Écho du Témoignage:Remarques sur Ésaïe/Partie 3

De mipe
Sauter à la navigation Sauter à la recherche

Chapitre 17. — Si nous admettons que ces prophéties, quelque accomplissement qu’elles puissent avoir reçu dans le passé, ont pour centre le jour du Seigneur, de quelle manière pourrons-nous lever la difficulté qui a trait aux divers peuples et aux villes qui jadis firent souffrir Israël ? Comment devons-nous expliquer que ces prophéties ont en vue un jour futur, alors que nous voyons que ces peuples n’existent plus, ou qu’il n’en reste que d’imperceptibles débris ? Nous répondons que la même difficulté s’applique à Israël. Nul ne sait avec clarté ou certitude où sont les dix tribus ; il ne semble pas non plus que ce soit l’affaire de personne de s’en préoccuper à l’avance. Laissons-les dans l’obscurité dans laquelle Dieu a jugé bon de les mettre. Nous savons, si nous croyons Sa Parole, que, aussi sûrement qu’Il a préservé le résidu dispersé des dix tribus, aussi sûrement Il amènera de leurs retraites les descendants des dix. Nous savons que non seulement les Juifs proprement dits doivent être rétablis, mais aussi l’antique nationalité d’Israël. C’est à cela que les douze tribus espèrent parvenir (Act. 26, 7). Les douze tribus formant une seule nation dans le pays, et un seul et même roi régnera sur elles toutes. « Il n’y aura plus deux nations, et elles ne seront plus jamais divisées en deux royaumes ». Toutes les promesses seront accomplies jusqu’au dernier trait de lettre. L’Écriture ne peut pas être anéantie.

Alors même que nous n’ayons pas vu de signes, pourquoi douter ? Avons-nous besoin de semblables preuves ? C’est démontrer la faiblesse de notre foi que de demander un signe. La Parole de Dieu est la meilleure assurance ; sachons nous reposer sur elle.

Si Dieu a déclaré qu’il en sera ainsi, nous sommes en droit d’attendre qu’Il fera sortir les dix tribus de leurs retraites, qu’Il les arrachera aux lieux dans lesquels elles ont péché, et qu’Il les purifiera. Nous sommes loin de connaître à fond même le petit globe sur lequel nous vivons. Certaines parties du monde étaient autrefois bien mieux connues qu’elles ne l’ont été plus tard, jusqu’à ces derniers temps. De récentes découvertes, par exemple, confirment les descriptions que des auteurs anciens ont laissées sur l’Afrique et le centre de l’Asie. Les dix tribus peuvent fort bien habiter quelqu’une de ces contrées à peine explorées, ou surgir tout à coup du sein d’une nation avec laquelle elles se sont longtemps confondues ; nous ne sommes pas tenus de préciser le pays qu’elles habitent. Dieu a promis de les ramener dans leur pays, et cela d’une manière spéciale : elles doivent de nouveau traverser le désert ; là, elles seront débarrassées des transgresseurs qu’elles renfermeront dans leur sein, et qui n’atteindront jamais le pays, au lieu d’y être détruits, comme les Juifs apostats. La destinée des dix tribus diffère donc entièrement du sort des deux. Il ne sera pas plus difficile à Dieu de faire concourir les événements à ces deux fins que de circonscrire dans les limites qui Lui conviendront les descendants des Gentils, ces anciens ennemis de Son peuple, soit au près, soit au loin. Le fait est que c’est le même principe de foi qui accepte et explique les deux choses, de même que c’est l’incrédulité qui trouve là-dedans une difficulté. Ces remarques sont applicables à la plupart de ces chapitres.

Il y a ensuite des personnes qui se méprennent étrangement sur la portée des images hardies des prophètes, comme s’ils les employaient pour présenter les sujets qu’ils traitent sous une forme énigmatique, sinon ambiguë. C’est une grande erreur. Leur but n’est pas de voiler le sens de leurs déclarations, mais bien de les rendre plus expressives et plus énergiques. Des hommes, qui s’efforcent de détourner les chrétiens de l’étude des prophéties, insistent sur ces métaphores, comme si leur emploi suffisait à démontrer jusqu’à l’évidence que leur signification est douteuse. Rien n’est plus contraire à la réalité : les auteurs inspirés ont eu recours, comme les auteurs profanes, à une espèce de licence poétique pour illustrer, rendre sensible, et renforcer par des images la portée de leurs déclarations, mais dans aucun cas en vue de mystifier leurs auditeurs ou leurs lecteurs. Chez eux les figures ont un sens aussi précis, et seulement plus fort, que les expressions simples, littérales. Les entretiens eux-mêmes de la vie ordinaire abondent en métaphores et en similitudes ; qu’y a-t-il d’extraordinaire à ce que le caractère poétique des prophéties fournisse l’occasion d’en faire un usage plus fréquent ?

De plus la difficulté de comprendre les Écritures consiste moins dans leur style figuré que dans la profondeur même des pensées. Il n’est peut-être pas dans la Parole de Dieu de chapitre plus profond que le premier de saint Jean. Et pourtant ce dont on y est frappé tout d’abord, c’est l’excessive simplicité du langage de l’apôtre. Aussi dans certains endroits les professeurs de grec ont-ils l’habitude de mettre son évangile entre les mains des élèves qui commencent à étudier cette langue. Malgré cela, on ne trouverait pas dans les livres saints de révélation ou d’exposé de la vérité plus substantiel, plus rempli de grandes et profondes pensées, plus propre à pénétrer d’admiration le lecteur réellement spirituel, quelle que soit la grâce qui y est déployée en Christ. Ces réflexions prouvent combien dénuée de fondement est l’idée qu’il ne s’agirait ici que d’une pure question de mots. La difficulté gît moins dans l’obscurité du langage que dans les hautes vérités que proclament les écrits sacrés ; elle provient surtout de nos ténèbres morales, de notre défaut de familiarité avec la pensée de Dieu, de ce que nous jugeons selon l’apparence, à l’aide de notre esprit ou de nos sentiments naturels, au lieu de recevoir les choses d’en haut, et de lire la Parole inspirée à la lumière de Christ. Loin d’être la partie la moins intelligible des Écritures, les prophéties sont beaucoup plus aisées à interpréter qu’on ne se l’imagine communément. Il importe avant tout de commencer par y croire ; l’intelligence vient ensuite, et cela rapidement. S’il est permis de comparer entre elles les diverses parties des Écritures, il demeure hors de doute que le Nouveau Testament contient les plus profondes des révélations divines ; et dans le Nouveau Testament, il n’est pas de livres qui nous aident plus que ceux de saint Jean à pénétrer dans la connaissance de ce que Dieu est ; eh bien ! qui oserait soutenir que, parmi les écrits de saint Jean, les épîtres, l’évangile soient moins profonds que l’Apocalypse ? Personne, j’en suis convaincu, à moins qu’on ne les ait étudiés trop superficiellement pour pouvoir prononcer un jugement autorisé.

Ce qui précède peut amener quelque âme à examiner les prophéties dans un esprit plus enfantin, se souvenant toujours que Dieu regarde en avant à la grande crise qui doit précéder le jour du Seigneur. Il pense à Son Fils bien-aimé ; et ce qui donne de l’importance aux prophéties, c’est qu’elles déroulent la scène de Ses intérêts. Les Juifs sont le peuple duquel le Seigneur Jésus daigna naître selon la chair ; ils ont manifesté ce qu’ils étaient pour Lui. Il Lui reste à démontrer ce qu’Il veut être pour eux. Il se propose d’avoir un peuple terrestre (Israël), aussi bien qu’un peuple céleste (l’Église) pour Sa gloire. La Parole de Dieu ne vise à rien moins que cela ; si ce n’est pas accompli, ce n’en est pas moins toujours dans les desseins de Dieu, lesquels ont déjà été en partie réalisés. De là découle le principe pour l’interprétation de toute la prophétie : elle doit être à la gloire du Seigneur Jésus dans Ses relations avec Israël et les nations sur la terre. Je parle des prophéties de l’Ancien Testament. Le Nouveau Testament revêt un autre caractère : son sujet est le Seigneur Jésus en rapports avec la chrétienté, mais confirmant aussi, en outre, les oracles relatifs à Israël.

Ceci peut expliquer pourquoi le Seigneur, dans le champ prophétique, attache de l’importance à une petite localité ou à une petite nation. Israël était d’une grande valeur à Ses yeux à cause du Messie ; et Ses propres conseils ne sont pas morts s’ils dorment. C’est pour ce motif également que du jour où Dieu retirera le voile de dessus Son ancien peuple d’Israël, les vieux antagonistes de celui-ci commenceront à reparaître. Il y a là quelque chose qui m’intéresse profondément. De même qu’il y a une résurrection pour chaque individu, et que le corps doit ressusciter pour que soit manifesté tout ce qui a été fait dans le corps, car c’est par le corps que l’âme agit, ainsi en sera-t-il de ces nations. C’est une destinée analogue : elles reparaîtront en même temps qu’Israël, et Dieu les distinguera d’après leurs noms primitifs, et non d’après ceux qu’elles pourront avoir portés dans la marche de l’histoire de l’humanité. Le Seigneur remontera aux origines ; et en conséquence, ce que nous avons, c’est leur jugement rattaché avec les derniers jours, et non pas seulement celui qui est tombé sur elles depuis longtemps déjà. Elles vont jusqu’à la fin. Quelques prophéties peuvent avoir reçu leur accomplissement dans le passé plus entièrement que d’autres, mais, cette différence admise, toutes elles envisagent l’avenir.

La dernière génération fera comme ont fait les pères ; alors aura lieu le jugement. C’est ainsi que Dieu en agira avec les nations. Elles manifesteront la même inimitié pour Israël, le même orgueil envers Dieu, qu’auparavant. Ce principe peut paraître rigoureux à quelques-uns, mais il est on ne peut plus juste. Si un enfant a grandi connaissant le déshonneur de son père, l’opprobre et le châtiment qui l’ont frappé, ne devrait-il pas éprouver, pour peu qu’il existe de la droiture dans son cœur, une répulsion particulière pour le péché de l’auteur de ses jours ? Il devrait avoir constamment présent à l’esprit le souvenir de ce malheur. Mais s’il tournait la chose en plaisanterie, et qu’il en prit occasion pour marcher dans la même voie, ne serait-il pas de toute justice qu’il fût condamné à un châtiment plus sévère encore, puisqu’il avait pour le retenir, non seulement la voix de la conscience universelle, mais aussi, dans sa propre famille, un exemple frappant, qui aurait dû parler à son cœur d’enfant et exercer sur sa conduite une profonde influence ?

C’est là précisément le principe des voies de Dieu dans Son gouvernement. L’homme doit tenir un compte sérieux des événements passés ; et Dieu qui agit justement, jugera l’homme suivant l’expérience qu’il aurait dû acquérir. Les leçons du passé sont un avertissement pour l’avenir. Les nations dont nous nous sommes entretenus, apparaîtront donc de nouveau, et au lieu de tirer enseignement et profit des exemples de leurs pères, elles suivront exactement la même route, et feront une nouvelle tentative pour détruire le peuple de Dieu.

C’est ce que nous voyons en Ésaïe 17. Damas, situé au nord de la Terre sainte, était une cité très ancienne et très renommée de la Syrie (voir Genèse 15). Elle n’est plus à cette heure qu’un monceau de ruines — les villes environnantes ne sont que des parcs de brebis (v. 1-2). Et de même qu’autrefois la Syrie et Éphraïm conspirèrent à leur propre ruine contre le royaume du fils de David, de même encore le trait remarquable de ce jugement est que le Seigneur en agira avec Son peuple aussi bien qu’avec leur ancien allié. Il n’y aura point de forteresse en Éphraïm, ni de royaume à Damas, ni dans le reste de la Syrie. Ils seront comme la gloire des enfants d’Israël, dit l’Éternel des armées. Et il arrivera en ce jour-là que la gloire de Jacob sera diminuée, et que la graisse de sa chair sera fondue. Et il en arrivera comme quand le moissonneur cueille les blés, et qu’il moissonne les épis avec son bras ; il en arrivera, dis-je, comme quand on ramasse les épis dans la vallée des Rephaïm. Il fera le recensement de tous les scandales et punira les transgresseurs ; Il fera servir leur inimitié à nettoyer l’aire du pays d’Israël  ; Il agira en jugement avec Son peuple. Les nations peuvent se bercer du trompeur espoir qu’elles feront du mal à Israël ; mais leur conspiration sera une attaque dirigée contre Dieu, qui la fera tourner au bien des siens. Cela nous est présenté dans ce passage : « Mais il y demeurera quelques grappillages, comme quand on secoue l’olivier et qu’il reste deux ou trois olives au bout des plus hautes branches, et qu’il y en a quatre ou cinq que l’olivier a produites dans ses branches fruitières, dit l’Éternel, le Dieu d’Israël. En ce jour, l’homme tournera sa vue vers celui qui l’a fait, et ses yeux regarderont vers le Saint d’Israël. Et il ne jettera plus sa vue vers les autels qui sont l’ouvrage de ses mains, et il ne regardera plus ce que ses doigts auront fait, ni les bocages, ni les tabernacles » (v. 6-8).

Il est bien évident par là qu’il s’exercera alors, dans le pays d’Israël, un jugement qui distinguera entre les uns et les autres. Comparez chapitre 28, qui renferme la description du fléau débordant. « En ce jour les villes de sa force qui auront été abandonnées à cause des enfants d’Israël, seront comme un bois taillis et des rameaux abandonnés, et il y aura désolation. Parce que tu as oublié le Dieu de ton salut, et que tu ne t’es point souvenue du rocher de ta force, à cause de cela tu as transplanté des plantes tirées de lieux de plaisance et tu as planté des provins d’un pays étranger. De jour tu auras fait croître ce que tu auras planté, et le matin tu auras fait lever ta semence ; mais la moisson sera enlevée au jour que l’on voulait en jouir, et il aura une douleur désespérée » (v. 9-11). Mais ensuite arrive la rétribution. « Malheur à la multitude de plusieurs peuples qui bruient comme bruient les mers, et à la tempête éclatante des nations qui font du bruit comme une tempête éclatante d’eaux impétueuses. Les nations grondent comme grondent les grandes eaux… Il les menace, et elles fuient au loin, chassées comme la balle des montages au souffle du vent, comme la poussière par un tourbillon. Quand vient le soir, voici, c’est une ruine soudaine ; avant le matin, il n’y a plus personne. Telle est la part de ceux qui nous dépouillent, tel est le sort de ceux qui nous pillent » (v. 12-14). À quelle époque ces prédictions ont-elles reçu leur accomplissement, depuis qu’Ésaïe les a proférées ? Quand les nations se sont-elles ainsi rassemblées et ont-elles été dispersées ? C’est au contraire Israël qui a été brisé et semé aux quatre vents des cieux. Il n’est pas question ici d’une nation victorieuse du peuple de Dieu, mais d’un rassemblement de toutes les nations qui n’attendent que le matin pour engloutir Israël ; mais avant le matin, elles ne sont plus. Certainement cela aura lieu, car la bouche de l’Éternel a parlé.


Chapitre 18. — Le chapitre que nous abordons se rattache à la ruine des nations, prédite à la fin de la section précédente, et forme cependant une scène assez distincte pour qu’elle mérite une place à part. Il en est un appendice profondément intéressant, d’autant qu’il est étranger à la nouvelle charge par laquelle s’ouvre le chapitre 19, et qui distingue le jugement de l’Égypte du sujet que nous avons sous les yeux. Ce point est à noter, car certains chrétiens, entre autres Vitringa, ont faussement supposé que l’Égypte est « le pays qui fait ombre avec des ailes », du verset 1, que les Égyptiens sont le peuple auquel le message est envoyé (v. 2) et qui doit apporter des offrandes à l’Éternel (v. 7). Que le lecteur ne soit point surpris de cette confusion chez un commentateur si savant et si distingué, car c’est à peine s’il se trouve dans Ésaïe une portion qui ait donné lieu à des vues plus divergentes et à plus d’erreurs manifestes de la part d’hommes distingués, depuis Eusèbe de Césarée (qui voyait dans ce passage la Judée aux temps apostoliques envoyant l’évangile au monde entier, interprétation fondée, sur le ἀποστελλων… ἐπίστολὰς βιϐλίνας des Septante), jusqu’à Aria Montanus qui l’appliquait à l’Amérique convertie à Christ par la prédication et les armes des Espagnols.

La saine intelligence du chapitre dépend de l’idée que c’est la nation juive qu’ont en vue les versets 2 et 7, et cela, non aux jours de Sankhérib, mais au moment de la crise future. Quelques expressions, surtout au verset 1, peuvent être obscures, mais la pensée générale est d’une grande clarté et d’un puissant intérêt.

« Le pays qui fait ombre (ou qui bruit) avec des ailes, qui est au-delà des fleuves de Cush » (c’est-à-dire au-delà du Nil et de l’Euphrate), désigne une contrée en dehors des limites de ces nations qui, jusqu’aux jours du prophète, avaient menacé Israël ou avaient eu à faire avec lui. L’Égypte et l’Assyrie étaient les deux principales de ces puissances ; car il y avait un Cush asiatique aussi bien qu’un Cush africain. Le pays en question s’étend (il n’est pas nécessairement contigu, il peut être à une certaine distance), au-delà de ces deux contrées. Ce pays, comparativement éloigné, épouse la cause d’Israël ; mais sa protection doit être inefficace, quelques bruyantes que doivent être ses manifestations et ses tentatives. L’emploi du terme « ailes » pour suggérer l’idée d’un abri pour les opprimés et les faibles, est trop commun pour qu’il soit besoin de preuves.

Le second verset montre, en outre des traits qui viennent d’être allégués comme caractérisant ces futurs alliés des Juifs, qu’ils sont une puissance maritime ; en effet, ils envoient leurs messagers sur de légers vaisseaux (littéralement, des vaisseaux de « jonc » ou de « papyrus ») à la surface des eaux. Israël est l’objet de leurs préoccupations : « Allez, messagers rapides, vers la nation forte et vigoureuse, vers ce peuple redoutable depuis qu’il existe, nation puissante et qui écrase tout, et dont le pays est ravagé par les fleuves ». L’application de cette description à l’Égypte ou à l’Éthiopie a considérablement influé sur l’idée que l’on s’est formée d’après les épithètes employées ici, mais je ne vois pas de motif suffisant pour mettre en doute l’exactitude de notre version qui, en les attribuant à Israël, donne un sens clair et satisfaisant. La différence entre ce peuple et le pays mentionné dans le premier verset, qui envoie ses messagers et ses navires à la recherche du peuple dispersé, auparavant si formidable, mais ravagé récemment par un ennemi plein d’impétuosité, repose non sur des points insignifiants d’une critique de mots, mais sur la forme générale du contexte, que tout lecteur chrétien est à même d’apprécier dans sa propre langue.

Jusqu’ici nous avons vu l’intervention de ce pays innommé, dépeint comme le soi-disant protecteur d’Israël, et poursuivant, à l’aide de ses légers navires, sa bienveillante mission à la recherche de ce peuple dispersé.

Mais entre en scène quelqu’un qui arrête le zèle de l’homme (v. 3, 4). Il est fait appel à l’attention de tous ; de grands événements se préparent ; on en voit, on en entend les signes précurseurs : « Vous tous, habitants du monde et habitants du pays, sitôt que l’enseigne sera élevée sur les montagnes, regardez, et sitôt que le cor aura sonné, écoutez, car ainsi m’a parlé l’Éternel. Je me tiendrai tranquille, mais je regarderai sur mon domicile arrêté ». Dieu ne favorise pas cette entreprise. L’homme déploie de l’activité ; Jéhovah demeure tranquille et veille. « C’est comme la chaleur brûlante juste avant que brille l’éclair, comme la nuée de rosée au temps de la chaude moisson » ; il y a un intervalle de profond repos et d’attente, après les puissants efforts faits pour rassembler les Juifs sous le patronage de la nation maritime des versets 1 et 2. Tout avait semblé réussir ; mais qu’est l’homme sans Dieu ? « Mais avant la moisson, sitôt que le bouton sera venu en sa perfection et que la fleur sera devenue un raisin qui mûrit, il coupera les rameaux avec des serpes, et il ôtera les sarments, les ayant retranchés ». Ainsi le plan échoue entièrement. Tout paraissait annoncer un prompt rétablissement pour Israël et les espérances nationales semblaient être sur le point de se réaliser, lorsque Dieu est venu réduire tout à néant et laisser les anciennes passions des Gentils contre Israël se donner libre cours. Le résultat est qu’ils « seront tous abandonnés aux oiseaux de proie des montagnes et aux bêtes de la terre ; les oiseaux de proie passeront l’été sur leurs cadavres, et les bêtes de la terre y passeront l’hiver » (v. 5, 6).

Ce n’était pas le temps du Seigneur ; et pourtant ce l’était. Car, « en ce temps-là des offrandes seront apportées à l’Éternel des armées par le peuple fort et vigoureux, par le peuple redoutable depuis qu’il existe ; nation puissante et qui écrase tout, et dont le pays est ravagé par les fleuves ; elles seront apportées à la demeure de l’Éternel des armées, sur la montagne de Sion » (v. 7).

Ainsi sera châtié le présomptueux espoir de l’homme, aussi bien que les nouvelles manifestations de la fureur des nations qui voudraient faire une fois de plus leur proie du pauvre peuple de Jéhovah, mais Son peuple toujours aimé. Car aussi sûrement qu’elles s’efforcent de déchirer Israël, aussi sûrement Il apparaîtra au milieu de la désolation, et de Sa main puissante accomplira ce que l’homme tente aussi vainement d’opérer que d’empêcher. À cette même époque, les Juifs se donneront en offrande à Jéhovah ; ils ne viendront pas les mains vides, mais dépouillés d’eux-mêmes avec des cœurs humbles et reconnaissants envers le Seigneur, sur la montagne de Sion ; ils se réfugieront dans les bras de Son éternelle miséricorde, après avoir définitivement échappé à la fureur des Gentils.


Chapitres 19 et 20. — Le premier de ces deux chapitres renferme la charge de l’Égypte, suivie, dans le second, d’une action symbolique imposée au prophète en personne, en signe de l’assujettissement auquel doivent être réduites l’Égypte et l’Éthiopie. Le sens général en est tellement clair, que les explications demeurent superflues.

« Voici, l’Éternel est monté sur une nuée rapide ; il vient en Égypte ». Ainsi le prophète annonce hardiment, avec l’expression de la vérité morale, le renversement certain du grand royaume que la sagesse de l’ancien monde, une avilissante idolâtrie, et d’abondantes richesses avaient particulièrement signalé. À quoi serviront ces fameux remparts, ces fossés profonds qui les entourent, si Jéhovah vient, monté sur une nuée rapide, « et condamne l’Égypte à l’humiliation et à la ruine » ? Plus qu’impuissant sera l’appel aux fausses divinités, car « les idoles tremblent devant Lui, et le cœur des Égyptiens tombe en défaillance ». Des dissensions intestines et la guerre civile (v. 2) ajouteront leurs horreurs aux assauts triomphants du dehors ; et la ruine sera consommée par suite de conseils insensés, aussi bien que par l’abrutissement de tout l’esprit national, car en réponse au recours qu’ils auront à leurs vieux systèmes de superstition et de sorcellerie, Dieu les livrera aux mains de maîtres sévères et à la domination d’un roi cruel (v. 1-4).

Non seulement le Seigneur anéantira les fortifications du pays, mais Il détruira aussi ses appuis intérieurs, tout ce qui fait sa gloire et en quoi repose sa confiance. Car n’est-ce pas ici ce grand dragon d’Ézéchiel « qui se couche au milieu de ces fleuves et qui dit : Mon fleuve est à moi, et je l’ai fait pour moi » ? Oui, c’est bien le même, c’est bien de lui qu’Ésaïe parle dans cette prédiction : « Les eaux de la mer tariront, et le fleuve deviendra sec et aride ; les rivières seront infectes ; les canaux seront bas et desséchés ; les joncs et les roseaux se flétriront, ce ne sera que nudité le long du fleuve, à l’embouchure du fleuve ; tout ce qui aura été semé près du fleuve se desséchera, se réduira en poussière et périra. Les pêcheurs gémiront ; tous ceux qui jettent l’hameçon dans le fleuve seront attristés, et ceux qui étendent des filets sur les eaux se lamenteront. Ceux qui travaillent le lin peigné et qui tissent des étoffes blanches, seront dans la confusion. Les soutiens du pays seront dans l’abattement ; tous les mercenaires auront l’âme angoissée » (v. 5-10).

Au verset suivant, le prophète se met à censurer cette puissance orgueilleuse sur un point dont elle était particulièrement fière et qui faisait sa grandeur tant à ses propres yeux qu’à ceux des autres hommes. Qui n’a pas entendu parler « de la sagesse des Égyptiens » ? Qui ne sait que leur science et leur civilisation étaient très développées, alors que les nations les plus renommées de l’occident qui, les premières, aspirèrent à la souveraineté du monde, n’étaient pas encore sorties de leur ignorance et de leur sauvage barbarie ? « En vérité, les princes de Tsoan ont perdu la raison ; les sages ministres de Pharaon sont stupides dans leurs conseils. Comment osez-vous dire à Pharaon : Je suis fils des sages, fils des anciens rois ? » — « Où sont-ils tes sages, s’écrie le prophète dans son superbe défi, où sont-ils ? Qu’ils te fassent donc des révélations, et qu’ils te découvrent ce que l’Éternel des armées a résolu contre l’Égypte » (v. 11, 12).

Hélas ! que de gens sont encore plongés dans la même sécurité charnelle ! Que d’hommes de nos jours, à l’exemple des conseillers de Pharaon, se reposent sur leur propre habileté, trop sages pour saisir les solennelles déclarations de la prophétie, pas assez pour se préserver d’une folle superstition ou d’une incrédulité plus folle encore ! Les sages de la chrétienté n’ont-ils pas pour maxime que la prophétie ne peut pas être comprise jusqu’à ce qu’elle soit accomplie et que l’événement ait ainsi fixé son interprétation ? J’ose déclarer qu’on ne saurait avancer une idée moins raisonnable et plus positivement contraire à la Parole de Dieu. Parmi les fidèles de l’Ancien Testament, il n’en est aucun qui ne proteste contre cette coupable erreur ; car parmi eux tous, il n’en fut pas justifié un seul qui ne regardât en avant, se confiant pour son âme et pour tous ses intérêts spirituels en quelque chose qui était encore complètement renfermé dans le sein de l’avenir. Et les croyants de la nouvelle alliance seraient-ils appelés de Dieu à être moins fidèles, à moins réaliser ce qui est à venir, eux qu’éclaire une révélation incomparablement plus lumineuse ! Et ce serait nous, nous à qui Dieu a révélé par Son Esprit ce que l’un de Ses serviteurs les plus privilégiés d’autrefois appelait des choses que « l’œil n’avait point vues, que l’oreille n’avait point entendues, et qui n’étaient point montées au cœur de l’homme » ! Même en nous plaçant sur le terrain de la raison, de cette raison dont quelques-uns tirent tant vanité, que peut-il y avoir de plus contraire à cela, puisque Dieu a donné à Son peuple, c’est incontestable, une révélation prophétique ? Est-ce la seule portion des Écritures qui doive être mise au ban de l’intelligence humaine ? Un pareil scepticisme est dangereux, c’est une folie ; c’est un vrai suicide : car de même que le point capital, le centre de la prophétie, est l’approche du jour du Seigneur, qui doit juger l’orgueil, l’irréligion, l’idolâtrie, la rébellion contre Dieu, qui seront trouvées alors sur la terre et particulièrement dans la chrétienté — il sera trop tard pour les hommes, avant qu’ils croient, d’attendre cet événement qui démontrera la vérité des prophéties par leur destruction. Bref, à tout point de vue, la maxime en question est aussi fausse que dangereuse. En réalité elle revient à exclure tout usage direct de la prophétie quelle qu’elle soit ; car elle refuse d’entendre ses avertissements jusqu’à ce que sa voix soit entièrement changée. La prophétie accomplie devient en effet de l’histoire plutôt qu’elle ne reste prophétie, et elle a pour résultat, qui n’est pas d’une petite valeur, de réduire au silence les ennemis de Dieu, plutôt que de faire entendre à Son peuple, comme le fait la prophétie, des paroles de répréhension et d’encouragement.

Mais revenons à notre étude. « Les princes de Tsoan (ancienne ville de la basse Égypte, appelée Tanis par les auteurs profanes), sont fous ; les princes de Noph (la Memphis des Grecs — Os. 9, 6) sont dans l’illusion ; les chefs des tribus égarent l’Égypte ; l’Éternel a répandu au milieu d’elle un esprit de vertige, pour qu’ils fassent chanceler les Égyptiens dans tous leurs actes, comme un homme ivre chancelle en vomissant. Et l’Égypte sera hors d’état de faire ce que font la tête et la queue, la branche de palmier et le roseau ». Le jugement de Dieu vient confondre leur politique.

Je ne veux pas nier que dès les temps du prophète, ces prophéties n’aient pas eu une certaine mesure d’accomplissement. Seulement qu’on ne s’en prévale pas pour exclure leur complet accomplissement qui reste encore à se réaliser.

Il est dans la manière d’Ésaïe, comme d’ailleurs dans celle de la plupart des prophètes, d’être richement compréhensive de sujets, de points de vue. Il fut alors suffisamment accompli de la prophétie, pour l’assurance du fidèle ; mais tout cela ne fut pas plus qu’un témoignage à ce plein et intégral payement que Dieu veut encore faire, à l’honneur tant de Ses propres paroles que du Seigneur Jésus, quand Sa gloire sera manifestée et qu’Il entrera dans Son règne (Apoc. 11). « En ce jour l’Égypte sera comme des femmes ; elle tremblera et aura peur, en voyant s’agiter la main de l’Éternel des armées, quand il la lèvera contre elle. Et le pays de Juda sera pour l’Égypte un objet d’effroi : dès qu’on lui en parlera, elle sera dans l’épouvante, à cause de la résolution prise contre elle par l’Éternel des armées » (v. 16, 17). L’Égypte a son rôle à jouer au moment des terribles convulsions qui précéderont l’apparition du Seigneur ; et c’est à cela que se rapporte le chapitre que nous étudions et qu’il faut comparer avec Daniel 11, 40-43. Il rassemblera en dehors de ce pays une partie de Son peuple dispersé (Ésaïe 11), et dans la poursuite de cette opération, Il détruira la langue de la mer d’Égypte, puis Son souffle puissant s’appesantira sur le fleuve dont Il frappera les sept bras.

Mais la miséricorde se glorifiera par-dessus le jugement ; en ce même temps-là, lorsque l’Égypte sera comme des femmes qui tremblent sous la main de Jéhovah, et que la simple mention de Juda la frappera de terreur, « en ce temps-là, il y aura cinq villes au pays d’Égypte qui parleront la langue de Canaan, et qui jureront par l’Éternel des armées ; l’une d’elles sera appelée ville de la délivrance. En ce même temps, il y aura un autel à l’Éternel au milieu du pays d’Égypte, et sur la frontière un monument à l’Éternel. Ce sera pour l’Éternel des armées un signe et un témoignage dans le pays d’Égypte ; ils crieront à l’Éternel à cause des oppresseurs, et il leur enverra un sauveur et un défenseur pour les délivrer. Et l’Éternel sera connu des Égyptiens, et les Égyptiens connaîtront l’Éternel en ce jour-là ; ils offriront des sacrifices et des oblations, ils feront des vœux à l’Éternel et les accompliront. Ainsi l’Éternel frappera les Égyptiens ; il les frappera, mais il les guérira ; et ils se convertiront à l’Éternel, qui les exaucera et les guérira » (v. 18-22). Il est évident par là que le Seigneur délivrera l’Égypte et la fera revivre.

Les efforts des commentateurs pour expliquer ces versets sont aussi nombreux que vains ; et c’est à juste titre qu’il n’y a que ténèbres pour eux, parce qu’ils n’aperçoivent pas le rapport de ce passage à Christ, à Christ qui sera alors la gloire de Son peuple d’Israël, dont Il est maintenant méprisé. Origène, Eusèbe, etc., l’appliquent à la fuite en Égypte (Matt. 2), au renversement de l’idolâtrie et à l’extension du christianisme ; Jérôme pense qu’il fait allusion à la dévastation de l’Égypte par Nebucadnetsar ; la plupart des interprètes modernes admettent en partie le point de vue de Jérôme et le rapportent, historiquement, aux désastres amenés par les guerres avec Sankhérib, Nebucadnetsar, Psammétique et les Romains ; et, d’une manière mystique, à la glorieuse diffusion de l’évangile dans le passé, le présent et l’avenir. Ces spéculations n’ont pas besoin d’être réfutées ; les indiquer, c’est les condamner suffisamment. La relation du passage controversé avec la crise à venir, qui est la véritable, est encore plus confirmée par les perspectives bénies que nous laissent entrevoir les derniers versets du chapitre. « En ce même temps, il y aura une route d’Égypte en Assyrie : les Assyriens viendront en Égypte et les Égyptiens en Assyrie ; et les Égyptiens avec les Assyriens serviront l’Éternel. En ce même temps, Israël sera la troisième nation unie à l’Égypte et à l’Assyrie. Ce sera une bénédiction au milieu de la terre, que bénira l’Éternel des armées, en disant : Bénis soient l’Égypte mon peuple, l’Assyrie œuvre de mes mains, et Israël mon héritage ! ». Ce n’est pas une scène céleste qui nous est présentée là, mais une scène terrestre. Il n’est pas question de l’état actuel de l’Église, où il n’y a ni Juif, ni Gentil, et où Christ est tout en tous, mais de futures bénédictions abondantes quoique progressives, accordées aux nations. Il ne s’agit pas davantage de la présente dispensation durant laquelle l’ivraie est mêlée au bon grain, mais des temps à venir pendant lesquels tous les scandales seront éloignés de la scène sur laquelle le grand Roi régnera en justice. Cette nation, si fière de sa sagesse naturelle, l’antique oppresseur d’Israël auquel elle a été si souvent en piège, sera humiliée jusque dans la poussière, et du fond de la poussière criera à l’Éternel Dieu d’Israël qui lui enverra un puissant défenseur, et elle Le connaîtra et L’adorera, Lui qui l’a frappée mais qui la guérira et la sauvera. Car depuis le soleil levant jusqu’au soleil couchant, le nom de Jéhovah sera grand parmi les Gentils ; partout l’encens du sacrifice montera vers Lui en offrande agréable. Il n’est donc pas surprenant qu’un autel doive être élevé à l’Éternel au milieu du pays d’Égypte, ainsi qu’un monument sur la frontière pour être pour l’Éternel des armées un signe et un témoignage dans le pays.

Et qu’adviendra-t-il du second oppresseur d’Israël ? Le Seigneur n’a-t-il qu’une bénédiction pour l’ennemi étranger ? N’en a-t-il pas réservé une autre en faveur des Assyriens ? Oui ; le superbe adversaire du nord et de l’est aura sa part, lui aussi, des riches bénédictions de l’Éternel : « En ce même temps, il y aura une route d’Égypte en Assyrie ». Les anciennes jalousies, les vieilles discordes disparaîtront à jamais ; la bonne harmonie, une généreuse confiance, une mutuelle sympathie cimenteront l’alliance fondée sur la connaissance du vrai Dieu. « Les Assyriens viendront en Égypte et les Égyptiens en Assyrie, et les Égyptiens avec les Assyriens serviront l’Éternel ». Heureux seront-ils, bien qu’alors nul ne soit méprisé ni pauvre ! « En ce jour, Israël sera la troisième nation, unie à l’Égypte et à l’Assyrie ». C’est-à-dire qu’Israël sera l’une des trois nations mentionnées ici et choisies pour occuper une position de faveur particulière durant l’époque milléniale. Le Seigneur les bénira en disant : « Bénis soient l’Égypte mon peuple, l’Assyrie œuvre de mes mains, et Israël mon héritage ! ». Ainsi se réalisera encore la promesse adressée à Abraham : « Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai, et je rendrai ton nom grand, et tu seras en bénédiction. Quiconque te bénira sera béni, et quiconque te maudira sera maudit ; et en toi seront bénies toutes les familles de la terre ». Mais même ici, il me semble que la vraie place d’Israël est maintenue, et que le rang des autres est nettement distingué du sien par la sagesse de Dieu, quelque immense que soit Sa bonté pour les autres ; car si l’Égypte et l’Assyrie sont appelées à Le glorifier, Israël n’en porte pas moins le glorieux titre d’héritage de Jéhovah.


Nous apprenons par le chapitre 20, que les Assyriens ravagèrent l’Égypte avec les Éthiopiens, et emmenèrent des prisonniers. L’histoire garde, je crois, le silence sur ce fait ; mais il n’en est pas de même de la prophétie qui déclare que l’Égypte n’échappera pas au roi du Nord (le dernier Assyrien), dans les derniers temps.


Chapitres 21 et 22. — Le premier de ces chapitres, tout court qu’il soit, renferme trois sentences, trois jugements : contre Babylone (v. 1-10) ; contre Duma (v. 11-12), et contre l’Arabie (v. 13-17).

« Oracle sur le désert de la mer. — Comme s’avance l’ouragan du midi, il vient du désert, du pays terrible. Une vision redoutable m’a été révélée. L’oppresseur opprime, le dévastateur dévaste. — Monte, Élam ; assiège, Mède ! Je fais cesser tous les soupirs ». On ne saurait le mettre en doute, ce me semble, il est ici question de la grande capitale chaldéenne ; l’ordre donné aux Mèdes et aux Perses de monter et de l’assiéger l’indique déjà ; ce qui achève de le prouver, c’est le tableau si pittoresque que renferment les versets 3-5 de la soudaine destruction qui transforme la nuit de plaisir en nuit de terreur et de mort pour le monarque et sa cour : « C’est pourquoi mes reins sont remplis d’angoisses ; des douleurs me saisissent comme les douleurs d’une femme qui accouche ; les spasmes m’empêchent d’entendre, le tremblement m’empêche de voir. Mon cœur est en défaillance, la terreur s’empare de moi ; la nuit de mes plaisirs devient une nuit d’épouvante. On dresse la table, la garde veille, on mange, on boit… Debout, princes ! Oignez le bouclier ! » — Le verset 9 contient la preuve décisive de ce que nous avançons, et le nom de Babylone s’y trouve clairement exprimé. Le prophète personnifie la ville ou son peuple.

Il y a cependant quelque chose à remarquer dans les mots employés pour désigner la reine déchue du monde ; il y a évidemment un lien entre ce titre énigmatique : « Oracle sur le désert de la mer », et celui qui s’applique à Jérusalem, au commencement du chapitre 22 : « oracle sur la vallée des visions ». De même que l’élévation et la gloire du premier empire gentil ne furent souverainement permis de Dieu qu’à la suite de l’idolâtrie désespérante de Juda et de Jérusalem, de même le jugement de Babylone était le moment de la délivrance pour le résidu juif, le type de l’intervention finale de Dieu vis-à-vis du dernier détenteur de la puissance qui commença avec la tête d’or de la grande statue. Il y a de la sorte une corrélation entre ces deux villes, Jérusalem et Babylone, soit historique, soit symbolique ; et la dernière est désignée par ces mots : « le désert de la mer » ; la première par ceux-ci : « la vallée des visions ». Jérémie dans sa vision (chap. 51, 42), contemple la mer montant sur Babylone et la couvrant de la multitude de ses flots. De fait, nous savons à quel état de destruction fut réduite cette cité où trônait l’orgueil humain, et dans quelle désolation elle est restée jusqu’à ce jour.

Dans les versets 6 à 10 nous sont présentés les deux chefs envahisseurs et la double nationalité de leurs armées. La sentinelle atteste sa vigilance et rapporte ce qu’elle a vu ; sa déclaration est suivie de la solennelle nouvelle de la chute de Babylone, et le prophète met le sceau à la vérité de cette annonce.

Vient ensuite « l’oracle sur Duma » (v. 11, 12), qui était limitrophe de l’Idumée, s’il n’en faisait pas partie intégrante. « On me crie de Séhir : Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle répond : Le matin vient, puis la nuit. Si vous voulez interroger, interrogez ; convertissez-vous et revenez ». Le cri édomite est un cri de fier mépris et d’orgueilleuse sécurité. La courte réponse qui suit est remplie d’une sérieuse remontrance. Qu’ils ne se confient pas à l’éclat du matin ; car les ténèbres et les dangers de la nuit sont bientôt là ; néanmoins une porte est encore ouverte pour la repentance : « Revenez ! ».

Quant à « l’oracle sur l’Arabie », il y a peu de chose à en dire. Les steppes de l’Arabie n’offriraient pas contre la tempête un refuge plus sûr que les rochers et les montagnes d’Édom. Ce ne sont pas seulement les caravanes de Dedan qui sont recommandées à la pitié et aux soins des habitants de Théma, mais une ruine complète doit être, dans l’espace d’une année, le lot des vaillants archers des enfants de Kédar.


Toute la prophétie du chapitre 22 est dirigée contre Jérusalem. Elle peut avoir eu un accomplissement anticipé du temps du prophète, mais seulement en partie. C’est tellement vrai que Vitringa a toutes les peines du monde à fournir une apparence de démonstration historique en réunissant la double invasion des Assyriens sous Sankhérib, et des Chaldéens sous Nebucadnetsar ; encore ne parvient-il à ce résultat qu’à l’aide d’une violente interversion, en plaçant le mouvement chaldéen aux versets 1 à 5 (comp. 2 Rois 25, 4-5), et celui des Assyriens dans le passage qui fait suite, auquel correspondent 2 Chroniques 32, 2-5. En admettant que la prophétie ait reçu là une première application, il en résulte une forte présomption que ce chapitre, aussi bien que le précédent et tous ceux que nous avons vus, se rapporte au grand jour au matin duquel se réglera le compte des nations, et dans tout son cours celui des individus, c’est-à-dire au jour où les secrets des cœurs seront manifestés. On peut trouver étrange que des croyants soient satisfaits d’un si faible acompte de la part de Celui qui paie jusqu’au dernier quadrant. L’esprit qui taxe d’illusoire l’attente de l’accomplissement ponctuel de l’ensemble de ces prophéties, dans tous leurs détails, à l’exception de ceux qui sont expressément limités à une époque déterminée pour certaines particularités, est un esprit d’ignorance ou d’incrédulité, ou même, ce qui n’est pas rare, de l’une et de l’autre.

Les premiers versets nous montrent la ville passant de l’animation et d’une joie bruyante, à la plus vive inquiétude et à une crainte mortelle, ses défenseurs tombant non sous les coups de l’épée, mais ignominieusement massacrés, ses chefs en fuite et faits prisonniers, au point que le prophète ne peut que se détourner et répandre des larmes amères, car ce trouble, cet écrasement, cette confusion étaient envoyés par le Seigneur, l’Éternel des armées.

Les versets qui suivent montrent l’inutilité et l’impardonnable péché du peuple de Dieu de recourir à des mesures humaines, quand c’est Dieu qui en agit avec lui en jugement. Dans de telles circonstances, il n’a qu’à s’incliner devant la main qui le châtie et à accepter la punition que le Seigneur juge convenable de lui infliger, se souvenant qu’Il est plein des compassions les plus tendres, et que la miséricorde se glorifie vis-à-vis du jugement. Ici le peuple ne s’humiliait point, ni ne reconnaissait les voies de Dieu. « Les derniers retranchements de Juda sont forcés, et en ce jour tu visites les armures de la maison de la forêt. Vous regardez les brèches de la ville de David, car elles sont nombreuses ; et vous retenez les eaux de l’étang inférieur. Vous comptez les maisons de Jérusalem et vous abattez les maisons pour fortifier la muraille. Vous faites un réservoir entre les deux murs pour les eaux de l’ancien étang, mais vous ne regardez pas vers celui qui a voulu ces choses, et vous ne voyez pas celui qui les a préparées de loin. Le Seigneur, l’Éternel des armées vous appelle en ce jour à pleurer et à vous frapper la poitrine, à vous raser la tête et à ceindre le sac. Et voici de la gaité et de la joie ! On égorge des bœufs et l’on tue des brebis, on mange de la viande et l’on boit du vin : mangeons et buvons, car demain nous mourrons ! — L’Éternel des armées me l’a révélé : non, ce crime ne vous sera point pardonné que vous ne soyez morts, dit le Seigneur, l’Éternel des armées ». — Le peuple de Dieu s’efforçait d’échapper par les ressources de la politique — voie funeste qui le conduit à un sadducéisme ouvertement licencieux.

La fin du chapitre nous met sous les yeux le rejet de l’indigne Shebna qui s’était traîné jusqu’au poste de premier ministre, le plus rapproché du trône, qui ne vivait que pour lui-même et qui ne se préoccupait que de sa renommée et de sa gloire, après même qu’il serait mort (v. 15-19). Éliakim, le serviteur de Dieu, est appelé en conséquence à prendre, à la place de Shebna, les rênes du gouvernement. Éliakim sera un père pour Jérusalem et Juda ; la clef de la maison de David sera mise sur son épaule avec une pleine autorité et un pouvoir sans bornes. Nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître ici le type de Christ renversant l’Antichrist ; et le fait même de la réunion de circonstances historiques du passé sans allusion à aucune date, comme nous l’avons vu, et avec des personnages qui n’occupaient pas officiellement, ni l’un ni l’autre, le poste le plus élevé, et toutefois sont décrits en des termes qui révèlent une domination et une puissance dépassant la plus élevée ; ce fait, dis-je, prépare l’esprit à voir dans les événements du dernier jour dans la Terre sainte le seul accomplissement plein et entier de cette portion de l’Écriture.