Écho du Témoignage:Remarques sur Ésaïe/Partie 4

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

Chapitre 23. — Voici le dernier des jugements dénoncés contre certaines localités — « la charge de Tyr ». Cette cité est le type de la gloire commerciale du monde : riche, corrompue, orgueilleuse, mais prise et détruite, après un long siège, par Nebucadnetsar. Sa ruine est prédite, non seulement dans le chapitre qui nous occupe, mais aussi dans Ézéchiel 26 à 28. Tyr était le centre du commerce de l’ancien monde, le grand entrepôt de tous les objets de confort et de luxe, le trait d’union, par les vaisseaux de Tarsis, entre l’orient et l’occident. Sa chute ne pouvait par conséquent qu’affecter péniblement et d’une manière générale les habitants de la terre, d’autant plus que ses rivaux pour le commerce étaient plus rares que de nos jours. Et pourtant, même à notre époque, combien la destruction de l’une des cités modernes les plus commerçantes, se ferait ressentir jusqu’aux extrémités du monde ! Nous savons d’ailleurs que le siège eut une durée tout à fait extraordinaire, trente ans ; nous n’avons pas besoin de parcourir toutes les données prophétiques (Éz. 29)[1] pour comprendre les difficultés qu’eut à surmonter le conquérant chaldéen ; mais l’effet moral produit par la chute de la cité fut d’autant plus sensible. Ce fut à tel point que Tyr et Sidon demeurèrent un avertissement frappant et proverbial des jugements divins, ainsi que nous le montrent les propres déclarations de notre Seigneur.

« Lamentez-vous, vaisseaux de Tarsis ! car elle est détruite : plus de maisons ! plus d’entrée ! C’est du pays de Kittim que la nouvelle leur en est venue » (v. 1). Il semble qu’il n’est pas nécessaire de s’écarter du sens ordinaire du mot Kittim, ici non plus qu’au verset 12, par lequel le savant Bochart comprend les Cuthéens ou Babyloniens, et la signification de la phrase paraît être : « leur captivité vient du pays des Cuthéens ». Il n’y a rien non plus dans le nom de Kittim qui oblige à rapporter cet oracle ou pillage de la nouvelle Tyr, bâtie dans une île, à Alexandre le Grand, ainsi que le font Luther et autres. Le prophète invite à deux reprises les navires renommés de Tarsis à se lamenter au sujet de la ruine de ce vaste marché, et leur donne à entendre que, bien qu’il n’y ait là ni maisons, ni ports pour les recevoir, les fâcheuses nouvelles seraient annoncées dans le lointain occident. « Soyez muets d’effroi, habitants de la côte, que remplissaient les marchands de Sidon, les passagers sur mer ! À travers les vastes eaux, le blé du Nil, la moisson du fleuve, était pour elle un revenu ; elle était le marché des nations » (v. 2-3). Quel changement ! quel silence dans ces lieux où naguère se pressaient les marchands de Sidon, où les trésors du Nil étaient amoncelés ! « Le marché des nations », maintenant un désert ! — « Sois confuse, Sidon ! car la mer, la forteresse de la mer, a dit : Je n’ai point eu de douleurs, je n’ai point enfanté, je n’ai point nourri de jeunes gens, ni élevé de jeunes filles » (v. 4). Sidon était trop alliée, trop étroitement unie à Tyr, pour ne pas ressentir le douloureux contrecoup de sa chute ; et comme c’était en Tyr qu’elle s’était glorifiée jusque-là, la ruine de celle-ci ne pouvait que l’affaiblir ; dès lors, la mer, selon une hardie mais heureuse figure, pleure sa désolation ; que lui reste-t-il de sa race, maintenant que Tyr n’est plus ? « Selon le bruit qui a été touchant l’Égypte, ainsi sera-t-on en travail, quand on entendra le bruit touchant Tyr » (v. 5). Les Sidoniens, quoiqu’ils tirassent directement plus de profit de l’Égypte que de toutes les autres nations étrangères, devaient néanmoins souffrir de la ruine de Tyr autant que de la ruine de leur grande source de richesses du sud. Les versets 6 et 7 renferment un appel direct aux Tyriens eux-mêmes, et raillent leurs orgueilleux marchands sur les revers qui les attendaient, juste récompense de leurs actions. « Passez à Tarsis ! Lamentez-vous, habitants de la côte. Est-ce là votre ville joyeuse ? Elle avait une origine antique, et ses pieds la mènent au loin séjourner à l’étranger ». Loin d’attirer les navires de Tarsis, ils doivent aller et se lamenter, eux, les hommes de ce pays qui avait la mer pour ceinture, dont la cité retentissait de cris joyeux et dont les années d’orgueilleuse sécurité étaient seulement moins anciennes que Sidon, mais plus prospères et plus éminentes ! Oui, il faut qu’ils aillent et se traînent tristement, péniblement, en quête d’un asile dans quelque pays étranger.

Et pourquoi cela ? Qui a frappé et abattu la fière cité phénicienne ? « Qui a pris cette résolution contre Tyr, la dispensatrice des couronnes, elle dont les marchands étaient des princes, et les trafiquants des personnages considérés dans le monde ? » (v. 8). La réponse se trouve au verset 9. C’est l’Éternel des armées qui a pris cette résolution, pour blesser l’orgueil de tout ce qui brille, pour couvrir d’opprobre tous les grands de la terre. « Parcours librement ton pays, pareille au Nil, fille de Tarsis ! Plus de joug ! Il a étendu sa main sur la mer ; il a fait trembler les royaumes ; l’Éternel a donné des ordres sur Canaan, pour la destruction de ses forteresses ; et il a dit : Tu ne te livreras plus à la joie, vierge déshonorée, fille de Sidon ! Lève-toi, passe chez les Kittéens ! même là il n’y aura pas de repos pour toi » (v. 9–12). Les raisons morales ne sont pas données ici en entier ; il faut, pour les connaître toutes, consulter d’autres prophètes. Mais on trouve nettement accusés l’opposition du Seigneur à l’orgueilleuse cité, Son dédain pour la gloire de l’homme, Son mépris pour tous ceux qui se confient en des appuis terrestres. Même dans leur exil, les Tyriens ne devaient pas trouver le repos. Le verset suivant indique les moyens auxquels il se propose de recourir : « Vois les Chaldéens qui n’étaient pas un peuple, ces habitants du désert pour qui l’Assyrien a fondé un pays ! Ils élèvent des tours, ils renversent les palais de Tyr, ils les mettent en ruines » (v. 13). Les Chaldéens dont la nationalité, par rapport à l’antiquité de Tyr, était de date récente, apparaissent au prophète comme les destructeurs de Tyr. Tel semble bien être le sens de ce passage, sens que confirme d’ailleurs la nouvelle invitation adressée aux navires de Tarsis de se lamenter (v. 14).

Mais le conquérant cède à son tour sous le bras d’un vengeur. Babylone tombe ; et l’espace de soixante-dix ans qui vit le retour du résidu de Juda, se reproduisit pour Tyr, mais ce fut le renouvellement de ses voies impures, du trafic vénal des voluptés et de la corruption des peuples.

« En ce temps-là, Tyr sera mise en oubli soixante-dix ans, ce que dure la vie d’un roi. Au bout de soixante-dix ans, il en sera de Tyr comme de la courtisane dont parle la chanson : — Prends la harpe, parcours la ville, courtisane oubliée ! Joue bien, chante beaucoup, pour qu’on se souvienne de toi ! — Au bout de soixante-dix ans, l’Éternel visitera Tyr, et elle retournera à son salaire impur ; elle se prostituera avec tous les royaumes de la terre, sur la face du globe » (v. 15–17). Néanmoins, le dernier verset donne à entendre que même cette scène prophétique, quoiqu’ayant eu dans le passé un si grand accomplissement, n’est pas sans son côté lumineux pour le jour où toute la terre sera dans la joie : « Mais son gain et son salaire impur seront consacrés à l’Éternel ; ils ne seront ni entassés ni conservés ; (comme aux anciens jours, et lorsque les iniques tromperies de l’avarice s’introduisaient dans le commerce,) car son gain sera pour ceux qui se tiennent devant l’Éternel, afin de les nourrir abondamment et de les vêtir avec magnificence ». La fille de Tyr se présentera un don à la main, quand le roi mettra son affection dans la beauté de son épouse terrestre (Ps. 45).

Chapitre 24. — Le prophète aborde maintenant un plus vaste sujet. Jusqu’ici nous avons eu dix « charges », les charges des nations, depuis Babylone jusqu’à Tyr, ce qui n’a pas empêché Jérusalem d’être comprise dans ces jugements qui, ayant pour point de départ des circonstances locales, aboutissent à « la fin du siècle », alors que Dieu renversera l’orgueil rebelle de la terre. Dans le présent chapitre, la scène s’élargit : le pays et le peuple d’Israël en deviennent le centre, et nous y découvrons, non le grand trône blanc devant lequel les morts, les méchants, se tiennent et sont jugés, mais le moment de la rétribution universelle de la terre de la part de Dieu, « le jour du Seigneur », sans restriction, dans toute sa portée, jour dont les crises précédentes, telles que celles qui concernaient Babylone et l’Égypte, n’étaient que l’ombre et les précurseurs.

« Voici, l’Éternel dévaste le pays et le rend désert ; Il en bouleverse la face et en disperse les habitants. Et il en sera du sacrificateur comme du peuple, du maître comme du serviteur, de la maîtresse comme de la servante, du vendeur comme de l’acheteur, du prêteur comme de l’emprunteur, du créancier comme du débiteur ». Évidemment il n’y a point ici de limites. De même que le verset 1 nous montre le pays dévasté, bouleversé, anéanti sous l’action divine, ainsi le verset 2 décrit un renversement impitoyable de toutes les positions parmi les habitants. « Le pays sera entièrement dévasté et livré au pillage, car l’Éternel a prononcé cette parole ». S’il est difficile d’appliquer des expressions si fortes et d’un sens si étendu aux jours d’Antiochus Épiphane, comme le font quelques commentateurs, encore moins peut-on passer sous silence le verset 4 : « Le pays est triste, épuisé ; les habitants sont abattus, languissants ; les chefs du peuple sont sans force ». Avec quel soin le Saint Esprit met également en garde contre un moyen auquel a trop généralement recours l’incrédulité — le langage hyperbolique d’un prophète emporté par la passion ! « L’Éternel a prononcé cette parole » (v. 3).

Vient ensuite le terrain moral sur lequel Dieu se place pour juger et exécuter rigoureusement Ses jugements. « Le pays était profané par ses habitants ; car ils transgressaient les lois, violaient les ordonnances, rompaient l’alliance éternelle. C’est pourquoi la malédiction dévore le pays, et ses habitants portent la peine de leurs crimes ; c’est pourquoi les habitants du pays sont consumés et il n’en reste qu’un petit nombre ». Ce n’est point ici un jugement purement providentiel, c’est un châtiment très étendu et divin, dont Dieu a parlé, presque depuis le commencement. Énoch aussi, le septième homme depuis Adam, prophétisa de ces choses. Le coup depuis longtemps prédit, depuis longtemps imminent, tombera enfin, ainsi que le déclare Ésaïe dans ce passage, et que Jude le déclarera plus tard.

« Le moût est triste, la vigne est flétrie ; tous ceux qui avaient le cœur joyeux soupirent. La joie des tambourins a cessé, la gaité bruyante a pris fin, la joie de la harpe a cessé. On ne boit plus de vin en chantant, les liqueurs fortes sont amères au buveur. La ville déserte est en ruines, toutes les maisons sont fermées, on n’y entre plus. On crie dans les rues parce que le vin manque ; toute réjouissance a disparu ; la gaité est bannie du pays. La dévastation est restée dans la ville, et les portes abattues sont en ruines » (v. 7–12). Tel est, dans sa triste réalité, le tableau du mal. La désolation s’étend sur le pays et sur la ville. Néanmoins, comme toujours, Dieu met à part un résidu : « Il en sera au sein du pays, au milieu des peuples, comme quand on secoue l’olivier, comme quand on grappille après la vendange. Ils élèveront leur voix, ils pousseront des cris de joie ; depuis la mer ils célébreront avec allégresse la majesté de l’Éternel. Glorifiez donc l’Éternel dans les lieux où brille la lumière ; dans les îles de la mer glorifiez le nom de l’Éternel, Dieu d’Israël » (v. 13-16). C’est là évidemment une description des justes qui, en Israël, acquerront de l’élévation à mesure que les jugements divins abattront leurs fiers oppresseurs.

Cependant le verset 16 montre combien profondément le prophète, entrevoyant l’épreuve des âmes pieuses, déplore l’humble condition du résidu, la lâche défection et la ruine de la masse d’Israël : « Du bout de la terre nous entendons chanter : Gloire au juste ! Mais moi je dis : Je suis perdu ! je suis perdu ! malheur à moi ! Les pillards pillent, et les pillards s’acharnent au pillage. — L’effroi, la fosse et le filet sont sur toi, habitant du pays ! Celui qui fuit devant les cris d’effroi tombe dans la fosse, et celui qui remonte de la fosse se prend au filet ; car les écluses d’en haut s’ouvrent et les fondements de la terre sont ébranlés. La terre est violemment secouée, la terre se brise par éclats, la terre chancelle. La terre chancelle comme un homme ivre, elle vacille comme une cabane ; son péché pèse sur elle, elle tombe et ne se relève plus. En ce temps-là, l’Éternel visitera l’armée des lieux élevés dans les lieux élevés, et les rois de la terre sur la terre. Ils seront assemblés captifs dans une prison, ils seront enfermés dans des cachots, et, après un grand nombre de jours, ils seront châtiés. La lune sera couverte de honte, et le soleil de confusion, car l’Éternel des armées régnera sur la montagne de Sion et à Jérusalem ; il régnera dans la gloire en présence de ses anciens » (v. 16-23).

Le chapitre entier, et spécialement les derniers versets (v. 21-23) mettent en pleine lumière les difficultés désespérantes de ceux qui confondent les choses terrestres avec les choses célestes et refusent de voir la portion en réserve pour Israël au dernier jour, alors que le jugement est tombé sur la terre habitable. Des écrivains aussi anciens que Théodoret reconnaissent le but ultérieur de la prophétie, quelle que soit la mesure d’accomplissement qu’ils puissent trouver qu’elle ait eu dans le passé. « Le discours contient une double prédiction : il indique à la fois ce qui est survenu aux ennemis à différentes époques, et ce qui aura lieu à la fin du siècle présent ». Mais alors, immédiatement après, il fait cette observation, particulièrement inintelligente, que le second verset décrit un état de choses réellement postérieur à la résurrection. Le jugement des vivants est ignoré de lui. Le fait est qu’il n’y a pas ici un seul mot touchant les morts ressuscités ou les âmes rendant compte de leurs actes, mais c’est de la crise de la terre et du monde atteint et languissant sous la main puissante de Dieu, qu’il est expressément question et à diverses reprises. Le langage, il est vrai, est extrêmement énergique, et semble parfois avoir en vue la dissolution de toutes choses, comme cela a souvent lieu dans le style prophétique où la prédiction du changement remarquable qui introduira le millénium, contient une allusion plus ou moins cachée à la disparition de la terre et des cieux actuels et à la venue de l’état éternel. Mais la fin du chapitre prouve clairement que le principal but du Saint Esprit est ici de dépeindre cette terrible et universelle catastrophe que doivent suivre des temps de rafraîchissement pour Israël et pour la terre, et dont Dieu a parlé par Ses saints prophètes depuis le commencement du monde.

Si profonde, cependant, et tellement vaste est l’action de Dieu, que les armées des anges n’y échappent pas plus que les plus fiers potentats d’ici-bas. « En ce temps-là, l’Éternel visitera l’armée des lieux élevés dans les lieux élevés, et les rois de la terre sur la terre ». Les esprits du mal avaient jusque-là trompé l’homme, déshonoré Dieu, cherché à corrompre toute grâce presque depuis le commencement. Mais le temps est venu où les anges seront jugés aussi bien que les hommes vivants, d’un jugement même bien plus terrible que celui du déluge. La puissance des cieux, oui des cieux et pas seulement de la terre, sera ébranlée. Mais bien loin que ce soit là encore la disparition du temps dans l’éternité, « la lune sera couverte de honte et le soleil de confusion, car l’Éternel des armées régnera sur la montagne de Sion et à Jérusalem, Il régnera dans la gloire en présence de ses anciens ». C’est le jour dont parlait Zacharie (chap. 14) longtemps après le retour de la captivité, jour où l’Éternel sera roi sur toute la terre : « En ce jour-là il n’y aura qu’un seul Éternel, et il n’y aura que son nom seul. Tout le pays sera transformé, assimilé à la plaine, de Guéba à Rimmon au midi de Jérusalem, qui sera éminente et assise sur son sol, de la porte de Benjamin jusqu’au lieu de la première porte, jusqu’à la porte de l’angle, et de la tour de Hananeël aux pressoirs du roi ». Était-il possible de faire usage de termes plus précis pour exclure toute interprétation mystique, ou plus appropriés pour soutenir les espérances d’Israël, lesquelles devaient reposer sur la pierre vivante contre laquelle ce peuple est allé se heurter jusqu’à ce jour ?

Chapitre 25. — Ce que nous avons dit de la portée du chapitre 24 sur la fin du siècle est entièrement confirmé par celui que nous allons étudier maintenant et qui nous présente le prophète, en qui le peuple est personnifié, élevant les cœurs des Israélites à Dieu par la louange. Ils célèbrent les faits merveilleux de l’Éternel, et reconnaissent que Ses voies sont de tout temps fidélité et vérité : « Ô Éternel ! tu es mon Dieu, je t’exalterai, je célébrerai ton nom, car tu as fait des choses merveilleuses ; tes desseins conçus à l’avance se sont fidèlement accomplis. Car tu as réduit la ville en un monceau de pierres, la cité forte en un tas de ruines ; la forteresse des barbares est détruite : jamais elle ne sera rebâtie. C’est pourquoi les peuples puissants te glorifient, les villes des nations puissantes te révèrent. Tu as été un refuge pour le faible, un refuge pour le malheureux dans la détresse, un abri contre la tempête, un ombrage contre la chaleur ; car le souffle des tyrans est comme l’ouragan qui frappe une muraille. Comme tu domptes la chaleur dans une terre brûlante, tu as dompté le tumulte des barbares ; comme la chaleur est étouffée par l’ombre d’un nuage, ainsi ont été étouffés les chants de triomphe des tyrans » (v. 1-5). Le jugement de Dieu s’exécute contre les puissants et contre leur ville. C’est sur la terre habitable que s’appesantit Sa main, comme à la fin du chapitre précédent c’était contre les cieux et contre la terre que s’exerçait son action. Il n’est pas question de l’état éternel. D’un autre côté, il n’y a pas lieu de l’appliquer aux circonstances actuelles. C’est un nouvel état de choses qui n’existe pas maintenant ; car s’il y a un endroit sur la terre où, moins qu’ailleurs, le Seigneur semble régner, c’est bien Jérusalem et la montagne de Sion. Le pays élu d’Israël est en la possession des Turcs ; ils le gouvernent depuis des centaines d’années ; et avant qu’il fût un objet de dissensions pour les rois de la terre et les sectateurs de Mahomet, il a été le grand champ de bataille sur lequel se sont rencontrés l’orient et l’occident ; et, jusqu’à l’époque où nous vivons, Dieu a permis que les adorateurs de la Mecque parussent y avoir remporté la victoire. Depuis que la croix a été dressée, Dieu ne maintient plus la gloire de Son Fils en rapport avec le mont de Sion. Le Fils de Dieu a été rejeté et est mort sur la croix. Depuis lors toute relation avec le monde est brisée, tout lien avec le Juif est rompu, et nul homme n’a vu le Seigneur de gloire, sinon le croyant.

Auparavant le monde Le contemplait ; Il était vu des hommes et non pas seulement des anges. Il apparaissait aux yeux de l’humanité, Dieu manifesté en chair. Mais quand l’homme Le repoussa, tout rapport avec le monde comme monde prit fin. Nul incrédule ne Le vit après Sa résurrection ; Il ne se montra qu’à ceux qu’Il avait choisis pour être Ses témoins. Bientôt après élevé au ciel, Il s’assied à la droite de Dieu, d’où Il viendra pour juger les vivants et les morts. C’est une grande erreur de confondre le jugement des vivants avec le jugement des morts. L’Écriture montre qu’un long intervalle, du caractère le plus frappant, sépare ces deux jugements l’un de l’autre. Sans doute, dans un certain sens, il peut y avoir une continuation de jugement des vivants tout le long de la durée des mille ans ; mais le jugement sera exécuté avant que le Seigneur commence à régner ; et à la fin de Son règne, aura lieu le jugement des morts.

Tandis qu’on demeure parfaitement assuré du jugement des morts, tandis que l’on considère comme une vérité divine qu’il y aura une résurrection tant des justes que des injustes, beaucoup sont demeurés étrangers à cette autre vérité, que le Seigneur de gloire doit reparaître dans ce monde, suspendre le cours des affaires humaines et intervenir en jugement contre la culpabilité de l’homme (pas encore contre les morts, ce qui viendra plus tard). Avant de frapper les morts, le jugement divin tombera sur les vivants depuis les plus élevés jusqu’aux plus humbles. C’est à ceci que faisait allusion notre Seigneur lorsqu’Il avertissait Ses disciples des jours qui devaient venir. Ainsi Mathieu 24 et 25, et Luc 17 et 21, sauf une partie de ce dernier chapitre, se rapportent exclusivement à ce temps et à ces événements. Certains passages des livres saints parlent seulement du jugement des morts, d’autres embrassent à la fois la portion des saints ressuscités pour jouir de la gloire céleste avec Christ et disent comment les morts seront jugés selon leurs œuvres. Le croyant est sauvé selon la valeur de l’œuvre de Christ ; celui qui est jugé selon ses propres œuvres est perdu pour toujours. Nul enfant de Dieu, s’il était jugé sur ce fondement-là, ne serait sauvé ; car pour peu qu’il fût jugé, Dieu devrait le juger selon Sa justice, et selon une mesure qui n’est rien moins que Christ Lui-même, car il faut que nous soyons aussi purs que Christ pour pouvoir être des compagnons convenables pour Lui. Mais sur ce terrain tout espoir est perdu : tout repose maintenant sur ceci, que Jésus est mort pour nos offenses et qu’Il est ressuscité pour notre justification, et non pour notre jugement. Quelle est aux yeux de Dieu la valeur de l’œuvre que Christ a accomplie ? Est-ce seulement un salut partiel ? Ou bien est-il le lot de quelques croyants ? Si ce n’est pas un salut parfait pour tous les pécheurs, pour tous, même pour les plus indignes des croyants, ce n’est pas ce que Dieu nous envoie, ce n’est pas une juste et digne réponse à la croix de Christ. Or c’est en ceci précisément qu’éclate toute la portée du salut que Christ a effectué, c’est que c’est un salut parfait, qui délivre de tout péché, qui place les plus grands pécheurs sur un nouveau terrain en leur qualité de chrétiens, rois, sacrificateurs, enfants de Dieu. Il résulte de là que notre travail consiste à nous confier en Lui, à Lui obéir, à souffrir avec Christ et pour Christ, tandis que nous attendons Son retour des cieux, savoir notre libérateur, Jésus, lequel jugera Ses adversaires.

Il est évident qu’il y a deux classes d’hommes qui seront ressuscités des morts : notez bien que je ne dis pas ressuscités en même temps ; l’Écriture ne le dit pas non plus. Il est dit que « l’heure vient où ceux qui sont dans les sépulcres en sortiront, ceux qui ont bien fait en résurrection de vie, et ceux qui ont mal fait en résurrection de jugement »[2]. Tout ceci est complètement vrai, mais il n’y a pas un mot sur leur sortie simultanée. Il s’en suit que, tandis que les deux sorties peuvent être appelées chacune une résurrection des morts, celle des justes seule est ou peut être appelée une résurrection d’entre les morts, le reste étant encore laissé dans la tombe. D’après Apocalypse 20, il est également clair qu’un millier d’années au moins s’écouleront entre la résurrection des justes et celle des injustes. Quiconque lit sans préjugés la Révélation de saint Jean ne peut s’empêcher de reconnaître que les justes morts doivent ressusciter les premiers pour régner avec Christ, et qu’ensuite, après le règne terrestre, les autres morts ressusciteront pour être jugés selon leurs œuvres ; c’est de ceux-ci qu’il est dit que quiconque ne fut pas trouvé inscrit dans le livre de vie, fut jeté dans l’étang de feu. Il n’y a pas un mot au sujet de ceux dont les noms avaient été écrits. Lorsque Dieu juge d’après les œuvres, il ne saurait en résulter que la destruction. Les mauvaises œuvres abondent dans les livres des méchants ; aussi le livre de vie ne renferme-t-il pas un seul de leurs noms.

Ces pensées se rattachent étroitement à ce qui fait l’objet de notre étude. Ici le Seigneur se montre, non pas caché dans les cieux, mais apparaissant des cieux pour régner. Il ne règne pas sur la terre maintenant. Ce n’est que dans des esprits frivoles, spéculatifs, des hommes de savoir peut-être, qu’un rêve aussi insensé se fait jour. Il est certain que si, dans l’histoire du christianisme, il est une époque particulièrement sombre, ténébreuse, c’est celle qui va de Constantin à la Réformation, les siècles de ténèbres comme on les appelle. Il ne manque pourtant pas d’hommes instruits qui prétendent que ce fut pendant ce temps-là que Christ exerça Son règne, de l’an 320 à l’an 1320( !), c’est-à-dire la période des plus désolantes ténèbres par laquelle le christianisme ait encore passé ! Augustin faisait commencer ce règne avec Christ et l’étendait aux âges suivants. Cette manière de voir est mauvaise ; l’autre est pire encore, quoique soutenue par Grotius. Toutes deux ont exercé une énorme influence dans le monde. Le célèbre Hollandais, en matière d’érudition, était à même d’en remontrer à la plupart des hommes, mais quand il s’agissait de la Parole de Dieu, il était aussi embarrassé qu’auraient pu l’être saint Pierre ou saint Jean sur le domaine de ses spéculations favorites. Dans les choses divines, la sienne est de nulle valeur, sauf comme travail d’esclave, pour les hommes d’un jugement spirituel et pour les humbles, car ce sont les débonnaires que Dieu a promis de guider. C’est une grossière erreur de supposer qu’un homme interprète sainement les Écritures par le fait qu’il est érudit, joignît-il même à ce titre celui de chrétien.

Que mon lecteur, s’il ne le sait pas déjà, cherche et voie s’il ne doit pas venir un temps où le Seigneur, qui est maintenant dans le ciel à la droite de Dieu, quittera le séjour de la gloire pour établir Son règne ici-bas avec la cité élue pour capitale terrestre de Son royaume. Me demanderez-vous d’où provient un tel attrait pour ce lieu ? Certainement il a été un sujet de péché, de tristesse, de honte, de rivalité entre l’orient et l’occident, et de profonde humiliation pour l’ancien peuple de Dieu. Mais permettez-moi de vous demander, même en me plaçant sur votre terrain, s’il est un lieu sur la terre qui suscite tant et de si grandes idées, qui soit aussi étroitement lié à tout ce qui est cher au cœur du croyant ? Là apparut, là mourut le Seigneur de gloire ; c’est Sa ville, la ville du grand Roi. Pourquoi donc ne viendrait-Il pas la reprendre pour Lui-même ? Est-il indigne de Lui de pardonner, de bénir, de sanctifier et d’élever Jérusalem à la face du monde, en surmontant par Sa bonté le mal dont elle s’est rendue coupable ? L’Écriture annonce très clairement que le Seigneur y doit venir et en faire comme la métropole de Son royaume terrestre. Je ne prétends pas que le Seigneur doive habiter littéralement sur la terre, mais Il sera roi sur elle. Pourtant la Parole déclare qu’Il posera Son pied sur le mont des Oliviers. Il est seulement nécessaire de maintenir, pour la vérité de Son futur royaume, qu’Il viendra d’une manière visible, frappera la terre, y établira Son règne, et remplira l’univers des effets bénis de Sa gloire. L’Écriture montre qu’Il sera présent et se manifestera ; mais quelle sera la longueur, l’étendue, la durée de Son règne, c’est ce qu’il ne m’appartient pas de dire ; car je ne sache pas que l’Écriture donne la solution de ces questions-là. Et comme il y a un lieu particulier, il est aussi un peuple sur lequel repose Sa faveur ; ce sont Jérusalem et le peuple juif.

Mais qu’adviendra-t-il des chrétiens ? Doivent-ils se trouver confondus avec les Juifs dans Jérusalem, ainsi que l’affirmaient les anciens Kiliastes ? Est-ce là l’espérance chrétienne ? Une semblable idée dénote la plus profonde ignorance. Le chrétien est même à présent béni de droit dans les lieux célestes, d’où il régnera sur la terre. Alors, les Juifs rassemblés et convertis seront dans le pays et la ville qui leur ont été promis et sur lesquels l’œil du Seigneur veille continuellement, car c’est une vérité divine, que, jamais Il ne retire un don, ni ne se repent d’une promesse. Il a pu se repentir d’avoir créé l’homme, mais ce n’était pas là une promesse ; c’était un simple exercice de Sa volonté. Mais Dieu ayant choisi Israël et l’Église, Il ne s’est jamais repenti de les avoir choisis l’un ou l’autre, bien que l’un et l’autre aient été infidèles, car Il veut bénir. Il bénit ; et n’importe les difficultés, Il bénira toujours. Cela, nous pouvons le tenir pour sûr ; les desseins de Dieu sont immuables. L’homme et la terre peuvent subir des changements, mais le conseil de Dieu doit s’accomplir. Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance. Il a donné le pays d’Israël aux pères. Il a promis de faire leur postérité bénédiction. Il a associé Son propre Fils avec les Israélites selon la chair afin que, en dépit de leur péché à la croix, en vertu de Sa grâce à cette même croix, un fondement inébranlable de bénédiction fût posé pour le moment où ils seront élevés à un faîte de grandeur terrestre tel qu’il n’en est point réservé de pareil à aucun autre peuple ici-bas. Quand le Seigneur viendra pour régner, Il aura mis à l’abri dans la maison du Père Son peuple céleste. Il aura fait sortir les saints endormis hors de leurs sépulcres, et transformé les vivants à la ressemblance de Sa propre gloire. Tous les chrétiens devraient faire de cet événement l’objet de leur attente. Quand ils seront ainsi ravis en haut, le Saint Esprit aura le terrain libre pour agir au milieu des Juifs. L’Esprit de Dieu n’opère pas à la fois, en vue de deux buts différents, l’un céleste, l’autre terrestre. Mais ici nous Le trouvons à l’œuvre parmi les Juifs qui ne sont pas comme l’Église enlevés au ciel, mais qu’attend la bénédiction sous le règne de leur Messie sur la terre.

Notre Seigneur donc, après être venu et avoir mis à part les chrétiens, morts et vivants, pour être avec Lui en haut, reportera sur les Juifs Sa sollicitude et commencera d’agir en vue de les préparer comme Son peuple pendant Son règne. C’est ce dont il est question ici. Le point central de Son royaume terrestre est la montagne de Sion et Jérusalem. C’est là ce qui donne au règne de David une telle importance dans la Parole de Dieu. Il était le type élu du Seigneur, non seulement dans Son humiliation, mais aussi dans Sa gloire. Il eut aussi à combattre et à renverser Ses ennemis, ce qui Lui fit donner le nom « d’homme de sang ». Notre Seigneur exécutera d’abord le jugement, bien qu’Il ne permette pas, comme David, que quoi que ce soit vienne gêner ou souiller l’œuvre ; mais Il agira avec la sainte autorité de Dieu Lui-même, en donnant cours à Sa colère et à Son indignation ; tout sera parfait et exécuté selon la justice. En ce jour le Seigneur bouleversera l’univers entier, punissant « l’armée des lieux élevés dans les lieux élevés », c’est-à-dire sur le théâtre même de leurs souillures, « et les rois de la terre sur la terre ». Les Juifs croyants d’alors chanteront cet hymne évidemment en rapport avec l’expérience qu’ils auront faite de la fidélité de Dieu. Ils n’implorent pas Dieu comme Père par l’Esprit d’adoption, car ils ne sont pas chrétiens ; ils seront croyants, mais des croyants juifs. C’est se tromper grossièrement que de parler d’Abel, d’Énoch, d’Abraham, de David ou de Daniel comme de chrétiens. Ils étaient tous des saints, mais non pas des chrétiens. Non seulement c’est après la venue de Christ que les disciples furent pour la première fois appelés chrétiens, mais la position dans laquelle les croyants furent alors introduits par l’œuvre de Christ et le don de l’Esprit est essentiellement différente. Il serait difficile pour un croyant de nos jours de tomber dans une erreur plus grossière, car elle mêle le présent, l’avenir et le passé, confond les diverses manifestations de la volonté de Dieu, émousse le tranchant de la Parole, met obstacle à la pleine bénédiction et au témoignage de l’Église, et porte atteinte à la gloire de Dieu autant qu’il est possible à l’homme de le faire.

Aujourd’hui sans doute, en présence de la croix, et le Saint Esprit se trouvant en personne sur la terre, les vieilles distinctions de Juif et de Gentil s’effacent devant le sentiment de la ruine dans laquelle ils sont tous tombés moralement par le péché et la mort. Mais à Sa venue, le Seigneur disposera les Israélites à Le recevoir selon les prophètes, et ils deviendront les témoins de Ses compassions non moins que de Sa gloire ici-bas, de même qu’ils sont présentement les ennemis obstinés de l’évangile et de la grâce de Dieu envers les Gentils.

Dans ce chant, ils tiennent un langage qui convient à des Juifs. Si un chrétien invoquait Dieu comme Jéhovah, sans doute ce serait vrai en soi, mais ce serait une manière de s’adresser à Dieu très inintelligente pour un chrétien ; il montrerait par là qu’il n’a pas l’intelligence de sa position. Pour nous il y a un seul Dieu, le Père, et un seul Seigneur, Jésus Christ. Jéhovah est le nom donné à Dieu, considéré dans Son gouvernement, tandis que celui de Père a été pour la première fois révélé en rapport avec Son bien-aimé Fils, et nous est permis maintenant, en vertu de la rédemption, à nous qui croyons en Lui. C’est pour cela que Christ, dès qu’Il fut ressuscité des morts, dit : « Va vers mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20, 17). Christ, par Sa mort et Sa résurrection, nous a introduits dans la même place que Lui-même. Le Seigneur ne perdait jamais ce point de vue quand Il était sur la terre, aussi n’invoquait-Il jamais Dieu comme Jéhovah, parce que le Nouveau Testament Le présente en rapport avec le christianisme. Mais l’Ancien Testament déclare que le Seigneur aura un peuple qui Le connaîtra Lui et le Père comme Jéhovah. Ceci suffit pour indiquer la différence, et j’ai présenté ces remarques pour montrer qu’il est ici parlé d’une autre classe de personnes, non de chrétiens, mais de Juifs, qui reconnaissent Dieu sous ce titre qu’Il s’est donné avec l’Israël des anciens jours. Lorsque Dieu choisit Moïse, Il lui ordonna d’aller et de Le faire connaître au peuple comme Jéhovah, ajoutant qu’Il n’avait pas été jusque-là connu sous ce nom. Ainsi se révéla-t-Il dès le début de Son intervention parmi les Israélites ; ainsi apparut-Il toujours dans le cours de leur histoire nationale. Ce n’est pas que le nom de Jéhovah n’existât pas antérieurement, mais Dieu ne l’avait jamais pris auparavant pour le titre sous lequel Il voulait être reconnu comme le Dieu d’Israël. C’est le prophète qui parle en faveur d’Israël ; il éclate en un cantique de louanges et lui communique un caractère personnel en faveur du peuple, au verset 1. Que sont ces choses merveilleuses ? La mort et la résurrection de Christ ? Il n’y a pas un mot de cela. Ce devraient être là les sujets de nos entretiens. Ainsi, le matin du jour du Seigneur, lorsque nous nous rassemblons, nos cœurs sont remplis d’actions de grâces. Nous avons les œuvres encore plus merveilleuses de Dieu en Christ, la nouvelle création et le Saint Esprit envoyé des cieux.

Ici Israël est supposé occupé des choses merveilleuses que Dieu a accomplies pour sa délivrance (v. 2, 3) ; car Dieu sera intervenu et aura déployé Sa puissance pour délivrer Son ancien peuple de ses plus redoutables ennemis. Les Juifs parlent de la ruine que Dieu a infligée autour d’eux. Aussi longtemps qu’ils méconnaissent leurs péchés et restent indifférents à la vérité divine, exclusivement appliqués à s’enrichir et à être les banquiers du monde, on sera heureux de se servir d’eux et de les laisser seuls. Mais dès l’instant où Dieu les fait sortir de leur présente dégradation spirituelle et morale, quand les os secs sont réunis, lorsque leurs cœurs se tournent vers le Messie qu’ils ont rejeté, toutes les nations s’élèveront contre eux, et les déchireront une fois de plus. Comment le savons-nous ? La Bible débarrasse le croyant de toute conjecture. Les personnes qui n’étudient pas la parole prophétique ne peuvent se livrer qu’à des hypothèses sur l’avenir. Il ne saurait y avoir pour elles aucune certitude ; y prétendre, ce serait présomptueux de leur part. Mais quand on s’incline devant la Bible et qu’on y croit, on est en demeure, par les enseignements du Saint Esprit, d’avoir la lumière même de Dieu. Si nous n’en jouissons pas, c’est uniquement la faute de notre incrédulité.

« L’Éternel des armées prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de mets succulents, un festin de vins vieux, de mets succulents, moelleux, de vins vieux, clarifiés. Et sur cette montagne, il enlèvera le voile qui voile tous les peuples, et la couverture qui couvre toutes les nations. Il anéantit la mort pour toujours ; le Seigneur, l’Éternel essuie les larmes de tous les visages ; il fait disparaître de toute la terre l’opprobre de son peuple, car l’Éternel a parlé » (v. 6-8). L’Esprit de Dieu fait allusion à la résurrection. Ainsi l’apôtre dans 1 Corinthiens 15, 54, fait l’application du commencement du verset 8 : « Quand ce corruptible aura revêtu l’incorruptibilité, et que ce mortel aura revêtu l’immortalité, alors la parole qui est écrite s’accomplira : la mort a été engloutie en victoire ». La résurrection correspond à la délivrance d’Israël qui sera elle-même « une vie d’entre les morts » pour le monde (Rom. 11, 15). Ainsi le premier grand coup porté à la mort aura lieu à cette époque. Alors la carrière de l’homme prendra fin, et le Seigneur Jésus, venant avec Ses saints ressuscités, recevra Son ancien peuple et déchirera le voile étendu sur toutes les nations. La terre n’est l’objet d’aucune délivrance avant ce temps-là.

« L’Éternel a parlé ». Pourquoi parle-t-Il ici de cette manière ? N’est-ce pas parce qu’Il a prévu l’incrédulité de l’homme ? La preuve spéciale de la voix du Seigneur est ici, le cœur orgueilleux de l’homme Lui étant bien connu, ainsi que toutes les illusions des sages et des insensés, séduisants et étant séduits. Il savait que, lorsqu’on en viendrait aux jugements annoncés, on dirait : Cela concerne les Juifs ! et quand on arriverait aux bénédictions : C’est pour nous ! Tout le bien, ils le prennent pour l’Église ; tout le mal, ils le laissent à Israël ; mais même là, ils détruisent la conscience par le mensonge qui considère les jugements comme passés. Et, en ce jour-là, l’on dira : « Voici, c’est notre Dieu, en qui nous avons eu confiance, et c’est Lui qui nous a sauvés ; c’est l’Éternel en qui nous avons confiance : soyons dans l’allégresse et réjouissons-nous de son secours ! car la main de l’Éternel repose sur cette montagne ; et Moab est foulé sur place, comme la paille est foulée dans une mare à fumier. Au milieu de cette mare, il étend ses mains, comme le nageur les étend pour nager. Mais l’Éternel abat son orgueil, et déjoue les artifices de ses mains. Il renverse, il précipite les fortifications élevées de tes murs, Il les fait crouler à terre, jusque dans la poussière » (v. 9-12).

Nous devons examiner de qui Dieu parle ; il est question de jugements contre Israël et contre la chrétienté, et de bénédictions pour Israël et pour l’Église. Nous avons déjà montré qu’il s’agit ici des Israélites ; le langage employé ne convient qu’à eux. Ils parlent d’eux-mêmes, non à notre manière, comme enfants de Dieu, mais comme Son peuple, et de jugements, comme introduisant leur bénédiction. La terre viendrait à être dissoute que notre bénédiction n’en serait ni diminuée, ni augmentée. Lorsque Christ viendra, Il nous prendra simplement à Lui-même, transformés à Son image, en dehors de cette scène de péché, de faiblesse et de souffrance, dans Sa propre demeure céleste ; tandis qu’ici : « En ce jour, l’on dira : Voici, c’est notre Dieu en qui nous avons eu confiance, et c’est Lui qui nous a sauvés. C’est l’Éternel en qui nous avons eu confiance : soyons dans l’allégresse et réjouissons-nous de son secours ! » (v. 9). Ils ne sont pas encore sauvés. Tel n’est pas actuellement notre cas, excepté quant au corps. Étudiez le Nouveau Testament et vous verrez qu’en ce qui concerne l’âme, il nous faut être sauvés dès maintenant, et si nous croyons, nous le sommes. Il s’agit évidemment ici d’une autre classe de gens, des Juifs qui ont attendu dans l’opprobre la venue de Jéhovah, et qui s’écrient lorsqu’Il apparaît en gloire : « Voici, c’est notre Dieu en qui nous avons eu confiance, et c’est Lui qui nous a sauvés ». Ce n’est point pour nous, mais pour eux que « la main de l’Éternel reposera sur cette montagne ». Notre portion à nous est dans les cieux. « Cette montagne » est le centre élevé de la gloire terrestre. Et, en conséquence, vient aussitôt le nom d’une orgueilleuse nation ennemie, réduite à l’humiliation. Est-ce que les chrétiens attendent l’assujettissement de Moab ? Cette transformation en masse des prophètes juifs en chrétiens tend à ridiculiser l’Écriture, et bien des hommes sont affermis dans leur incrédulité en voyant ces grossières applications faites à l’Église chrétienne. Il y a dans les prophètes des vérités générales, des principes généraux qui s’appliquent à nous, qui nous regardent en propre, car tous les prophètes aussi bien que la loi sont destinés à notre usage. Toute l’Écriture est inspirée et utile ; mais il est absurde d’en inférer qu’elle ne s’occupe jamais que de nous. « La loi est bonne, dit saint Paul, si quelqu’un en use légitimement », et ainsi en est-il des prophètes ; nous devons les écouter, non en Juifs, mais en chrétiens.

Il est donc parfaitement clair que, dans le passage qui nous occupe, il est question non des chrétiens, ni de l’Église de Dieu, mais d’Israël. Qu’avons-nous à faire avec Moab, en tant qu’un ennemi ? et un ennemi qui doit être foulé aux pieds ? Aspirons-nous à fouler nos ennemis, fût-ce même la papauté romaine ? C’est bien une prophétie de l’Écriture, mais elle ne se rapporte point à nous ; nous devons en faire notre profit et en bénir Dieu, mais ce n’est pas à nous, c’est à Israël qu’elle a trait. Il foulera aux pieds sur la terre ses anciens ennemis, au nombre desquels figure Moab.


Chapitre 26. — Nous trouvons ici un nouveau cantique qui doit être chanté dans le pays de Juda. Bien que la fin du précédent chapitre ne porte pas cette qualification, elle n’en est pas moins une explosion de louanges après l’ébranlement des cieux et de la terre ; celui-ci nous montre le peuple célébrant plus hautement encore ce que Dieu a fait pour Juda.

Si nous portons nos regards sur Israël, nous serons frappés du contraste qui existe entre sa condition actuelle et celle dans laquelle il sera bientôt placé. Voici comment saint Paul en parle en Romains 1, 18 : « Car la colère de Dieu est révélée du ciel contre toute impiété (c’est-à-dire la méchanceté des Gentils en général), et toute iniquité des hommes qui possèdent la vérité tout en vivant dans l’iniquité (celle d’Israël) ». Voici, au contraire, ce qu’en dit Ésaïe : « Ouvrez les portes, et la nation juste et fidèle y entrera » (v. 2).

Aux derniers jours, le peuple d’Israël, du moins en majorité, aura abandonné la vérité. À l’époque de la première venue de Christ, on pouvait dire que « le salut venait des Juifs » ; ils possédaient la vérité, mais en vivant dans l’iniquité. Ils conservaient pour la plupart, à l’exception des sadducéens, la forme de la saine doctrine. Mais avant que le Seigneur vienne pour la seconde fois, la masse de la nation aura perdu de vue la vérité, et un mensonge, la grande imposture des derniers jours, le mensonge de l’Antichrist, aura usurpé chez elle la place de la vérité de Christ. Quant à l’iniquité, elle sera la même.

Le passage qui nous occupe offre avec tout cela un contraste béni ; il y est question d’un résidu que Dieu transformera en une nation puissante et qui est appelé « la nation juste et fidèle ». Au verset 3, il ne s’agit plus seulement d’une profession générale, chacun réalise individuellement cette position. Autrefois on l’appelait « la nation sainte » prise dans son ensemble ; à l’avenir, et quelle consolation pour nos âmes dans cette pensée ! ce nom sera une réalité pour chacun de ses membres séparément.

Pendant longtemps l’Église a joui très peu de ses privilèges collectifs à cause de la mondanité, du légalisme, des divisions et des erreurs sans nombre qui l’avaient envahie. Mais maintenant qu’il a plu à Dieu de lui montrer l’importance des bénédictions qu’elle possède comme corps, ses membres courent le danger d’oublier qu’ils doivent veiller avec encore plus de soin à leur position individuelle. C’est d’une importance capitale de connaître la position du chrétien et celle de l’Église, mais il faut ensuite bien considérer comment on s’y comporte. Notre force dépend de ce qui se passe entre notre âme et Dieu qui, dans Sa gracieuse et vigilante sollicitude, veille sur Ses saints individuellement. Ceux-ci, en conséquence, n’oublient point les bénédictions publiques répandues sur le peuple de Dieu ; mais il y a en outre la marche personnelle des saints qui se reposent sur Dieu et prennent souci de Sa gloire, tandis que Lui, de Son côté, garde leurs âmes dans une paix parfaite ; le cœur s’appuie sur Dieu Lui-même. Car peu importe la nature des bénédictions : si Dieu Lui-même n’est pas l’objet de nos cœurs, elles tournent toujours à mal ; c’est pourquoi il est dit : « parce qu’il se confie en toi ». Les Juifs dont parle le prophète n’ont pas seulement compris la bonté de Dieu et les merveilles qu’Il avait accomplies en leur faveur, ils Le connaissent aussi Lui-même et se confient en Lui. C’est une chose extrêmement précieuse pour l’âme que cette intelligence personnelle de Dieu et cette confiance personnelle en Dieu. Je n’ai pas besoin d’ajouter que c’est ce à quoi Dieu regarde de nos jours d’une manière peut-être plus intime encore qu’alors, bien que tout ce qui ait jamais été fait dans ce sens sur la surface du monde entier ait été complètement éclipsé, sauf une seule exception, et cette exception c’est Christ, et nous pouvons ajouter l’Église qui est Son corps. Rien ne peut surpasser le dernier Adam ; rien ne saurait être comparé à la croix de Christ, et ce sera la portion dont nous jouirons et dont nous nous glorifierons même dans l’éternité.

Remarquons aussi que dans les divers exposés de tout ce qui doit échoir aux Israélites, il n’est jamais prononcé une parole qui permette de supposer qu’ils entrent dans les profondeurs des voies de Dieu, à la croix, comme c’est attendu de nous maintenant. Qu’y a-t-il de plus doux que la manière dont ils comptent sur leur délivrance et mettent leur confiance en Dieu ! Mais vous ne trouvez jamais dans leur bouche des paroles comme celle-ci : « Dieu me garde de me glorifier en autre chose qu’en la croix de notre Seigneur Jésus Christ ». Rien n’eût été pourtant plus facile pour Dieu, si cela avait été en harmonie avec leur position, que de parler de la sorte ici. Mais nous, nous sommes appelés à une telle communion avec Dieu à l’égard de Son Fils et de Sa croix aussi bien qu’à l’égard du ciel, qu’il est impossible d’en trouver une semblable dans l’Ancien Testament.

Ceux qui ont la fausse idée que c’est une seule et même chose, perdent le discernement de la valeur de l’Écriture. Il en résulte également pour leurs âmes un amoindrissement considérable de bénédictions. Au verset 4, l’Éternel, Jéhovah, apparaît ; la raison pour laquelle Il est présenté comme le Rocher des siècles est indiquée au verset 5 : « Il a renversé ceux qui habitaient les hauteurs », etc. Ce sera la nation que l’Éternel aux derniers jours revêtira d’un pareil honneur, après qu’elle aura été abaissée de toute manière par les Gentils. De là leur cantique : car alors Dieu n’hésitera pas à les bénir pleinement. Il est touchant de voir comment Dieu insiste sur tout ce qu’Il a fait pour leur délivrance et leur bien. Mais Il s’est toujours attaché à abaisser ce qui est élevé et orgueilleux, en rapport avec les Israélites. Ils auront passé par de terribles épreuves, et auront supporté le pénible reproche d’être un peuple entièrement abandonné.

Un petit nombre de Juifs pieux contrediront complètement le mensonge de Satan, quand les chefs de leur nation et les masses dans les régions de l’occident se seront livrés à l’Antichrist. Un petit résidu méprisé tiendra encore ferme pour le Seigneur, et persistera à repousser celui qui se présentera comme le véritable Messie. Il sera demeuré fidèle en face de la mort, et c’est ce résidu que nous voyons ici louant Dieu « parce qu’Il a aplani le sentier du juste » (v. 7). Il est doux de penser que son triomphe sera dû non à sa puissance, ni à ses connaissances, mais à sa seule confiance en Jéhovah et à sa foi en Sa Parole. Mais ces quelques Juifs pieux n’entreverront qu’une faible lueur, car ce sont les âmes auxquelles fait allusion le chapitre 50 d’Ésaïe, qui les montre comme marchant dans les ténèbres et n’ayant point de clarté. Pareille chose ne pourrait être dite d’un chrétien, quoiqu’il puisse tomber dans une pareille situation, car il a vu Christ, la lumière de la vie, la vraie lumière. Il peut n’avoir qu’une obscure perception de Christ ; néanmoins Christ est devant son âme et ne cesse pas de briller, car il n’est pas vrai que, là où la lumière de la grâce a brillé une fois, Dieu la retire de nouveau. L’affaiblissement provient du chrétien : ce n’est jamais la lumière qui se retire, mais c’est l’homme qui est infidèle et qui ferme les yeux. Le Saint Esprit est descendu du ciel pour demeurer avec le chrétien à jamais. Celui-ci peut ne pas marcher toujours selon la lumière, mais il est en elle, comme croyant, et il ne peut pas ne pas y être ; oui, il est maintenant lumière dans le Seigneur. Le chrétien marche dans la lumière aussi longtemps qu’il confesse le nom de Christ. Il ne marche jamais dans les ténèbres, il peut ne pas jouir de la lumière, mais c’est tout autre chose.

Le langage opposé est très répandu dans la chrétienté, parce que l’on confond la position du chrétien avec celle du peuple juif, qui doit sous peu marcher dans les ténèbres, avant que sa lumière ait apparu, et que la gloire de Jéhovah se soit levée sur lui. Il se peut que quelques Israélites ne marchent pas ainsi dans les ténèbres : leur piété fera certainement contraste avec l’incrédulité du plus grand nombre ; ce seront « les intelligents ». Mais le trait caractéristique de ces justes sera que, quoiqu’ils marchent de la sorte dans les ténèbres, cependant, comme ils auront été touchés par l’Esprit de Dieu et sauront que ce qui est de Dieu ne peut jamais contracter alliance avec le péché, ils refuseront de reconnaître que les idoles et l’Antichrist puissent être de Dieu. Ainsi ils passeront à travers le feu, avec une mesure extrêmement faible sans doute de connaissance de Dieu, mais du moins seront-ils fidèles à ce qu’ils ont reçu, et seront-ils conduits à louer Dieu (v. 7). Ils sont rendus dignes qu’il soit parlé d’eux comme « des justes ». Ainsi maintenant, il y a pour les croyants danger aussi bien qu’erreur à ne pas prendre la position des saints de Dieu ; car s’ils la déclinent, ils ne sentent pas la responsabilité de leur marche. Il en est comme des relations terrestres : si des maîtres ou des serviteurs ne maintiennent pas les uns vis-à-vis des autres leur position respective, ils ne se comporteront jamais dans la vie pratique comme cela leur convient réciproquement. Reconnaître notre véritable position, ce n’est point de l’orgueil, mais plutôt devoir et sagesse. Si vous n’êtes occupé que de vous-même, vous tomberez assurément dans l’orgueil, mais c’est de toute justice et de toute importance de connaître Dieu dans les relations dans lesquelles Il a daigné nous placer avec Lui.

L’Esprit de Dieu conduit les justes en question à s’écrier : « Ainsi nous t’attendons, ô Éternel, sur le chemin de tes jugements ; notre âme soupire après ton nom et après ton mémorial » (v. 8). C’est là le chemin qu’ils avaient suivi ; ils L’avaient attendu dans le sentier de Ses jugements ; nous, nous Le suivons dans la grâce, et comptons paraître avec Lui en gloire. — « Mon âme te désire pendant la nuit, et mon esprit te recherche au-dedans de moi ; car, lorsque tes jugements s’exercent sur la terre, les habitants du monde apprennent la justice » (v. 9). Nous avons ici de nouveau le caractère individuel. Pour ce qui concerne le monde, la patience de Dieu aura eu pour résultat le plus terrible rejet de la vérité. Pour le moment, Dieu supporte les voies de l’homme. Il ne l’a pas livré à ses propres conjectures et à ses ténèbres ; mais Il a fait briller Sa lumière dans la personne de Christ, laissant les hommes à eux-mêmes, tout en agissant par Sa Parole et Son Saint Esprit. Selon l’apparence extérieure, c’est comme si Dieu ne faisait pas attention à ce qui se passe ici-bas, et cela après que Sa parfaite lumière a resplendi par le moyen de Christ sur le monde. La grâce qui apporte le salut est apparue aux hommes. Le pardon a été offert aux méchants ; c’est là ce qui se poursuit à l’heure qu’il est. « Si l’on fait grâce au méchant, il n’apprend point la justice ; mais, est-il ajouté, il agit mal dans le pays de la droiture, et il n’a point égard à la majesté de l’Éternel » (v. 10). L’évangile n’est qu’un témoignage ; il ne gouvernera pas, il ne peut pas gouverner le monde. Quand les jugements de Dieu s’appesantiront quelque part sur la terre, les habitants apprendront la droiture. De là autre chose : au verset 11, Jéhovah vient, la main haute, pour juger. La première réponse déclare qu’ils « ne l’aperçoivent point » ; mais, est-il ajouté, « ils verront ton zèle pour le peuple, et ils en seront confus ; le feu consumera tes ennemis. — Éternel ! tu nous donneras la paix, car tout ce que nous faisons, c’est toi qui l’accomplis pour nous. Éternel, notre Dieu, d’autres maîtres que toi ont dominé sur nous, mais c’est grâce à toi seul que nous invoquons ton nom » (v. 11-13).

Et qu’est-il dit ensuite d’Israël ? « Ceux qui sont morts ne revivront point ; des ombres ne se relèveront point » (v. 14). Ce langage est sans doute figuré. Si nous nous rapportons à la résurrection, nous savons que les méchants doivent ressusciter aussi bien que les justes, c’est-à-dire qu’il y aura une résurrection de tous les hommes justes et injustes. Les Gentils oppresseurs d’Israël doivent ressusciter lors de la résurrection de jugement, aussi bien que tous les autres impies. Par conséquent, quand il est dit ici : Ils « ne revivront point », l’Esprit ne parle pas de la résurrection proprement dite du corps, mais du complet renversement du sort des Gentils et d’Israël dans ce monde. Ces vieux maîtres ne doivent plus vivre ni reparaître sur la scène terrestre. Ces quelques mots suffiront pour montrer que les expressions ici employées sont figurées.

Au chapitre 25, 8, il est dit : « Il engloutira la mort en victoire ». Ceci, nous le tenons de Dieu Lui-même, sera réalisé dans la résurrection proprement dite du corps, quand les saints sortiront du tombeau. Mais au chapitre 26, cette allusion à la résurrection est employée comme une figure, car le contexte prouve qu’elle ne peut se rapporter à ce fait même ; si elle s’y rapportait, ce serait nier la résurrection des injustes. C’est là le vrai critère pour l’intelligence de tout passage de la Parole : Quand on met en avant un texte contre ce qu’on sait être la vérité, il faut toujours examiner ce qui précède et ce qui suit, ce dont il s’agit aux yeux de Dieu. Dans le passage qui nous occupe, il est évident qu’il est question de la manière dont, en ce jour-là, le Seigneur en agira avec les Gentils qui ont fait peser leur joug sur Israël. Mais n’est-il pas avéré, demandera quelqu’un, que ces Gentils sont morts ? — Assurément, répondrai-je, mais il n’est pas vrai de soutenir qu’ils ne ressusciteront point. Il serait peut-être inutile d’insister là-dessus si l’on n’appliquait pas cette portion du chapitre 26, à la résurrection dont il est parlé au verset 8 du chapitre 25. Nous ne devons jamais tordre l’Écriture, mais nous incliner devant elle. Il faut maintenir les passages relatifs à une résurrection des corps, mais il est dangereux de faire une application identique d’autres passages qui ne sont que des figures, car on pourrait en inférer que la résurrection ne sera que partielle. De fait, comme nous le savons, tous les hommes doivent ressusciter : « L’heure vient à laquelle tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix et ressusciteront » (Jean 5, 28, 29). Nous avons là la déclaration la plus formelle que tous, justes et injustes, briseront les liens du tombeau. Dans notre passage, au contraire, les méchants ennemis d’Israël « ne revivront point ». Jean enseigne clairement la résurrection de tous les hommes, bons et mauvais ; Ésaïe 26, 14 a recours à une figure de résurrection ou de non-résurrection pour calmer les craintes d’Israël et l’affermir contre ses ennemis. « Ceux qui sont morts ne revivront point ; des ombres ne se relèveront point ; car tu les as châtiés, tu les as anéantis, et tu en as détruit tout souvenir ». Mais qu’avait-il été fait pour la nation ? « Tu as accru la nation, ô Éternel, tu as accru la nation ; tu es glorifié ; tu as reculé les limites du pays » (v. 15). — Il n’est pas question de la résurrection du corps. Il serait impossible de dire, dans un passage où il en serait parlé, que Dieu a éloigné les saints ressuscités jusqu’aux extrémités de la terre. Combien c’est vrai, appliqué à Israël !

Ainsi encore aux versets 16-18 : « Éternel, dans la détresse ils t’ont recherché ; ils se sont répandus en prières quand tu les as châtiés. Comme une femme enceinte, sur le point d’accoucher, se tord et crie au milieu de ses douleurs, ainsi avons-nous été loin de ta face, ô Éternel ! Nous avons conçu, nous avons éprouvé des douleurs, et, au moment d’accoucher, ce n’était que du vent : le pays n’est pas une délivrance, et les habitants du monde ne sont pas nés ». En repassant leur conduite antérieure, ils verront qu’ils n’ont pas accompli la volonté de Dieu. Ils n’avaient pas été placés dans un courant de bénédictions divines ; ils avaient suivi les mauvaises voies des Gentils et avaient attiré la malédiction sur leur propre tête ; le nom de l’Éternel était blasphémé à cause d’eux. Mais maintenant il est dit : « Que tes morts revivent ! que mes cadavres se relèvent ! ». Puissantes et tendres paroles ! Le Seigneur réveille les Israélites, en les appelant Ses cadavres. Il n’est pas question de la mort du corps, mais d’un réveil national. La fille se réveille de son long sommeil, et le Seigneur parle des Juifs (Son peuple si longtemps mort) comme de Ses morts. Eux, pour ce qui les concerne, reconnaissent qu’ils sont tout aussi mauvais que les autres nations, mais il y a cette différence que le Seigneur les appelle siens. « Alors même qu’ils soient morts, semble-t-il dire, ils sont pourtant à moi ». C’est la nation juive qui a été comme un cadavre que le Seigneur, dans Sa grâce, semble avoir pris plaisir à s’approprier comme Son corps mort qu’Il fait revivre. Ainsi Abraham avait éloigné son mort de sa vue. Ici Dieu les appelle pour leur inoculer une nouvelle vie. — « Que mes cadavres se relèvent ! ». Plusieurs peuvent croire que notre interprétation est sujette à discussion ; un ou deux passages suffiront pour démontrer son caractère scripturaire.

En Ézéchiel 37 les termes de la figure sont tout aussi forts qu’ici ; l’Esprit de Dieu montre au prophète une vallée remplie d’ossements desséchés. « Ils étaient extrêmement secs ». — « Ces ossements reprendront-ils vie ? » telle fut la question (v. 3-5). — « Voici, j’introduirai en vous un esprit, afin que vous repreniez vie » (v. 6). La vision se réalise : les os se rapprochent et se recouvrent de chair. Ces ossements redressés et couverts de chair correspondent aux morts d’Ésaïe, qui sortent de leurs tombeaux ; ils sont la maison d’Israël : « Que tes morts revivent ! » dit-il. Le parallèle entre Ézéchiel 37 et Ésaïe 26 permet, au moins, de présumer avec toute apparence de vérité, que si la figure de la résurrection est employée dans l’un pour représenter le réveil d’Israël, elle peut l’être aussi dans l’autre. Or il est certain que telle est la signification de la vision d’Ézéchiel, nous en avons pour garantie l’interprétation inspirée qui la suit. Ce n’est pas l’exposé de nos propres pensées, c’est l’explication expresse, formelle du Saint Esprit. À cette lumière nous pouvons considérer Ésaïe 26 où se trouve la même image.

Osée nous montre la même figure, aussi bien que Daniel 12, 2 : « Et plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour une vie éternelle, et les autres pour l’opprobre et une ignominie éternelle ». Si l’on détourne le sens de ce passage pour l’appliquer à une résurrection du corps, nous ferons remarquer d’abord qu’il ne parle pas d’une résurrection de tous, mais seulement de plusieurs. En second lieu, observez qu’en même temps les uns doivent se réveiller pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre et l’ignominie. Nous devons abandonner la doctrine de la première résurrection, séparée par mille ans et plus de la seconde mort (Apoc. 20), pour fonder sur ce passage de Daniel une vraie sortie des tombeaux. Tout devient au contraire très clair et très explicite dès qu’on l’applique, comme ceux d’Ézéchiel et d’Ésaïe, au réveil d’Israël, ou des Juifs que Dieu tirera de leur état actuel d’abaissement, bien que quelques-uns d’entre eux doivent manifester une méchanceté et un orgueil funestes. Le reste sera réveillé et animé d’une vie divine. C’est là une autre confirmation de la vérité de notre interprétation.

Le verset 20 est d’ailleurs assez significatif : « Va, mon peuple, entre dans ta chambre… jusqu’à ce que l’indignation soit passée ». Ceux qui expliquent le contexte à la lettre par une résurrection, sont fatalement conduits à l’erreur (car un tel système ne signifierait pas autre chose) que les saints ressuscités resteraient sur la terre pendant que la colère divine passerait. On comprend jusqu’à un certain point qu’ils s’appuient sur le fait que quelques-uns doivent passer par la tribulation, quoique ce ne soit pas la même chose que la colère. Mais il est clairement question d’hommes vivant ici-bas et non d’hommes transmués. Dieu commande aux Juifs d’entrer dans leurs chambres jusqu’à ce qu’Il ait donné cours à Sa colère contre les nations. Est-ce là ce que nous attendons ? Ne devons-nous pas être enlevés à cette scène terrestre et entrer dans la maison du Père en haut ? Nous ne sommes pas un peuple terrestre, mais un peuple céleste. Nous savons que le Seigneur doit venir nous prendre pour être avec Lui là où Il est, et qu’une fois les chrétiens ravis au ciel, les Juifs seront appelés à remplir sur la terre le rôle qui leur est réservé. Le petit résidu sera douloureusement éprouvé, et la généralité de la nation recevra le faux Christ. C’est quand aura lieu le jugement des vivants qu’il sera dit : « Entre dans tes chambres ». Dieu ne leur préparera pas une demeure céleste, ils doivent entrer dans leurs chambres, ce qui désigne toujours quelque lieu de refuge et de sécurité terrestre. Tout ceci rend parfaitement claire l’explication que nous donnons du passage, et montre que Dieu ne parle pas des saints célestes, mais du résidu juif aux derniers jours, auquel est assuré un port de refuge. Ce n’est pas comme Abraham : c’est ici notre place ; Israël se trouvera plutôt dans la position de Lot, car il sera au milieu même de la scène du jugement. Lot entra dans sa chambre (c’était pour lui Tsoar), quand survinrent les jugements ; mais quant à Abraham, il demeura complètement en dehors de cette scène ; et même, avant que le jugement n’eût lieu, il savait mieux que Lot ce qui allait arriver. Sa position, sa communion, son expérience différaient totalement de celles de son neveu. Ainsi nous serons ravis auprès de Christ et introduits dans la maison du Père ; puis, quand le Seigneur viendra pour exécuter le jugement, nous viendrons aussi avec Lui.


Chapitre 27. — Ce chapitre clôt la section prophétique que nous venons d’étudier. C’est « en ce jour-là ». Il est évident que le chapitre 28 introduit une division nouvelle.

La grande crise a éclaté. Non seulement Jéhovah descend du lieu qu’Il habite pour châtier les habitants de la terre à cause de leurs iniquités ; non seulement la terre est obligée de dévoiler ses actes sanguinaires, et ses meurtres ne seront plus cachés, mais de plus grands événements ont lieu. Car, « en ce jour, l’Éternel frappera de sa dure, grande et forte épée le léviathan, serpent fuyard, le léviathan, serpent tortueux, et il tuera le monstre qui est dans la mer ». C’est l’exécution du jugement divin contre le pouvoir de Satan, figuré par des expressions parfaitement appropriées pour décrire son inimitié à l’œuvre contre Israël parmi les Gentils (v. 1). « Le jour du Seigneur » embrasse non seulement les mille ans, mais un peu plus.

En conséquence, l’Esprit passe aux voies du Seigneur envers les siens : « En ce jour-là, chantez ainsi sur la vigne : C’est moi, l’Éternel, qui la garde ; à tout instant je l’arroserai ; de peur qu’on ne l’attaque, nuit et jour je la garderai » (v. 2-3). Sa sollicitude n’a jamais fait défaut, quelles qu’aient été les circonstances par lesquelles aient passé Son pays ou Son peuple. Quand Il porte une fois encore Ses regards sur la terre, et par conséquent sur Israël, Sa vigilante bonté se montre toujours la même en leur faveur : « Il n’y a point en moi de colère ; mais si l’on me donne des ronces et des épines à combattre, je marcherai contre elles, je les consumerai toutes ensemble ; à moins que l’on ne me prenne pour refuge, que l’on ne fasse la paix avec moi » (v. 4, 5). Ce langage semble passablement obscur, si l’on en juge par les divergences qui séparent les commentateurs et par la difficulté de se prononcer d’une façon impartiale. Mais en admettant que notre traduction rende la pensée fidèle de l’original, le Seigneur, d’un côté, défie Ses adversaires et les prévient de leur ruine certaine, de l’autre Il offre Sa protection comme le seul moyen de paix et de sécurité. Le verset suivant n’a pas besoin d’explication : « Dans les temps à venir, Jacob prendra racine, Israël fleurira et poussera des rejetons, et il remplira la terre de ses fruits ». Tel est le dessein de l’Éternel, et il s’accomplira.

À proprement parler ce n’était pas un dessein, c’était le résultat d’une patiente et persévérante discipline dans Ses voies envers Israël. « L’Éternel l’a-t-il battu comme Il a battu ceux qui le frappaient ? L’a-t-il tué comme Il a tué ceux qui le faisaient mourir ? C’est avec mesure que tu l’as châtié par l’exil, en l’emportant par le souffle impétueux du vent d’orient. Ainsi le crime de Jacob a été expié ; et voici le fruit du pardon de son péché : l’Éternel a rendu toutes les pierres des autels pareilles à des pierres de chaux réduites en poussière ; les statues et les idoles ne se relèveront plus. Car la ville forte est solitaire, c’est une demeure délaissée et abandonnée comme le désert ; là, pâture le veau, il s’y couche et broute les branches. Quand les rameaux sèchent, on les brise ; des femmes viennent pour les brûler. C’était un peuple sans intelligence : aussi celui qui l’a fait n’a point eu pitié de lui ; celui qui l’a formé ne lui a point fait grâce » (v. 7-11). Ainsi Dieu se conduisait autrement envers Israël qu’envers ses ennemis. Il le châtia fidèlement à cause de son orgueil, de ses rébellions et de son incrédulité, mais Il ne fit pas peser sur lui les inflexibles jugements par lesquels Il détruisit leurs adversaires communs. Il y avait là aussi des massacres ; mais qu’était-ce en comparaison de ceux que les Juifs doivent opérer avant que ce jour de rétribution arrive ? Dans leur cas, le jugement était tempéré par la miséricorde ; l’action de Dieu était mesurée. Dans Ses débats ou Son procès avec eux, Il daignait plaider ; et même quand survenaient les plus amères épreuves, Il les adoucissait gracieusement et même les arrêtait à l’égard d’Israël ; et plus que cela, car il y avait aussi profit moral quand toute trace d’idolâtrie devait être réduite en poussière comme des pierres de chaux. Il n’est donc pas étonnant qu’à travers tant de changements, les œuvres des hommes passent, la ville forte soit solitaire, l’habitation délaissée et abandonnée comme le désert, que les veaux y paissent, que les femmes se servent pour leur feu des branches sèches et brisées, car hélas ! la folie du peuple a amené nécessairement cette ruine.

Toutefois, ici encore, comme ailleurs, la grande tribulation est le précurseur immédiat d’une délivrance plus grande : « En ce temps-là, l’Éternel secouera des fruits, depuis le cours du fleuve jusqu’au torrent d’Égypte, et vous serez ramassés un à un, enfants d’Israël » (v. 12). Le juge de toute la terre agira selon la justice, mais Il donnera cours à Sa souveraine miséricorde pour sauver. Il fera passer par le crible et ramassera les Israélites un par un. De plus, « en ce jour, on sonnera de la grande trompette, et alors reviendront ceux qui étaient exilés au pays d’Assyrie et ceux qui étaient fugitifs au pays d’Égypte ; et ils se prosterneront devant l’Éternel, sur la montagne sainte, à Jérusalem » (v. 13). Mes lecteurs qui m’ont suivi jusqu’ici n’éprouveront aucune difficulté ni aucun doute pour déterminer la véritable application de ces paroles. Il s’agit de la trompette de Matthieu 24 et non de celle de 1 Thessaloniciens 4, ou de 1 Corinthiens 15. Les deux dernières se font entendre au moment de l’appel que Dieu adresse aux saints célestes ; notre chapitre, aussi bien que le passage en question du premier évangile, décrit l’invitation de l’Éternel à Israël de se rassembler du nord et du midi, pour adorer le Seigneur sur la sainte montagne à Jérusalem.



  1. Zacharie 9 me semble faire plutôt allusion au chef macédonien qui ravagea sans pitié, du nord au sud, les villes maritimes de la Phénicie et de la Palestine. C’est là du moins l’occasion historique, car le Saint Esprit, là comme ailleurs, a en vue les dernières luttes et les futurs triomphes d’Israël sous le Messie.
  2. « Condamnation », quoique tel soit l’effet du jugement, n’est pas le sens exact de l’expression. C’est là un exemple de la manière dont certains hommes communiquent leur propre pensée à un mot, et affaiblissent en réalité la portée du passage qui le contient.