, 1827

Madame, j’ai beaucoup d’excuses à vous faire pour avoir autant tardé à répondre à vos questions ; j’espérais, en renvoyant ce plaisir jusqu’à mon arrivée ici, pouvoir plus facilement m’entretenir avec vous sur le papier. Ce n’est pas que je n’eusse pu le faire à … mais ceux qui sont embarrassés de beaucoup de soins, ou qui s’imaginent qu’ils ont beaucoup à faire, sont plus particulièrement empêchés lorsqu’ils quittent leur maison pour quelques jours. Il est heureux que nos richesses ne consistent pas en immeubles terrestres, et que, semblables aux Juifs d’à présent, nous puissions être prêts à partir pour Jérusalem au premier signal. Je ne puis répondre à vos questions qu’après vous avoir parlé de l’ami bien-aimé que nous avons dans les cieux.

Arrêtons-nous un peu ! Sommes-nous bien certains qu’Il soit notre ami ? Oui, car Il est l’ami des pécheurs ; Il est le refuge de l’opprimé ; Il aide celui qui est dans le besoin, et dans un besoin quelconque, car Il est toujours là pour aider. « Dans le monde vous aurez tribulation, en moi paix » [Jean chapitre 16 verset 33]. Oh ! combien ces paroles sont profondes ! Aucune souffrance n’est trop légère, aucun besoin n’est trop grand ; Celui qui est notre refuge sait de quoi nous sommes faits ; Il connaît le dérangement du plus petit de nos nerfs ; et quelque ridicule que puisse nous paraître à nous-mêmes une souffrance qui n’est occasionnée que par un son de voix ou par un pas, son cœur nous est toujours ouvert, et en nous y réfugiant nous pouvons, dans un certain sens, nous dérober à nos propres yeux. Quels peuvent être nos besoins, quand notre aide est le Dieu de Jacob, le Dieu qui garde l’alliance et la vérité à toujours [Deutéronome chapitre 7 verset 9] ; quand notre espérance est en Celui qui a fait les cieux et la terre, la mer et tout ce qui y est contenu [Psaume 146 verset 6] ? Que de beautés dans le psaume 146, où la grandeur de notre Dieu se montre tout particulièrement adaptée aux besoins de ceux qui sont opprimés, de ceux qui ont faim, de ceux qui sont liés, de ceux qui sont aveugles, de ceux qui sont courbés, des étrangers, des orphelins et même des veuves !

Vous me demandez si j’ai lu Romaine sur le Cantique des cantiques. Non, jamais ; mais je crois que l’Esprit Saint m’en a expliqué quelques versets lorsqu’Il remplissait pour moi Son office de consolateur. Je pense quelquefois que personne ne peut autant que la veuve entrer dans les sentiments exprimés dans ce livre, car personne ne connaît le prix d’une bénédiction autant que ceux qui l’ont perdue, et combien plus lorsqu’il s’agit de la bénédiction spéciale sans laquelle le paradis même n’était pas complet. Si lorsque tout était paix, joie et amour, l’homme eut besoin d’une compagne qui pût partager son bonheur, à combien plus forte raison sentons-nous le besoin d’un appui, quand les soucis et les peines remplissent nos cœurs d’angoisse et nos yeux de pleurs. Qui pourrait apprécier la valeur des expressions : Il est, Je suis, dont Dieu se sert pour se manifester à nous, aussi bien que celle qui dans tous les instants est forcée de se dire : Mon bien-aimé était à moi, et j’étais à mon bien-aimé ! Heureuse solitude, dirons-nous aussi, précieuses difficultés qui amènent à notre aide un tel libérateur ! Je doute qu’il y ait un nom indiquant la pauvreté et le besoin du côté de la créature, en même temps que la force dans le Créateur, qu’Il n’ait pris pour se faire connaître à nous : père, frère, ami, prophète, sacrificateur, roi, médecin, secours, santé, raffineur, lumière, vie, conseiller, guide, ancre, sanctuaire, tout en tous, notre portion pour jamais ; mais aucun n’est aussi étonnant, aussi saisissant, aussi complet que celui de mari ou plutôt d’époux de Son Église (c’est le nom qu’Il se donne dans le Cantique des cantiques), car le banquet des noces de l’Agneau n’a pas encore eu lieu, l’Épouse n’étant pas encore prête. Comme je parlais dernièrement à une personne des versets que vous mentionnez, celui-ci me parut particulièrement doux : « Qui est celle-ci qui monte du désert mollement appuyée sur son bien-aimé ? » [Cantique des cantiques chapitre 8 verset 5]. Il est vrai que l’Église est dans le désert, mais ce n’est que pour un temps limité ; un lieu lui a été préparé par son Dieu ; elle est nourrie, elle n’est point oubliée ; et tandis qu’elle se dirige vers les cieux, elle a un puissant soutien (Apocalypse chapitre 12 verset 6). Si sa position seule lui fait sentir combien elle a besoin d’être protégée, soutenue et consolée, c’est afin que pour toutes choses elle se confie en son bien-aimé, et qu’ainsi elle trouve une paix parfaite, car « le rocher des siècles est en l’Éternel Dieu » [Ésaïe chapitre 26 verset 4]. Sa faiblesse même l’oblige à faire l’expérience de la fidélité, de la puissance et de la tendre vigilance de son Époux. Plus fortement elle s’appuie, plus elle connaît de Celui en qui elle a cru ; et si le sentiment de ses misères ne l’avait pas forcée d’avoir recours à la force d’en haut, jamais elle n’aurait appris à dire : « Je me glorifierai donc très volontiers plutôt dans mes infirmités, afin que la puissance du Christ habite sur moi ; c’est pourquoi je me plais dans les infirmités, dans les nécessités, etc. ; car, lorsque je suis faible, alors je suis puissant » [2 Corinthiens chapitre 12 versets 9 et 10]. Mais tandis que tout ce qui nous encoure nous crie : « Lève-toi, ce n’est pas le lieu de ton repos » [Michée chapitre 2 verset 10], combien n’est-il pas surprenant que nous ayons encore besoin d’être enseignés ligne après ligne, commandement après commandement [Ésaïe chapitre 28 versets 10 et 13] ! Hélas ! c’est pour que nous n’oubliions pas que nous sommes dans le désert, tant nous nous avançons pesamment vers les joies éternelles ! Oh ! que nous sommes lents à apprendre les difficiles leçons de la dépendance ! De combien de répréhensions, de châtiments, de regards sévères, nous avons besoin de la part de notre Maître tout rempli de patience, pour que nous puissions être persuadés que notre bonheur consiste à nous appuyer sur Lui ! Assurément la malignité du péché ne peut se voir nulle part aussi bien que dans le cœur de l’enfant de Dieu. Satan ne pèche pas en dépit de la lumière, de l’amour et de la connaissance de l’amour rédempteur. Il est bien humiliant pour nous qu’il ne faille rien moins que Dieu pour nous faire comprendre ce qui est tout simple, désirer ce qui est bon, éviter ce qui est mal ; mais combien n’avons-nous pas plus encore sujet de nous humilier de ce qu’au moment même où notre jugement nous dit qu’il n’y a qu’un sentier de prospérité et de paix, de ce qu’au moment où notre conscience nous déclare que c’est une chose amère que de s’éloigner de Dieu, et où notre expérience, d’accord avec notre entendement, nous fait crier : « À qui nous en irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » [Jean chapitre 6 verset 68] ; dans ce moment même il ne faille rien moins que l’Esprit tout-puissant pour nous empêcher d’abandonner la source des eaux vives dont nous avons déjà goûté, et de nous creuser avec peine et pour notre malheur des citernes, des citernes crevassées qui ne peuvent point contenir d’eau [Jérémie chapitre 2 verset 13] ! Oh ! prenons garde de ne plus négliger le Seigneur ; c’est tout ce que notre bien-aimé supporte avec le plus de peine. Appuyons-nous avec Jean sur le sein de Jésus ; nous y apprendrons à aimer comme il l’apprit lui-même. Il y aura ainsi en nous le même sentiment qui a été en Christ, car l’amour est l’accomplissement de la loi. Dernièrement j’ai entendu dire quelque chose de peu chrétien au sujet d’une personne absente ; cela m’a fait réfléchir, et j’espère en avoir retiré quelque instruction, car c’est un point sur lequel, hélas ! je me trouve particulièrement en faute, comme vous l’aurez sans doute remarqué. Oui, il est très mal de parler sévèrement des enfants de Dieu, et d’oublier que celui qui les touche, touche la prunelle de son œil [Zacharie chapitre 2 verset 8], que c’est lui qui est percé par les paroles qui sont dites contre eux, et que tout ce mal est mis sur le compte de la cause pour laquelle nous faisons profession de vouloir vivre et mourir. Avant de parler d’une chose blâmable, il faut être bien certain que ce qu’on va dire est vrai, et qu’il en résultera du bien.

Lettre 17

Le 23 octobre 1827

… Souvent, très souvent j’ai été arrêtée dans mon chemin, non seulement par la pensée que ceux auxquels je parle doivent croire que je mets en pratique ce que je dis, mais aussi par un secret désir de mon cœur qu’ils croient qu’il en est ainsi ; à la fin j’ai reconnu que cela ne venait que de Satan. Il y a quelques leçons que nous ne pouvons apprendre que par une longue expérience ; celles-ci, par exemple : 1° que nous ne devons pas faire du mal pour qu’il en arrive du bien ; 2° que, lorsque le péché pèse sur notre conscience, nous devons sans tarder aller devant Dieu et ne point chercher à nous dérober à Ses regards ; 3° que nous devons, non pas fuir de devant Satan, mais lui résister, afin qu’il s’enfuie de devant nous. Heureux sommes-nous d’être sous l’enseignement du Seigneur, d’être conduits par Lui dans le chemin que nous devons suivre, de pouvoir contempler Dieu en Jésus et de savoir que Jésus nous représente devant Dieu, d’avoir Jésus pour notre intercesseur auprès de Dieu et l’Esprit pour intercesseur de Dieu auprès de nous, d’être élevés à Son école quoique chaque classe nous présente une leçon plus difficile, mais un désert capable de se réjouir en entendant l’Esprit s’écrier : « L’Éternel consolera Sion, Il consolera toutes ses désolations, et rendre son désert semblable à Éden, et sa solitude semblable au jardin de l’Éternel ; en elle seront trouvées la joie et l’allégresse, la louange et la voix de mélodie » (Ésaïe chapitre 51 verset 3). Quoique cette promesse soit directement adressée aux Juifs, elle n’en est pas moins vraie par rapport à nous.

Lettre 18

Le 30 mai 1828

Elle n’offre plus que des ruines toute cette œuvre de Dieu qui une fois fut déclarée très bonne [Genèse chapitre 1 verset 31] ; depuis un bout de la création jusqu’à l’autre bout, depuis le lion jusqu’à l’araignée, tout continue l’histoire de Caïn et Abel, et entre tous les esclaves de Satan le plus semblable à son maître, c’est l’homme. En sera-t-il toujours ainsi ? Le Messie n’aura-t-il pas la puissance d’empêcher que Ses saints ne prennent la fuite et que l’œuvre de Ses mains ne soit anéantie ? Quel triomphe pour Satan s’il pouvait faire passer le balai de la destruction sur cette belle œuvre de six jours que Jéhovah et l’éternelle sagesse contemplaient avec délices, et au sujet de laquelle « les étoiles du matin se réjouissaient ensemble et les fils de Dieu chantaient en triomphe ! » [Job chapitre 38 verset 7]. Mais il n’en sera pas ainsi ; que la création soupire et attende encore un peu le moment de la délivrance ; car alors la possession acquise sera rachetée, alors aura lieu le rétablissement de toutes choses ; alors aussi les enfants de Dieu, dont les droits sont maintenant mis en question, seront déclarés fils de Dieu en puissance, par la résurrection des morts [Romains chapitre 1 verset 4], de la même manière que leur frère aîné l’a été avant eux. Maintenant leur vie est cachée avec Christ en Dieu ; mais quand le Christ aura été manifesté, Lui qui est notre vie, ils seront aussi, avec Lui et comme Lui, manifestés en gloire [Colossiens chapitre 3 versets 3 et 4]. « Alors la terre produira son fruit ; Dieu, notre Dieu, nous bénira (nous Israël) » [Psaume 67 verset 6], « et tous les bouts de la terre verront le salut de notre Dieu » [Ésaïe chapitre 52 verset 10].

Il est à remarquer que l’Écriture parle de trois sortes d’adoption : une adoption nationale qui, bien qu’elle n’assure pas le salut à ceux qu’elle concerne, les place dans des relations particulières avec Dieu, et les assujettit en conséquence à de plus grands jugements (Romains chapitre 9 verset 4). Une adoption personnelle qui assure le salut : « Vous avez reçu un Esprit d’adoption par lequel nous crions : Abba, Père ! Et si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers ; héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ » (Romains chapitre 8 versets 15 et 17). L’adoption finale, savoir la rédemption ou la délivrance du corps (Romains chapitre 8 verset 23). — Mais je m’arrête, car on ne sait ni par où commencer ni comment finir sur un tel sujet. J’ajouterai seulement que « le temps est court ». D’autres nations peuvent avoir d’autres occasions favorables, mais l’Irlande étant maintenant en possession de l’adoption nationale, c’est maintenant le moment de crier : « Sortez de Babylone, sortez, sortez mon peuple » [Jérémie chapitre 51 verset 45] ; et puissions-nous entendre le Seigneur dire au sujet de notre activité ce qu’Il dit autrefois d’une grande pécheresse reçue en grâce : « Elle a fait ce qui était en son pouvoir » [Marc chapitre 14 verset 8]. Il est écrit : « Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu » [Romains chapitre 8 verset 14] ; puis donc que nous sommes les fils et les filles du Dieu tout-puissant, nous sommes conduits par l’Esprit. Quel don ineffable que celui de l’Esprit ! C’est le consolateur qui demeurera avec nous éternellement. Non seulement Il nous fait connaître les choses qui nous ont été données de Dieu, mais encore Il nous a scellés comme étant à Lui ; Il est les arrhes de notre héritage [Éphésiens chapitre 1 verset 14] ; Il ne permettra pas que le péché ait domination sur nous ; Il sera en nous comme une fontaine d’eau jaillissant en vie éternelle [Jean chapitre 4 verset 14], faisant déborder en tout sens l’amour, la joie, la paix, le support, la douceur, la bonté, la fidélité, la débonnaireté et la tempérance. La délivrance de l’esprit d’esclavage et le don de l’Esprit d’adoption sont des gages certains que nous Lui appartenons. Le Père de Christ est notre Père ; Son Dieu est notre Dieu [Jean chapitre 20 verset 17] ! Ne nous est-Il pas doublement cher ? Et quoiqu’Il nous conduise par le milieu des sentiers de jugement, Il nous prouvera cependant en nous enseignant à profiter qu’Il nous mène à la terre de la droiture par le droit chemin. Et après tout, notre bonheur, même dans la nouvelle Jérusalem, sera l’accomplissement de cette promesse : « Je serai son Dieu, et il sera mon fils » [Apocalypse chapitre 21 verset 7]. Oh ! chère amie, que chaque jour, chaque heure, chaque moment, nous marchions comme des enfants de lumière, au milieu de ceux avec lesquels nous vivons ! Cette prédication-là est difficile. Plaçons-nous chaque matin sous l’onction de l’Esprit que l’active abeille, et non pas la guêpe, sait sucer dans le jardin de l’Éternel, afin que, pendant la journée tout entière, nous puissions exhaler l’atmosphère des cieux tout autour de nous. Puisque nous sommes dans la grâce, notre sourire peut être plus doux que celui des anges ; et si nos souffrances contribuent à manifester les richesses de notre héritage, ne bénirons-nous pas notre Dieu de ce que notre partage est d’être avec ceux dont la foi est exercée ?

Lettre 19

Le 25 mai 1828

… Il n’est qu’un seul ennemi auquel nous ne puissions échapper, quoique toute notre vie devrait être employée à nous en éloigner, je veux parler du monstre que j’appelle le moi. Je suis extrêmement fatiguée de ce cœur dans lequel Satan travaille constamment, cherchant à dérober les dons de Dieu, dans le but de les transformer en ornements pour l’idole le moi. Cela me rappelle la description que fait Newton d’un oratorio. Oh ! quand est-ce que nous saurons ce que c’est qu’avoir une satisfaction innocente en nous-mêmes ? Malgré notre misère, ne craignons pas de pénétrer avec l’œil de Jésus dans tous les coins et recoins de notre cœur ; et tant que nous ne Le perdrons pas de vue Lui-même, nous n’oublierons pas le sens des paroles de l’abécédaire de Dieu. Et nous avons tant besoin d’apprendre, nous qui souvent prenons la tristesse pour la joie, la joie pour la tristesse, le bonheur pour le malheur, le malheur pour le bonheur, nous qui attendons la beauté et la perfection, là où le Seigneur ne nous a placés que pour la discipline ! Que de peine nous avons à nous élever un peu au-dessus du terrain ! Ici-bas l’œuvre se fait comme sous terre, nos racines s’attachant avec force au rocher des siècles, pour que nous croissions et fleurissions dans les parvis de la maison de notre Dieu [Psaume 92 verset 13]. Ce qu’il y a de plus humiliant pour les hommes, c’est d’être représentés dans la Parole comme « haïssant Dieu » ; et, sans aucun doute, ceux qui haïssent Dieu aiment la mort. Ils haïssent ce qui est excellent, parce que c’est excellent, et ils haïssent Dieu dans Ses créatures, quelle que soit leur amabilité ou leur sagesse. Et pourquoi haïssent-ils Dieu ? Parce qu’Il sauvait ceux qui étaient Ses ennemis ; parce qu’Il allait de lieu en lieu faisant du bien [Actes chapitre 10 verset 38] ; parce qu’Il a donné Sa vie pour le salut de quiconque croirait en Lui ; on voit comment Son apôtre Paul s’étudiait à n’être haï pour aucune autre cause ! Il avait reçu gratuitement, il donnerait gratuitement [Matthieu chapitre 10 verset 8]. Combien il serait à désirer que le monde n’eût aucun sujet d’inimitié contre Christ à cause de nous ! Cherchons à être tellement remplis des sentiments qui étaient en Christ, que nous puissions convaincre les hommes de péché, étant pour eux comme des épîtres vivantes. En rendant témoignage qu’Il était le Fils de Dieu, Christ nous a donné une forte preuve de Sa divinité, car assurément Il était un homme juste ; nul autre que Lui n’aurait pu traverser la vie au milieu d’hommes remplis de malice et de ruse, en les forçant jusqu’à la fin de reconnaître qu’il n’y avait aucune faute en Lui. Et n’avons-nous pas aussi les miracles pour confirmer ce témoignage ? Le fait que vous et moi nous parlons maintenant avec joie de ce Seigneur qu’une fois nous haïssions, n’est-il pas un miracle plus grand que la résurrection même de Lazare ? Comme les Écritures paraissent belles lorsqu’on y remarque des réponses à toutes les erreurs, ainsi que des consolations pour toutes les peines, surtout dans le livre des Psaumes, cet évangile en prophétie ! On dirait que Dieu ait voulu préparer un texte pour chacune des expériences que Son Église serait jamais appelée à faire, et qu’Il les ait tous mis pêle-mêle dans un sac, afin que chacun de Ses enfants pût se servir selon ses besoins ; voyez par exemple le verset 10 du psaume 27, dans lequel tant de personnes trouvent de la consolation : « Quand mon père et ma mère m’auraient abandonné, toutefois l’Éternel me recueillera » ; et il se présente à nous sans aucune liaison avec ce qui le précède et ce qui le suit. J’aurais encore beaucoup de choses à dire, mais il faut que je termine. Bientôt je vous raconterai une réjouissante et merveilleuse histoire, une de celles que les anges aiment à entendre. Il y a une magnifique ressemblance, et cependant une immense diversité dans les esprits comme dans les corps ; tous chantent le même chant, et chacun cependant a sa page propre à faire entrer dans le volume de la fidélité. Vous trouverez ma réponse à votre question sur la prière dans les textes suivants : Jean chapitre 14 verset 13 ; Matthieu chapitre 28 verset 18 ; 2 Corinthiens chapitre 12 versets 8 et 9. « Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai ; afin que le Père soit glorifié dans le Fils ». — « Et Jésus s’étant approché leur parla, en disant : Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre ». — « À ce sujet j’invoquai trois fois le Seigneur, pour que cet ange se retirât de moi, et Il me dit : Ma grâce te suffit ». Je vous envoie à mon tour deux questions. Comment un chrétien pourra-t-il profiter du peu de bien qu’il y a dans un autre chrétien, sans prendre aussi beaucoup de mal ? Jusqu’à quel point le chrétien pourra-t-il s’accommoder aux préjugés de l’incrédule, sans risquer de perdre de vue qu’il fait partie d’un peuple séparé et particulier ?…

Lettre 20

Juillet 1828

… C’est avec une vive joie que j’ai entendu parler de la bonté du Seigneur envers vous. Je puis Lui rendre grâces, non seulement de ce qu’Il s’est montré fidèle, mais encore de ce que c’est envers vous qu’Il a fait éclater Sa fidélité. Vous ne me dites rien du petit don que le Seigneur vous a fait. Ces deux textes ne vont-ils pas très bien ensemble : « Elle ne se souvient plus de son angoisse, à cause de la joie qu’elle a, etc. » [Jean chapitre 16 verset 21] — « N’oublie aucun de ses bienfaits » [Psaume 103 verset 2]. Il est écrit de toute la création qu’elle est en travail d’enfantement [Romains chapitre 8 verset 22], et bientôt on dira : « Elle ne se souvient plus de son angoisse, à cause de la joie qu’elle a de ce qu’un homme est né dans le monde ». Toutes les voies de Dieu ici-bas sont calculées pour déployer les richesses de Sa gloire envers Ses vases de miséricorde préparés d’avance pour la gloire [Romains chapitre 9 verset 23]. Ne cherchons pas à connaître plus que les autres, c’est un piège dans lequel Satan cherche à nous faire tomber ; mais demandons que chaque vérité pénètre toujours plus profondément dans nos cœurs. La grâce qui a été plus particulièrement le sujet de mes prières dernièrement, c’est la patience ; je crois que l’Église en manque beaucoup, ce qui peut provenir autant d’indifférence que d’un désir trop ardent du retour de Christ ; le mot patience exprime des désirs, des soupirs réprimés. La patience me semble être un composé de deux autres grâces — l’espérance et l’expérience ; — l’espérance réalise, mais elle est réprimée par l’expérience des difficultés du désert de ce monde, où cependant tout est amour. Elle nous fait comprendre combien les souffrances du temps présent sont peu dignes d’être comparées avec la gloire à venir [Romains chapitre 8 verset 18] ; et c’est ce que je puis dire maintenant, quoique j’aie été conduite à travers une fournaise dans les flammes de laquelle il m’était impossible de le sentir. Il est comparativement facile de croire qu’il vaut la peine de tout quitter pour être retiré des ténèbres de ce monde et pour jouir de la lumière ; mais souvent la foi nous manque quand nous sentons qu’il vaut la peine de tout quitter pour être délivré des liens par lesquels, semblables à Shadrac, Méshac et Abed-Nego, nous sommes trop fréquemment encore liés. Pourquoi en est-il ainsi ? Cela vient de ce qu’il y a encore de l’égoïsme dans notre piété, et cet égoïsme se montre dans le soin avec lequel nous nous occupons de notre propre sûreté plutôt que de la gloire de Dieu. Quelle grande promesse nous avons pour repousser les tentations du monde : « Toutes choses travaillent ensemble à notre bien » [Romains chapitre 8 verset 28] ! Beaucoup de choses peuvent être mauvaises en elles-mêmes, mais je pense que la providence de Dieu les conduit de telle manière qu’elles éclatent en bénédictions sur nos têtes. Il en est ainsi dans les dispensations de Dieu ; un seul moyen tend à plusieurs buts et peut amener une suite de grâces ; la tribulation produit la patience, la patience l’expérience, l’expérience l’espérance, etc. [Romains chapitre 5 versets 3 et 4] ; et si tout est si admirablement calculé que la même épreuve correspond aussi bien aux besoins réunis de tous ceux qu’elle concerne, que si elle n’était envoyée que pour chacun d’eux en particulier.

Oh ! que le chrétien est une créature merveilleuse ! Il est impossible de le faire aller jusqu’au fond de l’eau ; plus il est enfoncé profondément, plus aussi il s’élève. Priez pour moi, afin que la patience me soit donnée. L’apôtre Paul rend grâces à Dieu au sujet des Thessaloniciens, autant pour « la patience de leur espérance » que pour « l’œuvre de leur foi et le travail de leur amour » [1 Thessaloniciens chapitre 1 verset 3], et dans son épître aux Colossiens, il parle de la patience comme produite par la toute-puissance et la force de la gloire de Dieu [chapitre 1 verset 11]. Si dans la fournaise de l’affliction les premiers croyants avaient besoin d’être exhortés à la patience, à combien plus forte raison l’Église a-t-elle besoin de la même exhortation, maintenant qu’elle passe par tous les dangers de la prospérité. Je suis frappée de ce qu’avant d’envoyer la tribulation, le Seigneur donne souvent le besoin de sonder la prophétie ; de cette manière l’Église ne sera pas seulement trouvée dans un état d’attente lorsque le bras du Seigneur sera étendu, comme s’il ne lui arrivait rien d’extraordinaire, mais encore dans l’attitude de l’espérance. C’est quand nous espérons ce que nous ne voyons pas que nous attendons avec le plus de patience.

Avant d’envoyer une épreuve, le Seigneur y prépare le croyant, et quelquefois même Il lui en fait vivement sentir le besoin, en produisant en lui un désir ardent d’être rendu conforme à son Sauveur et de jouir intérieurement de Sa présence. N’oublions donc jamais de prendre pour notre casque l’espérance du salut [1 Thessaloniciens chapitre 5 verset 8] ; nous en avons besoin. Quoique enfants de lumière, il faut que nous soyons sans cesse poussés vers la lumière, tant nous marchons pesamment du côté des joies éternelles. L’indolence de notre nature se manifeste continuellement ; nous aimons mieux gémir dans nos cœurs et nous cacher dans l’obscurité, que de courir sur les traces de Celui qui a été aussi soutenu dans Sa course par une espérance patiente. Nous apprenons comment il faut courir, dans la douce exhortation qui nous est faite de rejeter tout fardeau sur Celui qui est à notre droite ; alors nos yeux étant élevés par-dessus tout ce qui pourrait nous distraire, et nos pieds étant débarrassés de tout ce qui pourrait nous arrêter, nous tiendrons nos regards fixés sur la lumière, tandis que nous franchissons l’espace du temps, qui se trouve au terme de la course.

Ce pauvre monde s’imagine que nous nous imposons de grandes privations en abandonnant les délices du péché ; mais combien le chrétien trouve cela plus facile que de marcher au milieu des biens de cette vie, qu’il ne doit plus estimer que comme du fumier, afin que ses affections puissent se cramponner plus fortement à Celui qui seul peut « désaltérer l’âme altérée, et rassasier de ses biens l’âme affamée » [Psaume 107 verset 9].

Vous aurez raison de dire que, si j’écris rarement, je finis par faire tout un volume. Je vous quitte en vous envoyant ce précieux texte : « Vous n’êtes point à vous-mêmes » [1 Corinthiens chapitre 6 verset 19]. Nous n’avons en effet plus aucun droit sur nous-mêmes. C’est Christ qui doit juger comment nous pouvons Le servir et Lui être le plus utiles ; toutes nos capacités doivent retourner à Sa gloire, et notre plus grand plaisir doit être de nous dépenser entièrement à Son service.

Lettre 21

Le 28 décembre 1828

Dieu parle beaucoup de Ses richesses dans l’Écriture, comme si c’était trop pour Lui que de les contenir en Lui-même, et qu’Il eût besoin de les manifester. C’est pour cela qu’Il nous « a mis à part, qu’Il nous a préparés d’avance, qu’Il nous a choisis dès le commencement comme des vases de miséricorde » [Romains chapitre 9 verset 23], dans lesquels Il veut faire éclater les richesses de Sa grâce, par les richesses de Sa miséricorde maintenant, et par les richesses de Sa gloire plus tard. Qu’il est doux de penser que, puisque nous sommes des vases de miséricorde à cause du grand amour dont Il nous a aimés, nous avons la preuve qu’Il nous a mis à part pour manifester en nous les richesses de Sa gloire !

Par nature nous sommes des vases de colère disposés pour la perdition [Romains chapitre 9 verset 22] ; mais Dieu nous ayant délivrés de la colère en la déchargeant sur la tête de Jésus, et ayant mis Jésus dans nos cœurs, il n’y a plus pour nous que compassion et miséricorde. Combien la pensée que tel a été le but de Dieu, devrait nous préserver des doutes ! Plus Il donne, plus la grâce abonde par-dessus le péché, et plus Ses richesses en gloire seront éclatantes. Sa grâce n’a-t-elle pas surabondé envers nous ? Nous avons été prédestinés, appelés, justifiés et glorifiés [Romains chapitre 8 verset 30] en Lui ; tous nos péchés nous ont été pardonnés ; nous avons été vivifiés, fortifiés, « réengendrés pour une espérance vivante, pour un héritage incorruptible, sans souillure et inflétrissable » [1 Pierre chapitre 1 versets 3 et 4] ; « nous avons été rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière » [Colossiens chapitre 1 verset 12] ; notre portion c’est « Christ en nous » [Colossiens chapitre 1 verset 27] ; toutes choses travaillent ensemble pour notre bien [Romains chapitre 8 verset 28] ; la toute-puissance fait un défi à tous nos ennemis ; notre bouclier s’est interposé entre l’âme rachetée et le destructeur : « l’Éternel passera par-dessus la porte, et ne permettra point que le destructeur entre dans vos maisons pour frapper » (Exode chapitre 12 verset 23). « Comme les oiseaux volent au-dessus de leur nid, ainsi l’Éternel des armées garantira Jérusalem, la garantissant et la délivrant, passant outre et la sauvant » (Ésaïe chapitre 31 verset 5). Il étend ses ailes de chérubin, les ailes de Son alliance d’amour, la quadruple présence des quatre plus excellentes créatures (Ézéchiel chapitres 1 et 10) : le bœuf, le premier des animaux domestiques ; l’homme, le premier être de la création ; le lion, le premier des animaux sauvages ; et l’aigle, le premier des oiseaux, tous unis en un seul corps, et étendant leurs ailes. Ces chérubins dirigeaient les roues de la providence avec une sagesse infinie, car tout leur corps, leur dos, leurs têtes, leurs ailes et les roues étaient remplis d’yeux tout autour ; ce sont là, dit le prophète, les êtres vivants que je vis auprès du fleuve Kebar. Nous avons une description de cette vision dans le premier chapitre d’Ézéchiel, et là elle est appelée la vision de la représentation de la gloire de l’Éternel. Le bœuf peut représenter le Père ; le lion et l’homme réunis peuvent représenter le Fils prenant notre nature et l’unissant à la nature divine ; et l’aigle peut représenter l’Esprit étendant Son influence sur toute l’œuvre de Dieu. C’était là la figure mystique placée dans le saint des saints au-dessus de l’arche. Et les chérubins abaissaient leurs regards sur le propitiatoire qui manifestait la mort et la résurrection du Sauveur, lorsque le souverain sacrificateur faisait son service, au grand jour de l’expiation. Ainsi nous voyons que l’expression demeurer sous les ailes du chérubin, signifie qu’on est sous les soins d’un Père, d’un Dieu réconcilié en Jésus Christ, où l’on est en sûreté parfaite et où l’on jouit d’une bénédiction céleste ; et à cela se joint la douce promesse « qu’Il accomplira toute la bienveillance de sa bonté et l’œuvre de la foi avec puissance » [2 Thessaloniciens chapitre 1 verset 11], « afin que nous soyons des vases à honneur et bien utiles au Maître » [2 Timothée chapitre 2 verset 21], « et que dans les siècles à venir Il fasse voir la surabondante richesse de sa grâce, par sa bonté envers nous » [Éphésiens chapitre 2 verset 7], « quand Il sera venu pour être glorifié dans ses saints » [2 Thessaloniciens chapitre 1 verset 10]. Christ glorifié en nous ; nous glorifiés en Lui ! Et comprenons-nous bien ce mot gloire ? Il est entièrement au-dessus de toutes mes conceptions, et rien autour de moi ne peut m’en donner une idée. Quelles créatures merveilleuses nous sommes ! de frêles vases de terre, mais des vases qui ne sont point brisés par les coups multipliés de la tribulation. Et cependant nous ne sommes point cachés ; nous sommes, au contraire, exposés aux regards des hommes, des anges et des démons, à la louange de la gloire de la grâce [Éphésiens chapitre 1 verset 6] de Celui qui nous soutient par Sa force toute-puissante. Et assurément Il ajoute beaucoup encore à la gloire de Son abondante miséricorde et à la manifestation des richesses de Sa bonté, de Sa patience et de Sa longue attente, Lui qui veut ainsi garder Ses vases de miséricorde, sans permettre qu’ils se découragent, jusqu’à ce qu’Il les introduise en Sa présence comme plus que vainqueurs ! Quelle espèce de vase aimeriez-vous le mieux être ? Vase d’or, ou d’argent, ou de bois, ou de terre ? Il me semble que plus la matière est grossière, mieux on voit l’habileté de l’ouvrier qui la façonne pour l’usage du roi.

Il m’est venu une pensée toute nouvelle au sujet du livre de Job, que j’ai lu dernièrement au culte de famille, mais seulement quand je suis arrivée au dernier chapitre. Quoique je ne me rencontre avec aucun commentateur, je ne puis m’empêcher de croire que cette histoire ne soit un type de celle du peuple juif. Les aventures d’un seul individu ne peuvent être destinées, il me semble, à occuper tous les siècles. Une épouse aussi tendre que l’Église ne saurait prendre plaisir à s’entretenir continuellement avec son bien-aimé, des aventures et des sentiments d’un étranger, quand elle a à exprimer la plénitude débordante de ses propres sentiments. Nous n’aurions pas aimé que David eût invité toutes les générations subséquentes à ne faire résonner leurs instruments que pour le chanter lui seul. Il me paraît que le Seigneur a souvent fait passer Ses prophètes par des circonstances propres à expliquer les choses obscures qu’Il leur faisait proférer, quoique une telle explication ne fût qu’un voile sombre au travers duquel il était difficile d’apercevoir les mystères qui se trouvaient au-delà. Mais nous qui avons la lumière de l’évangile, nous pouvons pénétrer dans les plus sombres retraites de la providence et de la grâce, et trouver au-delà de chacune d’elles notre Emmanuel.

Et assurément il n’y a que la sagesse divine qui puisse, comme dans le livre des Psaumes et dans celui de Job, exprimer tout à la fois la situation et les sentiments de l’écrivain, du Seigneur, de Son Église, et de chaque croyant en particulier, jusqu’à la fin du temps. Ne trouvez-vous pas que ce qui nous est dit du retour de Job au bonheur, coïncide d’une manière frappante avec les promesses relatives à l’Église ? Les reproches dont les chrétiens accablent l’Église affligée, ne sont-ils pas semblables à ceux que Job recevait de la part de ses amis, quand ils affirmaient qu’il était rejeté pour toujours à cause de ses péchés ? Et les prétentions continuelles des Juifs ne sont-elles pas les mêmes que celles de Job dans ses discours à ses amis ? Ils soutiennent, comme lui, qu’ils ne sont pas des pécheurs dignes d’être rejetés ; les moqueries des hommes n’ont pu en rien les humilier ; ils affirment avec hardiesse qu’ils ne sont pas punis à cause de leurs péchés ; Dieu leur a envoyé successivement divers serviteurs, et enfin Il leur a envoyé Son Fils unique, mais jamais ils n’ont voulu s’humilier ; ils ont repoussé toutes Ses exhortations et ils les repousseront encore, jusqu’à ce que Dieu paraisse et qu’Il prenne lui-même sa cause entre Ses mains.

Alors l’humiliation sera le premier sentiment de leurs cœurs à l’égard de Dieu : « Ils regarderont vers Celui qu’ils auront percé, et ils en mèneront deuil » [Zacharie chapitre 12 verset 10] ; alors ils diront : « J’avais ouï de mes oreilles parler de toi ; mais maintenant mon œil t’a vu ; c’est pourquoi j’ai horreur d’avoir ainsi parlé, et je m’en repens sur la poudre et sur la cendre » [Job chapitre 42 versets 5 et 6]. Alors on connaîtra que les pensées de Dieu à leur égard ont été « des pensées de paix, et non pas d’adversité, pour leur donner une fin telle qu’ils l’attendaient ; alors ils l’invoqueront, et ils le prieront, et Il les exaucera » [Jérémie chapitre 29 versets 11 et 12] ; « alors on verra la fin du Seigneur ; parce que le Seigneur est abondant en compassions et miséricordieux » [Jacques chapitre 5 verset 11].

Ce qui me fait penser qu’Élihu représente Christ, c’est 1° que le nom d’Élihu veut dire : Il est mon Dieu ; 2° qu’il dit qu’il est pour le Dieu fort ; 3° que lorsque Dieu commande à Job, au chapitre 42 verset 8, de prier pour ses amis, afin que leur folie puisse être pardonnée, il n’est pas fait mention d’Élihu, comme s’il n’en eût pas eu besoin. Maintenant si vous trouvez qu’il en vaille la peine, veuillez examiner ces divers parallèles ; Dieu est contre ceux qui contestent avec Job (Sophonie chapitre 2 versets 8 à 11 ; Ésaïe chapitre 51 versets 22 et 23). Au chapitre 42 verset 8, nous voyons que Job est en bénédiction à ses ennemis (Zacharie chapitre 8 verset 13 ; Ézéchiel chapitre 34 verset 26 ; Ésaïe chapitre 66 verset 21). Il parlait droitement en ce qu’il n’était point rejeté. Au verset 9, il est dit que Job fut exaucé (Jérémie chapitre 30 versets 17 à 20 ; Ézéchiel chapitre 20 versets 40 à 42 ; Ésaïe chapitre 65 versets 18 et 19). Le verset 11 nous apprend que Job est enrichi par ses amis qui viennent à lui lorsque la prospérité lui est rendue (Ésaïe chapitre 60 versets 1, 10, 12 et 13). Par la bénédiction du Seigneur, qui est celle qui enrichit [Proverbes chapitre 10 verset 22], il reçoit le double de ce qu’il avait auparavant (Ésaïe chapitre 40 versets 1 et 2 ; Malachie chapitre 3 versets 10 à 12 ; Ésaïe chapitre 51 verset 11 ; chapitre 60 verset 14). Il nous est dit, au verset 15, qu’il donna un héritage à ses enfants (Psaume 45 verset 16). Il y a aussi quelque chose de remarquable dans le nom des filles de Job ; Jémima signifie le jour ; Ketsia, casse agréable, ou excellentes épices ; Kéren-Happuc, beauté. Dans le jour qui est appelé d’une manière emphatique le jour du Seigneur, Il descendra dans Son jardin, au milieu de Ses plantes aromatiques, et l’aspic rendra son odeur par l’efficace de Sa présence (Cantique des cantiques chapitre 1 verset 12) ; alors Il dira à la fille de Jérusalem : « Tu es toute belle, mon amie, et il n’y a point de tache en toi » (Cantique des cantiques chapitre 4 verset 7). Lorsque Job eut été rendu à son premier état, il vécut encore longtemps (Ésaïe chapitre 65 verset 20). Enfin nous voyons, verset 17, que la bénédiction dont parle Éliphaz (chapitre 5 versets 17 à 27), comme appartenant au juste affligé, fut le partage de Job.

Dites-moi ce que vous pensez de tout cela. Peut-être me répondrez-vous : Vous avez rempli toute votre lettre de choses qui ne me sont pas applicables. « Oui, Seigneur ! toutefois les petits chiens mangent sous la table les miettes des enfants » [Marc chapitre 7 verset 28]. Oh ! combien de miettes de consolations, préparées pour les enfants, ne pouvons-nous pas ramasser pour nous nourrir, nous qui sommes les petits chiens ! Mais il faut que je termine ; j’espère que vous serez contente de la longueur de cette lettre, si toutefois vous n’en êtes pas fatiguée. Je serais heureuse d’être pour vous un ruisseau de consolations, et de contribuer à l’accomplissement du désir du Seigneur, qui est que votre paix coule comme un fleuve [Ésaïe chapitre 48 verset 18] pour se vider dans l’océan de Sa gloire ! Assurément s’il nous était accordé d’être un petit ruisseau de consolations pour quelque enfant de Dieu dans l’affliction, et une seule goutte d’eau dans l’océan de sa gloire, nous n’aurions pas vécu inutilement.

Ce qui vous arrive au sujet de votre école est fort triste, mais c’est un bien d’être éprouvé pour la cause de Dieu. Lisez Ésaïe chapitre 40 versets 28 à 31, et considérez les rapports qui existent entre les possessions de Jéhovah et ce qui est promis à Ses enfants qui s’attendent à Lui. Qu’Il est bon de nous enseigner à Lui montrer notre amour ! « Si vous m’aimez, gardez mes commandements » [Jean chapitre 14 verset 15]. En effet, l’amour doit nécessairement faire connaître ce qu’il éprouve à celui qui en est l’objet. Que notre foi soit telle qu’elle puisse saisir les promesses et les tenir serrées dans sa main ! Que l’ami céleste se montre sans cesse à votre âme, et vous fasse parvenir Sa lumière, même au milieu des circonstances en apparence les plus propres à l’intercepter complètement ! Puissiez-vous faire de plus en plus chaque jour l’expérience qu’il y a suffisamment en Jésus pour satisfaire à tous vos besoins, quels qu’ils soient et quels qu’ils puissent être ! Et si vous sentez qu’il y a des profondeurs cachées au-dedans de l’iniquité, rappelez-vous qu’il y a aussi dans l’amour de Jésus des profondeurs que votre œil n’a jamais encore vues, que votre oreille n’a jamais encore entendues, et qui jamais ne sont même montées à votre cœur. « Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, pour que vous abondiez dans l’espérance, par la puissance de l’Esprit Saint ! » [Romains chapitre 15 verset 13].

Votre sincèrement affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 22

Le 18 décembre 1828
Mon cher Monsieur,

Je vous envoie ce que je vous avais promis. Je joins à cet envoi un sermon qui a été écrit de mémoire par une dame qui ne les défigure pas comme moi. On y trouve quelques pensées consolantes. Les leçons que Dieu nous donne, et les coups de verge dont Il nous frappe, sont pour nous un enseignement bien différent de tout ce que nous pouvons recevoir de l’homme. Une vérité qui nous est devenue familière et que nous sentons en quelque mesure, s’empare de nous avec force lorsqu’elle nous est enseignée par l’expérience. Si mes regards se portent d’une année en arrière, combien ces paroles « tout est vanité » [Ecclésiaste chapitre 1 verset 2] me paraissent sérieuses ! Ce n’est plus simplement une manière de parler. En buvant à la coupe amère appelée « légère affliction » [2 Corinthiens chapitre 4 verset 17], on sent avec une puissance qu’aucune langue ne pourrait rendre ce que doivent être les souffrances de l’enfer ; car la douleur la plus vive n’en est qu’une étincelle ; on sent aussi ce qu’est le péché, ce qu’est la folie du monde, ce que sont les souffrances de Christ, ce qu’est le bonheur des cieux, ce qu’est la haine de Dieu pour le péché et Son amour pour le pécheur. Oh ! puisse-t-Il tellement briser le monde sous mes pieds, que je sois plus jamais arrêtée ou embarrassée par aucune de ses frivolités ; puisse-t-Il me tenir si étroitement unie à Lui, qu’aucun nuage ne trouve assez d’espace pour passer entre moi et la lumière de Sa face ! Puisse-t-Il nous enseigner la leçon si difficile que « Christ est tout » ! Je remplis le reste de mon papier d’un court extrait d’une lettre que j’ai reçue de M. Howels ; je crois qu’il vous fera plaisir.

Votre sincère et reconnaissante amie,

T.A. Powerscourt



Après avoir parlé sur cette prière du Seigneur : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » [Luc chapitre 23 verset 34], il ajoute : Vous et moi nous sommes intéressés immédiatement dans la prière de Jésus, « Père, pardonne-leur ». C’est en réponse à cette prière que la miséricordieuse providence a veillé sur nous pendant que nous étions dans le péché, dans l’ignorance et dans la mort. C’est en réponse à cette prière que « nous avons été délivrés de la puissance des ténèbres et transportés dans le royaume du Fils bien-aimé de Dieu » [Colossiens chapitre 1 verset 13]. Et Celui dont l’amour fut si grand, qu’Il pria avec ardeur pour Ses ennemis et pour Ses meurtriers au milieu de Ses amères souffrances, oublierait-Il Ses amis, maintenant qu’Il est assis sur le trône de la gloire ? Impossible ! « Nous avons un avocat auprès du Père, savoir, Jésus Christ le juste » [1 Jean chapitre 2 verset 1]. Dans Son intercession se trouve tout l’amour de Sa divinité, toute la valeur de Son expiation et toutes les sympathies de Son humanité, et elle fait sans cesse retentir aux oreilles de Dieu le Père ces paroles : « Père, pardonne-leur ».

Lettre 23

1829
Mon cher Monsieur,

Mille remerciements pour votre lettre qui a été la bienvenue. Nous sommes bien réjouis d’apprendre de meilleures nouvelles de votre gorge. Je crois que notre utilité ne consiste pas en ce que nous suivions la ligne de conduite que nous nous traçons nous-mêmes, mais en ce que nous donnions au Seigneur précisément ce qu’Il veut de nous, imitant la patience aussi bien que la foi de ceux qui héritent des promesses.

Le ridicule qu’on a jeté sur les pétitions au sujet de l’émancipation, prouve combien la Parole est encore folie aux Grecs. Cependant il est écrit : « J’abolirai la sagesse des sages, et j’anéantirai l’intelligence des hommes intelligents » [1 Corinthiens chapitre 1 verset 19]. Car « Dieu a choisi les choses folles du monde, afin de couvrir de confusion les hommes sages ; Il a choisi même celles qu’on méprise » [1 Corinthiens chapitre 1 versets 27 et 28]. Mais j’oublie que c’est un des signes des temps, qu’un peuple ignorant, dont je fais moi-même partie, s’établisse juge de semblables matières. C’est le privilège des femmes de n’avoir rien à faire avec la politique et de rester spectatrices de l’ignorance de l’homme, et de la sagesse admirable avec laquelle Dieu exécute Ses desseins. La question relativement à nous me paraît être celle-ci : Comment, tout en cherchant à être utiles à notre génération, rendrons-nous témoignage contre les péchés criant de l’Église, aussi bien que contre ceux du monde ? Puisque dans tous les temps il doit y avoir un petit nombre de témoins fidèles, comment nous conduirons-nous au milieu de ces âmes d’élite ? Et si Dieu nous a montré Son amour en nous confiant Sa cause et en nous y associant, et s’Il nous a prêtés à la terre comme des volumes de Sa bibliothèque afin que les hommes les lisent, comment remplirons-nous notre mission ? J’espère que vous avez réfléchi sur ce sujet et que nous pourrons élever dans ce vallon une petite colonne de vérité, sur laquelle sera inscrit le mot « amour ». Ce commandement de l’amour si fréquemment répété et en même temps si méprisé, me semble exprimer tout ce qui est demandé à l’Église. Manifester cet amour par l’union des membres du corps, le faire rayonner en tout sens comme une lumière des cieux, en prouver l’existence par tous les actes de la vie, n’est-ce pas là l’office de l’Épouse de Christ ? Plusieurs ont de bonnes intentions, mais ils sont ignorants. Nous négligeons nos réunions, et nous avons besoin de nous exciter les uns les autres à l’amour et aux bonnes œuvres, d’autant plus que nous voyons approcher le jour [Hébreux chapitre 10 versets 24 et 25]. Les ministres fidèles dans l’église établie se bornent à travailler à l’évangélisation, et négligent les devoirs plus difficiles. La prédication de l’évangile est nécessaire pour tous ; mais la viande solide et les exhortations relatives à la vie chrétienne ne sauraient convenir au monde. La viande solide de l’expérience est tournée en ridicule, tout en excitant la jalousie. Les exhortations à la sainteté ne font que découvrir au monde les plaies de l’Église, ou bien elles ne sondent pas assez profondément le mal pour que le croyant puisse en recevoir quelque avantage. Vous devez veiller, avertir, exhorter, prouver par les Écritures les erreurs dans la doctrine, les erreurs dans la pratique ; et, quoique les derniers, nous ne devons pas rester en arrière ; les besoins et les maux d’autrui, aussi bien que ceux de l’Église, doivent être les nôtres, de telle manière que les actions de grâces de tous soient multipliées et retentissent à la gloire de Dieu. Assurément nous ne verrions pas un si grand nombre de chrétiens vivre comme le monde, si une moitié de la Bible n’était pas laissée de côté dans les prédications. Je crois que si le christianisme est beaucoup plus profession que confession, la faute en est essentiellement à l’église. Tout en foulant les œuvres sous nos pieds quant à notre justification, ne devrions-nous pas vivre comme si nous étions sauvés par les œuvres ? Et si nous nous glorifions dans notre liberté, ne sommes-nous pas cependant sous la loi de Christ ? Christ est pour nous trop semblable à un vieux vêtement que l’on met et que l’on ôte, selon que cela convient. Ne pas Le confesser, c’est en quelque sorte Le renier ; et si nous étions vraiment des lumières, les hypocrites n’oseraient s’approcher, dans la crainte que leurs œuvres ne fussent manifestées. J’espère que vous élevez la voix contre de telles choses dans votre localité, car la religion et le monde semblent y marcher doucement bras dessus, bras dessous. Les temps sont dangereux pour les chrétiens quand ils ont le loisir de jouer avec les idoles, de se divertir avec le monde, de s’établir comme les mondains, de se faire des politesses, de s’occuper des fautes de leur prochain et de leurs frères, de s’adonner à des dissipations religieuses, de parler pour être admirés, de prêter l’oreille à des discours qui contredisent la vérité, tandis qu’ils devraient courir dans la voie des commandements de Dieu. Assurément les temps de persécution sont des temps de prospérité pour l’Église. — Satan ne dort pas ; et il est bien plus à craindre lorsqu’il mine sourdement que quand il détruit ouvertement, séduisant même les élus s’il était possible. Les temps de persécution concentrent toutes les facultés de l’âme sur un seul point. Combien la patience est une grâce précieuse chez les chrétiens persécutés ! Si nous devons voir des temps d’angoisse, demandons à Dieu qu’Il nous fasse sentir nos besoins, afin que, quand ils arriveront, nous ne soyons point ébranlés. L’amour les ferait presque désirer, si nous étions empêchés par ce moyen de déshonorer la cause de Celui que nous aimons. La foi ne peut se développer dans une vie tranquille ; il faut qu’elle tienne en quelque sorte sa vie dans sa main, qu’elle regarde à Jésus dans l’attitude de la patience, et que, semblable à un oiseau de passage, elle se refuse à faire son nid dans un climat aussi froid.

Que le Seigneur veuille, dans ces jours de séduction, éprouver et cribler chacun de nos principes, sonder nos cœurs jusqu’au fond et nous conduire dans la voie éternelle [Psaume 139 versets 23 et 24] ! Que nos âmes soient rendues capables de s’élancer en avant, en regardant à Sa seconde venue ! Qu’il nous soit donné de nous aimer en effet et en vérité, d’un amour qui engloutisse l’orgueil et la fierté en nous-mêmes, et tout ce qui est désagréable chez les autres !

Notre cher M… a été à toute extrémité. Je n’ai aucune espérance qu’il nous soit rendu. Puissions-nous écouter la verge et comprendre ce que le Seigneur nous dit ! L’un des traits les plus remarquables des œuvres de l’Éternel, c’est que, tandis que nous travaillons à atteindre un but unique par un grand nombre de moyens, Dieu peut, avec la plus grande facilité, atteindre un grand nombre de buts par un seul moyen. Nous voyons cela surtout dans les dispensations de Sa providence. Lorsqu’Il envoie une affliction, elle est tellement en rapport avec les besoins de tous ceux qui en sont atteints, qu’on dirait que chacun d’eux ait été le but particulier qu’Il a eu en vue, et quand Il agite Sa verge au-dessus de Ses enfants, c’est certainement un appel de grâce de Sa part. Souvent c’est en tremblant que nous entrons dans la nuée, mais c’est là que se fait entendre la voix qui dit : « C’est ici mon Fils bien-aimé, écoutez-le » [Marc chapitre 9 verset 7] ; et qu’est-ce que la Parole de Jésus déclare, sinon qu’Il est amour ? Demandons-nous que cette visitation soit en bénédiction à tous ceux qui en sont les objets. Rien ne peut s’opposer à Sa puissance. Pour Lui, aucun cœur n’est trop endurci ; et pour nous, c’est une consolation que de savoir « qu’Il est plus grand que notre cœur » [1 Jean chapitre 3 verset 20], que Son amour est aussi grand que Sa puissance, et qu’Il ne connaît ni mesure ni fin.

Combien nous devons nous trouver heureux de pouvoir déposer notre corps, notre âme et notre esprit entre les mains de Celui qui s’est engagé, non seulement à ne perdre aucun de ceux que le Père Lui a donné à garder, mais encore à les ressusciter au dernier jour [Jean chapitre 6 verset 39] ! Toute question sur la manière dont Il agit à l’égard de notre dépôt, ne serait qu’une insulte de notre part, car nous connaissons l’homme…

Je suis avec une sincère affection votre

T.A. Powerscourt

Lettre 24

… 1829
Mon cher Monsieur,

Bien que j’aie l’espoir de vous voir dans peu de jours, il faut que je vous écrive quelques lignes afin que vous sachiez qu’il n’y a chez moi ni manque d’affection et de reconnaissance, ni moins de joie quand je reçois une lettre de vous. Nous sommes actuellement plus près de quelques milles du but de la course que lorsque nous nous sommes séparés. Notre Père nous a éprouvés pour nous faire enfin du bien, et assurément de notre côté nous avons aussi exercé Sa patience. Les chrétiens que j’ai rencontrés m’ont témoigné beaucoup d’amour à cause de Christ. J’ai vu chez plusieurs d’entre eux divers beaux traits qui m’ont fait désirer de voir tous les traits de la beauté réunis dans le grand original. J’ai entendu des vérités profondes, élevées, douces et expérimentales de la bouche du cher M. Howels. J’ai compris que les hommes les plus spirituels ont sans cesse besoin de l’éternelle et toute puissante énergie du Saint Esprit, pour se préserver de l’idolâtrie ; et j’ai la conviction profonde que, dans mon état de faiblesse et de dépendance, ma propre conservation n’est qu’un miracle continuel qui rend témoignage que je suis une enfant de Dieu. Et Jésus Lui-même ne me montrera-t-Il pas bientôt pourquoi tant de choses ont été nécessaires pour me former à l’image de Dieu ? J’espère maintenant travailler jusqu’à ce que mon Seigneur vienne, ou me fasse aller à Lui. Je sens qu’il m’est bon d’en avoir fini avec la vie, et d’avoir appris à lire à travers le brillant qui est répandu sur elle, que « tout est vanité » [Ecclésiaste chapitre 1 verset 2] ; le bruit dont elle m’environne est pour moi comme le bourdonnement des mouches sur un corps mort. Pour rien au monde je ne voudrais être dans la position d’une pauvre sœur d’ici, qui commence la vie avec la pensée qu’on peut y trouver le bonheur, sans qu’il soit possible de faire tomber ses illusions. Mais Dieu lui enseignera que chaque songe de bonheur sous le soleil n’est qu’un tableau peint et colorié de Satan, qui y inscrit son premier mensonge : La Parole de Dieu n’est pas la vérité. En se donnant Lui-même à nous, Jésus nous a donné tout ce que Dieu peut donner ; et assurément c’est là le triomphe de la foi que, tandis que nous sentons combien nous sommes loin de posséder ce que nous désirerions, nous ayons encore l’assurance qu’avec Lui-même Il nous a donné tout ce qui nous est vraiment bon. Oh ! quelle grâce dans cette vie, que d’avoir une espérance pleine d’immortalité ! Qu’il doit vous être doux d’avoir été un instrument pour communiquer ce bonheur à une personne destinée à l’affliction ! Et moi, pourrai-je jamais dire ce qu’a été pour mon âme la connaissance de Jésus ! Si nous sommes encore dans « l’esclavage de la corruption » [2 Pierre chapitre 2 verset 19], quelle grande chose pour nous que d’être des « prisonniers ayant espérance » [Zacharie chapitre 9 verset 12] ! Et notre espérance ne nous rendra jamais confus, car heureux est l’homme duquel le Seigneur est la confiance ! Ses yeux sont sur ceux qui espèrent en Sa miséricorde, et même dans la mort il y aura espérance pour eux. Comme l’Écriture nous excite toujours à aller en avant pour être heureux ! Notre casque doit être l’espérance [1 Thessaloniciens chapitre 5 verset 8] ; nous attendons dans l’espérance l’apparition de Christ [Tite chapitre 2 verset 13] ; nous nous réjouissons dans l’espérance [Romains chapitre 12 verset 12] ; tout me paraît exprimé dans ces mots : « Ce que nous serons n’est pas encore manifesté — nous le verrons — nous lui serons semblables » [1 Jean chapitre 3 verset 2]. Puissions-nous être rendus capables d’avoir nos yeux constamment fixés sur les choses invisibles ! Que chaque souci nous donne une secousse, jusqu’à ce que notre fardeau soit entièrement déchargé sur le rocher immuable de notre âme ! Je désire n’être que comme un météore qui passe au travers du temps, et ne pas être laissée ici-bas un instant de plus que ce qui m’est nécessaire pour accomplir ce qui aura été mis devant moi. Le monde pense que le chrétien s’impose des privations en abandonnant les délices du péché ; mais combien cela est plus aisé pour un enfant de Dieu, que de mettre sous ses pieds une vie réputée sainte, et de l’estimer comme de la boue, afin d’embrasser plus étroitement par ses affections Celui qui seul peut rassasier de bonheur et de joie l’âme affamée. Sous tous les rapports, Il est toujours l’admirable ; « Il est plus beau qu’aucun des fils des hommes » [Psaume 45 verset 2]. C’est un père qui ne peut refuser à son enfant ce qu’il lui demande : « Combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent » [Matthieu chapitre 7 verset 11]. Sa tendresse est comparée à celle d’une mère ; encore la femme pourrait-elle oublier son enfant : « Mais moi je ne t’oublierai point » [Ésaïe chapitre 49 verset 15]. C’est un frère, même « un ami plus attaché qu’un frère » [Proverbes chapitre 18 verset 24], un ami dont l’affection est au-dessus de tout ce qu’on peut exprimer, car elle existait déjà dans toute sa force pendant que nous étions encore ennemis. C’est un époux qui peut dire, même à celle qui s’est prostituée à plusieurs amoureux : « Retourne-toi vers moi ».

C’est un prophète « qui a parlé comme jamais homme ne parla » [Jean chapitre 7 verset 46], et qui était dans le conseil du Père dès l’éternité. C’est un sacrificateur qui s’est assis à la droite de la toute-puissance ; qui, « parce qu’Il est permanent à toujours, possède un sacerdoce qui ne passe point ; qui peut sauver entièrement, qui est toujours vivant pour intercéder » [Hébreux chapitre 7 versets 24 et 25] ; le seul qui pût nous convenir, car Il surpasse tous les autres sacrificateurs, en ce qu’Il est « saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs et élevé plus haut que les cieux » [Hébreux chapitre 7 verset 26]. C’est un roi, « le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs ». C’est un berger, « le bon berger ». C’est une lumière, « la lumière du monde », « le soleil de justice ». C’est une nourriture, « le pain du ciel qui donne la vie éternelle ». C’est de l’eau, « la fontaine d’eaux vivantes, qui est telle, que si quelqu’un en boit, il n’aura plus jamais soif » [Jean chapitre 4 verset 14]. C’est un arbre, « comme le pommier entre les arbres d’une forêt » [Cantique des cantiques chapitre 2 verset 3]. Si nous Le voyons dans les cieux, « qui est-ce au-dessus des nues qui soit égal à l’Éternel ? ». Si c’est sur la terre, « qui est semblable à l’Éternel entre les fils des forts ? » [Psaume 89 verset 6].

Alors qu’est-Il donc pour l’Église ? Comme Époux, Il est au-dessus des autres ; et même l’Église estime qu’Il doit croître tandis que tous les autres diminuent, car « celui qui vient du ciel est au-dessus de tous » [Jean chapitre 3 verset 31]. Ce Dieu est notre Dieu pour jamais. Puisse-t-Il, cher Monsieur, vous remplir de plus en plus de paix et de joie dans la foi, afin que vous abondiez dans une espérance vivante au travers de la vie et dans la mort ! Croyez que c’est là la prière sincère que fait souvent monter pour vous au trône de la grâce,

Votre très affectionnée,

Théodosia A. Powerscourt

Lettre 25

Le 15 février 1829
Ma chère amie,

Depuis que j’ai appris votre accident, j’ai eu le désir de vous écrire, mais comme M. G… m’a dit que vous étiez à peu près rétablie, j’avais besoin d’un moment de loisir pour vous adresser une longue lettre. Je vous demande des détails afin que je puisse me joindre à vos actions de grâces. J’ai été profondément touchée de ce que vous m’accordez le privilège d’être nommée dans vos petites réunions ; c’est la plus grande jouissance que vous puissiez me procurer. Oh ! ce n’est pas pour mon corps que je vous demande de prier ; ce que je désire, c’est que ma vie soit à la gloire de Sa vérité. Ce petit accident vous était donc mis en réserve par le Seigneur, et il faisait partie de l’inventaire de Ses dons. Ce dont nous avons besoin, c’est d’apprendre à faire usage de Ses promesses. Trop disposés à n’étudier Sa Parole que pour y trouver notre jouissance, nous allons souvent en avant en l’oubliant, jusqu’au temps fixé pour la reprendre ; c’est pourquoi il nous est bon de nous faire quelques égratignures aux ronces et aux épines que nous rencontrons, afin que, pour être guéris, nous soyons obligés de retourner à la Bible, et de nous nourrir des promesses, et qu’ainsi l’appétit de notre âme étant suffisamment excité, notre Dieu puisse nous rassasier de Sa bonté. Sa volonté n’est pas que nous ne tirions que de grandes sommes sur la banque des consolations, comme s’il ne valait la peine d’y aller que pour de telles valeurs ; mais il veut que nous y retournions sans cesse, et cela pour chaque franc et chaque sou de consolation dont nous pouvons avoir besoin, car nous ne Le fatiguons jamais.

Que de choses sont renfermées dans ces mots : « Je n’aurai point de disette » [Psaume 23 verset 1]. Et cependant Il manquait de tout. « Même quand je marcherai par la vallée de l’ombre de la mort, je ne craindrai aucun mal, car tu es avec moi » [Psaume 23 verset 4] ; et cependant Il s’est écrié : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » [Matthieu chapitre 27 verset 46]. Nous triompherons dans une pleine confiance au milieu de nos ennemis, parce qu’Il a été « le méprisé et le rejeté des hommes, un ver et non point un homme » [Psaume 22 verset 6] ; et je sais avec certitude que mon habitation sera dans la maison de l’Éternel pour jamais [Psaume 23 verset 6], parce qu’Il a dit : « Tu m’as exaucé ». Il nous est doux de savoir que le troupeau tout entier est sous la même direction. L’expérience que nous faisons de Sa tendresse et de Sa vigilance, nous rend capables de dire des autres dans chaque circonstance : Ils n’auront point de disette, le vingt-deuxième psaume étant le fondement de la confiance exprimée dans le vingt-troisième. Avec quelle sécurité nous pouvons nous abandonner entre des mains aussi tendres. Il est notre trésor ; plaçons auprès de Lui tout notre dépôt, notre corps, notre âme, et notre esprit, car nous Le connaissons. Il a promis de ne perdre aucun de ceux que le Père a remis entre Ses mains, mais de les ressusciter au dernier jour [Jean chapitre 6 verset 39]. Ne Lui montrons aucune défiance relativement à la manière dont Il gère notre dépôt, mais ayons la pleine confiance que nous le trouverons restauré et richement augmenté au matin de la résurrection. Alors nous consentirons volontiers à être trouvés parmi les pauvres et les méprisés qui L’auront suivi dans la mauvaise aussi bien que dans la bonne réputation [2 Corinthiens chapitre 6 verset 8], puisque c’est le sentier de l’affliction, et celui-là seulement qui conduit dans le pays où l’affliction est inconnue.

Dernièrement mes pensées ont été occupées des anges. Quel sujet d’humiliation ils devraient être pour le croyant, auquel ils ne sont semblables que dans ce seul point, c’est qu’ils « obéissent aussi à la voix de sa parole » [Psaume 103 verset 20], mais dont ils diffèrent, et quant à leur état, et quant à leur service ! Les croyants sont l’Épouse de Christ, et comme tels ils sont plus près de Lui, ils Lui sont plus chers ; « là où le péché s’est multiplié, là a surabondé la grâce » [Romains chapitre 5 verset 20]. Mais combien les anges se montrent plus empressés dans leur service ! Leur beauté semble se refléter sur la terre dans leur profonde humilité, témoin leur joie lorsqu’un pécheur est par sa conversion élevé au-dessus d’eux-mêmes. Quelle différence entre leurs sentiments et ceux des Juifs, lorsque les Gentils étaient appelés ! Quelle différence entre leurs sentiments et ceux des chrétiens, en face de la gloire promise aux Juifs ! Combien les impressions du frère aîné contrastaient avec les leurs lors du retour de l’enfant prodigue ! Écoutez le retentissement de leurs alléluias : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ! et sur la terre paix ! parmi les hommes bienveillance ! » [Luc chapitre 2 verset 14]. Avec quelle promptitude les douze légions ne seraient-elles pas descendues à l’aide du Seigneur, si, dans Son agonie, Il avait réclamé leurs services ! Il préférait la sympathie de Ses enfants, aussi regardait-Il à eux dans l’attente de leur compassion, « mais il n’y avait personne » [Psaume 69 verset 20] ; ils étaient tous appesantis par le sommeil. Si c’était aux anges qu’Il eût adressé cette parole : « en tant que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » [Matthieu chapitre 25 verset 40], serait-ce avec tant de lenteur qu’ils Lui donneraient à manger quand Il aurait faim, qu’ils Lui donneraient à boire quand Il aurait soif, qu’ils Le recueilleraient quand Il serait étranger, qu’ils Le vêtiraient quand Il serait nu, qu’ils Le visiteraient quand Il serait malade ou en prison, et surtout qu’ils s’acquitteraient de leur message s’ils étaient envoyés pour annoncer la bonne nouvelle d’une grande joie ? Non, ils voleraient avec la même rapidité que Gabriel lorsqu’il fut envoyé à Daniel [Daniel chapitre 9 verset 21], ou que celui d’entre eux qui porta un gâteau à Élie [1 Rois chapitre 19 versets 5 à 8]. « La parole est sortie dès le commencement de tes supplications, et je suis venu » [Daniel chapitre 9 verset 23] ; la parole était sortie dès le commencement, et il était venu avant la fin ! Il est cependant un office que les anges ne peuvent remplir dans l’Église, savoir, celui de consolateurs ; comme ils n’ont pas connu l’affliction, ils ne peuvent sympathiser. C’est là notre privilège, c’est notre service le plus honorable dans le temple d’ici-bas ; nous sommes des coupes de consolation dans les mains de Celui qui est venu pour guérir ceux qui ont le cœur brisé. Des vases de miséricorde peuvent seuls contenir ce cordial. Et comme chaque brin d’herbe brille d’une splendeur semblable à celle d’un petit globe de diamant, lorsque le soleil se lève sur la rosée de la nuit, de même les larmes de cette nuit du temps jetteront sur les enfants de Dieu, lorsque le soleil de justice paraîtra au matin de la résurrection, un éclat qui surpassera de beaucoup l’éclat des anges, « puissants en vertu, faisant son commandement, en obéissant à la voix de sa parole » [Psaume 103 verset 20]. Quant aux anges, ils connaissent la bénédiction de la puissance ; pour nous qui connaissons le bonheur de la faiblesse, nous savons ce que c’est que d’appuyer nos faibles mains sur le grand « Je suis », de nous glorifier dans les infirmités, afin que la puissance du Christ habite sur nous [2 Corinthiens chapitre 12 verset 9], et de porter, par la foi, notre âme sans force sur les douces et précieuses promesses. J’ai entendu raconter par une personne qui fut témoin oculaire du naufrage du Kent, que chaque mère, dans ce péril imminent, se tournait, comme par instinct, du côté de son plus jeune enfant et le serrait dans ses bras. C’est ainsi que fait le Seigneur à l’égard de Sa faible brebis. Penserait-on que, dans cette catastrophe, les enfants qui avaient le sentiment de leur force et qui étaient laissés à eux-mêmes, aient été plus en sûreté que le petit enfant dont la vie dépendait de celle de sa mère ?

Béni soit Dieu qui nous aime, non pas selon nos mérites, mais selon nos besoins ! Béni soit Dieu, de ce que le sang de Jésus Christ Son Fils nous purifie, non seulement des péchés que nous voyons, mais aussi de ceux qu’Il voit Lui-même !

Plusieurs des compartiments de notre cœur nous sont encore fermés, et nous ne voyons qu’à travers les fentes, mais Son sang peut y pénétrer et les arroser tous. Puissions-nous, chère sœur en Jésus, Lui laisser entièrement le soin de conduire notre nacelle, nous confier pleinement en Lui toutes les fois que le vent nous paraît contraire, et aller en avant sans hésitation, sachant qu’Il ne nous abandonnera pas à nous-mêmes. Qu’Il nous préserve d’affaiblir, par notre exemple, les mains de nos frères ! Et quoique nous méritions qu’Il plaide contre nous avec Sa grande puissance, demandons-Lui qu’Il mette Sa force en nous de telle manière que nous puissions crucifier la chair avec ses passions et ses désirs [Galates chapitre 5 verset 24]. Un tel crucifiement ne peut qu’être douloureux ; mais que ce soit crucifiement ou amputation, peu importe, pourvu que l’épreuve nous conduise plus près du but. « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime » [Jean chapitre 21 verset 17]. Oh ! ne restons pas dans le silence, nous qui avons tant de sujets de louanges et de gratitude ! Lorsqu’il fut donné à Jean d’entendre les alléluias des êtres vivants qui se tiennent devant le trône, et qui sont les témoins continuels des innombrables merveilles des perfections de Celui dont le nom est amour, tout se résumait dans un seul chant d’amour, de gratitude et de louange. Conviendrait-il après cela que les pécheurs rachetés se tussent ? Toutes ses œuvres Le louent et Lui obéissent ; toutes Ses créatures vont et viennent au son de Sa parole. Il dit à la mer : Tu iras jusque-là ; s’arrêteront tes vagues orgueilleuses ; et le firmament nous montre l’ouvrage de Ses mains [Psaume 19 verset 1]. Mais pour nous, c’est en nous confiant en Lui que nous pouvons le mieux Le glorifier. La bonté et la miséricorde nous suivront de la même manière que l’eau qui sortait du rocher suivait les Israélites à travers le désert. Tout ce qui nous est envoyé est bonté et miséricorde, et ce ne sont là que les arrhes des joies à venir et de notre futur héritage ; ce n’est qu’une jouissance par la foi des promesses qui y auront leur accomplissement. Nous sommes enfants de la promesse, héritiers de toutes les promesses. Enfants de la lumière, nous attendons le matin. Oh ! que notre lumière « augmente son éclat jusqu’à ce que le jour soit en sa perfection » [Proverbes chapitre 4 verset 18] ! Mes affectueuses salutations à vos chères sœurs et à tous ceux qui m’aiment dans le Seigneur. Veuillez m’écrire bientôt, et croyez à la sincère affection de votre sœur dans l’espérance,

Théodosia A. Powerscourt

Lettre 26

Dublin, le 17 avril 1829

… Je vous assure, ma chère amie, que si j’avais eu un instant la pensée que vous fussiez si mal, je n’aurais pas attendu une réponse à ma lettre. Dieu vous a fait passer par de grandes afflictions, mais aussi Son amour a voulu qu’au milieu des douleurs vous pussiez reconnaître que Ses consolations ont recréé votre âme. Assurément nous sommes sans excuse d’être encore incrédules ; et cependant chaque fois qu’Il nous conduit au bord des eaux de la tribulation, nous tremblons et nous craignons d’y entrer, comme si les eaux n’avaient pas été partagées précédemment, et n’étaient pas devenues, de droite et de gauche, un mur de protection et de consolation. Quel bonheur pour nous d’être sous une dispensation de miséricorde dans laquelle Dieu prend plaisir à agir en grâce ! Nous pouvons discerner notre penchant à la propre justice par l’étonnement toujours nouveau que nous éprouvons chaque jour, en voyant que Dieu nous traite si différemment de ce que nous sentons avoir mérité. Souvent aussi nous voudrions par nos craintes dicter au Seigneur Son chemin ; mais Il est meilleur que toutes nos craintes, se souvenant de faire miséricorde au milieu même de Ses jugements. « Écoutez la verge et celui qui l’a assignée » [Michée chapitre 6 verset 9], nous dit-Il, et souvent il semble qu’Il ne fait que l’agiter au-dessus de Ses enfants sans pouvoir, si j’ose parler ainsi, leur en faire sentir les coups. Puisque nos jouissances tiennent toutes à un fil si délié, allons en avant avec confiance tous les jours de notre vie, et apprenons à nous réjouir avec tremblement.

David s’est trouvé fréquemment dans de grandes détresses, mais il se fortifiait dans l’Éternel son Dieu [1 Samuel chapitre 30 verset 6] ; et nous, nous sommes souvent affligés par des choses extérieures, et toujours par des choses intérieures. Nos cœurs sont si appesantis, si peu spirituels malgré tout ce que nous avons appris et de la terre et de Jésus, que souvent il me semble que nous avons encore tout à apprendre, tant nous sommes « stupides et sans connaissance, même comme des brutes en sa présence » [Psaume 73 verset 22]. Fortifions-nous donc dans l’Éternel notre Dieu ; fortifions-nous dans la contemplation de Son cœur et de Sa miséricorde. Sa colère ne nous fermera pas la porte de Ses tendres compassions ; ce sont bien plutôt Ses tendres compassions qui nous fermeront la porte de Sa colère, car Sa miséricorde dure éternellement. Oh ! que Son amour et Sa gratuité soient notre haute retraite, le lieu où nous nous mettions à l’abri des péchés, des tentations, des chutes et de l’ingratitude ! Comme nous sentons que Sa tendresse est celle d’un Dieu jaloux, nous voudrions Lui cacher ce qui nous paraît propre à L’affliger ; mais notre Jésus n’est pas jaloux à la manière d’un ami terrestre ; Son amour ne saurait être ébranlé par le soupçon. Il connaît toute notre indignité, et cependant Il nous aime jusqu’à la fin ! Allons donc promptement Lui tout dire, jusqu’aux sentiments que nous voudrions pouvoir nous cacher à nous-mêmes ; apportons tout en Sa présence, et répandons dans le sein de notre Maître toute notre tristesse. Fréquemment nous tremblons à la seule pensée que dans Sa fidélité Il devra nous affliger, et dans le même moment nous pouvons dire avec calme que Lui seul peut nous suffire, et qu’Il nous restaurera, puisqu’Il s’est donné à nous tout entier. Quel étrange composé nous sommes ! Nous pouvons tout Lui confesser, car Il est notre haute retraite. Il peut sympathiser aux difficultés que la chair oppose à la volonté du Père, car Il a dit : « Père, sauve-moi de cette heure ! » [Jean chapitre 12 verset 27].

Nous pouvons nous reposer sur Ses compassions. Nous pouvons nous jeter dans Ses bras, en disant : « Sois mon garant ! ». « Que je tombe entre les mains de l’Éternel, car ses compassions sont en grand nombre ! » [2 Samuel chapitre 24 verset 14]. C’est le Dieu qui pensait même aux bêtes quand Il détournait Ses jugements de Ninive [Jonas chapitre 4 verset 11]. Ne craignons pas de perdre notre volonté dans la sienne. Il est lent à la colère ; Il est prompt à pardonner ; et lorsque Ses prophètes perdaient patience jusqu’à intercéder contre le peuple, même alors Il ne pouvait rejeter ce peuple qu’Il avait mis à part pour l’amour de Son grand nom. Il ne peut pas davantage rejeter Ses enfants maintenant. Que notre joie abonde en Jésus ! Que notre amour soit aussi avide d’amour que le sien ! Qu’Il soit Lui-même notre but dans la joie comme dans la tristesse, tellement que nous puissions dire : « Pour moi, vivre c’est Christ » [Philippiens chapitre 1 verset 21] ! N’abusons pas de Ses compassions, et que chaque coup dont Sa verge nous frappe à cause de nos péchés, nous pousse plus près de Lui ! Oh ! ne soyons pas comme Son ancien peuple, qui, après chaque bénédiction, rejetait Ses lois avec endurcissement, et Le provoquait toujours davantage ! Conduisons-nous d’une manière digne de l’évangile de Jésus Christ, persistant en un même esprit, combattant ensemble d’un même courage pour la foi de l’évangile [Philippiens chapitre 1 verset 27]. Demandons à Dieu qu’Il ne nous épargne pas la verge à cause de nos cris, mais qu’Il ait compassion, car la chair est faible. Voici, qu’Il fasse de moi ce qu’il Lui semblera bon !

Mon désir est de pouvoir dire cela de l’esprit autant que de la bouche, du cœur autant que de l’intelligence. Fortifions-nous donc dans le Seigneur notre Dieu ; ne soyons point épouvantés par nos adversaires, mais rendons-Lui grâces de ce qu’Il nous a donné, non seulement de croire en Lui, mais aussi de souffrir pour Lui et avec Lui. Et puisqu’Il est pour nous si rempli de tendresse, faisons entendre nos alléluias de la haute retraite de Ses compassions, et que le nom de Jésus retentisse sous les voûtes mêmes du royaume de Satan !

Votre très affectionnée

Théodosia Powerscourt

Lettre 27

Paris, le 26 avril 1830

… Depuis que j’ai appris votre maladie, et comment le Seigneur vous en a délivrée, j’ai eu l’intention de vous écrire pour rendre grâces avec vous, ma chère sœur, et pour vous demander quelques détails sur les bénédictions dont vous avez été l’objet dans le moment du besoin. N’est-il pas vrai que le langage de la brebis de Christ devrait toujours être : « Je n’aurai point de disette » [Psaume 23 verset 1]. — Point de disette, parce que l’Éternel est notre berger, Celui qui nous suffit ! Rien ne peut se mêler avec Lui ; rien ne peut ajouter à Sa plénitude, rien ne peut la diminuer. Les brebis seules connaissent tout ce que renferment ces paroles : « Je n’aurai point de disette ». Et le reste du psaume ne nous présente que repos, rafraîchissement, miséricorde, direction, paix dans la mort, triomphe, bénédictions débordantes, confiance pour l’avenir, sécurité dans la vie et dans la mort, pour le spirituel et pour le temporel, dans la prospérité et dans l’adversité, pour le temps et pour l’éternité. Ne pouvons-nous donc pas dire avec hardiesse : « L’Éternel est mon berger » ! Comment pourrions-nous nous trouver dans la disette étant unies à Lui ! Nous avons droit à toutes Ses richesses. Nos biens sont Ses richesses et Sa gloire. Avec Lui nous ne pouvons manquer de rien ; la vie éternelle est à nous, avec cette promesse : « toutes choses seront données par-dessus » [Matthieu chapitre 6 verset 33]. Il sait tout ce dont nous avons besoin. C’est par Sa propre expérience que notre berger a appris à connaître les besoins de Ses brebis, car Il a été Lui-même « conduit comme une brebis à la boucherie » [Ésaïe chapitre 53 verset 7]. Et si nous faisons attention que Celui qui a été conduit comme une brebis à la boucherie, nous dit : « Je connais mes brebis » [Jean chapitre 10 verset 27], nous apprenons par quel chemin douloureux Il a été amené à cette connaissance, et comment Il s’est assujetti aux besoins de chaque brebis, de chaque agneau même de Son troupeau, afin de pouvoir sympathiser à toutes leurs infirmités. Les brebis timides ne doivent craindre ni la disette, ni l’affliction, ni la souffrance. « Ne craignez point ! ». Selon vos besoins sera le secours. « L’Éternel est ma portion, dit mon âme, c’est pourquoi j’aurai espérance en lui » [Lamentations de Jérémie chapitre 3 verset 24]. Au milieu du danger nous n’aurons aucun sujet de nous alarmer, car nous avons été prises par la toute-puissance de l’amour, et il est écrit : « Elles ne périront jamais » [Jean chapitre 10 verset 28]. « Votre Père a bien voulu vous donner le royaume » [Luc chapitre 12 verset 32]. Tout ce qu’on peut attendre d’un berger, nous le trouverons en Celui qui nous a tant aimées qu’Il a donné Sa vie pour nous. Chère sœur, manquez-vous de quelque chose ? Présentez-Lui votre besoin ; Il le placera sur le propitiatoire afin de le considérer, et dans le temps convenable il y sera pourvu. Désirez-vous quelque chose pour une personne qui vous est chère ? Il a promis que vous ne manqueriez de rien, et si vous ne recevez pas exactement ce que vous avez demandé, vous aurez quelque chose de meilleur. Sa plénitude est à notre disposition, comme si elle était entre nos propres mains, et, s’Il la garde en Lui-même, c’est afin que chaque bénédiction soit doublée. Moïse disait aux enfants d’Israël : « L’Éternel ton Dieu a connu le chemin que tu as tenu dans ce grand désert, et l’Éternel ton Dieu a été avec toi pendant ces quarante ans, et rien ne t’a manqué » [Deutéronome chapitre 2 verset 7]. Nos besoins sont sans bornes ; notre secours est infini ; et Dieu seul peut dire tout ce que Dieu peut faire. Nous, les brebis de Sa pâture, rendons-Lui grâces et racontons Sa louange, en nous confiant pleinement en Lui. Il n’y a point de disette pour Son troupeau. « Les lionceaux ont disette, ils ont faim » [Psaume 34 verset 10], mais la faible brebis du bon berger ne manquera d’aucune bonne chose. Il est notre bouclier contre chaque ennemi ; Il est notre guide dans chaque danger ; Il ne peut rien nous refuser ; Il donne la grâce et la gloire [Psaume 84 verset 11]. Mais ce serait à vous à me dire toutes ces vérités, car vous les sortez maintenant de la fournaise. Quelle grâce, quand, nous prenant comme un morceau d’argile entre Ses mains, Il fait de nous un vase propre à l’usage du Maître, surtout si c’est un vase de consolation pour Ses saints ! Nous aimons le service, mais nous redoutons ce qui est propre à nous y former, car nous ne pouvons consoler les autres qu’au moyen de la consolation par laquelle nous sommes nous-mêmes consolées [2 Corinthiens chapitre 1 verset 4]. Oh ! quelle bénédiction que nous ne soyons pas laissées à nous-mêmes, et que, lorsque nous tirons le fil de l’écheveau de notre vie au milieu des nœuds les plus embrouillés, la miséricorde vienne s’asseoir et démêler avec patience. Chaque circonstance contribue à faire tomber la bonne opinion que nous avons de nous-mêmes, et nous apprenons ainsi à laisser notre justice derrière nous, et à aller à Jésus avec nos péchés, au lieu de laisser nos péchés derrière nous, pour aller à Lui avec notre justice. Il est fort heureux pour nous que nous ne paraissions pas aux autres tels que nous sommes réellement, avec notre orgueil, notre égoïsme, et notre recherche de nous-mêmes. Nous aimerions que chacun pût nous trouver aimables.

Lettre 28

Powerscourt, octobre 1828
Ma chère amie,

L’Époux de l’Église n’avait pas un lieu où Il pût reposer Sa tête [Matthieu chapitre 8 verset 20] ; mais l’Épouse cherche toujours une place agréable ici-bas. Seigneur ! enseigne-moi, car je ne suis que folie. Quant à la question de soutenir tel négoce, telle industrie, laissons les morts prendre soin des morts ; notre affaire dans cette vie n’est pas de faire marcher le monde, mais de manifester la glorieuse espérance du chrétien. Chaque livre traite le sujet qui lui est propre, sans pour cela mériter le reproche de ne pas donner des instructions sur tous. Nous sommes des épîtres vivantes, faisant partie de la bibliothèque de Dieu, et appelées à enseigner un sujet particulier. Nous n’avons rien à faire avec le monde ; nous ne pouvons vivre trop différemment de lui. Que Dieu est bon d’éprouver notre foi ! Nous parlons facilement des promesses, mais savoir en faire usage c’est tout autre chose. Qu’il nous est difficile de prendre le Seigneur au mot, sans aucune preuve extérieure ; et combien Il est miséricordieux de nous introduire dans les secrets de Son amour, en ne nous laissant pas voguer tout doucement le long du cours du temps, mais en nous envoyant de temps en temps de grandes et rudes vagues qui nous lancent sur les promesses ! Il adoucit nos amertumes ; Il rend amer ce qui nous est doux. Ce qu’il y a de plus relevé pour le chrétien, c’est d’aller en avant appuyé sur les promesses. Plus nous sommes obligés d’en éprouver la valeur, plus nous sommes privilégiés, parce que nos idées des choses ne sont plus selon le monde. C’est en vérité une grande chose que de se confier en Dieu, quelles que soient nos circonstances, de regarder nos afflictions comme nos véritables joies, et nos souffrances comme notre vrai bonheur. Il nous prive des objets terrestres de nos affections, afin que nos cœurs s’élevant jusqu’à l’objet qu’ils doivent aimer, s’attachent fortement à Lui qui est l’archétype et la source de tout bien. Tout autre amour n’est que le ruisseau comparé à l’océan ; l’un est limité par les bornes étroites du cœur humain ; l’autre est immense comme la pensée infinie de Jéhovah. Profitons de nos privilèges, chère amie, et nourrissons nos âmes des promesses de Celui qui sait ce qu’Il dit.

Croyez-moi votre très affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 29

Bruxelles, le 15 décembre 1829

… Nous sommes ici depuis six semaines, sans aucune utilité, si ce n’est que nous avons pu faire des progrès dans la patience, et il valait la peine de faire tout ce chemin pour atteindre un tel but. C’est ainsi que le Seigneur agit envers nous ; Il nous promène quelquefois dans le désert afin de nous parler selon notre cœur ; Il permet que ce monde soit tribulation pour nous, et comme Il ne veut pas nous tromper, Il nous dit que nous ne devons pas y attendre autre chose ; mais aussi Il nous indique deux grands moyens de patience, savoir, « de nous réjouir dans l’espérance, et d’être persévérants dans la prière » [Romains chapitre 12 versets 12 et 13]. Je crois que mon céleste et fidèle ami m’a montré quelques-uns de mes défauts. L’instrument avec lequel Il sonde les plaies est tellement adouci par l’huile de l’amour, qu’il guérit tout en blessant. Je pense, ma chère sœur, que, puisque le temps est si court, il vaudrait mieux dépenser toutes nos forces pour la gloire du Seigneur dans la position dans laquelle Il nous a placées, que de perdre notre temps à douter si nous sommes dans notre vraie position. Ces doutes empêchent la reconnaissance à laquelle Il a droit ; car en toute chose il y a un bon côté, et il en doit être ainsi, puisque c’est « sa volonté que nous rendions grâces en toutes choses » [1 Thessaloniciens chapitre 5 verset 18]. J’ai la conviction que même en chaque piège il y a une bénédiction qu’il nous faut savoir saisir, tout en évitant le piège.

Oh ! qu’Il mette dans notre bouche un cantique nouveau d’actions de grâces et de louanges ! Soyons comme Phœbé, apportons à l’Église des coupes de consolations, elle en porta une bien remplie à Rome. Si nous demandons quelque chose selon Sa volonté, nous pouvons croire que nous avons une réponse [1 Jean chapitre 5 versets 14 et 15]. Il ne veut pas la mort du pécheur, mais bien plutôt que tous soient sauvés. Nous n’avons pas, parce que nous ne demandons pas [Jacques chapitre 4 verset 2]. Croyons-nous réellement au prochain avènement de Jésus ? Cela peut-il se voir dans toute notre conduite ? Notre vie est-elle tellement une vie d’obéissance qu’elle réfléchisse l’image de Christ, et que plusieurs soient comme forcés de dire : « J’aimerais voir Jésus » ? Il ne se méprend ni à l’égard de ce qui est pour notre bien, ni à l’égard de ce qui tend à Sa gloire. J’ai découvert qu’Il a renfermé mon bonheur dans le creux de Son bouclier, pour qu’il soit à l’abri de l’influence de toute créature. Pourquoi mèneraient-ils deuil sur quelqu’une des choses d’ici-bas, ceux qui sont réconciliés avec le juge de toute la terre, qui ont accès en tout temps auprès de Lui, et qui peuvent s’entretenir avec Lui dans l’intimité ; ceux dont l’espérance repose sur Son amour et qui Le voient toujours comme un ami éprouvé dès longtemps ; ceux dont les tribulations mêmes sont changées en bénédictions, et qui ont pour leur Dieu, ce Dieu qui veut les bénir comme Dieu ? Tout ce qui Lui appartient est à nous. Sa puissance est à nous ; — personne ne nous ravira de Sa main [Jean chapitre 10 verset 29]. Sa sagesse est à nous — car toutes choses travaillent ensemble pour notre bien [Romains chapitre 8 verset 28]. Sa sainteté est à nous — car le péché n’aura pas domination sur nous [Romains chapitre 6 verset 14]. Sa justice est à nous — car Il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés [1 Jean chapitre 1 verset 9]. Sa fidélité est à nous — en ce qu’elle nous assure de l’accomplissement de toutes Ses promesses. Son éternité est à nous ; — « parce qu’Il vit, nous aussi nous vivrons » [Jean chapitre 14 verset 19] ; « ainsi nous serons toujours avec le Seigneur » [1 Thessaloniciens chapitre 4 verset 17] ; « mon Seigneur et mon Dieu » [Jean chapitre 20 verset 28] ! Chaque péché devrait augmenter notre confiance, en nous faisant voir de la manière la plus convaincante combien Jésus nous est nécessaire. Notre faiblesse même nous force à vivre, par la foi, de Celui qui est puissant pour sauver. Lorsque le courant des eaux terrestres est à sec, nous sommes obligés de nous attacher à Celui qui est tout en tous, et ainsi nous pouvons trouver le bonheur dans Sa plénitude. Tout ce qui nous entoure semble nous crier : Va à Jésus ! Notre grand privilège, dans un monde tel que celui-ci, c’est de pouvoir discerner que tout vient directement de Lui. S’il en était autrement, nous ne pourrions posséder notre âme par la patience [Luc chapitre 21 verset 19], nous ne pourrions comprendre qu’Il se propose un but dans tout ce qu’Il fait. Plus Ses dispensations sont pénibles, plus nous devons les croire nécessaires ; nous ne savons pas encore ce qu’Il fait, mais nous le comprendrons dans la suite. Ses desseins demeurent fermes, et chaque heure les déroule à nos regards. Il est écrit, non pas que l’enfant qu’eut David de la femme d’Urie tomba malade, mais que l’Éternel frappa l’enfant [2 Samuel chapitre 12 verset 15]. C’était l’enfant de l’homme selon le cœur de Dieu ! Il pria, il jeûna, et il ne fut point exaucé ; cependant il dit : « Invoque-moi au jour de la détresse ; je t’en délivrerai et tu me glorifiera » [Psaume 50 verset 15]. Oui, Il nous délivrera selon Sa propre voie et, quelle qu’elle soit, nous Le glorifierons ; « Je blesse et je guéris » [Deutéronome chapitre 32 verset 39]. Les mains qui ont été percées pour nous, peuvent seules nous blesser avec tendresse, et nous guérir parfaitement. Il vaut presque la peine d’avoir une blessure pour expérimenter avec quelle tendresse Il guérit. Oh ! comme Il nous épargne, lorsqu’à tant d’égards nous aurions mérité Ses châtiments ! Avec quelle douceur Il nous traite ! S’Il agite Sa verge au-dessus de nous, c’est afin de nous ramener à nous-mêmes. Souvent Il se sert du péché même qu’Il veut nous faire haïr, comme d’un dard dont Il blesse, afin de se verser Lui-même dans la plaie, tandis que Sa douce voix nous dit : Revenez à moi, car je suis plein de compassion, lent à la colère, me repentant du mal dont j’ai menacé. Notre place c’est encore l’école ; pour moi, je dois y apprendre mon entière dépendance par rapport à chaque consolation et à chaque pensée ; je n’ai point de provision ; je ne sais rien ; il faut que Dieu me dise ce qu’Il approuve et ce qu’Il blâme, ce qui chez moi est vanité, ce qui en Lui est sagesse.

Travaillons diligemment jusqu’à ce qu’Il vienne, dans la position dans laquelle Il nous a placées l’une et l’autre. Quand nous livrerions nos corps pour être brûlés, quand nous donnerions tous nos biens pour la nourriture des pauvres, quand nous parlerions sur toutes choses comme des anges [1 Corinthiens chapitre 13 versets 3 et 1], tout cela ne servirait qu’à notre condamnation, si nous n’avions pas compris cette parole : « donne-moi ton cœur » [Proverbes chapitre 23 verset 26]. Douce consolation ! Jamais Il ne sera fatigué de nos plaintes ! Il nous aime lorsque nous pleurons, autant que lorsque nous avons le cœur joyeux. Il aimait les larmes de Marie ; c’était pour Lui le plus éloquent des langages. Bientôt toutes ces bagatelles seront mises de côté comme des jouets d’enfants. Dieu voit nos folies du même œil qu’un homme sage regarde son enfant avec amour et compassion. Bientôt notre histoire sera finie et elle sera placée dans la bibliothèque de Dieu, comme un ancien volume de Sa fidélité. Bientôt nous Le verrons face à face ; nous connaîtrons comme aussi nous avons été connues [1 Corinthiens chapitre 13 verset 12]. Bientôt la prophétie sera toute accomplie ! « Toute plante que mon Père céleste n’a pas plantée sera déracinée » [Matthieu chapitre 15 verset 13], mais la petite semence d’amour, répandue par Sa propre main dans nos cœurs, fleurira dans les parvis de la maison de notre Dieu [Psaume 92 verset 13], d’éternité en éternité. Alléluia ! Bientôt, bientôt ! Pourquoi les roues de ton chariot vont-elles si lentement ? Pourquoi tardes-tu tant de nous transplanter du lieu où tu nous élèves, dans les demeures du ciel ?

Lettre 30

… 1830
Mon cher Monsieur,

… Je vous remercie beaucoup de votre lettre, quoiqu’elle renferme de si tristes détails sur votre ville. Le soleil de justice y a resplendi sur moi d’une manière si éclatante, que je ne puis me la représenter que comme un gras pâturage. Le bien sortira pour l’Église de ce qui nous paraît fâcheux ; mais si nous l’aimons comme l’aime le Tout-sage et le Tout-puissant, nous n’aurons jamais d’inquiétude quand Il permet le mal. Qu’il est magnifique le mécanisme de la grâce ! Avec quel ensemble se meuvent toutes les choses qui doivent amener la plus glorieuse fin !

Tandis que l’homme emploie un grand nombre de moyens pour atteindre une seule fin, Dieu arrive à un grand nombre de fins par un seul moyen. La prière fait descendre les bénédictions du Seigneur, et quand Il bénit, Il bénit un grand nombre de personnes, Il fortifie leur foi, Il excite leur reconnaissance, et Il leur fait confesser hautement qu’Il est Celui qui écoute les prières et qui les exauce. J’apprendrai peut-être un jour que, si mon âme a été sauvée, c’est en réponse à quelque prière dont je n’ai jamais eu connaissance. On peut dire de l’abondance de la prière, aussi bien que de celle de l’aumône : « L’administration de cette oblation n’est pas seulement suffisante pour subvenir aux nécessités des saints, mais elle abonde aussi de telle sorte que plusieurs ont de quoi en rendre grâces à Dieu » [2 Corinthiens chapitre 9 verset 12]. Adonnons-nous donc à la prière avec une pleine libéralité.

Combien nous serions heureux si nous pouvions voir toute chose à la lumière de Christ et en rapport avec Lui ! De même que Joseph et Benjamin étaient plus aimés de Jacob que tous ses autres enfants, parce qu’ils étaient enfants de Rachel ; de même l’Église devrait nous être plus chère que tout au monde, parce qu’elle est chère à Christ. Je pense que nous retirerions un grand avantage de l’étude de la prophétie, si nous savions y voir chaque chose en rapport avec Christ, au lieu d’y voir Christ en rapport avec nous-mêmes. S’il nous est utile de nous reposer sur un Sauveur crucifié, en ce que par là nous nous élevons du moi jusqu’à Lui, assurément il doit nous être plus avantageux encore de nous reposer sur un Sauveur glorifié, puisque nous en retirons une bien plus grande lumière. La vue de Jésus souffrant, quelque consolante qu’elle soit, quelque nécessaire qu’elle soit pour le salut de notre âme, nous reporte au temps où nous étions sous la malédiction et dans les douleurs d’une vie sans espérance et sans Dieu, tandis que la vue de Jésus glorifié nous pousse en avant jusqu’au temps où toutes nos peines auront fini pour jamais.

Ce qui m’étonne sans cesse, c’est que je suis de Dieu, tandis que la plupart de ceux qui m’entourent sont sous la puissance du méchant. Quelle grâce immense pour moi que de recevoir chaque matin ce message : « Tes péchés qui sont en grand nombre te sont remis » ; que d’avoir un instituteur si patient ; que de savoir que « mon Rédempteur est vivant, et qu’Il demeurera le dernier sur la terre, et que lorsqu’après ma peau ceci aura été rongé, je verrai Dieu de ma chair, je le verrai moi-même » [Job chapitre 19 versets 25 à 27]. M. Howells avait pris ce texte dimanche dernier. Il faisait remarquer que lorsque les désirs des enfants de Dieu se portent sur des choses qui leur sont réellement avantageuses, ils peuvent être certains qu’ils seront exaucés. Job disait : « Plût à Dieu que mes discours fussent écrits, et qu’ils fussent gravés sur une pierre de roche ! » [Job chapitre 19 versets 23 et 24] et il a reçu au-delà de tout ce qu’il avait demandé et pensé. Le Rocher des siècles est descendu, et Il a gravé dans Son sein les paroles de Son serviteur ; là rien ne pourra les effacer, et elles seront lues par tous durant toute la suite des siècles.

Jésus est le proche parent qui a vengé la mort de son frère sur ses meurtriers, en les poursuivant et en les subjuguant sur le mont Calvaire, et qui a suscité des enfants à son frère, en s’unissant à l’humanité. Une rose ne rend jamais un parfum plus doux que quand elle est froissée et pressée. Lorsque la rose de Saron fut froissée et foulée aux pieds, son odeur suave remplit toute l’étendue des cieux. — Christ en venant sur la terre nous a ouvert le sein de la divinité.

Dans le mariage le nom de l’épouse est anéanti ; le nom de l’Église ou de l’Épouse n’est pas effacé, mais il est anéanti, elle ne le connaît plus ; ainsi le croyant qui ne possède qu’un seul grain de la grâce, ne doit pas être appelé impie ; désormais son nom est : « L’Éternel notre justice » [Jérémie chapitre 33 verset 16]. La femme est revêtue du soleil [Apocalypse chapitre 12 verset 1], le croyant est revêtu de son Dieu pour jamais. L’Éternel se place comme un bouclier entre nous et chacun de nos ennemis. Qui est-ce qui peut pénétrer l’infini et l’éternité ? Bientôt nous verrons tous le mal dont nous avons été préservés. Que de fois nous avons été portés, sans nous en apercevoir, au-delà des douleurs, semblables à des enfants sur les yeux desquels on met la main, pendant qu’on leur fait passer la rivière, afin qu’ils ne voient pas le danger. Le pauvre est préservé des richesses, et le riche de la pauvreté…

Votre très affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 31

… 1828
Mon cher Monsieur,

J’apprends avec joie que vous êtes dans notre voisinage, quoique je sois affligée du sujet qui vous y a amené. Sachons jouir des bénédictions du désert, lors même que c’est la paix dans l’agitation. Pour notre joie à venir, nous aurons l’éternité. Ce n’est plus que pour quelques instants que nous avons la joie dans la douleur, le calme dans la tempête.

Réjouissez-vous, puisque Sa main chérie, en vous pressant, vous rappelle combien Il vous aime. Lorsque c’est la compassion qui fait la blessure, et que c’est l’amour qui châtie, nous pouvons comprendre combien l’épreuve était nécessaire. Ce n’est pas de votre force que le Seigneur a maintenant besoin, c’est de votre faiblesse. Quel jour glorieux que celui dans lequel nous pourrons adorer Sa fidélité sans l’enseignement du crucifiement de notre volonté et du désappointement de nos plans ! Quel jour que celui où nous pourrons connaître la douceur de la confiance sans présomption ; ce qu’est l’humilité, sans que l’orgueil nous humilie ; ce qu’est la plénitude de la présence de Christ, sans un cœur souvent vide ; ce qu’est la sympathie de notre Consolateur, sans chagrin ; ce qu’est la bonté de notre médecin, sans souffrance, et ce qu’est l’abondance de la grâce, sans péché.

Votre sincèrement affectionnée en Christ

T.A. Powerscourt

Lettre 32

Powerscourt, le 11 février 1829
Mon cher ami,

J’ai été dernièrement très occupée des versets 12, 13 et 14 du chapitre 5 des Actes. C’est là ce que les croyants devraient être au milieu des hommes. La question n’est pas, repousserons-nous telle ou telle personne de notre société ; mais vivrons-nous, parlerons-nous de telle manière qu’aucun de ceux qui ne sont pas « des nôtres », n’ose se joindre à nous ? Oh ! que ces temps sont dangereux pour l’Église ! La nécessité des persécutions et des tribulations pour garder l’Église pendant qu’elle est dans le monde, nous démontre la sagesse miséricordieuse de notre Dieu. Les temps de persécution sont ceux de sa prospérité. Satan ne dort pas ; il est plus à redouter quand il mine sourdement, que quand il détruit ouvertement ; son but est de séduire même les élus, s’il était possible, en les engageant par des motifs spécieux à faire son œuvre, en dépit de la sincérité de leur cœur. Dans son désir de rectifier l’idée fausse que la religion consiste tout entière à vivre différemment des autres, l’Église a fini par vivre dans une étroite conformité au monde. Elle a voulu prévenir une méprise, mais elle est devenue infidèle à sa mission, en présentant le christianisme sous un faux jour, et en donnant une fausse ressemblance de son Seigneur. Il est vrai que par là le monde a été réconcilié, en grande partie, avec des choses qui, si elles étaient fidèlement représentées, n’obtiendraient jamais son approbation ; mais l’Église, en atteignant ce but, a rendu contre elle-même un bien triste témoignage. N’est-ce pas là la raison pour laquelle le christianisme est beaucoup plus une profession qu’une confession ? — Quoique nous soyons errants et dispersés, nous n’allons pas çà et là « annonçant la bonne nouvelle de la Parole » [Actes chapitre 8 verset 4]. Nous sommes entrés dans le monde ; nous avons marché au milieu de ses enfants ; nous nous sommes arrêtés, nous nous sommes assis auprès d’eux ; nous leur avons présenté notre main ; ils nous ont présenté la leur, et maintenant nous marchons agréablement ensemble bras dessus, bras dessous. Si nous ne les imitions pas dans le luxe et la vanité, ils ne viendraient pas au-devant de nous. Si notre conduite et notre conversation étaient en témoignage contre eux, ils auraient bientôt pris congé de nous. Les temps sont dangereux, lorsque les chrétiens ont le loisir de jouer avec les idoles.

Un ami, qui m’est cher, disait que l’Église est maintenant si satisfaite de son veuvage qu’elle a cessé d’attendre le retour du Seigneur. Telle est notre position. Les temps de persécution ont l’avantage de faire converger toutes les facultés de l’âme vers un seul point. Combien la grâce de l’attente patiente est magnifique chez Rutherford et chez d’autres croyants persécutés ! L’amour appellerait presque des temps difficiles, dans la crainte que la cause de Celui que nous aimons ne soit déshonorée ; et plus nous nous réjouissons dans le Seigneur, plus cette crainte nous afflige. En mener deuil est de peu d’utilité ; la grande question pour nous est de savoir comment nous pourrons rendre témoignage contre ce mal, tout en cherchant le bien de notre génération. Et puisque dans tous les âges il doit y avoir un certain nombre de personnes qui rendent à Dieu un fidèle témoignage, comment nous conduirons-nous au milieu de ces êtres privilégiés ? Il se confie à notre amour ; nous sommes comme des volumes de Sa bibliothèque destinés à être lus par le monde ; par quels moyens remplirons-nous fidèlement notre mission ? Ne sera-ce pas en obéissant au commandement si souvent répété et si souvent foulé aux pieds, de nous aimer les uns les autres ; en contribuant à une plus grande union entre les membres du corps ; en répandant davantage autour de nous l’atmosphère céleste de l’amour, et en en démontrant davantage l’existence par toute notre conduite ? Avec quelle instance Il nous excite à cette grâce, et cela sans y apporter aucune limite : « Je vous donne un commandement nouveau, que, comme je vous ai aimés, vous vous aimiez aussi les uns les autres ! » [Jean chapitre 13 verset 34]. Cet amour porte au renoncement à soi-même ; « étant riche Il s’est fait pauvre pour nous » [2 Corinthiens chapitre 8 verset 9]. C’est un amour dévoué ; « Il s’est donné lui-même pour nous » [Tite chapitre 2 verset 14] ; — « étant attachés les uns aux autres par affection fraternelle » [Romains chapitre 12 verset 10] ; — « étant obligeants et compatissants » [1 Pierre chapitre 3 verset 8] ; — « pleurant avec ceux qui pleurent, étant dans la joie avec ceux qui sont dans la joie » [Romains chapitre 12 verset 15] ; — « si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » [1 Corinthiens chapitre 12 verset 26] ; — « regardant, non pas chacun à nos intérêts, mais chacun aussi aux intérêts des autres » [1 Corinthiens chapitre 10 verset 24] ; — « marchant dans l’amour, comme aussi le Christ nous a aimés » [Éphésiens chapitre 5 versets 1 et 2] ; « nous accommodant aux humbles » [Romains chapitre 12 verset 16] ; — « prenant garde les uns aux autres, pour nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres ; n’abandonnant pas notre réunion, et cela d’autant plus que nous voyons approcher le jour » [Hébreux chapitre 10 versets 24 et 25] ; montrant en toute chose débonnaireté, douceur, fidélité, pardon et support. Je pense que si chaque corps de chrétiens visait davantage à cela, en action, en parole et en esprit dans les diverses localités où ils sont placés, le monde serait beaucoup plus convaincu par cette unité-là que par tous les autres moyens qu’on cherche à employer. Les hypocrites auraient honte de se couvrir de Christ comme d’un vêtement honorable, tandis que les croyants se revêtiraient bien plus complètement de Lui, et pourraient Le supporter étroitement lié à eux par le lien de la perfection, qui est le signe auquel on reconnaît Ses disciples.

Il me semble que les ministres fidèles se bornent trop à l’évangélisation, et qu’ils négligent la partie la plus difficile de leur œuvre, qui consiste à sonder les cœurs. Ils devraient veiller sur les âmes, les avertir, les exhorter ; montrer, d’après les Écritures, les erreurs de l’intelligence et celles de la vie ; de cette manière, les membres du corps entreraient mieux dans les circonstances les uns des autres, et s’identifieraient mieux aussi aux intérêts de l’Église ; les actions de grâces seraient multipliées, et un plus grand nombre de personnes rendraient gloire à Dieu. Il est plus facile de faire des démonstrations extérieures d’amour qu’il ne l’est d’avoir l’Esprit de Dieu ; et cependant, sans l’Esprit, tous nos efforts pour aimer, pour montrer de l’humilité et de la spiritualité, seraient une parodie de Christ, une carcasse sans âme. Rien ne paraît plus propre à nous placer dans un état d’attente et à nous séparer du monde, que de fixer sans cesse nos yeux sur le second avènement du Seigneur. C’est alors que notre âme s’élance en avant, joyeuse d’être délivrée de tous les efforts de Satan pour la maintenir dans de fausses vues sur ce sujet. J’aimerais aussi sentir davantage que le don de notre argent est le plus faible de tous les témoignages de notre amour. Tout en produisant le renoncement à soi-même, l’amour produit aussi la générosité sous toutes les formes possibles. Contemplons donc chaque jour davantage, comme dans un miroir, la gloire de Dieu, jusqu’à ce que nous ayons été transformés à Son image. Réchauffons-nous en nous tenant plus près de la fournaise de l’amour. Qu’Il veuille amollir nos cœurs en les imprégnant de Son Esprit ; qu’Il fasse déborder Ses sources tout autour de nous ! N’avons-nous pas été aimés ? N’aimons-nous pas à notre tour ? Ne sommes-nous pas dans la lumière ? N’avons-nous pas été les objets de cette prière : « Afin que tous soient un, comme toi, Père, es en moi, et moi en toi » [Jean chapitre 17 verset 21] ? Il est possible que ma pauvreté dans l’amour me fasse sentir plus vivement les besoins de l’Église à cet égard. Il faut que je prie avec plus d’ardeur « pour avoir une affection fraternelle sans hypocrisie, pour aimer avec constance, d’un cœur pur » [1 Pierre chapitre 1 verset 22], « en œuvre et en vérité » [1 Jean chapitre 3 verset 18], comme je m’aime moi-même, non de cet amour qui provient du devoir, mais de l’amour qui engendre le devoir ; pour aimer comme des frères les enfants de Dieu avec lesquels je dois vivre, aussi bien que ceux que je rencontre occasionnellement. Cette grâce divine n’est-elle pas rehaussée encore à nos yeux, si nous pensons qu’elle est le commandement de Christ, Son dernier, je dirai même Son seul commandement, lequel Il donna à Ses disciples, lorsque, oubliant Ses propres sentiments et Ses propres angoisses, Il ne s’occupait qu’à les consoler ? Je pense souvent que nous n’apprécions pas assez la grâce qui a déjà été accordée. Il y a tant de mal au-dedans de nous, que nous craignons d’y regarder pour y voir cette grâce ; et souvent nous la voyons tellement mélangée chez les autres, que nous ne pouvons la séparer de la créature ; mais encore un peu de temps, et toute l’œuvre de Dieu en nous sera manifestée à Sa louange et à Sa gloire. Tous ceux qui auront reçu un seul verre d’eau froide seront là pour en rendre témoignage, alors même que nous en aurons perdu le souvenir (Matthieu chapitre 25 verset 37). Jusqu’à ce moment-là, je ferai taire mes alléluias, à moins que la seule pensée qu’il y aura au jour dans lequel je serai capable de louer mon Dieu ne me force à les faire entendre. Oh ! que de choses j’aurai alors à vous dire de Sa fidélité ! Quelle histoire merveilleuse et pour vous et pour moi ! Je vous ai exposé tous mes sentiments, non seulement pour que vous m’affirmiez que tout cela n’est pas une imagination de mon cerveau, mais aussi pour vous engager à exciter les ministres sur lesquels vous avez quelque influence à donner un exemple vivant dans ces temps difficiles. Écrivez-moi bientôt, et donnez-moi les exhortations dont vous pensez que j’ai le plus besoin.

Votre affectionnée en Christ

T.A. Powerscourt

Lettre 33

Powerscourt, le 7 avril 1829
Ma chère amie,

Veuillez dire à M…, en lui faisant mes amitiés, que les peuples projettent des choses vaines, quand, avec les rois de la terre, ils consultent ensemble contre l’Éternel [Psaume 2 versets 1 et 2]. Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux ; le Seigneur s’en moquera [Psaume 2 verset 4], car Il a dit : « J’ai sacré mon Roi sur Sion, la montagne de ma sainteté » [Psaume 2 verset 6]. Rien ne retardera Son avènement et Sa gloire. Chaque événement, au contraire, hâtera Son jour, aussi certainement que la succession des jours, des mois et des années amènera l’éternité.

J’espère que vous pensez quelquefois à moi lorsque vous vous présentez devant le Seigneur. Vous avez beaucoup à demander pour moi ; et combien mes besoins ne pourraient-ils pas vous être en bénédiction, s’ils vous faisaient prolonger les moments que vous passez en communion avec l’ami des pécheurs !

C’est ainsi que nos infirmités, comme les grâces que Dieu nous accorde, peuvent être des moyens de bénédiction pour nos amis.

En Celui qui est notre tout en tous

T.A. Powerscourt

Lettre 34

Powerscourt, le 24 juillet 1829

… Mes amis doivent me croire morte et enterrée ; cependant vous voyez que je vis encore. Je désire ardemment recevoir de vos nouvelles. Un mauvais esprit se manifeste en plusieurs lieux ; et, comme on le voit dans les écrits de ceux qui soutiennent nos glorieuses espérances, il me paraît tendre à renverser la vérité plus que les écrits eux-mêmes ne peuvent contribuer à l’établir.

L’ancienne alliance n’est-elle pas complètement abolie ? Veuillez me dire si mes idées sur ce sujet sont justes. Il me semble que cette alliance n’est autre chose que les plans de Dieu arrêtés dans l’éternité, développés par les promesses et confirmés par les sacrifices. Le grand dessein de Dieu, dès les siècles, fut de donner un héritage à Abraham et à sa semence, et de bénir toutes les familles de la terre en ce père des croyants. À cet effet, une promesse fut faite en Éden ; elle fut renouvelée à Abraham, et plus tard à David. Tout le système des cérémonies judaïques, appelé l’ancienne alliance, consistait dans les mêmes promesses, transmises par des types, et non par des paroles ; et la confirmation de ces promesses fut le sacrifice de Christ, dont le four fumant et le brandon de feu [Genèse chapitre 15 verset 17] étaient des types aussi bien que les sacrifices lévitiques. La cène du Seigneur confirme aussi les mêmes promesses ; non seulement elle nous montre dans le sacrifice de Christ toute l’assurance que nous pouvons avoir en Dieu, mais, en nous rappelant, chaque fois que nous y participons, ces paroles : « jusqu’à ce qu’il vienne » [1 Corinthiens chapitre 11 verset 26], elle porte aussi nos pensées en avant jusqu’au temps où Il sera vu une seconde fois sans péché par ceux qui L’attendent pour le salut [Hébreux chapitre 9 verset 28]. C’est alors qu’aura lieu l’entier accomplissement de Son éternelle et cependant toujours nouvelle alliance. « Je mettrai mes lois dans leur entendement, et je les écrirai sur leur cœur » (Hébreux chapitre 8 verset 10). « Je répandrai sur vous des eaux nettes » (Ézéchiel chapitre 36 verset 25). Je ne vois aucune différence entre une alliance et un testament ; dans l’un et l’autre, nous trouvons la promesse certaine d’un don gratuit, quelle que soit l’époque de son plein accomplissement.

Je voulais vous écrire beaucoup plus longuement, mais je n’en ai pas le temps. Veuille Celui qui vous a fait miséricorde, vous conduire aux sources des eaux ! Qu’Il vous guide partout où vous irez, Lui qui a mené Joseph comme un troupeau [Psaume 80 verset 1], qui conduit l’aveugle par un chemin qu’il ne connaissait pas, qui donne du repos à ceux qui sont pesamment chargés [Matthieu chapitre 11 verset 28] ! Vous ne pouvez Lui être caché, quel que soit le labyrinthe dans lequel vous vous trouviez engagé ; Il fera resplendir Sa lumière, Il aplanira votre sentier. Au milieu de la multitude des idées qui surgissent de toutes parts, Il vous conduira dans Sa vérité ; au milieu de la multitude des péchés, Il vous conduira dans les sentiers de la justice ; au milieu de la mortalité, Il vous conduira dans la voie éternelle ; Il vous élèvera toujours sur la roche qui est trop haute pour vous [Psaume 61 verset 2].

Je vous laisse sous Sa sûre garde, et je demeure votre sincère et affectionnée amie.

T.A. Powerscourt

Lettre 35

Bruxelles, le 2 mars 1830
Ma bien chère amie,

Comment se porte votre sœur ? Je n’avais pas la moindre idée qu’elle fût malade. Combien vous avez dû souffrir l’une et l’autre ! Dites-moi bien vite si vous êtes délivrées de vos angoisses. Quelle consolation pour nous que de savoir qu’en toutes choses Dieu se propose Sa gloire, et qu’Il se sert de Ses créatures pour la manifester ! C’est sous ce point de vue que vous devez considérer tout ce que votre chère sœur a souffert et tout ce que vous avez souffert avec elle. Il est douloureux d’être purifié dans la fournaise des souffrances d’un autre, mais cela tournera à la gloire de Jésus, lorsqu’Il reviendra. Le monde peut nous regarder comme des créatures insignifiantes, mais de quelle importance ne peuvent pas être nos paroles et nos actions ! Nous sommes en spectacle au monde invisible, nous sommes une occasion de lutte entre les puissances de la lumière et les puissances des ténèbres, nous sommes des colonnes sur lesquelles repose le royaume de Christ dans le monde de Satan, des temples de la promesse, des maisons de prières, des demeures de l’Esprit. Quand nous demandons d’être préservés de la souffrance, nous pourrions bien entendre aussi ces paroles : « Vous ne savez ce que vous demandez » [Matthieu chapitre 20 verset 22]. Qui peut dire en effet quelles bénédictions nous apportera l’épreuve ? Qu’il est extraordinaire que nous soyons des enfants de Dieu, et que tous soient forcés de reconnaître que notre royaume n’est pas d’ici-bas et que notre espérance est mise en réserve dans les cieux ! Ce qui ne s’apprend que par routine, ne s’apprend que bien superficiellement ; c’est pourquoi nous devons aller à l’école de l’expérience, afin d’apprendre par cœur. Autour de moi je ne vois qu’idolâtrie, moquerie et folie. Oh ! que Jésus vienne bientôt et remette tout en ordre, car cette confusion est un commencement de l’enfer !

Dites à votre chère sœur, en lui faisant mes affectueuses amitiés, que je sympathise à ses souffrances, et que je me souviens d’elle devant le Tout-puissant. Écrivez promptement, je vous prie, à votre amie affectionnée.

T.A. Powerscourt

Lettre 36

Paris, mai 1830
Ma bien chère amie,

Je sens votre nouvelle épreuve et tout ce qu’elle a de particulièrement douloureux pour vous ; mais que Dieu a été bon de vous enseigner à plier sous elle ! Une seule prédication du Seigneur vaut mieux que mille sermons de la part des hommes. Jamais il ne nous est plus doux d’être relevés, que quand c’est Lui qui nous a jetés par terre. C’est alors que nous pouvons boire avec le plus de joie à la coupe de rafraîchissement et de consolation, et nous reposer, même au milieu du désert, dans le champ de la promesse. S’Il donne du repos, qui est-ce qui causera du trouble ? Les ennemis peuvent nous environner, mais notre berger est près de nous ; les ennemis peuvent être en embuscade, mais notre berger fait sentinelle. Mais si nous ne pensions qu’à notre repos et à notre consolation, nous négligerions la moitié des dons de Son amour. N’est-ce pas une bénédiction que d’avoir été rendus capables de célébrer le jugement aussi bien que la miséricorde, et de savoir que jamais il ne sera dit à notre sujet : « Abandonne-les ». Israël était béni, quand Dieu l’humiliait par les afflictions ; car alors il criait à l’Éternel. Israël était béni, quand il tombait sous les coups de ses ennemis ; car alors il se souvenait que Dieu était son rocher, et le Très-haut son Rédempteur [Psaume 78 verset 35]. L’une des plus dures paroles qui lui aient jamais été adressées fut sans aucun doute celle-ci : « Pourquoi seriez-vous encore battus ? Vous ajouterez la révolte » [Ésaïe chapitre 1 verset 5]. Mais, quoique nous ne soyons encore que des brebis craintives et trop souvent errantes, nous pouvons dire toutefois : « Cherche ton serviteur » [Psaume 119 verset 176]. C’est dans Son amour qu’Il n’a cessé de nous reprendre et de nous châtier lorsque nous nous sommes détournés de Lui, et Il s’est montré infatigable dans Ses soins pour conserver notre foi. Satan a demandé à nous cribler [Luc chapitre 22 verset 31], mais le grain de froment n’est pas tombé par terre ; nous avons été jetés dans la fournaise, mais Celui qui raffine s’est assis auprès de Son trésor, parce que l’épreuve Lui était précieuse. Nos péchés ont fait séparation entre Lui et nous [Ésaïe chapitre 59 verset 2] ; nos pensées ont couru çà et là après des idoles, mais Son amour a porté remède à tout. Ses entrailles n’ont-elles pas été émues au sujet d’Éphraïm ? Quelquefois c’est par un regard semblable à celui qu’Il jeta sur Pierre, qu’Il nous brise presque le cœur ; d’autres fois Il surmonte notre dureté en passant par-dessus nos iniquités, ou aussi en nous paissant sous la verge de Ses jugements. Mais, ô douce pensée ! nous pouvons toujours être certains qu’Il nous restaurera jusqu’à ce que nous puissions dire, dans l’Esprit de Celui « qui a été comme une brebis muette devant celui qui la tond » [Ésaïe chapitre 53 verset 7] : Tout, avec ton sourire, tout, à l’exception de ton courroux ! Quelquefois notre âme éprouve un tel sentiment de son ingratitude et de son indignité, qu’elle pourrait supposer qu’il y a du déplaisir à son égard dans le cœur de Jésus ; aussi a-t-elle besoin de manifestations positives de Son amour. Dans de tels moments, il ne nous suffit pas de savoir qu’Il est un ami, il nous faut un sourire de Sa part pour la liberté de notre confiance. La conscience de l’enfant prodigue lui dit qu’il mérite la verge, « mais son père étant accouru, se jette à son cou et le baise » [Luc chapitre 15 verset 20]. Nous ne pouvons lire longtemps le livre de la providence, sans comprendre que c’est ainsi que Dieu agit. Notre âme est prompte à croire au châtiment qu’elle mérite ; mais Dieu prend plaisir à nous épargner, et alors même qu’Il exerce Ses jugements, Il se souvient d’avoir compassion [Habakuk chapitre 3 verset 2]. Hélas ! que nous sommes lents à apprendre que nous devons, non pas nous détourner de Jésus dans nos douleurs, mais bien plutôt nous réfugier auprès de Lui, comme dans une haute retraite ! Le but de Satan est toujours de nous détourner de la simplicité qui est en Christ ; celui de Christ est toujours de nous y ramener et de nous y replacer. Je pense que nous ne sommes sages que lorsque nous nous abandonnons à Ses soins, et que nous Le suivons quelque part qu’Il nous mène. En suivant le crucifié, nous ne pouvons nous attendre qu’à un sentier rempli d’épines, quoique ce soit un sentier battu ; mais Il ne se tiendra point tranquille jusqu’à ce qu’Il ait satisfait l’âme affamée, et qu’Il l’ait rassasiée de Sa bonté. Sa gloire est liée à nous. Son nom est en nous !

L’incrédulité est horrible dans le monde, et elle se montre avec toujours plus d’audace, à ce qu’il me semble. Ici, il y a du bien ; la prédication que nous y avons est la moelle simple et douce de l’évangile, quoiqu’elle soit peu expérimentale. Il faut que nous rencontrions l’ennemi jusque dans les avenues intérieures, et que nous puissions le renverser avec un seul texte. C’est en cela que M. Howels excelle. Racontez-moi quelqu’une des choses qu’il vous a dites dernièrement dans ses prédications. Votre, etc.

Théodosia A. Powerscourt

Lettre 37

Paris, le 8 juin 1830
Ma chère amie,

Je serais vraiment peinée si vous pouviez croire que je n’ai pas été de tout mon cœur avec vous dans votre dernière épreuve, la plus douloureuse de toutes celles que vous ayez connues. J’ai prié Dieu pour vous, ce en quoi seulement je pouvais vous être utile, et je ne doute pas que vous n’ayez reçu du fidèle messager quelques gouttes de Son cordial. J’ai confiance qu’à présent, comme précédemment, vous pouvez dire que cela a été bon. Vous avez fait de Sa tendresse une expérience dont vous n’auriez pas voulu être privée. Ce sont les parties les plus favorisées de Son Église sur la terre qui Le glorifient au milieu du feu. Voyez comme Il nous aime ! Combien les promesses nous deviennent précieuses quand c’est dans la fournaise que nous en apprenons la réalité ! Que de peine Il se donne pour votre éducation ! De quel éclat Il veut vous faire briller ! J’ai bien des remerciements à vous faire pour la peine que vous avez prise en m’écrivant une lettre pleine d’instruction et d’intérêt. J’ai considéré attentivement votre nouvelle épreuve, et j’y ai vu la main du Seigneur. Oh ! ne nous est-il pas bon que la coupe des consolations ne soit pas entre nos mains ? Il y en a un qui la tient pour vous ; et quoiqu’Il la mixtionne de maladies et d’épreuves, les gouttes de la fontaine de l’éternel amour l’adoucissent toujours. Elle a été douce en effet pour vous, et j’espère vous l’entendre confirmer de bouche dans peu de jours, si le Seigneur nous ramène heureusement. Notre Dieu « fait bien toutes choses » [Marc chapitre 7 verset 37]. Nous ne pouvons ni le voir, ni le sentir de nos sens, mais notre foi le verra et le sentira. « Si vous endurez la correction, Dieu se présente à vous comme à des enfants » [Hébreux chapitre 12 verset 7]. M. Howels dit qu’on ne peut vraiment connaître le cœur d’un père que lorsqu’on le voit pleurer en prenant la verge. Dieu sait où Il doit frapper et quels sont les coups que le cœur sentira. Quelquefois la verge dont Il nous frappe nous paraît légère, tandis qu’elle serait pour d’autres comme un fouet de scorpions. Il sait aussi quand Il doit frapper ; Il choisit la meilleure occasion pour que la correction ait tout son effet. Souvent Il nous arrête au bord du précipice pour nous montrer dans quel abîme Il aurait pu précipiter nos cœurs et les briser en pièces, et c’est souvent pendant que nous nous plaignons de quelque circonstance que Sa providence a dispensée. Il nous montre alors ce qu’Il peut faire pour humilier et châtier au moment où cela est nécessaire. Il ne peut se méprendre relativement au sujet, à la manière, au temps ou au lieu de la correction ; tout est décidé par Sa sagesse infinie. Oh ! « Il fait bien toutes choses ». Un amour infini préside à tout cet ensemble, où il n’y a qu’amour, compassion, vigilance, tendresse, sollicitude, sympathie et sagesse ; la tête, l’œil et le cœur d’un père y sont tout entiers à l’œuvre. Nul autre que le père ne peut dire quels sont les sentiments d’un père, quand il châtie, non point pour satisfaire à sa passion, mais uniquement pour le bien de l’enfant qu’il aime. Et qui pourrait dire la délicatesse, l’élévation et la perfection des sentiments paternels qui remplissent le cœur de Celui « qui a tellement aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique » [Jean chapitre 3 verset 16] ? Et s’Il n’a point épargné Son propre Fils, mais L’a livré pour nous tous, comment avec Lui ne nous donnera-t-Il pas aussi toutes choses ? [Romains chapitre 8 verset 32] Qu’il doit être insondable l’amour de Dieu pour des vermisseaux misérables et indignes, puisqu’en frappant Jésus Il a (si l’on ose ainsi parler) sacrifié Ses sentiments paternels au salut du peuple qu’Il voulait délivrer de la mort ! Oh ! nous qui savons combien la verge nous est nécessaire, pourrions-nous négliger encore la correction du Seigneur, ou nous laisser abattre lorsqu’Il nous reprend ! Qu’au moins la foi la reçoive comme une chose douce, si elle est amère pour les sens ! Dans l’attente du moment où j’aurai le plaisir de vous voir, je vous prie de croire à la sincère affection de votre amie en Christ

T.A. Powerscourt



« Or, je vous exhorte par notre Seigneur Jésus Christ, et par la charité de l’Esprit, à combattre avec moi, dans vos prières à Dieu pour moi, afin que j’aille vers vous avec joie, par la volonté de Dieu, et que je me récrée avec vous. Or, le Dieu de paix soit avec vous tous ! » [Romains chapitre 15 versets 30 à 33]

Lettre 38

Ma chère amie,

J’ai reçu votre lettre hier au soir, et je ne veux pas tarder un jour de vous répondre, car j’ai beaucoup pensé à vos circonstances. Il est fort pénible d’être un instrument d’affliction pour une personne qui nous aime et que nous aimons, d’avoir l’apparence de l’ingratitude et de la dureté, et de savoir qu’il est quelqu’un dans ce désert, dont toutes les pensées sont pour nous, qui souffre à notre sujet, et à qui nous ne pouvons donner aucun soulagement, après avoir dû dire un non.

Votre position est l’une de celles auxquelles peuvent être appliquées ces paroles : « Pleurez avec ceux qui pleurent » [Romains chapitre 12 verset 15], et elle a trop de rapport avec la mienne propre pour que je ne sympathise pas avec vous. Je sais ce que c’est que de renoncer à un objet tendrement aimé, et je connais aussi la paix qui suit le sacrifice, lorsque le cœur déchiré est enfin capable de se soumettre et de se placer avec abandon sous les bras de l’éternel amour en disant : « Sois mon garant ».

Mais quelque douloureux que soit votre combat, il est court et léger en comparaison de ce qu’il serait si la chose avait lieu. Seriez-vous heureuse en renversant par vos principes les grandes espérances que M. … a fondées sur son union avec vous ? Ou bien penseriez-vous réussir à marcher selon Christ, tout en cherchant à plaire au monde ? Attendriez-vous un vrai support de la part d’un homme qui n’a pas l’Esprit de Christ ? Ne m’en voulez pas si je parle de lui comme d’un infidèle, car s’il n’est pas actuellement un croyant, vous ne pouvez nullement compter sur son apparente anxiété à l’égard de « la seule chose nécessaire ». Si la Bible est vraie, il y a une inimitié enracinée dans le cœur de l’homme irrégénéré ; et bien qu’à distance il admire la religion de Jésus, il ne peut aimer à se trouver en contact avec elle dans tous les détails de la vie ; il ne peut supporter qu’elle soit le sujet des conversations et le but de toutes les pensées, de toutes les paroles et de toutes les actions. Ce n’est pas seulement l’expérience qui me fait ainsi parler, mais aussi la Parole de Dieu ; et tout ce que je vois, ma chère amie, me confirme dans la conviction que l’on ne peut faire aucun cas des conversions faites par l’amour. Je ne dis pas qu’il y ait hypocrisie chez M. … et chez beaucoup d’autres que je pourrais nommer ; mais je pense que leur affection les trompe complètement. Lorsque des poids aussi inégaux sont mis dans la balance des affections, l’un doit monter dans la même proportion que l’autre descend. Ce n’était pas par hypocrisie que M. … venait sans cesse chez les parents de celle qui est maintenant son épouse, pour s’entretenir des choses de Dieu. Hélas ! à peine peut-on discerner aujourd’hui si cette pauvre femme est chrétienne ou non ; et cependant elle avait pu porter l’opprobre de Christ pendant plusieurs années.

Un autre monsieur parlait dans toutes les réunions, à Dublin, tant il était zélé pour la vérité ; mais quand il eut obtenu ce qu’il désirait, il s’opposa à ce que sa femme visitât les pauvres, ou s’occupât des écoles, et il mit un éteignoir sur la brillante lumière du Seigneur. Un troisième aurait trompé, par ses prières, les personnes les plus spirituelles ; et maintenant il soutient les bals, les jeux, la lecture des romans, etc. Mais j’en viens à un autre qui nous touche de plus près, et dont le caractère franc et ouvert ne pouvait chercher à en imposer. Ce n’était point par hypocrisie qu’il se joignait aux chrétiens, qu’il admirait l’évangile, qu’il soutenait les sociétés religieuses, qu’il fréquentait le culte, qu’il lisait la Bible, et qu’il assistait même aux instructions données aux pauvres. Maintenant sa bienveillance et son affection sont aussi grandes que dans les premiers temps ; mais pourrait-il y avoir bonheur pour sa femme, qui ne peut parler devant lui de son Bien-aimé sans exciter l’opposition la plus vive, qui ne peut avoir avec lui aucune communication chrétienne, et qui ne saurait l’approuver dans ce qu’il aime ? Pourriez-vous être heureuse, pourriez-vous vous réjouir dans les promesses de la gloire avec Christ, en pensant que celui qui vous est plus cher que votre propre âme, n’y a aucune part, et qu’il est sans Dieu et par conséquent sans espérance dans le monde [Éphésiens chapitre 2 verset 12] ? Votre joie elle-même ne serait-elle pas le sujet de votre plus grande douleur ?

Ce tableau est-il trop chargé ? Hélas, non ! Et combien souvent la femme chrétienne n’a-t-elle pas encore à supporter la persécution, la privation de tous les moyens de grâce, une diminution graduelle d’affection, un conflit continuel entre ses devoirs spirituels et ses devoirs temporels, jusqu’à ce qu’enfin, obligée de s’opposer aux volontés de celui qui s’attendait à l’obéissance, elle voie tous les liens se relâcher et donner entrée à toute espèce de misères ? De la part d’un ennemi vous pourriez tout supporter, mais quel déchirement de cœur si cela vous venait de votre époux, de votre guide, de votre intime ami, de celui dont vous auriez espéré recevoir de bons conseils, et avec lequel vous auriez compté aller à la maison de Dieu ! Vous ne voudriez pas tromper M. … et renverser son bonheur. Vous me répondrez peut-être : « Oh ! si vous connaissiez M. …, vous ne parleriez pas ainsi ; il ne peut tromper, il est si franc ». Je le crois, et je n’ai pas du tout la pensée qu’il soit hypocrite. D’après ce que j’ai entendu dire de lui, je le crois parfaitement aimable, et même bien disposé. Mais si vous avez attendu le consentement de votre père terrestre, pourquoi n’attendriez-vous pas celui de votre Père céleste ? Pourquoi n’attendriez-vous pas que ses bonnes dispositions finissent par la conversion, et que son désir de la vérité le conduise à la foi ? — Parce que vous êtes certaine qu’il est dans les vues de Dieu de l’amener à Lui, et cela par votre moyen ? Mais, ma chère, où est maintenant votre jugement ? Avez-vous été initiée aux conseils de Dieu ? Et si cela était, serait-ce en désobéissant à Sa volonté que vous les amèneriez à exécution ? Ne vous souvenez-vous pas de qui toute conversion est l’œuvre ? Dieu vous demande-t-Il de faire le mal afin qu’Il puisse opérer le bien ? Si vous aviez épousé M. … avant de connaître le Seigneur, vous pourriez espérer que vos prières en sa faveur seraient entendues ; mais maintenant que vos yeux sont ouverts, n’agiriez-vous pas avec une présomption bien coupable, en vous unissant à lui avec l’espérance que, puisque vous ne vous êtes pas conformée à la volonté de Dieu, Dieu se conformera à la vôtre.

Mais, direz-vous peut-être : « Le Seigneur ne me l’a pas défendu ; j’ai étudié de nouveau le chapitre 7 aux Corinthiens, et je persiste dans la pensée qu’il est positif sur ce point ». Souvenez-vous qu’il n’y a point d’état intermédiaire entre la foi et l’infidélité. Lisez le chapitre 8 aux Romains, et vous verrez que ceux qui sont selon la chair ne sont pas selon l’Esprit, et que ceux qui sont selon l’Esprit ne sont pas selon la chair. Si donc on ne voit pas en M. … les marques scripturaires qui caractérisent ceux qui sont selon l’Esprit, auxquels seuls les promesses appartiennent, il est selon la chair, et il doit être considéré par les chrétiens comme étant encore dans l’infidélité. Voyez combien de fois les Israélites sont sollicités de ne pas se mêler avec les nations, de peur qu’ils n’apprennent leurs mauvaises œuvres, et combien de fois ils sont châtiés pour ce péché. Seriez-vous moins coupable qu’eux, si vous preniez pour votre guide, votre conseiller, votre ami, pour dépositaire de vos pensées, de vos joies et de vos peines, un homme qui ne connaît pas Dieu, et si vous vous engagiez à lui obéir ? Croyez-moi, un tel homme ne se laissera pas enseigner par sa femme. Le peuple de Dieu n’est-il pas considéré, dans toute la Bible, comme un peuple particulier et séparé du monde ? Aussi, quel fut l’effet des mariages qu’il contracta avec les infidèles ? Lisez Esdras et Néhémie. Salomon, avec toute sa sagesse, amena-t-il ses femmes dans le bon chemin ? Ne fut-il pas, au contraire, conduit au mal par elles ? La nature humaine n’a point changé depuis ce temps-là. Pourquoi David dit-il si souvent qu’il ne veut ni connaître, ni avoir dans sa maison ceux qui n’appartiennent pas à l’Éternel ? Pourquoi les regarde-t-il comme ses ennemis ? Pourquoi déclare-t-il qu’il ne veut s’accompagner que de ceux qui craignent l’Éternel ? Le sentier du juste n’est-il pas une lumière resplendissante [Proverbes chapitre 4 verset 18] ? La voie de l’impie n’est-elle pas pire que les ténèbres ? La lumière et les ténèbres s’accorderaient-elles [2 Corinthiens chapitre 6 verset 14] aujourd’hui mieux qu’autrefois ? Pourquoi Paul nous exhorte-t-il à ne nous marier que dans le Seigneur [1 Corinthiens chapitre 7 verset 39] ? Penseriez-vous être mieux ailleurs que chez vos parents ? C’est le Seigneur qui a fixé votre position actuelle, et Il peut se glorifier en vous qu’Il a achetée par prix ; c’est aussi Lui qui vous défend l’union projetée.

Je n’ai aucune espérance que vous preniez en considération ce que je vous dis, et même je crains que tout ceci ne soit lu un jour par M. …. Mais je n’ai rien dit contre lui, sinon qu’il n’est pas à présent un enfant de Dieu, ce que vous reconnaissez vous-même. Je ne nie pas qu’un jour il ne puisse devenir une brillante lumière ; mais que cela arrive, ou n’arrive pas, je n’en persiste pas moins dans la conviction que vous agiriez avec la plus grande témérité, si vous l’épousiez tel qu’il est actuellement. Vous dites qu’il est dans l’affliction ; mais pensez-vous que les enfants de Dieu seuls soient affligés ? J’aimerais pouvoir croire que tous ceux que j’ai vus frappés de la verge, et que tous ceux mêmes qui ont paru d’abord humiliés par ce moyen, doivent être nécessairement sauvés. Mais malheureusement ce n’est pas le cas.

Lorsque j’ai vu qu’il était inutile de vous écrire, j’ai prié fréquemment pour vous ; mais votre raisonnement à cet égard est étrange ; vous êtes décidée à marcher dans le feu, puis vous me demandez de prier afin que vous ne soyez pas brûlée. Que penseriez-vous de moi, si je me livrais aux dissipations du monde, et que je vous demandasse de prier afin que je ne fusse pas induite en tentation ?

Vous savez que le Seigneur a dit : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements » [Jean chapitre 14 verset 15] ; et, quoique ce soit une chose pénible à la chair et au sang, que de couper une main et que d’arracher un œil, c’est à cela cependant que nous sommes appelés ; et ceux qui ne sont pas prêts à abandonner tout ce qu’ils ont, « à charger leur croix et à le suivre » [Marc chapitre 10 verset 21], ne sont pas dignes de Lui. Ce fut pour Abraham une terrible épreuve que d’être appelé à sacrifier son Isaac. Aurait-il montré de l’amour pour Dieu s’il avait dit : Je ne puis faire cela, mais si le Seigneur le prend Lui-même, je me résignerai ? L’épreuve de votre foi doit être plus précieuse que l’or qu’on éprouve au moyen du feu [1 Pierre chapitre 1 verset 7] ; et c’est en abandonnant votre idole que vous montrerez votre soumission à la volonté de Dieu. Si vous me dites que vous avez donné votre consentement, je ne puis envisager cela que comme un piège du monde. Vous avez fait une promesse que vous n’aviez pas le droit de faire, ainsi vous n’avez pas le droit de la tenir. Le Seigneur dit : « Donne-moi ton cœur » [Proverbes chapitre 23 verset 26] ; M. … dit aussi : Donne-moi ton cœur. Le Seigneur dit : Lors même que tu me donnerais ton temps, tes talents, toute chose, cela n’est rien sans ton cœur. M. … dit la même chose. Et vous, vous répondez : Je veux vous le donner à tous deux. Oh ! souvenez-vous, je vous prie, de Celui qui a dit : « Deux hommes marcheront-ils ensemble, s’ils ne sont pas accordés ? » [Amos chapitre 3 verset 3]. « Quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial ? » [2 Corinthiens chapitre 6 verset 15]. Choisissez donc qui vous voulez servir. Oh ! puissiez-vous répondre par votre conduite : « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime » [Jean chapitre 21 verset 17].

Oh ! qu’Il a bien connu ce que nous sommes, Celui qui a déterminé que le ciel serait tout amour ! Il est si doux d’aimer et d’être aimé ! C’est parce que nous sommes à Christ que nous boirons ensemble à la source de l’éternel amour, jusqu’à ce qu’enfin nous entrions dans cet océan d’amour sans fond et sans rivages, et que Dieu nous montre Lui-même sur la carte du temps la ligne d’amour qu’a tracée chacun de nos pas à travers ce sombre et horrible désert. Nous nous étonnerons alors d’avoir pu jamais conserver quelque hésitation en face de cette parole : « Lui qui n’épargna point son propre Fils, mais qui le livra pour nous tous, comment, avec lui, ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses » [Romains chapitre 8 verset 32] !

Je suis, ma chère amie, comme toujours, votre sincèrement affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 39

Powerscourt, le 21 août 1830
Ma chère amie,

J’ai été très contrariée de ne pas vous trouver à Londres lorsque j’y ai passé. J’avais espéré jouir pendant quatre jours de votre société, et je n’ai pu m’empêcher de verser quelques larmes en lisant votre billet. J’ignore si nous nous rencontrerons encore ici-bas. Mme … est mourante. Elle est bien heureuse, mais ma propre expérience m’a appris que le chemin de son pauvre mari sera bien long, bien sombre et bien triste ; ce n’est qu’à la lumière du Seigneur que nous pouvons marcher au milieu des ténèbres. Il nous est bon d’avoir la réalité devant les yeux, afin d’être obligés, même pour les autres, de rechercher les promesses. Nous nous trouvons en Christ tellement en sûreté, qu’il nous semble que l’incrédulité et le doute ne trouveront pas une ouverture pour se glisser au-dedans de nous. Il a pourvu, en effet, à tous nos besoins qu’Il a connus d’avance. J’aime à tirer les promesses hors de Christ, en me rappelant qu’Il les a expérimentées pour notre propre usage, et qu’ainsi Il a thésaurisé en Lui-même d’insondables richesses. Je pense que Sa sympathie dépasse infiniment tout ce que nos cœurs ont jamais pu sentir. Il peut recevoir dans Son sein les sentiments de Ses enfants, et essuyer, pour ainsi dire, leurs larmes. C’est cette sensibilité de Christ qui, jointe à Sa pureté, transperce la conscience du pécheur. David dut dire : « J’ai péché » [2 Samuel chapitre 12 verset 13]. « Pierre s’en étant allé, pleura amèrement » [Luc chapitre 22 verset 62].

On a dit que, puisque Jésus n’a pu sentir ce que sont les remords à cause du péché, il est impossible de prouver qu’Il ait été tenté en toutes choses, comme nous le sommes. Je crois qu’Il a pu dire en toute vérité : « Tu connais ma folie, et mes fautes ne te sont point cachées » (Psaume 69 verset 5). Je crois que, comme homme, Il a senti l’ingratitude de Pierre dans son reniement, et comme Dieu, une profonde horreur pour un tel péché, et que la blessure qu’Il en a reçue a été telle qu’Il a pu dire : « Mes plaies sont pourries et coulent, à cause de ma folie » (Psaume 38 verset 5). Pareillement, lorsqu’Il répandit des larmes sur Jérusalem, Il éprouvait comme un sentiment de remords en pensant à ceux des siens qui Le crucifieraient, aussi bien que de compassion pour ceux qui demeureraient dans l’incrédulité et dans l’impénitence ; et c’est ce qui Le portait à dire : « Mes iniquités ont surmonté ma tête ; elles se sont appesanties comme un pesant fardeau, au-delà de mes forces » (Psaume 38 verset 4). Combien Ses souffrances sont mystérieuses ! Chaque jour nous le sentons davantage, surtout quand nous nous rappelons qu’il y a des profondeurs de vérité dans chacune des paroles qu’Il a proférées, telles qu’elles sont exprimées dans les Psaumes.

Vous ne pouvez vous faire aucune idée du plaisir que me font vos lettres et celles de votre chère sœur. Elles sont pour moi des ruisseaux qui découlent de la source des consolations. Elles contribuent à alimenter le fleuve de ma paix, qui coule du côté de l’océan de la gloire. Dieu nous dit qu’Il veut que ses enfants aient une ferme consolation [Hébreux chapitre 6 verset 18], et, dans Sa bonté, Il fait qu’ils sont les uns pour les autres des moyens de se communiquer cette grâce.

J’aurais besoin de comprendre combien je suis loin de m’approprier cette promesse : « Si quelqu’un de vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu qui donne à tous libéralement, et ne fait pas de reproches » [Jacques chapitre 1 verset 5]. Je vois qu’il m’est très ordinaire de croire que, lorsque je demande du pain, il me sera donné une pierre, et que, lorsque je demande un poisson, il me sera donné un serpent. C’est comme si je disais que je ne dois pas considérer comme un enseignement de Dieu, ce que je lis avec prière dans l’Écriture.

Croyez-moi, ma chère amie, votre affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 40

1830

… Il est écrit : « Quand le Fils de l’homme sera venu, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » [Luc chapitre 18 verset 8]. Si c’est un sujet de honte pour nous que d’avoir si mal employé le talent qui nous était confié, nous pouvons néanmoins nous réjouir de ce que l’Église n’est pas inconnue à son Seigneur. Si les Juifs sont encore « bien-aimés à cause des pères » [Romains chapitre 11 verset 28], combien plus le sommes-nous à cause du Fils. N’est-Il pas toujours la tête et l’Époux de Son Église, le Sauveur du corps ? Il aime encore celle pour laquelle Il s’est livré ; Il la sanctifie et Il la purifie encore ; Il regarde encore au temps où Il se la présentera glorieuse, cette Église, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais au contraire sainte et irrépréhensible [Éphésiens chapitre 5 verset 27] ; Il l’aime encore comme Lui-même ; Il la nourrit et la soigne encore tendrement, comme étant l’ensemble des membres de Son corps, comme étant de Sa chair et de Ses os ; Il demeure étroitement uni à Son Épouse, car les deux sont un seul esprit. « Celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit avec lui » [1 Corinthiens chapitre 6 verset 17]. Considérés individuellement, nous sommes fils et filles du Seigneur tout-puissant ; mais, comme Son corps, l’Église, nous sommes Son Épouse céleste (voyez Apocalypse chapitre 21 verset 9). C’est là ce que l’apôtre appelle « un grand mystère » [Éphésiens chapitre 5 verset 32] ! Tout ce qui est dit de l’épouse terrestre, de la Jérusalem glorifiée, est vrai aussi de l’épouse spirituelle, de la « Jérusalem d’en haut » [Galates chapitre 4 verset 26]. Quoique aucun individu, ou aucun corps composé d’individus ne soit infaillible, l’infaillibilité demeure cependant dans l’Église, parce que tous ceux en qui est l’Esprit ont un docteur infaillible ; quoique aucun individu, ou aucun corps composé d’individus, ne possède la toute-puissance, la toute-puissance demeure cependant dans l’Église, car c’est un Dieu de puissance qui habite au milieu d’elle, c’est pourquoi « les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » [Matthieu chapitre 16 verset 18]. Qu’il est intéressant de chercher à connaître Jésus comme homme ! D’éternité en éternité, Il possède une connaissance toujours parfaite et sans possibilité d’accroissement, par laquelle Son œil scrutateur parcourt la terre et l’enfer, et pénètre jusqu’au fond des plus insondables profondeurs ; mais, comme homme, Il possède une connaissance dans laquelle Il croissait en même temps qu’Il croissait en années, et c’est de cette connaissance, intimement unie à Son amour, « qu’Il connaît ses brebis » [Jean chapitre 10 verset 27]. C’est l’amour qui L’a amené dans l’école où nous sommes, et qui lui en a fait parcourir toutes les classes. C’est l’amour qui L’a initié à la connaissance de la mort et du tombeau. C’est par l’amour qu’Il s’est tellement identifié avec les tentations individuelles de toute Sa famille, qu’Il peut dire à tous : « Venez à moi, et vous trouverez du repos pour vos âmes » [Matthieu chapitre 11 versets 28 et 29]. Son cœur est plein de sympathie, et Il se souvient de chaque leçon apprise sous la verge. Sa connaissance infinie le rend capable de tenir les rênes du gouvernement, et de présenter dans tous les instants, à Son Père, des millions de Ses créatures. Il poursuit de Ses miséricordes ceux qui se perdent, jusqu’à ce qu’ils se précipitent dans l’abîme de la destruction. Il connaît nos besoins jusque dans les moindres détails, et Il sait par Sa propre expérience que Son alliance nous est absolument nécessaire et qu’il nous faut dans tous les instants toute Sa grâce, tout Son amour, toute Sa vérité et toute Sa justice. Nous expérimentons ce qu’est Sa connaissance, dans la justesse avec laquelle Il adapte à nos besoins multipliés et divers ce qu’Il veut accorder, tout en nous rendant capables de tout recevoir de Sa main. Souvent Il nous fait voir qu’Il prend note de nos péchés, soit en nous jetant à la figure quelques étincelles de l’enfer, comme lorsqu’Il regarda Pierre, soit aussi en les éteignant par Sa tendresse, comme lorsqu’Il lui demanda par trois fois : « M’aimes-tu ? » [Jean chapitre 21 versets 15 à 17]. Nous pouvons avoir faim et soif, mais à la fin nous serons rendus capables de recevoir tous les trésors de sagesse et de connaissance qui sont cachés en Lui pour nous. Les anges n’ont pas cette capacité-là. « Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et moi en eux » [Jean chapitre 17 verset 26]. Nous désirons acquérir la connaissance de notre Maître, mais nous ne voudrions pas passer par la même discipline que Lui ; nous sommes bien des écoliers, mais nous ne sommes pas des écoliers assez ambitieux. C’est avec la célérité de l’instinct que nous devrions apprendre. Que Sa discipline nous enseigne ce qu’il nous faut savoir maintenant, afin que nous croissions sans cesse en connaissance ! Jésus fut autrefois un enfant, et c’est parce qu’Il mangeait Sa nourriture « qu’Il faisait des progrès en sagesse, et en stature, et en grâce » [Luc chapitre 2 verset 52]. Nous trouvons une grande douceur à épeler les lettres dans le livre dont Il a lui-même coupé les feuillets. À Son école nous apprenons les leçons si difficiles de la dépendance, et il nous faut quelquefois la discipline la plus sévère pour nous empêcher de devenir idolâtres de nous-mêmes. À Son école (celle où Il a Lui-même reçu instruction), nous apprenons à aller à notre Père, dans nos difficultés, de la même manière que l’enfant se cache, à l’approche du danger, dans le sein de celle qui l’aime, et s’y trouve heureux. C’est à Son école que nous apprenons à vivre ici-bas, à éteindre, avec le bouclier de la foi, tous les traits enflammés du méchant [Éphésiens chapitre 6 verset 16], à marcher sur les eaux des épreuves de la vie, et sur les charbons brûlants de la prospérité, comme aussi à passer par la vallée de l’ombre de la mort, sans craindre aucun mal, parce que Son bâton et Sa houlette nous consolent [Psaume 23 verset 4]. La débonnaireté et l’humilité de notre instituteur nous enseignent la docilité, et c’est avec la douceur des brebis que nous disons : « Je n’aurais point de disette » [Psaume 23 verset 1]. Combien le Seigneur travaille pour nous engager à croire que tel qu’Il est, tels aussi nous sommes ! N’était-ce pas du corps glorifié de Jésus séant à la droite de Dieu, dans la lumière d’en haut, que l’apôtre parlait, quand il disait : « Qui transformera le corps de notre humiliation, pour qu’il soit conforme au corps de sa gloire » (Philippiens chapitre 3 verset 21 ; voyez Apocalypse chapitre 1 verset 16 ; Matthieu chapitre 17 verset 2 et chapitre 13 verset 43) ? « Nous lui serons semblables ! Nous le verrons tel qu’Il est ! » (1 Jean chapitre 3 verset 2 ; Apocalypse chapitre 3 versets 20 et 21). « Ainsi nous serons toujours avec le Seigneur » (1 Thessaloniciens chapitre 4 verset 17). Il n’y aura plus pour nous ni souillure de péché, ni obscurcissement de douleur ; la mort ne sera plus, et la fausseté ne sera plus connue. Dieu remplira de Sa plénitude nos personnes glorifiées.

Votre amie très affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 41

Le 17 juillet 1831
Ma bien chère sœur en Jésus,

Nous attendons avec anxiété des nouvelles de votre mari, dont nous avons appris la maladie. Puissiez-vous avoir de nouveaux sujets de raconter les miséricordes de notre Dieu ! Oh ! comme tout nous montre que nous sommes sous Sa dépendance ! De combien de manières nous pouvons être attaqués ! Que nous sommes chétifs et misérables ! Avec quelle promptitude Il peut nous amener dans la réalité, et nous la faire expérimenter tout entière ! Tout ce qui vous arrive maintenant, tout ce qui vous est arrivé, et tout ce qui vous arrivera, est bien. Puissiez-vous le voir ainsi par la foi, dans tous les lieux que vous avez encore à parcourir dans ce sombre et affreux désert ; et, lorsque vous ne pourrez pas tout expliquer, puissiez-vous apprendre à vous confier en la sagesse de votre Père !

Votre amie bien sincèrement attachée,

T.A. Powerscourt

Lettre 42

1831

Vous avez sans doute appris la mort de notre cher M…, après cinq jours de maladie. Il a joui pendant bien peu de temps de son bonheur ; il semblait qu’il aurait été si heureux s’il avait été épargné. Vanité des vanités ! Sa pauvre femme reçoit avec une entière soumission les dispensations de son Père à son égard, sachant que c’est l’amour qui a tout décidé, non seulement pour le temps, mais aussi pour l’éternité. Qu’il est vrai que notre vie n’est « qu’une vapeur » [Jacques chapitre 4 verset 14]. Ce qui semble aggraver une épreuve ne fait que parler plus fortement de l’étonnant amour qui l’envoie, de cet amour profond avec lequel Dieu frappe et blesse, non pour Son propre plaisir, mais pour notre profit. « C’est par beaucoup d’afflictions qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu » [Actes chapitre 14 verset 22]. Ceux auxquels le Seigneur envoie le plus de tribulations ici-bas, brilleront du plus vif éclat dans le royaume ; ils seront des pierres polies propres à faire partie du diadème royal ; ils suivent les traces mêmes du Roi de gloire, car qui a jamais connu autant que Lui tous les genres de souffrances et de maux ? Il s’est effectivement approprié toutes les souffrances inhérentes à l’humanité, et Il a participé à toutes ; elles étaient dans la coupe dont Il a bu, elles étaient l’essence du baptême dont Il a été baptisé ; et nous, c’est à cette coupe que nous devons boire, c’est de ce baptême que nous devons être baptisés.

Il semblait l’année dernière que l’épouse de M… allait monter dans les appartements de la maison de notre Père, et c’est lui qui y a été appelé maintenant. Elle ne peut voir le Seigneur de ses yeux jusqu’à ce qu’Il vienne, mais bientôt elle aussi quittera les chambres basses et montera au haut de la maison. Combien son mari est plus heureux que nous ! Une gerbe de plus a été recueillie ; un nouveau témoin a été ajouté à la nuée qui nous environne [Hébreux chapitre 12 verset 1]. C’est en s’employant au service des pauvres qu’il a pris la fièvre. Que l’Église sera merveilleuse, lorsqu’à la fin, la sagesse de Dieu infiniment variée sera donnée à connaître [Éphésiens chapitre 3 verset 10] dans le salut individuel et collectif de Son peuple !

Adieu, ma bien-aimée.

Théodosia A. Powerscourt

Lettre 43

Mon cher M…

Donnez-moi des nouvelles de votre gorge ; je crains qu’elle n’aille pas mieux. Il nous faut ces petites secousses, pour que nous apprenions à faire usage des promesses. Nous sommes trop disposés à nous contenter de savourer la Parole, pendant que nous la lisons et que nous la méditons ; nous allons ensuite à nos occupations, et nous l’oublions jusqu’au moment où nous avons l’habitude d’y revenir encore. Il nous est très avantageux de nous faire quelques égratignures aux épines que nous rencontrons sur notre chemin, afin qu’obligés de recourir au grand remède : « Il est écrit », nous soyons nourris des promesses pendant tout le voyage. Dieu crée en nous un appétit particulier pour cet aliment divin, puis Il remplit de Ses biens l’âme affamée ; c’est alors que nous sentons combien il est doux de se décharger sur Lui de tout souci. Je crois qu’il n’est pas selon Son cœur que nous n’allions à la banque des consolations que pour de grandes sommes qui nous paraissent en valoir la peine ; Il veut que nous y retournions sans nous lasser, et pour chaque franc, et pour chaque sou. Nous ne pouvons Le fatiguer ; et assurément Il n’agit jamais avec plus de tendresse que quand Il compte que nous irons à Lui avec confiance pour des choses à l’égard desquelles Il n’a pris aucun engagement. Nous connaissons le Seigneur ! aussi pouvons-nous nous abandonner à Son amour sans demander aucune explication, jusqu’au jour des alléluias. Nous sommes assurés que chaque coupe que notre Père place entre les mains de Ses enfants, doit être une coupe de bénédiction, parce qu’elle est plus ou moins la communion au sang de Christ ; la santé y est avant que nous en fassions usage, et quand nous en buvons, nous sentons que chaque malédiction est changée en bénédiction, et que la bénédiction ne peut devenir une malédiction. Je ne vous plains pas beaucoup d’être renfermé ; vous pouvez parcourir un si beau champ de méditation ; Christ crucifié, Christ reçu par la foi, Christ glorifié ! Il a fait pour nous de grandes choses ! De grandes choses sont dites de nous ! Oh ! puissions-nous être rendus capables d’avoir sans cesse devant nos yeux le même but que Lui, savoir, Sa gloire. Il a si admirablement mêlé Sa gloire à notre bonheur, que, tandis que notre bonheur constitue Sa gloire, Sa gloire constitue notre bonheur. Pour nous, nous ne saurons ce que c’est qu’une satisfaction entière, que lorsque nous aurons cessé de combattre pour devenir des dieux, que nous aurons consenti à n’être qu’un rien, et que notre moi sera perdu dans le « tout en tous » [1 Corinthiens chapitre 15 verset 28] de Dieu. Excusez ma liberté, mais je lisais justement que la volonté de notre Père est que Ses enfants aient une ferme consolation [Hébreux chapitre 6 verset 18], et je serais bien heureuse si j’étais un petit ruisseau qui rendît votre paix plus abondante, et qui contribuât à la faire devenir comme un fleuve [Ésaïe chapitre 48 verset 18], afin qu’elle soit une goutte dans l’océan de Sa gloire.

Votre sincèrement attachée

T.A. Powerscourt

Lettre 44

Mon cher M…

J’ai appris hier que vous n’étiez point bien. J’espère que ce n’est qu’un rhume et que vous n’aurez point votre extinction de voix pendant tout l’hiver. Vous êtes l’ami de l’Époux, et il vous serait sans doute bien pénible de ne pouvoir nourrir et consoler l’Épouse de votre ami, dont l’amour vous a confié une si précieuse charge pendant Son absence. — « M’aime-tu ? Pais mes brebis » [Jean chapitre 21 verset 17]. Chargé de consoler l’Église, votre tâche est plus difficile que si vous aviez à la défendre ou à la soutenir. Souvent elle demande : « Ô sentinelle ! qu’y a-t-il depuis la nuit ? » [Ésaïe chapitre 21 verset 11]. Pourquoi ses chariots vont-ils si lentement ? Souvent elle dit dans sa plainte : « L’Éternel m’a délaissée, et le Seigneur m’a oubliée » [Ésaïe chapitre 49 verset 14]. Souvent elle a besoin que vous lui rappeliez qu’Il vous a donné ce message pour elle : « Quand les montagnes se remueraient, et que les coteaux crouleraient, ma gratuité ne se retirera pas de toi, et l’alliance de ma paix ne bougera point, a dit l’Éternel qui a compassion de toi » [Ésaïe chapitre 54 verset 10]. — « Je ne te laisserai point » [Josué chapitre 1 verset 5]. — « S’il tarde, attends-le, car Il ne manquera point de venir, et Il ne tardera point » [Habakuk chapitre 2 verset 3]. Puissiez-vous être abondamment réjoui dans la pensée du retour de l’Époux, de ce jour où vous résignerez votre précieuse charge, et où votre joie sera accomplie à l’ouïe de ces paroles : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur ! » [Matthieu chapitre 25 versets 21 et 23].

Votre sincèrement attachée

T.A. Powerscourt

Lettre 45

Le 3 mars 1831
Mon cher M…

Je suis beaucoup occupée dernièrement du plus doux de tous les sujets, de notre union avec Jésus. C’est un sujet bien mystérieux ; mais puisque Celui qui nous enseigne est aussi Celui qui sonde les choses profondes de Dieu, nous pouvons, sous Sa conduite, nous hasarder à pénétrer dans tout ce qui nous est révélé, et à aller en avant, en considérant tout ce que nous voyons comme notre demeure, et tout ce que nous y trouvons comme notre propriété. Tout ce qui nous parle de l’identification de Jésus avec nous, nous parle aussi de notre identification avec Lui. Il fut à tous égards placé sous la discipline ; Il fut enseigné par l’Esprit ; Il fut conduit dans le sentier de la foi. Nous avons un intérêt en Sa personne aussi bien qu’en tout ce qu’Il a fait pour nous. Nous devons vivre en Dieu, respirer en Lui ; car nous ne pouvons Le connaître que par ce qui émane de Lui. Que notre marche serait sainte ; comme nous répandrions tout autour de nous l’atmosphère du ciel, si notre habitation ordinaire était le lieu secret où réside le Très-haut ! Quel champ de jouissances nous ouvre la perspective de notre ressemblance avec Jésus, et l’attente du moment où nous serons mis en possession de toutes les richesses de Celui qui est Dieu, richesses précieuses en elles-mêmes, mais doublement précieuses en ce qu’elles sont à Lui ! Mais nous avons aussi des privilèges actuels ; car, quelque misérable que soit la condition présente du croyant, Christ le considère comme l’un de Ses frères, comme Lui étant uni. Je ne veux pas parler ici de Jésus notre Seigneur, comme « Dieu sur toutes choses » [Romains chapitre 9 verset 5], comme « la Parole qui était au commencement avec Dieu, et par laquelle toutes choses ont été faites » [Jean chapitre 1 versets 2 et 3], comme Celui qui est venu du Père pour rendre témoignage de ce qu’Il avait vu et entendu [Jean chapitre 3 verset 32] ; mais bien plutôt de cette union dont, comme Jésus de Nazareth, Il jouissait avec le Père quand, « oint du Saint Esprit et de puissance, Il allait de lieu en lieu faisant du bien et guérissant tous ceux qui étaient sous la puissance du démon, parce que Dieu était avec lui » [Actes chapitre 10 versets 38 et 39], union qu’Il me semble exprimer dans ces paroles : « Moi et le Père sommes un » [Jean chapitre 10 verset 30]. « Le Père est en moi et moi en lui » [Jean chapitre 10 verset 38]. « En lui toute la plénitude a bien voulu habiter » [Colossiens chapitre 1 verset 19] ; « en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité » [Colossiens chapitre 2 verset 9], et c’est cette unité qu’Il déclare que nous connaîtrons en ce jour-là (Jean chapitre 14 verset 20). Quelle que puisse être cette union, elle est à nous ; « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui » [Jean chapitre 6 verset 56]. Si quelqu’un garde Ses commandements, confesse que Jésus est le Fils de Dieu, demeure dans l’amour, aime son frère, « Dieu demeure en lui, et lui en Dieu » [1 Jean chapitre 4 verset 15]. « Nous viendrons à lui, et nous ferons demeure avec lui » [Jean chapitre 14 verset 23]. « Christ en vous » [Colossiens chapitre 1 verset 27]. « En ce jour-là vous connaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous » [Jean chapitre 14 verset 20] ! Toutes les autres bénédictions me paraissent découler de cette union ; nous sommes les membres de Son corps, étant de Sa chair et de Ses os ; nous sommes unis au Seigneur, et par cela même « un seul esprit avec lui » [1 Corinthiens chapitre 6 verset 17]. Les choses qui sont vraies en Dieu sont aussi vraies en nous, qui sommes de Christ. Oh ! quel monde de gloire pour nous dans ces paroles : « Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui » (Cantique des cantiques chapitre 2 verset 16) !

Rien ne peut nous séparer de Jésus. Rien ne peut ôter Jésus de la coupe qui nous est présentée. Il se trouve dans chaque événement, aussi l’amour s’y trouve-t-il toujours en abondance, quoique peut-être sous un déguisement. Il nous donne à boire de Sa propre coupe de bénédiction et de gloire. Il est le grain de blé qui, tombé dans la terre, a pris racine dans les profondeurs de l’enfer, et c’est en Lui que nous avons germé et crû. Si, comme Lui, nous sommes exposés aux orages, nous jouissons de la même rosée rafraîchissante et du même soleil vivifiant que Lui. Participants de Sa nature, l’attouchement du péché produit sur nous le même effet que l’attouchement de l’homme sur la sensitive. Nous élevant avec Lui par la foi jusque dans les cieux mêmes, nous faisons tomber dans la main de notre Père les grappes délicates de Son « cep exquis ». « Toutes mes sources seront en toi » (Psaume 87 verset 7).

Ce que vous me dites de l’état des chrétiens à … est déplorable ; qu’il est triste que les membres ressemblent si peu à la tête ! Et cela n’est, hélas ! que trop vrai de nous tous. Quoique l’œuvre de l’Esprit soit parfaite dans l’Église, c’est à peine si on peut la discerner au travers du voile de chair qui la recouvre. La puissance de Christ agit si faiblement dans le corps, il y a si peu de fruits de Son Esprit dans les membres, que nous pourrions demander : l’Esprit du Seigneur s’est-Il amoindri ? A-t-Il été épuisé ? Où est-Il ? Les querelles qui s’élèvent parmi les enfants de Dieu, ne sont-elles pas le résultat naturel du manque de communion entre eux ? La religion de Jésus a pour but de produire et de cultiver l’union entre les membres du corps, tandis que les pièges de Satan semblent réussir à les disperser. On en est presque venu à nier le principe même de l’union chrétienne ; le christianisme n’est plus qu’une affaire entre Dieu et l’âme, et l’union des chrétiens n’est en général qu’une union de secte. N’est-il donc pas nécessaire de cultiver avec soin les grâces qui sont le fruit de l’amour ? « L’amour use de patience ; il use de bonté ; l’amour ne porte pas envie ; l’amour ne se vante pas, etc. » [1 Corinthiens chapitre 13 verset 4]. Sous ce rapport Satan a triomphé au milieu des catholiques romains. Chacun fait séparément sa prière, sans paraître même savoir ce que c’est que l’union dans la prière. J’ai entendu dire l’autre jour à un ministre, qu’il pensait que son affaire était de convertir des âmes. D’après l’Écriture, il me semble que l’occupation principale du ministre commence lorsqu’une âme est amenée à la vie, et combien ne faut-il pas plus pour cela que les services publics ! Cependant, pour les âmes encore dans la mort, la tempête vaut mieux que le calme. Le mal ne vient pas autant de la différence des opinions, qui est un résultat inévitable de l’accroissement de la lumière, que de la difficulté que nous avons à consentir à ce qu’un autre voie les choses autrement que nous.

Si nous ne recevons pas des blessures de la part des hommes sous la forme de la persécution, nous en recevrons de quelque autre part. La chair combat contre l’Esprit, et l’Esprit contre la chair, parce qu’ils sont toujours contraires l’un à l’autre [Galates chapitre 5 verset 17] ; et si nous sommes dans l’Esprit, nous sentirons qu’il en est ainsi, par les blessures que nous recevrons du dehors ou du dedans. Les blessures les plus douloureuses sont celles qui nous sont faites par un frère ou par une sœur que nous aimons particulièrement ; mais elles nous donnent l’occasion de montrer que notre chair est subjuguée, en aimant et en persévérant à aimer, quoiqu’il nous arrive. Si, dans de telles circonstances, nous pensions sérieusement à empêcher que la gloire de Christ n’en reçoive aucune atteinte, nous déjouerions assurément les pièges de Satan à l’égard de notre frère. Et nous supporterions le mal avec bien plus de facilité, si, au lieu de le recevoir comme venant de telle sœur ou de tel frère, nous le recevions comme venant de la chair, notre ennemi commun. Les blessures que nous nous faisons réciproquement semblent devoir constituer maintenant l’épreuve de notre foi plus que la persécution ouverte, et si nous n’avions pas ce genre de douleurs, nous oublierions que nous sommes dans le combat, et nous jetterions bas les armes. Lors donc que nous recevons de telles blessures, ne nous étonnons pas, « comme s’il nous arrivait quelque chose d’étrange » [1 Pierre chapitre 4 verset 12], mais réjouissons-nous de ce qu’en quelque manière que ce soit, nous participons aux souffrances de Christ. Si cette dispensation tout entière n’était pas pour l’Église un jour de jeûne, de tentation et de souffrance, comment pourrait-elle s’approprier les promesses de la gloire d’un Sauveur crucifié ? Souffrir avec Lui et être glorifié avec Lui, paraissent deux choses étroitement unies. On éprouve de la douceur à être émondé par une main qui a été elle-même blessée ; et lorsque nous sentons l’appesantissement de notre cœur, notre penchant à nous éloigner de Christ, ou à nous tenir à distance de Lui, ne devons-nous pas être profondément reconnaissants de ce qu’en nous dispensant des épreuves, Il nous montre qu’Il est jaloux de notre affection, qu’Il veut nous donner le vrai bonheur en dépit de nous-mêmes, qu’Il veut nous contraindre à recourir à Sa puissance, à vivre de Ses promesses, et à reposer notre tête sur Son sein ? Il n’est point satisfait si Ses enfants éprouvés ne sont que des chrétiens ordinaires ; Il veut que nous expérimentions ce qu’Il est, afin qu’Il puisse nous introduire dans les appartements les plus secrets de Sa fidélité. Il se pourrait que dans peu de temps nous passassions par de plus grandes souffrances, car la persécution est comme l’élément du chrétien, et l’épreuve est son triomphe. C’est dans le feu que nous sommes appelés à glorifier le Seigneur, et rien n’est plus beau pour nous que d’être trouvés dignes de porter Son opprobre. Quel est le soldat qui penserait à s’enfuir du combat, lorsque son capitaine est en avant, au front même de la mêlée ? Serait-il un soldat de Christ celui qui, bien qu’assuré de la victoire et de la gloire, regarderait comme un privilège de se trouver hors du champ de bataille ? Ne sommes-nous pas appelés à souffrir ? N’avons-nous pas été choisis pour être témoins de Sa résurrection en supportant victorieusement les douleurs de la vie ? Préparons-nous donc à une suite d’épreuves et de souffrances, et à aller de tribulation en tribulation. En notre Dieu, nous pouvons tout supporter. De même que l’esprit de prière combat pour être entendu et que l’esprit d’actions de grâces éclate en chant d’allégresse, de même aussi l’esprit du martyre prend plaisir à être en activité. Nous sommes au-dessus du pouvoir de la mort, qui, elle-même, reconnaîtra notre résurrection. Nous avons vaincu le tombeau, et nous sommes assis avec Christ notre Seigneur, dans la gloire du Très-haut. Combien nous devrions nous montrer jaloux de manifester les richesses de Sa grâce, tandis que nous sommes laissés sur un terrain ennemi ! Ce n’est que pour cela qu’il vaut la peine de vivre. Le désir de me dépenser davantage et de mieux souffrir pour mon bien-aimé Maître, sur le théâtre de Son humiliation, est la seule chose qui puisse me faire hésiter dans mon ardent désir d’être avec Lui, qui est et qui a été si puissamment avec moi. Mais nous sommes des créatures telles, que Dieu ne peut accomplir Sa volonté à notre égard, ou nous accorder les désirs de nos cœurs, sans une discipline sévère. Chaque jour il faut qu’Il travaille contre notre égoïsme. Il faut que notre vieil homme soit sans cesse maté et subjugué pour que nous puissions être remplis de la plénitude de Dieu. Oh ! s’il nous était possible de nous séparer à toujours du moi qui nous tourmente ! Si nous pouvions n’être à nos propres yeux que comme un rien ! C’est là l’idée que je me fais de notre plus grande gloire. Dans les secrets replis de notre cœur, nous cherchons sans cesse à dérober à Christ l’honneur qui Lui est dû, sans penser que la robe de gloire ne fut jamais faite pour nous ici-bas, et que nous ne saurions comment la porter. Nous croyons être quelque chose, et nous nous rendons parfaitement ridicules.

Dans ces jours difficiles, je craindrais beaucoup pour moi-même, si je ne pouvais pas embrasser fortement la promesse du chapitre premier de Jacques : « Si quelqu’un de vous manque de sagesse, etc. ». Je ne puis croire que, lorsque je Lui demande du pain, Il veuille me donner une pierre. Si je ne savais pas que mon Maître est aussi fidèle qu’Il est infaillible, il n’y aurait point de livre que je redoutasse autant de prendre entre mes mains que le livre de Dieu ; et si j’étais quelque peu laissée à moi-même, je me serais bientôt plongée dans un océan d’erreurs. L’esprit humain renferme un poison si dangereux, qu’il faut toute la sagesse et toute l’énergie de la toute-puissance pour empêcher que ce qui doit faire notre salut ne devienne notre destruction. Puissions-nous être remplis d’ardeur ; puissions-nous vraiment vivre pendant que nous traversons cette vie ; puissions-nous posséder davantage de cet amour qui, tout en couvrant les fautes d’un frère, aime à les porter au trône de la grâce, qui sait discerner avec reconnaissance la grâce de Dieu dans un frère ou dans une sœur, qui est aussi fidèle à reprendre ceux qui pèchent, qu’il est zélé pour la défense de ceux qu’on accuse injustement ! Puisse la poutre disparaître de plus en plus de notre œil, afin que nous voyions toujours moins de brins de paille dans l’œil de notre frère !

Votre fidèle et affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 46

1831
Mon cher M…

Je pense que vous avez été bien affligé de la mort de notre cher M…. C’est pour nous tous une leçon bien frappante ; c’est une voix puissante qui nous dit : Lève-toi, et travaille ; le temps est court et incertain. Il est en sûreté maintenant ; il a été transporté d’une manière bien inattendue dans le grenier du Seigneur. Il y avait bien des choses aimables dans son caractère, entre autres, un grand renoncement à lui-même pour s’employer au service des autres et pour leur être en consolation. Lorsque le dévouement n’est dicté que par le devoir, il est plutôt une fatigue pour ceux qui en sont les objets ; c’est pourquoi il vaut mieux s’étudier à avoir la pensée de Christ que de chercher à l’imiter. Ne semble-t-il pas que le monde va sauter en éclats, et que Satan prépare son armée pour la bataille d’Armagédon ? Où trouverons-nous la force pour le jour de l’épreuve ? Je ne puis m’empêcher de croire que nous verrons des douleurs, quoique nous ne devions point participer au désespoir et aux désolations de la fin. Tous les maux qui viendront de l’homme de péché, du dernier Pharaon, du dragon incarné, serviront, je pense, à manifester notre patience, ainsi que la fidélité de Celui qui nous préservera de chute. Ne nous est-il pas dit sous le cinquième sceau, qu’il y aura des martyrs jusqu’à ce que l’heure de la vengeance de Dieu soit arrivée ? Il doit donc y avoir un plus grand nombre de martyrs encore, car le sang des serviteurs de Dieu n’a pas encore été vengé, et le jugement doit commencer par la maison de Dieu [1 Pierre chapitre 4 verset 17]. Dans Matthieu chapitre 24 versets 22 et 23, il est dit que cette tribulation sans exemple sera abrégée à cause des élus, et que nous ne devrons point croire lorsqu’on nous dira : Le Christ est ici, ou : Il est là. Il me paraît, d’après les versets 16 et 28 du chapitre 21 de Luc, que la destruction de Jérusalem ne devait pas être le plein accomplissement de cette prophétie ; et Marc, chapitre 13, semble dire que c’est après que l’évangile aura été prêché à toutes les nations, que le frère livrera son frère à la mort, etc. Il est dit de ce temps : « Ici est la patience des saints » [Apocalypse chapitre 14 verset 12]. Bienheureux donc les morts qui meurent dans le Seigneur [Apocalypse chapitre 14 verset 13] ! Oh ! quel temps ! Le verrons-nous ? Il est certain que nous avons besoin de calculer la dépense et de prendre l’armure complète de Dieu [Éphésiens chapitre 6 verset 13], afin que nous puissions aller hardiment à la bataille ; notre persévérance sera à la gloire de notre capitaine, elle sera une preuve de Sa puissance. Avec quel soin l’Église ne devrait-elle pas marcher sur les traces de son Seigneur ! Quels événements terribles nous avons à attendre ! Les parents, les frères, les amis, se trahiront les uns les autres ; nous verrons le nom de Jésus presque anéanti, et le culte du démon haut élevé ; nous serons environnés des pièges les plus redoutables de Satan, qui fera ses derniers efforts ; peut-être serons-nous appelés à boire la coupe que Jésus a bue, et à être baptisés du baptême dont Il a été baptisé [Marc chapitre 10 verset 39] ; à sentir nos cœurs se fondre et s’écouler comme de l’eau ; à nous enfoncer dans un bourbier profond, et à ne plus jouir de la clarté de la face de notre Père ; car, « si ces jours-là n’avaient pas été abrégés, aucune chair n’eût été sauvée ; mais à cause des élus, ces jours-là seront abrégés ; et alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel » [Matthieu chapitre 24 versets 22 et 30]. Le Seigneur nous dit de veiller et de prier, afin que nous soyons jugés dignes d’éviter toutes ces choses qui doivent arriver, et de subsister devant le Fils de l’homme. Cela ne peut signifier que nous devions demander de mourir, puisqu’il y a une grande promesse pour ceux qui auront persévéré jusqu’à la fin, pour ceux qui auront vaincu. Il semblerait qu’il doive y avoir deux destructions bien distinctes, celle de Babylone et celle de la Bête. Heureux les chrétiens qui se trouveront parmi ceux dont les souffrances seront pleines d’espérance ! Il semblerait aussi d’après les types, que le peuple de Dieu doive être, non pas délivré de l’affliction, mais placé hors de l’affliction. Jésus saura nous préserver de la tentation. Nous sommes témoins de Sa résurrection. Pour Lui, Il est les prémices. Quoiqu’Il ait été crucifié par infirmité, Il est vivant par la puissance de Dieu [2 Corinthiens chapitre 13 verset 4], et nous, nous sommes unis à cette puissance. Quel triomphe sur la mort, lorsqu’aura lieu le rassemblement des saints ! Quel retentissement d’alléluias, lorsque toutes les prières de tous les saints, pendant si longtemps accumulées, seront exaucées par un seul événement !

Votre très affectionnée

Théodosia A. Powerscourt

Lettre 47

Avril 1831
Cher Monsieur,

Je vous écris parce que je crois que vous avez manqué d’amour. C’est l’amour qui est le caractère distinctif des disciples de notre Maître ; c’est le dernier commandement qu’Il donna avant de mourir. Vous admettrez sans doute avec moi que tout l’évangile, aussi bien que toute la loi, est contenu dans ce mot amour ; mais nous devons demander que le Seigneur Lui-même nous apprenne quelle est la hauteur, la profondeur, la longueur et la largeur de Sa Parole. C’est parce que nous avons peu d’amour que nous recherchons souvent l’esprit, en oubliant la pratique, et que souvent aussi nous insistons sur la pratique, en négligeant l’esprit.

Oh ! que tous les chrétiens s’unissent pour réparer la déchirure du manteau dont l’apôtre nous enjoint de couvrir une multitude de péchés [1 Pierre chapitre 4 verset 8] ! Prenons une décision plus ferme d’arracher la poutre de notre œil, afin que le brin de paille qui est dans l’œil de notre frère nous soit moins apparent ! Honorons davantage l’Esprit, en rendant recommandables les principes de ceux qui aiment le Seigneur en sincérité, et en nous montrant nous-mêmes fidèles à ces principes ! Il me semble que l’amour fait deux choses : d’abord il excuse au lieu d’accuser ; ensuite il est également jaloux de couvrir le mal et de le découvrir ; il le couvre aux yeux des autres ; il le découvre aux yeux de la personne qui est tombée en faute.

Pardonnez-moi si je vous dis qu’il me semble que vous avez manqué à mon égard dans ces deux points. L’amour chrétien devrait nous faire considérer les autres, ou comme des sujets d’actions de grâces, lorsque Dieu leur a beaucoup donné, ou comme des objets de compassion ; et dans ce dernier cas, il devrait nous apprendre à porter aux pieds de Jésus l’aveugle, le boiteux, l’estropié et l’infirme.

J’ai entendu dire de deux ou trois côtés que vous m’avez signalée comme un exemple d’inconséquence, parce que j’ai … Est-ce là tout ce que vous avez vu d’inconséquent chez moi ? Je n’écris pas pour me justifier. Je puis « élever mon visage vers Dieu » [Job chapitre 22 verset 26], car je n’agis pas pour être jugée par les hommes. Mais était-ce conséquent de votre part, était-ce selon l’amour chrétien, de me condamner sans m’entendre, sans même me faire connaître par parole ou par lettre ce qui vous paraissait mal ? Était-ce être jaloux de la gloire de Dieu, que de l’être aussi peu de ma conduite ? Hélas ! combien peu nous rencontrons de sympathie, combien peu nous sommes aidés dans nos circonstances même les plus difficiles ! Cependant, sans revenir sur ce qui s’est passé, je reconnais que j’ai pu paraître inconséquente. Ne croyez pas, mon cher M…, que je conserve quelque sentiment pénible ; il n’en est point ainsi. Mon but, en vous écrivant, est de vous prouver, par votre propre manquement, combien nous avons besoin d’user de miséricorde les uns envers les autres sous le rapport de notre marche, et combien peu nous sommes en état de soutenir le jugement. Si nous ne tombons pas d’un côté, nous tombons de l’autre. Une profonde intelligence de ces paroles : « Voici, je suis un homme vil » (Job chapitre 39 verset 37) nous mettrait à notre vraie place, à l’égard de Dieu, des autres et de nous-mêmes. Hélas ! nous ne faisons que vaciller dans nos propres pensées, et nous ne sommes que trop semblables à un bâton qu’un homme balancerait sur son doigt, et qui pencherait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Mais nous avons à bénir notre Dieu de ce que le doigt qui nous soutient est la toute-puissance même. Marchons humblement, comme notre haute vocation nous y appelle, et étudions-nous à honorer en toute chose la bonne nouvelle de la grâce qui est en Jésus !

Je suis, mon cher M…, votre sincère, etc.

T.A. Powerscourt

Lettre 48

Powerscourt, le 18 février 1831
Mon cher ami,

Bénissez Dieu et baisez la berge dont Il vous frappe. Il s’occupe de vous maintenant. Abandonnez-vous donc à Lui. S’Il vous dit : Éprouve-moi, mon enfant, c’est pour qu’Il puisse vous introduire dans les cabinets les plus secrets de Sa fidélité. S’Il vous fait passer par des difficultés et par des angoisses, c’est pour qu’Il puisse vous faire expérimenter toute la réalité de cette promesse : « Je suis ton bouclier et ta grande récompense » [Genèse chapitre 15 verset 1]. Abandonnez-vous entièrement à Lui, et qu’aucune autre confiance ne se glisse dans votre cœur ; aucun autre que Jésus ne peut faire du bien au pécheur sans force. Nous sommes trop disposés à penser que, si nous avions quelque autre course à fournir que celle qui est devant nous [Hébreux chapitre 12 verset 1], il nous serait plus facile de nous avancer rapidement vers le but. Dans ce moment je me sens arrêtée par le poids de mon château, et il me semble que si je pouvais m’en débarrasser et n’avoir plus rien, je pourrais marcher avec plus de patience à la suite du crucifié. Quant à vous, je pense que vous ne devez avoir aucun scrupule de conscience et que vous devez vous sentir là où le Seigneur vous veut. Il ouvre un chemin particulier devant chacun de nous, et, « en attachant nos yeux sur Jésus » [Hébreux chapitre 12 verset 2], nous avons la force nécessaire pour y marcher. Mais je sais de quelle douleur votre cœur est rempli, et je demande que le baume soit répandu sur la plaie qui saigne encore, afin que votre esprit vive en haut avec Jésus et avec les esprits des justes. Pour que l’harmonie du cantique nouveau soit complète, il faut que nous fassions notre partie. Jésus ne peut être satisfait du travail de Son âme avant d’avoir entièrement opéré notre salut. Dévoile-nous tes mystères, ô notre Sauveur, enseigne-nous tes œuvres et tes plans ! Que notre âme soupire après toi, comme le cerf brame après les eaux courantes [Psaume 42 verset 1] ! Crée en nous une soif que rien ne puisse satisfaire, que la source de l’éternel amour ! Voyez avec quelle rapidité l’aiguille vole à l’aimant lorsqu’elle peut en sentir l’influence ; ainsi nous nous hâterons de courir à notre bien-aimé, si nous nous plaçons sous l’influence de Son amour. Bientôt nous serons délivrés de l’horrible corruption de notre nature ; bientôt nous aurons retiré nos mains arrière des pots (Psaume 81 verset 6) ; puis étant comme les ailes d’un pigeon couvert d’argent (Psaume 68 verset 13), nous ferons retentir les cieux de nos alléluias.

Oh ! qu’Il nous fasse devenir tels qu’Il veut que nous soyons ; qu’Il nous donne un œil simple et une conscience délicate !

Croyez-moi votre très affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 49

Powerscourt, le 14 mai 1831
Ma chère amie,

C’est avec surprise que j’apprends tout ce que vous me dites. Quel désordre, quelle confusion de tous les côtés ! Que de péchés, que de misères ! Néhémie n’aurait sûrement pas accepté les services des ennemis du Seigneur pour rebâtir le temple. Le monde n’est-il pas à l’égard du croyant dans la même position que les Gentils à l’égard des Juifs ? Nous est-il permis de faire cause commune avec des infidèles dans l’œuvre du Seigneur ? N’est-ce pas en quelque sorte déclarer que les serviteurs du Seigneur ne sont pas suffisants pour y travailler ? Assurément ils le seraient, s’ils étaient aussi dévoués que les serviteurs de Satan. Devons-nous ramper devant le monde pour avoir son influence, ses richesses et ses travaux ? Le monde n’est maintenant ni moins dangereux, ni moins ennemi de la vérité que lorsque Christ priait pour que les siens fussent préservés du mal. Les faux amis sont les ennemis les plus dangereux ; ce sont des loups en habits de brebis [Matthieu chapitre 7 verset 15]. Si tous sont considérés comme des chrétiens, où sera le monde ? Il n’y aurait alors plus de monde. À quel état de désordre et de confusion nous sommes arrivés. Tous les enseignements du Seigneur sont mis de côté. On oublie qu’Il nous commande une union étroite avec les chrétiens, et une séparation complète d’avec le monde. Or, nous ne pouvons vivre éloignés de ceux que nous faisons profession de reconnaître pour des frères, et nous ne pouvons être dans une communion intime avec ceux chez lesquels nous ne voyons qu’une simple profession de christianisme sans vie. L’Église et le monde sont semblables à deux vêtements roulés l’un dans l’autre. Oh ! que Jésus, la tête de l’Église, le Roi de l’univers, vienne promptement et remette tout en ordre ! Quelle glorieuse attente nous avons, et combien nous devrions être humiliés en y pensant ! « Jésus sachant que le Père lui avait donné toutes choses entre les mains, et qu’Il était sorti de Dieu et qu’Il s’en allait à Dieu, se leva du souper, et posa ses vêtements, puis ayant pris un linge, il s’en ceignit. Ensuite il versa de l’eau dans un bassin, et Il se mit à laver les pieds de ses disciples » [Jean chapitre 13 versets 3 à 5].

Dites-moi ce que vous faites. J’aime à voir la main fidèle du Seigneur vous guider continuellement. Il nous est bon de suivre la trace de Ses pas au travers des mystérieuses dispensations par lesquelles notre foi est exercée. Reposons-nous sur Lui, car Il nous conduit par le droit chemin à la ville habitée. Quoique le sentier puisse nous paraître peu tracé, Sa fidélité n’en est pas moins là : « Je sais en qui j’ai cru » [2 Timothée chapitre 1 verset 12]. Oh ! quelle paix on trouve à se jeter dans Ses bras, en disant : « Sois mon garant ».

Votre amie dans notre ferme espérance

T.A. Powerscourt

Lettre 50

Powerscourt, le 2 septembre 1832
Mon cher ami,

Il y a bien longtemps que je ne sais rien de vous. Écrivez-moi une longue lettre et apprenez-moi quels sont vos sentiments actuels, et par quelles expériences le Seigneur vous a fait passer pendant cette année. Pour moi, j’ai cheminé dans une douce monotonie, et cependant je crois que jamais le Seigneur n’a plus travaillé en moi, ne m’a plus montré ce que je suis, et ne m’a plus humiliée que pendant l’année qui vient de s’écouler. J’ai reçu quelques leçons fort amères dont j’avais grand besoin.

J’aimerais beaucoup savoir ce que vous pensez au sujet de ceux qui régneront avec Christ. Ceux qui auront cru régneront-ils tous avec Lui, ou bien seront-ce seulement les martyrs ? Je me suis beaucoup occupée dernièrement de ce sujet. Il me semble qu’il est réservé à tous les croyants de cette dispensation de régner avec Lui, parce que cette dispensation est celle du martyre, et parce que ce sont les jours de jeûne de l’Église dont l’Époux est absent. Si quelquefois nous avons du repos, ce n’est que par exception. « Être comme des brebis destinées à la boucherie » [Romains chapitre 8 verset 36] ; « être le rebut de tous » [1 Corinthiens chapitre 4 verset 13] ; « porter dans notre corps la mort du Seigneur Jésus » [2 Corinthiens chapitre 4 verset 10] ; « être sans cesse livré à la mort » [2 Corinthiens chapitre 4 verset 11] c’est là le caractère de ces jours de tribulation qui nous sont annoncés. C’est encore pour Jésus l’heure de la tentation (Actes chapitre 1 versets 4 et 5 ; Luc chapitre 22 verset 28). Quand Dieu a voulu chauffer Sa fournaise au plus haut degré, pour donner un exemple de foi jusqu’à la fin du temps, Il ne s’est pas occupé de la souffrance du corps, mais Il a préparé la fournaise de l’affliction : « Prends maintenant ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac » [Genèse chapitre 22 verset 2].

Nous avons tous l’occasion de souffrir pour le nom de Christ, et ce qui me paraît distinguer nos souffrances d’avec celles que nous avons en commun avec le monde, c’est qu’elles proviennent d’un principe, d’une épreuve de la foi, d’un choix volontaire de souffrir en la chair, afin de ne renier Christ en aucune manière. Elles consistent à renoncer à soi-même, à se charger de Sa croix chaque jour, à se couper la main droite, à s’arracher l’œil droit, plutôt que de pécher. Oh ! combien il y a de ces martyres secrets, inconnus aux hommes, mais précieux devant Dieu ! Je crois qu’il n’y eut jamais un temps où l’union qui existe entre le règne et la souffrance dût être mise en avant avec plus de force, car la vie de beaucoup de chrétiens est comme un refus du martyre, elle dit hautement qu’ils ne veulent pas du bûcher. C’est par expérience que je parle. Le Seigneur veut bien plutôt des preuves que des paroles. Après que Pierre, dans sa grande détresse, eut répondu : « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime » [Jean chapitre 21 verset 17] ; Jésus, en lui disant : « Pais mes brebis », lui en demanda la preuve. Les chrétiens sont quelquefois si subjugués, si captivés par ce qui tombe sous les sens, qu’ils ne font que peu de cas de cette parole sérieuse : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements » [Jean chapitre 14 verset 15] ; et, dans la conviction que leur âme ne peut être perdue, ils vivent en s’accordant des jouissances illégitimes, plutôt que de passer par la torture d’un cœur entièrement déchiré et brisé. Mais assurément, si le règne de Christ pendant mille ans doit être pour Lui une récompense particulière à cause de Ses souffrances, comme « Fils de l’homme, Fils de David », récompense distincte de la gloire éternelle, ceux-là seulement qui auront participé avec Lui aux souffrances, régneront avec Lui. Dites-moi ce que vous pensez là-dessus. Il me semble que, quoiqu’il y ait maintenant beaucoup de chrétiens sauvés, il n’y en a que peu qui soient prêts pour ce règne. « Selon que vous participez aux souffrances de Christ, réjouissez-vous, afin qu’aussi en la révélation de sa gloire vous vous réjouissiez avec allégresse. Si vous êtes outragés pour le nom de Christ, vous êtes bien heureux, parce que l’Esprit de gloire et l’Esprit de Dieu repose sur vous » [1 Pierre chapitre 4 versets 13 et 14]. — « Si nous mourons avec lui, nous vivrons aussi avec lui » [2 Timothée chapitre 2 verset 11]. — « Si nous souffrons avec patience, nous régnerons aussi avec lui » [2 Timothée chapitre 2 verset 12]. — « Nous-mêmes nous nous glorifions de vous dans les églises de Dieu, au sujet de votre patience et de votre foi dans toutes vos persécutions, et dans toutes les tribulations que vous endurez, qui sont une démonstration du juste jugement de Dieu, pour que vous soyez jugés dignes du royaume de Dieu, pour lequel aussi vous souffrez » [2 Thessaloniciens chapitre 1 versets 4 et 5]. « À celui qui vaincra, je lui donnerai puissance sur les nations, et il les paîtra avec une verge de fer, et elles seront brisées comme des vases de potier, comme moi aussi je l’ai reçu de la part de mon Père. Et je lui donnerai l’étoile du matin » [Apocalypse chapitre 2 versets 26 à 28]. « Retiens ce que tu as, afin que nul ne prenne ta couronne. J’écrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem, qui descend du ciel d’auprès de mon Dieu, et mon nouveau nom » [Apocalypse chapitre 3 versets 11 et 12]. « Je lui donnerai de s’asseoir sur mon trône, etc. » [Apocalypse chapitre 3 verset 21]. « Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ ; si du moins nous souffrons avec lui, afin que nous soyons aussi glorifiés avec lui » [Romains chapitre 8 verset 17]. « Afin de connaître Jésus Christ, ainsi que la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances, étant rendu conforme à sa mort, si en quelque manière je parviens à la résurrection d’entre les morts » [Philippiens chapitre 3 versets 10 et 11]. « D’autres ont été torturés, n’acceptant pas la délivrance, afin d’obtenir une meilleure résurrection » [Hébreux chapitre 11 verset 35]. Lorsque la mère des fils de Zébédée demanda à Jésus que ses fils eussent les premières places dans Son royaume, Il répondit : « Vous ne savez ce que vous demandez ; pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, et être baptisés du baptême dont je suis baptisé ? » [Marc chapitre 10 verset 38]. Les disciples « se réjouissaient d’avoir été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus » [Actes chapitre 5 verset 41], « et de ce qu’il leur avait été donné, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui » [Philippiens chapitre 1 verset 29].

N’allez pas croire, d’après ce que je dis, que je fasse peu de cas du principe de l’amour, et que je veuille retourner à celui des récompenses. Non ; gagnez le cœur et vous avez gagné l’homme. L’amour élève les choses les plus basses. L’amour ne peut s’arrêter ; il dépasse la loi, et la laisse à grande distance derrière lui. La question n’est pas : Que dois-je faire ? mais : Que puis-je faire ? En attristant l’objet qu’il aime, l’amour s’attriste lui-même. C’est là ce ressort secret des actions du chrétien, qui le fait souvent passer dans le monde pour un enthousiaste. Rien ne peut arrêter l’amour ; il se charge de sa croix et poursuit son objet à travers des montagnes de difficultés. C’était l’amour qui fortifiait le cœur de Marie, lorsque les soldats tremblaient de peur. C’était l’amour qui la retenait près du sépulcre, lorsque tous les disciples s’en étaient allés. L’amour voudrait que tous fussent participants de son bonheur ; il passe par-dessus les opinions humaines ; il ne cesse de s’écrier : « Que rendrai-je à l’Éternel ? Tous ses bienfaits sont sur moi » [Psaume 116 verset 12]. « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute » [1 Samuel chapitre 3 verset 9]. Cependant l’amour lui-même a besoin d’être sans cesse ranimé et réveillé, car souvent il est comme mort, la chair l’endort par ses douces chansons, et le démon l’engourdit en lui donnant son opium.

Quelles pauvres créatures nous sommes, avec nos continuelles oscillations ! Tantôt élevés jusqu’aux cieux, tantôt abaissés jusqu’au fond des abîmes, par la force de l’angoisse ! Satan est si vigilant, qu’il sait fort bien quand et comment il pourra assaillir notre âme de la manière la plus efficace. Il se réjouit quand il peut nous plonger dans l’abattement par des tentations multipliées ; et, bien que nous sachions que chaque vague nous rapproche davantage du pays de notre héritage, souvent la foi chancelle, lorsque, « pendant plusieurs jours, il ne paraît ni soleil, ni étoiles, et qu’une grande tempête nous presse » [Actes chapitre 27 verset 20]. Ordinairement ces choses nous arrivent, ou pour que le bâtiment soit déchargé, ou pour que notre foi soit éprouvée, ou pour que nous voyions combien elle est petite. Mais quelque excellent qu’en soit le résultat, l’exercice n’en est pas moins pénible ; et il est humiliant d’entendre le Seigneur nous dire : « Où est votre foi ? » [Luc chapitre 8 verset 24]. Néanmoins, c’est dans de tels moments que nous sommes excités à la reconnaissance envers Celui dont l’amour et la fidélité ne manquent jamais, alors même que notre foi et notre espérance ont manqué ; et si nous sommes obligés de dire : « Mon pied a glissé », nous pouvons aussi ajouter : « Ta bonté, ô Éternel ! m’a soutenu » [Psaume 94 verset 18]. L’or du sanctuaire est éprouvé avant d’être accepté, et il passe par le creuset, non pas parce qu’il est sans valeur, mais parce qu’il est très précieux.

Dans quel triste état se trouve la pauvre Irlande ! Mais nous sommes au-dessus de toutes les machinations de Satan. Cachés dans la retraite du Très-haut, nous pouvons regarder en bas sans inquiétude ; nos ennemis sont tous vaincus par ce Jésus qui demeure en nous, ainsi nous sommes plus que vainqueurs !

Croyez-moi, mon cher ami, votre affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 51

Juin 1832
Ma chère amie,

Jusqu’à maintenant je n’ai pas eu le temps de vous écrire une longue lettre, il me semblait toujours que je négligeais des choses vraiment nécessaires. Nous jugeons, je crois, très mal de ce qui est ou n’est pas pour la gloire de Dieu. Je vois chaque jour davantage que ce qui Le glorifie le plus, c’est la simple obéissance. Lorsque nous formons nos plans, nous nous dirigeons beaucoup trop d’après les opinions reçues, et nous nous privons ainsi de beaucoup de bénédictions, soit sous le rapport de nos expériences, soit sous celui du bien que nous pouvons faire. Ce fut le cas de Pierre, lorsqu’il dit : « Tu ne me laveras jamais les pieds » [Jean chapitre 13 verset 8]. Son intention était bonne, il était plein d’amour et de zèle, et assurément la réponse qui lui fut faite nous convient aussi. Nous ne pouvons connaître le but que Jésus se propose, mais notre affaire est d’obéir tout simplement, et ce que nous ne savons pas maintenant, nous le saurons plus tard [Jean chapitre 13 verset 7], lorsque le grand architecte « aura tiré la pierre la plus haute avec des sons éclatants : Grâce, grâce pour elle » [Zacharie chapitre 4 verset 7]. Les soldats ne demandent jamais : Pourquoi ceci, ou pourquoi cela. Le général a les lieux et le but devant lui ; le soldat n’a qu’à s’arrêter quand on le veut, et à aller en avant quand on le lui commande ; si chacun voulait marcher d’après sa propre volonté, il n’y aurait plus que confusion. Nous sommes dans une ignorance grossière de la volonté et des pensées de Dieu, et cela vient de ce que nous connaissons fort mal l’Écriture. Nous travaillons, nous nous agitons dans l’obscurité jusqu’à ce que les ténèbres nous enveloppent, et que nous voyions que nous avons dépensé notre force pour néant. Les temps où nous sommes demandent que nous soyons plus que jamais imprégnés de la vérité. Souvent la lumière est si éclatante, ou bien les ténèbres sont si épaisses, que nous n’avons pas le temps d’examiner les choses, et qu’à raison de notre ignorance et de notre imagination, « nous sommes portés çà et là par tout vent de doctrine » [Éphésiens chapitre 4 verset 14]. Seigneur, enseigne-nous, et donne-nous le courage d’agir, non seulement contre les opinions du monde, mais aussi, et cela en toute humilité quand il le faut, contre les opinions des chrétiens !

Vous me demandez ce que j’ai appris dernièrement. J’ai appris que nul autre que Dieu ne pourrait me connaître et me supporter, que les démons eux-mêmes seraient étonnés s’ils savaient ce que je suis. Dieu m’a conduite par un chemin que je ne connaissais pas, quoique j’eusse pu le connaître. Souvent je suis entièrement fatiguée de moi-même, mais Lui ne se lasse pas de moi, Il ne se décourage pas. La plus ardente de toutes les fournaises par lesquelles notre foi puisse être éprouvée, est celle qui est chauffée avec nos propres péchés. Oh ! quelles douces vérités Il fait souvent parvenir aux oreilles de Ses saints de derrière les nues ! Alors ils redoutent presque de retrouver quelque repos. — Cependant, comme l’oreille de la foi est trop étourdie par le roulement du tonnerre, tandis que nous sommes sous le nuage, pour qu’elle puisse entendre, il faut que le son doux et subtil vienne à son tour [1 Rois chapitre 19 verset 12]. Le chemin de chacun de nous est le meilleur de tous ceux que l’amour et la sagesse eussent pu imaginer, quand ils prirent conseil ensemble avant que le monde fût fait. Nos besoins ne sont pour Jésus que des occasions de nous enrichir. Quand Il nous appelle à passer par l’épreuve, nous faisons l’expérience qu’Il a suivi ce chemin avant nous, et qu’Il y a déposé des consolations insondables, afin que nous en ressortions enrichis, fortifiés et purifiés. Dans chacune de Ses dispensations Il nous dit : « Buvez, faites bonne chère, mes bien-aimés » [Cantique des cantiques chapitre 5 verset 1].

Votre tendrement attachée

T.A. Powerscourt

Lettre 52

1833
Ma chère amie,

Je désire vous envoyer un récit détaillé de ce qui concerne mon cher … parce que vous me demandez si nos prières ont été exaucées, et parce que vous avez pris part à mes circonstances. Je vous enverrai des extraits de quelques lettres, et quand vous les lirez, vous ne serez pas surprise que cette conversion presque miraculeuse que j’avais tant demandée, ait rempli mon cœur d’une joie inexprimable. J’ai été en quelque sorte témoin de la réception glorieuse qui lui a été faite lorsqu’il a été introduit au milieu des esprits des justes, au moment même où les anges se réjouissaient avec Jésus de ce que celui qui avait été mort, était vivant pour toujours ! Il me semblait que j’entendais la symphonie et les chœurs, tandis qu’il approchait de la maison. L’épreuve avait été si sérieuse ! Le Seigneur s’était montré si fidèle à répondre à chaque prière ! J’avais combattu d’une manière si évidente contre Satan en faveur de cet enfant prodigue ! Mais l’accusateur a été déçu dans son attente ; le corps a bien été frappé, mais c’est afin que l’âme fût sauvée. La légère tribulation de ce cher jeune homme a produit pour lui un poids éternel d’une gloire souverainement excellente [2 Corinthiens chapitre 4 verset 17]. Satan a agi à son égard comme à l’égard de Job ; il a en quelques moments couvert son pauvre corps d’ulcères, mais il n’a pu toucher à sa vie. Après que son âme a été délivrée d’un corps semblable à celui de Lazare, les anges l’ont transportée dans le sein d’Abraham [Luc chapitre 16 verset 22]. Le bon berger, qui l’avait cherché et trouvé, l’a mis sur ses épaules [Luc chapitre 15 verset 5] ; Il lui a appris à connaître Sa voix, puis Il l’a transporté en triomphe dans les cieux ! Jamais nous ne fûmes aussi près l’un de l’autre. Autrefois il y avait entre nous un grand abîme ; maintenant nous sommes unis pour n’être plus qu’un ; il n’y a entre nous qu’un léger voile de chair qui, à la vérité, nous empêche de nous entendre et de nous voir, mais dans très peu de temps il sera déchiré. Et pourrions-nous ne pas attendre ce moment avec confiance, puisque nous savons en qui nous avons cru, et que nous sommes persuadés que Christ est puissant pour garder notre dépôt jusqu’à ce jour-là [2 Timothée chapitre 1 verset 12] ? Il dort en Jésus, et moi je demeure en Jésus ; il se désaltère au fleuve des délices, dont les ruisseaux viennent aussi me réjouir. Nous ne nous étions jamais compris auparavant. « La foi est une substance des choses qu’on espère » [Hébreux chapitre 11 verset 1]. Il a été ôté à notre famille, mais il a été reçu dans la famille de Dieu ; il est en Jésus, « duquel toute famille dans les cieux et sur la terre tire son nom » [Éphésiens chapitre 3 verset 15]. Quelque méprisable qu’il fût devenu en vivant dans la débauche, comme l’enfant prodigue, maintenant « Jésus n’a pas honte de l’appeler frère, car Il a participé aux mêmes choses que les enfants, afin qu’Il goûtât la mort pour tout homme. Car, et celui qui sanctifie, et ceux qui sont sanctifiés, proviennent tous d’un » [Hébreux chapitre 2 versets 9 et 11].

Quoique Jésus fût sans cesse occupé à faire du bien, et qu’Il donnât tant de preuves de Sa divinité, nous Le voyons se retirer dans les déserts pour prier, parce qu’Il éprouvait le besoin de recevoir. Oh ! rappelons-nous que, quelque occupés que nous soyons d’affaires importantes ou d’œuvres de charité, nous ne pouvons jamais négliger la prière sans être aussitôt affaiblis ! — Je crains que vous ne souffriez beaucoup au sujet de …. Il doit vous être bien douloureux d’être séparée de lui tandis qu’il est malade, et vous avez besoin de vous souvenir que son corps est très précieux au Seigneur qui l’a racheté aussi bien que son âme ; il ne s’appartient donc plus à lui-même, il n’est plus à vous, il est la propriété de Jésus. Oh ! que nous connaissons encore peu la plénitude et la gratuité de Son amour ! Chaque jour nous apprend que nous n’en connaissions rien le jour auparavant, et lorsque nous serons appelés à le contempler dans toute sa réalité, nous verrons que nous n’en connaissions rien du tout. Il y a encore tant de défiance dans notre cœur, quand nous allons à Lui, comme s’Il n’aimait pas à donner, ou comme s’Il devait avancer quelque excuse pour se dispenser d’accomplir Ses promesses. Nous n’avons aucune idée de Son ardent désir de bénir, non plus que de Sa joie quand Il a l’occasion d’exercer Sa miséricorde ; c’est ainsi « qu’Il fera voir dans les siècles à venir la surabondante richesse de sa grâce, par sa bonté envers nous, en Jésus Christ » [Éphésiens chapitre 2 verset 7]. Prions, confions-nous en Lui, ma chère sœur, nous qui avons le bonheur de connaître le caractère de Celui à qui nous avons affaire ! Il est pitoyable, miséricordieux, plein de compassion ; Il attend pour faire grâce [Ésaïe chapitre 30 verset 18] ; Il garde la gratuité, et il y a rédemption en abondance par-devers Lui [Psaume 130 verset 7]. Oh ! qu’il y ait en nous bonne volonté pour recevoir et accomplir tout ce qui est du Père ; Jésus veut tout nous donner ! Prenons courage, confions-nous en Lui de plus en plus, glorifions-Le, et que notre attente soit grande ; Il veut tout nous donner ! Ce n’est pas Jésus dans l’humiliation, mais c’est Jésus dans la gloire, qui nous supplie de recevoir toute la plénitude des trésors qui sont en Lui pour nous.

Les cris que nous faisons monter jusqu’à Lui, ne sont que le résultat de son intercession pour nous, afin que nous recevions ce que nous Lui demandons de nous accorder. La voix de Jésus ne se fait entendre qu’en consolation. Tous Ses actes de souveraineté sont aussi des actes de miséricorde, quoiqu’ils puissent, pour quelques-uns, renfermer un jugement. C’était en miséricorde qu’Il agissait à l’égard d’Israël, lorsque Pharaon l’opprimait ; le cœur de Pharaon ne cessait de s’endurcir, jusqu’à ce que Dieu fit tomber sur lui le châtiment final ; et encore en cela eut-Il pour but d’accomplir Ses desseins et Ses plans de miséricorde ! Il commença par lui faire faire plusieurs messages ; puis Il envoya les trois premières plaies qui ne touchèrent pas son corps, et chacune des plaies dont Il le frappa était calculée pour l’amener à la repentance.

Déposez votre fardeau aux pieds du Seigneur, et tout ira bien ; considérez toutes les dispensations de Sa providence à la clarté des rayons qui viennent de la nouvelle Jérusalem, alors vous les verrez sous leur vrai point de vue. « Il est le Père des lumières, par-devers qui il n’y a point de variation » [Jacques chapitre 1 verset 17]. Un acte d’amour peut être très doux, quoiqu’il n’offre point de garantie pour l’avenir ; mais quand la disposition du cœur est amour, amour invariable, tout doit être amour. Les puissances du mal sont en activité ; cachons-nous dans le sein du Père ! L’Église semble avoir perdu le sens, mais Jéhovah est toujours le même, Il sait toujours ce qu’Il fait. Qu’Il vous mette, ma chère amie, dans le creux de Son bouclier !

Votre très affectionnée

Théodosia A. Powerscourt

Lettre 53

Powerscourt …
Mon cher M…

Quoique je sente le besoin de vous écrire, je n’ai pas l’espérance de vous apporter aucune consolation ; je sais par expérience que Celui qui fait la plaie peut seul la bander, que Celui qui blesse est le seul dont les mains guérissent [Job chapitre 5 verset 18] ; toutefois je ne puis m’empêcher de vous dire combien je partage votre épreuve. Peu de personnes ont eu plus de sujets de douleur que moi ; c’est pourquoi il en est peu qui doivent être capables de pleurer aussi sincèrement avec les autres, ou de leur parler autant de la consolation par laquelle elles ont été elles-mêmes consolées de Dieu [2 Corinthiens chapitre 1 verset 4]. Oh ! en vérité, dans de tels moments le monde est un bien triste néant ! Tout paraît mystérieux, confus, décourageant. Le diable suggère des questions et des sentiments de rébellion, dont la seule idée ferait horreur dans d’autres temps, et l’on croit avoir presque le droit de dire : « C’est bien fait à moi que je me sois ainsi dépité » [Jonas chapitre 4 verset 9]. Serait-ce là votre cas, mon cher M. …, ou bien pouvez-vous, à travers le nuage, discerner un sourire de paix, d’affection et d’amour sur le visage de votre Père, qui ne tient la verge qu’afin de contraindre Son enfant à se jeter dans les bras mêmes qui le châtient. Oh ! que vous êtes heureux, si vous pouvez vous approprier cette consolation ! Dieu vous épargne les horribles souffrances par lesquelles j’ai dû passer pendant un certain temps. Je savais bien alors que toutes les promesses m’appartenaient, mais elles ne pouvaient m’apporter aucune consolation, parce que je voulais m’y attacher avec ma propre force, oubliant que j’avais besoin de l’Esprit même qui avait soutenu Christ sur le calvaire. Si je n’avais pas eu les livres de Job et de Jonas, je n’aurais jamais pu croire que mon Père céleste était là, qu’Il voyait tout, et qu’Il attendait pour faire grâce à une malheureuse telle que moi. Mais « Celui qui a promis est fidèle » [Hébreux chapitre 10 verset 23] ; « Il ne vous laissera point orphelin » [Jean chapitre 14 verset 18]. C’est dans sa fidélité qu’Il vous a affligé [Psaume 119 verset 75]. Parce que vous êtes Son enfant, Il agit à votre égard comme Il a agi à l’égard de Son Fils. Quand Il vous priverait de toute communion sensible avec Lui, vous devriez vous rappeler que ce fut aussi le chemin de Celui à qui il ne restait que la force nécessaire pour dire encore : « Mon Dieu ! ». Aucune affliction n’est un sujet de joie au premier moment [Hébreux chapitre 12 verset 11] ; attendez-vous au Seigneur, et Il consolera votre cœur. Je sais qu’Il le veut. Ce Consolateur qui remplace Jésus pendant Son absence, est parfaitement suffisant pour combler le vide que vous fait éprouver le départ de votre chère enfant. Si nous pouvions avoir seulement un aperçu de Son amour dans ces dispensations douloureuses, nous pourrions dire en vérité : « Il a bien fait toutes choses » [Marc chapitre 7 verset 37]. Il n’y a rien sur la terre qui puisse nous faire comprendre combien l’épreuve de notre foi Lui est précieuse ; oh ! que sera-ce au grand jour, quand elle sera tout entière à Son honneur et à Sa gloire ! Il fallait que ce coup fût nécessaire, puisqu’Il a ainsi châtié Ses bien-aimés. Aucune angoisse n’a pu vous être épargnée, car « Il est assis, comme celui qui raffine » [Malachie chapitre 3 verset 3], près de Son feu. Cependant Il en tempère la chaleur ; Il sent toutes vos détresses, non avec la compassion d’un ami qui n’aurait jamais connu ce qu’est la douleur, mais avec la sympathie de Celui qui a été « l’homme de douleurs, sachant ce que c’est que la langueur » [Ésaïe chapitre 53 verset 3], et qui a connu par expérience tout ce que nous pouvons sentir, afin d’être en état d’avoir compassion de nos misères et de nous secourir lorsque nous sommes tentés.

Ah ! quelle leçon notre Seigneur vous donne maintenant ; les anges ne pourraient jamais la recevoir. Il vous fait apprendre par le cœur ce que vous n’aviez peut-être connu jusqu’ici que par l’intelligence, et vous trouverez que personne ne peut donner des enseignements aussi bien qu’un Père. Comme on comprend diversement ces paroles : « Tout est vanité ! » [Ecclésiaste chapitre 1 verset 2] — « Oh ! qui me donnerait les ailes de la colombe ! » [Psaume 55 verset 6]. Combien le péché doit être odieux aux yeux d’un Sauveur dont l’amour est si grand pour les hommes ! Quel lieu doit être l’enfer, puisqu’il suffit qu’il en vienne une étincelle jusqu’à nous pour que nos cœurs soient remplis de joie à la seule pensée que nous en sommes délivrés ! Combien le poids de gloire qui résulte de la tribulation doit être inexprimable et incompréhensible, puisque le Saint Esprit appelle la tribulation légère [2 Corinthiens chapitre 4 verset 17], et déclare qu’elle n’est pas à comparer avec la gloire à venir qui doit être révélée pour nous [Romains chapitre 8 verset 18] ! Quand nous sommes sous l’épreuve, nous apprenons à sympathiser aux souffrances de notre cher Sauveur ; Sa coupe est trop amère pour qu’il nous fût même possible d’y tremper nos lèvres sans être fortifiés d’en haut, aussi le Père, le Fils et le Saint Esprit semblent-ils s’unir pour nous consoler et pour nous présenter dans chaque douleur le cordial céleste des grandes et précieuses promesses. Je crois qu’il y a dans le cœur même du chrétien un certain penchant à se tourner vers les choses du temps et des sens, quoiqu’il soit convaincu qu’elles ne peuvent le rendre heureux. Les choses qui nous attachent à la terre doivent être retranchées les unes après les autres ; notre cœur est quelquefois comme brisé par cette opération, mais le Seigneur veut nous séparer du péché. Je crois que les afflictions font partie de la rédemption qu’Il nous a acquise, autant que toute autre chose, quoique jamais nous ne soyons visités par la verge, comme nous le mériterions. Il dit avec puissance : « Donne-moi ton cœur » [Proverbes chapitre 23 verset 26]. Comment pourrais-je par moi-même Lui en donner quelque partie ? Mais voilà, Il renverse nos plans et nos joies terrestres, afin que nous cherchions tout en Lui. Et pourrions-nous Lui en vouloir de ce qu’Il nous aime autant ? Lui seul a pu dire à cause de nous : « L’opprobre m’a rompu le cœur, et je suis languissant » [Psaume 69 verset 20] ; « mes larmes m’ont été au lieu de pain, jour et nuit » [Psaume 42 verset 3].

Oh ! si je pouvais par mes paroles vous apporter quelque consolation ! Je ne puis que l’essayer, et pour cela je vous dirai ce qui m’a soulagée dans mes afflictions. Il me semble que dans chaque circonstance, plus particulièrement propre à me faire sentir ma perte, Jésus ait pris plaisir à combler le vide de mon cœur par Sa précieuse présence. — Si j’ai dit dans ma révolte : Je n’ai plus de compagnon, je reste complètement seule ; Il m’a parlé avec tant de douceur dans Sa Parole, qu’en dépit de moi-même j’ai été forcée de dire : Il me suffit. — Si j’ai dit : Je n’ai personne à qui je puisse ouvrir mon cœur ; Il m’a répondu : « Alors tu prieras, et l’Éternel t’exaucera ; tu crieras, et Il dira : Me voici » [Ésaïe chapitre 58 verset 9]. — Si j’ai dit : J’ai perdu le centre de mes joies terrestres, j’ai perdu mon époux ; Il m’a répondu : « Tu m’appelleras : mon mari, et tu ne m’appelleras plus : mon Baal » [Osée chapitre 2 verset 16]. — Si j’ai dit : Je demeure sans protection au milieu d’un monde méchant ; Il m’a répondu : « Que tes veuves s’assurent en moi ! » [Jérémie chapitre 49 verset 11]. — Si j’ai dit : Je suis tout à fait dépourvue de sagesse et je n’ai personne pour me diriger ; Il m’a répondu : « On appellera son nom l’Admirable, le Conseiller » [Ésaïe chapitre 9 verset 6] ; « Je te guiderai de mon œil » [Psaume 32 verset 8]. — Ou si j’ai dit : Je n’ai point d’appui sur lequel je puisse me reposer, en traversant ce sombre et affreux désert ; Il m’a rappelé que l’Église est représentée comme « montant du désert, mollement appuyée sur son bien-aimé » [Cantique des cantiques chapitre 8 verset 5]. — Il est le même maintenant, et Il vous dit : « Pourquoi pleures-tu ? Pourquoi ton cœur est-il triste ? Ne te vaux-je pas mieux que dix fils ? » [1 Samuel chapitre 1 verset 8]. Je crois que Son amour s’est manifesté à vous d’une manière particulière. Souvenez-vous qu’au milieu des afflictions, nous pouvons jouir d’une paix qui surpasse toute intelligence [Philippiens chapitre 4 verset 7] ; notre âme peut réaliser les joies à venir et soupirer après elles, plus que dans aucun autre temps ; nous apprenons à nous mieux connaître nous-mêmes et à mieux connaître le Sauveur, ce qui, après tout, est le seul bonheur réel.

Si alors vous soulevez le voile et que vous considériez votre chère enfant dans son état actuel, vos prières sont pleinement exaucées. Regretteriez-vous qu’il ne lui ait pas été donné de mieux connaître les misères de ce monde de souffrance ? N’était-ce pas pour le Seigneur que vous vouliez l’élever ? Votre ardent désir n’était-il pas qu’elle suivît son étroit sentier ? Et qu’y a-t-il dans ce sentier ? — « Beaucoup de tribulations ». Combien elle vous a laissé en arrière ! Elle loue parfaitement son Rédempteur, tandis que vous ne savez encore que balbutier. La mort d’un enfant me semble être le triomphe de la rédemption ; il n’est laissé dans le royaume de Satan, pour un temps si court, que comme pour se rire de sa puissance. Si Dieu n’a pas jugé que ce fût trop que de livrer Son Fils à la mort pour vous, ne Lui donnerez-vous pas joyeusement votre fille pour qu’elle jouisse d’un bonheur inexprimable ? Vous ne voudriez pas la faire revenir uniquement afin de pouvoir vous entretenir avec elle. Si vous pouviez vous faire une idée de la réception qui lui a été faite, lorsqu’elle a été introduite en la présence de son Sauveur et de son Dieu ; si vous pouviez discerner la sagesse et l’amour qui ont déterminé le temps de son séjour ici-bas, non seulement vous ne vous laisseriez pas aller à la douleur, mais vous vous réjouiriez bien plutôt de cette dispensation. Par la foi vous pouvez dire : « Tout est bien » ; et si une voix pouvait vous parvenir depuis les demeures éternelles, elle répéterait : « Tout est bien ». Pour votre enfant il n’y a plus d’angoisse, plus de pensée triste ; elle ne connaît plus qu’une paix éternelle et qu’un amour sans fin pour Jésus, pour ce Jésus qui est aussi près des amis qui la pleurent, qui marche avec vous dans la fournaise, qui vous soutient de Son bras puissant, et qui bientôt vous introduira où elle est, afin qu’avec elle vous soyez éternellement heureux ; « ainsi, vous serez toujours avec le Seigneur » [1 Thessaloniciens chapitre 4 verset 17].

Je crains de vous avoir beaucoup fatigué ; ne me répondez pas si cela vous est pénible. Mes tendres amitiés à votre chère femme. Dites-lui combien je prends part à votre affliction commune ; mais elle a encore un époux, et vous encore une femme. Oh ! appréciez cette grâce pendant que vous en jouissez ! Ne parlez ni de privation, ni d’isolement, tandis que vous avez l’un et l’autre quelqu’un pour qui vous devez vivre, avec qui vous pouvez pleurer, et dont vous risquez d’augmenter la douleur en vous laissant trop aller à la vôtre propre. Puissiez-vous jouir longtemps de cette immense bénédiction ! Que Jésus lève sur vous la clarté de Sa face, afin que vous puissiez marcher à Sa lumière au milieu des ténèbres ! Que de douloureux souvenirs ne tiennent pas votre âme abaissée vers la terre ! Que la foi pénètre à travers le nuage de la souffrance, et garde vos esprits dans les hautes régions, où vous jouirez bientôt dans sa plénitude du bonheur éternel ! Encore un peu de temps, et vous contemplerez Jésus qui sera à jamais votre partage ; encore un peu de temps, et vous verrez que cette rude tempête de douleurs humaines aura poussé plus rapidement votre nacelle vers le port. Puissiez-vous expérimenter chaque jour davantage combien est précieux le baume de Galaad, et être rendus capables de dire en toute sincérité : Donne, Seigneur, tout ce que tu peux donner, sans toi je suis pauvre ; ôte tout ce que tu voudras, avec toi je suis riche.

Votre bien affectionnée en Christ

T.A. Powerscourt

Lettre 54

Bruxelles, le 1 juin 1830

… Que la bénédiction du Seigneur repose sur le lien que vous avez contracté ! Souvenez-vous que le sentier de la gloire doit être un sentier de tribulations, et qu’on peut ou beaucoup augmenter, ou beaucoup diminuer l’intensité des douleurs de la vie, suivant la manière dont on marche dans cette union-là. Le Seigneur sait Lui seul ce qui est au-devant de nous tous, et nous sommes heureux de L’avoir pour berger, c’est pourquoi nous pouvons dire hardiment, quoi qu’il puisse arriver : « Je n’aurai point de disette » [Psaume 23 verset 1]. Et quelle immensité de choses sont contenues dans ce texte si court ! Plus nos besoins sont grands, plus aussi se déploie Sa toute-puissance, tellement que nous sommes forcés de nous glorifier dans nos nécessités. La grande question est celle-ci : Sommes-nous réellement dans le chemin qui conduit à Lui ? Lorsque le rideau s’abaissera sur des amis tendrement aimés, il faudra bien que nous lâchions prise et que nous puissions dire en vérité : « Je ne crains point, car tu es avec moi » [Psaume 23 verset 4]. Je vous parle de choses qui peuvent paraître extraordinaires, puisqu’il s’agit d’un mariage ; cependant, comme, au milieu même de la vie, nous sommes dans la mort, il nous serait bon de ne jamais perdre de vue cette pensée solennelle, nous devons mourir. Il nous serait bon de chercher à réaliser ce que nous éprouverons, lorsque, seuls avec Jésus, nous passerons dans ce lieu que nous n’aurons jamais connu auparavant. La mort n’a rien de terrible pour le croyant. Dernièrement, j’ai été appelée à la contempler en face, et je puis affirmer que, si elle remplit de terreur l’impie, l’enfant de Dieu y trouver les motifs d’une confiance si sainte, qu’il la considère comme un sûr passage pour aller à Jésus. Mais pour cela il faut que nous cultivions dès maintenant l’intimité de cet ami céleste ; que nous fassions l’expérience de ce qu’Il est ; que nous nous placions entièrement sous Sa protection, afin que, lorsque nous irons au-devant de Lui, nous soyons remplis d’allégresse en voyant Celui que nous aurons aimé. Si, pendant que nous marchons dans les sentiers de la justice, Il nous entoure de Sa fidélité, nous ne pouvons craindre qu’Il veuille nous abandonner, lorsque nous en serons au dernier pas de la foi. Pour le croyant, il n’y a point de vallée sombre et ténébreuse dans les lieux où l’on jouit de la clarté de l’Agneau et où l’on est sous Son arc-en-ciel, il n’y a besoin ni du soleil, ni de la lune. Oh ! quelle fête splendide peuvent faire les petits chiens, en ramassant les miettes qui tombent de la table des enfants [Marc chapitre 7 verset 28] ! — Je veux parler du grand privilège que nous avons de pouvoir participer aux promesses faites aux Juifs (voyez Ésaïe chapitre 43). Il nous a rachetés ; Il nous a appelés par notre nom ; Il n’a point épargné Son Fils unique pour nous ; nous sommes à lui ; nous lui sommes précieux ; Il nous a rendus honorables ; Il nous aime ; Il nous a créés pour sa gloire, c’est pourquoi Il nous dit aussi : « Ne crains point ; ne crains point, car je suis avec toi » [Ésaïe chapitre 41 verset 10]. Si, pendant cette année, nous sommes appelés à passer par les eaux des inquiétudes, des angoisses et des désappointements de la vie, il est écrit : « Ô Israël ! ne crains point ! Je suis avec toi, moi, le Seigneur ton Dieu, le Saint d’Israël, ta propriété, ton Sauveur. Je suis avec toi ! » [Ésaïe chapitre 43 versets 1 à 5].

Lettre 55

Bruxelles, le 23 février 1830

… Qu’elle est heureuse ! Elle a la couronne sans la croix ! Oh ! n’aimerions-nous pas ce Sauveur qui a ôté de la coupe toute amertume, pour n’y laisser que de l’amour ? Vous ne voudriez pas, uniquement afin de pouvoir jouir de sa société, qu’elle fût restée dans un monde tel que celui-ci, où le vrai bonheur ne se trouve que dans l’océan de tribulations à travers lequel vous passez vous-même dans ce moment. Elle n’a paru ici-bas que pour montrer comment une douce fleur s’épanouit dans le paradis. Maintenant elle est parfaitement en sûreté dans l’écrin de son Dieu, jusqu’au jour où Il mettra à part Ses plus précieux joyaux. Je n’ai pas vécu dans ce monde beaucoup plus longtemps qu’elle, et j’ai compris, en partie au moins, pourquoi Dieu nous y a promis beaucoup de tribulations. Dans les paroles de la vérité, il y a un sens si profond, qu’une profonde expérience est nécessaire pour nous le faire comprendre, et une telle expérience ne s’acquiert qu’à l’école de l’affliction. Il vaut la peine de passer par les sentiers de la douleur pour n’avoir que les arrhes de ce dont jouit celle que vous pleurez, car ces arrhes seules surpassent de beaucoup tout ce que vos vœux les plus ardents auraient pu lui apporter. Serrez comme un trésor ces moments précieux, éclairés par la fournaise. Le doigt de Dieu a comme écrit sur toutes les choses d’ici-bas : « Tout est vanité » [Ecclésiaste chapitre 1 verset 2]. Combien nous nous sentons rapprochés de l’autre monde, quand nous pensons qu’une personne qui a été élevée avec nous, et qui avait en commun avec nous chaque désir et chaque intérêt, y a été introduite ! L’objet sur lequel s’étaient concentrées nos affections a été transporté de la terre au ciel, afin que nos cœurs fussent tirés en haut.

Il nous faut ces réalités-là, afin que nous vivions dans la réalité. De profession nous sommes croyants, mais trop souvent nous sommes athées dans notre vie. Devant vivre pour l’éternité, il faut que nous soyons véritablement ce que nous paraissons être. Tandis que l’époux tarde à venir, nous nous plongeons dans un stupide sommeil, ou bien, comme des insensés, nous rêvons d’un bonheur terrestre. C’est ainsi que sans cesse nous avons besoin d’être réveillés, afin que nous rejetions nos œuvres de ténèbres, et qu’à l’appel de l’époux, nous soyons trouvés revêtus de lumière.

Quelqu’un a dit que ceux qui passent le plus facilement au travers du monde, sont ceux qui ne font que s’y glisser promptement, parce que, le monde étant comme une fondrière, si on s’y arrête on y enfonce.

Notre cher M… a vraiment beaucoup souffert. Il a maintenant le privilège d’être appelé à montrer d’une manière vivante à ceux auxquels il a pendant longtemps parlé de son Seigneur, qu’il y a en lui une source de consolations que le monde ne connaît point. Le grand Cecil commença à être arrêté dans sa carrière d’incrédulité, en observant cela chez sa mère. Ce fut pendant la nuit qu’il fit les réflexions suivantes : « Je vois deux faits incontestables. Premièrement, ma mère est grandement affligée, et dans son corps et dans son esprit ; et cependant, en se retirant fréquemment dans son cabinet pour être avec son Dieu et avec sa Bible, elle trouve un secours puissant qui lui fait tout supporter avec joie. Secondement, elle a une source secrète de consolations que je ne connais point ; tandis que moi qui m’abandonne sans frein à tous mes désirs, et qui cherche des jouissances par tous les moyens possibles, je n’en trouve que rarement ou jamais. S’il y a dans la religion un semblable secret, pourquoi ne le trouverais-je pas, aussi bien que ma mère ? Je le chercherai immédiatement auprès de Dieu ». Il se leva à l’instant même et se mit à prier. — Oh ! que Dieu donne la foi à M…, afin qu’il Le glorifie dans le feu ! Puisse-t-il ne pas donner, par une douleur excessive, une fausse idée de Celui qui a répondu avec tant de tendresse à ses prières de plusieurs années, et qui lui a accordé d’entendre celle qui n’est plus auprès de lui maintenant, parler de sa paix ! Bientôt il verra combien elle est heureuse ! Ne vaut-il pas mieux pour lui qu’elle soit sûrement cachée dans le sein d’un amour dont il a fait l’expérience, et dans lequel il peut se confier, que d’avoir été laissée dans un monde de souffrances et de tentations ? Ce n’est pas peu de chose que de faire profession d’aimer « un Dieu jaloux ». Parce que l’épreuve de notre foi est beaucoup plus précieuse que l’or périssable [1 Pierre chapitre 1 verset 7], il faut que nous passions par l’épreuve, et Il daigne nous dire qu’elle tournera à louange, à honneur et à gloire à Son apparition. Nous pouvons parler, ou souffrir, ou agir, ou mourir ; mais Christ dit : « Il te manque une chose » ; prouve-moi que je te suis plus précieux que ta plus chère idole !

Quel vide vous devez éprouver tout autour de vous et dans tout ce que vous faites ! Mais la fin de toutes choses est proche [1 Pierre chapitre 4 verset 7]. Que votre foi contemple sur la montagne de Sion celle que vous aimiez, et qu’elle ne considère les choses présentes que comme étant déjà passées ! Une montagne paraît sous un aspect bien différent, suivant qu’on la regarde depuis le sommet ou depuis le pied. Ne vous arrêtez pas à considérer le chemin ; vous connaissez Celui qui s’est engagé à vous y faire passer ; « vous marcherez de force en force » [Psaume 84 verset 7]. La fournaise sera chauffée d’une manière proportionnée à votre foi ; Il est Celui qui raffine, qui a balayé la maison, qui a cherché Son or, et qui s’est réjoui après l’avoir trouvé ; vous ne serez pas perdue, car son nom est en vous. Il vous dit : « Voici, je viens promptement » [Apocalypse chapitre 22 verset 12]. Que l’espérance déploie l’aile de la contemplation, qu’elle vole au-dessus de toutes les barrières, et qu’elle vous fasse anticiper le moment où vous irez à la rencontre de l’Époux auquel vous êtes fiancée, où vous serez réunie à toute la famille de Dieu, et où la joie et la douleur seront l’une et l’autre englouties dans la vie de l’espérance ! Oh ! quand Il bénit, Il bénit comme Dieu, c’est pourquoi vous serez satisfaite de Lui ; Il se réjouira à cause de vous, car le jour de la joie de Son cœur a été le jour de Ses épousailles ! Vous entrerez dans la joie de votre Seigneur, satisfaite du chemin par lequel vous y aurez été amenée, satisfaite des provisions que vous trouverez dans la maison du Père, satisfaite de Sa ressemblance en vous-même. Les membres de la grande famille se diront les uns aux autres : « Ce que nous avions ouï dire est véritable ; on ne nous en avait pas rapporté la moitié » [2 Chroniques chapitre 9 verset 6]. — « Oh ! que tes biens sont grands, lesquels tu as réservés pour ceux qui te craignent ! » [Psaume 31 verset 19]. Notre chant général sera : « Digne est l’Agneau » [Apocalypse chapitre 5 verset 12], et notre chant particulier : « Notre Jésus a bien fait toutes choses ».

Puisque tout cela est véritablement nôtre, vous lamenteriez-vous ? Puisque tout cela est déjà à votre chère sœur, murmureriez-vous ? Oh ! non ! qu’au contraire le reste de votre vie fasse éclater votre reconnaissance envers Celui qui a arraché une sœur si chère de la gueule du lion ; qui l’a transportée du royaume des ténèbres, dans le royaume du Fils de Son amour [Colossiens chapitre 1 verset 13] ; qui l’a élue en Lui avant la fondation du monde [Éphésiens chapitre 1 verset 4] ; qui a écrit son nom dans le livre de vie ; qui lui a donné une paix parfaite en Jésus ; qui a si doucement transporté cet agneau dans Ses bras ; qui n’a cessé de l’accompagner de Sa bonté et de Sa miséricorde, jusqu’à ce qu’Il l’ait établi sûrement dans la maison paternelle. Soit que nous veillons, soit que nous dormions, nous vivons ensemble avec Lui [1 Thessaloniciens chapitre 5 verset 10] ; nous reposons sur le même sein, qui ne respire qu’amour, et c’est en en faisant l’expérience que vous penserez au bonheur de celle que vous pleurez, et que vous vous souviendrez que « Celui qui a promis est fidèle » [Hébreux chapitre 10 verset 23]. Considérez la douleur de votre cher père, et rappelez-vous que Celui qui tient la verge a dit : « De telle compassion qu’un père est ému envers ses enfants, de telle compassion l’Éternel est ému envers ceux qui le craignent » [Psaume 103 verset 13]. Le temps est court, et ce n’est pas à vous lamenter que vous devez l’employer. Vous êtes appelée à glorifier votre Dieu ici-bas, et vous ne pourrez pas le faire de la même manière pendant toute l’éternité. Le matin s’approche ; « ne dormez pas comme les autres » [1 Thessaloniciens chapitre 5 verset 6] ! Soyez une lumière, en retenant la Parole de vérité. Qu’on puisse lire en vous : « Le Seigneur châtie celui qu’Il aime » [Apocalypse chapitre 3 verset 19] ! J’éprouvais le besoin de vous rappeler Celui que vous connaissez déjà, qui est particulièrement avec vous dans ce moment, et qui aide toujours dans le temps de l’angoisse, en apportant la consolation que Lui seul peut donner. « Dans toutes vos angoisses, Il est en angoisse » [Ésaïe chapitre 63 verset 9]. Que cette vérité entre en vous, et répande dans votre cœur la paix de Dieu qui surpasse tout intelligence [Philippiens chapitre 4 verset 7] !

Lettre 56

Bushy, octobre 1835

… J’ai confiance que ce qui est arrivé nous attachera plus fortement au ciel, si nous le recevons comme venant de Dieu ; s’il en était autrement, ce ne serait pas Sa faute, car ce qu’Il se propose dans tous Ses dons, c’est de bénir avec abondance. Tout ce qui descend dans le grand linceul jusqu’à nous, étant purifié par le Seigneur, n’est plus ni souillé ni impur [Actes chapitre 10 versets 11 à 15], s’il nous est donné de le recevoir comme venant du ciel et non de la terre. Jésus se réjouit de la joie de Son peuple ; Il a appris à pleurer avec ceux qui pleurent, afin de pouvoir être capable de se réjouir avec ceux qui se réjouissent [Romains chapitre 12 verset 15]. C’est ainsi que nous devrions être, si nous sentions davantage les besoins de l’Église, et moins nos besoins particuliers ; la joie de chacun de ses membres nous rendrait plus heureux que notre seule joie, et Jésus aime à nous voir heureux. Il a été un homme de douleurs, afin que nous fussions dans la joie ; et c’est la plus douce récompense que nous puissions Lui donner, car qu’aurait-Il pu faire de plus pour nous que ce qu’Il a fait ? Il est venu afin que nous eussions la vie ! Il a parlé afin que notre joie fût accomplie ! Nous sommes unis à un cœur qui a été brisé, qui est rempli des plus tendres sympathies, et dont chaque sympathie est remplie de vie. Il a connu toute la puissance de la mort ; Il a réalisé la Parole tout entière, et maintenant Il doit avoir toute gloire. Tout peut être pour nous la communion au corps de Christ dont nous devons nous nourrir par la foi avec actions de grâces. Puissiez-vous faire cette expérience dans votre cher petit enfant ! Le gâteau accompagnait toutes les autres offrandes, et il était mangé par le grand sacrificateur dans le sanctuaire, parce qu’il était très saint ; c’était aux sacrificateurs qu’appartenaient toutes les choses consacrées. Nous devons craindre, non pas de trop aimer les objets terrestres, mais de les aimer mal ; le but de Dieu est, non de détruire les affections, mais de les diriger. Le potage empoisonné est une image du cœur naturel de l’homme. Dès que le prophète y eut jeté de la farine, il dit : « Qu’on en dresse à ce peuple, afin qu’il mange ; et il n’y avait plus rien de mauvais dans la chaudière » [2 Rois chapitre 4 verset 41]. De même, dès que le cœur de Dieu est entré en relation avec l’homme ; dès que la poignée de farine a été jetée dans le cœur du saint, Dieu lui commande de répandre tout autour de lui les fruits de cette union. Il y a un principe fondamental qui gouverne tous nos sentiments ; il n’en diminue pas la puissance, mais il y produit une volonté nouvelle ; nos affections montent ainsi au travers du cœur de Jésus, qui est un cœur filial, et elles deviennent aussi filiales ; il n’y a plus qu’une volonté, tout devient un. Je crois avoir observé qu’en entrant dans la vie chrétienne, nous nous occupons beaucoup de la manière dont nous croirons, dont nous agirons, et dont nous souffrirons, mais que nous ne considérons l’amour que comme une facile jouissance. Actuellement je trouve que quelque difficile qu’il soit de croire, de travailler et de souffrir, rien n’est aussi difficile que d’apprendre à aimer. Il est extrêmement dangereux d’aimer mal ; rien dans notre vie ne pourrait nous faire autant souffrir.

Ouvrez largement votre cœur à l’amour qui vient du ciel ; maintenez-le dans sa pureté, pour réjouir le cœur de Celui qui a été privé de toute joie, quand Il est devenu l’homme de douleurs. Aujourd’hui, « aussi longtemps qu’il est dit : aujourd’hui » [Hébreux chapitre 3 verset 13], travaillons, exhortons-nous les uns les autres, soyons vigilants et actifs, car demain nous verrons Jésus et tous Ses saints avec Lui ! Hier c’était la croix ; demain ce sera la gloire ; aujourd’hui c’est Christ, c’est le jour du salut ! Pour moi vivre c’est Christ [Philippiens chapitre 1 verset 21] ; qu’il en soit ainsi pour nous tous ! Je crois que je ne désire aucune autre chose que d’être employée comme Il le voudra, pour Sa gloire ; mais que de fois notre volonté prétend être la sienne ! Il y a beaucoup d’instruction à retirer de ce verset : « Quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra, et te conduira où tu ne voudrais pas » [Jean chapitre 21 verset 18]. Avec quelle lenteur nous apprenons à étendre nos mains, et à nous abandonner à la volonté d’un autre ! Oh ! qu’Il nous ceigne Lui-même, et qu’Il nous mène où nous ne voudrions pas !

Lettre 57

Le 16 juillet 1833
Mon cher Monsieur,

Oh ! quelle consolation, lorsqu’Il paraîtra sur la sainte montagne, pour mettre tout en ordre, avec la même joie et la même bonne volonté qu’Il nous a montrées jusqu’à maintenant dans l’œuvre de la rédemption ! L’amour poursuit toujours rapidement son objet, quelle que soit la distance à laquelle il le voit devant lui ; il s’empresse de guérir celui qui est retourné au mal, et de le recevoir en grâce et en compassion. Dans chaque tentation, Dieu donne une issue ; tandis que nous prions encore, Il nous exauce ; Il est avec nous dans l’affliction ; s’Il se cache, ce n’est que pour un petit moment ; Il nous aime avec tendresse. Jésus vient promptement ; Il ne tardera pas un instant au-delà du temps marqué. Si l’amour a pu Lui faire appeler la souffrance, Sa nourriture et Son breuvage, tant était grande la joie qui était devant Lui, quelle ne sera pas l’allégresse de Son cœur, lorsqu’Il viendra pour prendre les siens auprès de Lui, afin que là où Il est, ils y soient aussi [Jean chapitre 17 verset 24] ! La voix puissante qui criera : « Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande » [Apocalypse chapitre 18 verset 2], ne se sera pas plus tôt fait entendre, qu’il viendra du ciel une autre voix disant : « Sortez du milieu d’elle, mon peuple » [Apocalypse chapitre 18 verset 4] ! Aussitôt après la tribulation de ces jours-là, le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel ; lorsque le dernier élu aura été engendré dans le monde, et qu’il aura été préparé pour la gloire, Jésus sera prêt ; et comme s’Il ne pouvait attendre que tout fût disposé sur la terre pour Sa réception, « nous serons ravis dans les nuées, à la rencontre du Seigneur en l’air » [1 Thessaloniciens chapitre 4 verset 17]. Il se souviendra qu’Il a des joyaux en Babylone, et Il les rassemblera pour qu’ils soient Sa couronne, lorsque, comme roi, Il sera sur le point de visiter la terre. Il viendra sans retard au-devant de Son Épouse ; car le dernier message qu’elle a reçu de Lui, et qu’elle garde comme un précieux trésor, est celui-ci : « Voici, je viens promptement » [Apocalypse chapitre 22 verset 12] ! — « Mon bien-aimé, hâte-toi, et sois semblable à un chevreuil, ou à un faon de biche, sur les montagnes des drogues aromatiques » [Cantique des cantiques chapitre 8 verset 14]. La prophétie seule peut nous donner une sainte impatience, tout en nous gardant dans la disposition d’esprit de Lot, qui aurait voulu retirer tous ses enfants de devant le mal, et qui les attendait. Si l’on reste uni au mal, on n’est pas préparé, car quelques-uns des enfants de Lot furent laissés à Sodome. Si l’on aime encore le mal, on n’est pas préparé, car la femme de Lot regarda en arrière. L’âme doit être affligée de l’impiété de ceux qui l’entourent. Puissions-nous être du nombre de ceux qui soupirent et qui s’affligent, et non pas de ceux qui aiment l’état actuel des choses ! Si le témoignage qui doit être rendu à Dieu dans le monde, a été grandement affaibli par l’infidélité de Son peuple, nous devons travailler individuellement, afin que Sa vérité brille en nous. Oh ! qu’Il prenne soin de la précieuse semence qu’Il a déposée dans le terrain stérile de nos cœurs, afin qu’elle ne soit pas étouffée ! Qu’Il arrache toutes les mauvaises herbes, et donne l’accroissement à Ses précieuses plantes qu’Il a transportées des cieux sur la terre, et qui sont les grâces diversifiées de Son Esprit ! Que sous les soins elles s’épanouissent promptement, afin qu’elles deviennent des fleurs resplendissantes de beauté, riches de verdure, et toujours propres à publier Sa louange !

Votre très affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 58

Lough-Bray, le 26 novembre 1833

Vous voyez, mon bien-aimé frère, quelle triste correspondante je suis, mais nous savons que bientôt nous nous rencontrerons pour ne plus nous séparer. Dieu, dans sa grâce, nous accorde ce temps-ci pour travailler, et nous ne devons nous y adonner qu’à des occupations légitimes. Notre correspondance me semble pouvoir être rangée parmi les travaux de l’amour, car ce n’est pas sur des sujets inutiles que nous nous écrivons. J’aimerais que vous vinssiez nous voir. Comme je vous l’ai écrit précédemment, je sens que je ne connais que bien peu quels sont vos combats extérieurs et intérieurs. Racontez-moi dès le commencement l’histoire de vos épreuves, de vos expériences et de vos joies ; dites-moi si actuellement vous êtes heureux en croyant, si votre foi est sans nuage, si elle réalise les promesses par l’espérance, et si la joie de l’Éternel est votre force [Néhémie chapitre 8 verset 10]. Ne passez pas sous silence les détails, car c’est ainsi que vous me prouverez que vous avez confiance dans l’intérêt et dans l’affection que je vous porte.

Le Seigneur aime à s’occuper des moindres circonstances de notre vie, et moi je désire connaître tout ce qui peut vous intéresser. Nous sommes ici-bas pour souffrir les uns avec les autres, et pour communiquer au monde les bénédictions qui viennent d’en haut. Jésus veut-Il fortifier ? Il le fait ordinairement par le moyen de l’un de Ses enfants. Veut-Il consoler ? Veut-Il donner à connaître Sa sympathie ? Il le fait encore en se servant de quelqu’un de Ses enfants. Nous perdons beaucoup, lorsque, par orgueil, nous ne voulons pas dépendre les uns des autres. La dépendance est la vraie position du chrétien, et elle est pour son bonheur. Ce fut sans doute avec une joie nouvelle que Jésus apprit tout à la fois, dans Son humanité, à dépendre de Son Père et des créatures. Celles-ci Le servaient. Il attendait d’elles quelque compassion. Oh ! si nous vivions comme membres de Christ, et comme membres les uns des autres, nous serions tous les uns pour les autres un appui et un soutien ! Telle a été, je pense, l’intention de Christ à l’égard de l’Église. Dans Sa sagesse, Il a vu ce dont nous avions besoin, et Il y a pourvu. Ses pensées, à notre égard, ne sont qu’amour et miséricorde, mais nous répondons bien mal à Ses intentions ; toutefois, il est beau de voir comme Il comprend nos besoins. Oh ! que sera-ce, lorsque nous les connaîtrons nous-mêmes dans toute leur étendue, et qu’Il aura pleinement satisfait à tous ! « Je serai rassasié de ta ressemblance, quand je serai réveillé » [Psaume 17 verset 15]. Par la foi nous avons vu la gloire de notre Seigneur ressuscité, et rien ne peut nous rassasier que Sa résurrection. Pour que nous pussions trouver du bonheur ici-bas dans l’état actuel des choses, il faudrait que nous crussions à quelque mensonge de Satan ; mais nos illusions ne sont jamais de longue durée, parce que, en empêchant que Dieu ne se voie dans les choses qu’Il a créées, Satan Lui-même a détruit toutes les jouissances qu’elles auraient pu nous procurer. La résurrection seule est un don digne de Dieu ; elle est aussi le seul don qui nous convienne, à nous qui sommes ressuscités avec Christ et unis à Christ dans Sa résurrection, et nous ne pouvons pas mieux prouver à Satan que tout ce qui est à Christ nous appartient, qu’en ne recevant absolument rien de Lui.

Les choses de ce monde et celles du royaume de Christ doivent être à jamais distinctes. Les unes sont d’en bas, les autres sont d’en haut ; les unes sont de Satan, le dieu de ce monde, les autres sont du Père, et elles sont la récompense qu’Il a préparée pour Son Fils, qu’Il a ressuscité d’entre les morts, et qu’Il a établi Seigneur de la création renouvelée (Romains chapitre 8 verset 20). Quoique la terre et toutes les choses qui sont en elle, aient été maudites à cause du péché, elles nous paraissent fort agréables ; mais en même temps tout nous y rappelle que c’est Satan qui règne. Notre vraie position est donc d’attendre avec la création la révélation des fils de Dieu, lorsque la création tout entière se revêtira de ses vêtements magnifiques, et qu’elle se couvrira du manteau de la résurrection et de la robe de la gloire pour saluer le Roi des rois. Il nous est bon, quant aux choses qui nous environnent, d’en connaître le moins possible selon la chair, car la force de ce monde est une défiance de la toute-puissance ; ses richesses ne font que nourrir la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie [1 Jean chapitre 2 verset 16] ; sa sagesse a rejeté et rejette encore Celui qui a toute la sagesse de Dieu ; ses affections sont l’amour du monde qui est de l’inimitié pour Dieu ; sa gloire consiste à avoir mis à mort le Prince de la vie. Le monde présente de belles ruines qui attirent nos regards ; mais, lorsque nous pénétrons dans l’intérieur, nous y voyons le sépulcre de Jésus. Oh ! si quelqu’un des chefs de ce siècle eût connu Celui qui est notre espérance, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la gloire [1 Corinthiens chapitre 2 verset 8] ! Rien ne se lie mieux à la résurrection que l’espérance, aussi Satan s’oppose-t-il fortement à l’attente du second avènement de Christ. « Béni soit Dieu qui nous a réengendrés pour une espérance vivante, par la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts ! » [1 Pierre chapitre 1 verset 3]. C’est par la puissance de cette espérance, qui est la puissance de la résurrection, que nous pouvons nous élever comme avec des ailes d’aigle, nous séparer de tout ce qui nous environne, et demeurer à distance de tous les objets terrestres. L’espérance nous rappelle aussi avec puissance maintenant, que « tout don parfait est d’en haut, descendant du Père des lumières » [Jacques chapitre 1 verset 17] ; que c’est Lui qui nous donne « la sagesse qui vient d’en haut » [Jacques chapitre 3 verset 17], une volonté nouvelle, des affections nouvelles, un goût nouveau, une intelligence nouvelle, et que ce ne sont pas nos anciennes facultés qui sont sanctifiées. Puissions-nous, cher frère et ami, être en état de digérer ces vérités, de telle manière que la santé et la force se répandent par leur moyen dans toute notre économie spirituelle ; puissions-nous, nous qui vivons au milieu des morts, être rendus capables de soutenir le droit et la cause de Jésus dans le temps où Il est rejeté !

Comme vous le voyez, je vous écris de Lough-Bray, qui n’est qu’une petite maison construite pour la pêche, au bord d’un lac environné de hautes montagnes, dont l’aspect majestueux et menaçant semble dire qu’elles sont là pour garantir de tout mal les enfants du Très-haut. « Depuis la création du monde, ce qu’on ne peut voir de Dieu, soit sa puissance éternelle, soit sa divinité, se voit clairement étant considéré dans ses ouvrages » [Romains chapitre 1 verset 20], et il en sort une voix qu nous dit : « Toutes choses sont à vous » [1 Corinthiens chapitre 3 verset 23], même toute cette majesté, toute cette grandeur ; car, de même que les montagnes entourent le lac, de même la miséricorde nous environne de tous côtés. Nous sommes à trois milles de Powerscourt, sur les montagnes de Glenchree, où j’avais l’habitude de visiter les catholiques romains ; notre plus près voisin est un prêtre. Ceux qui ne jugent que d’après leurs sentiments nous annoncent que nous serons enfermés par les neiges et exposés à avoir faim, que nous serons privés de tout secours en cas de maladie, que nous mourrons de froid, que nous serons assassinés par les catholiques romains, etc. ; mais, à tout cela, je réponds qu’il est écrit : « Que tes veuves s’assurent en moi » [Jérémie chapitre 49 verset 11].

Jésus voyant qu’une grande troupe allait avec Lui, se tourna et dit : « Quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il a, ne peut être mon disciple » [Luc chapitre 14 verset 33]. Le vrai disciple doit s’exposer au blâme de ceux qui suivent Jésus sans Le connaître tel qu’Il est. Nous savons que ce sont nos cœurs qui doivent être détachés de ces bagatelles, c’est pourquoi nous pensons que les démarches extérieures ne sont pas d’une grande importance ; mais si nous déclarions pleinement que notre royaume n’est pas d’ici-bas et que nous attendons la ville que Dieu nous a préparée, tant de personnes qui tiennent encore au monde calculeraient au moins la dépense, et elles ne chercheraient plus à étendre des tapis sur le chemin des cieux. Je me suis donc retirée dans une petite maison, afin de faire mieux comprendre mon principe. Mais c’est Dieu qui a tout fait ; je me suis défendue aussi longtemps que je l’ai pu ; j’ai dit : C’est impossible, mais Il m’a fait avancer avec puissance ; alors les ténèbres qui étaient devant moi sont devenues lumière, les lieux tortus ont été redressés, et croyez-vous qu’Il veuille me laisser ? « Ils recevront le centuple en ce temps-ci, et dans le siècle à venir la vie éternelle » [Marc chapitre 10 verset 30].

C’est une folie que de résister à sa conscience ; il vaudrait mieux faire mille extravagances, si elles étaient l’expression d’un désir sincère de suivre le Seigneur à tout prix. Si quelqu’un veut faire Sa volonté, il connaîtra Sa doctrine [Jean chapitre 7 verset 17], tandis que celui qui résiste à sa conscience ne fera aucun progrès.

Lettre 59

Mon cher frère dans le Seigneur,

Quelle est de ces deux choses la plus merveilleuse, ou qu’une masse mouvante de péchés soit regardée comme sainte, innocente, sans souillure, ou que Celui qui n’a pas connu le péché, soit traité comme une masse de péchés ? Et n’en est-il pas réellement ainsi ? Celui qui a été offensé, n’a-t-Il pas enduré la peine que la loi prononçait contre le coupable ? L’espace infini qui séparait Dieu du pécheur n’a-t-il pas été comblé par Dieu Lui-même ? Dieu n’a-t-Il pas été fait os de nos os, et chair de notre chair ? Ne prend-Il pas même l’attitude du mendiant pour supplier le pécheur de se réconcilier avec Lui [2 Corinthiens chapitre 5 verset 20] ? La terre pourrait-elle mettre sous nos yeux un mystère plus étonnant et plus merveilleux ? — Et cependant le pécheur refuse de se réconcilier ! Cieux, écoutez, et toi terre, prête l’oreille, et apprenez à connaître la sagesse diversifiée de Dieu dans Ses tendres compassions ! Combien il nous est précieux de savoir que, s’il y a un manque de bonne volonté, c’est toujours de notre côté qu’il se trouve ! Quiconque va à Dieu peut donc être assuré d’être accueilli avec amour, quelque distant que soit le lieu de son départ. Lors même que l’Éthiopie ne ferait qu’étendre ses mains vers Lui, encore ne serait-elle point repoussée. Fussions-nous parvenus aux dernières limites du péché, de la douleur, du remords, des angoisses, de l’endurcissement, de l’incrédulité, de l’ingratitude, du retour au monde, encore est-il écrit : « Il peut sauver entièrement ceux qui s’approchent de Dieu par lui » [Hébreux chapitre 7 verset 25]. Oui, nous Lui sommes précieux. Il nous a estimés autant que Son précieux sang. Nous portons dans notre corps, comme dans un écrin, une perle de grand prix pour Jésus, une des perles qui font partie de Sa couronne de gloire. Gardons-la avec soin ; estimons-la hautement, et ne jetons pas aux pourceaux ce qui doit être une couronne d’ornement dans la main de l’Éternel, et une tiare royale dans la main de notre Dieu !

Cependant entre toutes ces merveilleuses vérités qui sont presque trop excellentes pour que nous puissions les croire, celle que j’ai mentionnée en premier lieu me paraît la plus remarquable ; c’est que, de même que Jésus notre garant a été traité comme nous méritions de l’être, de même nous sommes entièrement traités comme notre garant le mérite ; que, comme Dieu aime Christ, de même Il nous aime ; que, devant la cour de justice, nous ne sommes qu’une seule et même personne avec Lui, et que nous y serons considérés comme ayant fait ce qu’Il a fait et souffert ce qu’Il a souffert. Si l’on demande jusqu’à quel point nous sommes un avec le second Adam, je réponds que nous sommes un avec le second, autant que nous sommes un avec le premier. Recevons dans son entier cette vérité consolante, afin que toutes les fois que nous sommes forcés de nous rappeler que nous sommes un avec le premier Adam, nous nous souvenions aussi combien nous sommes étroitement unis au second. Nous ne dirons plus alors : Dieu est-Il irrité contre moi ? mais plutôt : Dieu serait-Il irrité contre Son Fils ? Nous ne dirons pas non plus : Me condamnera-t-Il ? mais plutôt : Condamnerait-Il mon garant ? Le vêtement de la justice de Dieu est suffisant pour nous couvrir entièrement. Et maintenant trouverions-nous encore du plaisir dans les choses auxquelles nous sommes morts ? « Nous qui sommes morts au péché, comment y vivrions-nous encore ? » [Romains chapitre 6 verset 2] ; « Faites votre compte que vous êtes morts au péché, mais vivants à Dieu, en Jésus Christ » [Romains chapitre 6 verset 11]. « Si donc vous êtes ressuscités avec Christ, cherchez les choses qui sont en haut, où Christ est assis à la droite de Dieu » [Colossiens chapitre 3 verset 1]. Le bruit de la vie ne devrait pas être pour nous plus que le bourdonnement des mouches autour d’un corps mort. Puisque le Père nous considère comme étant un avec Son Fils dans Sa mort, considérons-nous nous-mêmes comme étant un avec Lui dans notre vie, pour aimer ce qu’Il aime, pour désirer ce qu’Il désire et pour haïr ce qu’Il hait. L’amour est tout ce qu’Il demande, en retour d’un amour que beaucoup d’eaux ne pourraient éteindre [Cantique des cantiques chapitre 8 verset 7]. Oh ! puissions-nous sans cesse nous rappeler que lors même que nous donnerions nos biens, notre temps, nos talents, tout en un mot, si notre cœur aime encore les idoles, Il n’en fera aucun cas.

Lettre 60

Londres, le 8 mai 1833

Je veux m’accorder le plaisir de vous écrire, cher et bon ami en Jésus. Nous ne communiquons pas beaucoup ensemble pendant le chemin, mais nous aurons d’autant plus à nous dire à la fin du voyage. Notre histoire sera merveilleuse, telle que celles que les anges aiment à entendre. Alors toutes les épreuves de notre foi seront à la louange et à la gloire de Jésus ! Nous exprimons notre amour pour Dieu de beaucoup de manières, et Son cœur en est réjoui ; mais Il est un Dieu jaloux, à qui les paroles ne suffisent pas. La question si sérieuse : « M’aimes-tu plus que ne font ceux-ci ? » [Jean chapitre 21 verset 15] revient sans cesse. Il faut que nous soyons éprouvés pour connaître combien notre foi est petite. La fournaise doit être chauffée en proportion de l’augmentation de notre foi. Est-ce parce que Dieu prend plaisir à affliger ? Oh ! non ; mais l’épreuve fortifie la foi, et le feu en consume l’écume ; l’épreuve est plus précieuse à Dieu que l’or, parce que la foi la supporte. Il aime à voir des preuves de l’amour de Son enfant, et à l’entendre dire : « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime » [Jean chapitre 21 verset 17]. Chaque dispensation douloureuse n’est-elle pas un messager qui vient directement de Son trône à notre cœur ? Si alors il nous semble que nous aurions supporté toute autre chose mieux que cela, souvenons-nous que le plus grand honneur que Dieu puisse nous faire, c’est de chauffer la fournaise autant que possible, parce que c’est alors qu’Il peut nous dire : « Ta foi est grande ». Les petites fournaises sont pour la petite foi. Oh ! calculons bien la dépense, lorsque nous disons : Je crois. Le sens de ce mot, dans le dictionnaire de Dieu, est d’une grande profondeur. La foi de Paul était prête à agir, mais que fut-il révélé à son sujet : « Je lui montrerai combien il faut qu’il souffre pour mon nom » [Actes chapitre 9 verset 16]. Il en a été ainsi dès le commencement. Nous ne voudrions pas ne pas avoir notre part des épreuves qui ont été dans tous les temps la portion de l’Église. Nous ne voudrions pas que Jésus attachât si peu de prix à notre amour, que de ne nous adresser jamais une question sur ce sujet, ou de n’en désirer jamais des preuves. Tout a été bien calculé. Il faut que chaque chrétien sente son épreuve spéciale, mais en même temps Dieu nous assure, dans Sa fidélité, qu’avec chaque tentation Il donnera aussi l’issue, pour que nous puissions tout supporter, et que jamais nous ne serons éprouvés au-delà de ce que nous pouvons [1 Corinthiens chapitre 10 verset 13]. Lors même qu’il nous semble que toutes les issues sont fermées, Il sait comment nous délivrer. Quelle épreuve ce dut être pour Ésaïe, que d’être chargé pour Israël de ce terrible message : « Engraisse le cœur de ce peuple, rends ses oreilles pesantes et bouche ses yeux, de peur qu’il ne se convertisse et qu’il ne recouvre la santé ! » [chapitre 6 verset 10]. Quelle épreuve ce dut être pour Abraham, que de quitter son pays et sa parenté, et de se rendre dans une terre étrangère sans savoir où il allait ! Quelle épreuve ce dut être pour Noé, que d’être moqué et d’être regardé comme un insensé pendant qu’il construisait l’arche, selon le commandement de l’Éternel ! Combien la foi d’Isaac fut éprouvée au sujet de Jacob ! Combien celle de Jacob fut éprouvée au sujet de Joseph ! Combien celle de Moïse le fut aussi, lorsqu’il préféra d’être maltraité avec le peuple de Dieu, ayant estimé l’opprobre de Christ une richesse plus grande que les trésors de l’Égypte [Hébreux chapitre 11 versets 25 et 26] ! Quelle épreuve ce dut être pour lui que de quitter l’Égypte, en s’attirant tout le courroux du roi ! C’est lorsque nous cherchons à nous mettre à la place de ces hommes qui ont souffert, et à réaliser leurs circonstances, que nous comprenons cette parole : « Oh ! gens de petite foi ! » [Matthieu chapitre 8 verset 26]. Considérons Gédéon, Barac, Samson, Jephthé, David, Samuel. Quelles souffrances ont été les leurs ! « Ils ont été éprouvés par des moqueries et par des coups, par des liens et par la prison ; ils ont été lapidés, ils ont été sciés, ils ont été tentés, ils ont été mis à mort par le tranchant de l’épée ; ils ont été errants çà et là, vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvres, dénués de tout, affligés, tourmentés ! » [Hébreux chapitre 11 versets 36 et 37]. Et le Saint Esprit ajoute : « Eux dont le monde n’était pas digne » [Hébreux chapitre 11 verset 38]. Quels pauvres chrétiens nous sommes ! Ne nous retirerions-nous pas en arrière, si nous avions au-devant de nous une semblable perspective ? Ne pourrait-Il pas nous dire : « Où est votre foi ? » [Luc chapitre 8 verset 24]. Ne craignons pas cette perspective, serrons-la sur notre cœur comme une marque de Son amour. Lorsque nous serons, selon notre attente, au milieu de la grande multitude, qui sera venue de la grande tribulation, nous n’aurons pas seuls ce caractère particulier à toute la famille de Dieu, qui se lie étroitement au titre d’enfants et à toutes les bénédictions qui en découlent. Lorsque Abraham parlera de son Isaac, Isaac de son Jacob, Jacob de son Joseph, David de son Absalom, Jérémie de sa prison, Pierre de ses coups, Jean de son bannissement, Paul de ses périls, de ses fatigues, de ses veilles, de ses jeûnes, de son écharde en la chair, de l’ange de Satan qui le souffletait [2 Corinthiens chapitre 12 verset 7], n’aurons-nous rien à dire de semblable à la louange, à l’honneur et à la gloire de Jésus ? Car Dieu n’est pas injuste pour oublier le travail de l’amour que nous aurons fait voir pour Son nom [Hébreux chapitre 6 verset 10]. Dieu abandonna Ézéchias pour l’éprouver, afin de connaître tout ce qui était en son cœur [2 Chroniques chapitre 32 verset 31]. Dieu laissa les nations déchaînées contre les Israélites pour les éprouver. Il permit qu’il y eût au milieu d’eux de faux prophètes pour les éprouver. Il leur envoya la manne pour les éprouver. Il les conduisit aux eaux de Mara pour les éprouver. Il les fit voyager pendant quarante ans dans le désert pour les éprouver, pour connaître ce qui était en leur cœur [Deutéronome chapitre 8 verset 2]. « Le fourneau est pour éprouver l’argent, et le creuset l’or ; mais l’Éternel éprouve les cœurs » [Proverbes chapitre 17 verset 3]. « Bienheureux l’homme qui endure la tentation ! » [Jacques chapitre 1 verset 12].

Recevons donc chaque épreuve avec amour ! C’est ainsi que nous verrons ce que Dieu est pour nous, combien Il est rempli de compassion même dans Ses reproches, et avec quelle tendresse Il blesse le cœur qu’Il aime. Avez-vous jamais remarqué avec quelle douceur Il apporte un message pénible ? Il appelle ordinairement par leur nom ceux auxquels Il s’adresse : Abraham, Abraham ! Moïse, Moïse ! Il semble leur dire : « Je t’ai appelé par ton nom, parce que tu es à moi » [Ésaïe chapitre 43 verset 1]. « Il appelle ses brebis, nom par nom » [Jean chapitre 10 verset 3]. « Tous ceux qu’Il aime, Il les reprend » [Apocalypse chapitre 3 verset 19] ; mais Il voudrait que nous comprissions bien qu’Il ne nous reprend que dans l’amour. Maintenant que nous sommes en spectacle au monde, aux anges et aux hommes, ne déshonorons pas notre Dieu. Qu’on voie en nous que « la tribulation produit de la patience, et la patience de l’expérience, et l’expérience de l’espérance, et que nous pouvons nous glorifier dans les tribulations » [Romains chapitre 5 versets 3 et 4], « parce que nous avons vu la fin du Seigneur, et que le Seigneur est abondant en compassions et miséricordieux » [Jacques chapitre 5 verset 11]. Quand nous lisons le livre de Job, nous éprouvons un vif désir que Satan soit déjoué. Eh bien ! glorifions Dieu dans nos afflictions diverses, et nous déjouerons ainsi les machinations de Satan, car Job n’était pas du tout plus aimé que nous ne le sommes nous-mêmes ! Que la puissance de Jésus soit rendue parfaite dans l’infirmité, c’est la gloire de la dispensation actuelle ! La foi d’Abraham fut à la gloire de Dieu ; il crut, et il offrit son fils Isaac sur l’autel (Hébreux chapitre 11 verset 17 ; Jacques chapitre 2 verset 21). Soyons certains que le temps viendra où les œuvres les plus pénibles nous seront les plus douces. C’est par l’affliction que Dieu éprouve notre foi, aussi devons-nous recevoir chaque tribulation comme une faveur dont nous sommes indignes. « Si vous êtes exempts de la correction dont tous sont participants, vous êtes donc des bâtards et non des fils » [Hébreux chapitre 12 verset 8]. Oh ! bénissons-Le de ce qu’Il n’a pas dit : Laissez-les, comme nous l’aurions si justement mérité ! Mais j’espère que vous n’êtes pas dans l’affliction, quoique je vous parle ainsi. J’ai demandé au Seigneur de me donner pour vous les paroles les plus utiles, et je vous ai écrit tout cela. Vous n’en avez pas besoin maintenant peut-être, mais vous en avez eu besoin précédemment et vous en aurez encore besoin, si votre séjour dans ce monde de péché se prolonge.

La foi d’Abraham doit être pour nous un important sujet de méditation, puisqu’elle nous est proposée comme un modèle de foi jusqu’à la fin des temps ; aussi Dieu l’a-t-il éprouvée au plus haut degré, et par elle semble-t-Il nous dire : Contemplez mon amour. « Car Dieu a tant aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique » [Jean chapitre 3 verset 16]. De quelle manière attendrissante cette même épreuve est décrite dans le chapitre 11 du livre des Juges, versets 30 et suivants ! Quand nous lisons : « En ceci a été manifesté l’amour de Dieu pour nous, que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde » [1 Jean chapitre 4 verset 9], ne nous semble-t-il pas qu’un tel sacrifice ait été, pour parler selon l’homme, la plus poignante douleur que la pensée divine pût imaginer ? Pour nous soutenir dans nos épreuves ordinaires, Dieu a voulu nous faire comprendre Son amour, en lui donnant pour ainsi dire un corps en celui d’Abraham, et en plaçant devant nous ce père d’Israël comme le père des fidèles et comme exemple de foi. En n’épargnant point Son propre Fils, comme Abraham n’avait point épargné son Isaac, Il a voulu nous prouver qu’avec Son Fils unique Il nous donnera aussi toutes choses. Il a voulu de plus exciter notre amour et notre reconnaissance, en nous montrant que nos iniquités nous ont été remises au prix de l’amour manifesté d’avance en Abraham ; aussi requiert-Il de nous « que nous aimions la miséricorde, et que nous marchions en toute humilité avec notre Dieu » [Michée chapitre 6 verset 8].

Le Père avait en sa main le feu et le couteau, lorsqu’ils montaient ensemble sur le Calvaire. C’était entre eux seulement que tout se passait ; les actes les plus étonnants s’accomplissaient, et l’homme insensé les suivait sans intelligence. Que nous sommes heureux d’avoir pour garant un Dieu si sage et si rempli d’amour ! Déchargeons-nous de tous nos fardeaux, sans faire aucune question, sans nous arrêter à aucune conséquence ; que l’incrédulité ne dise point : Comment supporterai-je le jour de l’épreuve ? « Fournissons par la patience notre course dans le combat qui est devant nous, attachant nos yeux sur Jésus » [Hébreux chapitre 12 versets 1 et 2]. Si les difficultés abondent, abondons en courage ; si nous sommes fatigués, jetons sur Son épaule toute-puissante tout ce qui nous empêche d’avancer. Nous oublions souvent que c’est une course de foi que nous poursuivons. Ne craignons pas de paraître insensés à ceux qui nous regardent, car la croix est « une folie » pour ceux qui ne font que regarder.

Pour demeurer fermes, il nous faut une décision sainte et assurée. Fréquemment nous voyons un filet tendu sous nos pas, et quoiqu’il soit écrit que « c’est en vain que le rets est étendu devant les yeux de tout ce qui a des ailes » [Proverbes chapitre 1 verset 17], cependant notre folie surpasse tellement celle des bêtes des champs et des oiseaux de l’air, que nous nous précipitons, les yeux ouverts, au-devant des pièges qui nous sont agréables. Nous sommes décidés peut-être à ne point nous y laisser prendre et à faire tous nos efforts pour nous en retirer ; mais notre faiblesse actuelle ne suffit pas pour détruire notre confiance en notre force présumée pour l’avenir ; nos pieds finissent par être embarrassés, notre course se trouve arrêtée, et nous découvrons, mais trop tard, que le Dieu qui fortifie n’a point voulu nous accompagner dans le piège, et que nous sommes seuls en face de l’ennemi. Oh ! si nous étions sages ! Si nous étions bien décidés à nous détourner de l’abîme dans lequel notre faiblesse nous a précipités fréquemment, et où notre foi a été si près de faire naufrage ! Le sage, parlant de la tentation, dit : « Détourne-t’en, ne passe point par là ; éloigne-t’en, et passe outre » [Proverbes chapitre 4 verset 15]. Il ne faut point entrer en pourparler avec l’ancien serpent, car ses raisonnements sont des plus ingénieux ; il faut lui résister ou s’enfuir. Que rien n’entrave notre course ou n’affaiblisse notre foi, ou ne nous détourne de l’obéissance ! Nous avons devant les yeux l’immensité de cet amour qui porta Jésus à fortifier Sa face pour aller à Jérusalem, afin d’obéir parfaitement à toute la volonté du Père. Soyons de bonne foi avec nous-mêmes, et ayons du zèle pour Dieu ! Ne faisons provision d’aucun des vêtements de Babylone, quelque beaux qu’ils paraissent ! Sanctifions-nous, car s’il y a quelque interdit dans notre cœur, nous ne pourrons demeurer debout au jour de l’épreuve. Nous perdons beaucoup de temps et nous faisons peu de progrès, parce que nous avons besoin de leçons réitérées pour chaque vérité. Il a dit : « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple » [Luc chapitre 14 verset 27]. C’est un crucifié que nous suivons ! Oh ! qu’Il nous donne la simplicité pour connaître Sa volonté, et la soumission pour l’accomplir ! C’est une leçon que quelques-uns ont beaucoup de peine à apprendre ; j’ai passé ma vie à en parler, tout en suivant ma volonté propre, à moins que la sienne ne fût en rapport avec la mienne.

Lettre 61

Lough-Bray, septembre 1834
Ma bien chère amie,

Ce n’est pas un manque d’affection qui m’a empêchée pendant longtemps de vous écrire, mais mon Père, à la volonté duquel je désire de me conformer, ne m’a pas dit de le faire jusqu’à maintenant, et vous ne voudriez pas que je le fisse autrement que comme de Sa part. Mon Dieu, accorde-moi tes paroles et tes pensées, afin que ces lignes puissent nous être à l’une et à l’autre en bénédiction. J’éprouve une vive sollicitude à l’égard de nos chers jeunes amis, et je sens combien il est bon qu’il nous faille passer par beaucoup de tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu [Actes chapitre 14 verset 22]. Ils ont le malheur d’avoir des parents et des amis dont le christianisme est tel, qu’ils ne peuvent eux-mêmes en faire une profession suffisamment claire. Combien notre conduite est différente de ce que nous voudrions leur présenter comme l’appel du chrétien ! Autant sommes-nous dans notre vie au-dessous de nos principes, autant pouvons-nous craindre que dans quelques années leur christianisme ne soit au-dessous du nôtre. Il faut que nous prenions notre parti de diminuer, afin que le Seigneur devienne de plus en plus « le tout ». Souvent nous pensons que, pour leur propre bien et pour la gloire de Dieu, il faut que nous entrions dans leurs pensées relativement à l’évangile ; mais lorsque nous sommes désappointés à cet égard, nous voyons bien qu’il y avait en nous un secret désir d’obtenir pour nous-mêmes le culte qui n’appartient qu’à Dieu seul. J’aimerais pouvoir consentir volontairement à ce qu’ils fussent capables de discerner ce qui est de la nature et ce qui est de la grâce en moi, afin que mes inconséquences ne portassent aucune atteinte à la gloire de Jésus ; je voudrais aussi, maintenant qu’ils sont en âge de raison et que le Seigneur les a pris à Lui, pouvoir abandonner mon autorité et ma trop grande sollicitude à leur égard, et leur prouver ainsi que ce n’est pas pour moi, mais pour Lui, que j’ai veillé sur eux. Combien il est nous est difficile de ne vivre que pour Lui, particulièrement dans notre service à l’égard de ceux que nous appelons les nôtres ! Nous voulons bien nous intéresser à l’œuvre du Seigneur, mais c’est plus à cause des jouissances que nous y trouvons, qu’en vue de Sa gloire. Toujours, toujours le moi ; il nous faudrait un cœur assez vaste pour embrasser l’univers, et en même temps assez rétréci pour pouvoir concentrer sur chaque cas particulier toutes ses forces et toutes ses sympathies.

Vous pensez peut-être que j’ai beaucoup de loisir ici, mais c’est tout le contraire ; jamais dans ma vie je n’ai eu aussi peu de moments à consacrer à la communion avec Dieu ; vous savez que toute position nouvelle amène avec elle de nouveaux devoirs et de nouvelles épreuves. Cependant je n’ai pas regretté un seul instant la décision que j’ai prise, et je puis dire que dans chaque changement je trouve de nouvelles miséricordes que je n’avais point encore aperçues. Dans la position que j’occupais précédemment, j’avais de grandes épreuves et de grandes tentations qui nécessitaient de grands secours de la grâce ; mon œuvre, qui m’était donnée plus directement de Dieu, était plus spirituelle et moins à la portée des petits renards qui gâtent les vignes [Cantique des cantiques chapitre 2 verset 15] ; mes rapports avec les hommes étaient moins fréquents, mais plus spirituels. Je sens qu’alors il n’y avait en moi qu’une esquisse de l’image de Christ, et que maintenant Il voudrait compléter cette esquisse avec les grâces de Son Esprit, dont je suis encore bien dépourvue. Béni soit Son nom de ce qu’Il me place dans des circonstances si propres à les développer ! Il a vu que je désirais devenir petite, et Il me rendra telle, car Son œuvre particulière consiste à humilier. Nous n’avons pas besoin pour entretenir notre communion avec Lui de plus de temps qu’Il ne nous en accorde ; Il peut nous instruire au milieu des œuvres les plus serviles et des circonstances les plus ordinaires, aussi bien que par Sa Parole, si nous avons des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, des cœurs pour sentir. Ce n’est pas Sa Parole qui est le guide et le docteur du cœur, c’est Sa bénédiction, et notre bonheur n’est pas en raison de notre mesure de connaissance, il est bien plutôt en raison de notre mesure de soumission. Vivre en Sa présence « dans les lieux célestes », est d’une grande importance ; mais trouver Sa présence dans chacun de nos devoirs, et nous en acquitter en vivant de Lui, est une leçon plus difficile. Nous soupirons avec un cœur altéré après une communion vivante avec Dieu, comme si le temps de la retraite était toujours celui de la communion, et nous oublions que c’est en marchant avec Dieu que nous demeurons dans Sa communion et que nous reposons notre âme sur Lui. J’ai fait l’expérience que le sentiment habituel de notre faiblesse sert à nous garder plus encore que la force d’en haut ; nous faisons bien des chutes avant d’avoir ce sentiment de notre faiblesse, et cependant nous avons besoin de l’Esprit de puissance pour repousser les traits enflammés du malin. Nous aurons la victoire sur Dieu, mais c’est en luttant avec Lui. Pauvre Jacob ! ses épreuves commencèrent dès l’instant où il reçut la bénédiction. En vérité je serais la plus inexcusable de toutes les créatures si je n’étais pas reconnaissante et satisfaite.

J’espère que vous jouissez chaque jour davantage des promesses qui nous sont présentées par les expériences de Christ dans les psaumes. Il semble qu’Il nous y ouvre Son cœur rempli de tous nos besoins, afin que nous allions puiser à Sa plénitude, pressés par Ses propres expériences. Les promesses qui nous sont faites, étant déposées sur Sa tête, descendent sur le bord de Ses vêtements ; ainsi nous avons non seulement la Parole, mais aussi l’exemple de Sa propre fidélité dans toutes les circonstances dans lesquelles nous pouvons nous trouver. Le Seigneur parle en quelque sorte dans l’Église, au moyen des psaumes ; au psaume 3 par exemple, le croyant s’écrie : « Combien sont multipliés ceux qui me pressent, beaucoup de gens s’élèvent contre moi ! ». Et Jésus répond : « J’ai crié de ma voix à l’Éternel, et Il m’a répondu de la montagne de sa sainteté. Lève-toi, Éternel mon Dieu ! délivre-moi ! Certainement tu as frappé en la joue tous mes ennemis ». Si nos corps sont étendus dans un lit pour y trouver le repos, Jésus dit : « Je me suis réveillé, car l’Éternel me soutient » [verset 5]. Combien il est précieux pour nous de savoir qu’un milieu de tous les alléluias des cieux, nos cris et nos moindres soupirs sont entendus de la montagne de sa sainteté ! Il y avait en Jésus un mélange si merveilleux de condescendance, d’humilité et d’autorité, que le peuple était comme forcé d’aller après Lui pour L’entendre ; et tandis que les pharisiens hypocrites s’éloignaient de Lui, les aveugles et les boiteux sentaient qu’Il avait compassion d’eux, et que Sa puissance était là pour les guérir [Luc chapitre 5 verset 17]. Comment se faisait-il qu’on pût L’entendre appeler avec autorité le temple : « Sa maison » ? N’aurait-on pas pu se soulever contre cet homme pauvre et seul ? Pourquoi toute la ville fut-elle émue, quand Jésus entra dans Jérusalem ? Était-ce quelque chose de si extraordinaire que de voir un pauvre homme monté sur un âne emprunté, sans même une selle ? La sagesse de ce monde offrait alors un contraste frappant avec la sagesse d’en haut. Les principaux sacrificateurs et les scribes voyaient les choses merveilleuses que Jésus faisait, et entendaient les miraculeux hosannas des enfants, et ils en étaient indignés, tandis que les petits enfants et ceux qui étaient à la mamelle reconnaissaient le grand mystère de piété.

Quelquefois je tremble en voyant la ressemblance qu’il y a entre l’Église de maintenant et celle d’alors. La masse de ceux qui retiennent les doctrines évangéliques n’est que trop semblable aux pharisiens. À l’égard de la connaissance des Écritures ils ont beaucoup de la même sagesse ; ils sont indignés si l’on va au-delà d’une certaine mesure, ou si l’on croit autrement que les docteurs établis. Je désire que ma connaissance ne se rattache pas uniquement au travail de l’intelligence ; je demande la sagesse des petits enfants et de ceux qui sont à la mamelle, sagesse dont la source ne se trouve que dans les communications du Saint Esprit. Combien peu nous trouvons Dieu par nos recherches ! Son œuvre s’opère dans le cœur et non dans la tête. Lorsqu’Il nous aura abaissés, et qu’Il nous aura amenés à nous attendre tranquillement à Lui, Il nous instruira alors Lui-même. Il ne fait pas de reproches, et si une seule fois Il dit à deux de Ses disciples : « Ô gens dépourvus de sens, et tardifs de cœur à croire ! » [Luc chapitre 24 verset 25] il est dit aussitôt que, « ayant commencé par Moïse et par tous les prophètes, Il leur expliquait dans toutes les Écritures ce qui le concerne » [Luc chapitre 24 verset 27], jusqu’à ce que « leurs yeux furent ouverts » [Luc chapitre 24 verset 31]. C’est dans le temps convenable qu’Il nous rend participants de Sa sagesse. Nous sommes trop impatients. Lui qui nous a donné Son Fils, ne nous fera-t-Il pas connaître les vérités de Sa Parole, à mesure que nous serons en état de les recevoir ? La sagesse dont parle Jacques est la réunion d’un grand nombre de grâces, qui toutes sont en Christ, en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse [Colossiens chapitre 2 verset 3] pour nous. Non seulement Il ne fait pas de reproches, mais encore Il nous invite à recevoir, en nous commandant de demander ; et afin que nous ne doutions nullement de Sa bonne volonté à notre égard, l’Esprit nous rappelle qu’en Celui qui nous a tant aimés il n’y a ni variation, ni ombre de changement [Jacques chapitre 1 verset 17]. Demandons sans aucune hésitation, et nous recevrons ; car cette sagesse qui est en Lui pour nous, est pleine de miséricorde, et elle est sans partialité. Ce n’est que par la foi qu’on la reçoit et qu’elle peut agir. Je crois qu’il y a une immense différence entre la foi qui reçoit le salut et cette foi de tous les jours qui se porte sur les petits détails de la vie ; et cependant pour cette dernière, je crois que nous n’avons besoin que d’un œil simple et du sentiment de notre petitesse. Il nous faut beaucoup de sagesse dans ces temps difficiles. Christ a dit : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » [Jean chapitre 20 verset 21]. Oh ! si nous pouvions être comme Lui dans ce monde mauvais ! Si nos âmes purifiées n’y contractaient plus de souillures ! Son seul but, en y séjournant, était de bénir, son seul désir était d’achever l’œuvre qui Lui avait été donnée à faire. C’était là Sa nourriture et Son breuvage, parce que c’était l’œuvre de Son Père, et Il l’accomplissait en toute hâte, afin de retourner auprès du Père. « Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde ; je quitte de nouveau le monde, et je vais au Père » [Jean chapitre 16 verset 28]. L’œuvre doit nous être chère, parce qu’elle est l’œuvre du Père, mais elle ne peut nous être plus chère que la présence du Père. Nous devons nous acquitter de notre tâche, qui est l’œuvre de la foi, le travail de l’amour et la patience de l’espérance [1 Thessaloniciens chapitre 1 verset 3], comme un homme qui travaillerait par un temps de pluie. Nos mains, devenues instruments de justice, ne doivent toucher à aucune des choses souillées d’ici-bas, qui sont maudites en Satan. Sous la dispensation actuelle, nous sommes appelés, non pas à sanctifier le mal, mais à l’abandonner ; nous devons, au milieu des choses terrestres, manifester que nos vrais biens sont dans les lieux célestes. …

Lettre 62

Powerscourt, le 18 mai 1834
Mon cher ami,

Je pense avec vous que la conduite de notre Seigneur devant Caïphe montre qu’Il n’entendait pas d’une manière littérale ces paroles : « À celui qui te frappe sur une joue, présente aussi l’autre » [Luc chapitre 6 verset 29], mais je crois que nous pouvons y apprendre à supporter l’injustice et à ne pas employer la force pour nous défendre. « Ils lui crachaient au visage, ils lui donnaient des soufflets, ils le frappaient de leurs verges, en disant : Prophétise ! Ils rendaient de faux témoignages contre lui » [Marc chapitre 14 verset 65] ; et, cependant, comment est-ce que se défend Celui qui aurait pu appeler à Son aide des légions d’anges ? « Jésus gardait le silence » [Matthieu chapitre 26 verset 63].

Je conviens avec vous que le martyre ne consiste pas toujours dans des souffrances extérieures, et que l’homme n’en est pas toujours la cause ou l’instrument ; je crois aussi que nous pouvons tous y avoir part une fois ou une autre, parce que cette dispensation est celle du martyre ; mais je ne pense pas que toute espère de souffrances puisse porter ce nom. Il me semble que dans le martyre il doit nécessairement y avoir un choix à faire entre un bon chemin sans souffrances, et un meilleur chemin avec souffrances. On peut donc refuser le martyre, mais ceux qui le refusent auront à souffrir.

Ce que vous dites sur les Psaumes est parfaitement vrai. C’est de tous les livres celui dont nous pourrions le moins nous passer. Il rend témoignage au cœur qu’il est de Dieu. En le méditant, nous trouvons que le maître de la fête a gardé le bon vin pour le dernier [Jean chapitre 2 verset 10]. L’homme de douleurs y répand Ses consolations devant les dépositaires choisis de Ses soupirs, en disant : « Buvez, faites bonne chère, mes bien-aimés ! » [Cantique des cantiques chapitre 5 verset 1]. Souvent nous y voyons que les voies du Père envers Lui sont le fondement de Sa consolation, comme elles le sont pour Son Église. Apprenons à attacher nos yeux sur Lui, lorsque nos cœurs sont près de défaillir.

Votre affectionnée

T.A. Powerscourt

Lettre 63

Le 18 novembre 1834
Mon cher Monsieur,

J’espère que votre gorge va mieux, et qu’elle ne vous obligera pas à tant de précautions cet hiver. Notre Dieu emploie des moyens bien diversifiés pour faire notre éducation, et pour nous mettre en état de porter le poids de gloire qu’Il nous a préparé. Il garde la miséricorde, et nous sommes bienheureux d’avoir ainsi l’assurance que jamais nous ne serons tentés au-delà de ce que nous pouvons [1 Corinthiens chapitre 10 verset 13]. Cette pensée m’a occupée en lisant l’histoire d’Abraham. Si le Seigneur avait un moment plus tôt mis un terme à son épreuve, Abraham n’aurait pu avoir le privilège d’entendre cette douce parole : « J’ai connu que tu crains Dieu, puisque tu n’as pas épargné pour moi ton fils, ton unique » [Genèse chapitre 22 verset 12]. Si l’épreuve avait été prolongée d’un instant, Isaac n’était plus. Qu’il nous est précieux de savoir que Celui qui raffine est assis et qu’Il surveille Son feu ! Il ne paraissait faire aucune attention à Abraham, pendant qu’il allait avec son fils à la montagne ; Il le laissait bâtir son autel, ranger le bois, lier Isaac ; cependant, Ses compassions n’attendaient pour se montrer que le moment favorable. On peut dire les mêmes choses au sujet d’Agar, quoique ce fût son péché qui eût été la cause de ses maux. Elle avait semé le vent, pourquoi n’aurait-elle pas recueilli le tourbillon [Osée chapitre 8 verset 7] ? Elle avait semé sur une couche de pierres, elle ne devait attendre qu’une moisson d’afflictions. Mais non ; elle était sans ami, sans consolation, et c’était assez. Le Seigneur ne pouvait oublier la pauvre abandonnée ; Il sortit pour la regarder ; Il la trouva dans le désert ; Il la consola avec tendresse, parce qu’Il avait compassion de sa douleur. Il y a quelque chose de si doux dans ces paroles : « L’ange de Dieu appela des cieux Agar, et lui dit : Qu’as-tu, Agar ? Ne crains point, car Dieu a ouï la voix de l’enfant » [Genèse chapitre 21 verset 17]. Dieu avait ouï, et c’était assez. C’est ainsi que Dieu agit à notre égard. Souvent nous sommes entourés de circonstances telles qu’il semble que notre foi soit sur le point d’être anéantie. Jetés sur une mer orageuse, battus par la tempête, environnés de bancs de sable et de rochers au milieu desquels nous ne pouvons diriger notre gouvernail, nous nous croyons perdus sans retour ; cependant, notre nacelle continue à avancer sans que nous puissions dire comment, si ce n’est que nous sentons que nous sommes secourus par une main toute-puissante, quoique invisible ; c’est ainsi que s’affermit notre espérance de « voir la bonté de l’Éternel dans la terre des vivants » [Psaume 27 verset 13]. David aurait succombé s’il n’avait eu cette assurance. Il en sera toujours ainsi. Semblables au couteau d’Abraham, nos épreuves et nos tentations sont des messagers que le Seigneur envoie aux héritiers de la promesse. Recevons-les donc avec reconnaissance. Aimons la croix, car elle est toujours une amie fidèle, alors même qu’elle nous apporte les plus vives douleurs. Lorsque le tissu auquel le Seigneur travaille actuellement sera montré de son beau côté, nous ne regretterons pas d’avoir supporté toute espèce d’épreuves. En effet, plus elles sont douloureuses, plus nous pouvons être assurés que Sa bénédiction les accompagne, car Son cœur est avec Ses chers enfants. Quel sujet d’humiliation nous trouvons dans Ses paroles à Abraham : « Puisque tu n’as point épargné pour moi ton fils, ton unique » [Genèse chapitre 22 verset 16] ; c’était comme s’Il lui eût dit : Je puis compter entièrement sur toi ; Je puis entrer avec toi dans les plus doux rapports d’intimité. Ami de Dieu, je puis me confier en toi ; je puis t’ouvrir tout mon cœur, « puisque tu n’as point épargné pour moi ton fils, ton unique ». Et pourrions-nous nous étonner, après cela, si Dieu compte que nous croirons qu’avec Jésus Il nous donnera toutes choses, Lui qui n’a point épargné Son Fils, Son unique, mais qui L’a livré pour nous [Romains chapitre 8 verset 32] ?

Veuillez m’excuser, cher Monsieur, si je me laisse aller à vous écrire aussi longuement. Vous savez que je ne pourrais vous envoyer du papier blanc. Ces choses pourraient ne pas être exactement en rapport avec vos besoins actuels, mais je sais qu’il nous est toujours bon d’entendre répéter que « celui qui a promis est fidèle » [Hébreux chapitre 10 verset 23]. Je puis affirmer par ma propre expérience qu’Il dit vrai, quand Il annonce que c’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu [Actes chapitre 14 verset 22]. Le temps de notre extrême misère est pour Lui le temps d’agir ; Il connaît notre affliction ; Il nous soutient dans nos détresses ; Il est une haute retraite dans le temps de l’angoisse ; et c’est lorsque notre âme est comme perdue, sans consolateur et sans libérateur, que Jésus s’approche, pour étendre sur elle les bras de Ses consolations et pour l’entourer de toutes parts. Quelques jours encore, et Ses messagers auront fini leur œuvre, la foi aura été rendue parfaite, et à Son commandement les soupirs et les larmes s’enfuiront pour jamais. « Hâte-toi, mon bien-aimé ! » [Cantique des cantiques chapitre 8 verset 14]. « L’espoir différé fait languir le cœur » [Proverbes chapitre 13 verset 12]. L’absence est toujours l’absence, et nous ne jouirons du repos que lorsque nous serons unis à Lui pour toujours. Ce n’est pas assez que nous soyons sûrs de Lui, sûrs qu’Il nous aime et qu’Il nous aimera jusqu’à la fin. Nous savons tout cela. Nous sentons le prix des témoignages de Son amour ; nous nous reposons sur Lui-même, sur Sa fidélité. Cependant nous ne pouvons nous passer de Lui ; c’est Sa présence dont nous avons besoin, et quoique la foi soit notre vie, il faut que nous soyons dans Ses bras pour dire : « Mon bien-aimé est à moi, et je suis à mon bien-aimé » [Cantique des cantiques chapitre 2 verset 16].

Votre très affectionnée en lui

T.A. Powerscourt

Lettre 64

1834

Je suis bien peinée de vous sentir dans un si grand abattement et dans des circonstances si contraires à ce que nous aurions désiré ; cependant, bien-aimée, vous avez toutes choses. Je sais que vous en êtes si convaincue, que vous ne voudriez changer quoi que ce soit à votre position, ni mettre aucun ingrédient nouveau dans votre coupe. Votre privilège n’est-il pas d’être satisfaite dans la possession de votre Dieu ? Oh ! comme Il est bon de dépouiller nos affections terrestres de tout ce qui peut les alimenter, afin qu’après avoir inutilement cherché quelque objet propre à nous satisfaire, nous nous attachions d’autant plus fortement à Celui qui seul peut remplir tous les coins et recoins de notre cœur ! C’est comme un Dieu jaloux qu’Il veille sur vous. Il dit : « Comment pourrais-Je l’abandonner ? C’est mon temple dans lequel je prends plaisir à habiter et à faire éclater ma gloire ; c’est ma portion ». Quelquefois Il semble plaider sa cause : Je t’ai aimée, dit-Il, lorsque tu étais gisante dans ton sang ; je t’ai suivie pour te faire du bien ; je t’ai délivrée de la gueule du lion ; je t’ai placée au nombre de mes enfants ; je t’ai fiancée à mon Fils ; je t’ai faite cohéritière avec Lui ; je t’ai donné toutes mes promesses ; j’ai fait que tu peux te réjouir en elles ; j’ai veillé sur tes détresses, et elles ont été l’occasion de mes délivrances ; j’ai pris plaisir à te faire du bien ; je t’ai secourue dans le temps du besoin ; j’ai refait tout ton lit dans tes maladies [Psaume 41 verset 3] ; lorsque tu as été dans l’abattement, je t’ai dit tout bas : « Je suis ta grande délivrance » ; lorsque tu t’es laissée aller au désespoir, je t’ai dit : « Je suis Jésus ». Lorsque tu as eu la pensée de dire : Comment supporterai-je le jour de l’épreuve ? j’ai répondu : Tu verras que ta force durera autant que tes jours, et si cela avait été trop peu, je t’eusse ajouté telle ou telle chose [2 Samuel chapitre 12 verset 8]. Juge, je t’en prie, si j’aurais pu faire davantage que je n’ai fait. N’as-tu pas été pleinement heureuse lorsque du fond de ton cœur tu as pu dire : « Je n’ai pris plaisir sur la terre en rien qu’en toi seul » [Psaume 73 verset 25] ?

Répondriez-vous : Tout cela m’est inutile aussi longtemps qu’un seul désir demeure sans être satisfait ? Serait-ce là la réponse de la foi à Celui qui n’a point épargné Son Fils, mais qui L’a livré pour vous [Romains chapitre 8 verset 32] ? N’en serait-Il pas profondément affligé ? Jésus a un cœur sensible, témoin ce qu’Il éprouva lorsqu’Il fut renié par Pierre. Les clous et les épines Lui causèrent moins de douleur que le chant du coq. Ne L’obligeons pas à porter sur nous le regard de reproche qui coûta tant de larmes à Pierre. Il faut que notre foi soit éprouvée, car le croyant même a de la peine à concevoir que Dieu parle en vérité. Quoique les promesses soient à nous, et qu’elles fassent le sujet de notre joie, il nous est cependant difficile d’en faire usage et de considérer les choses que nous espérons, de telle manière que nous puissions estimer l’opprobre de Christ et les afflictions du peuple de Dieu une richesse plus grande que les trésors de l’Égypte [Hébreux chapitre 11 verset 26]. Notre peu de foi en Sa Parole, quant à la vanité du monde présent, nous est fréquemment une preuve de notre peu de foi à l’égard des choses à venir ; et nous sentons combien peu nous croyons que les choses qui ne sont pas, sont vraiment ce qu’elles sont, en découvrant combien nous croyons que les choses qui sont, sont ce qu’elles ne sont pas. Mais Il travaille à nous enseigner le vrai sens des mots, et pour cela Il adoucit nos amertumes et rend amères nos jouissances, afin que nous comprenions que le bonheur présent peut être un malheur présent, et que le malheur présent peut être un bonheur présent.

Quelle entreprise monstrueuse que de vouloir rassasier des âmes immortelles avec des biens terrestres, avec ce qui n’est pas Dieu ! C’est chercher à remplir l’océan avec une goutte d’eau, à unir l’immortalité à la mort, à étendre sur l’immense éternité l’ombre éphémère du temps. Oh ! rendons-Lui grâces de ce qu’Il coupe l’une après l’autre les cordes qui lient à la terre le ballon de notre foi, afin qu’il puisse s’élever au-dessus des montagnes de l’illusion jusque dans les régions de la réalité.

Maintenant, ma bien-aimée, souvenez-vous de votre haute vocation ; vous n’êtes pas appelée à vous contenter des choses d’ici-bas, et Dieu veut vous donner bien plus que ce qu’Il jette au monde. Que l’héritière d’un trône dans la nouvelle Jérusalem ne perde pas un de ses moments à regretter de ne pouvoir construire un nid dans le royaume de Satan ! Poursuivons avec ardeur le but pour lequel nous sommes laissés ici-bas, afin que nous puissions soupirer après le délogement. Nous sommes des lettres vivantes que Dieu a sorties de Sa bibliothèque, pour manifester au monde ce qu’est la glorieuse espérance du chrétien. Satan aimerait que vos pages fussent effacées par la tristesse qui produit la mort, afin qu’on ne pût plus y lire cette glorieuse vérité. Nous avons si peu d’années, peut-être si peu de jours à rester ici-bas, et assurément si un seul regret nous est jamais possible au milieu des jouissances de cet héritage incorruptible, sans souillure et qui ne passera point [1 Pierre chapitre 1 verset 4], où les amis se retrouveront pour ne plus se quitter, ce sera celui de n’avoir pas consacré chaque moment de notre existence à glorifier notre Dieu, puisque c’est le seul temps au milieu de l’éternité pendant lequel l’Église ait le privilège de faire connaître aux principautés et aux puissances dans les lieux célestes, la sagesse diversifiée de Dieu [Éphésiens chapitre 3 verset 10], en recevant la grâce de dire avec l’apôtre : « Abattus, mais non pas perdus ; attristé, cependant toujours joyeux ; pauvres, cependant enrichissant beaucoup de gens ; n’ayant rien, et possédant toutes choses » [2 Corinthiens chapitre 6 verset 10].

Qu’Il est bon de nous initier ainsi à ces secrets de Son amour, dont Il n’a jamais donné la moindre connaissance aux anges ! Quelques-unes des vies de Ses enfants, tout en racontant Sa fidélité, sont si tragiques, que, lorsqu’elles seraient lues à haute voix, les anges mêmes auraient une larme à leur donner. Malgré cela vous devez éclater en alléluias, vous qui êtes tant aimée, car vous voyez que ce n’est pas d’un amour ordinaire que Dieu vous aime. Il n’a pas permis que vous descendissiez tout doucement le cours du temps, mais c’est par de grandes et fortes vagues qu’Il vous a jetée sur les promesses. La position élevée du chrétien consiste à marcher au milieu des promesses, en s’appuyant de tout son poids sur l’Éternel qu’il connaît. Alors aucune bénédiction ne peut devenir une malédiction, et toute malédiction devient une vraie bénédiction. Et en effet, avec Christ ne nous a-t-Il pas donné toutes choses ? Il nous est doux de rejeter sur Lui tout notre souci [1 Pierre chapitre 5 verset 7], parce qu’ainsi nous faisons l’expérience qu’Il prend soin de nous. Il nous est doux de Lui abandonner ce que nous avons de plus cher, parce que, comme Abraham, nous Lui donnons une preuve que nous nous occupons de Lui. Soyons de vrais nazaréens, n’approchons point des morts, ne touchons point à ce qui peut nous souiller ; soyons un holocauste dans le feu duquel nous sachions jeter toutes les bagatelles et toutes les idoles du temps, tout en offrant notre corps, notre âme et notre esprit.

Je terminerai en vous transcrivant quelques paroles d’un sermon prêché ici : « Nous avons trouvé une perle de grand prix, pour laquelle nous pouvons bien tout vendre. Si nous connaissions le parfait bonheur qui appartient à ceux qui sont en Christ, nous irions en avant sans hésiter, nous prendrions notre croix et nous suivrions Jésus, nous renoncerions à nous-mêmes et nous Le suivrions quelque part qu’Il allât, animés par une conviction profonde et scripturaire que nous sommes dans le bon chemin ; nous suivrions courageusement et vaillamment notre Dieu sauveur, avec la parfaite assurance que lorsque nous aurons donné sans partage toutes nos affections à l’auteur de notre vie, nous recevrons une récompense abondante, étant remplis de toute la plénitude de Dieu [Éphésiens chapitre 3 verset 19]. Oh ! mes frères, si nos cœurs étaient plus ouverts à l’immensité des privilèges auxquels nous avons été appelés par le grand Chef de l’Église ! Oh ! si nous sentions davantage quelle est la nature de ce céleste et saint appel par lequel nous avons été appelés, si nous connaissions mieux ce que c’est que d’être un peuple particulier, une race élue ! L’Église chrétienne est la représentation morale de Dieu au milieu de ce sombre et triste monde ; elle est appelée à manifester la gloire divine en la face de Jésus Christ. Les croyants devraient être sous l’influence habituelle de cette gloire, et dans leur esprit et dans leur vie, afin que le monde pût les reconnaître pour avoir été avec Jésus [Actes chapitre 4 verset 13], et qu’en remarquant l’effet pratique de l’évangile sur eux, il pût voir qu’il y a quelque chose de réel et de substantiel dans la religion du royaume éternel de Christ. Nous sommes appelés les fils et les filles du Très-haut ; plût à Dieu que nous sentissions tous par notre propre expérience combien il est impossible de connaître l’étendue de cette incommensurable bénédiction ! Alors nous pourrions couper avec joie notre main droite, ou arracher notre œil droit pour l’amour de Lui. Oh ! que Dieu nous montre la vanité de tous les objets que les hommes regardent comme précieux, qu’Il déchire le voile dont le dieu de ce siècle les revêt pour nous en cacher la nudité, afin que nous voyions le monde tel qu’il est ! Oh ! que la lumière de la gloire éternelle répande des flots de connaissance dans notre entendement, afin que cette gloire remplisse toutes les capacités de notre âme, et que dans chaque circonstance nous puissions expérimenter qu’Il est la perle de grand prix ! »

Lettre 65

Le 28 janvier 1835
Ma pauvre amie !

Par combien d’épreuves vous avez dû passer ! Mais Jésus n’en est-Il pas devenu plus cher à votre cœur, et ne sentez-vous pas davantage tout le prix de ces paroles : « Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui » [Cantique des cantiques chapitre 2 verset 16] ; « qui me séparera de son amour ? » [Romains chapitre 8 verset 35]. Je ne pense pas que l’attente d’un bien à venir quelconque puisse compenser la privation d’un bien désiré présentement. La résignation, la soumission de la volonté seules peuvent donner la paix à celui qui s’humilie sous la puissante main du Dieu qui « prend soin de nous » [1 Pierre chapitre 5 versets 6 et 7]. La disposition d’esprit la plus heureuse est celle qui est décrite dans ces paroles : « N’ai-je point soumis et fait taire mon cœur, comme celui qui est sevré fait envers sa mère ? Mon cœur est en moi, comme celui qui est sevré » [Psaume 131 verset 2]. Pour cela, il faut que le bras de la discipline du Seigneur nous subjugue, et nous savons « qu’Il peut même s’assujettir toutes choses » [Philippiens chapitre 3 verset 21]. La soumission du cœur, après une lutte inutile, est accompagnée d’un bonheur bien plus réel que ne l’aurait été la possession de l’objet pour lequel nous combattions. Notre seule affaire est de nous résigner immédiatement à la volonté de Dieu, et de nous abandonner à Lui pour qu’Il crucifie nos affections et nos désirs.

Je crois, chère sœur, qu’il n’y en a que fort peu d’entre nous qui connaissent bien la vie de la foi. Nous pouvons nous réjouir dans l’assurance qui provient de l’élection et dans les promesses de persévérance que nous a laissées le Seigneur ; nous nous transportons en espérance au temps où Il viendra avec tous Ses saints ; mais, dans l’économie où nous sommes maintenant, je pense que nous connaissons encore peu Jésus et la résurrection ; la vie céleste et éternelle que nous pouvons recevoir en abondance en vertu de notre union avec Lui ; Sa mort et Sa résurrection ; l’Esprit de Dieu au-dedans de nous, qui témoigne que nous sommes enfants de Dieu ; notre union avec notre frère aîné dans toutes Ses souffrances et dans tous Ses privilèges ; le crucifiement continuel et la mort de la chair, comme conséquence de ce que nous sommes morts ; l’abandon du cœur à l’action de l’Esprit, dont l’œuvre est de nous soumettre, afin que Sa vie puisse être manifestée en nous, et que les grâces qu’Il produit puissent s’y développer. Oh ! c’est une vie de résurrection dont nous avons été mis en possession, c’est pourquoi ce n’est qu’en passant par la mort que nous pouvons en jouir ; et si nous connaissions la nature céleste de cette vie, nous sentirions qu’il nous faut mourir, et mourir à tout. Cette vie est spirituelle ; c’est l’immortalité, c’est le ciel, c’est le royaume des cieux ; elle consiste dans une entière séparation d’avec la mortalité, la chair et la terre. Ce n’est qu’en proportion de notre mort au monde que nous pouvons jouir de cette vie céleste. Que de grâces nous sont présentées ! Que de bénédictions nous pouvons recevoir ! Comme nous pourrions être des instruments de bénédiction, si nous avions le courage de nous livrer comme de saintes victimes à l’Esprit de Dieu ! Jamais on ne regrette de renoncer à soi-même, de se charger de sa croix, et de suivre l’homme de douleurs, le solitaire Jésus. C’est un exercice saint et salutaire, dans lequel nous apprenons à descendre à l’état de petitesse qui nous convient, à ne rien attendre d’en bas, et même à refuser ce qui s’y trouve ; à ne pas nous contenter de la bonne part, mais à choisir la meilleure, parce que « la nuit est avancée, et que le jour s’est approché » [Romains chapitre 13 verset 12] ; à ne point avoir soin de la chair et de ses jouissances, mais à nous revêtir des armes de la lumière, et à nous préparer pour le combat. Prouvons ainsi notre attachement à l’Église de Jésus, de telle manière qu’elle voie dans notre vie ce dont elle a le plus besoin. Montrons franchement que nous cherchons un royaume, et que notre royaume n’est pas d’ici-bas ; que nous sommes un avec le Seigneur du ciel ; que nous attendons Celui qui nous a délivrés de la colère à venir [1 Thessaloniciens chapitre 1 verset 10], et que nous avons crucifié la chair avec ses convoitises [Galates chapitre 5 verset 24]. Ne craignons pas d’être livrés à la mort, afin que la vie de Jésus se manifeste [2 Corinthiens chapitre 4 verset 11] avec plus de puissance dans Son corps qui est l’Église ; si nous aimons à penser à Son apparition, notre sollicitude se portera sur l’Église et non sur nous-mêmes, et nous ne pourrons supporter la pensée que nos péchés soient une tache sur elle. Nous sentirons les péchés du corps comme s’ils étaient les nôtres propres, car nous sommes membres les uns des autres [Éphésiens chapitre 4 verset 25]. Oh ! que Dieu nous donne de trouver une telle substance dans les objets de notre espérance, que toutes les autres choses nous paraissent dans leur nudité et dans leur néant, et que nous soyons heureux dans l’attente de recevoir tout bien « avec Jésus » !

Si nous attendons Jésus, nous L’attendons avec tous Ses saints, car ils viendront avec Lui. Et l’apôtre déclare, quant à ceux qui dorment en Lui, que Dieu les amènera avec Lui, comme si la pensée même d’une séparation entre Christ et Ses membres était impossible. Que de choses nous avons encore à apprendre ! Ne craignons pas ce qui peut contribuer à nous crucifier, car « si, par l’Esprit, nous faisons mourir les actes du corps, nous vivrons » [Romains chapitre 8 verset 13] ; et il se pourrait qu’après avoir été rendus conformes à la mort de Jésus, et avoir connu la puissance de Sa résurrection, même la puissance d’une vie impérissable, nous fussions jugés dignes d’avoir part à la communion de Ses souffrances [Philippiens chapitre 3 verset 10]. Amen, amen ! Que pourrais-je désirer de plus pour vous, chère amie, que la discipline et les souffrances, pourvu que vous soyez dans Ses bras, et que vous vous rappeliez toujours cette promesse : « Je ne vous laisserai point orphelins » [Jean chapitre 14 verset 18] ?

Lettre 66

Le 5 avril 1832
Ma bien-aimée,

J’espère que mon silence ne vous donne pas lieu de penser que je vous ai oubliée. Je vous assure que j’ai été avec vous au milieu de vos nombreuses épreuves. J’ai confiance que notre pauvre amie a été soutenue dans toutes ses douleurs et que sa santé n’en a pas souffert, car le Seigneur a mêlé beaucoup de miséricordes à l’amertume de sa coupe. Quel Dieu fidèle ! Comme Il entend les prières ! Quelle confiance cela donne pour l’avenir ! Nous pouvons avoir beaucoup à Lui demander, mais ce n’est jamais trop pour Sa grâce, car « Il est riche en compassion pour tous ceux qui l’invoquent » [Romains chapitre 10 verset 12]. Nous ne voyons pas qu’Il ait jamais refusé de guérir le corps d’aucun de ceux qui allaient à Lui avec foi ; et pourquoi ? « afin que nous sachions que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés » (Luc chapitre 5 verset 24).

Nous avons tous besoin de la discipline de notre Père céleste. Il nous montre Sa patience en nous envoyant de si nombreux châtiments, puisque notre méchanceté ne L’a point encore lassé, et ne L’a point forcé à dire : « Laissez-les ». Je vois qu’il n’y a rien dont nous soyons aussi indignes que d’être affligés, et cependant Il continue à envoyer l’affliction ligne après ligne, précepte après précepte, et dans chaque cas elle est parfaitement adaptée au caractère et aux sentiments particuliers de ceux qu’elle touche. Nous ne pouvons lire sans émotion l’histoire des miséricordes du Seigneur et de la perversité d’Israël dans le désert, lorsque nous nous l’appliquons à nous-mêmes. Elle nous aide à croire, en dépit des apparences, « que toutes choses travaillent ensemble en bien » [Romains chapitre 8 verset 28], quelque contraires que puissent être les apparences, comme quand l’Éternel changea le cœur des Égyptiens, « de sorte qu’ils eurent son peuple en haine, jusqu’à conspirer contre ses serviteurs » [Psaume 105 verset 25]. S’Il nous promène par le désert, c’est afin d’avoir l’occasion de nous montrer Son amour, en étendant sur nous le bouclier de Sa protection, et en s’accommodant à tous nos besoins. S’il nous appelle à passer par quelque épreuve, nous trouvons toujours qu’Il y a passé Lui-même avant nous, et qu’Il y a déposé Ses insondables trésors, afin que nous en sortions enrichis. Que de fois Il a fait jaillir pour nous l’eau des rochers, nous faisant trouver des consolations là où il nous semblait impossible qu’il y en eût aucune ! Que de fois Il a fait courir les eaux dans les lieux secs que nous devons traverser pour arriver à la cité céleste ! Et pourquoi tout cela ? Parce qu’Il se souvient de la promesse qu’Il a faite à Jésus notre garant, et parce qu’Il veut se purifier pour Lui-même un peuple particulier, zélateur des bonnes œuvres. Il permettrait que la nature entière fût bouleversée, plutôt que de manquer à la plus petite de Ses promesses envers le plus chétif de Ses enfants. Quelle miséricorde que nous ayons affaire à un Dieu de vérité ! Il n’exagère jamais ! Il ne s’exprime jamais d’une manière équivoque ! Nous n’avons qu’à nous attacher de tout notre cœur à Sa promesse telle qu’elle est, et à Le glorifier tout simplement par notre obéissance.

Lettre 67

Décembre 1834

… Que nous sommes heureux de vivre pour un but, et pour un but si digne de notre vie ! « Soit que nous vivions, c’est pour le Seigneur que nous vivons ; soit que nous mourions, c’est pour le Seigneur que nous mourons ; soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur » [Romains chapitre 14 verset 8]. Il nous enseigne toute espèce de leçons, jusqu’à la connaissance de Lui-même. Il nous prépare par Sa discipline, non seulement pour la place qu’Il veut que nous occupions dans l’Église d’en bas, mais aussi pour celle qu’Il nous a préparée dans Son royaume à venir. Lorsque la mère des fils de Zébédée lui demanda que ses deux fils fussent assis l’un à Sa droite et l’autre à Sa gauche dans Son royaume, Il répondit : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, et être baptisés du baptême dont je suis baptisé ? » [Marc chapitre 10 verset 38] comme s’Il eût voulu dire : Le sentier de la douleur, et ce sentier seulement, conduit au pays où la douleur est inconnue. Nous nous sommes chargés de notre croix pour suivre le Crucifié. Nous devons calculer la dépense, et n’attendre autre chose que ce qui se trouve sur Ses pas. La croix est pour nous un signe qui nous rappelle que nous devons combattre sous la bannière de Jésus. Comme créatures de Dieu, nous ne pourrions jouir d’une liberté complète, mais nous sommes heureux en apprenant la dépendance et la soumission, et c’est aussi pour nous un sujet de joie que d’être appelés à dépendre les uns des autres. Il en sera toujours de même. Dieu ne nous présente que ce qui doit faire notre bonheur, si nous savons nous soumettre. C’est l’orgueil qui fait notre mal, et qui est notre plus grand ennemi. Mais béni soit Dieu de ce qu’Il promet de résister aux orgueilleux [1 Pierre chapitre 5 verset 5] ! La dépendance et la soumission semblent être un bonheur nouveau que notre bon Maître comme homme nous a obtenu. Non seulement Il était soumis à Son Père, mais voyez aussi comme Il s’attendait à Ses frères : « J’ai attendu que quelqu’un eût compassion de moi » [Psaume 69 verset 20]. « Ainsi vous n’avez pu veiller une seule heure avec moi ! » [Matthieu chapitre 26 verset 40]. — « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont point reçu » [Jean chapitre 1 verset 11]. — « Je suis semblable au passereau, qui est seul sur le toit » [Psaume 102 verset 7]. — « Je contemplais à ma droite, et je regardais, et il n’y avait personne qui me reconnût ; tout refuge me manquait, et il n’y avait personne qui eût soin de mon âme. Éternel, je me suis écrié vers toi ; j’ai dit : Tu es ma retraite et ma portion » [Psaume 142 versets 4 et 5].

Puisque nous sommes appelés à régner avec Christ, il est nécessaire que nous passions par la même école que Lui, pour y apprendre à gouverner. Son éducation s’est faite au milieu de nos besoins. D’où vient la sympathie de Son cœur dont nous faisons l’expérience chaque jour, si ce n’est de ce qu’Il a souffert, ayant été tenté ? Oh ! oui, ayons patience ! « Que la patience ait une œuvre parfaite, de sorte que rien ne nous manque » [Jacques chapitre 1 verset 4], « parce que l’arrivée du Seigneur approche » [Jacques chapitre 5 verset 8]. Je pense que nous devons nous occuper de tout ce qui concerne la gloire de notre bien-aimé Seigneur. Il faut que nos cœurs s’élargissent, pour qu’ils soient capables de contenir, non seulement une paroisse ou même l’univers, mais encore tout le royaume des cieux, Dieu Lui-même, et avec Lui tout ce qui Lui est cher ; or, vous savez « qu’Il a tellement aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique » [Jean chapitre 3 verset 16]. — Priez-vous quelquefois pour moi ? — Je prie avec joie pour vous. Il est si doux et si utile de s’entretenir de ses amis avec le Seigneur, et de leur envoyer de précieux messages d’amour, par ce fidèle messager. Nous ne pouvons comprendre cette jouissance que lorsque nous l’avons expérimentée, et c’est un temps utilement employé que celui que nous passons à parler à Dieu de nos amis, et à nos amis de Dieu. Nous nous privons d’un bonheur réel en ne vivant pas dans les cieux. Les chrétiens devraient être comme des lampes de toute espèce suspendues de manière à éclairer les voyageurs qui sortent du royaume des ténèbres. Notre royaume n’est pas d’ici-bas, et nous devrions regarder la terre comme depuis les cieux, au lieu de regarder les cieux depuis la terre, comme si les choses présentes étaient déjà passées, et que les choses futures fussent déjà présentes ; et bientôt il en sera ainsi, car « la figure de ce monde passe » [1 Corinthiens chapitre 7 verset 31].

Lettre 68

1835

J’aimerais beaucoup savoir ce que vous pensez de tout ce qui se passe autour de vous. La mondanité de l’Église est parvenue à un tel degré, que les chrétiens devraient prendre la résolution, ou d’appartenir entièrement au royaume céleste, ou d’appartenir entièrement au royaume terrestre. On ne peut servir deux maîtres sans être malheureux ; il est impossible de satisfaire aux exigences de l’un et de l’autre, et, d’ailleurs, une telle voie est toujours accompagnée de beaucoup d’hypocrisie. Si nous savions demeurer fermes sur le terrain de la sainteté, notre ambition ne se porterait pas sur des objets mondains. On dit souvent que les choses de ce monde peuvent être sanctifiées quand elles sont consacrées à des usages célestes ; cependant, je ne puis m’empêcher de sentir chaque jour plus fortement, bien que mes pauvres pensées soient de peu d’importance, qu’il faut un divorce complet, et que Dieu et le monde ne peuvent être unis ; qu’il est nécessaire que nous montrions clairement que nous sommes ressuscités avec Christ, et que nos vrais biens ne sont point ici-bas ; que nous ne nous efforçons pas de monter à travers la boue et la fange, mais que nous sommes comme descendus du ciel ; que notre place est dans le royaume des cieux, et que nous regardons la terre depuis le ciel, et non le ciel depuis la terre. Et moins nous voyons cela dans le corps de Christ, plus nous devrions être jaloux d’y parvenir individuellement. Puisque l’ivraie a été semée parmi le blé, nous devons désirer avec ardeur qu’on puisse les distinguer facilement pour la gloire de Dieu. C’est parce que nous comprenons si peu ce que nous sommes maintenant, comme ressuscités avec Christ et unis au Seigneur du ciel, que nous oublions qu’il ne nous est possible de sentir la jouissance et la puissance de la vie céleste qu’en proportion de la mortification de notre vie naturelle. Je ne sais si j’ai tort, mais il me semble que j’ai été dans l’erreur avec beaucoup de chrétiens, en pensant que la mort devait s’effectuer en proportion de l’accroissement de la vie, au lieu d’attendre la vie en proportion du développement de la mort. L’œuvre de l’Esprit, lorsqu’Il est entré dans Son temple, consiste à soumettre, afin que toutes Ses grâces puissent fleurir en nous ; c’est pourquoi, au lieu de nous élever contre les choses qui nous paraissent contraires, nous devons Le laisser opérer et nous joindre à Lui pour combattre le mal qui nous environne. C’est ainsi que nos misères mêmes deviennent, entre les mains de l’Esprit, des clous par le moyen desquels la chair est crucifiée. Car, quoique, comme Adam et Ève, nous soyons toujours prêts à accuser les circonstances ou nos dispositions naturelles, notre incrédulité n’en est pas moins la cause de tout le mal. Nous devons être rendus conformes à la mort de Jésus pour connaître la puissance de Sa résurrection [Philippiens chapitre 3 verset 10], et nous ne pouvons vivre qu’autant que, par l’Esprit, nous faisons mourir les actes du corps [Romains chapitre 8 verset 13]. Le chemin de l’humiliation est une bonne expérience ; « Christ peut s’assujettir toutes choses » [Philippiens chapitre 3 verset 21], et chaque victoire remportée au-dedans de nous est pour Satan un témoignage qu’il est vaincu, et que bientôt il sera foulé aux pieds. Pardonnez-moi si je vous prends des moments précieux, mais je sens que vous êtes particulièrement aimé du Père, et je ne puis me retenir. Oh ! que nos cœurs consacrés à Dieu n’entendent plus que la voix de la tendre et céleste colombe lorsqu’elle appelle sa compagne ! Que le Saint Esprit fasse si constamment résonner au-dedans de nous le nom de Jésus, qu’Il soit comme une huile précieuse versée sur chacune de nos pensées, de nos paroles et de nos actions !

Croyez-moi, dans l’espérance du royaume, votre affectionnée

Théodosia A. Powerscourt

Lettre 69

Août 1835

J’espère que vous apprenez à aimer. Il est difficile d’agir, il est difficile de souffrir, mais il n’y a rien d’aussi difficile que d’aimer selon Christ. Autant une chose est bonne lorsqu’on en use convenablement, autant elle est mauvaise lorsqu’on en abuse. Ève était pour Adam la plus grande des bénédictions, aussi devint-elle sa plus grande malédiction en se laissant séduire. Ne concentrez pas toutes vos affections sur votre mari et sur votre enfant, mais qu’ils servent à vous affermir dans la communion avec Dieu. Ils seront alors pour vous une vraie bénédiction, et vous deviendrez bien plus semblable à Christ que si votre cœur se repliait toujours sur lui-même.

Lettre 70

Décembre 1835

Oh ! ma pauvre et chère amie, combien je sens votre douleur ! Oh ! que sera la gloire à venir, si de telles afflictions ne peuvent lui être comparées ! Que Dieu vous donne de reconnaître dans l’abîme de votre souffrance que tout est amour, quelque difficile qu’il semble d’abord de le croire ! C’est ainsi qu’Il répond souvent à ceux qui Lui demandent plus de foi et d’amour. Il est bon que nous apprenions le sens des mots dans le livre même où Christ a appris l’obéissance ; et Il l’a apprise par les choses qu’Il a souffertes [Hébreux chapitre 5 verset 8]. Oh ! ma chère sœur, nous sommes le trésor de Dieu ! Souvent nous avons dit que tout est vanité, et que la terre n’est pas notre demeure ; et, en effet, nous appartenons à Dieu, et nous ne sommes ici-bas que pour être façonnés par Lui. Il veut que nous comprenions bien cela. Il est un Dieu jaloux. Sa tendresse pour nous n’est jamais aveugle. Béni soit Son nom ! Il nous aime trop pour nous épargner une seule peine nécessaire. Il nous aime trop pour nous en envoyer une seule sans nécessité. Il est assis près de Son feu comme Celui qui raffine. Attendez un peu, et vous verrez que cette épreuve est précisément celle dont vous n’auriez pu vous passer. Puis il n’est pas perdu, seulement il s’en est allé le premier. Vous êtes avec lui « héritière de la grâce de la vie » [1 Pierre chapitre 3 verset 7], et l’Écriture dit que sans vous il ne peut être rendu parfait. Il vous attend donc dans le sein de Jésus. Assurément, vous n’aimeriez pas qu’il fût plutôt avec vous qu’auprès de Jésus, uniquement pour la satisfaction de converser avec lui.

Vous êtes ensemble, puisque vous demeurez l’un et l’autre en Jésus ; vous avez une même vie dont les pulsations se font sentir dans le cœur de Jésus. Vous avez communion l’un avec l’autre, car ses pensées sont toutes concentrées sur Jésus. Lorsque Moïse et Élie apparurent aux disciples, ils parlaient de Jésus. Ma bien-aimée sœur, vous êtes sur le point d’entrer dans les réalités d’une consolation que vous n’auriez jamais cru pouvoir trouver en Dieu. Il me semble que je vous vois descendre dans un abîme que j’ai moi-même traversé, et je ne puis rendre que bien faiblement ce que je sens, en vous disant que je sympathise avec vous, que j’ai compassion de vous, que je tremble presque pour vous. Mais je puis cependant vous affirmer que pour tout au monde je ne voudrais pas n’avoir pas fait par ce moyen l’expérience de ce qu’est Jésus. Je choisirais de mourir mille fois plutôt que de n’avoir pas passé par tout cela. Je ne voudrais pas qu’un seul coup m’eût été épargné, lors même que souvent encore la douleur se fait vivement sentir.

Si vous considérez les choses à la lumière de l’éternité, vous verrez que vous avez sujet de bénir Dieu, non seulement pour le bonheur assuré de votre ami, mais encore pour tout ce qu’Il veut vous apprendre au moyen de ces longs jours et de ces longues nuits de tristesse. Ce sont des leçons pour l’éternité que Dieu seul peut donner, et ce n’est que dans ce monde que nous pouvons apprendre ce que c’est que la joie dans la douleur et le calme au milieu de la tempête.

Que le Dieu de paix soit avec vous ! Il le veut, je sais qu’Il le veut. Il ne permettra pas que vous soyez éprouvée au-delà de ce que vous pouvez [1 Corinthiens chapitre 10 verset 13]. Et si bientôt vous devez être mère, vous serez soutenue par cette douce promesse : « Que tes veuves s’assurent en moi » [Jérémie chapitre 49 verset 11]. Ce sont des paroles que je me suis appropriées et que j’ai scellées de mon sceau. Il n’a jamais manqué à ceux qui se confient en Lui.

Vous ne pourrez peut-être pas lire cette lettre, mais je n’ai pu m’empêcher de vous l’envoyer, comme si Jésus m’eût donné le droit d’entrer dans la maison du deuil.

Votre très affectionnée et affligée sœur

T.A. Powerscourt

Lettre 71

5, Stephen’s Green, février 1835

La religion de Jésus constitue une vie d’humiliation. Nous ne pourrions nous en occuper pour notre propre gloire. Si nous nous laissons conduire par Jésus, notre vie sera nécessairement une sévère discipline. Béni soit Dieu, de ce qu’Il a mis dans nos cœurs un désir ferme de vivre pour Lui, et de ce qu’Il est fidèle dans l’œuvre qu’Il fait en nous, quoiqu’elle rencontre encore tant d’opposition dans notre volonté et dans nos affections ! Avons-nous calculé la dépense ? Ne faisons pas volontairement la perte d’aucune des parties de notre récompense, en nous laissant aller aux folies d’ici-bas. Vous savez, ma bien-aimée, que nous sommes morts avec Christ, et que nous sommes ressuscités avec Lui, c’est pourquoi notre vie est désormais, non plus d’en bas, mais d’en haut. La vie que nous avons maintenant est cet esprit que le second Adam a obtenu pour nous dans Sa résurrection, quand Il a été fait un esprit donnant la vie. Unis à Lui dans Sa résurrection aussi bien que dans Sa mort, nous participons à Sa nouvelle vie. Si nous nous élevions sincèrement, et avec la pensée de Dieu, contre nos mauvais penchants, nous aurions, comme serviteurs de l’Esprit, tout un monde d’occupations au-dedans de nous. Ce serait comme une destruction de tout ce qu’il y a d’agréable en nous, un complet renoncement à nous-mêmes ; et tout cela est nécessaire pour une vie d’amour, car les affections terrestres ne font que concentrer le cœur sur le moi, tandis que l’amour est une dissémination des affections dans le corps qui est l’Église.

Pourquoi vivons-nous d’une manière si pauvre, si morte ? Pourquoi, nous qui avons notre droit de bourgeoisie dans les cieux, sommes-nous encore si charnels ? Nous oublions qu’il y a un espace immense entre les cieux et la terre, aussi n’est-ce qu’avec souffrance que nous nous séparons du monde, et parce qu’en nous la vie de l’esprit est trop peu élevée, nous négligeons de rabaisser la vie de la chair : « Quiconque voudra sauver sa vie, la perdra ; et quiconque perdra sa vie pour l’amour de moi, la trouvera » [Matthieu chapitre 16 verset 25]. Cette récompense est pour le moment présent.

Honorons l’Église de Dieu dans laquelle nous sommes, par un amour fervent pour Christ ; montrons à tous que les promesses sont accompagnées de puissance, et écoutons le Maître qui nous dit : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, et qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive » [Matthieu chapitre 16 verset 24]. C’est ainsi que nous pourrons dans l’amour nous servir les uns les autres, et donner nos vies pour nos frères.

Voyez-vous sur le continent quelque signe qui annonce le prochain retour du Seigneur ? On doit sans doute y entendre un peu parler de Jérusalem. Ici, il me semble que tout parle de ce glorieux événement ; tous les esprits en sont occupés, et on sent le besoin de la prière, qui est un signe avant-coureur. La prière est en effet le seul refuge des chrétiens au milieu du conflit des opinions ; ce n’est qu’à genoux qu’ils peuvent se rencontrer sans danger ; la prière est le seul terrain sur lequel ils puissent se tendre l’un à l’autre la main de la communion. Oh ! oui, nous sommes en chemin pour aller vers notre Isaac. Les chameaux qui nous transportent nous secouent beaucoup, mais notre guide marche devant nous, et à chaque opposition qui se rencontre sur la route, Il dit : « Ne me retardez point, afin que je m’en aille à mon Seigneur » [Genèse chapitre 24 verset 56]. La chair voudrait jouir un peu plus longtemps de ses rapports si agréables avec la terre, mais notre guide fidèle, le serviteur de Jésus, le Saint Esprit, répond : « Non, ne me retardez point ». Que notre cœur dise donc avec empressement : « J’irai » [Genèse chapitre 24 verset 58], et, sur le rapport du messager, je quitterai tout ce que j’ai connu jusqu’à maintenant, pour être à Lui à jamais ! Oh ! que ce soit toujours là notre disposition ! Que pendant notre séjour ici-bas nous considérions toujours chaque objet comme nous le faisons, lorsqu’à genoux dans notre cabinet, « nous estimons que toutes choses sont une perte à cause de l’excellence de la connaissance de Jésus Christ » [Philippiens chapitre 3 verset 8] !

Lettre 72

… 1835

… Comment pouvez-vous me dire que vous craignez de m’exprimer votre sympathie ? J’en éprouve une vive reconnaissance. Celle que j’ai perdue est, il est vrai, vivement regrettée, mais nous la reverrons. Nous n’attendons pas seulement Jésus, nous attendons aussi tous les saints avec Lui ; et si nous pouvons attendre Jésus, nous pouvons aussi bien attendre ceux qui seront avec Lui. Ce sont eux que nous verrons en premier lieu, et aussitôt « nous serons ravis ensemble avec eux à la rencontre du Seigneur » [1 Thessaloniciens chapitre 4 verset 17]. Pendant qu’elle vivait, nous parlions ensemble de Jésus, et nous nous excitions à L’aimer toujours mieux. Elle était humble, et Il lui a accordé la plus grande grâce, « car s’en aller et être avec Christ, c’est beaucoup meilleur » [Philippiens chapitre 1 verset 23]. Elle avait ici-bas tout ce qui aurait pu l’attacher à la terre, et elle vivait comme si elle n’eût rien possédé.

Au moment où Jésus viendra pour réveiller de son sommeil ce corps qui est maintenant comme une semence dans Son jardin dont Il garde la clef, elle se lèvera avec un corps glorieux pour être Sa joie et pour publier Sa louange. « La terre jettera dehors les trépassés, et les habitants de la poussière se réveilleront et se réjouiront avec chant de triomphe » [Ésaïe chapitre 26 verset 19], tandis que les larmes mêmes de cette nuit de douleur brilleront à la lumière de Sa gloire, comme « la rosée des herbes ». Oh ! quelle espérance que celle de la résurrection ! C’est une richesse que Jésus nous a laissée, et que nous possédons au milieu de la mort. Son efficace est merveilleuse ; elle pénètre au-dedans du voile, jusqu’à Jésus ressuscité [Hébreux chapitre 6 versets 19 et 20], jusqu’à la vie impérissable. Nulle part la mort ne semble aussi confuse que dans la chambre d’un chrétien mourant. C’est là qu’on sent qu’elle est vaincue. La faiblesse, la mortalité, la corruption y proclament ensemble que, « comme nous avons porté l’image de celui qui est poussière, nous porterons aussi l’image de Celui qui est céleste » [1 Corinthiens chapitre 15 verset 49]. Oui, la mort des bien-aimés de Dieu est précieuse devant Ses yeux [Psaume 116 verset 15]. Et nous, les vivants, ceux qui seront restés pour l’arrivée du Seigneur, nous ne recevrons pas une moins grande bénédiction, car nous pourrons souffrir un peu plus longtemps avec Lui. C’est en considérant les choses à cette lumière que la foi voit mille ans comme un jour. Soyons donc diligents aujourd’hui, afin que demain nous soyons trouvés par Lui dans la paix, attendant Son arrivée, car « Il reviendra avec chant de triomphe, en portant ses gerbes » [Psaume 126 verset 6].

Lettre 73

Mars 1836
Ma bien chère amie,

Je crains de ne pouvoir aller jusqu’à vous maintenant, et comme je dois partir lundi prochain, je ne vous propose pas de venir ici, quoique j’eusse été bien heureuse de vous voir. Qu’est-ce que vous avez à me dire ? J’aimerais beaucoup savoir tout ce qui vous concerne les uns et les autres. Je suis réjouie dans la pensée que le Seigneur n’attend pas de nous un grand courage, mais bien plutôt que nous nous reposions sur Lui, quand nos cœurs sont sans force, afin qu’Il se glorifie dans notre faiblesse. Si notre chair et notre cœur sont consumés, Il prend plaisir à manifester dans notre infirmité la perfection de Sa force. Oh ! sachons seulement Lui tout donner. Cette dispensation est contenue tout entière dans ce petit mot tout. Le tout de Dieu, c’est Lui-même, le ciel et la terre. Notre tout à nous, ce sont deux pites.

N’est-ce pas une chose étrange que je sois encore ici, et que cette amie ait été prise ? Cela me fait désirer de m’en aller aussi. Nous avons été comme deux sœurs pendant toute notre vie. Quelque chose semble me dire que je ne devrais pas être ici ; cependant je suis plus près d’elle, plus en communion avec elle que lorsqu’elle était sur la terre, car nous pouvons être ensemble en dedans du voile. Alors il y avait deux corps pour nous entraver, maintenant il n’y en a plus qu’un. Je vis où elle est ; en restant dans la maison du Père, je suis avec elle ; je la vois comme une plante étrangère à la terre, et je dois me préparer à la rejoindre. L’apôtre nous enseigne un grand secret, quand il nous dit qu’il oubliait les choses qui était en arrière [Philippiens chapitre 3 verset 14]. Demeurer au milieu des choses qui sont en arrière, c’est s’asseoir dans les jardins enchantés de Satan, c’est vivre selon la chair. Dans le combat qui est devant nous, il n’y a point de lieu de repos ; il faut tendre en avant vers le but, se fatiguer, et cependant poursuivre. Je me sens pressée de courir vers le but, comme jamais je ne l’ai été auparavant. Le temps est si court ; ne le perdons pas à regarder en arrière, plus tard nous aurons assez de temps pour cela. Nous avons été appelés des cieux à nous consacrer au service de notre Seigneur. Nous vivons dans un temps où Jésus est malheureusement déshonoré par la tiédeur de Ses enfants. Nous craignons d’être des chrétiens décidés. Oh ! n’écoutons aucune prudence humaine, car il est question de sortir violemment l’Église hors du monde, et de travailler avec ardeur, comme aux jours d’Esdras. La patience de Dieu a été grande. Nous avons parlé assez longtemps ; c’est maintenant le temps d’agir, ou jamais. Il nous suffit du temps passé de notre vie, pour avoir marché selon le train de ce monde, ou pour avoir cherché à le sanctifier. Maintenant nous sommes appelés à rendre témoignage contre le monde, et à dire qu’il est plongé dans le mal.

Lettre 74

Cecil Street, Limerick
Bien cher ami,

Votre dernière lettre m’a donné une grande angoisse, et je désirais vous répondre de suite ; mais je devais écrire à tant de personnes auparavant, que je perdais courage. Je suis très certaine que Dieu n’a pas été pour vous un Dieu dur, comme Satan vous l’a suggéré, et qu’Il est toujours bien plus disposé à vous recevoir que vous à aller à Lui. Mais je sais aussi par ma propre expérience combien nous pouvons être méchants et ingrats. Je crois que l’Église doit traverser l’heure et la puissance des ténèbres. Bien heureux sont ceux qui sont jugés dignes de porter le poids du jour et la chaleur ! Nous connaissons l’agonie de notre Maître bien-aimé, et nous voyons avec quelle sollicitude Il a supplié Son Église, ou ses représentants sur la terre, de veiller et de prier pour ne pas succomber à l’heure de la tentation [Matthieu chapitre 26 verset 41] ; non seulement de veiller, mais aussi de prier ; non seulement de prier, mais aussi de veiller. Veillez et priez, a-t-Il dit, non en vous jetant au milieu de la tentation, sachant que l’esprit est de prompte volonté, mais afin que vous n’entriez pas en tentation, parce que la chair est faible. Avez-vous réfléchi à l’étonnant privilège d’être ami de Jésus, et à la condition de cette amitié : « Si vous faites tout ce que je vous commande » [Jean chapitre 15 verset 14] ? La promptitude de notre obéissance doit nous préparer à tout ce qu’Il veut, et à tout ce qu’Il peut nous faire connaître de Sa pensée ; alors dans Sa fidélité Il ne nous cachera rien. Il n’a rien reçu pour Lui seul. Toute plénitude a été mise en Lui pour Son Église. Nous n’avons pas une plus grande intelligence de Ses pensées, parce que nous n’obéissons pas à la lumière déjà reçue. Il ne se manifeste pas davantage à nous, parce que nous ne sommes pas obéissants. Tous ceux qui marchent dans l’obéissance font l’expérience qu’il est aussi impossible à l’amitié de refuser quelque chose, qu’à l’amour de recevoir quelque paiement. C’est pourquoi tout ce que Ses amis Lui demandent, ils le reçoivent. Et comment cela n’aurait-il pas lieu, puisqu’Il s’est premièrement donné Lui-même !

Lettre 75

Mon cher Monsieur,

Je ne puis laisser votre aimable billet sans réponse, et j’ai besoin de vous témoigner ma reconnaissance, lors même que chaque fois que je vous vois ou que j’entends parler de vous, cela répand toujours dans mon cœur une tristesse que je ne puis vaincre de toute la journée. Nous ne sommes pourtant pas séparés pour toujours ; oh ! non ; je serai pour vous un grand sujet de joie, et cette assurance me rend heureuse. Qu’il est doux de penser à l’union intime et inséparable des croyants ! Étant tous en particulier unis à Jésus, ils doivent l’être les uns aux autres, et, quelque effort que Satan fasse, il ne peut les séparer. La vie qui circule en eux tous est la même, et c’est dans le cœur de Jésus que s’en font sentir les pulsations ; ils ne sont tous que comme les miettes d’un même pain. Quand nous disons : « Qui nous séparera de l’amour de Christ ? » [Romains chapitre 8 verset 35] nous disons par là même : Qui nous séparera les uns des autres ? Si nous L’attendons, nous attendons aussi Ses saints, car ils viendront avec Lui, et la cène du Seigneur est pour nous, comme le oui et l’amen à Ses grandes promesses. Hélas ! ce n’est pas comme une seule famille à bord d’un même bâtiment, que nous faisons voile vers le port ; nous sommes comme des naufragés unis par le même danger et la même délivrance ; et, quoique nous soyons les uns sur un navire et les autres sur un autre, nous cinglons tous vers le même rivage, et nous y arriverons en sûreté. Ce n’est pas en coulant à fond le vaisseau de notre voisin que nous cherchons notre salut, c’est bien plutôt en nous aidant les uns les autres avec toute l’énergie que donne l’amour.

Croyez-moi, cher Monsieur, l’amie la plus affectionnée et la plus reconnaissante que vous ayez au monde.

T.A. Powerscourt

Lettre 76

Le 21 juin 1836
Mon cher Monsieur,

Être chrétien, c’est sans contredit une grande réalité. Il ne savait pas trop ce qu’il promettait, celui qui disait à notre bien-aimé Maître : « Je te suivrai partout où tu iras » [Luc chapitre 9 verset 57] ; aussi Jésus lui fit-Il sentir la nécessité de calculer la dépense de son mot « partout ». Nous sommes appelés à laisser pour Christ tout ce qu’on peut désirer ici-bas ; non seulement les choses superflues, mais aussi les choses nécessaires ; non seulement les choses nécessaires, mais encore les affections les plus chères. Bienheureux sommes-nous, si, tandis que nous Lui abandonnons tout, Il demeure le bien suprême de nos cœurs, sans que nous placions aucun autre objet à côté de Lui ! Si Dieu remplit tout en nous, les autres choses sont toutes comme perdues et englouties en Lui. Combien peu nous avons la pensée de Jésus relativement à la gloire de Son Père ! Nous voudrions souvent que Sa cause attendît notre commodité. Tandis que chacun s’en allait dans sa maison, Jésus alla à la montagne des Oliviers. Notre responsabilité est grande, car nous avons été appelés dans des jours merveilleux. Tandis que les chrétiens cherchent (ce que Dieu Lui-même ne pourrait faire) à amener le monde à eux, en marchant avec lui bras dessus, bras dessous, Jésus appelle ceux qui sont à Lui de tout leur cœur, à marcher courageusement en sens inverse. Nous avons besoin de nous souvenir que notre appel est céleste ; que nous sommes d’en haut ; que désormais nous ne devons connaître quoi que ce soit selon la chair, parce que toutes choses sont devenues nouvelles ; que nous ne devons avoir rien de commun avec ceux qui ont crucifié le Seigneur, car nous sommes vivants d’entre les morts, notre habitation est en dedans du voile, et notre vie est cachée avec Christ en Dieu [Colossiens chapitre 3 verset 3]. Dans le temps passé, nous vivions selon le train de ce monde, nous accomplissions les désirs de nos pensées ; mais maintenant Dieu nous a fait vivre, Il nous a ressuscités, Il nous a faits citoyens des cieux, c’est pourquoi nous devons marcher en toute humilité, d’une manière digne de cette haute vocation. Qu’il est triste de ne L’aimer que si peu encore ! N’est-ce pas faire insulte au Dieu d’amour qui a tout donné pour nous, que de dire que nous L’aimons, et en même temps de calculer si nous Lui donnerons tout, quand notre tout n’est que deux pites, et que Son tout, à Lui, c’est le ciel, la terre, l’éternité, Lui-même ? Il vaudrait mieux ne pas aimer du tout. Il vaut mieux être froid que tiède. Nous voulons bien être malades près de Jésus, et nous réjouir à l’ouïe des précieuses promesses, pourvu que l’infidélité nous soit quelquefois permise. Et cependant Il a confié à notre fidélité toute Sa cause et la gloire de Son Père ; Il s’est reposé sans réserve et sans condition sur notre amour ! Oh ! qu’Il n’ait plus à nous reprocher une telle ingratitude, qu’Il nous rende capables de supporter la souffrance à l’heure où Il aura besoin de nous ! Allons en avant en toute humilité, et sachons nous éloigner des choses qui pourraient embarrasser notre course, afin que nous puissions plaire à Celui qui nous a enrôlés [2 Timothée chapitre 2 verset 4].

Votre affectionnée et reconnaissante

T.A. Powerscourt

Lettre 77

Powerscourt
Mon bien cher frère !

Je remercie le Seigneur de ce qu’Il m’accorde la douce jouissance de pouvoir vous écrire ce matin. Vous savez que mon temps ne m’appartient pas, puisque j’ai été achetée à prix [1 Corinthiens chapitre 7 verset 23] pour être la servante de mon Maître, et que, comme telle, je dois aller où Il m’appelle, et faire ce qu’Il me commande. Mais quel doux service, quelle parfaite liberté ! C’est à cela qu’il faut attribuer mon long silence ; car, en vérité, nuit et jour j’ai eu au cœur de vous écrire, surtout lorsque vous m’avez fait entendre que vous me pensiez indifférente à l’égard de ce qui vous concerne. Sans doute que mon égoïsme m’empêche d’avoir pour aucun des saints toute l’affection que je désirerais sentir ; cependant je m’assure que mon cœur est bien uni au vôtre pour chercher à expérimenter toujours davantage la tendresse et l’amour du Seigneur. Il y a une grande différence entre la sympathie de Christ et celle de Ses saints. Tandis que ceux-ci cherchent à s’endurcir contre les sentiments et les sympathies de la nature humaine, quand ils voient la nécessité de se séparer des choses d’ici-bas ; Christ, au contraire, a donné cours à tous les sentiments et à toutes les sympathies de la nature humaine ; Il a reçu la souffrance, Il n’a point bandé Ses propres plaies pendant qu’Il marchait devant Ses brebis, afin que le sang de Ses blessures pût leur servir de baume quand elles seraient blessées. Cependant Il a été séparé de toutes les choses d’ici-bas.

Je suis étonnée que vous ne soyez jamais venu me voir ; la traversée est si facile. Mais non, ce temps-ci n’est pas celui de la jouissance ; je l’oubliais ; et je serais bien fâchée si vous veniez ici sans autre but que celui de me voir, en dépensant pour moi votre argent et votre temps, à moins que ce ne fût pour me faire du bien, car, dans ce cas, il n’y aurait point de perte. Je crois que la vie tout entière d’un chrétien, ou en d’autres termes le christianisme, qui est la vie du ciel sur la terre, consiste dans l’amour, dans cet amour par lequel les saints se servent les uns les autres. Une fois que nous y sommes réellement entrés, nous la trouvons extrêmement douce, mais elle est incompatible avec le maintien de notre rang et de notre position ; elle nous fait descendre toujours plus bas, car elle exalte la grâce et jamais les richesses. Jésus n’a pas fait descendre Sa bénédiction, mais Il s’est fait pauvre, afin que par Sa pauvreté nous fussions enrichis [2 Corinthiens chapitre 8 verset 9]. Nous sommes appelés à un service vigilant, actif et empressé pour les besoins d’autrui ; l’Esprit nous enseigne à faire l’abandon de tout bien et de toute jouissance. Comme Jésus notre Maître et notre souverain Sacrificateur, nous devons nous ceindre et nous baisser pour laver les pieds des saints, et dispenser non seulement les biens temporels, si nous le pouvons, mais aussi les biens spirituels qui donnent la vie. Il a obtenu la gloire d’être notre serviteur et Il n’y renoncera jamais. Il aime cet emploi, et même lorsqu’Il reviendra, Il nous est représenté comme faisant asseoir Son peuple et s’avançant pour le servir [Luc chapitre 12 verset 37]. Quels pauvres et misérables serviteurs nous sommes, nous qui oublions constamment que nous ne sommes point à nous-mêmes, et qui dissipons Ses biens ! Assurément, si nous étions les maîtres de tels serviteurs, il y a longtemps qu’ils auraient été congédiés. Si nous reconnaissons que notre temps et tous nos biens Lui appartiennent, n’en donnons rien à l’ennemi, mais disons à Jésus : Tout ce que j’ai et tout ce que je suis est à toi pour jamais ; tout ce que ta sagesse m’invitera à donner, ma main l’abandonnera joyeusement. Alors même que le devoir ne me demandera pas tout, l’amour que j’ai pour toi est tel que je serai toujours prêt à tout donner.

Le dieu de ce monde domine d’une manière étrange, puisqu’il peut, à plusieurs égards, employer à son service ceux qui devraient être entièrement au service du Seigneur, tout en ne leur donnant pour salaire que la poussière dorée et les bagatelles de ce monde, qui ne sont que néant. Il faut, mon cher frère, que, dans ces jours où tant de gens professent le christianisme, nous ne nous contentions pas d’être dans un bon chemin ; nous devons suivre le plus excellent. Et si cette profession de l’évangile, sans la confession de Christ, est si commune, nous en sommes certainement la cause, car nous n’avons pas manifesté extérieurement ce que nous croyons intérieurement. Nous avons pensé qu’il suffisait d’avoir un cœur droit, et ainsi le témoignage que nous avons rendu à la vérité n’a point été d’accord avec cette déclaration du Seigneur : « Il fallait pratiquer ces choses-ci, et ne pas omettre celles-là » [Luc chapitre 11 verset 42]. Notre cher Sauveur n’est pas venu pour juger ; il ne sortait de Sa bouche que des paroles de grâce, mais la lumière qui était en Lui portait la conviction du péché dans chaque conscience. Avec quelle beauté cela nous est présenté dans le chapitre 8 de Jean ! L’invitation de Jésus, chapitre 7, verset 37 ; la confession des huissiers, verset 46 ; le pardon accordé à la femme adultère au commencement du chapitre 8, tout cela ne paraît produire autre chose qu’une conviction de péché ; puis, comme s’Il eût voulu nous faire connaître le côté pratique de l’évangile, Il dit, chapitre 12, verset 8 : « Vous avez toujours les pauvres avec vous, mais moi, vous ne m’avez pas toujours ». L’évangile ne nous attire pas tout d’abord, comme nous le voyons dans le cas de la femme de Samarie ; elle commença par occuper Jésus de questions sans importance jusqu’à ce qu’elle se rendit, et laissa sonder son cœur par la lumière. Si nous sommes des enfants de lumière, nous devons marcher comme des enfants de lumière [Éphésiens chapitre 5 verset 8] ; la lumière manifeste tout ; toutes choses étant reprises sont manifestées par la lumière [Éphésiens chapitre 5 verset 13] ; mais il faut que nous possédions cette lumière pure, céleste, qui, loin d’avoir aucune communion avec les ténèbres, les dissipe au contraire sans cesse. C’est là notre appel, mon cher frère ; notre perspective est brillante, et puisque nous attendons de si grandes choses, soyons diligents, d’autant plus que nous voyons approcher le jour [Hébreux chapitre 10 verset 25].

Lettre 78

Le 10 novembre 1836

J’aime à penser que la tour de Babel se détruisit elle-même par sa propre confusion. Les portes de l’enfer ne peuvent prévaloir contre l’Église [Matthieu chapitre 16 verset 18]. Il opérera, et qui L’en empêchera ? C’est Sa gloire de changer en douceur ce qui est amer, et de faire sortir l’ordre de la confusion. Si les fidèles sont dans la position des vierges sages, préparant leurs lampes, attendant le Seigneur, ils demeureront séparés de ceux qui commencent à s’apercevoir qu’ils n’ont point d’huile. Si les saints sont une fois repoussés par la multitude de ceux qui n’ont qu’une simple profession de christianisme, l’Église sera semblable à un vase tourné sens dessus dessous, et tout ne sera que confusion. On pourra certainement croire que les derniers temps sont là, « quand l’iniquité sera multipliée, et que l’amour d’un grand nombre se refroidira » [Matthieu chapitre 24 verset 12]. Puissions-nous être trouvés fidèles !

La confusion même qui règne dans l’Église peut exciter notre reconnaissance, car elle est, jusqu’à un certain point, la conséquence de l’augmentation de la lumière divine, qui, en entrant dans les cœurs, a manifesté une quantité de maux négligés correspondante à la quantité de vérités qui ont été négligées. Nous nous érigeons nous-mêmes en juges des vérités de Dieu ; cette vérité est utile, celle-là n’est de nulle importance, disons-nous, tandis que toute vérité doit être nécessaire si elle nous a été donnée. Il se peut qu’elle ne soit pas nécessaire pour notre justification, mais elle l’est pour nous transformer et nous faire entrer dans la pensée de Jésus, selon que « Dieu a déterminé d’avance que nous serions conformes à l’image de son Fils, pour qu’Il soit le premier-né parmi beaucoup de frères » [Romains chapitre 8 verset 29]. Nous aimons à nous reposer sur les promesses de salut qui nous ont été gratuitement données ; il nous est doux de pouvoir dire : Je suis heureux ; je suis en communion avec Dieu ; j’ai la paix ; je ne pécherai plus quand j’arriverai au ciel. Tout cela est bien, mais y a-t-il aucune gloire pour moi à me séparer de moi, de moi-même ? Mon salut n’est-il pas tout entier à la gloire de Jésus ? Puis, si un autre frère, laissant un peu trop ce sujet derrière lui, se met à parler de la gloire de Christ comme devant être celle des saints au jour de Son avènement, ou du témoignage que l’Église, qui est Son corps, peut rendre à Sa gloire maintenant au milieu du royaume de Satan ; ou si un chrétien désire glorifier le nom de Jésus par une plus grande conformité à Son image, et par une obéissance plus simple et plus entière à Ses commandements, on voit aussitôt une espèce de jalousie, comme si la croix était oubliée. Trop longtemps la croix nous a été présentée comme le but, tandis qu’elle est le fondement. Puisque nous sommes sauvés, nous devons aller en avant, et non pas nous asseoir et nous reposer. C’est là, je pense, la cause principale du manque d’amour qui se fait remarquer parmi les chers enfants de la même famille. Ce n’est pas qu’ils soient sans amour, car ils aiment. Mon cœur me dit que tous aiment ; l’Esprit qui demeure en eux est amour ; ils n’aiment pas moins que précédemment, mais leur amour est plus éprouvé ; et certains maux intérieurs qu’ils ne pensaient pas avoir autrefois, ayant été mis en évidence par l’arrivée de la lumière de vérité, ils se trouvent pleins d’envies, de jalousies et de soupçons ; ils font, en outre, la douloureuse découverte que, tandis qu’ils croyaient ne chercher que Jésus, ils ont vécu en se recherchant eux-mêmes… Oh ! j’ai assez vécu pour éprouver cela !

Combien il nous est précieux de savoir que notre bien-aimé est le bien-aimé du Père, et qu’Il est « l’ami qui est plus attaché que le frère » [Proverbes chapitre 18 verset 24]. Là nos cœurs se rencontrent en Jésus, qui est notre seul lieu de repos, Celui duquel l’Éternel dit : « C’est mon élu en qui mon âme prend son bon plaisir » [Ésaïe chapitre 42 verset 1]. Il nous aime, parce que nous sommes unis à Celui qu’Il aime. Il l’aime, parce qu’Il s’est uni à nous. « C’est pour cela que le Père m’aime, parce que je laisse ma vie pour la reprendre » [Jean chapitre 10 verset 17]. La plénitude qui remplit Dieu, la perfection dont Dieu est satisfait, peuvent bien nous remplir et nous satisfaire ; Il peut répondre à tous nos besoins et à toutes les exigences de nos pauvres cœurs ; Ses enfants ne sont pas réduits à se concentrer et à se consumer en eux-mêmes, leur cœur peut s’épancher dans le Bien-aimé.

Jamais nous ne serons honteux d’avoir aimé Jésus. Deux choses sont nécessaires pour que nous soyons heureux dans cet amour : il faut que nous ayons une satisfaction parfaite en Celui que nous aimons, et que nous ayons une assurance parfaite qu’Il éprouve une parfaite satisfaction en nous. Il faut aussi que nous ayons une confiance entière en la continuation de cet amour réciproque, sans craindre qu’aucune découverte puisse le changer. Or nous trouvons tout cela de la manière la plus parfaite en Jésus. Plus nous Le connaissons, plus nous sommes heureux avec Lui, qui est notre Conseiller et en qui sont renfermés tous les trésors de la sagesse [Colossiens chapitre 2 verset 3] ; plus nous Le connaissons, plus il nous est facile de Lui soumettre tous les petits détails de notre vie, parce que nous savons qu’Il s’intéresse à nous, et qu’Il n’y a que Lui qui puisse donner tout Son cœur à chacun de Ses saints. Il est notre bien-aimé ; Il est notre ami, et un ami éprouvé et fidèle ; non seulement Il nous aimera jusqu’à la fin, mais aussi Il nous gardera jusqu’à la fin par Sa toute-puissance, avec une tendre jalousie relativement à notre bonheur. Lorsque par Sa grâce nous allons en avant sans inquiétude, désirant de n’être qu’à Lui, Il sait bien que souvent nous pourrons être entraînés à agir infidèlement, Il sait bien que souvent nous pourrons être séduits par les mensonges de Satan, qui nous fait croire que chaque chose défendue renferme quelque bien. Et cependant qu’il est honteux pour nous de nous laisser ainsi tromper, puisque si nous nous tenions près du cœur de Jésus, si nous jugions des circonstances d’après Son amour, et non de Son amour d’après les circonstances, le seul fait qu’Il nous refuse une chose serait suffisant pour nous convaincre qu’elle est mauvaise ! Il s’attend à tout genre de folies de la part de nos pauvres cœurs, et c’est en demeurant dans la majesté de Sa propre perfection, qu’Il répond avec patience aux objections et aux séductions de Satan, par ces paroles : « Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée » [Luc chapitre 10 verset 42]. S’Il nous avait laissés à nous-mêmes, que de fois notre cœur trompé se serait détourné de Lui ! Que de fois nous aurions pris le mal pour le bien et l’amer pour le doux ! Notre chair pousse souvent les hauts cris, mais le Seigneur agit comme s’Il n’entendait rien, et Il s’en tient fidèlement au désir de nous consacrer à Lui que nous avons formé dans notre premier amour, parce qu’Il sait qu’Il est au-dessus de toutes choses, et qu’Il peut satisfaire les désirs de chaque être vivant. Oh ! qu’il est précieux au milieu des tempêtes de ce monde, d’avoir l’assurance de Son immuable amour, et d’aller à la rencontre de chaque circonstance avec ces paroles de l’apôtre : Toutes choses sont pour vous ! » [1 Corinthiens chapitre 3 verset 23]. Vivons dans un sentiment profond de notre indignité, recevant toutes choses comme des grâces, et rendant à Dieu toute gloire. N’est-ce pas dans Sa nature de bénir ? N’a-t-Il pas formé pour Lui-même le cœur de Jésus, afin de le remplir de la plénitude de Son amour ? S’Il nous a placés dans Celui qu’Il prend plaisir à bénir, n’est-ce pas afin que l’huile précieuse descende toujours sur le Bien-aimé ? Attachons-nous donc à Lui de tout notre cœur, et soyons contents de notre part, car nous avons « toute bénédiction spirituelle en Jésus Christ » [Éphésiens chapitre 1 verset 3]. Si nous avons été choisis, c’est une grâce ; si nous sommes châtiés, c’est une grâce ; si nous sommes humiliés, c’est une grâce ; si nous ne nous révoltons pas, c’est une grâce.

Lettre 79

Août 1836

Si nous voulons du repos, mourons avec Lui ; si nous désirons de la joie, montons avec Lui ; si nous pensons que la souffrance nous est bonne, descendons avec Lui dans l’Église, et notre cœur en sera brisé. Si nous soupirons après le temps où tout sera ordre, gloire et beauté, c’est pour nous un témoignage que l’Esprit de Dieu habite en nous ; car si, d’un côté, Il nous fait sentir que rien ici-bas ne peut nous satisfaire, de l’autre, Il nous montre qu’Il connaît nos besoins et qu’Il peut pleinement y répondre. « Celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » [Jean chapitre 8 verset 12]. Qu’il nous est doux de sentir que chaque jour Christ nous devient plus précieux, et que chaque jour aussi nous avons plus de dégoût pour la sagesse de ce monde ! « Si quelqu’un parmi vous pense être sage, qu’il devienne fou dans ce siècle, afin de devenir sage » [1 Corinthiens chapitre 3 verset 18]. Oh ! si nous consentions à être comme les balayures de l’Église et du monde, nous serions en sûreté, nous serions à l’abri de la douceur cruelle des discours des hommes ! Quand je vois dans quel triste état peuvent tomber les saints, je tremble, et je voudrais me dérober à l’amour même des chrétiens.

Fixons nos regards sur le Seigneur ; c’est pendant que nous Le contemplons que nous sommes transformés [2 Corinthiens chapitre 3 verset 18]. Nous sommes environnés, dans l’Église et dans le monde, d’un grand nombre de pièges, c’est pourquoi nous devons regarder à Jésus. Cela nous fait sortir du moi et nous amène en Dieu. Puissions-nous chaque jour davantage apprendre que nous ne sommes rien, et vivre ainsi en Christ, ce qui nous fera vivre au-dessus de toute autre chose ! Soyons patients, le jour approche ; bientôt Jésus sera manifesté dans toute Sa beauté, Il la déploiera à nos regards et nous en couvrira tous ; bientôt Il prendra plaisir à présenter les uns aux autres tous les membres de Son corps ; Il jouira de la joie qu’ils auront en se trouvant réunis. Que le Seigneur nous donne de persévérer à bien faire ! Il est certain que si nous souhaitons de devenir des lumières brillantes, il faut que le feu soit d’abord allumé, et nous ne pourrons ni brûler ni briller, à moins que, comme la chandelle, nous ne soyons mouchés de temps en temps. Le temple était pourvu de mouchettes d’or. L’or n’est-il pas l’emblème de la divinité ? Que mon Dieu m’accorde de consentir à être comme les balayures du monde et le rebut de tous [1 Corinthiens chapitre 4 verset 13] ! Oh ! qu’Il garde en Jésus nos affections et nos sentiments qui ne sont pas pour un monde tel que celui-ci ! Il faut que nous soyons comme cachés dans Son sein jusqu’au temps où nous pourrons aimer la créature sans idolâtrie et sans douleur.

Seigneur, descends dans les cabinets de nos cœurs ! Ne sont-ils pas ton habitation par l’Esprit [Éphésiens chapitre 2 verset 22] ? Purifie-les donc pour toi ; nettoie-les, parfume-les ! Que l’encens de ton sacrifice, en s’élevant comme une odeur agréable, enlève toutes les influences souillées que sans cela notre chair ferait toujours monter ! « Leur gosier est un sépulcre ouvert ; un venin d’aspic est sous leurs lèvres » [Romains chapitre 3 verset 13]. Fournis-nous de tout ce qui peut être utile pour le service du Maître, afin que nous soyons un palais digne de toi ! Donne-nous la foi, donne-nous les ailes de la foi, afin que nous demeurions dans la retraite du Très-haut et que nous Lui abandonnions notre corps et toutes choses ! Sur la terre, nous pouvons nous délivrer de nos soucis, en confiant nos affaires à Celui qui est digne de toute notre confiance. Bien que nous ne les apercevions pas de nos yeux, la bonté et la miséricorde sont renfermées dans les plus sombres événements, et bientôt nous les verrons à Sa lumière. Oh ! sachons marcher comme des citoyens de la terre de la droiture, et nous asseoir sur le trône de Son approbation en tenant sous nos pieds l’opinion humaine ! Craindrions-nous de descendre dans les profondeurs de la fidélité ? Ne voudrions-nous marcher à travers les eaux que jusqu’à la cheville du pied ? N’a-t-Il pas de la force en provision pour tout le long de nos jours ? N’a-t-Il pas promis que nous irions « de force en force » [Psaume 84 verset 7] ? Qu’il ne nous arrive pas de Lui dire : « S’il est possible que cette coupe passe loin de moi » [Matthieu chapitre 26 verset 39], sans savoir ce que nous demandons. Nous ne savons de quelle bénédiction nous pourrions nous priver. Recherchons et manifestons, pendant que nous sommes dans le corps de notre humiliation, les grâces que ne comportera pas le corps de la gloire. Sachons bien ce que nous voulons dire, lorsque nous exprimons le désir de vivre pour la gloire de Dieu. Il ne veut point de paroles vides de sens.

Lettre 80

Bushy, Enniskerry, le 5 décembre 1836

Je crains que vous ne m’accusiez d’ingratitude pour avoir autant tardé à répondre à votre bonne lettre ; une parole d’exhortation venant de votre part me fait toujours du bien, et, en vérité, nous avons besoin de tous les secours possibles pour maintenir dans le bon chemin nos âmes appesanties. C’est un grand don que de savoir dire une bonne parole en son temps, c’est comme « des pommes d’or émaillées d’argent » [Proverbes chapitre 25 verset 11]. Jésus Lui-même apprit ce secret (Ésaïe chapitre 50 verset 4). Il faut peu de choses pour nourrir les enfants, et Dieu nous donne notre nourriture dans le temps convenable. Sous ce rapport, les lettres ont souvent été pour moi un moyen de grâce bien précieux, et je crois qu’elles le seraient bien plus encore, et qu’ainsi elles ne seraient point un temps perdu, si nous les écrivions avec plus de foi, et si nous vivions davantage chaque jour de ce que l’Esprit de Dieu nous prépare. Lorsque nous nous entretenons avec une personne, nous cherchons à appliquer à sa position ce dont nous parlons ; mais quand cette personne est absente, nous pesons ses circonstances avec prière, et tandis que nous lui écrivons comme de la part du Seigneur, nous en éprouvons une douce joie. Les voies de Dieu, à l’égard de Ses enfants, sont très mystérieuses, et quand l’Esprit trouve dans nos cœurs un mont des Oliviers sur lequel Il puisse répandre Ses intercessions, nous devons être initiés à un grand nombre de Ses secrets relativement à la famille céleste. J’ai pensé à vous et j’ai parlé de vous au Seigneur, quoique je ne vous aie pas écrit. Ce que je Lui ai particulièrement demandé, c’est que, s’il y a en vous des choses que vous ne connaissiez point encore, Il vous sonde avec la lampe de la vérité et vous les découvre dans Sa tendresse. Mais qui suis-je pour parler ainsi, moi la première des pécheresses ? Oh ! si je suis l’un des exemples les plus éclatants de Sa grande patience à l’égard des membres de Son heureuse famille, je serai à la louange de la gloire de Sa grâce [Éphésiens chapitre 1 verset 6] !

Quelles créatures insignifiantes nous sommes, et quel air ridicule nous avons quand nous nous revêtons d’une robe de gloire ! Jamais un tel vêtement ne fut fait pour nous. Dans tout ce que nous faisons il y a de la recherche de nous-mêmes. Souvent c’est une chose de peu d’importance qui nous fait voir que nous avons parlé pour nous-mêmes, et que nous nous sommes élevés dans nos cœurs, tandis que nous avions l’apparence et l’intention de n’agir que pour les intérêts de Christ. Si c’est véritablement la gloire de notre cher Sauveur que nous avons en vue, nous serons prêts à être haïs aussi bien qu’à être aimés ; nous serons prêts à être mal jugés, et même à être comme le fond noir du tableau, si cela contribue à jeter plus de lumière sur l’objet sur lequel l’œil doit se reposer. Fréquemment il nous semble que nous nous réjouissions sincèrement de ce que nos frères répondent à l’amour de Jésus, et voilà que quelques mots dirigés contre nous changent tout à coup nos dispositions, et nous font voir que nous sommes idolâtres de nous-mêmes. Je ne puis affirmer que vous ayez jamais fait cette expérience, mais je suis quelquefois entièrement dégoûtée de moi-même quand je vois que je puis ainsi dérober les dons et les grâces de Dieu pour en décorer le moi, et que je cherche à conserver une bonne opinion de moi-même, tandis qu’en vérité je ne sais discerner ni le bien ni le mal. Il nous est aussi difficile de laisser au Seigneur le soin de gouverner et de conduire Son Église, qu’il nous est difficile de Le laisser gouverner toutes choses en nous. Nous coopérons à Son œuvre contre les péchés évidents, mais dans les choses qui paraissent bonnes, nous avons souvent un but différent du sien et nous ne travaillons pas de la même manière que Lui. Aussi, lorsque nous comprenons combien chaque membre du corps combat contre l’Esprit, nous ne nous étonnons plus que l’Église soit dans un si triste état, qu’elle rassemble beaucoup de choses avec lesquelles Il ne peut avoir aucune communion, et qu’elle éteigne ainsi la lumière et les grâces qu’Il voulait lui donner. Elle confesse bien sa faiblesse, mais ce n’est qu’en paroles, car s’il en était autrement elle s’abandonnerait à Lui, en Le suppliant d’agir en elle selon le bon plaisir de Sa volonté. Quand Dieu veut nous bénir, Il nous humilie tout d’abord, afin de nous forcer à vouloir être bénis à tout prix, et afin que l’Esprit puisse, en prenant la place qui Lui appartient, « renverser toute hauteur, et amener captive toute pensée à l’obéissance de Christ » [2 Corinthiens chapitre 10 verset 5].

Je ne me sens d’appel pour aucune position en particulier, mais je demande à Dieu que dans tous les lieux où Il pourra me placer Il me préserve de jamais entraver Son œuvre. Partout Il peut m’employer à prier pour les saints. « Marie a pris beaucoup de peine pour nous » [Romains chapitre 16 verset 6], dit l’apôtre. C’est là ce que j’ambitionne. Avez-vous pu dernièrement beaucoup sonder les Écritures ? Avez-vous beaucoup vécu dans le lieu très saint ?

Combien il nous est doux de savoir que notre bien-aimé est l’ami qui est plus attaché que le frère [Proverbes chapitre 18 verset 24], qu’Il est le bien-aimé de Son Père, qu’Il est le lieu du rendez-vous du Père et de nos cœurs, qu’Il est notre refuge, que le Père nous a aimés à cause de Lui, et qu’Il l’aime parce qu’Il a donné Sa vie pour nous ! Jamais nous n’aurons honte de L’avoir aimé ; jamais nous n’aurons de mécompte en L’aimant. Il regarde Pierre et lui dit : « M’aimes-tu ? Pais mes brebis » [Jean chapitre 21 verset 17]. Il regarde le Père et Lui dit : « M’aimes-tu ? Bénis mes brebis ».

Manifestons dans nos corps mortels que Jésus est vivant ; soyons disposés à tout souffrir pour l’amour des élus ; jetons loin de nous tous nos jouets, car le monde est en flammes. Pourquoi ramperions-nous dans cette atmosphère de mensonge, au lieu de demeurer à toujours dans la région de la vérité et de la réalité ? Pourquoi nos visites à la terre ne sont-elles pas uniquement comme des messagers de miséricorde pour panser les blessures de l’Église, et pour glorifier Dieu en achevant l’œuvre qu’Il nous a donnée à faire ? Nous sommes envoyés par Jésus, comme Lui-même a été envoyé par le Père. Si l’épouse cherche à se rendre digne du nom qui a été mis sur elle, il faut qu’elle se souvienne que ce n’est pas d’elle-même qu’elle doit parler, mais que son but, le sujet de ses pensées, sa joie, son espérance, le seul lieu de repos qu’il y ait pour elle, c’est son bien-aimé, l’Époux de son cœur.

Écrits

Genèse 22

Deux choses se font particulièrement remarquer dans cette partie si touchante des Écritures : 1° le motif qui engagea Dieu à éprouver Abraham et la manière dont Il le fit ; 2° l’esprit dans lequel Abraham reçut cette épreuve. Abraham avait souvent parlé à Dieu de son amour, et tout ce qu’il en avait dit était parfaitement sincère ; mais Dieu est un Dieu jaloux, des paroles ne Lui suffisent pas. La foi doit être mise à l’épreuve, et la question : « M’aimes-tu plus que ne font ceux-ci ? » [Jean chapitre 21 verset 15] se fait sans cesse entendre. Avant d’être éprouvés, nous ne pouvons comprendre combien notre foi est petite. Il faut qu’elle soit mise dans la balance avec ce qu’il y a de plus cher à nos cœurs. La fournaise doit être chauffée en proportion de l’augmentation de notre foi. Est-ce parce que Dieu prend plaisir à affliger Ses enfants ? Oh ! non ; mais l’épreuve de notre foi la fortifie et en consume l’écume. Cette épreuve est précieuse devant Dieu, plus précieuse même que l’or ; c’est Sa richesse, c’est Son trésor, et il Lui est extrêmement doux d’entendre Son enfant Lui dire : « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime » [Jean chapitre 21 verset 17]. Nous ne pouvons nous faire une idée exacte de l’intérêt que chaque épreuve de foi inspire dans le monde invisible ; nous connaîtrons plus tard que ces afflictions, qui sont appelées légères, ne sont pas seulement précieuses maintenant, mais qu’elles seront à l’honneur et à la gloire de Jésus dans le jour de Son apparition. Abraham était le père des croyants, et puisqu’il devait être un modèle pour ceux qui croiraient après lui, il fallait qu’il y eût une manifestation de sa foi digne de Son nom. Si nous n’avions à abandonner pour Christ que des objets sans valeur, ou de peu de valeur, les païens mêmes ne pourraient-ils pas en faire autant ? Rappelons-nous cela dans chaque circonstance douloureuse que la providence nous envoie. L’épreuve ne nous dit pas que l’amour de Dieu ait changé, mais elle est un messager qui vient directement du trône jusqu’à nos cœurs, un esprit administrateur envoyé aux héritiers du salut ; Dieu nous dit par elle : Je vous sonderai maintenant, je me ferai entendre jusque dans le plus profond de votre cœur, de manière à être compris ; seriez-vous prêts à dire : J’aurais supporté toute autre chose plutôt que celle-ci ? Oh ! souvenons-nous que Dieu ne peut pas nous donner un plus grand signe de Son approbation que de chauffer la fournaise au plus haut degré. Par là Il nous dit : « Ta foi est grande ». Les petites fournaises sont pour la petite foi ; les affections terrestres mêmes gagnent à être mises à l’épreuve, et c’est avec joie que nous saisissons les occasions de prouver la réalité de notre amour. Combien Isaac devait être cher à Abraham à qui Dieu avait donné ce fils après cent ans de désir ! Si la mort vient à l’atteindre, toutes les promesses faites à Abraham et au monde seront ensevelies avec lui. Abraham s’était habitué à le considérer comme son trésor particulier ; non seulement comme un fils bien-aimé, mais encore comme un signe de la faveur de son Dieu.

S’il éprouva un vif chagrin lorsqu’il dut chasser Ismaël, quelle ne dut pas être sa douleur lorsqu’il fut appelé à immoler Isaac ! Il y avait longtemps qu’il jouissait d’Isaac qui était arrivé à l’âge où la perte d’un fils est ordinairement très douloureuse, lorsque Dieu décida de mettre à l’épreuve la foi de ce père des croyants pour connaître si elle chancellerait, ou si elle Lui donnerait gloire. Souvent il nous semble que nous n’apprécions un don qu’à cause du donateur, mais nous pensons bien autrement lorsque Dieu nous manifeste ce que nous sommes en nous demandant le sacrifice du don. Oh ! calculons la dépense quand nous disons que nous croyons ; le sens de ce mot est profond dans le dictionnaire de Dieu. Paul, dans sa foi, était prêt à agir, mais Dieu dit : « Je lui montrerai combien il faut qu’il souffre pour mon nom » [Actes chapitre 9 verset 16]. Il en a été ainsi dès le commencement ; nous ne voudrions pas être exempts de cette épreuve dont toute l’Église est participante ; nous ne voudrions pas que Dieu fût indifférent à l’égard de notre amour au point de ne jamais nous demander ce qu’il est, ou de ne jamais nous en demander la preuve. Avec quelle compassion Il s’approche d’Abraham ! N’est-ce pas avec toute la tendresse d’un père qui savait quelle grande plaie Il allait faire dans un cœur qu’Il aimait ? Et n’en est-il pas de même relativement à nous ? Avec quelle douceur Il nous apporte un message pénible ! Abraham, j’ai quelque chose à te dire ; Je t’ai appelé par ton nom ; tu es à moi ! Après l’avoir en quelque sorte attiré dans le désert, Il lui dit : « Viens, débattons nos droits, et je te parlerai selon ton cœur » [Osée chapitre 2 verset 14].

Versets 1 et 2. Tout, dans les paroles de ce commandement, est calculé pour exciter la sensibilité d’Abraham ; il ne voit rien au-delà ; il n’entend que ces mots : Prends maintenant ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac ; et cependant Dieu lui avait dit, chapitre 17 verset 19 : « Certainement Sara ta femme t’enfantera un fils, et tu appelleras son nom Isaac, et j’établirai mon alliance avec lui pour être une alliance perpétuelle pour sa postérité après lui ».

Verset 3. Abraham se lève de bon matin, sans hésitation, sans perdre son temps à murmurer ou à faire des questions. L’obéissance de la foi est simple et immédiate. Abraham obéit parce que Dieu a commandé. « Je me suis hâté, je n’ai point différé à garder tes commandements » [Psaume 119 verset 60]. Sa foi nous montre que rien n’est trop difficile pour l’amour, et que l’amour est plus fort que le lien le plus étroit et le plus cher. La chair murmure, la volonté propre se dépite, l’égoïsme se révolte ; mais la foi regarde en haut d’où viendra la force promise ; c’est ainsi qu’elle remporte la victoire et impose silence au cœur, car Dieu a dit : « Cessez, et connaissez que je suis Dieu » [Psaume 46 verset 10]. Pourrions-nous voir Abraham bâter son âne, partir de bon matin, marcher pendant trois jours avec le couteau en sa main, jeter un dernier regard sur son Isaac, sans comprendre combien sont heureux ceux qui sont jugés dignes de passer par de telles épreuves ? La croix est le seul chemin pour arriver à la gloire ; les choses qui nous sont les plus chères sont celles que Dieu nous demande ; toute plante doit sécher, tout bâton doit être brisé, et tout appui humain doit disparaître.

Versets 5 et 6. Tandis que nous nous transportons avec Abraham sur la montagne et que nous cherchons à entrer dans ses sentiments, n’oublions pas qu’en tout ceci il y a une figure (Hébreux chapitre 11 verset 19). L’amour du Père est l’origine de toute l’œuvre de Christ, et l’amour du Fils ne doit point être considéré comme ayant apaisé la colère du Père. Le Père a volontairement déchargé Sa colère sur le Fils, et Celui-ci a pu dire, en face de la souffrance : « Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé, et de consommer son œuvre » [Jean chapitre 4 verset 34]. « L’Éternel a fait venir sur lui l’iniquité de nous tous » [Ésaïe chapitre 53 verset 6] ; il a plu à Dieu de le briser, et Abraham devait être, dans son épreuve sans pareille, un modèle de foi jusqu’à la fin des temps. En lui Dieu semble nous dire : Voyez mon amour ; car « Dieu a tellement aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique » [Jean chapitre 3 verset 16]. Ce même genre d’épreuve est décrit d’une manière touchante dans Juges chapitre 11 versets 30 et suivants. Nous lisons dans 1 Jean chapitre 4 versets 9 et 10 : « En ceci a été manifesté l’amour de Dieu pour nous, que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. C’est en ceci qu’est l’amour, non que nous ayons aimé Dieu, mais que lui nous ait aimés, et qu’Il ait envoyé son Fils en propitiation pour nos péchés ».

Ici nous voyons que le sacrifice de Dieu en donnant Son Fils était tout ce que la pensée divine pouvait imaginer de plus grand. Dieu semble avoir voulu nous soutenir dans toutes nos tribulations d’ici-bas, en nous faisant saisir Son amour comme incorporé en Abraham qu’Il a placé devant nous comme père des croyants et modèle de notre foi. Il a aussi voulu que nous fussions assurés qu’avec Son Fils Il nous donnera toutes choses ; et maintenant Il attend notre amour et notre gratitude, car Il ne demande pas notre premier-né pour notre crime. L’expiation ayant été faite pour nous au prix de l’amour manifesté en Abraham, « Il requiert de nous que nous aimions la bénignité, et que nous marchions en toute humilité avec notre Dieu » (Michée chapitre 6). Le feu et le couteau étaient dans la main du Père, quand Ils montaient ensemble au Calvaire. Les pensées éternelles du Père et du Fils avaient alors leur accomplissement ; les enfants des hommes considéraient les choses étonnantes qui se passaient, mais ils étaient aussi peu capables de les comprendre, que les serviteurs qui demeurèrent avec l’âne ne l’étaient de comprendre ce qui se passait entre Abraham et Isaac ; ce qu’ils voyaient alors devait leur paraître aussi étranger à la miséricorde que contraire au bon sens. Abraham rejeta tout fardeau, ne fit aucune question, ne regarda à aucune conséquence, ne dit point : Comment supporterai-je l’épreuve ? Mais « Il fournit par la patience sa course dans le combat qui était devant lui, en attachant ses yeux sur Jésus » [Hébreux chapitre 12 versets 1 et 2]. C’était une course difficile, mais il devait la fournir ; quelle que fût son angoisse, il allait en avant, en rejetant loin de lui tout ce qui aurait pu l’empêcher d’avancer ou le faire chanceler dans sa résolution.

Il fournissait la course de la foi. On l’aurait pris pour un homme sans affection naturelle, bien plutôt même pour un fou. Ceci nous montre qu’il ne faut pas juger par l’intelligence seulement. La croix est une folie pour celui qui ne fait que la contempler. En Isaac nous avons aussi une vue de la majesté de cet amour avec lequel Jésus fortifia Sa face pour aller à Jérusalem, et avec lequel Il tança Pierre en lui disant : « Tu m’es en occasion de chute » [Matthieu chapitre 16 verset 23], parce qu’il voulait Le détourner de la croix. Nous voyons en effet Jésus demeurer dans une soumission parfaite à la volonté de Son Père, sans être en aucune manière ébranlé par les contradictions et l’ingratitude des hommes, ou par Ses propres sentiments. La vengeance de Dieu affligeait Son âme juste, et c’était avec un amour tout rempli de compassion qu’Il supportait la malignité de l’homme. Que le sacrifice d’Abraham nous rappelle toujours Jésus portant Sa croix et montant au Calvaire !

Verset 7. Ici nous voyons le caractère d’un enfant. Il y a une certaine ressemblance entre un enfant et un serviteur. L’un et l’autre doivent obéir et non pas faire des plans, raisonner ou diriger ; mais il y a aussi entre eux une grande différence qui consiste en ce que l’enfant a le privilège de demander à son père les raisons d’un ordre, tout en se souvenant que le père a le droit de refuser de les donner, sans que pour cela l’obligation de l’obéissance soit en aucune manière diminuée. On voit toute la confiance d’Isaac dans ces deux seuls mots : « Mon père ! » qui, tout en interrompant le silence d’Abraham, durent déchirer profondément son cœur paternel ; aussi semble-t-il avoir eu à peine le courage de répondre.

Verset 8. Mais sa réponse cependant contient beaucoup de choses, probablement plus qu’il ne le pensait. Remarquons cette expression : « Dieu se pourvoira lui-même ». En effet, Il s’est pourvu Lui-même, et c’est ce qui fait toute notre sécurité ; Il s’est pourvu de Jésus qui est appelé l’agneau de Dieu ; Il ne L’a point épargné, mais Il L’a couché sur l’autel de Sa propre main, et L’a sacrifié ; Il a fait tout cela afin que nous eussions la vie. Si Abraham eût écouté la chair, il aurait dit : « Que vont devenir les promesses ? Comment toute la terre sera-t-elle bénie en ma semence, si Isaac est ôté ? ». Mais il ne parle que le langage de la foi, et il dit : « Dieu se pourvoira lui-même de bête pour l’holocauste ». Confions-nous en Dieu pour l’accomplissement de Ses promesses, et obéissons. La chair ne cesse de faire des questions que Dieu ne peut entendre, mais la foi répond que Dieu est puissant pour accomplir ce qu’Il a promis. Le commandement qui fut donné à Abraham n’aurait pu être plus contraire à la promesse qui lui avait été faite ; mais c’est ce qui donna lieu à sa foi. Agir quand tout est clair pour les sens, c’est agir par le sentiment et non par la foi ; agir en se fondant sur la Parole de Dieu, c’est agir avec foi ; nous ne considérons point assez cela dans notre vie et dans nos difficultés de chaque jour. Il est inutile que nous cherchions à amener l’accomplissement des prophéties ou des promesses de Dieu, car nous ne comprenons pas Ses voies. Il donne exécution aux desseins de Son cœur par les moyens qui paraissent les plus contraires. Notre prudence consiste à Lui laisser le soin de ce qui Le concerne, car Lui seul connaît le commencement et la fin de toutes choses. Ne gâtons pas Son œuvre, mais sachons nous soumettre. Comme fils, nous pouvons demander de comprendre la volonté de notre Père, mais Il ne nous appelle jamais à penser pour Lui. A-t-Il jamais manqué à Sa Parole ? Ne nous a-t-Il pas donné « l’agneau sans défaut et sans tache, préconnu avant la fondation du monde » [1 Pierre chapitre 1 versets 19 et 20] ? « Christ mourut dans le temps pour des impies » [Romains chapitre 5 verset 6]. C’est comme l’agneau de Dieu qu’Il paraît au milieu du trône, tandis que des myriades de myriades et des milliers de milliers ne cessent de dire à grande voix : « Digne est l’agneau qui a été égorgé de recevoir la puissance, et la richesse, et la sagesse, et la force, et l’honneur, et la gloire, et la bénédiction ! » [Apocalypse chapitre 5 verset 12]. Comme je l’ai déjà dit, cette transaction nous montre l’amour du Père, comme l’œuvre de la rédemption nous présente l’amour du Fils, et l’un et l’autre sont proclamés dans les versets 4 et 6 du chapitre 53 d’Ésaïe. Les versets 7, 9 et 12 s’accordent avec de que Jésus dit, Jean chapitre 10 verset 18 : « Personne ne me l’ôte, mais je la laisse de moi-même ; j’ai le pouvoir de la laisser, et j’ai le pouvoir de la reprendre ». Il s’est humilié Lui-même ; Il s’est laissé lier par les hommes, quoiqu’ils n’eussent aucun pouvoir sur Lui ; comme Samson, Il aurait pu rompre leurs liens, et cependant Il fut lié, emmené et livré à Ponce Pilate, le gouverneur. « Il est devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix » [Philippiens chapitre 2 verset 8], parce qu’il avait reçu ce commandement de Son Père.

Versets 9 et 10. Abraham bâtit l’autel, il rangea le bois, il lia Isaac son fils, il le mit sur l’autel au-dessus du bois, puis, avançant sa main, il se saisit du couteau pour égorger son fils. C’est par cela que la foi d’Abraham fut rendue parfaite ; l’acte était considéré comme accompli quand il prit le couteau et qu’il étendit sa main. Il n’était pas comme ceux qui se bornent à dire qu’ils ont la foi (voyez Jacques chapitre 2 verset 21).

Quand l’homme sent qu’il n’a plus de ressource, c’est pour Dieu le moment d’agir ; Il connaît quand nos âmes sont dans l’adversité ; Il est un secours puissant dans le temps de l’épreuve ; quand nul ne peut ni nous entendre ni nous secourir, Jésus s’approche, Il étend les bras de Ses consolations, et Il nous serre sur Son cœur (voyez Jean chapitre 9 versets 34 et 35. Voyez aussi l’exemple d’Agar, Genèse chapitres 16 et 21). Son affliction était la suite de son péché ; elle avait semé le vent, et il était juste qu’elle recueillît le tourbillon [Osée chapitre 8 verset 7] ; elle avait semé sur un lit de pierres, et elle ne pouvait attendre autre chose qu’une moisson de soucis. Cependant le Seigneur vient au-devant d’elle avec une promesse, Lui dont les promesses sont si efficaces pour porter la guérison dans le cœur de ceux qui souffrent. Il en fut ainsi dans le cas d’Abraham ; il se voyait entouré de circonstances propres à anéantir sa foi ; il ne savait comment sortir de sa détresse, mais il savait aussi que son Dieu se souvenait de lui ; il comptait sur la délivrance pour le moment précis du besoin, et les compassions de Dieu attendaient de se manifester, tandis qu’il semblait qu’il n’y avait au ciel qu’indifférence. Abraham marcha pendant trois jours, laissé seul à ses douleurs et à ses angoisses ; mais l’œil du Seigneur était sur ce juste, et ce fut par ses œuvres que sa foi fut rendue parfaite. Cette épreuve fut comme un messager envoyé à l’héritier de la promesse ; au commandement de Dieu elle vint, au commandement de Dieu elle s’évanouit. Le couteau allait frapper, mais au commandement du Seigneur la douleur et le gémissement s’enfuirent. Que ceci nous apprenne à juger de ce qui est réellement bien ou mal ; une chose peut paraître mauvaise dans un moment et se montrer bonne bientôt après.

Verset 14. « Et Abraham appela le nom de ce lieu-là l’Éternel y pourvoira » ; l’Éternel y pourvoira sur cette montagne, ou dans nos détresses. Le nom même de cette montagne était peut-être destiné à rappeler que Dieu se pourvoirait Lui-même d’une victime pour l’holocauste. Nous pouvons voir des exemples de détresses extrêmes dans 2 Corinthiens chapitre 1 versets 8 et 10 ; Daniel chapitre 3 verset 17 ; Psaume 22 verset 15. On avait la coutume de donner des noms à certains lieux en souvenir d’un secours reçu dans le temps du besoin. (Genèse chapitre 16 versets 13 et 14) « Tu es le Dieu fort de vision ». « Le puits du vivant qui me voit ». (Exode chapitre 17 verset 15) « L’Éternel mon enseigne ». (1 Samuel chapitre 7 verset 12) « Ében-Ézer », la pierre de secours. Il nous paraît étrange de voir un homme de Dieu attacher quelque valeur à des honneurs ou à des richesses de ce monde, quand Dieu dit que tout cela est mauvais ; mais serions-nous moins surpris de trouver un homme de Dieu accablé sous l’épreuve, quand Dieu dit qu’elle est bonne ? Si nous croyons, ne l’accueillerons-nous pas avec joie, ne la serrerons-nous pas contre notre sein comme une marque de Son amour ? Quand nous nous trouverons, selon notre attente, au milieu de la grande multitude de ceux qui seront venus de la grande tribulation, ne serons-nous pas heureux d’avoir porté ce signe particulier à la famille de Dieu ? Quand nous arriverons au terme de la vie, et que nous jetterons un coup d’œil sur le passé, ne sera-ce pas au travers de l’épreuve que nous pourrons comprendre avec le plus de clarté le nom de fils auquel se rattache toute bénédiction (Hébreux chapitre 12 verset 7) ! Acceptons la tribulation comme une faveur dont nous sommes entièrement indignes. « Si vous êtes exempts d’une correction dont tous sont participants, vous êtes donc des bâtards, et non des fils » [Hébreux chapitre 12 verset 8]. Oh ! bénissons Dieu de ce qu’Il ne nous a pas traités comme l’auraient mérité nos cœurs rebelles, et de ce qu’Il n’a pas dit : « Laissez-les ». Pour que nous soyons capables de fournir la course de la foi, il faut que, comme Abraham, nous rejetions tout fardeau de péché. Une résolution sainte et ferme contribuera beaucoup à nous soutenir dans notre course. Souvent nous voyons des filets devant nous dans notre sentier, quoiqu’il soit écrit : « C’est sans sujet que le rets est étendu devant les yeux de tout ce qui a des ailes » [Proverbes chapitre 1 verset 17] ; et cependant nous surpassons tellement en folie même les bêtes des champs et les oiseaux de l’air, que nous courons les yeux ouverts dans nos pièges favoris, quoique bien décidés peut-être à ne pas nous y laisser prendre.

Notre faiblesse actuelle ne détruit pas notre confiance dans une force à venir, jusqu’à ce que nos pieds se trouvent embarrassés, que notre course soit arrêtée, et que nous découvrions trop tard que le Dieu de notre force a refusé de nous accompagner dans le piège. Nous L’avons laissé derrière nous, aussi nous trouvons-nous seuls en face de l’ennemi. Oh ! si nous étions sages ! Oh ! si nous prenions une sainte résolution de nous détourner de l’abîme dans lequel notre faiblesse nous a fait tomber tant de fois, et dans lequel notre foi a été si près de se perdre ! Le sage dit, en parlant de la tentation : « Détourne-t’en, ne passe point par là, éloigne-t’en, et passe outre » [Proverbes chapitre 4 verset 15]. N’ayons aucune communication avec l’ancien serpent, car ses arguments sont des plus spécieux ; résistons-lui ou prenons la fuite. N’écoutons pas la voix de ce « charmeur fort expert en charmes » [Psaume 58 verset 5] ; faisons en sorte que rien n’empêche notre course, n’affaiblisse notre foi, ou n’entrave notre obéissance. Soyons de bonne foi avec nous-mêmes, et ayons du zèle pour Dieu. Ne faisons provision d’aucun vêtement de Babylone, quelque précieux qu’il soit. Sanctifions-nous, car s’il y a quelque interdit caché dans nos cœurs, nous ne pourrons subsister au jour de l’épreuve. Nous perdons beaucoup de temps, parce que pour chaque vérité nous avons besoin de leçons réitérées ; tandis que nous devrions être sages, nous sommes encore insensés.

Cette portion des Écritures nous apprend aussi combien peu il y a de vie dans notre foi, aussi longtemps qu’elle n’a pas été appelée à l’action. Notre foi peut être pleine et notre amour ardent, et cependant il faut que nous passions par beaucoup d’épreuves pour aimer réellement ce que nous croyons. Dieu exige bien des preuves de notre amour avant de se confier en nous comme en des amis. Abraham en fit l’expérience, mais quand il fut prêt à ne point épargner son fils, son unique, il fut appelé l’ami de Dieu. C’est alors que Dieu s’élève avec la santé dans Ses ailes [Malachie chapitre 4 verset 2] au-dessus de l’âme qui a été ainsi soumise à Sa volonté, et qu’en entrant avec elle dans l’intimité la plus étroite, Il se loge en elle, et lui dit : « Je suis ton bouclier et ta grande récompense » [Genèse chapitre 15 verset 1]. C’est alors que nous considérons comme autant d’occasions de bénédiction, toutes les opérations de Son amour par lesquelles Il rend notre foi parfaite, quelle que puisse être notre souffrance. C’est aussi ce dont Abraham dut faire l’expérience. En lui, nous voyons avec évidence qu’aucune tentation n’éprouvera le serviteur du Seigneur au-delà de ce qu’il peut, mais qu’avec la tentation il y aura une issue, pour qu’il puisse tout supporter [1 Corinthiens chapitre 10 verset 13]. Dieu connaît exactement le moment favorable pour secourir Son enfant ; Il y consacre quelquefois un temps prolongé, témoin les trois jours d’Abraham. Les circonstances aggravent quelquefois beaucoup notre épreuve, car Il est pour nous comme un chirurgien qui, ne voulant pas panser une blessure à la légère, doit pénétrer jusqu’au fond, en faisant souvent usage d’un instrument tranchant. Il ne fait pas Son œuvre à moitié ; elle est toujours parfaite. Quelquefois Son enfant pourrait se croire le but contre lequel Il tire Ses flèches, tant elles se succèdent rapidement les unes aux autres jusqu’à presque l’accabler. C’est alors qu’il s’écrie : Poursuivras-tu un vermisseau jusqu’à la mort ? Mais la Parole répond : « L’Éternel jugera son peuple, et se repentira en faveur de ses serviteurs, quand Il verra que la force s’en sera allée » (Deutéronome chapitre 32 verset 36). C’est là Sa voie, et ce sera encore Sa voie, parce que « ses compassions n’ont point défailli » [Lamentations de Jérémie chapitre 3 verset 22]. S’Il nous visite, s’Il nous abaisse, c’est afin que nous soyons rendus capables de recevoir le bonheur qu’Il nous a préparé. Telle a été Sa voie à l’égard de Son peuple d’Israël, au milieu duquel Il a particulièrement manifesté ce qu’est Sa providence (Michée chapitre 4 verset 10). Nous pouvons contempler l’Agneau de Dieu dans cette portion des Écritures aussi bien que dans toute autre. Que le Père de la gloire nous donne pour cela un esprit de sagesse et de révélation dans Sa connaissance [Éphésiens chapitre 1 verset 17] ! Attachons nos yeux sur Jésus ; Il a dépouillé nos souffrances de toute malédiction et de toute colère, quoique nous puissions être appelés à passer par la fournaise la plus ardente. C’est l’amour du Tout-puissant qui prépare le creuset, non pas pour nous faire du mal, mais pour nous éprouver et pour nous manifester l’excellence de cette foi qui est Son propre don. Il voudrais que nous sussions bien que la foi est invincible quand elle se repose sur Sa Parole éprouvée. Il voudrait que nous pussions dire avec le psalmiste : « Ta Parole est souverainement raffinée, c’est pourquoi ton serviteur l’aime » [Psaume 119 verset 140]. La Parole de Dieu fut éprouvée dans le cas d’Abraham, et cette épreuve en manifesta la vérité ; la confiance d’Abraham en fut augmentée, et la nôtre doit l’être aussi, surtout quand nous lisons ces paroles : « Celui qui croit ne sera jamais confus » [Romains chapitre 10 verset 11]. Puissions-nous croître chaque jour dans cette foi de notre père Abraham, ainsi que dans l’assurance que nous sommes bien la semence d’Abraham et héritiers selon la promesse ; « nous étant revêtus de Christ, en qui il n’y a ni Juif ni Grec, ni esclave ni libre, ni mâle ni femelle, car nous tous sommes un seul dans le Christ Jésus » [Galates chapitre 3 versets 27 et 28] !

Psaume 22

Un écrivain bien connu a dit au sujet de David, l’auteur inspiré des psaumes : « Il a été placé dans l’Église pour être un organe propre à exprimer les sentiments de tous les membres du peuple de Dieu dans tous les temps, aussi son éducation fut-elle adaptée à ce but. Dieu Lui-même le prépara pour l’œuvre qu’il devait accomplir, et ainsi il est arrivé qu’un seul homme a présenté cette immense variété d’expériences dans lesquelles toute âme est heureuse de trouver les siennes propres. Jean-Baptiste devait être employé à une œuvre sévère, aussi fut-il élevé dans le désert. Paul, qui devait être un homme de débats et un docteur dans l’Église, fut élevé aux pieds de Gamaliel. Daniel, qui devait annoncer les jugements de Dieu et révéler Ses secrets, fut élevé dans la sagesse de l’Orient. Joseph, qui devait servir de providence à l’Égypte et à la maison de son père, fut élevé à l’école sévère de la providence. Chaque individu dans l’Église a toujours été préparé par le Seigneur, sous le double rapport des dons de la grâce et de ceux de la nature, pour l’œuvre spéciale qui devait lui être assignée, c’est pourquoi David reçut cette brillante variété de dons naturels qui, jointe à une éducation donnée directement de Dieu, le rendit propre à la haute charge qu’il devait remplir. Les cordes de sa harpe étaient multipliées, et les anges de la joie et de la tristesse les maintenaient dans leur pureté, tandis qu’il en tirait des sons. Sa mélodie respirait toujours le ciel, et il y avait dans son sein un tel océan d’affection, qu’il ne lui était pas toujours possible de demeurer dans le calme. Les cœurs des enfants de la promesse se disputaient l’étroit espace de son seul cœur. Nous pourrions mentionner particulièrement ceux des psaumes qu’on appelle pénitentiaux, car ils manifestent ce qu’il y a de plus profond dans l’agonie de l’âme ; ils ne justifient en aucune manière les chutes de David, mais ils nous montrent qu’il en est résulté un grand bien. Si cet homme de Dieu n’avait pas passé par toute espèce d’humiliations, s’il n’avait pas bronché dans les lieux ténébreux, nous n’aurions point de langage pour les âmes pénitentes, et nous ne saurions comment exprimer les angoisses de ceux qui craignent d’être abandonnés de Dieu. Il était tout à la fois le berger, le héros, l’ami, le rejeté, le monarque, le poète, le prophète, le régénérateur de l’Église, l’homme. Souvenons-nous qu’un homme ne connaît rien de la vie spirituelle aussi longtemps que, quelque honorable qu’il ait pensé être ou qu’il ait été jugé par d’autres, il ne se considère pas comme un être entièrement perdu et souillé aux yeux de Dieu, comme un abject ver de terre portant partout avec lui un corps de péché et de mort ; aussi longtemps que les psaumes dans lesquels David parle d’humiliation, lui paraissent exprimer trop fortement sa propre indignité, et que par conséquent il ne peut se les approprier en plein. Le cœur doit être brisé et humilié, pour qu’il puisse devenir la demeure de Celui qui est haut et élevé, et qui habite dans l’éternité [Ésaïe chapitre 57 verset 15] ».

Mais dans tout ce que nous connaissons du psalmiste, nous ne trouvons pas les expériences mentionnées dans le psaume 22, dont les expressions, comme dans les autres psaumes pénitentiaux, laissent David bien en arrière, et portent l’esprit du lecteur jusqu’à son antitype. Il y a dans ce livre une aimable confusion entre David et le Messie ; on y voit toujours les membres étroitement et indissolublement unis à la tête. Le croyant ne peut chanter les louanges ou le triomphe de Jésus, sans être comme obligé de s’associer à Sa gloire.

Plus nous sonderons ce livre, plus nous nous sentirons unis au David spirituel par mille tendres et doux liens, car chaque ligne respire le Messie et tout sentiment conduit à Lui. Il a une place dans chaque pensée, comme « l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin, le premier et le dernier » [Apocalypse chapitre 22 verset 13] de la joie de l’âme. Sans le livre des Psaumes nous ne connaîtrions que peu de chose des souffrances spirituelles de notre cher Sauveur. Il est vrai que dans le jardin de Gethsémané, quand Il attendait que quelqu’un eût compassion de Lui, Il fut comme forcé de s’écrier : « Mon âme est de toutes parts saisie de tristesse » [Matthieu chapitre 26 verset 38] ; mais ce fut avec un silence solennel qu’Il passa par toutes Ses douleurs, comme un agneau mené à la boucherie, ou comme une brebis muette devant celui qui la tond [Ésaïe chapitre 53 verset 7]. On pourrait supposer qu’étant Dieu Il ne pouvait sentir ce que l’homme sent ; mais nous découvrons, tout particulièrement dans les psaumes, cette incompréhensible vérité, qu’Il est aussi parfaitement Dieu qu’Il est parfaitement homme, aussi parfaitement homme qu’Il est parfaitement Dieu. C’est de cette merveilleuse combinaison de majesté et de faiblesse que les prophètes se sont informés et soigneusement enquis, n’étant pas capables de comprendre d’avance « les souffrances de Christ et les gloires qui les devaient suivre » [1 Pierre chapitre 1 verset 11]. Il s’est rendu dépendant de Dieu et dépendant de l’homme ; et cependant au milieu de Ses souffrances une puissance infinie soutenait Son humanité. Jésus est essentiellement le Fils de Dieu, quoiqu’Il se soit fait serviteur. Le culte du Messie est l’adoration de la divinité personnifiée. Ce fut volontairement que le Sauveur se soumit à toutes Ses souffrances. Si un homme se jetait ainsi au-devant de la tentation, il commettrait un péché. Le Sauveur, en devenant notre garant, a pris sur Lui-même toutes les conséquences de notre péché. Le péché sépare la créature du Créateur ; il dispose l’homme à haïr son Dieu et à lui faire la guerre. Oh ! vous qui vous jouez au bord de l’abîme, souvenez-vous que dans l’enfer on expérimentera cette vérité dans toute sa puissance et dans toute son amertume ! Les démons tourmenteront les damnés, les damnés se tourmenteront les uns les autres. Le sein du Sauveur est maintenant ouvert ; fuyez, fuyez, fuyez la colère à venir.

Il y avait tout à la fois une ressemblance remarquable et un contraste frappant entre le premier et le second Adam. Adam était un type de Christ ; comme seigneur de toutes choses, il était le monarque de la terre ; ce fut à cause de sa transgression qu’il fut privé de tout et que la vie du Sauveur a dû être une vie de souffrance et d’ignominie. Jésus a été traité comme nous le méritions, c’est pourquoi on Lui refusa un verra d’eau froide, quand Il s’écria : J’ai soif. En Éden, le premier Adam avait tout en abondance, et cependant il devint la proie de tous les besoins. Le second Adam, au milieu du besoin, triompha de tout. Il ne laissa agir Ses ennemis qu’afin de les fouler sous Ses pieds. Notre pauvre entendement ne peut avoir que des idées misérables de la souffrance qui seule était capable sur la terre de satisfaire pour le péché ; mais dans la suite, peut-être, Dieu expliquera tout cela à Ses enfants. Ce que nous savons, c’est que jamais personne ne souffrit comme Jésus. Ses douleurs étaient aggravées au plus haut degré par la sainteté même de Sa nature ; l’enfer se déchaînait dans Son sein lorsqu’Il prononça ces mystérieuses paroles : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné, t’éloignant de ma délivrance et des paroles de mon rugissement ? » [verset 1]. Son angoisse, dans ce moment solennel, surpassait celle des damnés, car ils sont séparés de Celui qu’ils haïssent, tandis que pour Lui Il était séparé de Celui qu’Il aimait toujours. Il ne se plaint pas ; Il ne fait qu’exprimer Son amour pour Son Dieu qui se tient éloigné. Il ne se plaint nullement des insultes ou de la malice des démons et des hommes ; Il ne pense qu’à chercher Son Bien-aimé. La loi était rendue honorable pendant qu’Il en portait sur Lui-même la malédiction. Il était éprouvé au plus haut degré. Tout ce que le grand ennemi de Dieu et de l’homme avait pu imaginer pour remplir d’horreur Son âme sainte, s’accomplissait alors en Lui (versets 12 à 16), et ce n’était que la conséquence de notre péché. Son amour passait par la plus rude de toutes les épreuves ; et comme Il ne se liait à aucune des choses qui sont en l’homme, Il était également indépendant de l’ingratitude ou de la reconnaissance de Ses disciples. De même qu’Il n’avait pas choisi Ses brebis à cause de quelque bien qu’Il eût vu en elles, de même aussi Il n’aurait pu être détourné de Ses desseins de miséricorde à leur égard par la découverte d’aucun mal. L’extrême amour et l’extrême misère Lui arrachèrent ensemble ces paroles : « S’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! » [Matthieu chapitre 26 verset 39]. Le même amour qui L’avait fait descendre, Le faisait passer au milieu du sentier de la douleur. Toute Sa vie fut une suite de souffrances et d’angoisses ; mais « comme Il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, Il les aima jusqu’à la fin » [Jean chapitre 13 verset 1]. Il n’ignorait pas ce qui était en eux, Il ne les avait point oubliés, mais au moment même où Ses disciples L’abandonnaient, Le reniaient, Le trahissaient, Il donnait Sa vie pour eux. Nous avons un souverain Sacrificateur qui sait entrer dans les sentiments des affligés, et qui, en pénétrant dans les plus secrètes retraites de leur cœur, leur administre le soulagement le plus efficace. Jésus a parfaitement appris ce qu’est Dieu ; Il a parfaitement appris ce qu’est l’homme. Il sait comment il faut combattre en Ses enfants les ennemis qui les attaquent, Il sait aussi remporter la victoire ; Il a parfaitement appris à sympathiser. Il a fait descendre Son cœur du zénith de la gloire jusque dans leur sein, aussi peut-Il être touché du sentiment de leurs infirmités. Il considère toutes leurs souffrances comme les siennes propres, et Il ne met pas sur eux un seul fardeau non nécessaire.

Le verset 17 nous montre quel effet produisait sur Lui la conduite de ceux qui assistaient à Son supplice. L’évangile dit simplement : « Les soldats firent donc ces choses » [Jean chapitre 19 verset 24], tandis que nous n’entendons sortir de Sa bouche que ces mots : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » [Luc chapitre 23 verset 34] ; et si la conduite des soldats était pour Lui un sujet de peine, à plus forte raison combien devait l’être celle des disciples ! Jésus dit, au psaume 69 verset 20 : « L’opprobre m’a déchiré le cœur ; j’ai attendu que quelqu’un eût compassion de moi, mais il n’y en a point eu ; j’ai attendu des consolateurs, mais je n’en ai point trouvé ». Au lieu de se plaindre, Il dit simplement : « L’esprit est de prompte volonté, mais la chair est faible » [Matthieu chapitre 26 verset 41]. Dans le livre des psaumes, nous voyons la conduite de Jésus à l’égard de Ses disciples jusqu’à la fin, aussi y apprenons-nous déjà qu’Il a pu sympathiser à nos infirmités, parce qu’Il a été tenté en toutes choses [Hébreux chapitre 4 verset 15]. Avec quelle délicatesse Il parle de ce qui est pénible ! Comme Il a senti notre faiblesse ! Avec quelle vie Il exprime les sentiments aimables du cœur humain ! Avec quelle patience Il combat nos préjugés ! Comme Il semble craindre de nous blesser, de peur de se blesser Lui-même en quelque sorte ! Quand Son cœur est affligé par Ses ennemis, Il se tourne du côté de Ses amis, et Il condescend à être servi par Ses propres créatures. C’est parmi des hommes pauvres, faibles et souillés, qu’Il cherche des consolateurs. Il se souvient que nous ne sommes que poudre [Psaume 103 verset 14]. Il n’attendait de Ses disciples que de la piété, et voilà, ils n’ont pu veiller une seule heure ! S’ils eussent été du monde, rien n’eût été extraordinaire ; mais ce sont Ses disciples, Ses amis, sur lesquels Il a veillé sans cesse. Combien peu nous savons faire pour notre Seigneur, et quand nous essayons de Lui plaire, combien nous agissons faiblement ! La nature humaine est toujours la même, indifférente et stupide à l’égard de Ses plus précieux intérêts. Mais le Sauveur que nous bénissons est toujours le même ; les disciples dormaient, mais Lui Il veillait et Il était en agonie pour leurs âmes. Nous avons pour nous conduire une tête vivante, remplie de toute la sagesse de Dieu ; nous avons pour sympathiser un cœur humain, rempli de toutes les compassions de Jésus. En confiant notre âme à Celui qui est puissant pour sauver, nous avons la consolation de la reposer sur un sein qui, parce qu’Il a soupiré pour Lui-même, est plein de tendresse pour nous ; « bien qu’étant le Fils, Il a appris l’obéissance par les choses qu’Il a souffertes » [Hébreux chapitre 5 verset 8]. Ce n’est qu’à la croix de Christ que nous voyons une réalité dans la haine de Dieu pour le péché et dans Son amour pour le pécheur. Quand on nous rappelle que « Dieu a été manifesté en chair » [1 Timothée chapitre 3 verset 16], nous considérons trop cet étonnant mystère comme une histoire qui a vieilli, et c’est avec une sorte d’indifférence que nous cherchons à voir quel intérêt nous y avons ; mais nous ne pouvons nous arrêter longtemps en Gethsémané ou sur le Calvaire, sans sentir qu’il y a une réalité dans le péché, dans la justice, dans la pureté et dans l’amour. C’est le point central autour duquel la perfection se rallie et duquel elle émane, et jamais nous ne sommes dans une aussi bonne disposition d’esprit que lorsque notre foi regarde à l’humiliation du Rédempteur, ou que notre espérance contemple Sa gloire. Croyons-nous réellement que Christ ait visité notre terre, qu’Il ait souffert, qu’Il ait bu jusqu’au fond la coupe de la colère, qu’Il ait connu toute la misère qui fait l’essence de la malédiction, qu’Il ait été accablé par la douleur, qu’Il soit entré en agonie, que Son cœur ait été brisé, que Son esprit ait été froissé, et tout cela parce qu’Il amenait beaucoup de fils à la gloire [Hébreux chapitre 2 verset 10] ? Quelquefois nous pleurons, parce que nous avons besoin d’un ami dans le sein duquel nous puissions épancher notre tristesse. Ici nous voyons Jésus, qui a appris sur le mont Calvaire ce que c’est que la douleur, et dont l’office est maintenant de faire miséricorde. Si quelqu’un pense s’être jeté par le péché dans un si grand nombre de difficultés qu’il n’y ait plus de grâce pour lui, nous nous bornons à répondre que le Messie est vivant, et que l’homme de douleurs tient les rênes de Son gouvernement. « Si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus Christ le juste » [1 Jean chapitre 2 verset 1]. La vérité ne conduit jamais au désespoir, mais, semblable à un général habile, elle entoure l’ennemi. Dieu, dit, il est vrai : « Ne pèche point » ; mais le croyant perdra-t-il tout courage s’il vient à tomber ? Non, l’Esprit le conduit à Jésus.

Il est dit au verset 21 : Réponds-moi, et les versets 24, 25, 26 et 27 montrent les heureux résultats des souffrances de Christ, la restauration d’Israël et la conversion du monde à Dieu ; car, « au nom de Jésus, tout genou se ploiera, et toute langue confessera que le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père » [Philippiens chapitre 2 versets 10 et 11]. Mais le verset 22 semble particulièrement intéressant : c’est la voix qui dit au commencement : « Que la lumière soit, et la lumière fut » [Genèse chapitre 1 verset 3]. C’est la voix qui autrefois ébranla la terre, et qui remuera encore une fois, non seulement la terre, mais aussi le ciel [Hébreux chapitre 12 verset 26]. C’est la voix qui, du sein de l’agonie, fit entendre ces mots : « Mon Dieu, mon Dieu ! ». « Dans les jours de sa chair, Il offrit, avec cri véhément et avec larmes, des supplications et des instances à Celui qui pouvait le sauver du sein de la mort » [Hébreux chapitre 5 verset 7]. Réponds-moi, s’écrie le grand Berger des brebis qui a été ramené d’entre les morts par le Dieu de paix [Hébreux chapitre 13 verset 20] ; et maintenant qu’Il est dans le temple céleste, à la droite de la magnificence dans les lieux hauts, Il s’écrie d’une voix aussi forte que celle des grandes eaux, et en même temps plus douce que toute la mélodie des harpes des anges et des rachetés : « Je déclarerai ton nom à mes frères » [verset 22]. Nous ne pouvons dire comment Il déclarera le nom de Son Père à Ses frères de l’Église triomphante, ni comment Il conduira au milieu d’eux l’hymne d’actions de grâces ; mais ce que nous savons, c’est que l’ensemble de Son œuvre de médiation est une déclaration du nom de Son Père à Ses frères qui sont sur la terre, et une hymne de louanges au Dieu de leur salut. Ne L’entendons-nous pas, dans la Parole de la vérité, dans les ordonnances qu’Il a instituées, et dans les opérations puissantes de Son Esprit, proclamer chaque jour, chaque heure et sans cesse, le nom de Son Père, avec plus de clarté que cela n’a jamais eu lieu auparavant ? « L’Éternel, l’Éternel, le Dieu fort, pitoyable, miséricordieux, tardif à colère, abondant en gratuité et en vérité, gardant la gratuité jusqu’en mille générations, ôtant l’iniquité, le crime et le péché, et qui ne tient point le coupable pour innocent » [Exode chapitre 34 versets 6 et 7], a manifesté Son Fils comme propitiatoire par la foi en Son sang [Romains chapitre 3 verset 25] ; Il est le juste et le Sauveur, justifiant celui qui est de la foi de Jésus [Romains chapitre 3 verset 26].

Les psaumes qui se rapportent au Messie considéré comme conquérant, même au milieu de l’Église d’en bas, ne contiennent-ils pas les louanges éternelles de Celui qui Lui a donné la victoire, et ne nous convient-il pas, à nous qui sommes Ses frères, d’écouter avec attention et foi la déclaration qu’Il fait du nom de Son Père et de notre Père, de Son Dieu et de notre Dieu [Jean chapitre 20 verset 17], et de nous joindre à Son cantique d’actions de grâces ? C’est là l’occupation des cieux, et si nous nous y adonnions plus habituellement, la terre deviendrait bientôt comme le porche du paradis. L’auteur de l’épître aux Hébreux remarque d’une manière touchante, en parlant de ceux que Jésus sanctifie, « qu’Il n’a pas honte de les appeler frères » [Hébreux chapitre 2 verset 11]. Ces paroles sont une preuve frappante, quoique indirecte, de la divinité de notre Seigneur et Sauveur. Quelle effroyable fierté n’y aurait-il pas chez un simple homme, qui, quelque élevée que fût sa position ici-bas, aurait honte d’appeler frère un de ses semblables ? Mais ici, c’est Christ qui nous donne le nom de frères. Certes Il aurait bien pu se refuser à entrer avec nous dans une telle relation ; Il aurait bien pu avoir honte d’appeler frères des hommes coupables et souillés. On ne reconnaît qu’avec une grande prudence un degré de parenté quelconque avec ceux qui ont encouru le déplaisir du gouvernement, de peur d’être enveloppé dans leurs maux et leur disgrâce. Mais quoique Jésus sût fort bien qu’en reconnaissant un degré de parenté avec des traîtres, Il serait enveloppé dans une responsabilité terrible comme notre parent et notre Rédempteur, Il n’a point eu honte de nous appeler frères. Les personnes élevées en dignité, ou qui recherchent les honneurs de ce monde, ont souvent honte de reconnaître un lien quelconque avec les pauvres et les petits ; mais Lui, le Seigneur de l’univers, Il n’hésite pas à nous dire : « Je monte vers mon Père et votre Père » [Jean chapitre 20 verset 17]. Mais c’est la divinité de Sa personne qui rehausse magnifiquement cette condescendance. L’éternité elle-même ne révélera qu’imparfaitement aux esprits des justes rendus parfaits, comment le Fils unique de Dieu, Dieu au-dessus de toutes choses, béni pour les siècles, a pu ne pas avoir honte d’appeler « frères » des êtres qui ne sont que poussière, cendre et péché comme nous.

Il y a cependant un sens dans lequel nous pouvons dire qu’Il n’a aucune raison d’avoir honte quand Il nous appelle frères ; dans Hébreux chapitre 11 verset 16, il est dit que Dieu n’a pas honte de Ses enfants, ni de s’appeler leur Dieu, parce qu’Il leur a préparé une cité. Ces paroles semblent signifier que si Dieu n’avait pas préparé pour Ses enfants un héritage digne de Lui-même, et convenable à Son infinie grandeur, Il aurait eu honte de s’appeler leur Dieu. Mais ce qu’Il a préparé pour eux est entièrement digne de Lui ; aussi n’a-t-Il point honte d’être appelé leur Dieu. Certaines personnes se conduisent si mal à l’égard de leurs parents, qu’elles doivent être honteuses chaque fois qu’ils sont nommés devant elles. Ce n’est point ainsi qu’a agi notre frère aîné ; Il s’est montré un frère plein de tendresse ; Il s’est humilié jusqu’au niveau de Ses frères, et Il ne se donnera aucun repos jusqu’à ce qu’Il les ait fait asseoir avec Lui sur Son trône. Assurément nous qu’Il appelle Ses frères, nous ne devons point avoir honte de l’appeler notre frère. S’il n’a pas honte de Ses rapports avec nous, nous ne devons pas avoir honte de nos rapports avec Lui ; et cependant combien souvent nous pensons, nous sentons et nous agissons comme si nous avions honte de Lui. Sous un certain point de vue, il nous convient d’avoir honte, car notre conduite n’a été souvent rien moins que fraternelle à Son égard, telle même qu’elle n’aurait pu être tolérée par aucune affection fraternelle humaine ; et cependant, quoi que nous ayons pu faire, Son amour est toujours demeuré. Quand nous avons agi d’une manière indigne de nos rapports avec Lui, ne nous détournons pas de Sa face, car à qui pourrions-nous aller qu’à Jésus ; contemplons-Le, et nous verrons dans Son regard ce qu’y vit Pierre, une désapprobation profonde, mais en même temps une tendre pitié, un amour inexprimable, quelque chose qui dit : « Est-ce donc là l’affection que tu as pour ton intime ami ? Retourne à moi, car je t’ai racheté ». Nous nous précipiterons alors dans Ses bras, et nous pleurerons sur Son sein.

Psaume 23

Ce psaume, comme la plus grande partie des promesses et des prophéties de l’Ancien Testament, doit être appliqué littéralement aux Juifs, qui sont encore « bien-aimés à cause des pères » [Romains chapitre 11 verset 28], et spirituellement à l’Église chrétienne. Christ était aussi le Berger de l’Ancien Testament, et c’est sous ce caractère que les Juifs L’attendent, quoiqu’ils ne Le connaissent pas (voyez Jérémie chapitre 23 versets 3 et 4 ; Ézéchiel chapitre 34 versets 23 et 24 ; Michée chapitre 5 verset 2).

Celui qui est né à Bethléhem-Éphratha paraîtra comme le souverain Berger, et c’est à Lui que s’adresse le cri d’Israël : « Toi, qui pais Israël, prête l’oreille ; Toi, qui mènes Joseph comme un troupeau ; Toi, qui es assis entre les chérubins, fais luire ta splendeur ! » (Psaume 80 verset 1. Voyez aussi Ésaïe chapitre 49 versets 9 à 11 ; Jérémie chapitre 31 versets 8, 11, 12, 13 et 14 ; chapitre 32 versets 36 à 43). Il est venu à eux avec Ses miséricordes, non à cause de leurs mérites, mais à cause de leurs besoins, et tout ce qu’Il a fait à leur égard, Il l’a fait pour l’amour de Son nom, afin qu’il ne fût point profané devant les nations, car Son nom est en eux (voyez Ézéchiel chapitre 20 versets 14, 22 et 44 ; Osée chapitre 14 ; Michée chapitre 7 versets 8 et 9). Appliqué aux Juifs, ce psaume nous porte au temps où Celui qui paît Israël fera reluire Sa splendeur ; mais si nous l’appliquons spirituellement au croyant, il nous présente une paix et une plénitude d’expression que lui seul peut comprendre. Il n’est dans son ensemble qu’un développement de cette parole : Je n’aurai point de disette. Dieu nous y restaure par le rafraîchissement et le repos ; Il nous y promet protection et paix dans la mort, triomphe et abondance de bénédictions ; nous y trouvons une pleine confiance pour l’avenir et une sécurité parfaite, soit dans la vie, soit dans la mort, soit dans la prospérité, soit dans l’adversité, soit pour le temps, soit pour l’éternité. Appuyé sur le fondement solide du psaume précédent, savoir, les souffrances, la résurrection et la promesse de Christ, le croyant peut dire avec assurance : L’Éternel est mon Berger. Il n’aura point de disette, parce que son Berger c’est l’Éternel ; il n’aura point de disette, parce que l’Éternel est son Berger. Son Berger suffit à tous ses besoins ; rien ne peut s’unir à Lui, ni se mêler avec Lui ; rien ne peut ajouter à Sa nature, rien ne peut porter atteinte à Sa plénitude. Le trésor de Ses dons a été chèrement acheté, car Il a payé jusqu’au dernier quart de sou. Quand la justice qui tenait la clef de la miséricorde eut dit : C’est assez, et que par le sang de l’alliance le Père fut devenu le débiteur de Son Fils, le bon Berger alla dans les régions des ténèbres à la recherche de Ses brebis. Il trouva Son Église dans les profondeurs du péché, et Il l’aima comme Il ne l’avait jamais aimée auparavant. Il porta Ses brebis sur Ses épaules au travers du tombeau et des portes de la mort, en s’écriant d’une voix triomphante : « Ô sépulcre, où est ta victoire ? » [1 Corinthiens chapitre 15 verset 55]. Le grain de blé tombé en terre mourut et porta beaucoup de fruit [Jean chapitre 12 verset 24]. Lorsque l’ange roula la pierre de devant la porte du sépulcre, Jésus nous fit connaître, en quelque sorte, que le poids du péché avait été roulé de devant la porte des trésors de Sa grâce. Il n’est jamais fatigué des besoins de Son petit troupeau. Chaque don, chaque secours de Son amour, nous déclare que le Père a été satisfait du travail de l’âme de Son Fils bien-aimé. Unie à Lui, vivifiée avec Lui, Son Église ne peut avoir aucune disette ; elle a le droit de faire usage de toutes les richesses de son Époux ; son bien, ce sont les richesses de Sa gloire, car avec Lui tout est donné. C’est par expérience que le Berger a appris à connaître les besoins de Ses brebis, car Il a été Lui-même conduit comme une brebis à la boucherie [Actes chapitre 8 verset 32]. Il a été initié à cette connaissance par les leçons les plus pénibles ; Il s’est assujetti aux besoins de chaque brebis et de chaque agneau de Son troupeau, afin qu’Il pût être touché de compassion à la vue de leurs infirmités ; aussi le troupeau du Messie peut-il dire avec assurance : Je n’aurai point de disette. Brebis timides, ne craignez ni le besoin, ni l’affliction, ni la peine ; ne craignez point ; selon vos besoins sera le secours. « L’Éternel est ma portion, dit mon âme, c’est pourquoi j’aurai espérance en lui » [Lamentations de Jérémie chapitre 3 verset 24]. Quand la brebis stupide crie parce qu’elle a peur du besoin, elle pourrait bien avoir pour réponse : « Vous ne savez ce que vous demandez » [Matthieu chapitre 20 verset 22]. Le troupeau de Jésus n’a aucune raison de craindre au milieu du danger, car il est entouré d’un amour tout puissant. « Mes brebis ne périront jamais, a dit le Berger » [Jean chapitre 10 verset 28] ; « votre Père a bien voulu vous donner le royaume » [Luc chapitre 12 verset 32]. Nous trouvons en Lui tout ce qu’on peut attendre d’un berger, car Il a tant aimé Ses brebis qu’Il a donné Sa vie pour elles. Avez-vous un besoin quelconque ? Ne le tenez pas secret, mais présentez-le-Lui ; il sera placé sur le propitiatoire pour être examiné, et dans le temps convenable il y sera pourvu. Avez-vous besoin de quelque chose pour une personne qui vous est chère ? Il a promis que vous n’aurez point de disette. S’Il ne répond pas exactement à votre prière, ce qu’Il vous accorde est toujours meilleur que ce que vous avez demandé ; Sa plénitude est à votre disposition comme si elle était entre vos mains ; s’Il la garde en Lui-même, c’est afin que chaque bénédiction soit doublée. Moïse disait aux enfants d’Israël dans le désert : « L’Éternel ton Dieu a connu le chemin que tu as tenu dans ce grand désert, et Il a été avec toi pendant ces quarante ans, et rien ne t’a manqué » [Deutéronome chapitre 2 verset 7]. Vos besoins sont immenses, mais votre secours est infini. Il n’y a que Dieu qui puisse dire tout ce que Dieu peut faire. Vous, qui êtes les brebis de Sa pâture, rendez-Lui grâce et proclamez Sa louange ; il n’y aura point de disette pour Son troupeau. « Les lionceaux ont disette, ils ont faim » [Psaume 34 verset 10], mais les faibles et chétives brebis du bon Berger ne manqueront d’aucun bien. Il est leur bouclier contre tout ennemi ; Il est leur guide en tout danger ; tout bien leur sera donné, la grâce maintenant, la gloire pour les siècles.

Mais voyons comment le Saint Esprit développe ces paroles : « Je n’aurai point de disette », et comment les brebis de Jésus « marchent de force en force pour se présenter devant Dieu en Sion » [Psaume 84 verset 7]. Au verset 2 il est dit qu’elles ont la nourriture, le breuvage, le repos et le rafraîchissement. Or, quelle est la pâture de l’âme, si ce n’est le pain de la vie ? Ici la pâture est intimement liée au repos ; et, en effet, Christ est le repos de notre âme, parce qu’Il est un vaste champ de promesses ; des eaux rafraîchissantes coulent en abondance dans Ses pâturages ; on y voit le « fleuve pur d’eau de la vie, resplendissant comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l’Agneau » [Apocalypse chapitre 22 verset 1], « dont les ruisseaux réjouissent la ville de Dieu » [Psaume 46 verset 4]. L’eau que Jésus donne devient, en celui qui la boit, « une fontaine d’eau jaillissante en vie éternelle » [Jean chapitre 4 verset 14], et elle n’est autre chose que « l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui » [Jean chapitre 7 versets 38 et 39]. On aime à voir, dans un jour brûlant d’été, des brebis reposer dans des parcs herbeux, près d’une eau courante et limpide. Même dans le désert, le croyant qui se repose sur Christ boira des eaux en abondance ; il sera rafraîchi et restauré par le Consolateur. Le troupeau de Christ ne mangera pas avec précipitation, comme s’il craignait celui qui dévore. « Celui qui croira, dit l’Écriture, ne se hâtera point » [Ésaïe chapitre 28 verset 16] ; « si le Berger donne du repos, qui est-ce qui causera du trouble ? » [Job chapitre 34 verset 29]. Les ennemis peuvent abonder, mais Il est près ; les ennemis peuvent être en embuscade, mais Lui, Il veille. C’est Lui qui fait reposer Ses brebis, c’est Lui qui les mène le long des eaux paisibles. Si c’était à elles à raconter ce qu’est ce repos et ce rafraîchissement, elles ne pourraient rapporter la moitié des bénédictions dont elles sont comblées. Le croyant peut magnifier le jugement aussi bien que la miséricorde ; il compte au nombre de ses plus précieuses bénédictions, que jamais il n’ait été dit de lui : laisse-le. Il y avait espérance pour les Israélites, tandis que Dieu « humiliait leur cœur par le travail, car alors ils criaient à l’Éternel dans leur détresse » [Psaume 107 versets 12 et 13]. Il y avait espérance quand Il les frappait, car alors ils Le cherchaient, et « ils se souvenaient que Dieu était leur rocher, et que le Dieu fort et souverain était Celui qui les délivrait » [Psaume 78 verset 35]. La plus dure parole qu’Israël entendit jamais, fut celle-ci : « Pourquoi seriez-vous encore battus ? Vous ajouterez la révolte » [Ésaïe chapitre 1 verset 5]. Les brebis de Christ laissées à elles-mêmes s’égareront toujours ; mais, quoi qu’il puisse leur en coûter, elles sont forcées de s’écrier : « Cherche ton serviteur, car je n’ai point mis en oubli tes commandements » [Psaume 119 verset 176]. N’a-t-Il pas fréquemment restauré vos âmes, ô chrétiens ? Quand vous vous êtes détournés de Lui, ne vous a-t-Il pas repris et châtiés dans Son amour ? N’a-t-Il pas été infatigable en conservant votre foi ? Quoiqu’il ait été permis à Satan de vous cribler, Son grain de froment est-il tombé à terre ? Quand vous avez été jetés dans la fournaise, Celui qui raffine ne s’est-Il pas assis près de Son trésor ? Quand le péché a fait séparation entre vous et Lui, quand quelque idole a mis le désordre dans vos pensées, n’a-t-Il pas été là pour vous restaurer ? Ses entrailles n’ont-elles pas été émues au sujet d’Éphraïm [Jérémie chapitre 31 verset 20] ? Quelquefois Il nous brise presque le cœur d’un seul regard, comme cela arriva à Pierre ; quelquefois Il nous subjugue en passant par-dessus nos iniquités, comme aussi en nous faisant sentir la verge et le jugement. Soyez assurés qu’Il vous restaurera jusqu’à ce que vous puissiez dire, dans le même esprit que Lui, lorsqu’Il était mené comme une brebis muette devant celui qui la tond : Tout avec ton sourire ; tout, excepté ta désapprobation.

Mais, hélas ! avec quelle lenteur Ses brebis apprennent à ne pas se détourner de Lui dans leurs détresses, mais à se réfugier plutôt auprès de Lui, pour être mises en sûreté et pour être conduites dans des sentiers de justice ! « Fais-moi connaître le chemin par lequel j’ai à marcher ; enseigne-moi à faire ta volonté ; conduis-moi comme par un pays uni » [Psaume 143 versets 8 et 10]. Jésus dit : « Je suis le chemin » [Jean chapitre 14 verset 6], et l’apôtre dit : « Comme donc vous avez reçu le Christ, Jésus le Seigneur, marchez en lui » [Colossiens chapitre 2 versets 6 et 7]. Satan vise sans cesse à nous détourner de la simplicité qui est en Christ ; mais le bon Berger veut toujours nous restaurer et nous conduire dans Son sentier ; et quoique souvent nous ne sachions par où Il veut nous faire passer, Il nous mène cependant dans les sentiers de justice où Il a passé avant nous. Il marche devant Ses brebis ; c’est Lui qui rencontre le premier l’ennemi. Ses brebis marchent sur Ses traces, aussi doivent-elles s’attendre à un sentier rempli d’épines ; mais leur Berger est avec elles ; Sa présence change les ténèbres en lumière, et les choses tortues en choses droites. Les pauvres brebis ne sont sages que quand elles s’abandonnent à Sa conduite, et qu’elles Le suivent quelque part qu’Il aille. Il les fera marcher dans les sentiers de la droiture, où aucune d’elles ne se blessera, car « Il prend plaisir à leur faire du bien » [Jérémie chapitre 32 verset 41]. Si elles tombent, Il les relève ; si elles sont dans les ténèbres, Il est près d’elles ; Il plaide leur cause ; Il exécute Ses jugements en leur faveur ; Il les amènera à la lumière, et elles contempleront Sa justice. Ce qu’elles ne connaissent pas maintenant, elles le connaîtront dans la suite [Jean chapitre 13 verset 7] ; tous leurs péchés seront jetés au fond de la mer, pour n’être plus jamais trouvés. Il prend plaisir dans la miséricorde, et Il ne se donnera point de repos qu’Il n’ait rassasié de Ses biens l’âme affamée. Sa gloire est étroitement unie au faisceau de leur vie, son nom y est. « Mène-moi et conduis-moi, dit David, pour l’amour de ton nom » [Psaume 31 verset 4]. « Ô Dieu de notre délivrance, aide-nous pour l’amour de la gloire de ton nom, et nous délivre ; et pardonne-nous nos péchés pour l’amour de ton nom » [Psaume 79 verset 9].

Mais il y a plus ; le cinquième verset, dans son ensemble, exprime l’abondance, la sécurité et le triomphe. L’onction en particulier désigne l’allégresse, la force et la prospérité ; elle est un signe de la santé et de la paix de l’âme. C’est une fête spirituelle qui remplit le cœur d’une joie sans mesure, et qui le fait en quelque sorte refleurir. C’est comme cette huile qui découle sur la barbe d’Aaron [Psaume 133 verset 2] et qui rend sa face joyeuse. Célébrer ainsi la fête, boire abondamment à la coupe préparée par le Seigneur, c’est là toute la richesse de nos âmes. Dans un autre psaume, David dit : « L’Éternel est la part de mon breuvage » [Psaume 16 verset 5] ; et, en effet, ce breuvage, qui est Christ, nous est donné avec une multitude de bénédictions. Nous y trouvons tout ce qu’il y a de plus précieux : Sa vie, car Il a dit : « Parce que je vis, vous aussi, vous vivrez » [Jean chapitre 14 verset 19] ; Son amour, car Il a dit : « De même que le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés » [Jean chapitre 15 verset 9] ; Son amitié, car Il a dit : « Je vous ai appelés amis » [Jean chapitre 15 verset 15] ; Sa sagesse, car « Il nous a été fait sagesse » [1 Corinthiens chapitre 1 verset 30] ; Sa justice, car « Il nous a été fait justice » [1 Corinthiens chapitre 1 verset 30] ; Sa plénitude, car il est écrit : « Tout ce que j’ai est à toi » [Jean chapitre 17 verset 10] ; Ses douleurs, car Il a dit : « S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi » [Jean chapitre 15 verset 20] ; Sa force, car il est écrit : « Ma force est rendue parfaite dans l’infirmité » [2 Corinthiens chapitre 12 verset 9] ; Sa paix, car Il a dit : « Je vous laisse ma paix » [Jean chapitre 14 verset 27] ; Sa joie, car il est écrit : « Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie demeure en vous, et que votre joie soit accomplie » [Jean chapitre 15 verset 11]. C’est là la part de bonheur présentée au croyant dans Sa coupe ; il n’y manque qu’une seule chose, savoir, un repos absolu. Les brebis de Jésus, à la vie desquelles nul ne peut porter atteinte, paissent au milieu de leurs ennemis ; « elles entrent, elles sortent, elles trouvent de la pâture » [Jean chapitre 10 verset 9]. La sécurité du croyant au milieu du monde n’est point une présomption, car elle repose non point sur lui-même, mais sur l’alliance de la Trinité, comme nous le voyons dans Jean chapitre 6 versets 37 à 40. Il est important d’étudier ces versets, car ils combinent dans leur ensemble l’élection, la volonté et la puissance irrésistible du Fils relativement au salut de tous les élus du Père, l’appel et la persévérance par le moyen de la foi. Les saints sont appelés et conservés pour être ressuscités au dernier jour. Tout cela est dû à la grâce de Dieu, et non au mérite de l’homme, afin que le nom d’Emmanuel soit glorifié. Le Père a un peuple qu’Il a voulu sauver. Le Fils est descendu du ciel pour accomplir la volonté du Père ; Il promet de ne jeter dehors aucun de ceux qui iront à Lui [Jean chapitre 6 verset 37], et de ne rien perdre de tout ce que le Père Lui a donné, mais de le ressusciter au dernier jour [Jean chapitre 6 verset 39]. L’Esprit prépare ces vases de miséricorde, en les amenant à Christ, et en prenant de ce qui est à Christ pour le leur annoncer [Jean chapitre 16 verset 14]. Puis, quand leurs yeux ont été ouverts à cette lumière du ciel, ils embrassent avec une parfaite confiance la vérité telle qu’elle est en Jésus, et c’est par le moyen de la foi que l’Esprit les conserve au milieu des combats contre le monde, la chair et le diable. Le Père a donné des élus au Fils pour qu’Il les sauvât ; le Fils les donne à l’Esprit pour qu’Il les élève, ce qu’Il fait en les conduisant de nouveau à Christ, qu’Il s’est chargé de glorifier. Christ les garde en les plaçant, par Son intercession, sur le sein du Père : « Père saint, garde-les en ton nom ceux que tu m’as donnés » [Jean chapitre 17 verset 11]. C’est ainsi que les trois personnes de la divinité deviennent débitrices l’une de l’autre, dans la consommation du bonheur des enfants de Dieu. Il faut avoir suivi le croyant dans toutes les complications de son expérience, pour pouvoir comprendre pleinement cette parole de Jésus : Je ne jetterai point dehors, car nous ne pouvons fatiguer Son amour, ni par notre tiédeur, ni par notre ingratitude.

Notre vie ne suffit pas pour que nous puissions apprendre la valeur de cette autre expression : Il peut sauver entièrement [Hébreux chapitre 7 verset 25]. Les exemples présentés par la Parole, aussi bien que la vérité du serment de Dieu, établissent en général que, malgré les apparences, l’âme du croyant ne peut être retardée dans ses progrès, et que chaque événement et chaque position la poussent en avant de la même manière que les années, les mois et les jours nous portent vers l’éternité. Souvenons-nous que la volonté positive du Père est que Son peuple soit sauvé ; c’est pourquoi Il lui a plu que Son propre Fils devînt homme de douleurs, sachant ce que c’est que la langueur [Ésaïe chapitre 53 verset 3], qu’Il mît Son âme en oblation pour le péché, afin que le bon plaisir de l’Éternel prospérât en Sa main [Ésaïe chapitre 53 verset 10]. Dans les versets cités plus haut du chapitre 6 de Jean, nous trouvons une marque distinctive des brebis de Jésus : « Tout ce que le Père me donne viendra à moi ; je ne jetterai point dehors celui qui vient à moi » [verset 37]. Il n’y a ni si, ni mais, ni par hasard. « L’alliance est bien établie et assurée » [2 Samuel chapitre 23 verset 5], car la gloire de l’Éternel s’est interposée pour le salut de Son peuple élu, qui ainsi peut triompher au milieu de ses ennemis. Quand l’homme est dans la détresse, c’est pour Dieu l’occasion d’agir ; plus nos besoins sont grands, plus nous pouvons boire à la coupe des consolations, car « nous n’aurons point de disette ». Il a pourvu aux besoins de toutes Ses brebis, aussi peut-Il dire à chacune d’elles : « Tu n’auras point de disette ». Il n’y a pas seulement assez, mais il y a surabondance. Que les ennemis qui nous entourent soient dans l’étonnement ! Souvent ils désirent déchirer le petit troupeau du Seigneur, mais tous leurs efforts sont déjoués ; ils ne peuvent porter atteinte à la paix des chrétiens. Quelques-uns s’efforcent de les blesser par des paroles piquantes, mais Il les cache dans Sa loge à l’abri des disputes de langues. Les traits qui leur sont lancés, passent au-dessus d’eux, et montent dans les hauteurs du ciel, où ils percent le Berger qui les reçoit tous dans Son sein. « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? cria Jésus des cieux ; je suis Jésus que tu persécutes » [Actes chapitre 9 versets 4 et 5]. — « Celui qui vous touche, touche la prunelle de son œil » [Zacharie chapitre 2 verset 8]. Les lions rugissent, les loups cherchent leur proie, mais Ses brebis se réjouissent en paix, elles sont fortifiées et restaurées en buvant à la coupe du salut. Nul ne peut leur ôter leur joie ; leur coupe déborde toujours, parce qu’elle est alimentée d’en haut par Celui qui peut faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons et pensons [Éphésiens chapitre 3 verset 20], et qui s’écrie : « Mangez, buvez, faites bonne chère, mes bien-aimés » [Cantique des cantiques chapitre 5 verset 1]. Ce troupeau béni ne jouit pas seulement d’un bonheur présent, mais il a des promesses certaines pour l’avenir. « Je suis venu, dit le bon Berger, afin qu’elles aient la vie, et qu’elles l’aient en abondance » [Jean chapitre 10 verset 10]. La joie au milieu de la douleur, c’est la part qui leur est promise ; la joie de l’espérance est pour elles le gage de la plénitude dont elles jouiront lorsque la foi sera changée en vue. Quand la cène du Seigneur est convenablement célébrée, elle est pour nous une fête au milieu de nos ennemis. Elle nous rappelle toutes les doctrines de l’évangile, et elle est la source d’une abondante joie. Observons aussi que la sécurité de l’âme est une porte ouverte à toute sorte de bénédictions. Si nous ne sommes pas en sûreté au milieu de nos ennemis, nous ne pouvons être ni restaurés, ni fortifiés, ni nourris par notre fête, et une terreur continuelle nous tient dans la maigreur d’esprit. La foi sans assurance (si c’est là de la foi) n’ouvre à la vie divine qu’un étroit passage, tandis que l’assurance de la foi, d’une foi dépouillée de propre justice, ouvre la porte toute grande, pour que les dons de la grâce coulent en abondance dans l’âme du croyant.

Verset 4. L’ombre de la mort semble exprimer les ténèbres épaisses de l’enfer. Job, parlant du sépulcre, l’appelle « la terre des ténèbres et de l’ombre de la mort, où il n’y a aucun ordre, et où rien ne luit que des ténèbres » [chapitre 10 versets 21 et 22]. Luc, parlant de ceux qui sont dans les ténèbres, les représente comme assis dans l’ombre de la mort [chapitre 1 verset 79]. Il y a dans la mort quelque chose qui en fait, pour les impies, le roi des épouvantements [Job chapitre 18 verset 14], mais qui, pour le croyant, est la source d’une sainte confiance et d’une assurance parfaite ; tellement que, au lieu de s’adonner à la contemplation de la mort, il élève avec allégresse son âme à la rencontre de son Bien-aimé. Avons-nous jamais réalisé ce que seront nos sentiments quand nous passerons au travers de ce voile qui nous sépare de l’inconnu, et que le rideau sera tombé sur tout ce qui est d’en bas ? Que de choses sont contenues dans ces mots : Tu es avec moi ! C’est l’arc-en-ciel de la lumière jeté au travers de la vallée, car il n’y a besoin ni de soleil, ni de lune dans les lieux qu’illumine l’amour de l’alliance. Il faut que nous trouvions la présence de Jésus supérieure à toutes les joies d’ici-bas, si nous désirons la trouver supérieure à toutes les terreurs à venir. Il faut que, comme Énoch, nous marchions avec Dieu sur la terre, si nous voulons qu’Il marche avec nous dans les cieux. Il faut qu’Il soit tout pour nous quand nous avons toutes choses, si nous désirons Le trouver suffisant quand nous ne posséderons rien. Nous ne savons ce que le jour de demain peut amener ; peut-être serons-nous appelés à passer au travers des fleuves de l’affliction, ou des fournaises de la tentation, ou des eaux de la perplexité et des soucis. Quoi qu’il en soit, Dieu dit à Son enfant : « Ne crains point, je suis avec toi ; quand tu passeras par les eaux, je serai avec toi ; et quand tu passeras par les fleuves, ils ne te noieront point ; quand tu marcheras dans le feu, tu ne seras point brûlé, et la flamme ne t’embrasera point, car je suis l’Éternel, ton Dieu, le Saint d’Israël, ton Sauveur » [Ésaïe chapitre 43 versets 1 à 3]. Il est vrai que cette promesse fut donnée aux Juifs, mais les petits chiens peuvent manger des miettes qui tombent de la table [Matthieu chapitre 15 verset 27]. Nous aussi, Il nous a rachetés, Il nous a appelés par notre nom, nous sommes à Lui. Ce n’est ni l’Égypte, ni l’Éthiopie qu’Il a données pour nous, mais c’est Son propre Fils ; Il a créé Son peuple pour Sa gloire [Ésaïe chapitre 43 verset 7]. « Si je marche au milieu de l’adversité, dit David, tu me vivifieras, tu avanceras ta main contre la colère de mes ennemis, et ta droite me délivrera » [Psaume 138 verset 7]. « Dieu est avec la race juste » [Psaume 14 verset 5]. Le Seigneur disait à Jérémie : « Ne crains point, car je suis avec toi » [chapitre 1 verset 8]. Il quitta Ses apôtres en leur disant : « Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la consommation du siècle » [Matthieu chapitre 28 verset 20]. Son nom est « Emmanuel, Dieu avec nous » [Matthieu chapitre 1 verset 23]. Nous connaissons bien peu tout ce qu’il y a de douceur, de sécurité et de force dans ces paroles : « Tu es avec moi ». Quand nous nous transportons à l’heure solennelle de la mort, sentons-nous toutes les affections de notre âme se tourner vers Dieu, et pouvons-nous dire que nous n’avons nulle crainte, puisque Son amour nous est laissé ? « Où est, ô mort ! ton aiguillon ? » [1 Corinthiens chapitre 15 verset 55]. On dit que lorsque une abeille a laissé son aiguillon dans un corps quelconque, elle n’a plus le pouvoir de blesser ; de même, comme la mort a laissé son aiguillon dans l’humanité de Christ, elle n’a plus le pouvoir de nous nuire. La victoire de Christ sur le tombeau est aussi celle de Son peuple. Je suis avec vous, nous dit-Il ; je suis Celui dont vous avez éprouvé la force et la fidélité au travers du désert ; je ne vous ai jamais manqué, quoique souvent vous ayez été forcés d’appuyer sur moi toute votre faiblesse. Auprès d’un tel ami nous nous sentons chez nous ; nous nous reposons avec une entière confiance sur notre Bien-aimé, car Il nous a soutenus dans des tribulations dont la seule pensée nous fait maintenant frissonner. Nous savons donc par expérience qu’en Lui tout est amour. Pourrait-il être obscur pour nous le lieu dans lequel tous nos désirs de cette vie doivent avoir leur accomplissement ? Pourrions-nous craindre d’entrer en contact avec la lumière de la vie ? « Son bâton et sa houlette sont ceux qui nous consolent ». Éprouvez-le maintenant, ô chrétiens ! c’est votre privilège. Il aime à vous soutenir dans votre faiblesse, et à vous prouver que, lorsque vous êtes faibles, c’est alors que vous êtes puissants [2 Corinthiens chapitre 12 verset 10]. Vous pouvez être en sécurité parfaite, car Sa puissance se consommera dans votre infirmité. Son amour cesserait d’être tout-puissant, plutôt que de laisser périr une seule de Ses brebis. « Nul ne les ravira de ma main, a-t-Il dit, moi et le Père sommes un » [Jean chapitre 10 versets 29 et 30], aussi pouvons-nous dire avec assurance : « Même quand je marcherais par la vallée de l’ombre de la mort, je ne craindrai aucun mal, car tu es avec moi ».

Le dernier verset nous présente la foi, non pour le moment de la mort, mais pour toute la vie : « Quoi qu’il en soit, dit le croyant, les biens et la gratuité m’accompagneront tous les jours de ma vie », de la même manière que les eaux, qui sortaient du rocher que Moïse avait frappé, accompagnaient Israël au travers du désert. Nous n’avons point de promesse d’être délivrés de telle ou telle douleur ; mais nous savons que, dans chaque besoin et même dans chaque péché, la bonté et la gratuité nous accompagneront. Nous ne pouvons tomber que dans les bras de la miséricorde : « S’il tombe, il ne sera pas entièrement abattu, car l’Éternel lui soutient la main » [Psaume 37 verset 24]. Quelque affligé qu’il puisse être, l’enfant de Dieu peut toujours dire : La bonté et la gratuité m’ont accompagné, la bonté et la gratuité m’ont cherché, la bonté et la gratuité m’ont affligé, la bonté et la gratuité m’ont soutenu, la bonté et la gratuité m’accompagneront jusque dans la maison de mon Père ; et, comme consommation de tout, il peut ajouter : « Mon habitation sera dans la maison de l’Éternel pour la longueur des jours ». Christ a dit : « Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures ; je vais vous préparer une place » [Jean chapitre 14 verset 2]. La beauté et la commodité de cette maison seront selon Ses moyens, selon Son goût et selon nos besoins. Quand nous devons visiter la maison d’un ami bien connu, nous nous représentons d’avance ce que nous y trouverons ; quand nous recevons des amis chez nous, nous avons coutume de chercher à leur plaire ; ce que nous avons en vue, c’est leur avantage et leur plaisir, et tout dans notre maison concourt au même but. Il en sera ainsi dans la maison de notre Père ; nous serons en communication continuelle avec Lui, et nous pouvons presque dire qu’Il ne s’occupera que de notre bonheur. Oh ! quelle puissance il y a en Lui pour bénir ! C’est comme Dieu qu’Il bénit, quand Il veut bénir. Tout ce que Sa maison renferme de richesses sera apporté devant nous, tandis que Lui-même tout entier, comme un trésor inépuisable, sera pour nous une jouissance toujours constante et toujours nouvelle.

C’est pour nous une grande bénédiction que d’être ici-bas visités par notre Dieu, mais nous ne pouvons concevoir ce que sera le bonheur d’être reçus dans Son habitation pour n’en plus sortir. « Sa face est un rassasiement de joie ; il y a des plaisirs à sa droite pour jamais » [Psaume 16 verset 11]. C’est une chose que nous ne pouvons bien comprendre, parce que nos joies se détruisent d’elles-mêmes tandis que nous sommes en la chair ; notre esprit est si léger, qu’il ne saurait supporter un haut degré de joie spirituelle. Le vent des cieux peut enfler les voiles de notre navire jusqu’à le mettre en danger de se perdre ; mais notre capitaine y met le lest des épreuves pour le faire avancer avec calme et sécurité. Quand nous verrons Sa face en justice, et que nous serons réveillés, nous serons rassasiés de Sa ressemblance [Psaume 17 verset 15]. Lui seul possédera nos âmes, et nous serons remplis de grâce et de vérité. Même chez le croyant, il y a encore du mensonge ; jamais ici-bas la créature ne trouvera dans la créature une rose sans épines. Quand la porte sera fermée sur les enfants avec leur Père, ce sera en vain que l’ennemi heurtera ; les soupirs mêmes s’enfuiront. Quelle pensée pour nous qui sommes les enfants ! Nous serons réellement avec Jésus ! Nous serons à table dans le royaume de Dieu avec Abraham, Isaac et Jacob ! Nous nous rencontrerons tous dans la maison de notre Père, quoique avant cela nous devions tous expérimenter ce que c’est que de passer par la vallée de l’ombre de la mort. Oh ! que nous puissions tous dire : La bonté et la gratuité m’ont accompagné, et elles m’accompagneront jusqu’à ce que ce qui est mortel soit englouti par la vie [2 Corinthiens chapitre 5 verset 4].

Si fréquemment, lorsque nous étions dans la douleur, « notre deuil a été changé en allégresse », que sera-ce « quand Dieu aura déchiré notre sac, et qu’Il nous aura ceints de joie » [Psaume 30 verset 11] ? Désirez-vous une carte du chemin qui conduit à la maison de votre Père ? Prenez ce petit psaume, il met sous vos yeux le bon Berger avec Ses brebis. La foi croit que tout doit être bonté et gratuité. Comme noue ne pouvons voir, « nous marchons par la foi, et non par la vue » [2 Corinthiens chapitre 5 verset 7].