Écho du Témoignage:Remarques sur le livre de Daniel

De mipe
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W. Kelly

Chapitre 1

Tout lecteur attentif s’aperçoit aisément que ce chapitre n’est que la préface du livre. Il nous introduit sur la scène dont les prophéties qu’il fut donné à Daniel d’interpréter ou de recevoir, constituent le fond, le champ principal où l’Esprit de Dieu va nous transporter. Il peut donc nous servir à pénétrer dans la nature particulière du livre que nous nous proposons d’étudier.

La partie proprement prophétique de Daniel commence au chapitre second. Viennent ensuite certains détails historiques intimement liés, selon moi, avec la prophétie, sinon d’une manière directe, du moins d’une manière typique, qui font ressortir les principes moraux d’après lesquels agissent les pouvoirs du monde, ainsi que la fin à laquelle ils aboutissent.

Pour bien comprendre Daniel, il est nécessaire de ne pas perdre de vue que dans l’Ancien Testament, la prophétie se divise en deux grandes parties. Il y eut des prophéties relatives au peuple de Dieu, à Israël, pendant qu’il était encore sous le gouvernement de Dieu, souvent infidèle il est vrai, mais néanmoins placé sous Sa discipline et jusqu’à un certain point, reconnu de Lui. Les prophéties d’Ésaïe, de Jérémie, d’Ézéchiel et même de quelques-uns des petits prophètes, tels que Osée, Amos et Michée, appartiennent à cette première catégorie. Israël était encore reconnu comme peuple de Dieu, sinon dans son ensemble, du moins cette portion du peuple avec laquelle Dieu conservait certaines voies dans le pays. On comprend que je fais allusion aux tribus de Juda et de Benjamin qui s’étaient attachées à la maison de David. Peu de temps après, ces tribus aussi tombèrent, et l’héritier de David marcha en tête dans un train d’idolâtrie et de rébellion contre l’Éternel. Il en résulta un changement de la plus extrême importance. Le trône de l’Éternel qui était établi dans Jérusalem, disparut tout à fait de la terre. Dieu ne reconnut plus Israël, ni même Juda, comme Son peuple. J’appelle votre attention tout particulièrement sur ce fait, parce qu’il arrive souvent que les chrétiens n’ont qu’une idée bien vague de ce qu’il faut entendre par l’expression « le peuple de Dieu » qu’on rencontre dans l’Écriture. En tant que chrétiens, nous considérons comme formant le peuple de Dieu tous ceux qui Lui appartiennent réellement — ceux qui sont Ses enfants par la foi en Christ. Or, il y a du danger à rattacher les mêmes pensées au langage de l’Ancien Testament. Si l’on examine l’Écriture avec soin, on trouvera que dans l’Ancien Testament l’expression peuple de Dieu ne désigne que les Juifs, ou Israël, et qu’elle ne s’y applique pas simplement à un certain ensemble des élus qu’il pouvait y avoir parmi la nation, mais à la nation entière, ou à cette partie de la nation unie encore, en quelque mesure quoique avec beaucoup d’infidélité, au roi qui occupait le trône selon l’institution de Dieu et reconnue comme le peuple de Dieu, quelle qu’elle pût être d’ailleurs. Plus tard arriva un temps où Dieu désavoua Son peuple. Osée avait prédit la chose, et elle fut accomplie lorsque Dieu livra le dernier roi de Juda au conquérant chaldéen. Dieu aurait sacrifié Sa sainteté, Sa vérité et Sa majesté, s’Il eût supporté plus longtemps les Juifs ou leur roi idolâtre.

Or, c’est un fait remarquable dans l’histoire du monde que, quoiqu’il se fût élevé en Orient certains pouvoirs qui grandissaient en importance et en ambition, jusque-là il n’avait été donné à aucun d’arriver positivement à la supériorité sur tous ses rivaux. Il n’y avait en Occident que des hordes errantes, ou si quelques peuplades avaient formé des établissements fixes, ce n’étaient que des peuplades barbares étrangères à toute civilisation. Dans l’Orient et au Sud, il avait rapidement surgi des puissances. L’une d’elles, l'Égypte, est particulièrement bien connue pour ses rapports avec Israël. Une autre aussi, l’Assyrie, est d’une origine non moins ancienne ; il est même fait mention de son nom, de ses aspirations à l’empire et de ses efforts pour y arriver, avant qu’il soit question de l’Égypte d’une manière quelconque. Ce furent là les deux grandes rivales du monde primitif, et elles possédaient toutes deux une civilisation qui leur était propre. Cette civilisation pouvait être d’un caractère grossier ; mais si l’on croit à l’Écriture, si l’on a contemplé les ruines de l’Égypte et de l’Assyrie, on ne saurait lui refuser une grandeur barbare qui étonne et saisit fortement. Eh bien, ces puissances étaient constamment en lutte pour la domination. Mais, quoique Dieu se servît des Égyptiens et des Assyriens, ou d’autres puissances moins considérables, comme d’une verge de discipline pour le bien d’Israël, néanmoins il ne fut accordé à aucune nation sur la terre d’arriver à la suprématie, jusqu’à ce qu’il eût été rendu pleinement manifeste que le peuple de Dieu s’était montré indigne d’être plus longtemps le témoin de Dieu et la scène de Son gouvernement sur la terre. Alors Éphraïm, le royaume des dix tribus, qui était plongé dans un état désespéré d’idolâtrie, fut emporté le premier par le jugement. Pendant longtemps, on avait vu se succéder sur le trône monarque après monarque, ne faisant que s’imiter ou se dépasser l’un l’autre dans le mal ; et ce n’avait été constamment de tout côté qu’une scène continuelle de rébellion et d’idolâtrie. Aussi, Dieu avait-Il été forcé de chasser du pays, où il avait été planté, ce peuple qui n’avait fait que Le déshonorer. Les deux tribus rattachées à la maison de David étaient bien encore reconnues ; mais les nuages étaient suspendus sur elles, et des embûches leur étaient tendues par l’ennemi de l’espèce la plus fatale. C’est à ce moment de crise que la prophétie brille dans tout son éclat. Car, à mon avis, la prophétie suppose toujours un état de chute. Elle n’intervient jamais durant un état normal ; mais quand la ruine est menaçante, ou qu’elle a commencé, alors la lampe de la prophétie s’allume et brille au milieu des ténèbres.

Il en fut ainsi dès le commencement. Voyez par exemple, en Genèse 3, la révélation que la postérité de la femme écraserait la tête du serpent. Quand fut-elle donnée ? Ce ne fut point pendant qu’Adam marchait dans l’innocence, mais bien après que lui et sa femme furent devenus transgresseurs. Dieu apparut alors, et Sa parole ne se borna pas à prononcer la sentence du serpent ; elle revêtit encore la forme d’une promesse qui devait se réaliser dans la postérité véritable : révélation de l’avenir assurément précieuse et bénie, sur laquelle se reposa l’espérance des croyants. Elle était la condamnation de leur état actuel ; mais elle empêchait que les fidèles qui suivirent se laissassent aller au désespoir, et leur présentait, de la part de Dieu, au-dessus de la ruine que le péché venait d’accomplir, un objet auquel leurs cœurs s’attachèrent. Autre exemple, le cas d’Hénoc. Entre tous ceux qui vécurent avant le déluge, c’est lui que l’Écriture signale tout particulièrement comme ayant prophétisé, quoique le souvenir de sa prophétie ne se trouve consigné que dans l’un des derniers livres du Nouveau Testament. « Voici, le Seigneur vient avec ses saintes myriades pour exécuter le jugement contre tous, et pour convaincre tous les impies d’entre eux de toutes leurs œuvres d’impiété qu’ils ont méchamment commises, et de toutes les paroles dures que les pécheurs impies ont proférées contre Lui ». Maintenant que le mal, trouvé en germe dans Adam, n’a produit de toute part que la corruption et la violence, nous trouvons une prophétie bien positive du jugement qui vient sur le monde. C’était là l’intervention de Dieu en témoignage, avant qu’Il agisse en puissance. Plus tard, on trouve Noé dont la position fut publiquement en rapport avec ce mauvais état de choses, à un degré plus grand encore que ne l’avait été celle d’Hénoc. Je crois que la prophétie d’Hénoc avait une application remarquable au déluge, quoiqu’elle ait naturellement en vue la grande catastrophe des derniers jours. Lorsqu’une prophétie est communiquée, elle a souvent, au moment même ou bientôt après, un accomplissement partiel. Mais il ne faut jamais s’arrêter à ce qui l’a sanctionnée dans le passé, comme si par là toute sa signification était épuisée. Agir autrement serait donner à la prophétie une interprétation particulière. C’est là le véritable sens de 2 Pierre 1, 20 : « aucune prophétie de l’Écriture ne s’interprète elle-même » (ou, n’est d’une interprétation particulière). Il nous faut l’envisager dans la vaste portée des plans de Dieu et de la manifestation de Ses desseins qui trouvent leur consommation à la fin seulement. C’est vers ce point que converge toute la prophétie. Ce n’est qu’alors que nous en aurons l’accomplissement parfait.

Maintenant, arrêtons-nous aux patriarches qui sont expressément appelés prophètes. « Il ne souffrit pas qu’aucun les opprimât, et Il a même châtié des rois pour l’amour d’eux, disant : Ne touchez point à mes oints et ne faites point de mal à mes prophètes ». Dans ce passage, le droit au titre de prophète peut s’expliquer sur le même principe que nous venons de voir. Les patriarches étaient les interprètes d’alors de la pensée de Dieu : « appelés à sortir », parce qu’il s’était introduit dans le monde un mal nouveau et terrible dont il n’est jamais fait mention avant les jours d’Abraham — l’idolâtrie. L’Écriture ne signale l’idolâtrie qu’après le déluge. Elle se répandit de tous côtés et devint prédominante même parmi les descendants de Sem. C’est pourquoi Dieu fit sortir Abraham comme témoin par ses paroles et par ses actes, dans sa séparation d’avec une si flagrante iniquité. La prophétie, ou le fait de l’existence d’un prophète, suppose toujours la présence d’un mal nouveau qui va croissant, à cause duquel Dieu trouve bon de manifester Sa pensée par rapport à l’avenir, et de lui donner une valeur pratique actuelle pour ceux qui se trouvent en ce moment-là sur la terre.

Cela fut rendu manifeste dans le cas de Moïse. Car, quoiqu’il fût le grand législateur, le veau d’or fut établi presque immédiatement ; et la ruine d’Israël comme peuple placé sous la loi, se trouva ainsi consommée. Et ce fut à lui, en sa qualité de grand prophète d’Israël (Deut. 34, 10), à révéler la corruption certaine et croissante du peuple, quelles que pussent être, à la fin, les ressources de la grâce de Dieu, comme à une époque antérieure, il avait prédit l’inévitable jugement de Dieu sur l’Égypte. Descendant plus bas dans l’histoire d’Israël, nous rencontrons celui qui commence la série des prophètes proprement dits ; car voici comment il est mentionné dans l’Écriture : « et même tous les prophètes depuis Samuel, et ceux qui l’ont suivi ». Sa vocation eut lieu à une période très critique de l’histoire d’Israël ; dans un temps où les enfants d’Israël étaient tombés si bas, qu’ils voulaient se servir de l’arche même de Dieu, comme d’un charme pour se garantir de la puissance de leurs ennemis. Ce fut alors que Dieu exposa Son peuple à l’opprobre. Son arche fut prise, et I-Cabod fut le seul nom que pouvait appliquer une âme pieuse qui avait le sentiment vrai de l’état des choses. La gloire s’en était allée ; et c’est à peu près vers ce temps qu’il nous est parlé de Samuel le prophète. Si son apparition était le signe d’une crise nouvelle, elle servit aussi du moins à montrer que Dieu, afin de justifier Son nom, introduit la lumière de la prophétie comme une consolation pour le cœur de ceux qui demeurent fermes pour Lui.

Descendant plus bas encore, nous voyons le plein éclat de la lumière prophétique resplendir au temps du prophète Ésaïe. La raison en est manifeste. Non seulement Israël s’était livré à l’idolâtrie, mais le roi, fils de David, avait pris de fait le modèle de l’autel païen de Damas et voulait en avoir un semblable pour lui-même dans la cité sainte ! C’était là un odieux péché et des plus insultants pour Dieu. Ésaïe est mis à part pour l’office prophétique avec une solennité extraordinaire. Il réalise en lui le mauvais état des Juifs. Il voit la gloire de l’Éternel, et cette vue tire immédiatement de lui la confession de sa propre impureté et de l’impureté du peuple. « Alors je dis : hélas, moi ! Car c’est fait de moi, parce que je suis un homme souillé de lèvres et que je demeure parmi un peuple souillé de lèvres, et mes yeux ont vu le roi, l’Éternel des armées ». Mais un des chérubins touche ses lèvres avec un charbon ardent, lui assurant que son iniquité était ôtée, et son péché purifié. Et il est envoyé avec un message d’aveuglement judiciel sur le peuple, aveuglement qui doit durer jusqu’à ce que les villes aient été désolées et que le pays ait été mis en une entière désolation. De sorte que la prophétie est d’autant plus brillante que le mal est plus manifeste et plus profond. Là où l’avertissement prophétique était reçu, il avait pour conséquence un esprit de repentance et d’intercession, et ensuite Dieu suscitait un roi en témoignage pour Lui-même, tellement que la marche du mal était suspendue pour un temps.

En attendant, la prophétie est de jour en jour plus nette, plus déterminée, dirigeant les cœurs des saints vers Celui que la vierge devait concevoir et enfanter — le Fils de David, Emmanuel, qui, établi en Sion, devait être l’unique et sûr fondement du peuple. Il serait superflu de tracer même une esquisse des grands traits des prophètes qui suivirent. Mais j’ai confiance que de ce qui précède ressort clairement ce grand principe, que la prophétie, envisagée dans son ensemble, intervient quand les choses sont en ruine parmi le peuple de Dieu. À mesure que la ruine devient plus profonde, la prophétie, par la bonté de Dieu, devient aussi plus lumineuse.

Mais, outre ce caractère universel de la prophétie, son premier caractère, nous l’avons vu, celui qui lui appartient comme s’exerçant pendant que Dieu s’occupe encore de Son peuple en discipline, et qu’Il le reconnaît comme sien, la prophétie revêt une autre forme dont Daniel est le grand exemple dans l’Ancien Testament. Voici en quoi elle consiste : lorsque Dieu ne peut plus s’adresser à Son peuple comme tel, Il fait d’un individu l’objet de Ses communications.

C’est là le trait distinctif de Daniel. Il ne s’agit pas, comme dans Ésaïe, de s’adresser directement au peuple, de raisonner, de disputer avec lui, de lui donner des avertissements, ou d’ouvrir devant lui la perspective de brillantes espérances. Ce n’est pas non plus, comme en Jérémie, un prophète établi sur les nations, adressant les appels les plus véhéments et les plus tendres à Israël et à Juda, ou du moins au résidu qui s’y trouve. En Daniel tout est changé. Il n’y a point là de message adressé à Israël ; et la première prophétie, très étendue, que contient le livre ne fut pas accordée d’abord au prophète lui-même, mais consiste plutôt en un songe du roi païen Nebucadnetsar, quoique Daniel se soit trouvé seul capable de le rappeler ou de l’expliquer. Les autres visions ne furent contemplées que par Daniel, et c’est à lui que furent accordées toutes les interprétations.

Quel est le grand enseignement qui résulte pour nous de cette considération ?

L’action de Dieu prenait son point de départ du fait important que Son peuple avait forfait à sa position — du moins pour le temps actuel. Israël avait perdu sa position distinctive en tant que nation : Dieu ne voulait plus le reconnaître. La présence dans son sein d’un nombre plus ou moins considérable de personnes élues, n’arrêtait pas le moins du monde la sentence divine. Il ne s’agissait pas de savoir « s’il s’y trouverait dix justes ». Cette question avait pu être faite au sujet d’une ville cananéenne, la corrompue Sodome, et présentée comme une raison pour l’épargner. Mais Dieu parle-t-Il jamais ainsi relativement à Son peuple ? Il peut bien comparer son iniquité à celle de Sodome ; mais s’il s’agit de son jugement, jamais on ne trouve dans la Parole, même l’insinuation de la pensée que la présence de dix justes eût pu y faire obstacle. Au contraire, il est déclaré expressément en Ézéchiel 14 que « lors même que ces trois hommes, Noé, Daniel et Job y seraient (dans le pays d’Israël), ils ne délivreraient que leurs âmes par leur justice » ; et il est ajouté plus bas : « ils ne délivreront ni fils ni fille ». C’est-à-dire que dans le pays que Dieu a fait sien, et au milieu de Son peuple coupable, n’importe qui peut s’y trouver, n’importe quelle peut être leur justice, les justes seuls seront délivrés et Dieu enverra Ses quatre plaies mortelles. Et les choses se passèrent effectivement ainsi dans cette crise même de la captivité, temps où il se trouvait des justes, tels que les prophètes eux-mêmes et d’autres personnes animées, dans des mesures diverses, d’un esprit semblable. Quelle que soit donc Sa volonté d’épargner le monde, le fait qu’il se trouve parmi Son peuple une poignée de justes, n’est pas pour Dieu un motif pour ne pas juger son iniquité. « Enfants d’Israël, écoutez la parole que Dieu a prononcée contre vous, contre toute la famille que j’ai tirée du pays d’Égypte, en disant : Je vous ai connus vous seuls d’entre toutes les familles de la terre ; c’est pourquoi je visiterai sur vous toutes vos iniquités ». S’il en était autrement, jamais Il n’eût pu s’exercer contre Israël de jugement national, car il se trouva constamment dans son sein une race de fidèles. C’est un principe entièrement faux. Dans un ouvrage qui m’est tombé sous la main, on l’alléguait à l’appui de la pensée que l’Angleterre ne serait pour ainsi dire pas atteinte par le jugement terrible qui va fondre sur les nations de la terre. Voyez, disait-on, que d’hommes de bien on y rencontre ! Quels progrès en haut comme en bas ! Que d’institutions chrétiennes ! Que d’œuvres de charité ! Les Écritures non seulement imprimées en abondance, mais circulant de toutes parts, partout lues, partout prêchées : — Eh bien, ce sont ces faits précisément qui, selon moi, rendent le jugement inévitable ; car il ressort avec clarté des enseignements de l’Écriture que, s’il doit y avoir quelque différence dans la mesure du jugement, ceux qui connaissent la volonté de Dieu et ne la font pas, seront battus de plus de coups. On a de la peine à imaginer une illusion plus fatale que celle par laquelle on se persuade que la possession d’une plus grande mesure de privilèges et de connaissance spirituelle sera un bouclier efficace quand sonnera l’heure du jugement de la terre.

Le Seigneur ne rappelait le souvenir de Tyr et de Sidon (Matt. 11), que pour montrer combien était plus grand encore le crime des villes dans lesquelles Il avait opéré la plupart de Ses miracles : « Malheur à toi, Chorazin, malheur à toi, Bethsaïda, car si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles se fussent repenties avec le sac et la cendre. C’est pourquoi je vous dis que le sort de Tyr et de Sidon sera plus supportable que le vôtre au jour du jugement ». Mais une autre ville, nommée ailleurs sa ville (Matt. 9, 1), avait été plus favorisée encore que celles-là, parce que Jésus en avait fait Sa résidence habituelle. Voici dans quels termes le Seigneur aggrave le crime de cette malheureuse cité : « Et toi, Capernaüm, qui as été élevée jusqu’au ciel, tu seras abaissée jusqu’au hadès ; car si les miracles qui ont été faits au milieu de toi, eussent été faits dans Sodome, elle serait demeurée jusqu’à aujourd’hui. Mais je vous dis que le sort du pays de Sodome sera plus supportable que le tien au jour du jugement ». Ce qui revient à dire en d’autres termes, que la mesure du privilège est toujours la mesure de la responsabilité.

Nous avons vu ensuite le fait, bien propre à surprendre, que le gouvernement que Dieu avait établi en Israël, et qui était accompagné du signe visible de Sa présence, la schékinah de gloire, ne devait plus exister maintenant. Dieu Lui-même avait dépouillé les Israélites du nom qu’ils portaient, en tant que Son peuple. Désormais ils étaient « Lo-Ammi », pas mon peuple ; c’était là leur sentence, pour autant qu’il s’agissait de Lui, quels que pussent être les derniers desseins de Sa grâce, car Ses « dons et son appel sont sans repentance ».

La prophétie de Daniel commence au même temps où s’accomplit ce vaste changement, avec lequel elle a des rapports directs de dépendance. Envisagé à ce point de vue, ce livre présente une analogie frappante avec la grande prophétie du Nouveau Testament. Il est bien vrai que dans cette dernière, des messages spéciaux furent envoyés aux sept églises par le moyen de Jean ; mais c’est à lui, Jean, que le livre, dans son ensemble, fut adressé et confié, quoique parfaitement dans l’intention qu’il fût rendu témoignage des choses dans les églises. Christ envoya signifier la révélation par Son ange, à Son esclave Jean, dont la relation avec la chrétienté est de même nature que celle de Daniel avec la nation israélite. Dans l’un et l’autre cas, la chute était si complète, que Dieu ne pouvait plus adresser la prophétie directement à Son peuple. Aussi y a-t-il une sentence morale de Dieu très sérieuse sur la condition de la chrétienté. C’était une ruine complète, pour ce qui regarde le témoignage pratique que l’Église devait être pour Dieu — Éphèse placée sous la menace de se voir ôter son chandelier, à moins quelle ne se repente, et Laodicée assurée d’être vomie de la bouche du Seigneur. Ce n’est point que Dieu ne continuât de sauver des âmes. Cela, Il l'a toujours fait, et Il le fait toujours ; mais une telle opération n’a rien de commun avec le témoignage que Son peuple est sous la responsabilité de rendre. Plus de deux cents ans après que Juda fut devenu Lo-Ammi, Malachie pouvait parler de plusieurs comme craignant l’Éternel, et s’entretenant ensemble : « Et ils seront miens, dit l’Éternel des armées, quand je mettrai à part mes plus précieux joyaux, et je leur pardonnerai, comme un père pardonne à son fils qui le sert ». Tout cela pouvait être vrai, et la solennelle sentence de Dieu — « pas mon peuple » — continuer néanmoins de reposer sur eux : les circonstances n’affectaient en rien, ni le jugement dont Il avait frappé la nation, ni la grâce qu’Il déployait envers les âmes fidèles qui s’y trouvaient. Or, ce qui était vrai alors, le demeure également aujourd’hui. Le salut et la bénédiction des âmes continuent, mais devant Dieu ce qui porte le nom de Christ dans le monde, est aussi éloigné de réaliser ce que nous devrions être, selon les pensées de Dieu, que le peuple d’Israël l’était d’accomplir le dessein de Dieu à son égard.

Aussi, le caractère de son livre est-il en parfaite harmonie avec le caractère du temps où Daniel fut appelé à être prophète. C’était au moment où les derniers vestiges du peuple de Dieu allaient disparaître. Jérémie 25, 1 donne pour date du commencement du règne de Nebucadnetsar, la première attaque qu’il fit contre Juda. Or, je voudrais faire remarquer précisément, qu’il y a une légère différence entre cette donnée, et celle que nous trouvons en Daniel 2. À Babylone, où écrivait Daniel, on comptait naturellement les années du règne de Nebucadnetsar à partir du moment où il avait succédé au trône, après la mort de son père ; tandis qu’à Jérusalem, où prophétisait Jérémie, ce compte se faisait, tout aussi naturellement, à partir du temps où Nebucadnetsar, durant la vie de son père, avait manié le pouvoir pour la ruine de Jérusalem et des Juifs. Ce cas, on le sait, n’est pas rare, tant dans l’histoire sainte, que dans l’histoire profane.

Toutes les difficultés que présente la Parole de Dieu ne proviennent réellement que du manque de lumière, et en général, de ce qu’on ne comprend pas la portée de la portion particulière où on les rencontre. Mais à propos de dates, je ferai une autre petite remarque qu’il est bon de ne pas perdre de vue, et à laquelle donne lieu le premier verset de notre chapitre rapproché de Jérémie 25, 1. La supputation des années se fait parfois à partir de leur commencement et parfois aussi à partir de leur expiration ; c’est-à-dire, qu’on les compte en y comprenant, ou en retranchant l’année indiquée. Il en est ainsi dans les exemples bien connus des jours écoulés entre la mort et la résurrection de notre Seigneur, et des six ou huit jours qui précédèrent Sa transfiguration. C’est de cette manière que Daniel dit : « La troisième année de Jehoïakim », et Jérémie « la quatrième année ». L’un indique l’année complète, échue, du règne, et l’autre l’année courante.

Si nous en venons au caractère moral de la prophétie de Daniel, nous trouvons la clé des voies de Dieu au temps où elle fut émise, dans le fait que Dieu n’avait plus sur la terre de gouvernement direct, immédiat. Il avait reconnu David et ses descendants comme les rois qu’Il avait établis sur le trône de l’Éternel à Jérusalem, 1 Chroniques 29, 23. Il n’y avait pas d’autres rois ainsi reconnus de Dieu. Ils étaient, dans un sens tout particulier, les oints devant lesquels même le grand sacrificateur devait marcher.

Et voici ce que l’intention de Dieu était de représenter par eux : leur royauté était une préfiguration de ce que Dieu va faire par Christ et en Christ, le véritable Fils de David. La même chose se voit dans toute l’Écriture. D’abord l’homme est placé, sous sa responsabilité, dans une certaine position, et immédiatement survient la chute ; ensuite la position est reprise par Christ qui l’établit sur un fondement qui ne peut être ébranlé. Voyez-le dans les faits consignés dans la Parole. Dieu crée l’homme et le place dans le paradis entièrement sans péché, et avec autorité sur la création inférieure. L’homme tombe aussitôt. Cependant Dieu n’abandonne pas Son dessein d’avoir un homme dans le paradis. Mais où le trouverons-nous maintenant ? Il a entièrement failli dans la personne du premier Adam. Adam fut banni d’Éden : sa race est demeurée jusqu’à ce jour une race d’exilés ; et tous les efforts de l’homme en ce monde, tous les progrès matériels qu’il peut accomplir, ne sont qu’autant de palliatifs par lesquels il cherche à se dissimuler le fait solennel que Dieu l’a chassé du paradis. Mais la personne du dernier Adam est la réponse glorieuse de Dieu à la perte faite par l’homme du premier dépôt qui avait été confié à sa garde : — le second homme exalté dans le paradis de Dieu. Autre exemple : Noé, paraît-il, recommence le monde après le déluge, et pour la première fois le droit de vie et de mort est remis entre ses mains. « Quiconque répandra le sang de l’homme, par l’homme son sang sera répandu, car Dieu a fait l’homme à son image ». Cette parole posait la base du gouvernement civil, et mettait l’homme dans l’obligation de mettre un frein aux actes de violence, ou de les punir. Cette disposition n’a jamais été révoquée. Partout où il est reçu, le christianisme introduit d’autres principes, des principes célestes ; mais le monde reste lié, pour sa conduite, par ce décret irrévocable de Dieu. Noé faillit cependant à son dépôt, d’une manière aussi complète qu’Adam avait failli en Éden. Il ne se gouverna pas, ni ne gouverna sa famille à la gloire de Dieu. Il s’enivre, et son plus jeune fils l’outrage. Le résultat en est qu’au lieu de la bénédiction universelle d’un gouvernement juste, c’est une malédiction qui tombe sur une partie de ses descendants. De même, au temps convenable, le principe d’un roi placé sous la responsabilité de dominer avec justice sur le peuple de Dieu, fut mis à l’épreuve dans la maison de David. Et que fut-il trouvé ? Avant même que David fût mort, il y avait eu un si horrible péché qu’il fut déclaré que l’épée ne sortirait jamais de cette famille même, qui aurait dû assurer la bénédiction à Israël. Est-ce donc que Dieu ait abandonné Son dessein ? En aucune manière. Le Seigneur Jésus reprend la primauté, le gouvernement et le trône du Fils de David. Il en est ainsi de tous les principes qui ont manqué entre les mains de l’homme : ils seront tous magnifiés et établis à toujours dans la personne et à la gloire du Seigneur Jésus.

Nous avons vu que Jérusalem cesse d’être le trône de Jéhovah. Et en harmonie avec ce fait, Jérémie nous montre la cité sainte comptée parmi les autres nations, simplement comme une d’entre elles : seulement, ayant été la plus privilégiée, elle est aussi la première à boire la coupe de la colère de Dieu. Babylone doit la boire aussi, mais c’est d'abord à Israël. Le même chapitre (25) renferme la prédiction précise de la captivité de soixante-dix ans, durant lesquels Juda devait demeurer dans la transportation à Babylone ; et ensuite viendrait, à la fin, le jugement de la puissance qui l’avait emmené captif. Mais en prédisant la suprématie naissante de Babylone et son jugement final, et cela, non pas uniquement comme simple affaire d’histoire, mais comme type de la ruine du monde dans le jour du Seigneur, Jérémie ne nous fait pas connaître les détails qui trouvèrent leur place dans l’intervalle. C’est ainsi, par exemple, qu’Ézéchiel, au milieu des captifs de Kebar, nous fait connaître, dans la première moitié de sa prophétie, le moment où les puissances du monde se livrent le grand combat en vue de la prééminence. Pharaon Neco, roi d’Égypte, désirait y atteindre ; mais il est détruit, comme avant lui l’avait été l’Assyrien ; et Babylone reste seule avec son ambitieuse prétention à la domination universelle. Il y avait alors ces trois puissances, l’Assyrie, l’Égypte, et Babylone ; cette dernière, comparativement jeune comme grand royaume, quoiqu’elle eut été fondée vraisemblablement sur l’association la plus ancienne de toutes les confédérations, savoir, celle de Babel — « le commencement du règne de Nimrod ». Elles étaient comme des animaux féroces tenus en laisse par une main invisible, jusqu’à ce que l’expérience eût été parfaitement achevée, pour savoir si la fille de Sion voudrait marcher avec le Seigneur, dans l’humilité et l’obéissance, ou, à Son appel, se détourner de son apostasie et se repentir. Mais elle ne fit ni l’un, ni l’autre. C’est ce qui donna lieu à un fait qu’on n’avait jamais vu auparavant : — il surgit un empire universel.

Le déluge, et le jugement de Dieu, à Babel, furent suivis de la grande dispersion des peuples et de la division du genre humain en familles, tribus, langues et pays séparés. Israël était, dans le plan de Dieu, le centre de ce système de nations indépendantes. On lit au Deutéronome 32, 8 : « Quand le Souverain partageait les nations, quand Il séparait les enfants des hommes les uns des autres, Il établit les bornes des peuples, selon le nombre des enfants d’Israël ». Tout fut arrangé, en rapport avec Israël, car « la portion de Jéhovah est son peuple ; Jacob est le lot de son héritage ». Israël était le centre, selon Dieu, de la terre ; et Dieu veut encore réaliser Son plan. Quoique complètement dépouillé à cause de la méchanceté du peuple, Israël doit être pour Dieu le centre des nations dans ce monde, car la bouche de l’Éternel a parlé. Ce point aussi, des desseins de Dieu, a été mis à l’épreuve dans les mains de l’homme, et comme les autres il a manqué ; ensuite il a été placé entre les mains de Christ qui l’accomplira en Son temps. L’orgueil d’Israël le porta à faire dépendre de son obéissance à Dieu, la réalisation de ce privilège qui lui était destiné. À Sinaï, il se soumit à la responsabilité d’observer la loi. Toutes les fois qu’un pécheur entreprend d’avoir à faire avec Dieu sur cette base, c’en est fait de lui ; il est perdu. Le seul fondement sûr et humble se trouve non en ce qu’Israël voulait être pour Dieu, mais en ce que Dieu voulait être en fidélité, en amour et en compassion à l’égard d’Israël. Et il en est ainsi pour toute âme, dans tous les temps. Israël ayant accepté d’être béni sous la condition d’obéir à la loi, la loi devint pour lui une verge, et Dieu fut forcé de le juger. La mort, en conséquence, était certaine, malgré la patience merveilleuse de Dieu. À la chute du peuple succéda celle de la sacrificature, et les rois à la fin marchèrent les premiers dans la pratique de toute sorte de mal. Dieu fut forcé d’abandonner Son peuple. À partir de ce moment, tout ce qui tenait en échec les nations de la terre fut ôté, et les puissantes dynasties rivales purent combattre pour la domination. Il n’y avait plus de peuple que Dieu reconnût comme la scène de Son gouvernement. Si seulement le cœur d’Israël s’était tourné vers Lui, comme l’aiguille aimantée se tourne vers le pôle en dépit de ses oscillations, il y aurait eu long support (comme il y en eut effectivement au plus haut degré), et Dieu l’aurait établi dans la bénédiction à toujours. Mais quand ce n’était pas seulement le peuple, mais le roi, l’oint de Jéhovah, qui effaçait jusqu’à Son nom même du pays ; quand, dans Son propre temple, Sa gloire était donnée à un autre, c’en était fait de tout pour le moment, et « Lo-Ammi » était la sentence de Dieu. L’idolâtrie d’Israël était maintenant parvenue à son comble, apostat qu’il était du Dieu vivant, et décidé à se faire, s’il était conservé, l’actif champion des abominations païennes. Aussi, par le jugement de Dieu, peuple et roi s’en vont à la fin en captivité.

À ce moment, Daniel apparaît à la cour du monarque babylonien, suivant la parole certaine d’Ésaïe au roi Ézéchias (És. 39, 7). « Les temps des Gentils » (car c’est ainsi qu’il faut lire la phrase remarquable de Luc 21) étaient commencés ; et c’est de ces temps-là que Daniel est le prophète. Ils ne doivent pas courir toujours ; ils ont une limite assignée de Dieu, pour l’époque où Son gouvernement direct de la terre, actuellement interrompu, reprendra son cours, et où Israël sera de nouveau reconnu comme le peuple de Dieu. Dans l’intervalle, ainsi que nous l’avons vu, la vocation distinctive de ce peuple se trouvant perdue, Dieu, dans les voies de Sa providence, laisse s’élever, dans les grands empires gentils qui succèdent l’un à l’autre, un nouveau système de gouvernement, le système de l’unité impériale. Il ne s’agit plus ici de nations indépendantes, chacune d’elles ayant son souverain ; mais, Dieu Lui-même sanctionne dans Sa providence, l’assujettissement de toutes les nations de la terre à l’autorité absorbante d’un seul individu. C’est là ce qui caractérise « les temps des Gentils ». Auparavant on n’avait pas vu d’exemple d’une telle chose, quoiqu’il ait pu y avoir des conquêtes de royaumes puissants sur des royaumes plus faibles. Même l’historien incrédule est forcé de reconnaître, comme toute histoire le fait, les quatre grands empires de l’ancien monde. Israël se trouvait maintenant confondu dans la masse des nations. De là vient que nous trouvons l’introduction de l’expression « le Dieu du ciel », comme si, à partir de ce moment, Dieu avait cessé de contrôler immédiatement la terre, dans le caractère dans lequel Il avait gouverné Israël, au moins d’une manière typique. Maintenant ce contrôle avait entièrement disparu ; et Dieu, agissant dans Sa souveraineté, et à distance, pour ainsi dire, de la scène — comme le « Dieu du ciel », donnait à certaines puissances gentiles de se succéder l’une à l’autre dans un empire aussi étendu que le monde.

Avant de clore ces remarques préliminaires, j’ajouterai quelques mots sur les grands traits moraux de ce chapitre ; car s’ils sont manifestés avec éclat en Daniel, ils n’ont pas été écrits pour lui seulement, mais aussi pour nous, si nous désirons la même bénédiction.

Le chapitre débute par le tableau de la complète ruine des Juifs, en présence de leur vainqueur. Les voilà maintenant assiégés et accablés dans leur dernière forteresse. « La troisième année du règne de Jehoïakim, roi de Juda, Nebucadnetsar, roi de Babylone, vint contre Jérusalem, et l’assiégea. Et le Seigneur livra entre ses mains Jehoïakim, roi de Juda, et une partie des vaisseaux de la maison de Dieu que Nebucadnetsar fit emporter au pays de Shinhar en la maison de son dieu ; et il mit ces vaisseaux en la trésorerie de son dieu ». Les versets qui suivent nous font connaître l’accomplissement de la prophétie remarquable d’Ésaïe, à laquelle nous avons fait déjà allusion. Ézéchias avait été malade à la mort. Sur son désir ardent de vivre encore, Dieu avait ajouté quinze ans à ses jours, et cette promesse lui avait été scellée par un signe éclatant : le soleil était retourné de dix degrés, par les degrés par lesquels il était descendu. Mais il lui eût mieux valu avoir bien appris la leçon de la mort et de la résurrection, que d’avoir obtenu une prolongation de vie pour tomber dans le piège, et entendre parler des malheurs qui attendaient encore sa maison, et de l’évanouissement des espérances d’Israël. Je ne puis dire que ce soit un signe aussi remarquable qui ait surtout attiré l’attention du peuple le plus renommé dans l’ancien monde pour son savoir astronomique. Toujours est-il certain que le roi de Babylone envoya alors des lettres et un présent à Ézéchias, non pas seulement parce qu’il avait été malade, mais pour s’informer du miracle qui avait eu lieu dans le pays (2 Chron. 32, 31). Au lieu de « s’en aller doucement toutes ses années », Ézéchias déploie tous ses trésors devant les ambassadeurs de Merodac-Baladan. « Il n’y eut rien dans sa maison et dans toute sa cour qu’Ézéchias ne leur montrât ». « Alors Ésaïe dit à Ézéchias : Écoute la parole de l’Éternel des armées : Voici, les jours viennent que tout ce qui est dans ta maison, et ce que tes pères ont amassé dans leurs trésors jusqu’à aujourd’hui, sera emporté à Babylone : il n’en demeurera rien de reste, dit le Seigneur. Même on prendra de tes fils qui sortiront de toi, et que tu auras engendrés, afin qu’ils soient eunuques au palais du roi de Babylone ».

Nous voyons dans notre chapitre l’accomplissement de cette prophétie. « Et le roi dit à Ashpenaz, capitaine de ses eunuques, qu’il amenât d’entre les enfants d’Israël et de la race royale, et des principaux seigneurs, quelques jeunes enfants en qui il n’y eût aucun défaut, beaux de visage, instruits en toute sagesse, connaissant les sciences, qui eussent beaucoup d’intelligence, et en qui il y eût de la force, pour se tenir au palais du roi ; et qu’on leur enseignât les lettres et la langue des Chaldéens ». En conséquence, « le roi leur assigna pour provision, chaque jour, une portion de la viande royale, et du vin dont il buvait, afin qu’on les nourrît ainsi durant trois ans, et qu’ensuite ils servissent en présence du roi ». En même temps on fait subir aux noms de Daniel et de ses trois compagnons, un changement dans le désir, semblerait-il, d’effacer le souvenir du vrai Dieu en les remplaçant par des noms dérivés des idoles de Babylone. « Le capitaine donna à Daniel le nom de Belteshatsar, à Hanania celui de Shadrac, à Mishaël celui de Méshac, et à Azaria celui d’Abed-Nego », noms tirés très probablement de Bel et des autres faux dieux adorés alors en Chaldée.

Considérons maintenant ce que le Saint Esprit enregistre, comme nous révélant en particulier l’état du cœur de Daniel pour Dieu, afin que dans ses voies morales il fut un vaisseau à honneur et utile au Maître. Comme le pouvoir du Seigneur est au-dessus de toutes les circonstances ! Daniel et ses compagnons ne disent rien au changement de leurs noms, tout pénible qu’il a dû leur être : ils étaient esclaves, la propriété d’un autre qui avait le droit de les nommer comme il voulait. « Mais Daniel se proposa dans son cœur de ne se point souiller par la portion de la viande du roi, ou par le vin dont le roi buvait ». À écouter la nature, une chère pareille eût dû être reçue avec gratitude : la foi opère, et ils la refusent. Faisant partie de la provision journalière d’un roi idolâtre, elle se rattachait aux faux dieux du pays. Même dans leur propre pays, et toute idolâtrie à part, Dieu voulait qu’on séparât les choses pures et les choses impures, et un grand nombre de celles qui étaient en estime parmi les Gentils étaient une abomination pour un Juif. La loi était absolue sur ces souillures ; et en qualité de Juif, Daniel était tenu de l’observer. Le christianisme arrive, et délivre la conscience de toute anxiété quant à de telles choses. « Mangez, dit saint Paul, de tout ce qui se vend à la boucherie, sans vous enquérir de rien à cause de la conscience ». Il en est de même d’un festin. Si cependant le chrétien apprenait que telle viande avait été sacrifiée aux idoles, il ne devait pas en manger, tant à cause de ceux qui l’en avertissaient qu’à cause de la conscience. Mais, quant au Juif, c’était une séparation absolue, sans distinction, qui était requise de lui. Daniel se montra, sur le champ, décidé pour le vrai Dieu. Il ne s’agissait point pour lui de faire à Babylone ce qui s’y faisait, mais bien, de la volonté de Dieu en tant que prescrite à Israël. C’est pourquoi il supplia le chef des eunuques, afin de pouvoir ne point se souiller. En attendant, Dieu avait agi dans Sa providence pour que Daniel obtînt une faveur spéciale. Mais cette action n’affaiblissait pas l’épreuve de sa foi ; et quand on lui allègue des difficultés et des dangers, il continue à se confier en Dieu. Hélas ! nous sommes tous en état de trouver de bonnes raisons pour de mauvaises choses. Mais l’œil de Daniel était simple et son corps rempli de lumière, seuls moyens de comprendre la pensée de Dieu. Il ne considéra pas ce qui pouvait lui être agréable à lui-même ; il ne craignit pas de s’exposer au péril ; il envisagea la matière dans sa connexion avec Dieu. Il demande seulement qu’on les éprouve pendant dix jours, « et qu’on leur donne des légumes à manger et de l’eau à boire : après cela qu’on regarde nos visages ». La nourriture qu’un cœur sincère sentait convenir à une telle situation, ce n’était point « le pain agréable au goût », mais celle qui parlait d’humiliation devant Dieu : une chère telle que les plus chétifs l’eussent dédaignée dans cette orgueilleuse et délicate cité. Et quelle fut l’issue de cette épreuve ? Daniel et ses trois compagnons en reviennent, « ayant leurs visages en meilleur état, et ayant plus d’embonpoint que tous les jeunes gens qui mangeaient la portion de la viande royale ». Ils furent ainsi préservés de toute autre inquiétude à cet égard. Mais ce n’est pas tout. Il y eut encore pour eux la bénédiction positive, par laquelle Dieu leur donna de la science et de l’intelligence dans toutes les lettres, et de la sagesse ; et il est ajouté de Daniel : qu’il s’entendait en toute vision et dans les songes. Ils furent préparés de Dieu pour l’œuvre que chacun d’eux eut à accomplir plus tard. Dieu était Lui-même leur instituteur, et l’épreuve de leur foi formait une partie nécessaire, essentielle, de leur éducation à Son école. « Ensuite quand ils vinrent devant le roi, il ne s’en trouva aucun de semblable à eux. Et dans toute question savante et qui demandait de la pénétration, sur quoi le roi les interrogea, il trouva dix fois plus de science en eux que dans tous les tireurs d’horoscope et les astrologues qui étaient en tout son royaume ».

Cette leçon nous regarde. Si nous voulons comprendre les Écritures, il faut que nous marchions aussi séparés d’avec le monde. Rien n’est plus mortel à l’intelligence spirituelle, que de flotter à tous les vents dans le courant des opinions et des voies humaines. La parole prophétique est la lumière qui nous montre la fin de tous les projets et de l’ambition de l’homme. « Et le monde s’en va et sa convoitise, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement ». Sans aucun doute, « la terre sera remplie de la connaissance de la gloire de l’Éternel, comme les eaux comblent la mer ». Mais tous les plans des hommes seront d’abord réduits à néant, « les peuples auront travaillé pour le feu et les nations se seront fatiguées très inutilement ». L’Éternel Lui-même le fera. S’il se trouve dans l’Écriture une vérité qui ressorte avec plus d’évidence qu’une autre, ou plutôt, une vérité que toutes les autres supposent, c’est celle de la chute totale, de la ruine entière de l’homme, dans tout ce qui regarde Dieu, avant que Sa grâce intervienne et triomphe. Et cela n’est pas vrai seulement des hommes inconvertis : c’est vrai aussi de Son peuple d’autrefois, et de Son Église d’à présent. Le succès le plus important que l’ennemi puisse remporter, à l’exception toutefois de la ruine des fondements, est celui qu’il obtient par le mélange des saints avec le monde, et par l’obscurcissement, qui en résulte, de l’intelligence spirituelle chez ceux qui doivent être sa lumière. La volonté de Dieu est de nous avoir en communion pratique, réelle, avec Lui : c’est à Sa lumière que nous voyons clair. Quand nous avons saisi la fin à laquelle aboutissent toutes les machinations auxquelles se livre Satan pour traverser l’œuvre de Dieu, cette intelligence nous tient séparés de tout ce qui mène là, et nous unit à tout ce qui est cher à Dieu. Alors « le sentier des justes est comme une lumière resplendissante, qui augmente son éclat jusqu’à ce que le jour soit en sa perfection ». En marchant de cette manière, nous comprendrons la Parole de Dieu. Il ne s’agit point de capacité intellectuelle, ou de science. Toute l’érudition humaine dans les choses de Dieu n’est que pauvres haillons, partout où on en fait quelque chose de plus qu’une servante. Pour être en état de profiter pleinement de la Parole de Dieu, il faut que les chrétiens apprennent à tenir toutes leurs connaissances sous les pieds. S’il en est autrement, qu’il sache peu ou beaucoup, l’homme est esclave de son savoir qui usurpe la place de l’Esprit de Dieu.

La foi constitue le moyen unique d’acquérir l’intelligence spirituelle et d’en réaliser la puissance. Or, la foi nous soumet et nous tient soumis au Seigneur, et nous sépare de ce siècle mauvais. Daniel se tint séparé de ce qui, aux yeux d’un Juif, déshonorait Dieu, et Dieu le bénit d’une grande mesure de sagesse et d’intelligence.

Chapitre 2

Avant d’entrer dans le sujet que j’ai devant moi, je désire signaler une preuve manifeste que le chapitre 1 est un chapitre préliminaire. Le dernier verset nous apprend que Daniel fut là jusqu’à la première année du roi Cyrus. Il résulte de ces paroles que le chapitre n’a pas simplement pour but de donner un récit de certaines circonstances, avant que nous soyons introduits dans la connaissance des révélations, ou des faits divers, dont la succession se déroule dans ce livre, mais bien de nous montrer comment avait été préparée la place que Daniel devait occuper ; après quoi nous sommes, pour ainsi dire, conduits à la fin. En d’autres termes, c’est la déclaration de la présence continue de Daniel pendant toute la durée de la monarchie babylonienne et même au commencement de celle des Perses. Cela ne veut point dire que Daniel vécut seulement la première année du roi Cyrus, car la dernière partie du livre contient une vision postérieure à cette date ; c’est simplement la constatation du fait qu’il était en vie lorsque commença une dynastie nouvelle. On verra aussi que la fin du dernier chapitre forme une conclusion également convenable du livre, et fait, à ce titre, le pendant du chapitre premier envisagé comme préface.

Mais avant d’aller plus loin je présenterai une remarque générale. Le livre se divise en deux parties à peu près égales. La première est relative aux grandes puissances gentiles, et aux traits qui caractérisent leur conduite extérieure ; et enfin, au jugement de tout cet état de choses. Elle va jusqu’à la fin du chapitre 6. La seconde partie commence au chapitre 7, et s’étend jusqu’à la conclusion du livre. Elle ne nous donne pas l’histoire extérieure des quatre empires gentils, mais ce qui, dans leur histoire, intéresse plus particulièrement le peuple de Dieu. Cela était indiqué, avec assez d’évidence, par la circonstance que la première partie ne se compose pas des visions contemplées par Daniel ; car la seule vision, proprement dite, qui s’y trouve, fut contemplée par Nebucadnetsar. Il y en a une dans le chapitre 2, et ensuite une autre, d’un caractère différent, au chapitre 4 : les chapitres 3, 5 et 6 contenant le récit de faits en rapport avec la condition morale des deux premières monarchies ; mais rien de tout cela ne fut premièrement révélé à Daniel, et les visions ne furent pas non plus contemplées par lui. Tandis que, au contraire, la seconde partie du livre se compose exclusivement de communications accordées au prophète lui-même. Et c’est là que nous trouvons, non pas simplement des choses propres à frapper l’esprit naturel, mais les secrets de Dieu qui concernent et intéressent particulièrement Son peuple, et par conséquent aussi des détails. La preuve externe de cette différence de but et de portée entre ces deux grandes sections de Daniel, c’est que le chapitre 6 qui termine la première nous mène de nouveau jusqu’à la fin : « Ainsi, Daniel prospéra au temps du règne de Darius et au temps du règne de Cyrus, de Perse ». Or, cela est à remarquer, parce que le chapitre suivant revient de nouveau en arrière à Belshatsar : « La première année de Belshatsar, roi de Babylone, Daniel vit un songe ; et étant dans son lit, etc. ». Cela se passait longtemps avant Cyrus, de Perse. — Ensuite nous lisons au chapitre 8 : « La troisième année du roi Belshatsar » ; et au chapitre 9 : « La première année de Darius, fils d’Assuérus ». Jusque-là tout se suit régulièrement, et nous arrivons ainsi au chapitre 10[2] : « La troisième année de Cyrus, roi de Perse, une parole fut révélée à Daniel, etc. ». La première partie (chap. 1-6) nous mène jusqu’à la fin, d’une manière générale ; et la deuxième (chap. 7-12) de même, dans un ordre égal ; se distinguant l’une de l’autre, non pas seulement par cet arrangement extérieur, mais surtout par la différence morale que j’ai déjà signalée entre elles : l’une s’occupant de l’aspect extérieur de l’état de choses, et l’autre de son caractère intérieur, moral. Quiconque a lu avec intelligence Matthieu 13, sait que cette manière de traiter un sujet n’est pas sans précédent dans la Parole de Dieu. En effet, ce chapitre présente un exposé régulier du royaume des cieux, dans une suite de quelques paraboles dont la première est une parabole préliminaire, qui sert d’introduction au sujet. Or, si vous prenez les six autres paraboles (car il y en a juste sept en tout) vous verrez qu’elles se divisent en deux sections dont chacune en renferme trois, et dont la première a trait à l’aspect intérieur du royaume, et la dernière à ses relations plus intimes et plus cachées.

C’est exactement ce que nous avons en Daniel. D’abord, l’histoire extérieure qui se poursuit jusqu’à la fin ; et ensuite vient l’histoire intérieure, ou ce qui était d’un intérêt particulier pour ceux qui avaient l’intelligence des voies de Dieu. Cette remarque suffira pour montrer que le livre que nous étudions est caractérisé par la méthode divine que nous devons nous attendre à trouver dans la Parole de Dieu. Toutes les œuvres de Dieu, et plus particulièrement Sa Parole, portent l’empreinte d’un dessein profond. Certes, le doigt de Dieu Lui-même se révèle avec évidence sur ce qu’Il a fait ; cependant la mort est entrée, et la créature a été assujettie à la vanité. De là proviennent les gémissements de la création inférieure ; et à mesure que l’on s’élève sur l’échelle de la vie animale, la misère devient plus intense. L’homme a davantage conscience de la misère que son péché a amenée sur le monde et sur la création dont il a été fait le seigneur, et il est aussi plus capable de la sentir. Mais quant à la Parole, quoiqu’il puisse s’y trouver des fautes et des erreurs de copistes, pour la plus grande partie ce ne sont que des taches légères. Elles peuvent bien obscurcir un peu sa pleine lumière, mais elles sont insignifiantes auprès de l’éclat manifeste de ce que Dieu donne, même au moyen de la version la plus imparfaite. Selon qu’elle passe par les mains des hommes, nous pouvons découvrir plus ou moins de cette faiblesse inhérente au vase de terre ; mais, par la grande miséricorde de Dieu, il y a toujours en elle une riche lumière pour toute âme honnête.

Mais abordons la première grande scène du livre. Elle nous montre comment la sagesse du monde fait entièrement défaut. À la cour de Babylone, on prenait soin, d’une façon peu ordinaire, d’avoir des hommes instruits en toute sorte de sagesse et de connaissance. Le temps était venu maintenant de mettre cette sagesse à l’épreuve. Pendant que le grand roi gentil se livrait sur son lit à ses méditations, il plut à Dieu de dérouler devant lui, dans une vision, l’histoire future du monde : d’un côté, dans le but de satisfaire le désir qu’il éprouvait de contempler sans voile le cours ultérieur des âges ; et en même temps, pour lui faire sentir la parfaite impuissance de toutes les ressources humaines. C’était l’occasion, pour Dieu, de manifester Sa propre puissance, ainsi que la parfaite sagesse dont un pauvre captif pouvait devenir le canal. C’est là un exemple éclatant des voies de Dieu. Ces Juifs étaient là : et l’orgueilleux monarque pouvait avoir eu la pensée que si Dieu était pour eux, ils n’auraient pu tomber sous son pouvoir. Mais quand les serviteurs de Dieu sont coupables, il n’est personne dont Dieu mette en évidence les fautes avec autant de soin. Voyez-le en Abraham, ou en David. C’est Dieu seulement qui nous a appris les péchés qu’ils commirent. Il aime trop les siens pour cacher leurs fautes. C’est de l’essence de Son gouvernement moral qu’Il soit le dernier à mettre ou à laisser un voile sur ce qui Lui déplaît, en ceux-là mêmes qu’Il aime le mieux. Prenez une famille bien gouvernée. L’amour d’un père intelligent le conduit-il à dissimuler les fautes de son enfant, quand son enfant doit les sentir ? — et il faut qu’il les sente pour être heureux. Il en est de même de ceux qui appartiennent à Dieu. Israël L’avait abandonné, il avait renié ses relations avec Lui, et Dieu fait voir qu’Il sent leur péché et qu’il faut qu’ils le sentent aussi. Il cessa pour un temps de le reconnaître pour Son peuple, et le rejeta hors du pays dans lequel Il l’avait planté ; et maintenant les enfants d’Israël étaient les esclaves des Gentils.

Mais le moment est aussi venu où leur vainqueur doit apprendre qu’après tout, la pensée, le cœur de Dieu, étaient avec les pauvres captifs. La puissance de Dieu pouvait se trouver, pour un certain temps, avec le Gentil ; mais les affections et les secrets de Dieu étaient avec les siens, même à l’heure de leur extrême abaissement.

Les circonstances au moyen desquelles cela fut manifesté illustrent les voies de Dieu d’une manière frappante. Le roi fait un songe : la chose part de lui. Il convoque ses sages et les invite à faire connaître le songe et à en donner l’interprétation. Mais c’est en vain. Ils sont tellement frappés eux-mêmes de ce qu’il y a de déraisonnable dans la demande, qu’ils disent qu’« il n’y a que les dieux, lesquels n’ont aucune fréquentation avec la chair, qui puissent déclarer la chose au roi ». Il était impossible de satisfaire le désir du roi. Tout se montrait dans sa réalité, et l’inutilité de leur sagesse, en vue du besoin qui se faisait sentir, était parfaitement manifestée. La nouvelle du décret ordonnant que les sages de Babylone fussent mis à mort, arrive à Daniel. Il va trouver Arioc et prie qu’on lui donne du temps. Mais remarquez-le, car c’est là ce qui caractérise la foi : il a confiance en Dieu. Il n’attend pas que Dieu lui ait répondu, avant de dire qu’il donnerait l’interprétation du songe. Il le déclare sur-le-champ. Il se confie en Dieu, et c’est là la foi — une conviction fondée sur le caractère connu de Dieu. Le secret de l’Éternel est avec ceux qui Le craignent, et Daniel craignait l’Éternel. C’est pourquoi aussi il n’eut point peur du décret. Il connaissait le Dieu qui lui donna de pouvoir rappeler le songe. En même temps il n’a pas la plus petite prétention de fournir lui-même la réponse. Ainsi, deux grandes choses se trouvent manifestées ici en Daniel : d’abord, sa confiance que Dieu révélerait la chose au roi ; et secondement, sa confession qu’il ne pouvait pas, lui, la révéler. Il va en sa maison, et fait connaître à ses compagnons ce dont il s’agit. Il désire qu’ils « implorent aussi la miséricorde du Dieu des cieux, sur ce secret ». Il attache un grand prix aux prières de ses frères, les témoins avec lui-même du vrai Dieu au milieu de Babylone. Il a la joie de les voir en effet fléchir les genoux devant Dieu, en même temps qu’il se prosterne lui-même. Mais comme c’était lui qui avait foi d’une manière spéciale, c’est lui, Daniel, que Dieu honore de la révélation qu’il attendait de Lui : « et le secret fut révélé à Daniel dans une vision de nuit ».

Et maintenant il n’a pas hâte de se rendre immédiatement vers le roi, ni même auprès de ses compagnons pour leur dire que Dieu lui avait fait connaître le songe. La première chose qu’il fait c’est d’aller vers Dieu. Le Dieu qui a révélé le secret est Celui que Daniel confesse aussitôt : il prend l’attitude d’un adorateur. Et qu’il me soit permis de le dire, c’est là la grande fin de toutes les révélations de Dieu. Supposez qu’il s’agisse de me faire connaître mon état de péché, et un Sauveur qui satisfait à tous les besoins de mon âme : le résultat que Dieu veut atteindre par l’opération de Son Esprit dans Ses saints, n’est pas cependant, tout simplement, qu’ils sachent qu’ils sont délivrés de l’enfer, ou qu’ils doivent marcher comme Ses enfants. Il y a une chose plus élevée encore : Dieu fait des siens Ses adorateurs. Et s’il existe un point à l’égard duquel les enfants de Dieu manquent plus encore que dans les autres, c’est bien, hélas ! celui de la réalisation de leur position d’adorateurs.

Or, Daniel avait compris cela. Tout jeune qu’il était relativement, il était bien instruit des voies de Dieu, et c’est ici que nous trouvons ce beau trait de caractère. Il célèbre, dans son effusion de louange, les voies de Dieu, mais les voies de Dieu non pas tant en connexion avec Sa puissance, quoiqu’il soit vrai que c’est « Lui qui change les temps et les saisons, qui ôte et qui établit les rois, etc. ». Mais le point sur lequel son cœur insiste tout particulièrement est celui-ci : « Il donne la sagesse aux sages, et la connaissance à ceux qui ont de l’intelligence ». J’appelle votre attention là-dessus. Il est parfaitement vrai que le Seigneur regarde avec compassion les ignorants, et qu’Il manifeste Sa bonté à ceux qui n’ont point d’intelligence. Mais Daniel parle de Ses voies envers ceux dont le cœur est tourné vers Lui ; et quant à ceux-là le principe du Seigneur est qu’« il sera donné à celui qui a, mais quant à celui qui n’a pas, cela même qu’il a, lui sera ôté ». Dans les choses de Dieu, rien de plus dangereux que de s’arrêter court dans l’étude et l’acquisition de l’intelligence de Ses voies. Ce qui porte les âmes à s’arrêter sur ce chemin béni, c’est la conscience que la vérité a des conséquences trop pratiques ; et elles redoutent ces conséquences. Car la vérité de Dieu ne consiste pas simplement en une théorie, elle entraîne surtout une pratique ; avec elle, il ne s’agit pas simplement de savoir, mais bien de vivre : et instinctivement l’âme reste en arrière, à cause des sérieux résultats actuels qu’elle sent que la vérité entraîne. En Daniel l’œil était simple, et, en conséquence, tout le corps était lumineux ; c’est là le secret réel des progrès. Que seulement vos désirs soient vers Dieu, et vos progrès seront sûrs et solides.

Daniel va alors trouver Arioc et lui parle en ces termes : « Ne fais point mettre à mort les sages de Babylone ; mais fais-moi entrer devant le roi, et je donnerai au roi l’interprétation ». Le roi lui demande s’il est vrai qu’il puisse faire connaître le songe et son interprétation. La réponse de Daniel est de toute beauté. L’humilité accompagne toujours une connaissance réelle, profonde, des voies de Dieu. Il n’y a pas d’erreur plus grande, ni qui, de fait, ait moins de fondement, que de supposer que l’intelligence spirituelle enfle. La connaissance peut le faire, la simple connaissance. Mais je parle de cette intelligence spirituelle dans la Parole, qui découle du sentiment de l’amour de Dieu, et qui cherche à s’épancher, si je puis parler ainsi, précisément parce qu’elle est amour divin. Daniel commence alors par faire voir combien il était impossible « aux sages, aux astrologues, aux magiciens et aux devins » de découvrir le songe au roi. « Mais, ajoute-t-il, il y a un Dieu aux cieux qui révèle les secrets, et qui a fait connaître (il ne dit même pas, à Daniel, mais) au roi Nebucadnetsar ce qui doit arriver aux derniers temps ». Il désirait que Nebucadnetsar connût l’intérêt que Dieu lui portait. « Quant à toi, ô roi, tes pensées te sont montées dans ton lit, touchant ce qui arriverait ci-après : et celui qui révèle les secrets t’a déclaré ce qui doit arriver ». Mais ces paroles ne lui suffisent point ; il continue : « Pour moi, ce secret ne m’a point été révélé pour quelque sagesse qui soit en moi, plus qu’en aucun des vivants, mais afin de donner l’interprétation au roi, et afin que tu connaisses les pensées de ton cœur ».

Ensuite il en vient au songe : « Tu contemplais, ô roi ! Et voici une grande statue ; et cette grande statue, dont la splendeur était excellente, était debout devant toi, et elle était terrible à voir ». Il avait contemplé l’empire, non pas simplement par fragment, et par périodes successives, mais comme un tout, et dans son ensemble imposant. La dernière partie du livre nous présente d’une manière plus marquée et plus détaillée la succession des différents pouvoirs ainsi que leur conduite envers le peuple de Daniel : mais ici c’est l’histoire générale de l’empire gentil que le prophète nous donne.

« La tête de cette statue était d’un or très fin, sa poitrine et ses bras étaient d’argent, son ventre et ses hanches, d’airain ». C’est-à-dire qu’il y avait détérioration, à mesure que les empires s’éloignaient de la source du pouvoir. C’était Dieu qui avait donné à Nebucadnetsar la puissance impériale. Aussi ce qui est le plus rapproché de la source, est vu comme « tête d’or ». Dans une certaine mesure, il y a davantage de l’homme dans l’empire perse, « la poitrine et les bras d’argent », métal inférieur ; et ainsi de suite jusqu’aux jambes, qui étaient de fer, et aux pieds, en partie de fer et en partie d’argile. Il est tout à fait évident d’après cela, qu’il y a avilissement graduel à mesure que nous nous éloignons du moment où le pouvoir a été primitivement octroyé.

Mais il sera bon de poser ici un ou deux principes que je crois importants dans l’étude des parties prophétiques de l’Écriture. Ce sont des maximes très généralement répandues, même parmi les chrétiens, que la prophétie doit être expliquée par l’événement — que l’histoire est le vrai commentaire de la prophétie — que, lorsque les visions prophétiques ont été réalisées sur la terre, les faits expliquent les visions. C’est là un principe entièrement faux ; il ne renferme pas un atome de vérité. On confond l’interprétation de la prophétie avec la confirmation de sa vérité. Quand une prophétie est accomplie, naturellement son accomplissement en confirme la vérité. Mais c’est là une chose bien différente de son explication. La vraie intelligence d’une prophétie est précisément aussi difficile après qu’avant l’événement. Prenez, par exemple, les soixante-dix semaines de Daniel. Ce chapitre a donné lieu à une controverse et à des disputes infinies, parmi les croyants eux-mêmes. Ils prétendent généralement que cette prophétie est accomplie tout entière (ce qui n’est pas exact), et néanmoins il n’y a pas le moindre accord entre eux sur sa signification.

La prophétie d’Ézéchiel nous montre que les difficultés de la prophétie proviennent d’une source entièrement différente. La première partie d’Ézéchiel se trouvait accomplie dans les voies de Dieu avec Israël dans ce temps-là ; elle s’étendait sur le temps où Daniel vivait ; mais cela ne l’explique point : de fait, cette portion est plus obscure que les derniers chapitres qui se rapportent à l’avenir.

Qu’est-ce donc qui explique la prophétie ? Cela seul qui explique toute l’Écriture : l’Esprit de Dieu. Sa puissance est capable de faire comprendre toutes les parties de la Parole. Et si l’on demande si j’entends dire par là qu’il n’est d’aucune importance de connaître les langues, de savoir l’histoire, et ainsi de suite ? Je réponds que ma pensée n’est pas de soulever de question relativement à la science, qui, à mon avis, a son emploi. Mais je nie que l’histoire soit l’interprète de la prophétie ou de quelque portion que ce soit de l’Écriture. S’il se trouve des chrétiens qui possèdent l’histoire, ou les langues originales de l’Écriture, c’est avec Christ et non point avec leurs connaissances, ou leur science, qu’a à faire leur intelligence spirituelle. D’ailleurs, même si l’on est chrétien, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’on comprend l’Écriture. On connaît Christ, sans quoi on ne serait pas chrétien. Mais quant à être entré réellement dans la pensée de Dieu, dans la vraie intelligence de l’Écriture, cela suppose qu’on veille contre le moi, qu’on désire la gloire de Dieu, qu’on a pleine confiance dans Sa Parole, et qu’on se tient dans la dépendance du Saint Esprit. L’intelligence de l’Écriture n’est pas une simple affaire intellectuelle. Si un homme n’avait pas du tout d’intelligence, il ne pourrait comprendre quoi que ce soit ; mais l’intelligence n’est que le vase, l’instrument, elle n’est pas la puissance. La puissance c’est le Saint Esprit agissant sur et par l’instrument. Mais il faut que ce soit le Saint Esprit qui remplisse Lui-même l’âme ; comme il est dit : « Ils seront tous enseignés de Dieu ».

Il y a une grande différence dans la mesure de l’enseignement, parce qu’il y en a beaucoup dans la mesure de la dépendance dans laquelle on se tient vis-à-vis de Dieu. Une chose dont il importe de se bien pénétrer, c’est que l’intelligence de l’Écriture dépend beaucoup plus de l’état moral — de l’œil simple attaché sur Christ — que de ce qui tient à l’aptitude et aux facultés intellectuelles. Le Saint Esprit ne peut jamais nous communiquer quelque chose en vue de nous dispenser de la nécessité de dépendre de Dieu et de nous attendre à Lui.

Comment donc devons-nous interpréter la prophétie ? Elle est entièrement indépendante de l’histoire ; elle fut donnée pour être comprise avant qu’elle devînt de l’histoire. On doit voir la vérité de cela. La plus grande partie de la prophétie a trait à des jugements terribles, qui doivent tomber à la fin de ce siècle. Que peuvent devenir ceux qui n’en tirent pas de profit jusqu’à ce que les faits qu’elle annonce aient eu lieu ? C’est une chose sérieuse que de la mépriser. Le croyant qui possède l’intelligence de la prophétie, possède un secours spécial, dont est privé celui qui la néglige.

C’est pourquoi, partant de ce grand principe que c’est le Saint Esprit qui nous rend capables de lire la prophétie, comme intéressant la gloire de Dieu et étant rattachée à Christ qui doit être encore exalté, et dont la gloire remplira les cieux et la terre, tous les usurpateurs et tous les prétendants étant renversés, considérons la scène que nous offre ce chapitre comme déroulant devant nous le cours du monde jusqu’au temps de la révélation de la gloire de Christ. Voyons d’abord la position des diverses parties. Ici se trouvait le plus orgueilleux monarque du monde. Il était sorti à la tête d’armées victorieuses, avant la mort de son père, avant d’être entré proprement en possession sans partage de l’empire de Babylone. Et voilà que maintenant il lui est ouvert une sphère de domination qui dépasse peut-être ses aspirations les plus ambitieuses. Il apprend avec certitude que c’est Dieu Lui-même, dans Sa providence, qui lui a donné cette position élevée. Mais il y a davantage encore : il contemple, déroulée devant lui et dessinée en quelques traits, toute la carte du monde gentil, les traits principaux de son histoire depuis ce jour jusqu’au jour de gloire et de jugement qui vient. Il voit s’élever une autre puissance voisine à laquelle la prophétie avait fait déjà allusion ; de sorte qu’il n’y avait par conséquent aucune difficulté à comprendre ce qui était signifié par elle. Le prophète Ésaïe, qui vivait cent cinquante ans avant la naissance de Cyrus, n’avait pas seulement parlé, sous la direction du Saint Esprit, de la nation et du roi des Mèdes et des Perses, mais il avait nommé Cyrus par son nom.

Venait ensuite la prédiction d’un autre empire, qui n’en était alors comparativement qu’à son enfance, ou ne consistait qu’en nombreuses tribus distinctes, sans aucun lien stable entre elles — je veux dire les Grecs. Mais plus remarquable encore était le royaume sur lequel l’Esprit de Dieu s’arrête le plus, qui n’existait alors simplement qu’en germe, et probablement n’était pas même connu de nom au roi de Babylone. Car, quoique destiné à jouer le rôle le plus considérable qui soit jamais échu à un royaume dans l’histoire du monde, c’était alors un royaume entièrement obscur. Il était engagé soit au-dedans, soit avec ses voisins, dans des querelles de la plus mesquine espèce, sans aucune pensée d’étendre sa domination. Il est donc d’autant plus merveilleux de considérer ce grand roi, et le serviteur de Dieu qui se tient devant lui, révélant l’histoire du monde.

« Toi, ô roi ! tu es le roi des rois : parce que le Dieu des cieux t’a donné le royaume, la puissance, la force et la gloire ». Il ne s’agissait pas de sa puissance, ni de la sagesse particulière qu’il possédait. S’il avait été permis à Nebucadnetsar d’emmener ces captifs, de triompher de la puissance de l’Égypte qui avait voulu lui disputer la suprématie du monde, c’était le Dieu du ciel qui le lui avait donné. « Et en quelque lieu qu’habitent les enfants des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux des cieux, Il les a donnés en ta main, et t’a fait dominer sur eux tous. Tu es la tête d’or ». C’est évidemment la monarchie babylonienne qui est là désignée. Dieu y avait fait allusion par Ésaïe ; et Jérémie, qui était contemporain de Daniel, avait placé devant lui non seulement l’étendue de la période que durerait la monarchie babylonienne, mais aussi la succession de ses rois. Il devait y avoir Nebucadnetsar, et son fils, et le fils de son fils : ce qui eut un remarquable accomplissement. Ainsi, pour comprendre la prophétie, nous n’avons pas besoin de recourir ailleurs que l’Écriture. C’est le juste emploi spirituel de ce que renferme la Parole de Dieu qui nous y donne accès ; et je bénis Dieu de ce qu’il en est ainsi. Si l’homme étudie seulement la Bible avec soin dans sa langue maternelle, et s’il est dirigé par l’Esprit de Dieu, il possède les éléments et la puissance d’une vraie interprétation. Mais il est aussi certain que tant qu’un homme essaie de trouver une explication çà et là, à l’aide de l’histoire, des antiquités, des journaux et de quoi encore ? il ne fait que se séduire et séduire ses auditeurs. Telle est la sentence morale, universelle, de Dieu sur l’âme qui demande à ce qui est de l’homme la clé des secrets de Dieu. Il faut que je la trouve en Dieu Lui-même, par un usage convenable de ce que Sa Parole renferme.

J’ai eu la curiosité d’examiner Josèphe, ancien écrivain juif, dont l’histoire est lue et estimée partout ; et trouvant, dans la version ordinaire, des particularités étranges, j’ai consulté l’original grec ; j’y ai trouvé le même sens extraordinaire. Il établit que la tête d’or signifie Nebucadnetsar et les rois qui ont été avant lui ! Il y a donc là un manque absolu d’intelligence de ce qu’enseigne la Parole de Dieu. On s’égare toujours lorsqu’on s’écarte de l’Écriture et qu’on se laisse aller à ses propres pensées. Il n’est question, pour la première fois, de l’existence d’un empire de Babylone que dans la personne de Nebucadnetsar, qui naturellement comprend ceux qui devaient lui succéder. « Tu es la tête d’or ». Aucune allusion n’est faite aux rois qui avaient été avant lui. Jusqu’au temps de Nebucadnetsar, il n’avait pas été accordé à Babylone de posséder l’empire du monde. C’était donc lui, et nullement ses ancêtres, qui constituait la tête d’or. C’est en lui que la position impériale de Babylone trouve son commencement.

Nous ne trouvons pas seulement la déclaration de l’époque des soixante-dix ans de captivité en Jérémie 25 ; mais un peu plus loin, chapitre 27, il est fait mention de la suite des rois. « Toutes les nations lui seront asservies, et à son fils, et au fils de son fils, jusqu’à ce que le temps de son pays lui-même vienne aussi ». Or, il arriva qu’après que son fils Évil-Mérodac eut été retranché, le peuple babylonien appela à lui succéder, non pas dans l’ordre de succession, mais pourtant avec quelque espèce de raison, le mari de la fille de Nebucadnetsar. Cet homme régna un certain temps, et après lui régna son fils, qui, par conséquent, était le fils de la fille de Nebucadnetsar, et non le fils de son fils. Jusque-là il pouvait sembler que la prophétie avait donc failli : mais pas du tout. Quelques mois après, le petit-fils de Nebucadnetsar fut appelé au trône. « L’Écriture ne peut être anéantie ». Elle avait dit : « Nebucadnetsar, son fils, et le fils de son fils », et il en fut ainsi. Toute la chose prit fin en Belshatsar, petit-fils de Nebucadnetsar. Pour ce qui concerne ce sujet, l’Écriture fournit donc toutes les parties principales. De sorte que, de fait, la prophétie explique l’histoire, mais l’histoire n’interprète jamais la prophétie. Celui qui comprend la prophétie peut ouvrir l’histoire ; mais la connaissance de l’histoire ne rendra jamais capable d’expliquer la prophétie. Elle peut confirmer la vérité d’une prédiction à quelqu’un qui doute, pour autant qu’elle est claire. C’est ainsi, par exemple, que si l’histoire de la prise de Jérusalem, telle qu’elle se trouve dans les guerres de Josèphe, est véritable, elle coïncide naturellement avec la description inspirée que nous en donne saint Luc. Mais il est de toute évidence que si j’ai foi à la Parole de Dieu, je trouve beaucoup plus de certitude dans ce qu’elle me dit sur cet événement. En un mot, la circonstance que la prophétie est prononcée avant l’événement ne fait rien à la chose. L’œil de Dieu contemplait tout, dans toute la suite et à travers le cours de l’empire gentil ; et le langage est aussi clair dans les prophéties de Daniel que dans les écrits des historiens grecs et latins[3]. Et cela est tellement vrai que des hommes qui n’ont aucune sympathie pour les choses de Dieu, même les incrédules, sont obligés de reconnaître que tout ce qu’il y a de clair sur ce sujet est en harmonie avec ce que Daniel avait dit, des centaines d’années avant les événements.

« Mais après toi, il s’élèvera un autre royaume moindre que le tien ». Non pas moindre par le territoire, mais moindre par l’éclat, la magnificence, et surtout par l’introduction d’un contrôle en dehors du souverain. Au lieu d’agir comme un homme profondément convaincu qu’il tient son autorité directement de Dieu, Darius (chap. 6) prit l’avis de sujets sans scrupules, et il en résulta d’amères souffrances pour lui ; tandis que s’il avait eu le sentiment de sa responsabilité immédiate vis-à-vis de Dieu, il aurait évité le piège. On repousse naturellement un pouvoir absolu, principalement par la raison que c’est un pouvoir sans contrôle entre les mains d’un homme faible et capable de se tromper. Mais supposez que le dépositaire d’une telle autorité réunît en sa personne toute sagesse et toute bonté, et rien ne saurait être plus heureux qu’un pouvoir semblable. C’est là précisément ce qui existera sous le règne du Seigneur Jésus Christ, où toute l’autorité sera remise en Ses mains, tout sera béni et conforme à la volonté de Dieu, et où la volonté contraire de l'homme ne serait que rébellion.

Ce qui semble confirmer cette idée, c’est que, lorsque nous arrivons au troisième empire, l’empire macédonien, dont Alexandre-le-Grand fut le fondateur, nous y trouvons un homme qui n’agissait pas simplement d’après l’avis de ses sages, mais qui était contrôlé par ses généraux dans l’exercice de son pouvoir. De fait, ce royaume devint une espèce de gouvernement militaire — chose moins respectable que l’intervention aristocratique des Mèdes et des Perses, et leurs lois immuables.

Nous descendons ensuite beaucoup plus bas encore, et nous trouvons un quatrième royaume représenté par le fer. « Puis il y aura un quatrième royaume fort comme du fer, parce que le fer brise et met en pièces toutes choses ; car, comme le fer met en pièces toutes choses, ainsi il brisera et mettra tout en pièces ». Ici, la force constitue le grand trait caractéristique du royaume, et la qualité du métal est en harmonie avec l’idée. Mais c’est un métal de l’espèce la plus commune, il ne compte pas parmi les métaux précieux. Peut-être en est-il ainsi à cause que ce qui distinguait l’empire romain, c’est que c’était le peuple qui gouvernait, au moins de nom. Quelque despotique que fût son pouvoir, l’empereur prétendait toujours, dans la théorie du moins, consulter le peuple et le sénat. Même sous l’empire, les Romains conservaient encore le simulacre de leur vieille constitution républicaine ; tandis qu’en fait le gouvernement ne consistait qu’en un individu qui avait pris à lui toute la réalité du pouvoir.

Tout le cours de l’empire est donc esquissé devant nous dans le chapitre que nous étudions. Mais on me dira peut-être : Comment le savez-vous ? Il n’est pas dit que le second empire représente la Médie et la Perse, le troisième la Macédoine, ni le quatrième Rome. Oui, je pense que cela est dit. Il est possible que cela ne soit pas dit ici, mais l’Écriture n’attache pas toujours exactement la clé à la porte. Il n’arrive pas fréquemment que nous trouvions l’explication d’un passage juste dans le passage qui suit. Dieu veut que je connaisse Sa Parole pour que je sois familiarisé avec tout ce qu’Il a écrit, et que je sois assuré que tout est très bon. Instruire dans l’Écriture même un enfant inconverti, est une chose toujours extrêmement précieuse. Il en est alors comme d’un feu bien arrangé : une seule étincelle suffit pour le mettre en flamme. Les chrétiens ne sauraient mettre assez de soin, assez de persévérance et de zèle à élever leurs enfants dans une parfaite connaissance de la Parole de Dieu.

Mais pour en revenir à la lumière que fournit l’Écriture, nous n’avons pas besoin d’aller plus loin que ce livre de Daniel pour trouver les noms de ces empires. Au chapitre 5, 28 nous lisons : « Pérès, ton royaume a été divisé et donné aux Mèdes et aux Perses ». Il y a là immédiatement la réponse. Nous voyons l’empire babylonien chanceler, et sur le point d’être détruit ; et nous apprenons que celui des Mèdes et des Perses lui succède. Rien de plus simple et de plus certain. Les seules personnes qui, à ma connaissance, aient jamais trouvé quelques difficultés sur ce point, se réduisent à quelques savants qui s’efforçaient de prouver que l’empire de Babylone comprend aussi la Perse, de manière à faire de la Grèce le second, de Rome le troisième, et le quatrième d’une puissance antichrétienne distincte et absolument future. D’autres savants ont prétendu que le royaume d’Alexandre et celui de ses successeurs forment deux royaumes tout à fait différents, et constituent, de fait, l’un le troisième empire, et l’autre le quatrième ; de manière qu’ils font même de la cinquième monarchie (celle de « la petite pierre ») quelque chose de passé ou qui existerait présentement. De semblables méprises n’auraient jamais été commises si on avait lu et pesé l’Écriture sans système préconçu. Quant au croyant, au lieu de faire dans l’histoire des recherches propres à embarrasser son esprit, il prend sa Bible, et trouve toute la solution avant de quitter la prophétie elle-même. Car il est évident d’après Daniel 8, 20, 21, que l’empire des Mèdes et des Perses unis cède la place à l’empire grec, avec sa division en quatre parties à la mort d’Alexandre. À celui-ci succède à son tour le quatrième, ou l’empire romain dont le trait particulier est sa division en dix royaumes distincts dans sa dernière période (chap. 7). En a-t-il jamais été ainsi avec les successeurs d’Alexandre ? Son royaume fut divisé en quatre, jamais en dix. La prophétie explique donc l’histoire, tandis qu’en général l’usage que la simple science fait de l’histoire n’a pour résultat que d’obscurcir l’éclat de la Parole de Dieu. Mais commençons d’abord par bien comprendre cette Parole, et alors, si nous en venons à l’histoire, nous trouverons qu’elle intervient comme un témoignage humain et qu’elle confirme de sa faible voix le témoignage divin. Elle doit agir de cette manière. Par conséquent, celui qui n’a aucune connaissance de l’histoire se trouve sur un fondement pour le moins aussi bon que ceux qui la connaissent, mais qui trouvent des difficultés : il n’est pas embarrassé comme le sont les autres qui regardent à travers le brouillard de leurs propres spéculations.

Le troisième royaume possède un trait qui n’appartient pas au second. Il devait « dominer sur toute la terre ». De quelle manière remarquable cela fut accompli dans l’empire macédonien, ou empire grec ! Quoique Cyrus fût un grand conquérant, toutes ses conquêtes se firent dans la région qu’il habitait ; il en soumit toutes les parties, tant au nord de la Médie et de la Perse qu’au sud et à l’occident. Tout cela est vrai ; mais jamais, que je sache, Cyrus ne dépassa les bornes de l’Asie.

Mais ici nous voyons un royaume caractérisé par la rapidité extraordinaire de ses conquêtes. On peut défier tout l’univers d’en produire un qui accomplisse cette prophétie comme l’a fait l’empire d’Alexandre. Dans l’espace de quelques années, cet homme extraordinaire inonda comme un fleuve et subjugua presque tout le monde connu alors. Il se plaignit même, comme chacun le sait, de n’avoir pas un autre monde à conquérir. C’est là un commentaire frappant de ce que nous avons ici. Avons-nous besoin de recourir à l’histoire pour cela ? Non, ce livre même nous fournit toute l’explication. Au chapitre 8, 20, 21, nous apprenons que le troisième empire est l’empire grec. « Le bélier que tu as vu, qui avait deux cornes, ce sont les rois des Mèdes et des Perses ». Ce passage est aussi une confirmation de ce que j’ai dit plus haut relativement au second royaume. Mais pendant que ce bélier était là, arrive tout à coup un bouc plein de fureur ayant entre ses yeux une corne qui paraissait beaucoup. Avec cette seule corne qu’il portait en sa tête, il heurte contre le bélier qui représentait ces rois de Médie et de Perse. Nous avons là le troisième royaume qui devait « dominer sur toute la terre ». Comment se nomme-t-il ? Voyez la réponse au verset 21. « Le bouc velu c’est le roi de Javan (Grèce) ; et la grande corne qui est entre ses yeux c’est le premier roi ». Non, nous n’avons pas besoin de l’histoire pour expliquer la prophétie. Nous trouvons ici la réponse claire, positive, tirée de la Parole de Dieu relativement à ce qui est le troisième royaume, et toutes les recherches véritables que vous pouvez faire dans l’histoire ne feront que la confirmer ; mais vous n’en avez aucun besoin. Si vous vous fondez sur la Parole de Dieu, vous êtes sur une base à laquelle l’histoire ne saurait porter atteinte, pas même pour un instant. Dieu, qui fournit la seule relation qui soit sûre, fait voir Lui-même que l’empire médo-perse est suivi de l’empire grec. L’unique grande corne de ce dernier est rompue, et « en sa place il en crût quatre, fort apparentes, vers les quatre vents des cieux ». À la mort d’Alexandre, son royaume fut divisé en quatre grandes parties, pour lesquelles ses généraux se firent la guerre. Leur petitesse relative ressort en présence d’Alexandre. C’est lui qui était la grande corne, le premier roi et le représentant de la troisième monarchie.

Maintenant la première question qui se présente est celle-ci : qu’est-ce qui devait la suivre ? Quel autre grand empire devait succéder, et qui devait être le dernier avant que Dieu établit Son royaume ? L’histoire de l’Ancien Testament se clôt avant le commencement du troisième empire. Les derniers faits constatés historiquement se trouvent dans le livre de Néhémie, pendant que le monarque perse était encore le grand roi : c’est-à-dire, pendant que le second empire conservait encore la suprématie. Mais voilà l’histoire du Nouveau Testament qui commence ; et qu’est-ce que je trouve à son début ? Je n’ai qu’à lire le commencement de saint Luc, et j’y vois la mention d’un autre grand empire qui domine à cette époque. « Or, il arriva en ces jours-là qu’un décret fut rendu de la part de César Auguste, portant que tout le monde fût enregistré ». J’ai là tout d’un coup le quatrième royaume sans nul besoin d’interroger l’histoire à son sujet. Il y a un quatrième royaume, et la Parole de Dieu me montre qu’il est universel : il enjoint aux hommes, par tout le monde, de se faire inscrire dans ses registres ; et par là Dieu pourvoit à ce qu’il soit constaté légalement que Son Fils était né alors.

Le quatrième empire annoncé par la prophétie était donc l’empire romain. Après avoir appris cela par l’Écriture[4], je puis recourir à l’histoire qui m’apprend que ce furent les Romains qui ruinèrent la puissance de la Grèce. Ils obtinrent que les Grecs se joignissent à eux pour battre les Macédoniens, et ils se tournèrent ensuite contre les Grecs et les eurent bientôt soumis.

Dans la suite, les Romains étendirent leurs conquêtes sur toute l’Asie. Qu’est-ce que Dieu en dit ? « Le quatrième royaume sera fort comme du fer, parce que le fer brise et met en pièces toutes choses ; car comme le fer met en pièces toutes ces choses, ainsi il brisera et mettra tout en pièces ». Et si on en appelle à l’histoire, pourra-t-on voir les choses avec plus de clarté ? Et où trouvera-t-on une description de cet empire plus exacte que celle que Dieu nous donne ici ? Un historien bien connu traitant des quatre empires, les décrit sous les images les plus vives empruntées à ces symboles mêmes du prophète Daniel. Il ne pouvait pas trouver des figures aussi convenables que celles que l’Esprit de Dieu avait déjà consacrées à leur usage, quoique ce ne fût point, comme chacun le sait, par défaut d’imagination, pas plus que dans le désir d’accréditer l’Écriture.

Cependant cela ne constitue point tout ce que Dieu nous fournit sur ce sujet. « Parce que le fer brise et met en pièces toutes choses ; car comme le fer met en pièces toutes ces choses, ainsi il brisera et mettra tout en pièces ». Jamais description ne fut plus exacte. Je pourrais citer des passages des anciens écrivains romains qui montrent qu’ils parlaient eux-mêmes de leur propre empire et de sa politique en termes littéralement semblables.

Mais il y avait un trait dont ils ne pouvaient rien dire et qui dépassait toute la prévision de l’homme. Ce pouvoir qui était distingué au-dessus de tous les autres par sa force à renverser quiconque s’élevait contre lui, quelle que fût sa bonté pour ceux qui se soumettaient au vainqueur, ce même pouvoir est ici décrit de cette manière : « Et quant à ce que tu as vu que les pieds et les orteils étaient en partie de terre de potier et en partie de fer, c’est que le royaume sera divisé ». Les Romains ne nous font point connaître ce trait. Le témoignage de l’histoire n’est pas toujours fidèle. Ceux qui décrivent la politique de leur propre pays ne sont pas en général très dignes de confiance. Ils sont aussi empressés de dissimuler les causes et les symptômes de décadence, que prompts à mettre en relief tout ce qui prouve leur audace, leur force, et leur gloire. Mais Dieu énumère tout ; et Sa Parole nous enseigne que le même empire qui devait être si célèbre par sa force devait montrer qu’il renfermait aussi en lui la plus grande faiblesse. « Et il y aura en lui la force du fer selon que tu as vu le fer mêlé avec la terre de potier. Et ce que les orteils des pieds étaient en partie de fer et en partie de terre, c’est que le royaume sera en partie fort et en partie frêle. Mais ce que tu as vu le fer mêlé avec la terre de potier, c’est qu’ils se mêleront par semence humaine, mais ils ne se joindront point l’un avec l’autre ; ainsi que le fer ne peut point se mêler avec la terre ». Le fer était l’élément original ; la terre fut ajoutée postérieurement, et n’appartenait pas proprement à la grande statue métallique : elle était un élément étranger. Quand l’y incorpora-t-on et d’où venait-elle ? Je crois qu’en se servant de cette figure, la terre, l’Esprit de Dieu n’a pas en vue l’élément romain primitif qui avait la force du fer, mais fait plutôt allusion aux hordes barbares qui firent irruption à une période plus postérieure, affaiblirent la puissance romaine et formèrent peu à peu des royaumes distincts. Je ne puis cependant présenter cette pensée que comme mon sentiment propre fondé sur l’usage général du langage et des idées de l’Écriture. Nous avons donc ici ce qui n’était pas proprement et primitivement romain, mais fut introduit d’ailleurs ; et c’est le mélange des deux éléments qui produit la faiblesse, et finalement la division. Ces hordes de barbares qui s’introduisirent de force tout d’abord, ne prétendaient pas être vainqueurs des Romains, mais plutôt leurs hôtes ; et à la fin ils s’établirent en dedans des limites de l’empire. C’est là ce qui postérieurement conduisit à la division de l’empire en un certain nombre de royaumes distincts et indépendants, lorsque furent brisés la puissance et l’orgueil de Rome impériale. Plus tard, Charlemagne nourrit le désir de l’empire universel et travailla fortement à le réaliser ; mais son entreprise échoua, et toutes les acquisitions qu’il fit durant sa vie furent partagées à sa mort. De notre temps un autre a conçu le même dessein : je parle, on le comprend, du captif de Sainte-Hélène. Il avait à cœur la même monarchie universelle. Quel résultat obtint-il ? Ses succès durèrent encore moins que ceux de Charlemagne ; avant qu’il eût rendu le dernier soupir, tout son dessein fut dissipé dans ses premiers éléments. Et, en général, il continuera d’en être ainsi jusqu’au moment dont parle ce chapitre, mais dont il est traité plus à fond dans le livre de l’Apocalypse. Voici, je crois, ce que l’Écriture enseigne là-dessus. Avant que ce siècle prenne fin, il s’opérera la plus remarquable union entre les deux éléments évidemment contradictoires — un chef universel de l’empire, et des royaumes distincts, indépendants d’ailleurs, chacun desquels aura son propre roi ; mais il y aura au-dessus de tous ces rois un homme qui sera l’empereur. Jusqu’à ce que ce temps vienne, tous les efforts faits en vue de réunir ensemble les divers royaumes, échoueront complètement. Et à cette époque-là, ce ne sera point en les fondant ensemble en un seul royaume, qu’on opérera leur réunion ; cette réunion s’accomplira chaque royaume indépendant ayant son roi, quoique tous étant soumis à une tête. Dieu a dit qu’ils seront divisés. C’est donc cela qui nous est signalé. « Ils ne se joindront point l’un avec l’autre, ainsi que le fer ne peut point se mêler avec la terre ». Et si jamais partie du monde a représenté ce système incohérent de royaumes, c’est assurément l’Europe moderne. Tant que le fer a prédominé il a existé un empire ; mais ensuite est entrée l’argile, cet élément étranger. En vertu du fer, il y aura une monarchie universelle ; tandis qu’en vertu de l’argile il y aura des royaumes distincts.

« Et au temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais dissipé, et ce royaume ne sera point laissé à un autre peuple ; mais il brisera et consumera tous ces royaumes, et il sera établi éternellement ». Remarquez ces mots : « Au temps de ces rois ». C’est une réponse catégorique à ceux qui ont voulu voir dans cette portion de la prophétie, la naissance du Christ et l’introduction de ce qu’ils appellent le royaume de grâce. Au temps dont il est question ici, l’empire est dissous et divisé. Était-ce le cas quand le Seigneur naquit ? Aurait-il pu être dit de cette époque : « Au temps de ces rois » ? Rien de semblable. Rome était alors dans la plénitude de sa puissance : on ne pouvait apercevoir la plus petite brèche dans tout l’empire. Il n’y avait qu’un souverain et qu’une volonté prédominante. Ce n’était donc pas « au temps de ces rois ». À quoi ce verset fait-il donc allusion ? Je crois qu’il a trait à la dernière scène de l’empire romain : non pas au temps où Christ naquit, mais à celui où Dieu « introduira de nouveau le Premier-né dans le monde » — quand Christ sera introduit, non plus comme le Nazaréen pour souffrir et mourir, mais qu’Il viendra avec la puissance divine afin d’exercer le jugement. La « pierre coupée sans mains », quoique Lui étant applicable en un sens à quelque temps que ce soit, trouve alors son application réelle et parfaite. Nous en trouvons ici l’explication. Elle ne se rapporte pas tant à la personne de Christ qu’au royaume que le Dieu des cieux établira en Lui et par Lui. Sans doute que Christ est la pierre ; mais c’est une pierre de destruction qui abolit les royaumes de la terre. Quelqu’un peut-il le nier ? La pierre fut « coupée de la montagne, sans mains, et brisa le fer, l’airain, la terre, l’argent et l’or ». Il en résulta le brisement de toute la statue. Est-ce que ça été le cas à la naissance de Christ ? Christ attaqua-t-Il l’empire romain ? Le détruisit-Il ? Bien au contraire, Christ a été mis à mort, et ce fut le gouverneur romain qui fut l’instrument officiel de Sa crucifixion. Loin qu’Il ait frappé la statue, nous pouvons dire que la statue L’a frappé. Une interprétation semblable n’est pas digne d’une sérieuse attention.

La pierre tombe sur les pieds de la statue dont les orteils étaient en partie de fer et en partie de terre : c’est-à-dire, dans la dernière condition de l’empire romain. La pierre le frappe quand toute la division a eu lieu. Son action n’est donc pas grâce, mais jugement. Ce n’est point un semeur qui sème de la semence pour produire la vie ; et moins encore est-ce du levain qui s’étend par-delà certaines limites. Son coup tombe sur la statue de façon à la détruire, et la fracasse complètement. Il est évident que la première venue de Christ n’est pas ce dont il s’agit ici. Sa naissance est entièrement omise. Elle eut lieu pendant le cours de l’empire romain, et elle ne le détruisit en aucune manière. Tandis que l’événement avec lequel l’empire romain aura à faire encore, c’est la venue du Seigneur Jésus Christ en un temps qui est encore à venir.

Mais quelques-uns diront peut-être : Comment cela peut-il arriver ? Il n’existe pas d’empire romain maintenant. Mais permettez-moi de demander comment cela prouve qu’il ne doit pas y avoir un empire romain. Pouvez-vous prouver que l’empire romain ne doit pas revivre ? Ce que je trouve dans ce passage c’est que le fer, la terre, l’airain, l’argent et l’or sont réduits en pièces ensemble, et devinrent comme la paille de l’aire d’été.

En outre, je lis dans l’Apocalypse, que la bête qui représente la puissance impériale de Rome, est remarquablement caractérisée comme « la bête qui était, qui n’est pas, et qui sera présente »[5] (Apoc. 17, 8). Il suit de ce passage que la bête, ou l’empire, qui existait du temps de saint Jean devait passer par un état de non-existence, et ensuite apparaître de nouveau, montant du puits de l’abîme. En d’autres termes, ce sera la puissance de Satan qui opérera la réunion des fragments qui reconstituent l’empire romain. Et c’est une chose remarquable, que lorsque la bête apparaît de nouveau, ce chapitre fait voir qu’il y aura dix rois qui s’accorderont pour donner leur pouvoir à la bête, ou à la personne suscitée par Satan pour organiser et gouverner l’empire. Ce personnage se servira de son vaste pouvoir contre Dieu et contre l’Agneau ; toute apparence de christianisme sera détruite, l’idolâtrie sera restaurée, et l’Antichrist établi. Alors, naturellement, Dieu dira : Je ne veux plus supporter cela ; l’heure est venue. Le Seigneur Jésus se lèvera de Sa place à la main droite de Dieu, et exécutera le jugement sur ces vils prétendants.

« Au temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume… Il brisera et consumera tous ces royaumes, et il sera établi éternellement ». La première action de cette pierre est de détruire. Il n’est pas question de sauver des âmes : il s’agit de jugement et de destruction ; il s’agit de renverser des royaumes et tout ce qui s’élève contre le vrai Dieu. Mais une difficulté peut se présenter ici, quant à comprendre comment il se fait que, lorsque ce coup destructeur est frappé, l’or, l’argent et l’airain, soient tous confondus ensemble avec le fer et la terre — comme si ces empires successifs existaient ensemble à la fin. La vérité est que, quoique Babylone, par exemple, eût perdu sa position impériale, elle n’en existait pas moins d’une existence subordonnée, sous les pouvoirs qui lui avaient succédé. Il en est ainsi pour tous les empires suivants jusqu’à celui de Rome (comp. Dan. 7, 11, 12). De sorte que lorsque s’accomplira le jugement final du quatrième empire, il y aura encore, distincts de lui, les représentants de ses trois prédécesseurs : ce qui rend manifeste que par le dernier empire il ne faut entendre exclusivement que l’Occident, et non les contrées qui avaient appartenu aux autres empires.

Ainsi c’est la partie du monde qui constitue le grand siège de la civilisation moderne (c’est-à-dire les dix royaumes de la bête) qui sera le théâtre de cette effroyable apostasie. Et Dieu permettra cela dans Ses voies de sagesse et de justice parce que les hommes n’auront point reçu l’amour de la vérité pour être sauvés. Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge, « afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice ». Je ne doute point que c’est là l'histoire future du monde, sur l’autorité de la Parole de Dieu. Cette remarquable prophétie nous fait assister aux tout premiers commencements de la puissance impériale, et nous mène ainsi jusqu’au moment où finalement elle nous montre, dans les derniers jours, avant que Dieu établisse Son royaume, le jugement du monde tel qu’il se trouve, lorsque Dieu en agira avec les vivants, et non pas simplement avec les morts.

Chapitre 3

Les chapitres compris entre le chapitre 2 et le 7 sont consacrés au récit de faits historiques, et en conséquence peuvent sembler à première vue n’avoir pas un caractère prophétique. Mais il faut nous rappeler qu’en général l’Écriture a un but infiniment plus élevé que de présenter le simple récit de circonstances, quelque instructif qu’il puisse jamais être et quelle que soit l’importance morale qu’il peut avoir. Cela est vrai de toute la Bible. Prenez-en un livre quelconque, la Genèse par exemple. Quoique ce soit évidemment un livre historique, et l’un de tous ceux que renferme la Bible dans lequel les narrations soient du genre le plus simple, on aurait tort cependant de le dépouiller d’une vue décidée et portée de haut dans l’avenir le plus lointain. Dans le Nouveau Testament, l’Esprit de Dieu fait allusion fréquemment aux faits les plus marquants qui y sont racontés. C’est ainsi que pour l’incident relatif à Melchisédec, nous voyons quelle portée il lui est donné par le Saint Esprit dans l’épître aux Hébreux ; et d’autres portions de l’Écriture y font aussi allusion. Un sacrificateur et roi, deux caractères qui se trouvaient souvent réunis en ces temps, rencontre Abraham comme il venait de la défaite des rois, il apporte aux vainqueurs des rafraîchissements convenables, prononce une bénédiction au nom de Celui dont il était sacrificateur, et reçoit les dîmes même de la part d’Abraham. Toutefois, il faut se souvenir que la Parole de Dieu parle de ce fait comme figurant un vaste changement qui s’est déjà accompli, et en annonçant un plus grand encore, le jour de Christ étant, comme je le crois, le véritable objet de sa portée. L’épître aux Hébreux, où se trouve discuté le sujet de la sacrificature de Christ, telle qu’elle s’exerce maintenant dans le ciel, fait simplement allusion, sans les appliquer, à quelques traits importants de ce type. Là, le principal but du Saint Esprit est de signaler une sacrificature d’un caractère plus élevé que celle d’Aaron, une sacrificature qui n’était ni reçue d’un prédécesseur ni transmise à un successeur. Je ne parle de cela que pour montrer que l’Écriture attribue une valeur typique (et qu’est-ce, sinon, en d’autres mots, prophétique ?) à ce qui peut sembler n’être que le récit exact d’un simple événement d’histoire. Tel est le caractère que je réclame pour les faits que renferme le livre de Daniel. Car il est évident que si, dans les livres le plus simplement écrits de l’histoire inspirée, tels que la Genèse ou l’Exode, dont la prophétie n’est ni l’objet direct, ni le trait particulier, nous rencontrons incidents sur incidents dont le Nouveau Testament se sert comme préfigurant les biens à venir, nous avons encore plus lieu de penser que, lorsqu’il s’agit d’une prophétie telle que celle de Daniel, nous devons attribuer le caractère prophétique, non pas aux visions seulement, mais aussi aux faits que l’auteur leur rattache comme empreints d’un même esprit. Il serait facile de trouver ailleurs des exemples analogues. Arrêtons-nous un moment à la prophétie d’Ésaïe. Là, après une longue série d’accords prophétiques, la harpe du prophète s’interrompt tout à coup. Ce qui leur succède c’est le récit d’événements historiques très connus, l’invasion et la destruction des Assyriens, et pour ce qui concerne Ézéchias, sa maladie et son rétablissement, la merveille opérée dans le pays et la visite des ambassadeurs du roi de Babylone. Puis la prophétie recommence et continue sa carrière. Il serait facile de prouver que les faits racontés de Sankhérib et d’Ézéchias ont un rapport précis et riche d’instruction avec les prophéties au milieu desquelles ils sont enclavés. De sorte que, les considérer simplement comme des faits placés dans une connexion semblable à cause des exigences du récit historique et séparant, sans d’autres et de plus profondes raisons, les deux moitiés du livre l’une de l’autre, ce serait les dépouiller de la plus grande partie de leur valeur. Y a-t-il donc trop de hardiesse à poser comme une vérité applicable à l’ensemble de la Parole de Dieu, que l’Écriture ne doit pas être rabaissée au niveau d’un simple narré des faits qu’elle rapporte, mais que ces faits furent expressément choisis dans la sagesse de Dieu et furent rédigés avec ordre, dans le dessein de représenter les terribles voies de l’homme et de Satan, ainsi que les scènes glorieuses aux yeux de Dieu Lui-même qui doivent se passer de nouveau dans le dernier jour ? Et s’il en est ainsi de la portion de la Parole de Dieu qui est historique, à combien plus forte raison cela doit-il être vrai d’un livre prophétique tel que celui-ci.

Cependant l’évidence de la vérité de cette manière de voir ressortira avec beaucoup plus de force de la considération des faits tels qu’ils sont rapportés ici. Nous verrons alors quelle est la connexion, quelle est la portée spéciale des chapitres eux-mêmes, beaucoup mieux que par les présomptions plus élaborées que je pourrais déduire d’autres parties de la Parole de Dieu. Car c’est là ce qui constitue et doit constituer le plus puissant témoignage au sens réel de l’Écriture. Il en est de la vérité révélée comme de la lumière. Elle n’a pas besoin d’être éclairée du dehors pour nous faire connaître ce qu’elle signifie, mais elle s’explique elle-même. Il n’est nullement nécessaire qu’on vous munisse d’une torche ou d’un flambeau pour que vous puissiez découvrir la lumière du jour. Le soleil qui n’a besoin d’aucun aide pour éclairer, éclipse entièrement toutes ces lumières artificielles ; il brille par lui-même et domine sur le jour. Il en est ainsi partout où se rencontre un homme capable de voir ; la vérité se recommande à lui d’elle-même. Il possède ce que l’évangéliste Luc appelle « un cœur honnête », et ce que d’autres passages nomment « un œil simple ». Partout où la vérité est réellement amenée à agir sur un homme dont le cœur est ouvert pour la recevoir comme la précieuse lumière de Dieu en Christ, ils se répondent mutuellement l’un à l’autre. Le cœur est préparé pour elle, la désire, et quand la vérité se fait entendre, il se prosterne, la reçoit et en jouit. Mais quand, au contraire, le cœur est occupé de lui-même ou du monde, il n’y a pas de vérité qui puisse se le soumettre. La volonté de l’homme est à l’œuvre, et elle est constamment l’invariable ennemie de Dieu. Aussi est-il dit (Jean 3) qu’aucun homme ne peut voir le royaume de Dieu, ne peut y entrer, s’il n’est né de nouveau — né d’eau et de l’Esprit ; c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait une œuvre directe, positive du Saint Esprit s’occupant de l’âme, la jugeant, lui communiquant une nouvelle nature qui soit douée pour les choses de Dieu d’une affinité aussi décidée que celle que la vieille vie a pour les choses du monde. L’Esprit agit sur la nouvelle créature et lui donne l’intelligence ; et la vérité, nous pouvons le dire, constitue sa nourriture naturelle.

C’est pourquoi je n’ai aucun doute que, dans ce troisième chapitre de Daniel, ainsi que dans les trois chapitres suivants, nous trouvions que chacun d’eux a ses traits distinctifs ; et que ces traits n’avaient pas simplement pour but de présenter ce qui se passait dans les jours de Daniel, mais qu’ils étaient enregistrés par le prophète, afin de signaler le cours maintenant écoulé, ainsi que la destinée future, des grandes puissances gentiles. Nous devons les considérer à la lumière des prophéties qui les entourent — et non les prendre, ainsi que quelqu’un pourrait le faire, comme des faits notés par hasard. En un mot, Dieu les a donnés ainsi, et les a rattachés de la façon la plus intime à la prophétie dans laquelle nous les rencontrons.

Au chapitre second nous voyons Dieu en agir, dans Sa souveraineté, avec un homme suscité d’entre les Gentils pour être le ministre de Son autorité. Ceci prend une forme nouvelle, en conséquence de ce que le peuple et les rois d’Israël se sont montrés définitivement indignes du dessein et de la vocation de Dieu à leur égard. Là-dessus, Dieu introduit dans le monde comme gouvernement, le système impérial. Il ne s’agissait pas simplement d’une nation à laquelle il serait accordé de grandir en puissance et d’être la terreur de ses voisins, ou de présenter ainsi en elle un exemple béni des voies de Dieu. Il est permis à un chef de devenir le maître du monde, un grand souverain, non pas seulement un puissant roi, mais un dominateur des rois qui n’étaient que ses subordonnés ou ses satellites. Cet état de choses commença avec Nebucadnetsar, et caractérise l’empire gentil. On pourrait objecter que nous ne voyons pas qu’il existe aujourd’hui de puissance semblable. Cela est vrai. Un pareil pouvoir impérial n’existe pas dans le monde, et il n’y en a pas eu depuis la chute de Rome, quoique plusieurs y aient aspiré ; mais leur entreprise a failli.

Le livre de l’Apocalypse nous signale cette interruption. Autrefois, durant les jours de Rome impériale, il existait un semblable souverain dont les rois étaient les serviteurs. Mais aujourd’hui nous nous trouvons dans l’intervalle pendant lequel tout cela a cessé. Néanmoins ce système doit être un jour rétabli ; et c’est, je le crois, un grand événement qui est réservé au monde dans le temps actuel. Il prendra les hommes par surprise, et quand il sera accompli, il sera le moyen de concentrer la puissance de Satan, et de faire réussir ses plans relativement à la terre. Tout cela est pour nous d’un intérêt bien sérieux. Nous touchons à la crise de l’histoire du monde ; et ceux-là même qui attendent des signes, reconnaissent que nous approchons de la fin du siècle et des temps des Gentils. La réorganisation de l’empire n’est pas fort éloignée : et c’est une chose bien solennelle de se souvenir que lorsqu’il sera rétabli, ce ne sera pas une simple répétition de ce qui a été fait auparavant, mais qu’il y aura une énergie, une opération de la puissance de Satan dans une mesure qu’on n’a encore jamais vue. « Et Dieu leur enverra une énergie d’erreur pour croire au mensonge, parce qu’ils n’ont pas cru à la vérité, mais ont pris plaisir à l’injustice ». Il est possible qu’un grand nombre de mes frères chrétiens s’écrient que je ne parle pas charitablement. La Parole de Dieu, néanmoins, est plus sage que les hommes. La pensée que j’ai exprimée n’est pas de moi, ni d’un homme quelconque. Nul n’aurait pu tirer de son esprit une perspective semblable ; mais Dieu l’a révélée avec la plus grande clarté. On peut alléguer les œuvres merveilleuses de Dieu opérées, dans ces derniers temps, dans un pays éloigné et dans une autre contrée, ainsi que la réponse de bénédiction qui, pour ainsi dire, leur fait écho dans des quartiers plus rapprochés de nous. Mais tout cela ne contredit en aucune manière ce que j’ai avancé. Lorsque les hommes approchent du moment où va s’accomplir un changement profond, nous pouvons toujours remarquer que ces deux choses-ci vont ensemble : d’un côté, la puissance générale du mal s’accroît, et l’orgueil de l’homme s’élève à une hauteur jusque-là sans exemple ; et d’un autre côté, l’Esprit de Dieu travaille avec énergie afin de gagner des âmes à Christ, et de séparer ceux qui doivent être préservés de la destruction qui doit frapper nécessairement le péché et l’orgueil. De sorte que je crois que lorsque approche quelque crise du mal, ce que nous devons attendre c’est précisément cet accroissement de bénédiction de la part de Dieu, dans l’intervalle immédiat qui précède le jugement.

Mais arrivons à ce qui forme le sujet direct du chapitre. La puissance impériale se trouve entre les mains des Gentils ; et la première chose qu’il nous est dit de ce pouvoir, c’est qu’on l’emploie pour établir l’idolâtrie, ou plutôt qu’on en abuse pour environner l’idolâtrie d’une splendeur sans exemple dans l’ancien monde ; et une considération bien humiliante, c’est le rapport manifeste qui existe entre la statue d’or que Nebucadnetsar fit dresser dans la plaine de Dura, et cette statue qu’il avait contemplée dans ses visions de nuit. Il est vrai que la statue qu’il avait faite n’était pas une représentation exacte de cette dernière. Cependant n’est-ce pas une chose grave de trouver que la première chose que fait Nebucadnetsar, autant que nous l’apprenons de l’Écriture, soit de donner ordre qu’on dresse une statue d’or, afin que tous les peuples, les nations et les langues, se prosternent et l’adorent ? Une chose au moins est manifeste : c’est que, soit que la tête d’or de la grande statue eût suggéré ou non cette pensée, dans tous les cas elle ne l’avait pas empêchée. Au contraire, nous voyons ici Nebucadnetsar employer à cet effroyable usage l’autorité que Dieu avait mise en ses mains. En voici, je pense, la raison. Nebucadnetsar était un homme qui avait autant de sagesse selon la chair, que de volonté propre. Il occupait bien évidemment une position qu’auparavant jamais homme n’avait occupée, étant non pas seulement le souverain d’un vaste royaume, mais le maître absolu de beaucoup de royaumes qui parlaient différentes langues, et qui avaient toutes sortes d’habitudes et de politiques contraires. Comment fallait-il se comporter avec toutes ces nations diverses ? Par quel moyen pourrait-on les maintenir et les bien gouverner sous un seul chef ? Il existe une influence dont l’action est plus puissante et plus efficace que celle de quelque autre chose que ce soit ; une influence qui, si elle est commune à tous, unit étroitement les hommes ; mais qui, si elle est discordante, range au contraire avec plus de force que toute autre, peuple contre peuple, maison contre maison, enfants contre parents et parents contre enfants, et même maris contre femmes et femmes contre maris. Il n’existe pas de dislocation sociale qu’on puisse comparer à celle que produit la différence de religion. En conséquence, dans la vue de détourner un si grand péril, l’union dans la religion fut la mesure que le diable insinua à l’esprit du politique Chaldéen, comme le lien le plus sûr de son empire. Il fallait qu’il exerçât une influence religieuse commune à tous, afin de relier ensemble les cœurs de tous ses sujets. Selon toutes les probabilités, c’était, à son avis, une nécessité politique. Que tous les sujets de l’empire soient unis dans le culte, que tous les cœurs s’unissent dans un même acte d’adoration en se prosternant devant un seul et même objet, et l’on posséderait quelque chose qui entretiendrait l’espérance et fournirait l’occasion de former un tout de tous ces fragments épars. Conformément à cette pensée, il conçoit le projet d’une magnifique statue d’or, dans la plaine de Dura, près de la capitale de l’empire ; et c’est là qu’il invite tous les principaux, les satrapes, les lieutenants, les ducs, les baillis, les receveurs, les conseillers, les prévôts et tous les gouverneurs des provinces, tous ceux qui étaient revêtus de quelque autorité, à venir assister à la dédicace de la statue. Il l’environne aussi de tout ce qui était attrayant pour la nature, et propre à agir sur les sens. Toutes les sortes de musique doivent contribuer à la scène. Quand on entendrait le son du cor, du clairon, de la harpe, de la saquebute, du psaltérion, de la symphonie, etc., ce serait le signal auquel il fallait que les représentants de cet immense royaume « se jetassent à terre et se prosternassent devant la statue d’or que le roi Nebucadnetsar avait dressée ». Tout ce que peut l’homme, c’est de faire une idole ; il ne peut même découvrir le vrai Dieu. S’il s’agit d’obtenir l’hommage du monde, la seule chose capable d’entraîner les hommes sur une vaste échelle, doit être quelque chose de cette création, quelque chose adapté à la nature de l’homme tel qu’il est. Vous ne sauriez unir les cœurs qui sont véritables avec ceux qui sont faux. Mais si le vrai bien est exclu, Satan est là pour trouver quelque chose qui, si l’autorité de l’homme l’introduit, commandera l’acquiescement de tous. Tel fut le cas ici. En conséquence l’autorité de l’empire fut mise en avant, et tous reçurent ordre d’adorer la statue sous peine de la mort. « Quiconque ne se jettera pas à terre et ne se prosternera point, sera jeté, à cette même heure-là, au milieu de la fournaise de feu ardent ».

« C’est pourquoi, au même instant, et sitôt que les peuples entendirent le son du cor, du clairon, de la harpe, de la saquebute, du psaltérion et de toute sorte de musique, tous les peuples, les nations et les langues se jetèrent à terre, et se prosternèrent devant la statue d’or que le roi avait dressée ».

Mais il y en eut quelques-uns qui se tinrent à l’écart de cette foule idolâtre ; bien peu hélas ! quoique sans doute il s’en trouva d’autres qui restèrent ignorés. Nous osons dire qu’il y en eut un qui n’est point mentionné ici — Daniel lui-même. Quoi qu’il en soit, ses trois compagnons n’assistaient point à cette fête idolâtre, et leur absence les signala aux autres, surtout comme leur position élevée comme elle l’était dans la province de Babylone, les exposait davantage à l’attention publique. Naturellement ils furent signalés au déplaisir du roi. « Sur quoi certains Chaldéens s’approchèrent en même temps et accusèrent les Juifs ». Ensuite ils rappellent au roi le décret qu’il a rendu, et ajoutent : « Il y a de certains Juifs que tu as établis sur les affaires de la province de Babylone, Shadrac, Méshac, et Abed-Nego. Ces hommes-là, ô roi, n’ont point tenu compte de toi, ils ne servent point tes dieux, et ne se prosternent point devant la statue d’or que tu as dressée. Alors le roi Nebucadnetsar, saisi de colère et de fureur, commanda qu’on amenât Shadrac, Méshac, et Abed-Nego » etc.

Or, ceci m’apparaît comme un fait d’une très grande importance. Le Gentil se sert de son pouvoir pour établir une religion qui se rattache à la politique de son gouvernement, une religion en vue de desseins terrestres actuels. Là ou il en est ainsi, il n’est pas possible qu’on laisse la religion entre Dieu et la conscience. Il ne peut plus être question d’avoir une conviction réelle sur Dieu et sur Sa vérité, ni de juger librement l’imposture. Le culte imaginé par le roi gentil est imposé à ses sujets sous peine de la mort.

Certaines circonstances peuvent pour un temps mettre obstacle à ce que la volonté du monde ait son résultat naturel envers ceux qui condamnent sa religion ; et tel a été le cas pendant quelque temps. Chacun sait que durant les dernières cinquante années et plus, il s’est produit un système d’opinions et de sentiments généralement connu sous le nom de libéralisme. Ce système s’est emparé de l’esprit des hommes ; il ne respecte en aucune façon Dieu et Sa Parole comme tels : son thème perpétuel, ce sont les droits de l’homme ; sa vertu cardinale, c’est la liberté pour tous de penser, d’agir, et d’adorer selon qu’il leur plaît. Aussi longtemps qu’il est permis à cette idée des droits de l’homme d’avoir le dessus, la miséricorde de Dieu la change pour les chrétiens qui ont de la conscience pour Lui, en une occasion de suivre tranquillement leur chemin et d’adorer Dieu conformément à Sa volonté. Et comme il n’a jamais été contesté que Dieu avait des droits sur Son peuple, comme Sa volonté révélée seule peut le bien gouverner, ainsi, en tant que Père, Il cherche maintenant Ses enfants, afin qu’ils Le servent en esprit et en vérité. Le cœur renouvelé et la conscience prennent leurs délices dans Sa volonté, et c’est à L’exalter qu’ils trouvent ici leur principale bénédiction. Pour le croyant, cette volonté est aussi péremptoire que l’absolutisme du roi païen. Le libéralisme blâme réellement ce droit exclusif sur la conscience ; cependant il a conduit à une sorte de calme dans le monde ; mais le plein exercice de son autorité relativement à la religion, est en jachères pour le moment. Car, réserve faite de circonstances temporaires, on ne peut nier que partout où une religion est introduite par le monarque, pour la conduite de son royaume, elle ne peut admettre nécessairement, ni différence, ni contradiction, ni compromis : sinon, le but pour lequel on l’impose serait manqué. Mais agir ainsi c’est combattre contre Dieu. Le monarque lui-même peut avoir une conscience, et, naturellement, il est tenu d’adorer Dieu suivant Sa volonté. Mais se servir de l’autorité du royaume pour contraindre les autres, c’est, de fait, nier le contrôle direct de Dieu sur la conscience individuelle.

Ce que nous apprenons ici, c’est donc que dans le tout premier usage que fit le Gentil de l’autorité que Dieu lui avait donnée, il eut pour but d’établir sa religion à lui, et de l’imposer à tous ses sujets. En d’autres termes, toute son autorité, autorité qui procédait de Dieu, fut employée à nier Dieu et à obtenir pour sa propre idole l’obéissance de tous, avec la perspective d’une effroyable mort comme le salaire immédiat de la désobéissance. C’est là le grand trait qui donna son caractère au premier des empires gentils.

Mais l’iniquité de l'homme et toute la ruse de Satan n’aboutissent qu’à mettre en vue les fidèles. Le roi commande qu’ils soient jetés dans la fournaise de feu ardent. Il commence sans doute, par leur adresser une remontrance, et leur fournir l’occasion de céder : « Est-il vrai, Shadrac, Méshac et Abed-Nego, que vous ne servez point mes dieux, et que vous ne vous prosternez point devant la statue d’or que j’ai dressée ? Maintenant n’êtes-vous pas prêts au temps que vous entendrez le son du cor, du clairon, de la harpe, etc. à vous jeter à terre et à vous prosterner devant la statue que j’ai faite ? Que si vous ne vous prosternez, vous serez jetés à cette même heure au milieu de la fournaise de feu ardent, et quel est le Dieu qui vous délivrera de mes mains ? ». Il est bien solennel de voir comment fut passagère l’impression produite sur l’esprit du roi. Le dernier fait mentionné, avant qu’il fit dresser cette statue, c’est qu’il tomba sur sa face devant Daniel, lui rendant presque des honneurs divins. Il était même allé jusqu'à dire : « Certainement votre Dieu est le Dieu des dieux, et le Seigneur des rois, et c’est lui qui révèle les secrets puisque tu as pu déclarer ce secret ». Mais ce fut tout autre chose quand il vit son pouvoir contesté et sa statue méprisée, malgré la fournaise de feu ardent.

C’était très bien de reconnaître Dieu un moment lorsqu’Il lui révélait un secret. Cela fut clairement décidé au chapitre 2, et Daniel représente là ceux qui ont la pensée de Dieu, et qui marchent dans Sa crainte. « Le secret de l’Éternel est pour ceux qui le craignent ».

Mais Dieu avait délégué la puissance au chef des Gentils, Nebucadnetsar. Et maintenant que ces hommes ont l’audace de braver les conséquences de leur refus d’obéir plutôt que d’adorer la statue, il est rempli de fureur, et sa colère s’exhale en paroles de mépris pour Dieu Lui-même. « Quel est le Dieu, ose-t-il dire, qui vous délivrera de mes mains ? ». Il en résulte que c’était maintenant une question entre celui que Dieu avait établi et Dieu Lui-même.

Mais ici ressort un trait magnifique et des plus bénis qui appelle toute notre attention. Le temps actuel n’est pas celui où Dieu oppose puissance à puissance. Il n’en agit pas en destruction avec les Gentils, même là où il se peut qu’ils abusent de leur pouvoir contre le Dieu qui les a établis en autorité. J’invite mes lecteurs à réfléchir sérieusement à cela, car je crois que c’est une chose pratique fort importante. Shadrac, Méshac, et Abed-Nego, ne songent en aucune manière à se placer sur le terrain de la résistance à Nebucadnetsar dans sa méchanceté. Ce n’est point là leur principe. Nous savons que plus tard la conduite du roi fut tellement mauvaise que Dieu le dépouilla pour une longue durée de toute gloire, et le priva même de l’intelligence. Mais néanmoins ces hommes pieux ne prétendent point qu’il est un faux roi, parce qu’il établit l’idolâtrie et qu’il l’impose par la violence. La question pour le chrétien n’est point au sujet des rois ; il s’agit pour lui de sa propre conduite à lui-même. Il n’a pas à se mêler des affaires des autres, il est appelé à marcher, en s’appuyant sur Dieu, dans la patience et l’obéissance. Dans la grande masse des obligations de chaque jour, il nous est possible d’obéir à Dieu, en obéissant aux lois du pays où nous demeurons. Cela peut se faire en tout pays. Même si on se trouve dans une contrée papiste, je crois qu’en général on peut obéir à Dieu sans désobéir aux lois du pays. À la vérité, quelquefois il peut être nécessaire de se cacher : par exemple, si des processions sortent par les rues et qu’on exige une marque de respect pour l’hostie, car alors il faut éviter d’avoir l’air d’insulter aux sentiments des gens, tandis que, d’un autre côté, on ne peut participer à leur faux culte. Mais il importe de ne pas oublier que le gouvernement est établi et reconnu de Dieu, et que, par conséquent, il a droit à l’obéissance du chrétien, où que ce soit qu’il se trouve. Cette question est traitée dans l’une des épîtres du Nouveau Testament, celle-là même qui expose plus que toute autre les fondements, les caractères et les effets du christianisme par rapport à l’individu. Je fais allusion à l’épître aux Romains, la plus étendue des épîtres de Paul. Nous y trouvons avant tout, l’exposé parfait de l’état de l’homme, et ensuite la rédemption qui est en Christ Jésus. Les trois premiers chapitres sont consacrés au sujet de la ruine de l’homme, et les cinq suivants à la rédemption que Dieu a opérée, en réponse à la ruine de l’homme. Puis, dans les trois chapitres qui suivent, nous pouvons suivre le cours des dispensations de Dieu, Ses voies, sur une large échelle, avec Israël et les Gentils. Vient alors la partie pratique de l’épître, ou du moins la partie renfermant les exhortations et les préceptes : d’abord, au chapitre 12, les relations des chrétiens les uns à l’égard des autres, et, de transition en transition, à l’égard de leurs ennemis, à la fin du chapitre ; et ensuite, leurs relations avec les puissances qui existent (chap. 13). Il semble que le but de cette expression « les puissances qui existent », est de comprendre toutes les formes de gouvernement sous lesquelles les chrétiens peuvent être placés. Leur devoir était d’être soumis, non pas seulement s’ils vivaient sous un roi, mais aussi là où le gouvernement aurait un autre caractère ; non pas seulement là où le gouvernement serait ancien, mais lors même qu’il s’agirait d’un gouvernement tout nouvellement établi. L’affaire du chrétien est de montrer du respect à tous ceux qui sont constitués en autorité, de rendre l’honneur à quiconque l’honneur est dû, « ne devant rien à personne, sinon de s’aimer les uns les autres ». Et ce qui donne une force particulière à de pareilles recommandations, c’est que l’empereur qui régnait alors était l’un des hommes les plus méchants et les plus cruels qui aient jamais occupé le trône des Césars. Malgré cela, il n’est fait aucune réserve ; il y a même dans ce passage tout l’opposé d’une insinuation que, si l’empereur ordonnait ce qui était bien, les chrétiens étaient obligés d’obéir, mais que, dans le cas contraire, ils étaient affranchis de leur fidélité. Le chrétien doit toujours obéir, non pas toujours à Néron, ou à Nebucadnetsar, mais toujours obéir à Dieu. Il suit de là qu’il n’y a réellement pas le plus petit fondement pour accuser de rébellion une personne pieuse. Je sais bien que rien ne préservera nécessairement un chrétien d’être l’objet d’une mauvaise accusation. Il est tout simple que le monde dise du mal de quelqu’un qui appartient à Christ — à Celui que le monde a crucifié. Mais le principe que nous venons de voir préserve l’âme de tout fondement réel pour une accusation pareille. L’obéissance à Dieu reste entière ; mais je suis tenu d’obéir aux puissances qui existent, dans tout ce qui est d’accord avec mon obéissance à Dieu, quelque difficile et pénible que cela puisse être pour moi.

Les lumières de ces Juifs fidèles étaient bien inférieures à celles que les chrétiens devraient avoir maintenant : ils ne possédaient que cette révélation de Dieu qui formait la portion d’Israël. Mais toujours la foi comprend Dieu : qu’il y ait peu ou beaucoup de lumière, elle cherche et trouve les directions de Dieu. Or c’était dans un exercice de foi très simple que ces hommes se trouvaient. Le décret rendu par l’empereur était incompatible avec le fondement de toute vérité — le seul vrai Dieu. La vocation d’Israël avait expressément pour but de maintenir que c’était Jéhovah qui l’était, et non les idoles. Ici, se trouvait un roi qui leur commandait de se prosterner et d’adorer une statue. Ils craignent de pécher ; ils doivent obéir à Dieu plutôt qu’à l’homme. Il n’est dit nulle part que nous devions jamais désobéir à l’homme. Dieu doit être obéi — quel que soit le canal par lequel une chose m’est commandée, c’est toujours à Dieu que je dois obéir. Si je fais une chose, toujours bien entendu, juste en elle-même, simplement d’après le principe que, dans certaines circonstances, j’ai le droit de désobéir à l’homme, au fond, je ne fais que de deux maux le moindre. Pour un chrétien, le principe est de ne jamais, du tout, faire le mal. Il peut se tromper, je ne le nie pas ; mais je ne comprends pas un homme qui poserait tranquillement en principe qu’il doit accepter un mal quelconque. C’est là une idée païenne. Un idolâtre privé de la lumière révélée de Dieu, ne pouvait en savoir davantage. Que de chrétiens cependant qui confessent le pauvre état actuel de l’Église, en l’alléguant comme une excuse pour persévérer dans un mal reconnu, en disant : De deux maux nous devons choisir le moindre ! — Mais je maintiens que, quelque difficulté qu’il puisse se rencontrer, il y a toujours pour la piété un chemin selon Dieu à suivre. Comment se fait-il donc que dans la pratique je trouve des difficultés ? C’est parce que je veux m’épargner moi-même. Si j’entre en composition avec mon devoir, pour un mal même petit, la grande route des aises et de la réputation honorable est ouverte, mais je sacrifie Dieu, et je me place sous la puissance de Satan. C’était précisément le conseil que Pierre donnait à notre Seigneur lorsqu’Il parlait de Sa mort prochaine. « Dieu t’en préserve — aie pitié de toi-même, Seigneur ! ». De même pour le chrétien. En consentant à un petit mal, en faisant un compromis avec la conscience, en évitant l’épreuve que l’obéissance à Dieu amène toujours, on peut sans doute échapper en grande partie à l’inimitié du monde, et acquérir ses louanges parce qu’on agit bien pour soi-même. Mais si l’œil est simple en cela, il faut que Dieu ait toujours Ses droits, et que la première place dans l’âme Lui appartienne nettement. Si on exige de moi quelque chose qui compromette les droits de Dieu, il me faut alors obéir à Dieu plutôt qu’à l’homme. Partout où ce principe est retenu avec fermeté, le chemin est parfaitement clair. Il se peut qu’il y ait du danger, la mort peut-être nous regardera en face, ainsi que ce fut le cas dans cette occasion. Le roi fut irrité de ce que ces hommes osaient lui dire : « Ô Nebucadnetsar, il n’est pas besoin que nous te répondions sur ce sujet ». — Pas besoin de lui répondre ! Et de quoi donc avaient-ils besoin ? C’était une affaire qui regardait Dieu : la leur était de « rendre à César ce qui appartenait à César, et à Dieu ce qui appartenait à Dieu ». Ils étaient dans l’esprit même de cette parole de Christ avant qu’elle eût été prononcée. Ils s’étaient comportés respectueusement et avec soumission dans la place que le roi leur avait assignée, et il n’y avait à cet égard aucune accusation contre eux. Mais il s’élevait maintenant une question qui intéressait profondément leur foi, et ils en avaient le sentiment. C’était de la gloire de Dieu qu’il s’agissait, et ils se confiaient en Lui.

En conséquence ils disent : « Voici, notre Dieu, que nous servons, peut nous délivrer de la fournaise de feu ardent ». Combien cela est de toute beauté ! En présence du roi, qui ne pensa jamais qu’on eût à servir quelque autre que lui, et qui n’avait jamais vu servir que lui-même, ils disent : « Notre Dieu que nous servons ». Ils avaient auparavant servi le roi avec fidélité, à cause qu’ils avaient toujours servi Dieu : et ils ont encore à servir Dieu, lors même qu’ils aient l’air de ne pas servir le roi en cela. Mais ils ont confiance en Dieu. « Il nous délivrera de ta main, ô roi ». Ce n’était pas simplement la vérité d’une manière abstraite : c’était la foi. « Il nous délivrera ». Mais voici quelque chose de mieux encore : « Sinon, sache, ô roi, que nous ne servirons point tes dieux, et que nous ne nous prosternerons point devant la statue d’or que tu as dressée ». Lors même que Dieu ne mettrait pas en avant Sa puissance pour nous délivrer, c’est Lui que nous servirons ; nous ne voulons point servir les dieux de ce monde. Oh ! chers amis, comme la foi dans le Dieu vivant élève l’homme qui marche dans cette foi ! Ces hommes étaient en ce moment l’objet de toute l’attention de l’empire babylonien. Qu’était alors la statue ? On l’oubliait. Nebucadnetsar lui-même se trouvait impuissant en présence de ses captifs d’Israël. Pour eux, ils étaient là sereins et intrépides, quand le roi manifestait lui-même sa faiblesse ; car quelle faiblesse plus évidente que de se laisser aller à une fureur qui change l’air de son visage, et qui lui fait proférer des menaces qui manquaient entièrement leur but ? On échauffa la fournaise sept fois plus qu’elle n’avait coutume d’être échauffée ; et les hommes forts et vaillants qui furent les agents du roi pour y jeter les trois confesseurs, furent dévorés eux-mêmes par les flammes.

Et maintenant que l’œuvre est accomplie, voici qu’une nouvelle merveille se passe devant les yeux du roi. Cette fois, ce n’était pas une vision ; c’était la puissance manifeste de Dieu. Quelle misérable vanité dans ce dégainement de l’épée du roi contre Dieu ! Au milieu de cette terrible fournaise ardente s’offre soudain un spectacle qui le saisit. Tout étonné, le roi « se leva promptement, et, prenant la parole, il dit à ses conseillers : N’avons-nous pas jeté trois hommes tout liés au milieu du feu ? Et ils répondirent et dirent au roi : Il est vrai, ô roi ! Il répondit et dit : Voici, je vois quatre hommes déliés qui marchent au milieu du feu, et il n’y a en eux aucun dommage ». Que pouvait-on dire de la puissance de Nebucadnetsar maintenant ? De quoi lui servait-il d’être le plus puissant monarque du monde, et d’être entouré ainsi de tout ce qui constituait les nerfs de sa force et la grandeur de son empire ? On avait lié ces hommes, on les avait jetés au milieu de la fournaise de feu ardent, condition évidemment la plus misérable de tout son royaume ; et maintenant il faut qu’il les contemple, leurs liens brûlés et eux-mêmes seulement rendus libres par ce qui devait être leur perdition. Mais il n’y a pas rien que cela. On pouvait apercevoir un autre personnage, et cet autre, Nebucadnetsar ne peut que dire que c'est le Fils de Dieu. « Voici, je vois quatre hommes déliés… Et la forme du quatrième est semblable au Fils de Dieu ». Justement, de la même manière que Dieu pouvait employer la bouche d’un Balaam, ou d’un Caïphe, pour dire la vérité, quoiqu’ils n’en fussent que peu occupés et qu’ils n’eussent pas communion avec Lui dans la vérité, ainsi cette expression du roi, « le Fils de Dieu », était d’une propriété surprenante. Nous n’avons pas lieu de supposer que Nebucadnetsar eût l’intelligence de sa signification ; néanmoins, il y avait en elle une convenance frappante sous ce rapport. Il aurait pu employer d’autres titres ; il aurait pu dire « le Fils de l’homme », ou « le Dieu d’Israël », ou d’autres encore. Mais l’expression « le Fils de Dieu » semble convenir maintenant à la description de la scène ; aussi, je pense que c'est la manifeste puissance souveraine de l’Esprit de Dieu qui amena le roi à s’en servir. Dans le Nouveau Testament où toute vérité est rendue avec précision, nous voyons notre Seigneur Lui-même se référer à ces deux titres qui se trouvent tous deux en Daniel : Fils de l’homme et Fils de Dieu. Fils de l’homme est le titre de Christ dans Sa gloire comme exerçant le jugement : Il est Fils de l’homme, « parce que tout jugement lui est donné ». En tant que Fils de Dieu, Il donne la vie, Il vivifie au milieu de la mort ; en tant que Fils de Dieu, Il délivre ceux qui étaient liés, et « si le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres ». Ce verset me semble le commentaire doctrinal de la scène même qui est devant nous. Le Fils était là, et Il délivrait les prisonniers. L’homme les avait liés ; il avait entrepris d’exécuter la menace de vengeance contre quiconque reconnaîtrait le vrai Dieu ; et ces trois hommes avaient tout risqué pour la vérité de Dieu Lui-même contre tous Ses rivaux et toutes les statues possibles ; et alors Dieu était intervenu en leur faveur avec Sa puissance de délivrance. Non seulement le fier monarque reconnaît que sa parole a été changée, mais il associe leurs noms avec le Dieu souverain. « Il ne prit point à honte d’être appelé leur Dieu ».

La domination gentile n’a pas encore cessé, et je crois que sa fin amènera la même scène avec autant de force que jamais. Le livre de l’Apocalypse démontre que le dernier grand monarque gentil fera servir toute l’autorité de son gouvernement à donner force à ce qui sera appelé « la religion » de cette époque. Et alors Dieu déploiera Sa puissance miraculeuse à l’effet de préserver Ses témoins en vue de l’œuvre qu’Il leur aura assignée. Il est possible que quelques-uns souffrent jusqu’à la mort, et qu’il y ait quelque différence dans la manière dont Dieu agira ; mais l’Apocalypse nous apprend qu’il y aura des personnes préservées au milieu de l’activité de la puissance qui donnera force à l’idolâtrie dans les derniers jours.

Lorsque ces choses auront lieu, nous ne nous trouverons pas sur la scène. Aussi, la mention des Juifs au temps de la dernière grande tribulation a-t-elle une signification caractéristique ? Car, tandis qu’en général les hommes seront forcés à la fin de reconnaître le vrai Dieu, il y aura auparavant une persécution terrible ; on saura ce que c’est que de « glorifier Dieu au milieu des flammes », selon une expression positivement employée à l’égard du résidu juif dans les derniers jours. La main de Dieu opérera des merveilles ; mais ce sera envers les Juifs et non envers les chrétiens. Pour ce qui nous concerne, la tribulation est notre portion constante dans le monde, la part qui nous est propre. Le Nouveau Testament le démontre depuis le commencement jusqu’à la fin. Rien de plus évident que ce fait, savoir que le Saint Esprit ne reconnaît jamais en aucune manière le chrétien, sinon comme séparé du monde, objet de son animosité et de sa persécution, rejeté, méprisé, ignoré du monde. C’est là notre place, celle que nous reconnaît la Parole de Dieu. C’est aux chrétiens à rendre raison du fait qu’ils l’ont perdue ; car il est manifeste que la position que je viens de décrire ne s’applique en aucune façon au temps actuel. Est-ce que le monde est devenu meilleur ou bien qu’ils sont, eux, les chrétiens, devenus pires ? Que la conscience réponde, et si elle est droite, le Seigneur s’en servira comme du moyen de me ramener à la position que jamais je n’eusse dû abandonner. Aussi longtemps que dure la suprématie des Gentils, l’obéissance est le devoir du chrétien ; car le plus souvent ce sur quoi le pouvoir insiste, c’est ce que le chrétien peut accorder en toute liberté. Mais quand il y a opposition entre l’autorité du monde et celle de Dieu, nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, quelles que puissent être les conséquences. C’est la seule chose que Dieu reconnaisse en Son peuple.

Chacun des chapitres qui suivent a, dans un degré toujours croissant, une relation marquée avec le cours de l’empire gentil. Mais ce qui précède suffit pour établir le fait que l’idolâtrie — la religion du monde — religion qui est conçue en vue de chacun et imposée à tous, sous peine de la mort — est le premier grand trait de l’empire gentil dont il soit fait mention, et continuera, plus ou moins, tout le temps qu’il durera lui-même. Comme c’est dans le sens de l’idolâtrie que l’autorité s’est d’abord exercée, il en sera de même à la fin du siècle. Le livre de l'Apocalypse nous fait assister à la dernière période de l’empire gentil, et nous y voyons qu’il finira comme il a commencé : la même contrainte employée ici par le chef de l’empire, afin d’obliger tous ses sujets à se prosterner et à adorer en vue de son propre établissement, se montrera de nouveau à la fin.

Mais nous pouvons remarquer une autre analogie. À cette époque Dieu eut Ses témoins ; et comme ce furent les Juifs qui résistèrent alors à l’idolâtrie gentile, ils reviendront sur la scène des voies de Dieu et seront spécialement les témoins sur lesquels Dieu mettra de l’honneur. Aux jours de ministère terrestre de notre Seigneur, Ses disciples représentaient ce pieux résidu d’Israël. Ces Juifs seront une semence pieuse attachée au Seigneur et aimant Son nom, et cela parce que, avec plus ou moins de lumière, ils auront saisi le Messie. Ils seront trouvés attendant que Jésus vienne reprendre en mains Son royaume, après que l’Église proprement dite aura disparu de la scène des voies de Dieu sur la terre.

Ainsi donc, comme l’autorité débuta dans son exercice par imposer cette idolâtrie à tous, et que les seuls témoins pour Dieu se trouvèrent parmi les Juifs ; de même, à la fin, l’idolâtrie reparaîtra, et Dieu aura un résidu fidèle au sein de ce pauvre peuple — un témoignage pour Lui-même au milieu de l’apostasie.

Mais j’espère entrer dans plus de détails en étudiant les chapitres qui vont suivre. Qu’il nous soit donné de nous souvenir que ce que nous venons de considérer n’est pas simplement pour cette époque, et ne concerne pas seulement les témoins d’alors. Si Dieu veut avoir alors un peuple fidèle parmi les Juifs, puissions-nous, nous qui sommes chrétiens, ne pas être désobéissants à la vision céleste. Nous avons devant nous une perspective bien plus brillante que celle que put jamais contempler Daniel. Il ne jouit pas du privilège de voir Jésus couronné de gloire et d’honneur pour la mort qu’Il avait soufferte. Il pouvait bien, d’un côté, rendre témoignage au rejet du Messie, et de l’autre, à Son universelle et éternelle domination ; mais pour nous maintenant, entre ces deux grandes gloires de Christ, l’une accomplie et l’autre future, nous connaissons en Lui d’autres gloires et des gloires plus hautes ; et nous Le connaissons Lui-même, Lui en qui toutes ces bénédictions sont réunies comme en un trésor. Nous savons qu’Il est le vrai Dieu et la vie éternelle, et que nous sommes nous-mêmes bénis en Lui de toutes bénédictions spirituelles dans les lieux célestes. Nous sommes appelés hors de ce monde pour Le suivre et partager Sa gloire céleste. Il n’y a plus qu’« un peu de temps, et Celui qui doit venir viendra, et il ne tardera point ». Et s’il en est ainsi, combien ne devons-nous pas nous tenir à part de ce présent siècle mauvais ? Combien ne devons-nous pas nous garder purs des efforts qu’il fait pour avoir l’air de respecter le nom de Jésus ? Hélas ! qu’il arrive fréquemment que les gens sont dans l’embarras et demandent ce que c’est que le monde et où il se trouve. La vérité est que tout cela est une triste preuve qu’ils sont tellement mêlés avec le monde qu’ils ne le connaissent pas. Que le Seigneur nous fasse la grâce de n’avoir pas de difficulté pour savoir où est le monde et où nous sommes. Le Juif était obligé d’y entrer l’épée à la main en exécutant le jugement. Mais telle n’est pas la place du chrétien. Nous avons débuté avec l’épée tirée contre Christ, Christ Lui-même se baissant devant elle. Nous avons débuté avec la croix, et nous devons continuer avec elle en attendant la gloire du Seigneur Jésus Christ. Toute notre bénédiction est fondée sur la croix, et toutes nos espérances se concentrent dans la gloire de Christ et dans Sa seconde venue pour nous.

Que le Seigneur nous accorde de pouvoir vivre ainsi dans la connaissance croissante du Bien-aimé, à qui nous avons à faire et à qui nous appartenons. Alors, quels que puissent être le danger et l’épreuve, au milieu d’eux nous aurons le Fils de Dieu avec nous.

Puissions-nous savoir de plus en plus ce que c’est que de marcher avec Christ dans la liberté et dans la joie. De cette manière, nous aurons Christ avec nous, à l’heure même du besoin.

Chapitre 4

Le lecteur est convaincu, j’espère, de l’extrême importance qu’a pour la prophétie le chapitre précédent qui, à première vue, pouvait paraître n’avoir que peu de rapports avec elle, ainsi que des liens étroits qui le rattachent à la vision de la grande statue. Le chapitre 2 ne nous avait présenté que l’histoire générale des puissances gentiles, et non leurs qualités morales. Nous avions vu, sur la scène de la providence de Dieu, s’élever et disparaître tour à tour empire après empire ; mais nous n’avions rien appris sur leur caractère respectif, ni sur l’usage qu’ils faisaient du pouvoir que Dieu avait mis en leurs mains. C’est dans le but de remplir cette lacune que ces incidents historiques furent introduits à dessein entre le grand tableau général que contient le chapitre 2 et les détails donnés ultérieurement depuis le chapitre 7 jusqu’à la fin du livre : ils retracent sous nos yeux la conduite tenue par les divers empires pendant qu’ils sont en possession, de la part de Dieu, de l’autorité suprême dans le monde. La première esquisse de leurs voies morales se trouve dans le chapitre 3. Nous y voyons la puissance gentile rendre obligatoire la religion telle qu’elle se trouvait, sans tenir compte des droits de Dieu, ni de la conscience de l’homme.

Dès lors cette prétention se maintient en principe pendant tout le cours du temps des Gentils. Sans doute il parut nécessaire, à cause de l’immense étendue de l’empire, qu’il y eût une religion dominante qui servît de lien entre les diverses contrées et les diverses nations qui lui étaient assujetties. Hélas ! voilà comment Nebucadnetsar se montrait reconnaissant de la place d’honneur dans laquelle Dieu l’avait établi. Néanmoins, Dieu ne fit qu’en prendre occasion de manifester Sa puissance, même dans ces pauvres Juifs captifs maintenant des Gentils. Le chapitre précédent avait prouvé que la sagesse de Dieu se trouvait parmi eux. Toute la science de l’empire babylonien s’était montrée complètement en défaut : Daniel seul avait été capable d’expliquer les visions. Mais quoique la sagesse divine se trouvât parmi les captifs, la puissance est tout autre chose ; et il plut à Dieu de saisir la circonstance du châtiment terrible, comme il le paraissait, infligé aux trois Hébreux, pour apparaître avec éclat comme le libérateur des fidèles à l’heure de leur extrême nécessité.

Le commencement du gouvernement des Gentils ne fait que préfigurer ce qui en constituera la scène finale. Et comme il y eut alors délivrance par la puissance divine, il en sera de même dans peu ; et ce sera encore une délivrance particulièrement en rapport avec les fidèles d’Israël, le résidu juif. Je ne parle pas des Juifs dans leur état actuel, parce que maintenant un Juif qui demeure tel est ennemi de Dieu. Mais il n’en sera pas toujours ainsi, et le temps approche où la postérité d’Abraham, sans cesser d’être juive, sera convertie à Dieu — recevra le Messie conformément aux prophéties. Je ne veux point dire qu’elle entrera dans la même connaissance bénie et les mêmes privilèges qui forment notre lot maintenant, mais qu’elle sera parmi les fidèles qui doivent se trouver dans le dernier jour, selon qu’il est prédit dans un grand nombre de prophéties. Cela suppose naturellement qu’il s’effectuera dans l’histoire du monde un changement d’une haute importance, ou plutôt que Dieu retirera du monde ce qui n’est pas du monde, afin de reprendre la poursuite de Ses voies à l’égard de la terre.

Dans ces temps-ci, l’œuvre de Dieu n’a pas de rapport immédiat avec les vicissitudes par lesquelles passe le monde. Les périodes alternatives de progrès et de déclin des nations ne sont point l’expression de Sa volonté, quoique dans Sa providence Il ne cesse jamais d’exercer sur elles Son contrôle souverain. Mais il y a eu dans l’histoire du monde un temps où Dieu était directement et immédiatement intéressé dans ce qui se passait parmi les hommes, et où les batailles qu’ils se livraient étaient appelées les batailles de l’Éternel, tandis que les défaites, les famines, etc., étaient nettement reconnues comme dispensées par le Seigneur à cause de quelque mal avec lequel Il avait à faire. Aujourd’hui, quoiqu’il demeure parfaitement vrai qu’il n’y a pas de guerre, pas de calamité, de n’importe quelle espèce, qui arrive sans la volonté de Dieu, et que bien décidément tout est souverainement contrôlé par Lui, ce n’est point cependant selon le même mode de gouvernement direct qu’Il exerçait alors. Aussi, personne ne saurait dire aujourd’hui : Cette guerre se fait par l’ordre de Dieu ; ou bien : Cette famine est un châtiment pour tel ou tel péché. Oser parler ainsi, ne serait que de l’ignorance et de la présomption. Sans doute, il y a des gens qui sont tout prêts à prononcer sur ces matières ; leur erreur vient de ce qu’ils n’apprécient pas le changement immense qui est survenu dans la manière dont Dieu gouverne le monde. Tant qu’Israël a été la nation dans laquelle Dieu manifestait Son caractère à l’égard de la terre, les choses se sont passées comme se faisant directement et immédiatement de la part de Dieu. Mais à partir du moment où Dieu a abandonné Son peuple d’Israël, ce gouvernement a pris fin momentanément, et il n’y a plus eu dès lors simplement que le contrôle indirect que, par Sa providence, Dieu exerce d’une manière générale sur les affaires humaines.

Il s’est produit une autre chose. Lorsque Israël eut rejeté le véritable Christ et eut perdu par là l’occasion d’être rétabli dans sa position de suprématie terrestre, Dieu, pouvons-nous dire, en profita pour introduire une chose nouvelle — la vocation de l’Église. Ce ne fut plus le gouvernement d’une nation par Dieu Lui-même, ainsi que cela avait été le cas d’Israël sous la loi ; ce ne fut pas non plus simplement le gouvernement indirect des Gentils ; mais ce fut la révélation de Dieu comme Père à Ses enfants en Christ, et l’envoi du Saint Esprit, du ciel ici-bas, non pas seulement pour agir dans le cœur des croyants, mais pour habiter au milieu d’eux, et pour les baptiser, Juifs ou Gentils, en un seul corps, le corps de Christ tête dans le ciel. C’est là ce qui continue aujourd’hui. En conséquence, Dieu n’a pas maintenant de relations particulières avec les Juifs. Il n’a pas à faire avec eux plus particulièrement qu’avec les autres peuples, sauf en tant qu’ils sont sous une sentence d’aveuglement judiciel portée contre eux. Ils étaient aveugles auparavant. Ce n’est pas Dieu qui les fit refuser de recevoir Christ. Dieu n’aveugle jamais personne dans ce sens-là : c’est le péché seul qui le fait. Mais lorsque les hommes repoussent la lumière de Dieu et en rejettent obstinément le témoignage, Dieu peut les livrer, et quelquefois Il les livre, à des ténèbres totales qui sont l’effet et ont le caractère d’un jugement, et viennent s’ajouter aux ténèbres naturelles du cœur humain. La nation d’Israël se trouve de nos jours sous un jugement de ce genre.

Mais tandis qu’il en est ainsi de la grande masse de la nation, il n’en est pas de même pour tous. Il doit y avoir toujours un résidu en Israël Cette nation est même la seule dont on puisse dire cela — la seule que Dieu n’a jamais abandonnée d’une manière absolue. Les autres nations peuvent être pour un temps l’objet de la part de Dieu de visitations en grâce bien remarquables ; et tel a été le cas de notre propre pays que Dieu a béni d’une façon merveilleuse en lui donnant libéralement Sa Parole et beaucoup d’autres privilèges. Mais tout en reconnaissant avec gratitude ce fait heureux, il ne faut pas oublier que Dieu ne s’est obligé par rien à maintenir toujours l’Angleterre dans la jouissance de Ses bénédictions. Si ce pays ferme l’oreille aux avertissements et aux exhortations du Seigneur, se détournant de la vérité et préférant l’idolâtrie, ce qui n’est pas absolument impossible, il sera certainement abandonné et tombera sous cette énergie d’erreur que Dieu enverra bientôt sur le monde. Mais à l’égard d’Israël, Dieu s’est lié par des promesses spéciales et Il ne l’abandonnera jamais entièrement : il y aura toujours en ce peuple une semence sainte, même dans les temps les plus ténébreux. Ceci se rattache à une remarque que j’ai faite ci-dessus. Tandis que Dieu s’occupe de l’œuvre du rassemblement de l’Église, il ne peut y avoir lieu pour Lui à une relation particulière quelconque avec Israël en vue de le manifester comme Son peuple et de le délivrer de ses détresses, etc. Mais lorsqu’il aura plu à Dieu de retirer l’Église dans le ciel, Israël viendra de nouveau en scène ; et c’est alors que, les cœurs étant touchés par le Saint Esprit de sentiments de foi véritable et de véritable componction, aura lieu l’accomplissement d’une délivrance dont nous avons vu le type à la fin du chapitre 3.

En cette occasion, je puis précisément le faire observer, le roi reçut une impression telle qu’il commanda, comme par une espèce d’ordonnance de son royaume, qu’on honorât le Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego, et que quiconque oserait parler contre ce Dieu fût mis en pièces et sa maison réduite en voirie. Mais que trouvons-nous ensuite ? Que tout l’honneur particulier dont il entoura Daniel, au chapitre 2, que l’ordre donné à ses sujets d’honorer le Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego, au chapitre 3, n’eurent qu’une bien petite durée. Hélas ! ce ne fut simplement qu’une impression passagère qui s’évanouit de l’esprit du roi comme se dissipe la nuée du matin. Il rappelle lui-même dans ce chapitre-ci combien peu les voies de Dieu avaient atteint son cœur, quoiqu’il eût pu dans le moment être frappé du déploiement de Sa sagesse. Accorder des honneurs à un prophète et prescrire aux sujets de son royaume d’honorer le Dieu qui délivrait comme aucun autre ne pouvait le faire, c’est quelque chose sans doute ; mais où Nebucadnetsar en était-il personnellement ? Il nous l’apprend lui-même : « Moi, Nebucadnetsar, dit-il, j’étais tranquille dans ma maison et dans un état florissant au milieu de mon palais ». On le voit : il est évident, d’après son propre récit, que quoiqu’il parle afin de publier la miséricorde dont il a été l’objet, au fond, après tous les événements merveilleux racontés dans les chapitres qui précèdent, Nebucadnetsar était encore juste le même homme ; il n’y avait pas de changement réel dans son âme, son cœur n’avait pas été amené à Dieu. Il était tranquille dans sa maison et dans un état florissant au milieu de son palais : homme de la terre, tout ce que Dieu avait remis dans ses mains ne faisait que nourrir son orgueil et sa satisfaction de lui-même.

Pendant qu’il se trouve dans cette condition, Dieu lui envoie un nouveau témoignage. « Je vis un songe qui m’épouvanta, et les pensées que j’eus dans mon lit et les visions de ma tête me troublèrent ». En conséquence, il rend un décret portant que tous les sages de Babylone soient amenés devant lui, afin de donner l’interprétation du songe. Décret inutile ! Les sages vinrent, et il leur récita le songe. Mais, c’est lui-même qui le déclare : « Ils ne m’en purent point donner l’interprétation. Mais, à la fin, Daniel, qui a nom Belteshatsar, selon le nom de mon Dieu, entra devant moi, etc. ». Nebucadnetsar s’adresse à lui avec confiance : « Belteshatsar, chef des mages, comme je connais que l’esprit des dieux saints est en toi, et que nul secret ne t’est difficile, écoute les visions de mon songe que j’ai vu, et dis son interprétation ». Il emploie, il est vrai, un langage païen, et il attribue à ses propres dieux la sagesse du Dieu souverain qui se trouve en Daniel. Mais il reconnaît néanmoins qu’il y a en lui quelque chose de particulier et d’extraordinaire. Il parle aussi de la vision de la même manière. Lorsque Daniel eut entendu le songe et en eut saisi la signification, il fut troublé et tout étonné environ une heure.

Il faut bien nous garder de limiter la portée du récit que nous étudions à l’histoire de Nebucadnetsar. Dans ce chapitre-ci il était l’arbre, précisément comme nous avons vu qu’il était la tête d’or au chapitre 2. Or, ce n’était pas le roi seul personnellement qui était représenté par la tête d’or : c’était toute sa dynastie. En un sens, ce qui était vrai de Nebucadnetsar devait caractériser l’empire gentil jusqu’à la fin. Il en est de même de la scène qui nous est présentée ici. Daniel avait sous les yeux, spectacle qui le remplissait de peine et d’horreur, ce qui était réservé à Nebucadnetsar ; et cela était aussi, hélas ! une trop claire prédiction de l’issue à laquelle devait aboutir le système nouveau que le Dieu du ciel avait établi.

Mais poursuivons tout simplement l’étude de notre chapitre.

Daniel explique la vision : « Mon seigneur, dit-il, que le songe arrive à ceux qui t’ont en haine et son interprétation à tes ennemis. L’arbre que tu as vu, qui était devenu grand et fort, dont le sommet touchait les cieux, et qui se faisait voir par toute la terre… c’est toi-même, ô roi ! qui es devenu grand et fort ». Chacun sait comment, dans les Psaumes et dans les prophètes, l’arbre sert à exprimer, d’une manière figurée, la position assignée de Dieu à Israël aussi bien qu’aux autres peuples. C’est ainsi que dans le psaume 80, la vigne représente ce qu’Israël devait être, selon le dessein de Dieu ; mais il y eut chute complète, et par suite, comme nous le voyons en Jérémie 2, Ézéchiel 15, etc., il semblait que c’en était fait du dessein de Dieu. Mais Dieu n’abandonne jamais Son dessein. Il peut Lui arriver de se repentir d’avoir créé ; mais s’il s’agit de ce qui n’est pas seulement l’œuvre de Sa main, mais bien le fruit de l’action de Son cœur, et ce qui constitue Son dessein, Dieu ne l’abandonne jamais. Quand il est question d’appeler à l’existence ce qui n’était pas auparavant, il peut survenir un changement ; mais il ne saurait y en avoir quant à l’amour que Dieu fait reposer sur quelqu’un ou quant aux dons positifs qu’Il accorde : « Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentir » (Rom. 11, 29). C’est là un point d’une très haute importance pour l’âme. Mettez en doute la fidélité de Dieu sous un rapport quelconque, et vous l’affaiblissez sur tout le reste. S’il était possible que Dieu eût appelé Son peuple d’Israël pour l’abandonner ensuite d’une manière absolue, comment pourrais-je être assuré qu’Il me gardera toujours pour Son enfant ? Car si jamais la fidélité de Dieu a été mise à l’épreuve, ç’a été en Israël. Et si j’y crois pour ce qui me concerne individuellement, pourquoi en douterais-je à l’égard d’Israël ? La question revient toujours à ceci : Dieu est-Il fidèle ? A-t-Il renoncé à Son dessein ou retiré Ses dons ? S’Il ne l’a pas fait, tenez pour sûr que, quelles que puissent être les apparences, à un moment donné, Il fera triompher à la fin Sa vérité et Sa miséricorde.

Pour revenir à ce que nous disions tout à l’heure, la figure du cèdre, en Ézéchiel 31, 3, peut faire encore mieux comprendre ce que nous avons en Daniel. « Voici, le roi d’Assyrie a été tel qu’est un cèdre au Liban, ayant de belles branches et des rameaux qui faisaient une grande ombre et qui étaient d’une grande hauteur ; sa cime a été fort touffue ». Et plus bas : « Les cèdres qui étaient au jardin de Dieu ne lui ôtaient rien de son lustre ». C’étaient là les autres puissances du monde. « Les sapins n’étaient point pareils à ses branches, etc. ». Et plus loin, nous trouvons encore une allusion à Pharaon, roi d’Égypte (v. 18). Mais je ne veux pas insister davantage là-dessus. Mon désir a été de prouver par ces divers passages que c’est une chose ordinaire à l’Écriture de faire usage de la figure de l’arbre comme symbole soit de ce qui porte des fruits, soit d’une position élevée et d’une haute dignité. Dans le Nouveau Testament, la portée de la figure s’étend à l’ordre de choses qui a pris pour un temps la place d’Israël. Le chapitre 13 de Matthieu fait voir que l’économie du royaume des cieux est, dans une de ses phases, comparée à un arbre qui s’élève et croît du sein de commencements fort petits. Le Seigneur y développe l’histoire de la chrétienté professante. Dans le chapitre 12, Il avait prononcé la sentence d’Israël dont Il avait déclaré que le dernier état serait pire que le premier ; et telle sera effectivement, avant que Dieu la juge, la condition de cette méchante génération d’Israël qui mit à mort le Seigneur Jésus. Ensuite, le Seigneur en vient à la chrétienté et signale, avant tout, Sa propre œuvre sur la terre : Il sème de la semence. Dans la parabole suivante, un ennemi apparaît sur la scène, se glisse dans le champ et sème de mauvaise semence. C’est l’irruption du mal dans le champ de la chrétienté professante. L’autre parabole fait connaître que ce qui était petit dans ses commencements, croît jusqu’à devenir une institution qui domine au loin sur la terre. Le petit grain de semence devient un grand arbre.

Or, nous pouvons voir par ces passages que dans chaque cas, qu’il s’agisse d’un individu, en tant qu’exprimant la puissance comme Nebucadnetsar, ou d’une nation qui prend de l’ascendant, ou enfin d’un système religieux comme en Matthieu 13, l’arbre est toujours le symbole de la grandeur sur la terre, à moins qu’il ne soit question de fruit. Telle est la signification constante de cette figure. On comprend assez que je ne parle pas tant ici de ces sortes d’arbres qui étaient destinés seulement à porter du fruit, que de ceux qu’on choisissait pour leur grandeur ou leur nature imposante. En Daniel, l’arbre désigne évidemment le pouvoir sur la terre (v. 21). « Auquel il y avait à manger pour tous, sous lequel demeuraient les bêtes des champs, et aux branches duquel habitaient les oiseaux des cieux. C’est toi-même, ô roi ! qui es devenu grand et fort, tellement que ta grandeur s’est accrue et est parvenue jusqu’aux cieux, et ta domination jusqu’au bout de la terre ». Cet arbre faisait l’admiration de tous. Il y avait en lui tout ce qui est de nature à flatter le cœur : la magnificence de ses proportions, la beauté de ses rameaux et de ses feuilles, l’abondance et la suavité de ses fruits, le doux ombrage sous lequel toutes ces créatures, les bêtes des champs et les oiseaux de l’air, trouvaient tous protection. Voilà, sans compter d’autres sujets d’admiration, ce que l’on trouvait dans cet arbre et ce que les hommes pensaient de lui.

Mais quel jugement Dieu en portait-Il ? « Mais quant à ce que le roi a vu le veillant et le saint qui descendait des cieux et qui disait : Coupez l’arbre et l’ébranchez », remarquez-le : il ne s’agit que d’une destruction temporaire ; il n’est jamais question, dans la pensée de Dieu, de l’anéantissement de quoi que ce soit. « Toutefois, laissez le tronc de ses racines dans la terre ». Dieu a à Sa disposition des moyens pour le maintenir en vie. Laissez-le donc, dit-il, « qu’il soit lié avec des liens de fer et d’airain parmi l’herbe des champs ; qu’il soit arrosé de la rosée des cieux, et qu’il ait sa portion avec les bêtes des champs jusqu’à ce que sept temps soient passés sur lui ». « C’en est ici l’interprétation, ajoute-t-il, ô roi ! et c’est ici le décret du Souverain qui est venu sur le roi, mon seigneur ». Et alors le prophète poursuit en faisant à Nebucadnetsar l’application personnelle du songe. Ici tout était parfaitement simple. Nebucadnetsar était averti de ce qui allait lui arriver. Il devait être chassé d’entre les hommes et son habitation serait avec les bêtes des champs ; mais il y avait davantage encore, il devait lui-même être réduit à leur condition : « On te paîtra d’herbe comme les bœufs, et tu seras arrosé de la rosée des cieux ». Et cela pour un temps déterminé : « Et sept temps passeront sur toi, jusqu’à ce que tu connaisses que le Souverain domine sur le royaume des hommes et qu’il le donne à qui il lui plaît ». Nous n’avons pas besoin d’insister sur cette histoire de Nebucadnetsar, et aucun croyant sincère ne saurait être disposé à soulever des difficultés à son égard. Les hommes l’ont fait, expliquant tout cela comme une pure illusion de l’esprit du roi. Mais ce sont là des questions qu’un chrétien ne doit pas même discuter, sauf dans l’intérêt d’autrui. La Parole affirme que le roi Nebucadnetsar fut en apparence réduit par la puissance de Dieu à la condition des bêtes. Or, si nous reconnaissons que Dieu a le pouvoir de mettre de côté les lois de la nature et qu’Il l’a fait en certaines occasions, donnant à quelques-uns de marcher sains et saufs au milieu du feu le plus ardent, et garantissant un autre de toute atteinte dans une fosse de lions, nous devons sentir que dans le fait de Nebucadnetsar réduit à cette dégradation terrible, chassé parmi les bêtes des champs et mangeant l’herbe comme les bœufs, il ne s’agit simplement que de la volonté et de la parole de Dieu. L’homme qui croit les autres faits doit croire celui-ci. La puissance de Dieu peut seule opérer de la sorte, et la Parole de Dieu est notre garant pour toute chose.

Mais pendant que tout cela est fort clair et bien simple, nous avons ici, en outre, une image de la puissance gentile, de son orgueilleuse exaltation d’elle-même et du jugement de Dieu qui doit la frapper. Je pense que Nebucadnetsar, personnellement, ne faisait que montrer quelle serait la tendance générale des Gentils, en tant que possédant un pouvoir qui lui avait été donné de Dieu. Il s’admirerait et s’exalterait lui-même, tournant à sa propre louange, à sa propre gloire, toute la grandeur que Dieu lui avait conférée. Les jugements qui devaient fondre sur lui, lui furent clairement signalés. Mais il ne fit pas attention à l’avertissement. Aussi, toutes ces choses arrivèrent au roi Nebucadnetsar. Au bout de douze mois, il se promenait dans le palais royal de Babylone ; et le roi, prenant la parole, dit « N’est-ce pas ici Babylone la grande, que j’ai bâtie pour être la demeure royale par le pouvoir de ma force et pour la gloire de ma magnificence ? La parole était encore dans la bouche du roi, quand une voix vint des cieux, disant : Roi Nebucadnetsar, on t’annonce que ton royaume te va être ôté ». La sentence fut exécutée.

Les puissances gentiles ont agi exactement de la même manière à l’égard de Dieu. Je n’entends point parler ici des individus qui peuvent surgir de temps à autre. Il se peut que des personnes pieuses se soient trouvées même dans la position occupée par Nebucadnetsar ; mais, comme règle générale, ses successeurs, depuis son époque jusqu’à la nôtre — ceux qui ont eu la suprématie dans le monde et ont possédé la gloire du monde — pour la plupart s’en sont servis pour leur propre compte. En tenant ce langage, je suis aussi éloigné que possible de me permettre, même pour un moment, un sentiment irrespectueux pour ces puissances ; je ne fais qu’énoncer les faits bien connus de la domination gentile. Ces gouvernements furent païens durant bien des siècles avant et après Jésus Christ ; et lorsque le christianisme fut accepté par Constantin et qu’il fut devenu progressivement la religion de l’empire, il n’est pas possible de voir dans cette révolution autre chose que l’adoption d’un système religieux. Mais ce fait ne mit obstacle en rien à la marche générale des choses, et la seule différence fut que le paganisme et le christianisme changèrent de place. Le paganisme qui dominait auparavant fut abaissé, et le christianisme, jusque-là comprimé, s’éleva au rang de culte établi et officiel. Constantin pensa peut-être qu’il était bon d’abaisser les païens et d’honorer les chrétiens ; mais il ne fut jamais question pour lui de prendre la Bible et de se dire : Qu’est-ce que Dieu veut de moi ? De quelle manière manifesterai-je mon obéissance à l’égard de Dieu ? Ces questions, jamais, depuis Nebucadnetsar, aucun de ceux qui ont dirigé les destinées du monde n’a songé à se les poser. Il ne pouvait en être autrement. Je parle ici des grands maîtres du monde, au temps de l’unité de l’empire. Et même, depuis que cette unité a été brisée, quoiqu’il puisse avoir existé exceptionnellement des rois ayant la crainte de Dieu dans leur cœur, cependant même alors il n’était pas en leur pouvoir de changer réellement dans leurs royaumes le cours de la politique. Ceux qui ont essayé de le faire y ont complètement échoué. C’est tout autre chose d’être dépositaire de l’autorité de Dieu dans ce monde, ou de se tenir vis-à-vis de Lui dans une sincère et humble position de dépendance, comme Son serviteur fidèle et obéissant.

Ce chapitre nous fait donc voir comment les hommes changent le pouvoir, l’autorité et la gloire qu’ils tiennent de Dieu en un moyen de satisfaire leur propre orgueil. La conséquence d’une pareille conduite est que toute intelligence de la pensée de Dieu leur serait enlevée. Nebucadnetsar reçut de Dieu des visions et des révélations remarquables : mais à quoi lui servirent-elles ? L’avertissement qui nous occupe maintenant, le plus personnel de tous, lui avait été donné : mais de quel avantage lui fut-il ? Daniel lui avait conseillé de racheter ses péchés par sa justice, et ses iniquités en faisant miséricorde aux pauvres : il ne fit pas attention à ce conseil. Douze mois s’écoulèrent, pendant que, dans l’orgueil de son cœur, il s’attribuait à lui-même et à l’œuvre de ses mains toute la grandeur et tout l’éclat dont il était environné, cette grande Babylone qu’il avait bâtie « pour être la demeure royale par le pouvoir de ma force et pour la gloire de ma magnificence ». Au même instant, la sentence est accomplie sur lui-même. Or, ce qui à ce moment-là était, à la lettre, vrai de Nebucadnetsar individuellement, est moralement vrai de toutes les puissances gentiles considérées comme un tout. Ce qui caractériserait les Gentils dans toute la durée de leur domination, c’est qu’ils seraient sans intelligence de Dieu et sans véritable soumission à Dieu.

« À cette même heure-là, cette parole fut accomplie sur Nebucadnetsar, et il fut chassé d’entre les hommes ; il mangea l’herbe comme les bœufs, et son corps fut arrosé de la rosée des cieux jusqu’à ce que son poil crût comme celui de l’aigle et ses ongles comme ceux des oiseaux ». Il avait été dit au verset 16 : « Que son cœur soit changé pour n’être plus un cœur d’homme, et qu’il lui soit donné un cœur de bête ». Toute pensée de Dieu fut entièrement perdue ; il n’eut pas plus d’idée concernant Dieu qu’une bête des champs ; et même, tandis que l’homme naturel a une conscience au-dedans de lui, Nebucadnetsar perdit absolument toute pensée, et fut réduit à la condition sans intelligence des brutes. L’homme fut formé pour occuper sur la terre la position d’un être qui regardait à Dieu et se tenait dans Sa dépendance. C’est là sa gloire. Une bête jouit, si on peut s’exprimer de la sorte, de ce qui constitue sa sphère propre de jouissance, conformément à la capacité que Dieu a accordée à sa nature ; mais elle n’a aucune idée du Dieu qui l’a faite et qui a fait toutes choses. L’homme, au contraire, a l’idée de Dieu. Cela revient à dire que la capacité de reconnaître Dieu est le grand trait qui marque essentiellement la différence entre un homme et une bête. Maintenant, s’il est permis de traduire d’une manière pratique la vérité que cette histoire est destinée à enseigner, je pense qu’il en ressort, si nous la lisons à un point de vue typique, que les puissances gentiles cesseraient de reconnaître Dieu dans l’exercice de leur gouvernement. Il est possible qu’elles fassent extérieurement usage de Son nom ; mais quant à reconnaître Dieu, dans une mesure quelconque, comme la source de tout ce qu’elles possédaient, ce serait absolument loin de leurs pensées. Et il en a été ainsi effectivement.

Mais, dans le cas de Nebucadnetsar, il s’opéra réellement un changement physique. Réduit à la condition d’une bête, il perdit ce qui caractérise l’homme — toute reconnaissance de Dieu. Ainsi que le dit notre chapitre, il eut un cœur de bête ; il ne posséda plus rien de ce qui fait le caractère et la gloire de l’homme. L’homme est placé ici-bas comme l’image et la gloire de Dieu. Il est placé sous la responsabilité de faire connaître Dieu, et il ne peut le faire que parce qu’il regarde à Dieu. Il y en a qui ont la ressemblance extérieure de l’homme, mais de « l’homme qui est en honneur et n’a point d’intelligence ; il est semblable aux bêtes brutes qui périssent » : déclaration qui reçut sa confirmation la plus remarquable dans le cas de Nebucadnetsar. Mais la même chose est vraie de tout homme qui ne voit que lui, et n’a point Dieu devant ses yeux. Ce fut exactement vrai du monarque babylonien. Il n’eut pas d’intelligence. Il attribua tout à lui-même, et non pas à Dieu ; et en conséquence, par une terrible rétribution, il fut réduit à l’état le plus abject. Jamais Gentil n’avait possédé autant de majesté et de gloire que Nebucadnetsar ; mais dans un instant tout est changé. La sentence de Dieu tombe sur lui au faîte même de son orgueil ; « il fut chassé d’entre les hommes, et mangea l’herbe comme les bœufs ».

Mais des limites furent assignées à la durée de ce châtiment. Ce devait être « jusqu’à ce que sept ans eussent passé sur lui ». L’expression « temps » a été employée plutôt que le mot années, peut-être parce que ce jugement de Nebucadnetsar est le type de la condition à laquelle sont réduites les puissances gentiles pendant tout le cours de leur empire. Cette considération a pu faire préférer un terme symbolique à un mot emprunté au langage de la vie ordinaire. Quoique le pouvoir suprême leur eût été accordé comme un don de Dieu, les Gentils ne reconnaîtraient jamais Dieu dans leur gouvernement d’une manière adéquate et réelle, et ils useraient de leur puissance en vue de leurs intérêts et de leurs propres fins. Pour ce qui est de se soumettre réellement et honnêtement à la volonté de Dieu, qui a jamais entendu parler d’une telle chose comme constituant le but de la politique d’une nation quelconque depuis que les Gentils ont obtenu le pouvoir ? Je ne sache pas qu’on y ait même jamais pensé. Cette figure s’applique donc véritablement à tout le cours des temps des Gentils.

Considérons un peu maintenant l’effet que produisit sur Nebucadnetsar le jugement qui le frappa. Les sept temps passèrent sur le roi. « Mais à la fin de ces jours-là, moi, Nebucadnetsar, je levai mes yeux vers les cieux ». C’était là le premier grand signe du retour de l’intelligence. Une bête regarde en bas, jamais elle ne regarde en haut dans le sens moral de l’expression. L’homme agissant moralement comme homme, reconnaît dans sa conscience un Être duquel il a reçu toute chose, qu’il doit honorer, et auquel il est tenu d’obéir. Lorsque le jugement fut arrivé à son terme, Nebucadnetsar leva les yeux vers les cieux. Il prend alors la véritable place d’un homme. « Mon sens me revint ». Qu’en résulta-t-il ? « Je bénis le Souverain ; je louai et j’honorai Celui qui vit éternellement ». Remarquez bien la différence. Dans les occasions précédentes, il se prosternait devant le prophète et commandait qu’on lui donnât des oblations et des parfums ; il rendait des statuts et des décrets pour que tous ses sujets honorassent le Dieu des Juifs. Mais que fait-il maintenant ? Il laisse là pour le moment tous les autres et se prosterne devant Dieu. Il ne songe pas à contraindre les autres au bien ou au mal ; mais il s’occupe lui-même de bénir, de louer et d’honorer le Souverain. Remarquez aussi cette expression « le Souverain », parce qu’elle a ici une emphase particulière. « Je bénis le Souverain ; je louai et j’honorai Celui qui vit éternellement, duquel la puissance est une puissance éternelle et le règne de génération en génération, et auprès duquel tous les habitants de la terre ne sont rien estimés. Il fait ce qui lui plaît tant dans l’armée des cieux que parmi les habitants de la terre, et il n’y a personne qui empêche sa main et qui lui dise : Qu’as-tu fait ? ».

Lorsque les temps des Gentils prendront fin, le tronc des racines de l’arbre revendiquera sa vitalité qui était restée dans la terre sous la protection de la providence divine, et était réservée pour faire encore obstacle au milieu de l’anarchie qui sans cela aurait couvert entièrement la terre. N’oublions pas que le gouvernement du monde est pour les hommes une miséricorde signalée, comparativement à ce que serait l’absence de tout gouvernement. Néanmoins, tandis que Dieu a exercé un contrôle sur lui et l’a conservé dans Sa providence pour le bien du monde, un temps approche où il germera de nouveau, et où on le verra remplir réellement le but pour lequel Dieu l’avait établi en la terre. Et quand cela arrivera-t-il ? « Lorsque tes jugements sont en la terre, les habitants de la terre habitable apprennent la justice ».

Quand tout ce qui est sorti de la bouche de Dieu sera réellement accompli conformément à Sa volonté ; quand l’homme sera pleinement béni et ne sera plus semblable aux bêtes brutes qui périssent ; quand on ne verra plus Israël rejeter son Messie, ni les Gentils s’arroger eux-mêmes ce pouvoir que Dieu leur a conféré dans Sa bonté souveraine — ce même jour verra le rayonnement de toutes les gloires que nous venons de signaler. Mais ce ne peut être que lorsque Christ, qui est notre vie, sera apparu et que nous serons apparus avec Lui en gloire. C’est à Lui qu’il est réservé d’être le chef des Gentils, aussi bien que des Juifs. Toutes les nations, les tribus et les langues Le serviront, car Dieu ne peut être connu que là où Christ est connu ; Il ne peut être connu dans Sa bonté et dans Sa gloire que là où on en reconnaît en Christ la substance et l’expression. Et il en sera ainsi à cette brillante époque. Le Seigneur Jésus viendra, et Il établira, en perfection, tout ce qui n’a fait que s’écrouler entre les mains de l’homme, ou n’a produit tout au plus qu’un effet négatif faisant obstacle au mal çà et là, mais restant bien au-dessous des moyens parfaits de bénédiction que Dieu a en vue. Lorsque ce jour sera venu, on verra le gouvernement gentil, non dans son état actuel de corruption, mais purifié du mal, et étendu selon les pensées divines, fleurir en la terre et n’être qu’un canal de bénédictions. S’il en a été autrement jusqu’ici, si la miséricorde de Dieu n’a pas pu se déployer librement en lui, le péché seul en a été la cause. Aussi, quand aura lieu le grand accomplissement de cette histoire typique de Nebucadnetsar, quand sera passé le temps de « son cœur de bête » à l’égard de Dieu, le temps où son cœur n’est occupé que de lui-même, donnant satisfaction à l’orgueil et à la convoitise du pouvoir, Dieu prendra en mains propres les rênes, comme le Dieu souverain, et les Gentils se prosterneront, se répandant en chants de louange et de gratitude pleine de joie.

La première fois que cette expression « le Dieu souverain » se présente dans l’Écriture, c’est au milieu d’une scène bien remarquable. Et souvent c’est au premier emploi qui y est fait d’un terme qu’il nous faut recourir pour en avoir la pleine signification. L’expression « le Dieu souverain » apparaît pour la première fois dans le récit relatif à Melchisédec, quand Abraham revenait de la poursuite des rois qui avaient fait Lot prisonnier. Il en sera de même à la fin de cette dispensation, quand aura lieu, non pas seulement la victoire sur toutes les puissances réunies contre le peuple de Dieu, mais encore ce que représentait la scène bénie qui suivit la victoire du patriarche. Melchisédec vient à la rencontre d’Abraham, et celui-ci lui donne la dîme de tout et reçoit sa bénédiction. Melchisédec est le type de Christ en ceci, savoir, que Christ réunit dans Sa personne la gloire du roi et celle du sacrificateur. Il était le roi de Salem et son nom était roi de justice : le jour de la paix sera fondé alors sur la justice. Mais il était aussi sacrificateur du Dieu souverain. Or, son action n’est point caractérisée ici par l’offrande du sacrifice ou de l’encens, mais par le fait qu’il apporte du pain et du vin pour le rafraîchissement des vainqueurs. Il bénit et prononce la bénédiction du Dieu souverain, possesseur des cieux et de la terre. En ce jour-là, en effet, il n’y aura plus d’abîme moral, mais bien complète union entre le ciel et la terre ; ce ne sera plus une triste confusion, un misérable amalgame de l’un et de l’autre, mais un lien de la plus douce, de la plus intime harmonie ; et le Seigneur Jésus sera Lui-même le lien béni qui les unira. Tête de ceux qui appartiennent au ciel, Il est aussi le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs — l’Arbitre souverain de toute puissance terrestre. Devant Lui se prosterneront toutes les choses qui sont aux cieux, celles qui sont sur la terre et celles aussi qui sont sous la terre. Ce sera l’époque de la parfaite restauration de l’intelligence et de la bénédiction des Gentils.

S’il y en a qui soient appelés à honorer la vérité de Dieu et à marcher dans l’intelligence de Ses voies, ce sont évidemment Ses enfants qui jouissent de la conscience de l’amour de leur Père. Oh ! puissions-nous, comprenant bien que c’est là notre place, être rendus capables de nous rappeler quelle sera la fin de toutes choses pour ce qui concerne l’homme ! Il approche ce jour de jugement qui vient sur le monde, et dont le poids tombera sur le Juif et sur le Gentil trouvés l’un et l’autre dans un état d’apostasie. Nous savons, pourtant, que ce jour verra un double résidu amené à briller de l’éclat d’une bénédiction plus grande que jamais — le résidu juif exalté, le résidu gentil béni, chacun d’eux à sa vraie place. Ce ne sera plus un pauvre tronc mutilé, mais un arbre qui germera de nouveau et s’élèvera sous les rosées des cieux dans ses conditions normales de force et de majesté.

Que le Seigneur nous accorde de pouvoir nous attendre à bien de la part de Dieu, nous souvenant qu’au milieu du jugement il y a une miséricorde qui triomphe au-dessus du jugement dans tous les cas, sauf dans le cas de celui qui rejette Christ absolument — qui vit en méprisant Sa miséricorde — qui meurt en se jugeant lui-même indigne de la vie éternelle. Souvenez-vous qu’aucune âme qui entend l’évangile n’est perdue simplement parce qu’elle est méchante. Il y a un remède assuré pour tout ce que nous sommes. Les hommes ne sont perdus que parce qu’ils rejettent et méprisent la vie éternelle, le pardon, la paix, tout, dans le Fils de Dieu !

Chapitre 5

Les chapitres 5 et 6 de Daniel forment une partie de ce que nous pouvons appeler la série des chapitres moraux. Ils sont historiques, mais ils ne sont pas empreints du caractère qui en feraient des figures de l’avenir, recevant de la lumière des prophéties qui les précèdent et les suivent, et à leur tour en jetant sur elles. De ces récits, qui sont comme des illustrations pratiques des puissances gentiles, nous avons vu déjà les deux qui suivent le songe de Nebucadnetsar. Nous allons aborder le premier de deux autres, avant d’arriver à l’examen des communications plus précises qui furent faites au prophète lui-même au chapitre 7.

Les chapitres 5 et 6 ont ceci de particulier qu’ils ne révèlent pas tant les caractères généraux des Gentils, comme certains traits particuliers qui doivent se trouver en eux à la fin, précurseurs d’une prompte destruction. En un mot, ils typifient des actes mauvais, spéciaux, ou des explosions du mal, plutôt que le mal qui a traversé toute leur position et toute leur histoire. Néanmoins il y a entre ces deux chapitres une différence marquée. Venons-en maintenant à l’examen rapide du premier.

« Le roi Belshatsar fit un grand festin à mille de ses gentilshommes, et il buvait du vin devant ces mille courtisans ». C’était une scène de fêtes somptueuses, splendides, et sans doute extraordinaires. Dans une pensée sacrilège, le roi ayant bu, commanda qu’on apportât les vaisseaux d’or et d’argent que Nebucadnetsar, son père, avait tirés du temple qui était à Jérusalem, afin que le roi et les gentilshommes, ses femmes et ses concubines y bussent. Alors furent apportés les vaisseaux d’or, etc. Ils y burent du vin, et louèrent leurs dieux d’or, d’argent, d’airain, de fer, de bois et de pierre. Nous pouvons apprendre de l’histoire ce qu’était une fête où l’on lâchait les rênes à la licence, et comment une armée assiégeante y trouvait une occasion favorable pour tirer parti de ses vastes préparatifs et saisir le moment où les assiégés n’étaient pas sur leurs gardes. C’est dans de telles circonstances, ainsi que l’Écriture nous le fait voir, que, plongé dans cette fausse sécurité qui précède la destruction, le roi lance l’insulte au Dieu d’Israël. Homme téméraire et aveugle ! c’était juste la veille de la ruine de sa dynastie et de sa mort.

Pour Belshatsar, le passé était un blanc inutile. C’était pour lui une leçon qu’il n’avait ni apprise ni écoutée, que Dieu, dans les voies de Sa providence, avait fait de son ancêtre l’instrument de justes mais terribles jugements. La cité, la sainte cité de Dieu, avait été prise, le temple brûlé, et les vaisseaux du sanctuaire, avec presque toute la nation, peuple, sacrificateurs et roi, avaient été transportés dans la terre de l’ennemi. Cette chute d’Israël avait, en tous lieux, rempli les hommes d’étonnement. L’importance qui s’y attacha était tout à fait hors de proportion avec la grandeur numérique de la nation ou de son territoire. Mais tout pauvres que ceux qui la composaient fussent individuellement, ils étaient environnés de l’auréole d’un Dieu qui jadis les avait amenés d’Égypte à travers la mer Rouge — qui les avait nourris du pain des anges pendant de longues années dans l’aride désert — et qui, malgré leurs ingratitudes et mille périls, les avait couverts comme d’un bouclier, durant des siècles, dans le pays de Canaan. N’était-ce donc pas un étrange spectacle pour le monde que Dieu eût livré Son peuple élu et comblé de tant de faveurs, pour être emporté hors de sa terre par un roi chaldéen, le chef de l’idolâtrie de cette époque ? Car Babylone fut toujours fameuse pour la multitude de ses idoles.

Nebucadnetsar, dans tout l’orgueil de son heureuse ambition, n’avait pas été aussi insensé. Il s’était prosterné à l’ouïe de la vérité merveilleuse que le Dieu du ciel, qui avait abandonné Israël à cause de ses péchés, l’avait, dans Sa souveraineté, suscité lui-même pour être la tête d’or de l’empire gentil. Il avait reconnu le Dieu de Daniel comme le Dieu des dieux et le Seigneur des rois ; il avait confessé que le Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Nego était le Dieu souverain — un Dieu qui délivrait et révélait les secrets par-dessus tous les autres. Nebucadnetsar, il est vrai, s’était rendu coupable de beaucoup de péchés — il avait été orgueilleux, et s’était complu en lui-même, en dépit de l’avertissement qui lui avait été donné, et il avait été abaissé comme jamais roi ni homme ne l’ont été pour cela ; mais il avait reconnu son péché dans tout son vaste royaume, ainsi que les grandes merveilles du Roi du ciel dont toutes les œuvres sont véritables, et Ses voies justes. Mais avant cette fin brillante, même aux jours de son indifférence la plus profonde (alors que tout tremblait devant lui, et qu’il faisait mourir et vivre qui il voulait, et qu’il élevait et abaissait qui il voulait), jamais il ne s’était livré à un acte de mépris et de profanation tel que celui que son petit-fils accomplissait maintenant.

Mais, dans le même instant, la sentence du jugement immédiat, inévitable, se faisait entendre, car la coupe d’iniquité était pleine ; et il y avait longtemps que la bouche de l’Éternel avait proclamé le châtiment du roi de Babylone. (És. 13 ; Jér. 25, etc.) Cependant, le coup ne tombe pas sans un signe solennel de la part de Dieu. « À cette même heure-là sortirent des doigts d’une main d’homme, qui écrivaient à l’endroit du chandelier, sur l’enduit de la muraille du palais royal ; et le roi voyait cette partie de main qui écrivait ».

Ce n’était pas un songe de la nuit maintenant. C’était un silencieux moniteur, de redoutable augure, au milieu de leur orgie effrénée et de l’impie défi qu’ils jettent au Dieu vivant. L’heure de l’effusion de la colère avait sonné. Il faut que Bel se prosterne, et que Nebo s’incline devant un Dieu indigné, mais un Dieu d’une extrême patience. Le roi n’eut pas besoin qu’on lui insinuât de quoi il s’agissait. Sa conscience, rongée de dépravation, tremblait devant la main qui traçait sa sentence, quoiqu’il ne connût pas un mot de ce qui était écrit. Il sentit instinctivement que Celui dont personne ne saurait arrêter la main avait affaire avec lui. « Alors, le visage du roi fut changé, et ses pensées le troublèrent, et les jointures de ses reins se desserraient, et ses genoux heurtaient l’un contre l’autre ». Dans son effroi, oublieux de sa dignité, « le roi cria à haute voix qu’on amenât les astrologues, les Chaldéens et les devins ». Mais tout fut inutile. On offrit les récompenses les plus élevées, mais l’esprit d’un profond sommeil fermait tous les yeux. « Ils ne purent point lire l’écriture, ni en donner au roi l’interprétation ».

Au milieu des alarmes du roi, qui vont toujours croissant, et de l’étonnement de ses gentilshommes, la reine (sans aucun doute la reine-mère, si nous comparons les versets 2 et 10) entre dans la salle du festin. Ses sympathies n’étaient point à la fête, et elle rappelle au roi quelqu’un qui était encore plus en dehors et au-dessus de tout cela, un homme dont la personne était entièrement étrangère à ce roi impie. « Il y a dans ton royaume un homme, etc. » (v. 11-14).

Ce fait, que Daniel était étranger à Belshatsar, renferme des volumes. Quels que fussent l’orgueil et l’audace du grand Nebucadnetsar, Daniel était assis à la porte du roi — gouverneur sur toute la province de Babylone, et chef de tous ceux qui avaient la surintendance sur tous les sages. Son descendant avili et dégénéré ne connaissait pas Daniel.

Cela me fait souvenir, en passant, d’un incident bien connu de l’histoire du roi Saül, dont on ne voit pas toujours la portée morale : l’intervention d’un jeune fils d’Isaï, dont il plaisait à Dieu d’employer la musique comme un moyen de calmer l’esprit du roi quand il était troublé par un mauvais esprit. « Il arrivait donc que, quand le mauvais esprit envoyé de Dieu était sur Saül, David prenait le violon, et en jouait de sa main ; et Saül en était soulagé, et s’en trouvait bien, parce que le mauvais esprit se retirait de lui » (1 Sam. 16, 23). Peu de temps après, Saül et tout Israël se trouvèrent dans une grande consternation, lorsque le géant de Gath leur jeta son orgueilleux défi dans la vallée d’Éla. La providence de Dieu conduisit, là, dans l’humble sentier de l’accomplissement d’un pacifique devoir, un jeune homme qui entendit avec des oreilles bien différentes les paroles de vanité et d’orgueil du Philistin. Loin d’en être effrayé, le sentiment qu’il éprouva fut plutôt de l’étonnement que cet incirconcis osât défier les armées du Dieu vivant. À peine l’a-t-il vaincu, que le roi se tourne vers le chef de l’armée, et lui fait cette demande : « De qui est fils ce jeune garçon ? ». Et Abner confesse son ignorance. Certes, voilà une chose étrange. Le même jeune garçon qui l’avait servi dans sa maladie était inconnu du roi Saül ! Certainement il ne s’était pas écoulé un long intervalle ; mais Saül ne connaissait point David. Cette circonstance a jeté les critiques dans une perplexité extrême. Et l’un d’eux, hébraïsant des plus distingués, a essayé d’établir qu’il fallait que d’une manière ou d’autre les chapitres eussent été entremêlés, et que la dernière partie du chapitre 16 devait suivre la fin du chapitre 17, de manière à faire disparaître la difficulté à laquelle donne lieu l’ignorance où se trouve Saül à l’égard de la personne de David, après que celui-ci s’est déjà tenu en sa présence, a gagné son affection et est devenu son écuyer. Mais je suis convaincu que tout cela vient de ce que l’on ne comprend pas la leçon que Dieu veut enseigner précisément dans cette scène. Il se pouvait fort bien que Saül eût aimé David à cause de ses services, mais il n’avait pas éprouvé pour lui la plus légère sympathie ; et lorsqu’il en est ainsi, nous oublions facilement. Si on n’a pas les mêmes affections, on est bientôt réellement éloigné l’un de l’autre quand se présente le service du Seigneur. C’est là justement l’esprit du monde relativement aux enfants de Dieu, selon ce que dit saint Jean : « C’est pourquoi, le monde ne nous connaît pas, parce qu’il ne l’a pas connu ». Il peut savoir bien des choses concernant les chrétiens, mais il ne les connaît jamais. Et quand le chrétien a disparu de la scène, il peut bien rester encore de lui un souvenir fugitif, mais c’est un homme inconnu. Saül avait eu les plus grandes obligations à David. Mais quoique David eût été pour lui l’instrument de la bénédiction, néanmoins toute la connaissance qu’il pouvait en avoir s’effaça complètement avec le service qu’il en avait reçu.

C’est ainsi pareillement que la reine pouvait dire au sujet de Daniel : « Au temps de ton père, l’on trouva en lui une lumière, une intelligence et une sagesse telle qu’est la sagesse des dieux ; et le roi Nebucadnetsar ton père, ton père lui-même, ô roi, l’établit chef des mages, des astrologues, des Chaldéens et des devins ». Malgré cela, personne ne s’occupait de lui maintenant ; il était comparativement inconnu des gens de la fête, et la seule personne qui pensât à lui était la reine qui même ne se trouvait là qu’à cause du trouble dans lequel ils étaient jetés.

En conséquence, Daniel est amené devant le roi qui lui dit : « Es-tu ce Daniel qui es d’entre ceux qui ont été amenés captifs de Juda, que le roi mon père a fait emmener de Juda ? ». Il lui expose alors la difficulté dont il s’agit, et parle des récompenses qu’il est prêt à donner à quiconque lira l’écriture et en fournira l’interprétation. La réponse de Daniel est telle que la circonstance le demandait : « Que tes dons te demeurent, et donne tes présents à un autre ; toutefois je lirai l’écriture au roi, et je lui en donnerai l’interprétation ». Mais il commence par lui faire entendre une douloureuse parole de répréhension. Il lui retrace en quelques mots l’histoire de Nebucadnetsar et des voies de Dieu envers lui ; en même temps, il lui rappelle sa propre indifférence si absolue et ses insultes contre Dieu : « Toi aussi, Belshatsar, son fils, tu n’as point humilié ton cœur, quoique tu susses toutes ces choses ; mais tu t’es élevé contre le Seigneur des cieux…, et tu n’as point glorifié le Dieu dans la main duquel est ton souffle et toutes tes voies ». Il lui déclare nettement ce qu’est cette scène aux yeux de Dieu ; car c’est là ce que le péché, ce que Satan cherche toujours à cacher. Pour la cour de Babylone c’était une fête magnifique, rehaussée par les trophées du succès des armes de la grande ville et de la suprématie de ses dieux. Mais quel était pour l’œil de Dieu le caractère de cette somptueuse orgie ? Que pouvait-Il penser à la vue des vaisseaux consacrés à Son service apportés orgueilleusement pour célébrer le triomphe de Babylone et de ses idoles ? Oh ! combien ce moment dut être pénible au cœur de l’adorateur de Jéhovah, toute sûre et prompte qu’en devait être l’issue !

Il se passe cependant aujourd’hui dans le monde des scènes qui suggèrent des pressentiments d’un caractère pour le moins aussi grave. Toute la question est de savoir si nous sommes dans le secret de Dieu, de manière à pouvoir lire par nous-mêmes le jugement qu’Il porte sur toutes ces choses. Nous pouvons sans hésiter et sans risque prononcer jusqu’à un certain point sur la présomption de Nebucadnetsar, et sur l’impiété manifeste de Belshatsar ; mais voici, pour ce qui nous regarde, le grand critère moral : Savons-nous discerner comme il faut l’apparence du ciel et de la terre aux jours où nous sommes ? Les signes si sombres de notre époque sont-ils perdus pour nous ? Nous identifions-nous en toute simplicité et uniquement avec les intérêts du Seigneur au temps actuel ? Avons-nous l’intelligence de ce qui se passe maintenant dans le monde ? Croyons-nous à ce qui va lui arriver ? Bien évidemment le roi et sa cour n’étaient que les instruments de Satan, et le mépris qu’ils montraient pour le Dieu des cieux n’était pas simplement l’œuvre de leur propre cœur : Satan était leur maître. C’est une parole véritable, que partout où vous voyez la volonté de l’homme, vous trouvez invariablement le service de Satan. Hélas ! l’homme ne sait point que la jouissance d’une liberté sans Dieu, ce n’est et ce ne peut être que faire l’œuvre du diable. Le roi Belshatsar et ses courtisans ne pensaient peut-être qu’à célébrer leurs victoires sur une nation encore abaissée et captive dans Babylone ; mais de fait ils insultaient positivement et personnellement le vrai Dieu, et Il répond à leur défi. Ce n’était plus une discussion entre Daniel et les astrologues : c’était une affaire entre Dieu et Belshatsar. L’ordre, qu’on apportât les vaisseaux de la maison de l’Éternel, pouvait ne paraître qu’un méchant caprice, effet de l’ivresse du roi et de ses convives ; mais le moment de la crise était venu, et il faut que Dieu frappe un coup décisif. Soyez-en bien assurés : les tendances de notre époque, quoique non immédiatement jugées de Dieu, ne tombent pas dans l’oubli ; et il y a un trésor de colère qui s’amasse pour le jour de la colère. Ce temps-ci n’est pas le temps des jugements de Dieu. C’est bien plutôt celui où l’homme élève l’édifice de ses péchés jusqu’au ciel, pour voir le jugement tomber d’une manière d’autant plus terrible, lorsque la main de Dieu sera étendue contre lui.

Mais, même à l’heure suprême, il y a un avertissement solennel, immédiat, et devant tous. Et remarquez en quoi consistait la grande difficulté concernant cette écriture tracée sur la muraille. Elle était en langue chaldéenne, et tous ceux qui contemplaient la main et les caractères étaient chaldéens ; en conséquence, nous aurions pu supposer que les simples caractères devaient être plus familiers aux Chaldéens qu’à Daniel. Ce n’est pas la coutume de Dieu, quand Il fait quelque communication, d’employer une forme obscure ; et ce serait une théorie monstrueuse de prétendre qu’en donnant une révélation, Dieu la présente d’une manière qui la rend impossible à comprendre par ceux à qui elle est destinée. Qu’est-ce donc qui rend toute l’Écriture si difficile ? À coup sûr ce n’est pas son langage, et en voici une preuve frappante. Si quelqu’un me demandait quelle est la portion du Nouveau Testament que je considère comme la plus profonde, je me référerais aux épîtres de saint Jean ; et cependant, s’il y a des portions écrites, plus que d’autres, dans un langage de la simplicité la plus grande, ce sont ces mêmes épîtres. Les expressions n’en sont point celles des scribes de ce monde. Ce ne sont pas non plus des pensées énigmatiques, toutes pleines d’allusions étrangères et abstruses. La difficulté que présente l’Écriture tient à ce qu’elle est la révélation de Christ pour ceux dont le cœur a été ouvert par la grâce pour le recevoir et l’apprécier. Or, Jean avait été admis éminemment à ce privilège. Il était, de tous les disciples, le plus favorisé d’une intimité de communion avec Christ. Ce fut certainement le cas pendant que Christ était sur la terre ; et le Saint Esprit se sert de lui pour nous communiquer les pensées les plus profondes sur l’amour de Christ et sur la gloire de Sa personne.

Les difficultés de l’Écriture tiennent donc réellement à ceci, savoir, que ses pensées sont infiniment au-dessus de nos pensées naturelles. Pour comprendre la Bible, il faut nous débarrasser du moi. Il nous faut avoir un cœur et des yeux pour Christ, sinon, l’Écriture est inintelligible pour nos âmes ; tandis que si l’œil est simple, tout le corps est plein de lumière. De là vient que vous voyez parfois un homme instruit, quoiqu’il soit peut-être chrétien, complètement embarrassé, s’arrêter court aux épîtres de Jean et à l’Apocalypse comme trop profondes pour lui ; tandis que, d’un autre côté, un homme simple, s’il ne peut les comprendre entièrement, ou en expliquer exactement toutes les parties, peut dans tous les cas en jouir : elles présentent à son âme des pensées intelligibles et lui apportent consolations, directions et profit. Même s’il s’agit d’événements à venir, ou bien de Babylone et de la Bête, ce lecteur à l’œil simple trouve les grands principes de Dieu qui ont toujours sur son âme une action pratique, quoiqu’ils se rencontrent dans le livre réputé le plus obscur de l’Écriture. La raison en est qu’il a Christ devant lui, et que Christ est, dans tous les sens, la sagesse de Dieu. Naturellement, ce n’est pas à cause qu’il est ignorant qu’il est capable de comprendre, mais c’est nonobstant son ignorance. Ce n’est pas non plus la science d’un homme qui le rend capable d’entrer dans les pensées de Dieu. Qu’on soit ignorant ou savant, il n’y a pour cela qu’un moyen — l’œil pour voir ce qui concerne Christ. Et partout où cela est fermement fixé devant l’âme, je crois que Christ devient la lumière de l’intelligence spirituelle, comme Il est la lumière du salut. C’est l’Esprit de Dieu qui est la puissance pour saisir cette lumière ; mais Il ne la donne jamais excepté par Christ. Autrement l’homme a devant lui un objet qui n’est pas Christ, et, en conséquence, il est incapable de comprendre l’Écriture qui révèle Christ. Il tâche de faire signifier à l’Écriture ce qu’il a dans ses propres pensées quoi que ce puisse être, et ainsi l’Écriture est faussée. Voilà la clef réelle de toutes les erreurs relatives à l’Écriture. L’homme apporte ses pensées à la Parole de Dieu et édifie un système qui n’a pas de fondement divin.

Pour en revenir à l’inscription tracée sur la muraille, les expressions étaient assez claires. Tout aurait dû être intelligible et l’aurait été, si les âmes des Chaldéens eussent été en communion avec le Seigneur. Je ne veux pas dire que le pouvoir de l’Esprit de Dieu n’était pas nécessaire pour rendre Daniel capable de la comprendre. Mais pour l’intelligence de la Parole de Dieu, c’est une chose immense d’avoir communion avec le Dieu qui nous fait connaître Sa pensée. « C’est pourquoi, disait Paul aux anciens, je vous recommande à Dieu et à la parole de sa grâce ».

Daniel était entièrement en dehors des festins et choses semblables. Il était étranger à tous ceux qui se trouvaient là ; et c’est du sein de la présence de Dieu qu’il fut appelé à voir cette scène d’impiété et de ténèbres. Arrivant donc tout frais de la lumière de Dieu, il lit la terrible écriture tracée sur la muraille, et tout brille comme le jour. Rien de plus solennel. « C’est ici l’interprétation de ces paroles » (v. 25-28). Sur le champ il voit Dieu dans l’affaire. Le roi avait insulté Dieu dans ce qui était rattaché à Son culte. « Thekel : tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé léger. Pérès : ton royaume a été divisé, et il a été donné aux Mèdes et aux Perses ». Ce n’est point que quelque chose apparût alors ; on ne voyait rien en ce temps-là qui rendît la chose même probable. Et j’appelle votre attention sur ce point, parce que c’est une preuve de plus combien est entièrement fausse la maxime que pour comprendre la prophétie il nous faut attendre jusqu’à son accomplissement. S’il s’agit d’un incrédule, certainement voir dans le passé l’accomplissement d’une prophétie, c’est un argument dont rien ne peut surmonter la puissance. Mais est-ce là le but pour lequel Dieu a écrit la prophétie ? L’a-t-Il fait pour convaincre les incrédules ? Sans aucun doute, Dieu peut s’en servir à cette fin. Mais y destinait-Il l’écriture tracée sur la muraille cette nuit-là ? Évidemment non. C’était Son dernier avertissement solennel avant que le coup fût frappé ; et l’interprétation fut donnée avant que les Perses eussent fait irruption dans la ville — quand il n’y avait encore aucun symptôme de ruine, et que tout au contraire ne respirait que la gaîté et la joie. En cette même nuit Belshatsar, roi de Chaldée, fut tué, et Darius, le Mède, prit le royaume, étant âgé d’environ soixante-deux ans.

En un mot, Babylone était jugée.

Chapitre 6

Nous arrivons maintenant à un autre et dernier type des puissances gentiles. Mais dans l’étude des types, il ne faut jamais oublier qu’il ne s’agit point du caractère personnel de ceux en qui l’Écriture nous les présente. C’est ainsi qu’Aaron était, dans son office, un type de Christ ; mais nous ne devons pas en conclure que ses voies fussent semblables à celles de notre Sauveur bien-aimé. Sous quelques rapports il fut un homme bien coupable : c’est lui qui fit le veau d’or et qui même chercha à tromper le peuple à son sujet. Mais cette circonstance ne le rend point incapable d’être un type de Christ : il l’était en dépit de toutes ces fautes, et non dans ces fautes. David préfigura Christ, non comme sacrificateur, mais comme roi — comme roi d’abord souffrant et rejeté, et ensuite comme roi dans son règne et fort exalté. La vie de David se compose de deux parties : la première renferme le temps où il était bien revêtu de l’onction royale, mais où la puissance du mal était encore reconnue, et où il était poursuivi et persécuté ; la seconde, c’est le temps où, Saül étant mort, il occupe le trône et soumet ses ennemis. Sous l’un et l’autre de ces aspects, David fut un type de Christ. Toutefois sa chute et le terrible péché qu’il commit forment manifestement aussi un parfait contraste avec la vie de Christ.

Mais si, d’un autre côté, le chapitre que nous avons maintenant sous les yeux nous présente, comme je le crois, un type d’une scène terrible de la fin de la présente dispensation, nous ne devons pas supposer que la chose ne saurait être à cause des bonnes qualités qui se trouvaient dans le roi. La manière dont l’homme voudra se faire Dieu est préfigurée dans la personne de Darius, plutôt qu’en Belshatsar. En principe, c’est l’acte qu’accomplit Darius, ou du moins qu’il autorisa, qui expose et manifeste d’avance cette prétention et cette conduite de l’homme. Tandis que Belshatsar était parmi les plus dégradés de la race humaine, il y avait au contraire dans le caractère et dans les mœurs de Darius quelque chose de très propre à le faire aimer et estimer, si même il ne s’y trouvait pas quelque chose de mieux encore. Mais ce n’est pas de Darius personnellement que je veux parler ici. Nous avons eu dans le précédent chapitre le type de la chute de Babylone et le jugement de Dieu qui doit la frapper pour la méchanceté qu’elle a montrée en insultant et en profanant les vaisseaux consacrés au culte du vrai Dieu, en les apportant au milieu de ses propres idoles, et en célébrant les louanges de ces idoles au mépris des douleurs du peuple de Dieu. Tout cela se vérifiera bien davantage dans les événements que l’histoire aura à enregistrer plus tard. Il y a maintenant sur la terre une grandeur qui occupe la position la plus élevée comme étant l’Église de Dieu ; elle s’enorgueillit de son unité, de sa force et de son antiquité ; elle s’enorgueillit de sa succession non interrompue ; elle se prévaut, dans l’intérêt de son crédit et de son influence, de la sainteté et du sang des martyrs. Mais Dieu n’est pas indifférent à l’égard de ses péchés qui, de génération en génération, n’ont fait que s’accroître et devenir plus profonds, et qui n’attendent que le jour du Seigneur, où le jugement doit être exécuté, pour recevoir la sentence qui leur est due. Dans l’Apocalypse, deux grandes choses sont tour à tour l’objet du jugement — Babylone et la Bête : l’une représente la corruption religieuse, et l’autre la violence : deux formes différentes de la méchanceté humaine. Dans la dernière forme qu’elle revêt, nous voyons un homme incité par Satan élever la prétention de prendre la place de Dieu sur la terre. Or, c’est là précisément ce que Darius permet ici que l’on fasse. Peut-être ne savait-il pas lui-même de quoi il s’agissait, mais il se trouvait autour de lui des gens qui le conduisirent à cet acte terrible.

Voici dans quelles circonstances cela s’accomplit. Les gouverneurs et les satrapes avaient besoin d’une occasion contre Daniel, et ils savaient bien qu’il était impossible d’en trouver une contre lui, à moins que ce ne fût « dans ce qui regardait la loi de son Dieu ». C’est pourquoi ils se concertent, et, profitant de la coutume qui existait chez les Mèdes et les Perses, et par suite de laquelle il appartenait aux nobles de faire la loi et au roi de la promulguer, ils imaginent de décréter qu’il ne sera permis à personne d’adresser aucune requête à quelque dieu ou à quelque homme que ce soit durant trente jours, si ce n’est au roi. Qu’était-ce que cela, sinon mettre un homme à la place de Dieu ? Défendre qu’aucune prière fût offerte au vrai Dieu, et ordonner que toute prière qui serait offerte fût offerte au roi, c’est incontestablement attribuer à l’homme les droits de Dieu. Le roi tomba dans le piège et signa le décret.

Mais nous avons maintenant à considérer la belle conduite de Daniel. Rien ne donne lieu de penser que ces choses fussent un secret pour Daniel. Au contraire, il était parfaitement informé de la loi qu’on avait rendue. D’un autre côté, il ne pouvait pas compromettre les droits de son Dieu. Son chemin était donc tout tracé. Il était vieux déjà, et la foi qui avait brûlé en lui dès les premiers jours, était au moins aussi brillante que jamais. Aussi lorsqu’il eut appris que tout était signé, scellé et établi, pour autant que c’est au pouvoir de l’homme, et que la loi irrévocable des Mèdes et des Perses voulait qu’aucun homme ne fléchît les genoux devant Dieu durant trente jours ; sachant bien tout cela, il va dans sa chambre. Il n’y met pas d’ostentation, mais il ne cache pas sa conduite. Ses fenêtres ouvertes, comme d’habitude, du côté de Jérusalem, il se prosterne devant son Dieu trois fois le jour, il prie et rend grâces comme il l’avait fait précédemment. Il fournit à ses ennemis l’occasion qu’ils cherchaient. Ceux-ci rappellent aussitôt au roi le décret qu’il avait rendu, et se mettent à accuser Daniel devant lui. « Ce Daniel, disent-ils, qui est un de ceux qui ont été amenés captifs de Juda, n’a tenu compte de toi, ô roi, ni du décret que tu as écrit ; mais il prie, faisant requête, trois fois par jour ». Alors Darius le roi, éprouva un grand déplaisir en lui-même ; il s’efforce inutilement jusqu’au coucher du soleil de délivrer celui pour lequel il avait au moins du respect. Cependant, quelque désolé qu’il en soit, à l’appel que lui font ces hommes sur le principe du caractère irrévocable de la loi des Mèdes et des Perses, il pèche de nouveau. Il abandonne le prophète à la fureur de ses ennemis pour être jeté dans la fosse des lions, avec l’espérance, que peut-être il admettait à peine lui-même, que son Dieu le délivrerait. Et Dieu intervient pour Son serviteur. Dieu opère la délivrance, et le sort terrible qu’on avait destiné au prophète retomba sur ceux-là même qui l’avaient accusé auprès du roi. « Les nations ont été enfoncées dans la fosse qu’elles avaient faite ; leur pied a été pris au filet qu’elles avaient caché. L’Éternel s’est fait connaître, il a fait jugement ; le méchant a été enlacé dans l’ouvrage de ses mains » (Ps. 9, 15, 16). Il ne saurait y avoir rien de plus clair que la portée typique de cet événement sur la délivrance du résidu fidèle de la fin par l’effusion de colère et la destruction qui atteindront aux derniers jours les traîtres du dedans et les oppresseurs du dehors. Le résultat en sera comme ici, que les Gentils reconnaîtront que le Dieu vivant est le Dieu d’Israël délivré, et que Son royaume ne sera point dissipé.

Les chapitres 5 et 6 de Daniel nous présentent donc les types combinés des scènes qui terminent la dispensation actuelle. Car si vous regardez plus loin dans ce livre de Daniel, vous rencontrez un autre personnage appelé « le roi » (chap. 11, 36, etc.). Vous pouvez lire là une prophétie directe d’actions semblables : « Le roi fera selon sa volonté, et s’enorgueillira, et s’élèvera par-dessus tout Dieu ; il proférera des choses étranges contre le Dieu des dieux, etc. ». Je ne veux pas dire que Darius personnellement ait fait ces choses ; je signale seulement ce que son acte, ou son décret, signifiait aux yeux de Dieu. Il s’agit de ce que Dieu pensait du péché dans lequel Darius avait été attiré, et cela comme un type de l’avenir.

En outre, il est dit du roi, au chapitre 11 : « Il ne se souciera point du Dieu de ses pères… Car il s’élèvera au-dessus de tout ». Maints passages du Nouveau Testament font allusion à cela. Et si quelqu’un allègue que tout cela est dit des Juifs et ne concerne pas la dispensation sous laquelle nous sommes, je prends ce qui est relatif à cette dispensation et je cite comme preuve 2 Thessaloniciens 2, 3, 4 : « Que personne ne vous séduise en aucune manière : car ce jour-là (le jour du jugement du Seigneur sur ce monde) ne viendra pas que l’apostasie ne soit arrivée auparavant, et que l’homme de péché ne soit révélé, le fils de perdition, lequel s’oppose et s’élève au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est un objet de vénération ; de sorte que lui-même s’assiéra au temple de Dieu, se présentant lui-même comme étant Dieu ». Maintenant il est clair qu’en faisant l’acte qu’il accomplit Darius s’élevait effectivement au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est un objet de vénération. Défendre d’adresser des prières à Dieu, et prescrire que les prières que l’on avait coutume d’offrir à Dieu lui fussent un certain temps adressées à lui-même, ce n’était rien de plus ni rien de moins qu’être le type de celui qui doit un jour prendre cette position d’une manière bien plus terrible, plus grossière et plus littérale. Il ressort avec une parfaite évidence du Nouveau Testament, que ces jours dont il est parlé en Daniel et qui y sont reproduits par anticipation d’une manière typique, sont encore à venir ; et que ce personnage, que la prophétie contemple en perspective, doit se poser comme Dieu, et non pas seulement comme le vicaire de Christ, qui a des gens prêts à se prosterner devant lui et à lui baiser les pieds. Ces actes-ci sont sans doute fort mauvais et superstitieux ; mais ils ne nous présentent pas un homme déclarant qu’il est Dieu, s’établissant dans le temple de Dieu, et disant : Il ne sera adressé de prière à aucun être, si ce n’est à moi-même. Quelque grand que soit le mal qui se trouve dans le papisme et dans l’orgueilleuse prétention du pape, il doit survenir un mal beaucoup plus grand encore ; et la pensée solennelle qu’il faut garder devant soi c’est, que ce ne sera pas seulement là l’issue du papisme, mais celle du papisme et du protestantisme, etc., sans Dieu. Même la diffusion de la vérité ne sera pas un préservatif infaillible contre l’invasion de ce mal. Bien coupables et insensés furent jadis ceux qui s’imaginaient que, parce qu’Israël avait dans le camp l’arche de l’alliance de l’Éternel, ils seraient nécessairement préservés dans la bataille avec les Philistins ! L’arche revint en triomphe, mais eux où étaient-ils ?

Gardez-vous de la pensée si chère que le zèle religieux qui se déploie dans ce pays le met à l’abri du mal. Tenez pour sûr plutôt que plus la lumière abonde dans une contrée, plus la Bible y est répandue, plus il y a de prédications, plus on y trouve tout ce qui est bon, et plus aussi le danger est grand si les hommes ne s’y conforment pas, et ne marchent point en harmonie avec ces privilèges. S’ils les traitent comme chose de peu d’importance et n’en font point de cas ; s’ils n’ont pas conscience de l’importance qu’il y a à s’incliner réellement, dans la pratique, devant la lumière de la Bible, ils seront très certainement entraînés par une séduction ou par une autre. Car qui peut dire ce qui a peu d’importance dans l’Écriture, ou les moyens par lesquels le diable acquiert de la puissance sur l’âme ? Partout où l’âme se laisse aller au refus d’écouter Dieu, se livre à la désobéissance à Dieu en quoi que ce soit, qui peut dire où cela finira ? Il n’y a de sécurité que dans la voie d’une sainte dépendance de Dieu et de l’obéissance à Sa Parole. Nous ne devons pas mettre une portion de l’Écriture au-dessus d’une autre par le motif qu’elle nous est à consolation plus grande : il nous faut prendre toute l’Écriture ; ce n’est que là que nous trouvons sécurité. C’est très doux et très précieux de jouir de la présence du Seigneur ; mais il y a plus que cela : c’est une chose terrible que de se trouver dans un état de désobéissance au Seigneur. La désobéissance est comme le péché de sorcellerie. Il n’y a rien de plus terrible. Désobéir à Dieu, c’est virtuellement détruire Son honneur. Il en fut ainsi en Israël ; et néanmoins il doit surgir, du relâchement, du mauvais état de la chrétienté, un mal bien plus effrayant et plus terrible encore.

La première chose qui se présente est donc l’apostasie. Le christianisme sera abandonné ; et plus il y a de lumière, d’autant plus certainement l’apostasie viendra pour les masses qui la repoussent. Il n’y eut jamais en Israël d’époque qui parût tant promettre comme celle où notre Seigneur était sur la terre. On n’avait jamais vu de temps d’une telle activité religieuse : les scribes et les pharisiens parcouraient la terre et la mer pour faire un prosélyte ; on se montrait zélé, en apparence, pour la lecture des Écritures ; on avait des sacrificateurs et des Lévites ; il n’y avait pas d’idolâtrie, ni rien de grossièrement mauvais. C’était un peuple lecteur de la Bible, et un peuple qui gardait le sabbat ; et on n’hésitait pas à appeler notre Seigneur Lui-même du nom de violateur du sabbat, tant on se montrait extérieurement sévère pour l’observation du saint jour. Ainsi allaient les choses, mais comment cela finit-il ? Que firent ces Juifs si zélés pour la religion ? Ils crucifièrent le Seigneur de gloire et rejetèrent le témoignage du Saint Esprit et l’action qu’Il exerçait en grâce, de telle sorte que le résultat fut que le roi envoya ses armées, fit périr ces meurtriers et brûla leur ville. Ce n’est pas à dire qu’il ne s’accomplit pas de conversions, Dieu déploya Sa puissance, et il y en eut par milliers : « Tu vois, frère, pouvait dire Jacques au bout de quelques années, combien il y a de milliers de Juifs qui croient ». Des milliers et des dizaines de milliers étaient effectivement convertis alors après la croix de Jésus, et on pouvait nourrir l’espérance que tout Israël et le monde allaient se convertir ; mais que se passait-il en effet ? Dieu ne faisait simplement que recueillir ces milliers dans Sa grâce, pour abandonner le reste à la destruction dans le jugement qui tomba sur Jérusalem : faible figure anticipée du jugement qui doit bientôt éclater sur le monde. Et si, en nos jours, Dieu déploie Sa puissance et recueille de toutes parts des âmes qu’Il convertit du monde, combien n’est-il pas important que chacun se demande s’il est converti ou s’il ne l’est pas ! Et pour ceux qui sont convertis, quel appel il y a là à marcher dans le sentier de l’obéissance, à se soumettre en toutes choses à la Parole de Dieu, et à attendre Christ !

L’idée nourrie par quelques-uns qu’il y aura une conversion universelle n’est qu’une vaine illusion. Babylone, ou la Bête : voilà les deux grands pièges des derniers jours. L’une sera la source de la corruption associée avec la religion et la profanation de toutes les choses saintes ; l’autre sera caractérisée par l’orgueil et par la violence dans leur degré le plus élevé. Il semblera que le christianisme a complètement échoué, et les hommes croiront posséder, pour tous les maux et toutes les misères, une panacée nouvelle meilleure que l’évangile. Ils célébreront leurs idoles d’or, d’argent et d’airain, se glorifiant de ce que le christianisme aura disparu de la face de la terre, sauf quant à sa forme extérieure. C’est alors que viendra le jugement.

Le chapitre 17 de l’Apocalypse nous fait voir qu’il en sera de la Babylone du Nouveau Testament, forme corrompue que revêt l’apostasie religieuse, comme il en fut de la Babylone de Daniel. L’homme sera l’instrument de la chute de Babylone, la femme enivrée du sang des saints et du sang des témoins de Jésus. Les hommes assouvissent leur vengeance sur elle. On ne la voit plus montée sur la bête couleur d’écarlate ; désormais elle n’apparaît que foulée aux pieds, haïe et rendue déserte. Et après cela qu’est-ce que la prophétie nous montre ? Elle ne nous montre point le christianisme se répandant de toute part dans le monde : bien au contraire, nous voyons la Bête remplir toute la scène, et prendre la place de Dieu. Au lieu du triste spectacle que nous présentait la femme enivrant les hommes avec la coupe d’un christianisme corrompu, nous voyons maintenant l’homme s’établir lui-même dans un orgueilleux défi contre Dieu. Il prend la place de Dieu sur la terre. Je n’ai pas la prétention de dire quel intervalle s’écoulera entre la destruction de Babylone et la chute de la Bête. Le chapitre 17 de l’Apocalypse prouve que bien loin que la destruction de Babylone amène un progrès, une amélioration dans l’état du monde, il n’y aura que plus de hardiesse dans le mal à la place du mal hypocrite qui régnait avant. La corruption religieuse sera remplacée par une orgueilleuse impiété et par le défi ouvertement jeté à Dieu. « Les dix cornes que tu as vues sont dix rois qui n’ont pas encore reçu de royaume, mais reçoivent pouvoir comme rois une heure avec la Bête. Ceux-ci ont une seule pensée, et ils donnent leur propre puissance et leur propre pouvoir à la Bête », non pas à Dieu. Tout est donné à la Bête en vue de l’exaltation de l’homme. L’heure sera venue pour l’homme d’occuper la place suprême dans le monde. Mais, contrairement à ce qui fait en général l’objet de l’ambition des hommes, ils feront l’abandon de leur propre volonté à la volonté d’un autre — dans le désir qu’il y ait quelqu’un très haut, et très exalté, devant lequel tous s’inclinent. Lorsque cela sera accompli, « ceux-ci combattront contre l’Agneau, et l’Agneau les vaincra ». Tout ceci, c’est une chose évidente, est postérieur à la destruction de Babylone ; car nous lisons plus bas : « Les dix cornes que tu as vues et la Bête (c’est ainsi qu’il faut lire, et la Bête, et non à la Bête) — celles-ci haïront la prostituée, et la rendront déserte et nue ». C’est précisément ce qui répond au type de Darius. Darius arrive, détruit Babylone, et se saisit immédiatement du royaume ; et la première chose que nous voyons ensuite, c’est qu’il est entraîné par ses courtisans à prendre la place de Dieu Lui-même. Il rend ou confirme une loi en vertu de laquelle il ne doit être présenté de prière à qui que ce soit, excepté à lui seul durant trente jours. En d’autres termes, il a en effet la prétention d’être l’objet de tout culte ; il s’arroge ce qui est dû exclusivement au vrai Dieu.

Ces deux types sont extrêmement instructifs, comme terminant l’histoire générale des Gentils. Nous y voyons, non ce qui les avait caractérisés dès le commencement et dans tout le cours de leurs empires, mais les traits principaux du mal au moment où ils prennent fin. D’abord Babylone sera détruite à cause de la profanation dont elle s’est rendue coupable dans les choses religieuses de Dieu ; et ensuite l’orgueil blasphématoire parviendra à son comble par l’impie prétention du chef de l’empire à l’honneur et à la gloire qui appartiennent à Dieu seul. J’éprouvais le besoin de trouver le lien qui rattache ces deux choses l’une à l’autre, parce que sans cela il n’est pas possible d’en saisir aussi bien la véritable portée.

Maintenant nous avons terminé ce que je puis appeler le premier volume de Daniel, parce que son livre se partage exactement en deux parties à la fin du chapitre 6. Et c’est là une raison pour laquelle il est dit que Daniel prospéra au temps du règne de Darius et au temps du règne de Cyrus de Perse. On verra que dans le chapitre suivant nous revenons en arrière, au règne de Belshatsar, et que Daniel est de nouveau placé devant nous. Mais je dois m’arrêter. Seulement, je désire que cet exemple de la grande importance qu’il y a à lire l’Écriture avec l’intelligence de sa portée typique, là où elle veut être lue de cette manière, puisse animer les enfants de Dieu de la conviction qu’il y a beaucoup plus d’instruction à recueillir des Écritures qu’il ne peut le sembler à première vue, en regardant à la surface. Ce que Dieu dit est revêtu par là même d’un caractère infini. On n’a pas épuisé Sa Parole pour en avoir tiré quelque peu, par-ci par-là : c’est le puits lui-même, la source toujours jaillissante de la vérité. Plus nous avons crû dans la connaissance de la vérité, et moins nous nous contentons de ce que nous avons atteint, et plus aussi nous sentons combien nous avons encore à apprendre. Et cela n’est point en nous une misérable affectation de paroles d’humilité, mais le résultat du sentiment réel et profond de notre insuffisance parfaite en présence de la grandeur et de la bonté de notre Dieu qui a pris de pauvres vers tels que nous pour nous placer dans Sa propre gloire — car telles sont en effet les merveilleuses voies de Sa grâce.

Chapitre 7

Nous arrivons maintenant à la seconde grande division du livre. L’Esprit de Dieu nous y présente non pas simplement l’histoire ou les visions de personnages païens, tels que Nebucadnetsar et autres, mais les communications faites au prophète lui-même de la part de Dieu. De là vient que c’est ce qui est relatif aux Juifs, objet de la faveur spéciale de Dieu à cette époque-là, et plus particulièrement ce que Dieu tient en réserve pour eux pour un jour de bénédiction qui approche, qui constitue le sujet dominant des pensées de l’Esprit. Daniel était le canal convenable pour de telles révélations. En conséquence, l’Esprit reprend le sujet des quatre grands empires gentils, aussi bien que celui du cinquième empire, le royaume des cieux, qui doit être introduit par le Seigneur Jésus. Mais c’est d’un point de vue différent, quoique naturellement avec une parfaite harmonie, que les choses sont présentées. Ici ce n’est point une grande statue commençant par ce qui est splendide, l’or et l’argent, et descendant par une détérioration manifeste et progressive au ventre et aux cuisses d’airain, aux jambes et aux pieds d’argile ; ce sont de féroces bêtes sauvages. Elles représentent bien les mêmes puissances, mais elles les représentent sous un autre aspect. La statue convenait fort bien pour figurer à l’œil du grand chef de l’empire gentil leurs changements successifs et leurs relations respectives l’une avec l’autre ; mais Dieu ne les envisage pas maintenant de cette manière, non plus que leurs relations avec Son peuple.

Cette simple considération nous donne la clé de la manière différente dont ces puissances nous sont dépeintes. À mesure que nous entrerons dans les détails, nous y trouverons cette sagesse à laquelle nous pouvons toujours nous attendre dans ce qui procède de la pensée de Dieu.

Dans sa vision, le prophète voit une masse d’eau agitée par les vents des cieux. De cette mer troublée sortent quatre bêtes sauvages, successivement, puis-je ajouter ; car il est très évident qu’il en est des empires présentés ici comme des mêmes empires figurés par les métaux au chapitre 2, et que nous devons voir en eux non pas des empires contemporains, mais des empires qui se succèdent l’un à l’autre dans le gouvernement du monde, sous la direction de la providence de Dieu. « La première était semblable à un lion, et elle avait des ailes d’aigle ». Sans aucun doute, nous avons là l’empire de Babylone. Ce n’est pas non plus une chose nouvelle de voir le Saint Esprit appliquer à Nebucadnetsar la figure d’un lion ou celle d’un aigle. Jérémie en avait déjà fait usage : « Le lion est sorti de sa caverne, et le destructeur des nations est parti » (Jér. 4, 7). Ézéchiel, aussi bien que Jérémie, le représenta à son tour sous la figure d’un aigle. Il est même mentionné sous l’image du lion et de l’aigle à la fois en Jérémie 49, 19-22. Dans la vision de Daniel, le Saint Esprit réunit les deux figures dans un même symbole pour représenter d’une manière convenable ce que l’empire babylonien était dans la pensée de Dieu.

Mais, outre ces symboles de la grandeur et de la rapidité des conquêtes que devait faire la bête babylonienne, nous trouvons dans la description que nous en donne le prophète l’indice d’un changement remarquable qui devait s’effectuer en elle, et dont, humainement parlant, il n’y avait à cette époque-là absolument aucune apparence. Mais tout est découvert aux yeux de Dieu dont l’intention, en donnant la prophétie, est que Son peuple voie d’avance ce qu’Il voit Lui-même. Dans la parfaite sagesse et la parfaite bonté qui appartiennent à Sa nature, Dieu a trouvé bon d’accorder une mesure de connaissance de l’avenir selon qu’Il juge convenable à Sa gloire ; et un enfant obéissant écoute et garde la parole de son Père.

Ici Il faisait connaître au prophète que l’empire de Babylone devait être humilié. Il ne serait pas absolument détruit comme nation, mais il serait entièrement renversé comme puissance souveraine dans le monde. C’est ce que signifiait le fait que les plumes des ailes de la bête furent arrachées, et qu’elle se dressa sur ses pieds comme un homme, ce qui naturellement détruirait sa force. Car, quelque convenable qu’une telle attitude soit pour l’homme, il est évident que, pour une bête féroce, c’est plutôt une humiliation. En harmonie avec cela, nous lisons aussi qu’« il lui fut donné un cœur d’homme ». On peut voir en cela une espèce de contraste avec ce qui fut fait dans le cas de Nebucadnetsar, à qui il fut donné un cœur de bête. Nebucadnetsar ne regardait pas à Dieu, ce qui est évidemment le devoir sacré de toute âme d’homme. Il n’est pas proprement un homme, celui qui ne reconnaît pas le Dieu qui lui a donné l’existence, qui veille sur lui et le comble de bienfaits chaque jour, le Dieu qui réclame l’obéissance de la conscience, et qui seul peut changer le cœur. Nebucadnetsar était occupé de lui-même. Le don même que Dieu lui avait fait de la domination universelle avait été perverti par la puissance de Satan, au point que c’était le moi qui était l’objet de ses pensées et non pas Dieu. Selon l’énergique expression de l’Écriture, son cœur n’était pas un cœur d’homme, dont la nature est de regarder en haut en reconnaissant un Être au-dessus de lui ; mais bien un cœur de bête, qui regarde en bas, ne cherchant que son plaisir et la satisfaction de ses instincts. Tel était le cas de Nebucadnetsar, et en conséquence un jugement très solennel tomba sur lui personnellement. Mais après un certain temps d’humiliation, la miséricorde de Dieu intervint, et il fut rétabli dans sa position d’honneur. C’était là un signe de la condition à laquelle seraient réduites les puissances gentiles pour leur péché de ne pas reconnaître le vrai Dieu ; mais l’Esprit prophétique a aussi ajouté le témoignage relatif à leur restauration et à leur bénédiction futures, lorsque, dans un temps prochain, elles reconnaîtront le royaume des cieux. Dans le cas que nous présente notre chapitre, le lion fut réduit de sa puissance comme bête à un état de faiblesse. Cela eut lieu effectivement quand Babylone perdit sa suprématie dans le monde ; ce qui semble bien le sens de la dernière partie du verset. Nous avons donc d’abord Babylone dans la plénitude de sa puissance, et ensuite le grand changement qui s’accomplit à son égard lorsqu’elle fut dépouillée de l’empire du monde.

Au verset suivant (v. 5), vous trouvez une description de l’empire des Perses qui avait été représenté dans la grande statue par « la poitrine, etc., d’argent ». — « Et voici une autre bête, qui fut la seconde, semblable à un ours, laquelle se tenait sur un côté », trait remarquable qui, à première vue, peut ne pas paraître bien clair, mais qui se trouve parfaitement expliqué par cette considération que ce n’était pas un empire aussi uniforme que celui de Babylone. Il était composé de deux peuples réunis sous un seul chef. Voici un autre trait remarquable : celui de ces deux royaumes qui était inférieur à l’autre devint dominant. Les Perses prévalurent sur les Mèdes. C’est ainsi que nous avons vu, dans le chapitre 5, Darius le Mède prendre le royaume ; mais Cyrus lui succéda bientôt, et à partir de ce moment ce furent toujours les Perses qui gouvernèrent, et non pas les Mèdes. Nouvelle preuve de ce que nous avons dit plus haut, que nous n’avons réellement aucun besoin de l’histoire pour comprendre la prophétie. C’est pour méconnaître cette vérité que tant de gens sont plongés dans l’incertitude. Nous pouvons recourir à l’histoire comme par une espèce d’hommage rendu à la prophétie ; mais la confirmation par l’histoire de l’accomplissement de la prophétie est une chose très différente de son interprétation. La prophétie, comme toute l’Écriture, n’est expliquée que par l’Esprit de Dieu qui n’a pas besoin de laisser la Parole écrite pour recourir à l’aide de l’homme afin d’expliquer ce qu’Il a inspiré. Il n’y a que l’auteur de l’Écriture qui soit réellement capable de l’expliquer. Je ne devrais pas avoir besoin d’insister sur cela, vu que c’est un principe de vérité élémentaire, mais aujourd’hui il est aussi urgent que jamais d’insister sur les principes élémentaires de la vérité.

L’Écriture nous fournit donc ici ce fait manifeste que, tandis que le second empire se composait de deux parties, et que les Mèdes formaient la branche la plus ancienne de l’empire, c’est néanmoins Cyrus le Perse qui devait être le plus proéminent. C’était là le côté sur lequel la bête se tenait. « Elle avait trois crocs (vers. angl. : côtes) dans la gueule, entre ses dents », signe bien clair, à mon avis, de la rapacité extraordinaire qui devait caractériser l’empire des Perses. Si, dans une espèce de panorama, nous voyions devant nous différents animaux, et que l’un d’eux fût représenté avec beaucoup de proies qu’il serait en train de dévorer, n’est-il pas vrai que nous aurions aussitôt à l’esprit l’idée d’un appétit singulièrement vorace ? C’était le cas des Perses, qui eurent maintes fois à faire tête à des soulèvements causés par leurs extorsions et leur cruauté. Il est vrai que, par leur moyen, la providence de Dieu opéra en faveur des Juifs ; mais cela ne faisait qu’un contraste avec leurs habitudes ordinaires les plus marquantes, car tandis que les Perses étaient extrêmement durs pour les autres peuples, ils se montrèrent doux et favorables à l’égard d’Israël ; mais, je le répète, ce n’était qu’une exception. En général, une avide bête féroce dépeint exactement leur caractère. De là vient qu’il est dit que l’ours avait trois crocs (côtes) dans la gueule, entre ses dents. Il montrait par le fait même ses voraces penchants ; et on lui disait ainsi : « Lève-toi, mange beaucoup de chair ». Ces paroles expliquaient la vision ; elles avaient trait évidemment aux habitudes pillardes de la bête.

En troisième lieu, vient un léopard avec quelques traits remarquables le concernant. Quoique nous ne devions pas nous attendre à trouver de la régularité dans le tableau, chaque figure est destinée à exprimer certaines vérités ; mais si on essaie de donner à chaque figure une forme régulière, elles ne pourront point aller ensemble. Ainsi, pour le cas qui nous occupe, il n’y avait rien dans la nature qui ressemblât à ce léopard ; mais Dieu emprunte à diverses choses qui existaient dans la nature les traits qui étaient nécessaires pour donner une idée combinée de ce nouvel empire. Aussi, tandis que le léopard est remarquable par son agilité à poursuivre sa proie, il nous est dit néanmoins, en vue de nous faire penser à une rapidité extraordinaire, qu’il avait « sur son dos quatre ailes d’oiseau ». Si jamais il y a eu un cas où l’impétuosité du courage dans la poursuite de grands desseins ait été unie à une merveilleuse rapidité dans l’accomplissement d’une longue suite de conquêtes, c’est à coup sûr dans l’histoire d’Alexandre-le-Grand que nous le trouvons. Le royaume grec ou macédonien porte avec lui un caractère de rapidité qu’aucun autre n’a jamais eu ; et c’est pour cette raison qu’il est symbolisé d’un côté par le léopard et de l’autre par les quatre ailes d’oiseau.

Mais, de plus, « cette bête avait aussi quatre têtes, et la domination lui fut donnée ». Ce trait ne nous donne pas simplement Alexandre, mais aussi ce qui est relatif à ses successeurs. Les quatre têtes signalent la division de son royaume en quatre parties après sa mort. Nous n’avons donc pas ici seulement l’état de l’empire grec dans ses premiers commencements, mais la vision nous présente encore ce qu’il devient dans l’avenir. C’était essentiellement l’empire qui se divisait en quatre parties bien distinctes, non pas précisément qu’il n’y en eût que quatre, parce qu’il est clair qu’à un certain moment, il s’opéra entre les généraux d’Alexandre une espèce de partage par suite duquel six d’entre eux régnèrent sur autant de parties différentes ; mais peu à peu elles furent réduites définitivement à quatre. Nous l’apprenons par le chapitre suivant, et nous n’avons nul besoin de recourir à l’histoire pour cela. Il faut que chaque fait, que toute science rendent témoignage à la Parole de Dieu ; mais la Parole de Dieu n’a nul besoin de ce témoignage pour prouver qu’elle est divine. S’il en était autrement, qu’arriverait-il de ceux qui ignorent le premier mot de la science et de l’histoire ? Les personnes qui s’adonnent beaucoup à l’une ou à l’autre dans le dessein de confirmer par leur moyen les Écritures, n’ont jamais glané que les plus pauvres épis, en comparaison de la moisson si riche qu’on peut faire dans l’Écriture. C’est tout autre chose, si on se nourrit de la Parole, qu’on croisse dans la connaissance de l’Écriture, et qu’on soit appelé ensuite, dans l’accomplissement d’un devoir, à examiner ce que les hommes en disent. On trouvera qu’il n’y a rien, même jusqu’aux découvertes les plus récentes de la science, qui ne rende involontairement hommage à l’Écriture. Celui qui, en regardant à Dieu et en faisant usage de tous les moyens que Sa Parole et Son Esprit lui fournissent, s’établit sur l’Écriture, a réellement la bonne position, la position avantageuse ; il se confie en Dieu, et non dans les découvertes ou les pensées des hommes. Ici-bas, l’homme qui cherche est exposé à toute l’incertitude et au brouillard qui appartiennent à ce bas monde. Mais si on s’éclaire de la lumière de la Parole de Dieu, on possède un soleil plus brillant que celui qui rayonne en plein midi ; et en conséquence on ne court pas risque de s’égarer, juste dans la mesure dans laquelle on est soumis à cette lumière. Et l’Esprit de Dieu peut et veut produire en nous cette bienheureuse soumission. De fait, tous nous errons plus ou moins ; mais la faute n’en est point à quelque défaut dont serait entachée la Parole de Dieu, ni à quelque manque de puissance pour enseigner qui se trouverait dans le Saint Esprit. Toutes nos erreurs proviennent de ceci : nous n’avons pas assez une foi simple dans la perfection de l’Écriture et dans la direction bénie de l’Esprit qui aime à nous conduire en toute vérité.

Le verset suivant (v. 7) commence une autre vision ; car les six premiers versets en constituent proprement une, chacune des deux se trouvant introduite par les mots : « Je regardai dans les visions de la nuit ». Daniel contemple d’abord les quatre bêtes d’une manière générale ; et si quelques-unes furent particulièrement spécifiées, ce furent les trois premières. Mais la quatrième était évidemment celle qui occupait d’une façon plus particulière la pensée du Saint Esprit, et en conséquence le prophète la considère de nouveau. « Après cela, je regardai dans les visions de la nuit, et voici la quatrième bête qui était épouvantable, affreuse et très forte ; elle avait de grandes dents de fer ». Ici, évidemment, la prophétie nous donne une figure du quatrième empire, ou empire romain. Je ne veux pas entrer maintenant dans les nombreuses preuves qui établissent cela. C’est à peine si parmi les lecteurs de ces pages, il s’en trouverait quelqu’un disposé à nier que les quatre empires bien connus sont ce que la statue du chapitre 2 et les bêtes du chapitre 7 avaient pour but de représenter. Cela a bien été nié par quelques-uns, mais c’est une idée bizarre, dont il n’y a pas lieu de s’occuper davantage.

Ceci admis, la quatrième bête représente donc le quatrième empire ouvertement établi. Ce qui le caractérise sous le rapport politique, c’est une force qui surmonte tout. Il est figuré par un monstre auquel ne répond rien d’analogue dans la nature. Nous en trouvons une description plus complète dans l’Apocalypse, parce que l’empire romain étant établi alors, et sa destinée future nous menant jusqu’à la fin du siècle, il devenait l’objet exclusif de l’attention — la bête. En conséquence, le chapitre 13 nous en fournit une description où nous le trouvons représenté comme un léopard, les « pieds comme ceux d’un ours, et sa gueule comme la gueule d’un lion ». Et cette créature d’ordre composite est en outre signalée (v. 1) comme ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses cornes dix diadèmes. C’était la puissance sous laquelle, en ce même temps, Jean souffrait dans l’île de Patmos ; et comme il y avait encore en réserve de plus grandes souffrances pour le peuple de Dieu, et même le blasphème contre Dieu, nous ne devons pas être surpris que cette puissance nous soit décrite avec tant de détails.

Elle apparaît ici comme « une quatrième bête qui était épouvantable, affreuse et très forte ; elle avait de grandes dents de fer ; elle mangeait et brisait, et elle foulait à ses pieds ce qui restait ». C’est-à-dire qu’elle possédait une puissance comme il n’y en avait point eu pour faire des conquêtes et s’agrandir, et que ce qu’elle n’incorporait pas à sa propre substance, elle le foulait et le gâtait ainsi pour les autres. « Elle était différente de toutes les bêtes qui avaient été avant elle ». Cet empire maintenait un sentiment profond de la volonté de l’homme — de la volonté du peuple, et présentait une combinaison de certains éléments républicains avec un despotisme de fer aussi absolu que quelque despotisme qui ait jamais dominé dans ce monde. Chacun de ces deux principes, l’élément despotique et l’élément républicain, avait un jeu à part, mais ils fonctionnaient dans une apparente harmonie.

Mais ce n’était pas tout. La bête possédait un autre caractère très marqué : « elle avait dix cornes ». Il n’en était pas ainsi dans les autres empires. Après la mort de son fondateur, l’empire grec se partagea graduellement entre quatre chefs ; mais le trait particulier à l’empire romain, c’est qu’il possède dix cornes. Cependant nous ne devons pas nous attendre à trouver dans cette vision le développement de son histoire. Dans le cas contraire, il est clair que les dix cornes n’eussent pas apparu dans la bête romaine lorsque le prophète la vit pour la première fois, car Rome n’eut plus d’un chef que plusieurs siècles après avoir commencé d’exister comme empire. Il est évident que l’Esprit de Dieu, dès la toute première apparition de la bête, signale les traits qu’on trouverait en elle à la fin, et non point ceux qu’elle présentait au commencement. Elle était forte et farouche, elle dévorait, elle foulait à ses pieds ce qui restait, elle était différente de toutes les autres. Rome a pu réaliser tous ses traits sous le règne des Césars ; mais, dans ce temps, elle n’avait pas dix cornes. Impossible de prétendre les trouver jusqu’à ce que l’empire fut dissous ; et après cela l’empire romain, à proprement parler, n’existait plus. Il se peut que l’on ait continué de conserver le nom et le titre d’empereur, mais c’était la chose la plus vaine possible. Comment serait-il donc possible que cette prophétie ait eu son accomplissement, puisque, aussi longtemps que l’empire a existé dans sa forme non divisée, il n’y a pas eu de cornes, et puisque, d’un autre côté, l’empire, comme tel, a fini quand une fois il s’est dissous en divers royaumes distincts ? Par quel moyen mettrons-nous d’accord ces deux faits ? Car il ressort bien clairement de tout ce que nous lisons ici que la bête est une chose tout à fait différente de l’une ou l’autre de ses cornes. La bête représente l’unité impériale. Or, tout le temps que l’empire subsista, Rome n’avait point les dix cornes, et lorsque les royaumes distincts se furent élevés, il n’y eut plus trace de l’unité impériale.

Comment se fait-il donc que la prophétie place ces deux choses ensemble ? À mon avis, l’Esprit de Dieu contemplait en avant l’empire romain dans sa dernière phase, durant laquelle les deux traits apparaîtront de nouveau, et, cette fois, réunis. Cette dernière phase se termine par un jugement divin, selon qu’il est écrit un peu plus bas : « Je regardais jusqu’à ce que les trônes fussent placés et que l’Ancien des jours s’assit ; son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête étaient comme de la laine nette ; son trône était des flammes de feu, et ses roues un feu ardent ». Il est évident que nous avons là une figure de la gloire divine dans l’exercice du jugement ; non pas simplement quelque voie de la providence de Dieu sur la terre, mais le jugement auquel Dieu veut procéder. « Un fleuve de feu sortait et se répandait de devant lui ; mille milliers le servaient et dix mille millions assistaient devant lui ; le jugement se tint, et les livres furent ouverts ». Quelque temps que l’on assigne à ceci, il est manifeste qu’il s’agit d’un jugement divin. « Et je regardais à cause de la voix des grandes paroles que cette corne proférait : je regardai donc jusqu’à ce que la bête fut tuée et que son corps fut détruit et donné pour être brûlé au feu ». La corne à laquelle il est fait ici allusion est la onzième, celle qui s’éleva parmi les dix. C’était cette petite corne qui commença par de petits commencements, qui, d’une manière ou de l’autre, trouva le moyen d’arracher trois des premières cornes, et qui dans la suite devint le guide et le gouverneur de la bête tout entière. « Je regardais à cause des grandes paroles que la corne proférait », non pas « jusqu’à ce que la corne fut renversée », mais « jusqu’à ce que la bête fut tuée » ; de sorte que cela implique que cette petite corne était parvenue à gouverner toute la bête.

Le verset que nous avons sous les yeux montre qu’il devait s’exercer sur cette petite corne et sur la bête un jugement qui les détruirait. Ce jugement a-t-il eu lieu ? Évidemment non. Il est manifeste, en effet, que, dans tout ce qui est arrivé à l’empire romain dans les siècles passés, on ne voit rien que de conforme au cours ordinaire des choses dans la marche et le déclin d’une grande nation. Les hordes barbares le mirent en lambeaux, et des royaumes distincts se formèrent ; mais c’est d’une tout autre chose que la prophétie nous parle : elle annonce un jugement qui dispose de la bête d’une manière entièrement différente de ce qui a eu lieu pour les autres et qui fait contraste avec ces autres cas. « Je regardai jusqu’à ce que la bête fut tuée et que son corps fut détruit et donné pour être brûlé au feu. La domination fut aussi ôtée aux autres bêtes, quoiqu’une longue vie leur eût été donnée jusqu’à une saison et un temps ». Conformément à ce que nous enseigne ce dernier verset, nous avons encore jusqu’à présent les restes des Chaldéens ou des races qui portèrent ce nom ; la Perse est restée un royaume, et dans ces dernières années les Grecs en ont aussi constitué un. Ces peuples existent donc, quoique non pas dans la condition de puissance impériale ; ce sont des races d’hommes plus ou moins qui représentent ces anciens empires, plus petites, à la vérité, et n’ayant plus la domination en qualité d’empires. Tel est le sens du verset 12. La domination leur a été ôtée comme gouverneurs du monde ; mais « leur vie a été prolongée pour une saison et un temps ».

Il en est bien autrement pour ce dernier empire quand arrive l’heure de son jugement. Les trois premiers, nous l’avons vu, perdent leur dignité impériale ; mais, quant à eux, ils vivent, ils continuent d’exister. Tandis que pour ce qui concerne le quatrième, l’heure où sa domination prend fin est aussi l’heure où il est lui-même détruit. « La bête fut tuée, et son corps fut détruit et donné pour être brûlé au feu ». Qui peut mettre en doute qu’il s’agit là de la même scène que celle à laquelle il est fait allusion dans le chapitre 19 de l’Apocalypse, où nous lisons : « Et je vis la bête, et les rois de la terre et leurs armées assemblés pour livrer combat à celui qui était monté sur le cheval et à son armée » ? Le prophète-apôtre était arrivé à la dernière bête : les trois autres se trouvaient plus en arrière dans la révélation divine ; elles avaient eu leur jour, et il ne restait plus que la dernière. Par conséquent, quand il s’exprime ainsi : « la bête », nous devons l’entendre de l’empire romain. Cette bête donc et les rois de la terre font la guerre au Seigneur. « Et la bête fut prise, et le faux prophète qui était avec elle, et qui avait fait devant elle les miracles par lesquels il avait séduit ceux qui avaient reçu la marque de la bête, et ceux qui avaient rendu hommage à son image. Ils furent tous deux (remarquez cela) jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre ». Or, ceci est très remarquable, parce que le lac de feu de l’Apocalypse répond au jugement du feu exercé sur le corps de la bête en Daniel ; seulement l’Apocalypse nous expose la chose d’une manière plus complète ; ce n’était pas un simple contrôle exercé sur les circonstances, mais un acte de la puissance divine qui les jette tout droit dans l’enfer, sans qu’un jugement préalable soit nécessaire ; car ce qu’ils étaient en train de faire est parfaitement clair. Ils étaient en opposition ouverte avec le Seigneur de gloire, et ils sont jetés dans les flammes. Cela s’est-il jamais accompli dans l’empire romain ? Encore une fois, non évidemment. Que faut-il en conclure ? L’empire romain a disparu ; car voilà mille ans et plus que c’en est fini de son existence, sauf comme titre insignifiant qui a été un sujet de dispute pour les ambitieux : plusieurs simples royaumes se sont substitués à l’unité de l’empire romain.

Mais que trouvons-nous ici ? La réapparition de l’empire romain. Et cela est en parfait accord avec d’autres parties de la Parole de Dieu. Il y a dans l’Apocalypse une expression remarquable à laquelle on a fait allusion plus d’une fois. C’est en Apocalypse 17, 8, etc. « La bête qui était, et qui n’est pas, et qui sera présente ». Je ne sais pas comment des traducteurs ont pu dire : « Et qui toutefois est ». Cette expression n’a même pas de sens, et la Parole de Dieu est particulièrement simple. Il ne faut pas chercher d’énigme ici. L’empire romain devait avoir trois phases : d’abord sa forme impériale originelle, lorsque Jean souffrit sous le dernier des Césars. Ensuite, son état de non existence, à partir du cinquième siècle, quand les Goths, les Vandales, etc., amenèrent sa dissolution : c’est sa condition actuelle. Mais il reste une troisième phase, qui sera la dernière, et sous laquelle on le verra en opposition ouverte à Dieu et à l’Agneau. Telle est la destinée future de l’empire romain. Il doit être reconstitué ; il doit surgir de nouveau comme empire, et dans cette dernière condition, il combattra contre Dieu pour sa ruine. Et remarquez comment cela laisse de la place pour le point que je désirais éclaircir. Nous n’aurions pu, dans le passé, trouver les dix cornes aussi bien que la bête ; mais nous le pouvons dans l’avenir, et c’est ce que présente la scène décrite en Apocalypse 17 : « Les dix cornes que tu as vues, sont dix rois qui n’ont pas encore reçu de royaume ». Mais, est-il ajouté : « Ils reçoivent pouvoir, comme rois, une heure avec la bête ». De telle sorte que la bête ferait sa réapparition ; il y aurait ce trait singulier, que quoiqu’il y eût la grande tête de l’unité impériale, ce ne serait pas néanmoins à l’exclusion des royaumes distincts. On trouverait encore les rois de France, d’Espagne, etc. Qu’on ne suppose point que parler ainsi, c’est vouloir faire le prophète. Le vrai moyen d’être gardé d’une présomption semblable, c’est l’étude de la prophétie. Dans ce dernier cas, vous apprenez ce que Dieu déclare ; dans l’autre, vous ne faites qu’émettre vos propres pensées. Dans le passage qui nous occupe, ce dont il s’agit, ce n’est point un empire sans les dix rois, ni les dix rois sans l’empire, mais la réunion de ces deux choses. On y trouve l’unité impériale qui répond à la bête, en même temps que ces rois distincts ; leur coexistence formera le trait caractéristique de l’empire romain dans sa dernière phase : c’est à cela que tout tend aujourd’hui.

Le prophète vit la dernière condition de l’empire avec ses dix cornes : « Je considérais ces cornes ; et voici, une autre petite corne montait entre elles, et trois des premières cornes furent arrachées par elle ; et voici, il y avait en cette corne des yeux semblables aux yeux d’un homme et une bouche qui disait de grandes choses ». On était dans l’usage d’appliquer tout ceci au pape. Sans aucun doute, le pape était extrêmement opposé à quiconque appréciait la Parole de Dieu. Mais nous devons toujours prendre garde, lorsque nous lisons l’Écriture, de ne pas trop chercher à appliquer la Parole de Dieu à ce qui se présente sur notre chemin, ou à ce que nous pouvons juger être extrêmement mauvais, comme le pape et le papisme le sont bien certainement. Il nous faut toujours rechercher soigneusement ce que Dieu veut dire par là. D’accord, qu’il y a une analogie remarquable entre la papauté et la petite corne. Il se peut qu’il était dans l’intention de Dieu qu’en différentes époques, Ses enfants qui ont souffert par le papisme trouvassent dans cette application quelque secours et quelque encouragement. Ce changement des temps et de la loi en particulier, dont parle le verset 25, aussi bien que les grandes paroles et la persécution des saints, peuvent avoir eu leur accomplissement dans ce qu’a fait le papisme. Mais il reste toujours à demander si c’est là la complète signification et la portée propre de la prophétie.

Prenez, par exemple, Matthieu 24 : Il y avait d’abord le commencement des douleurs ; ensuite l’abomination de la désolation établie dans le saint lieu, et un avertissement de fuir de Jérusalem ; une tribulation jusque-là sans pareille, etc. Je puis comprendre que tout cela est susceptible de s’appliquer, dans une certaine mesure, à la destruction de Jérusalem par Titus. Mais qui dira que cet événement est tout ce que le discours de notre Seigneur avait en vue, et en réalise la pleine signification ? Il est impossible de penser cela, pour peu qu’on examine attentivement ce chapitre. Lorsque Dieu donne une prophétie, Il permet très souvent qu’elle ait une espèce de gage de son accomplissement ; mais nous ne devons jamais regarder cela comme étant toute la chose. L’empire romain est tombé, et de sa chute a surgi et s’est élevé contre Dieu un nouveau et singulier pouvoir tout plein de prétentions divines. Mais soutenir que ce pouvoir constitue le parfait accomplissement de la prophétie, serait une erreur aussi grande que de supposer que Dieu n’y a jamais fait aucune allusion. Il devait y avoir en Orient le mahométisme, et en Occident la papauté ; mais revient toujours la question : Est-ce là tout ce qu’entend dire le Saint Esprit ? Je dis non, pour la raison déjà donnée, que si l’on considère l’histoire de la papauté, la bête avait disparu, proprement, lorsque le pape prit sa place. Et plus que cela : le pape n’a jamais acquis trois des dix royaumes. Il a pu recevoir le patrimoine de saint Pierre, mais ç’a été toujours politiquement un petit pouvoir, sans conséquence, sous le rapport du territoire. Au lieu d’acquérir trois des dix royaumes, toute son importance est provenue de la séduction spirituelle qu’il a exercée sur les âmes des hommes. Il ressort donc clairement de ce que nous venons de dire qu’une puissance, petite dans ses commencements, doit s’élever et renverser trois de ces puissances plus grandes, acquérant ainsi toute leur domination ; que le pape n’a jamais fait cela, et qu’ainsi, quoiqu’il existe entre lui et la petite corne une certaine mesure de ressemblance, il y a assez de différence pour qu’elle soit tout à fait manifeste.

L’empire existe dans la plénitude de sa force au temps où apparaissent les dix cornes et la petite corne. Plus tard, cette dernière s’agrandit et gouverne la bête tout entière. Au contraire de cela, le pape a perdu presque la moitié de l’Europe, et nul ne peut dire quel sera le résultat de tout le travail qui se fait maintenant dans les faits et dans les idées.

La puissance que nous présente ici la prophétie est une puissance très forte qui tient les dix cornes dans sa sujétion. L’Apocalypse nous apprend que tous les dix rois s’accordent pour donner leur puissance et leur force à la bête. Dieu abandonne tout parce que c’est le temps où il y aura une énergie d’erreur, et où les hommes croiront au mensonge. J’en conclus, non pas que ceci n’a aucun rapport avec la papauté, mais que son entier accomplissement se trouve dans l’avenir. Je dis que l’empire romain sera réorganisé, et qu’il servira d’instrument à Satan dans sa dernière grande entreprise contre le Seigneur Jésus Christ.

Nous lisons dans Daniel que cette petite corne renverse trois pouvoirs. Son caractère moral nous est ensuite décrit. Elle a des yeux semblables aux yeux d’un homme et une bouche qui profère de grandes choses C’est un personnage remarquable par son immense intelligence — non pas par sa force matérielle. La description qui nous en est faite contraste avec celle que l’Écriture nous donne du Seigneur. Le Seigneur est présenté comme ayant sept cornes et sept yeux — c’est-à-dire la perfection de l’intelligence et de la puissance. Il n’en est pas ainsi pour la bête. Extérieurement, la puissance a l’air beaucoup plus grande. Elle a dix cornes au lieu de sept ; un monstre au lieu de la perfection. C’est une sorte d’exagération grotesque de la puissance de Christ que s’arrogera ce malheureux.

Vient alors sa destruction à cause de ses terribles blasphèmes contre Dieu.

Et maintenant suit une vision nouvelle en contraste avec les puissances qu’avaient représentées les bêtes féroces. C’est un personnage « comme le Fils de l’homme ». Précisément comme le second chapitre nous a fait voir une pierre insignifiante frapper la grande statue, et elle a été toute réduite en pièces depuis la tête jusqu’aux pieds. Ici le Fils de l’homme « venait avec les nuées du ciel, et il vint jusqu’à l’Ancien des jours, et se tint devant lui ». L’Ancien des jours représente Dieu comme tel.

Dans l’Apocalypse, les deux gloires sont toutes deux réunies dans la personne de Christ. Apocalypse 1 nous montre quelqu’un « semblable au Fils de l’homme » ; mais lorsque nous arrivons à la description de Sa personne, quelques-uns des traits qui Lui sont attribués sont exactement les mêmes que ceux qui sont attribués ici à l’Ancien des jours, dont il est dit que son vêtement était blanc comme la neige, et que les cheveux de sa tête étaient comme de la laine nette, etc. Le prophète juif voit Christ simplement comme homme ; le prophète chrétien le voit comme homme, mais aussi comme Dieu.

« Et il lui donna la seigneurie, et l’honneur, et le règne ; et tous les peuples, les nations et les langues le serviront. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera point dissipé ». Le royaume ne Lui sera point ôté, et un autre royaume ne succédera point au sien. Ce sera un royaume éternel, dans ce sens qu’il durera autant que le monde ; car, comme nous le savons par d’autres passages, cette scène-là (le royaume) n’est pas éternelle. Les prophètes juifs montrent le millénium ; mais ils ne révèlent pas, ainsi que le fait le Nouveau Testament, que lorsque toutes choses auront été soumises à Dieu, c’est-à-dire au Père, Dieu sera tout en tous. Ceci était tenu en réserve pour un autre temps, et nous pouvons le suivre dans l’Apocalypse de la manière la plus bénie.

Précisément, à ce sujet, remarquez, en passant, un trait de quelque importance. La dernière partie du chapitre se compose d’explications ; mais nous ne devons jamais supposer que les explications fournies par l’Écriture se bornent simplement à ce qui a été déjà communiqué. Les hommes en agissent ainsi dans leurs ouvrages, mais les explications que Dieu donne apportent toujours quelque vérité nouvelle. C’est là une considération importante. Pour ne pas avoir compris cela, on a supposé que le royaume de Christ n’était simplement que le royaume de Ses saints. Il doit y avoir le royaume du Fils de l’homme et le royaume de Son peuple ; mais assurément il faut bien vous garder de croire que cela ne signifie que le règne des saints, dans un sens figuré, à l’exclusion du Fils de l’homme. L’explication introduit les saints, ce que la vision ne fait pas. Si vous réduisez l’explication à n’être que l’équivalent de la vision, vous ne faites rien moins que nier le règne personnel de Christ.

Au verset 17, la personne à laquelle s’adressa le prophète lui dit : « Ces quatre grandes bêtes sont quatre rois qui s’élèveront sur la terre ». Leur origine était purement terrestre. Il n’y a aucune contradiction entre ce qui nous est déclaré là et le fait dont nous informe le verset 2, qu’elles montaient de la mer. La raison pour laquelle elles sont dites s’élever de là, c’est que la mer est le symbole d’une masse d’hommes dans un état d’anarchie politique. Les empires s’élèvent du sein de cette condition troublée et agitée des peuples. Voyez-en un exemple dans l’empire français. Une révolution avait renversé l’ancien système de gouvernement ; vint ensuite un état de grande confusion semblable à celui de la mer bouleversée par les vents, et il en sortit un empire. Les quatre grands empires ont eu une origine analogue ; ils sont sortis d’un état de choses pareil dans le monde. C’est aussi, à très peu de chose près, à la même époque qu’il faut faire remonter leurs commencements à tous quatre. Sans doute il y eut une différence immense, quant au degré de développement, entre les peuples de l’Orient et ceux de l’Occident. Comparativement, les puissances occidentales étaient seulement au berceau ; mais on pouvait suivre le commencement de toutes ces diverses puissances jusqu’à la même date, en quelque sorte, et au même état de confusion et d’anarchie. Il semble que ce soit là ce que signifie le fait qu’elles venaient de la mer.

Mais le verset 17 nous apprend qu’elles s’élèvent sur la terre. Elles n’ont pas une origine céleste. La mer indiquait simplement qu’elles surgissaient d’un état préalable de trouble et de confusion dans la société : telle était leur origine sous le rapport des voies de la providence de Dieu. Mais ce verset-ci envisage leur origine morale comme étant purement terrestre, en contraste avec le Fils de l’homme qui vient avec les nuées du ciel. Ce qui est dit dans le verset suivant, 18, rend cela encore plus manifeste : « Et les saints du Souverain recevront le royaume, et obtiendront le royaume jusqu’au siècle et au siècle des siècles ». La note marginale anglaise dit : « Les saints des hauts lieux », expression qui a donné naissance à celle de : « les lieux célestes », que l’on trouve dans le Nouveau Testament et qui est la même, soit qu’il s’agisse de nos bénédictions, « bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ » (Éph. 1), ou qu’il soit question des « lieux célestes » (Éph. 6). Les saints des lieux célestes, c’est-à-dire probablement les saints de Dieu en connexion avec les lieux célestes, recevront le royaume. C’est là que se trouve le contraste. Quant à ces quatre grandes puissances, ce qu’on pouvait en dire de mieux, si on regardait à leur origine politique, c’est qu’elles s’élevaient d’un état de choses, dans le monde, plein de tumulte et de confusion, ou, si on avait égard à leur origine morale — qu’elles n’étaient pas du ciel. D’un autre côté, vous avez dans les saints des lieux célestes ceux qui sont destinés à recevoir le royaume qu’ils posséderont à toujours.

Cette considération ajoute une vérité importante au fait que le Fils de l’homme obtient le royaume. Lorsqu’Il le prendra, Il ne sera pas seul à le prendre : tous ceux qui, dans tous les âges, auront attendu ce royaume, viendront avec Lui. Ce sera le temps où Il manifestera Son Église, le temps où Abraham, Énoch, David, tous ceux, quels qu’ils soient, qui L’auront connu par la foi, seront là dans leurs corps changés et glorifiés, et régneront avec Lui. « Ne savez-vous pas, dit l’apôtre, que nous jugerons le monde ? ». Parole qu’il faut évidemment entendre de ce royaume du Fils de l’homme, parce que s’il n’y était simplement question que d’aller au ciel, ce ne serait point juger le monde. De sorte que quelque vrai et certain que ce soit que nous devons aller au ciel, cela n’est pas tout, et il y a encore quelque chose : « Ne savez-vous pas que nous jugerons le monde ? ». Si nous ne l’avons pas appris, d’où cela vient-il ? Nous avons laissé échapper quelque vérité, si celle-là n’est pas l’objet de notre attente. Et remarquez son importance pratique, le fait même que vous ne la connaissez pas prouve qu’il vous manque quelque chose dont Dieu fait beaucoup de cas. Voyez l’usage que Son Esprit en fait dans l’épître aux Corinthiens. Il s’en sert pour reprocher aux Corinthiens l’habitude où ils étaient de porter leurs différends devant le monde. Ne savez-vous pas, leur dit-il en raisonnant avec eux, que vous êtes appelés à cette place de dignité ? Ce n’est pas simplement que vous l’aurez bientôt ; mais Dieu veut qu’elle vous soit connue maintenant et que vous la teniez pour vraie. Précisément comme l’héritier d’un royaume est instruit et rendu propre pour le trône qu’il doit occuper, de même Dieu fait l’éducation de Ses saints maintenant, en vue du royaume du monde qui doit appartenir à Christ et qu’ils sont destinés à recevoir. C’est une vérité de Dieu révélée que le royaume du monde deviendra celui de notre Seigneur et de Son Christ : mais quand Il régnera, les saints régneront aussi.

Les saints des lieux célestes — qui sont-ils ? Ceux dont le cœur est en haut avec Christ — ceux qui seront convertis avant que Christ vienne et qu’Il ait un peuple rassemblé sur la terre — ceux qui dans les âges passés sont morts en Christ, ou qui maintenant attendent Christ — ceux aussi qui auront à passer par la grande tribulation. Tous ceux-là sont des saints du Souverain (Très-haut). Ils sont en contraste avec d’autres ; car lorsque Christ viendra pour régner, il y aura des saints qui seront bénis sur la terre. Ce sera là aussi une grande moisson ; et le Seigneur introduira ces saints dans toutes les bénédictions de Son royaume qu’Il a promises. Mais quant à nous, nous sommes choisis en Christ avant la fondation du monde, et nous régnerons au-dessus de la terre. Ce royaume-là est distingué du royaume et de la domination qui sont sous tous les cieux. Il y a une certaine classe de saints qui se trouvent dans les cieux, mais il est parlé d’une autre qui est ici-bas. Ce dernier royaume sera donné au peuple des saints du Souverain, lequel peuple comprend quelques-uns de ceux sur lesquels les saints régneront. « Ne savez-vous pas, dit saint Paul en insistant là dessus, que les saints jugeront le monde ? ». Et en conformité avec cette pensée, nous avons dans la prophétie « le peuple des saints du Souverain » comme une classe particulière.

Ce chapitre renferme plusieurs détails dans lesquels je ne suis pas entré. Je dois pourtant dire quelques mots de la description qu’il nous fait de la conduite perverse de la petite corne, quoique ce soit un peu hors de mon sujet. Nous lisons au verset 20 qu’« elle avait des yeux, et une bouche qui proférait des grandes choses, et que son apparence était plus grande que celle de ses compagnes. J’avais regardé comment cette corne faisait la guerre contre les saints et les surmontait, jusqu’à ce que l’ancien des jours fût venu, et que le jugement fût donné aux saints du Souverain, et que le temps vînt auquel les saints obtinssent le royaume ». Puis, dans un récit ultérieur, il est ajouté (v. 25) que cette petite corne « proférera des paroles contre le Souverain, et détruira les saints du Souverain (allusion à ses persécutions), et pensera de pouvoir changer les temps et la loi, et ils seraient livrés en sa main jusqu’à un temps, et des temps, et une moitié de temps ». Il est nécessaire de comprendre ce que fera la petite corne. Le sens de ce que nous venons de lire est que le personnage en question détruira le culte juif dont l’exercice sera alors en pleine activité sur la terre. L’expression « les temps » signifie les solennités ou les jours de fête de ce culte. La petite corne s’en occupera, comme fit Jéroboam : « Et ils seront livrés en sa main, etc. ». On a souvent supposé que le mot ils désignait les saints ; mais c’est une erreur complète. Ce sont « les temps et les lois » qui sont livrés en sa main pour un certain temps limité. Dieu la laissera aller son train. Elle pensera à le faire. Et le fait qu’ils sont livrés en sa main, montre qu’elle réussit pour un temps à réaliser ses désirs. Mais Dieu ne veut jamais livrer Ses saints dans les mains de Ses ennemis, même pour un temps aussi court. Il les garde toujours dans Ses mains à Lui. Job ne fut jamais davantage dans les mains de Dieu que lorsque Satan désira de l’avoir, afin de le cribler comme le blé. Les brebis sont entre les mains du Père et du Fils, et jamais personne ne pourra les en arracher. Il n’y a pas dans la Parole de trace de la pensée que Dieu puisse les laisser ou les oublier. Il s’agit tout simplement ici des arrangements extérieurs relatifs au culte, dont les Juifs seront les représentants sur la terre, et que Dieu laissera tomber pour un temps sous la puissance de ce personnage. Car il est manifeste qu’en ce temps-là, il y aura des saints juifs qui confesseront Dieu, et Jésus aussi, en quelque mesure, comme il est dit (Apoc. 14) : « Ici est la patience des saints ; ici sont ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus ». Ces saints seront dans une position toute particulière : ils garderont la loi, et reconnaîtront Jésus dans une certaine mesure ; ce sera avec eux une espèce de combinaison de la loi avec Jésus. C’est pendant cet état de choses qu’ils viendront sous la puissance de cette petite corne « pour un temps, des temps, et la moitié d’un temps » — c’est-à-dire, pour une période de trois ans et demie qui sera close par la venue de Christ en jugement.

Chapitre 8

Au point où nous sommes arrivés maintenant du livre de Daniel, il se fait dans son style un changement remarquable qui n’est peut-être pas connu de tous ses lecteurs. La langue dans laquelle l’Esprit de Dieu révèle la vision que nous allons étudier, et toutes celles qui suivent, est différente de celle dont Il s’est servi pour nous faire connaître les parties précédentes du livre. Depuis une bonne partie du chapitre 2 jusqu’à la fin du chapitre 7, le langage employé était celui du roi de Babylone — le chaldéen ; tandis qu’à partir du chapitre 8 jusqu’à la fin, c’est l’hébreu — la langue ordinaire de l’Ancien Testament. Or, ce changement n’a pas lieu sans dessein. Voici, je pense, ce que nous devons en conclure. Ce qui concernait particulièrement les monarchies gentiles fut communiqué dans le langage du premier grand empire gentil. Cela les concernait d’une manière immédiate et directe ; et le fait est, comme nous le savons, que la première vision, celle de la statue, fut contemplée par le monarque gentil lui-même — Nebucadnetsar. À partir de là, jusqu’à la fin du chapitre 7, c’est dans sa langue que Daniel est écrit. Mais désormais nous allons aborder des visions qui concernent tout particulièrement les Juifs. Ainsi, par exemple, le chapitre 8 fait allusion au sanctuaire, au peuple des saints, au sacrifice continuel et à beaucoup d’autres points particuliers qu’un Gentil aurait eu de la peine à comprendre, et qui n’auraient eu pour lui aucune espèce d’intérêt. Mais, quoiqu’elles puissent n’en avoir qu’un médiocre à nos yeux maintenant, relatives qu’elles sont au passé, à un peuple pulvérisé pour ainsi dire en atomes, dispersé sur toute la surface de la terre, ces choses pourtant n’en conservent pas moins, dans la pensée de l’Esprit, un intérêt réel et permanent.

Dieu n’en a pas fini avec les Juifs. Bien loin de là. Dans le cours de leur histoire, les Juifs ont appris à connaître la misère qu’il y a à entreprendre de mériter les promesses faites aux pères en pur don ; et il leur a été permis de faire l’expérience terrible de la folie et de la ruine qu’il y a nécessairement pour l’homme, quand il essaie de gagner ce qu’il ne peut obtenir que de la seule grâce de Dieu. Tel a été, et tel est encore, le secret de toute leur histoire, dans le passé comme dans le présent. Ils furent retirés du pays d’Égypte par la puissance de Dieu ; mais, à Sinaï, ils se chargèrent de faire tout ce que leur disait le Seigneur. Ils ne dirent pas un mot des promesses que Dieu avait faites. Le Seigneur y faisait allusion ; mais ils ne Lui rappelèrent, en aucune façon, qu’ils étaient un peuple de cou raide, un peuple rebelle et incrédule. Et lorsque Dieu leur proposa de Lui obéir, au lieu de reconnaître leur profonde incapacité, au lieu de se jeter uniquement dans les bras de Sa miséricorde, ils firent, au contraire, une réponse qui trahissait cette hardiesse présomptueuse qui caractérise toujours l’homme dans son état naturel : « Nous ferons, dirent-ils, tout ce que l’Éternel a dit, et nous obéirons ». Le résultat fut qu’ils ne firent rien de ce que le Seigneur avait dit. Ils furent désobéissants en toute occasion et Dieu dut les traiter de la manière qu’ils méritaient. Sans aucun doute, la bonté de Dieu n’a pas cessé de se montrer dans leur histoire ; et même chaque nouveau pas qu’ils accomplissaient dans leur chute ne faisait qu’amener, par la grâce de Dieu, quelque type, quelque figure des bénédictions que Dieu veut leur accorder un jour, lorsque, guéris par Sa miséricorde de cette triste erreur de la chair, et l’ayant bien vue dans les souffrances et les épreuves, et dans cette terrible tribulation par laquelle ils sont destinés encore à passer, ils tomberont aux pieds de ce Bien-aimé qu’ont méprisé et crucifié leurs pères, et reconnaîtront que la miséricorde seule de Dieu peut leur accorder une bénédiction quelconque, et que c’est uniquement Sa miséricorde qui accomplira tout ce dont Il a parlé à leurs pères.

C’est là ce qui commence à poindre d’une façon particulière dans les prophéties de Daniel. Car, quoiqu’il y en ait eu des types dans les parties précédentes (Daniel lui-même dans la fosse des lions — ou comme interprète du roi — les trois jeunes Hébreux qui refusèrent d’adorer les idoles), toutes ces choses étaient des types de ce que Dieu fera dans les derniers jours pour Israël dans une petite semence qu’Il gardera pour Lui-même. Mais ce ne sont pas des types tellement clairs que beaucoup des chrétiens ne considèrent comme un effet de l’imagination de les prendre pour des types. Maintenant nous en venons à des choses auxquelles il n’est pas possible de contredire un moment. Il se trouve néanmoins bon nombre de véritables chrétiens qui prennent ces prophéties comme s’appliquant seulement à l’Église chrétienne. Ils sont disposés à voir dans la petite corne, la papauté. Et dans ce chapitre-ci, plusieurs trouvent l’islamisme, le fléau du monde en Orient, comme la papauté l’est en Occident. Quelles que soient les analogies qui se présentent tout de suite à tout esprit attentif et réfléchi, et que je n’ai niées en aucune sorte quant à la petite corne du chapitre 7, j’admets qu’il y en a ici de semblables par rapport au mahométisme en Orient. Mais ce que je désirerais faire ressortir clairement, c’est l’intention directe de l’Esprit de Dieu dans ces portions de l’Écriture. C’est parfaitement bien de voir qu’il germe dans le monde des semences de mal, et que les horreurs des derniers jours ont leurs précurseurs — signaux d’avertissement qui surgissent de temps à autre à la surface du monde pour nous signaler ce qui approche. Mais dans l’étude de la Parole de Dieu, il est de toute importance d’être dégagé de tout désir de trouver, dans les événements passés ou contemporains, la réponse à la prophétie. La chose essentielle est d’aller à elle avec un esprit exempt de préjugés, et animé du seul désir de comprendre ce que Dieu nous enseigne. En conséquence, qu’il s’agisse du passé ou de l’avenir, juste comme s’il est question du présent, la principale condition, absolument indispensable, est que nous soyons soumis à Dieu et à la parole de Sa grâce. C’est dans cet esprit-là que je désire m’efforcer, autant que le Seigneur m’en rendra capable, d’expliquer le chapitre ouvert maintenant devant nous. Ici, comme dans le chapitre 7, la vision eut lieu sous le règne de Belshatsar ; tandis que les visions subséquentes se passèrent après que la puissance de Babylone eut été renversée. Mais, jusqu’à ce moment, il n’y avait pas eu de jugement sur Babylone. Nonobstant cela, le lieu même où se passa la vision nous prépare à un certain changement. C’était en Orient — plus loin encore en Orient — à Suse, capitale de la province de Élam. Élam est le nom, en hébreu, ou tout au moins, un des noms de la Perse. « Je vis une vision, et j’étais sur le fleuve d’Ulaï ». Je mentionne cela seulement pour montrer que nous avons certains indices de la portée de la prophétie qui suit. Il lève ses yeux, et il voit un bélier, symbole bien connu, en usage dans la Perse elle-même, et qu’on retrouve fréquemment sur ses monuments et dans ses documents publics. « Et voici, un bélier se tenait près du fleuve, et il avait deux cornes, et les deux cornes étaient hautes ; mais l’une était plus haute que l’autre, et la plus haute s’élevait sur le derrière ». L’allusion au caractère mixte de l’empire perse est manifeste. Deux éléments, distincts l’un de l’autre, se trouvaient dans cet empire : l’élément médique, qui était le plus ancien des deux, et le persan, qui était le plus jeune. Mais, avec le temps, l’élément le plus jeune devint le plus considérable : aussi, lisons-nous que l’une des cornes était plus haute que l’autre, et que la plus haute s’élevait sur le derrière. Quoique Darius, le Mède, prenne le royaume lors de la chute de Babylone, c’est néanmoins Cyrus, le Perse, qui, en temps convenable, obtient la prééminence, et, dans la suite, ce sont toujours les Perses qui sont plus particulièrement mentionnés. En attendant, nous trouvons la distinction des deux éléments de l’empire, constatée même dans le langage des nobles à Darius ; ils disent : « la loi des Mèdes et des Perses ». Le bélier avait deux cornes.

« Je vis ce bélier heurtant des cornes contre l’occident, et contre l’aquilon, et contre le midi » — c’est-à-dire, dans la direction que suivit l’empire des Perses dans la poursuite de ses conquêtes diverses — « et pas une bête ne pouvait subsister devant lui, et il n’y avait personne qui lui pût rien ôter ; mais il agissait selon sa volonté, et devenait grand ». Ici, on est bien obligé de reconnaître que toute l’histoire profane n’a qu’à s’incliner profondément devant la Parole de Dieu. Mais nous n’avons nul besoin, pour nous renseigner, de recourir ailleurs qu’à l’Écriture elle-même. Qu’on lise les livres d’Esdras, Néhémie, etc., et on verra comme, en effet, cette domination s’étendait au loin, et combien elle était incontestée. Même dans les historiens profanes, l’expression solennelle « le grand roi » était celle dont on se servait en parlant de la monarchie persane. Tout cela est d’un accord manifeste avec la description que nous en fait la prophétie. « Il agissait selon sa volonté,et devenait grand ».

« Et comme je regardais cela, voici, un bouc d’entre les chèvres venait de l’Occident ». Nous avons ici la première irruption que l’Occident ait jamais faite sur le monde oriental. Rien ne pouvait sembler moins probable qu’un événement pareil, par la raison que l’Orient avait été le berceau de la race humaine. C’était en Orient que l’homme avait été placé après sa création ; c’était en Orient qu’il avait commencé sa seconde histoire dans le monde, je veux dire dans le monde qui succéda au déluge ; c’est de ce centre que les diverses races d’hommes s’étaient répandues sur la terre après que le Seigneur eut confondu leur langage à Babel ; enfin, c’était aussi en Orient que la civilisation avait pris un essor considérable des siècles avant que l’Occident fût sorti de son état de barbarie. Nonobstant tout cela, la figure prophétique si frappante que nous avons sous les yeux, nous apprend que lorsque le royaume des Perses était encore sans rival, et que, bien loin de décliner, il était dans la plénitude même de sa puissance, il surgit subitement d’un tout autre quartier un pouvoir représenté dans la vision sous l’image d’un bouc — un adversaire occidental. Et ce pouvoir s’avance avec la plus grande rapidité possible, comme il est dit ici : « Il ne touchait point à terre ». Quiconque est tant soit peu capable de se faire une conviction, ne peut avoir un moment d’incertitude sur la signification de ce symbole, à supposer même qu’il n’en eût pas dans le chapitre l’interprétation divine. Parmi les anciens empires, il n’y en a eu qu’un seul auquel on puisse imaginer qu’il s’applique — l’empire grec — dont le premier chef, Alexandre, est évidemment désigné par la grande corne que ce bouc avait à sa tête.

« Et il vint jusqu’au bélier qui avait deux cornes, lequel j’avais vu se tenant près du fleuve, et il courut contre lui dans la fureur de sa force. Et je le vis approcher du bélier, et, s’irritant contre lui, il heurta le bélier et brisa ses deux cornes ». L’Esprit de Dieu nous donne là, en peu de mots, ce que toute l’histoire confirme. Après la chute de l’empire de Babylone il s’en élèverait un nouveau, symbolisé par le bélier et qui aurait ceci de particulier, qu’il se composerait de deux peuples différents qui constitueraient sa force. Cet empire garderait un certain temps toute sa puissance ; mais ensuite, d’un autre point où il n’a point existé jusqu’ici de royaume de quelque renom, il vient une puissance dont les progrès sont d’une rapidité étonnante, et à la tête de laquelle se trouve un roi d’une rare valeur et d’une ambition extraordinaire. Ce personnage frappe l’empire perse d’une façon si complète qu’« il n’y avait aucune force au bélier pour tenir ferme contre lui ; et quand il l’eut jeté par terre, il le foula, et nul ne pouvait délivrer le bélier de sa puissance ». L’expression « s’irritant » est plus particulièrement employée quand il s’agit de l’empire grec et d’Alexandre. Les Grecs, effectivement, avaient contre les Perses un fond de haine qu’on ne retrouve pas dans les autres empires, et la grande place qu’ils firent dans leurs guerres au sentiment personnel est admirablement exprimée par ce terme : s’irritant, mû de colère, que nous trouvons ici.

Pourquoi cela ? Nous ne voyons rien de semblable dans les attaques des Perses contre les Babyloniens, quelques féroces qu’ils fussent, ni dans celles des Romains contre les Grecs ; mais c’est particulièrement vrai de cette irruption que firent les Grecs sur l’empire des Perses. Ces derniers avaient, autrefois, envahi la Grèce, et par là avaient soulevé contre eux les sentiments les plus forts. Ce ressentiment traditionnel se transmettait du père au fils, de sorte que les Grecs se considéraient comme les ennemis mortels des Perses. Telle était la provocation dont les Perses s’étaient rendus coupables envers les Grecs, qui n’étaient à cette époque-là qu’une petite nation, et qui n’avaient nullement cherché à étendre leurs limites au-delà de leur contrée natale. Maintenant le temps était venu pour les Grecs de leur rendre ce coup et de les attaquer dans leur propre pays ; et le bouc, avec cette corne remarquable à sa tête, arrive rempli de fureur, frappe le bélier et brise ses deux cornes, le jette par terre, et le foule sous les pieds. Aucune description ne saurait être plus claire ni plus exacte pour donner une juste idée de la position de ces deux puissances l’une à l’égard de l’autre ; et lors même que vous liriez l’histoire toute votre vie, vous ne sauriez trouver un tableau plus vivant de la chute des Perses que celui que l’Esprit de Dieu a tracé en quelques lignes.

Dans ce cas-ci, il devait s’écouler près de trois cents ans depuis le temps de Daniel jusqu’à celui où ces grands événements s’accomplirent — période assez longue pour montrer la merveille de la parfaite sagesse de Dieu, et de quelle manière Il dévoile l’avenir à Son peuple, mais espace de temps relativement assez court dans l’histoire du monde ; néanmoins ce n’était point là le grand objet que Dieu avait en vue. La pensée de l’Esprit se porte toujours en avant sur la fin. Il peut bien présenter des choses qui s’accompliront dans un temps comparativement assez court, mais Son attention principale est dirigée vers la fin de ce siècle, et non vers ces événements qui se passent aujourd’hui dans les différentes parties du monde. Dieu a un peuple sur lequel Son cœur est arrêté, quoique par sa folie, et faute de s’appuyer sur Dieu, ce peuple ait été très faible,qu’il ait manqué, et qu’il soit à cette heure, conformément à la Parole de Dieu, un sujet de mépris et de raillerie pour les nations. Mais quelque idée que l’on puisse avoir de la puissance de la Perse, sinon de la Grèce, et quelle que soit l’importance de leurs querelles qui remplissent l’histoire du monde, Dieu ne s’en occupe que fort peu. Il fait tenir en quelques mots les annales de plusieurs siècles. Il se peut que le point sur lequel Ses regards sont attachés et vers lequel Il se hâte ne soit alors qu’un tout petit point aux yeux du monde ; mais comme il se rattache aux intérêts du roi qui est selon Son cœur et du peuple qui est à Lui, Dieu marche droit aux grands événements qui les concernent dans les derniers jours. Cela nous donne la clé des actes qui suivent : ils sont importants à cause de leur connexion avec l’histoire des Juifs, et en ce qu’ils nous présentent un reflet de ce qui doit arriver dans un autre temps.

« Alors le bouc d’entre les chèvres devint fort grand ; et sitôt qu’il fut devenu puissant, la grande corne fut rompue ». C’est exactement ce qui arriva à Alexandre : il fut retranché, lorsqu’il était encore un homme tout jeune, au milieu de ses victoires. « Et en sa place, il en crût quatre fort apparentes, vers les quatre vents des cieux ». Après la mort d’Alexandre, il s’écoula un certain temps durant lequel ses généraux se firent la guerre entre eux et essayèrent d’établir un grand nombre de royaumes ; mais, en définitive, il s’en forma quatre des pays qui constituaient proprement l’empire grec. De sorte que je ne doute nullement qu’il est fait allusion ici à la division bien connue de l’empire d’Alexandre en quatre royaumes, qui eut lieu environ trois cents ans avant la venue de Christ.

« Et de l’une d’elles sortit une autre corne petite », nommée autrement dans l’Écriture le roi du Nord. Placé au Nord, il pousse sa domination « vers le Midi, et vers l’Orient, et vers le pays de noblesse ». Mes raisons pour penser ainsi, outre celle qui est tirée de la direction qu’il donne à ses conquêtes (direction qui montre où se trouve sa puissance propre et le point d’où il partait), se verront plus particulièrement lorsque nous arriverons au verset 11 . Ce qui nous est présenté ici, c’est la succession de ces deux empires — la Perse d’abord, et ensuite la Grèce. Car de l’une des parties de l’empire grec il surgit un roi qui devait plus tard jouer un rôle très important en rapport avec le pays et le peuple des Juifs. C’est là le grand sujet de ce chapitre.

Nous voyons ensuite ici que cette petite corne « s’agrandit même jusqu’à l’armée des cieux, et renversa une partie de l’armée, et des étoiles, et les foula ». Ces paroles, je pense, désignent ceux qui occupaient devant le peuple juif une position d’honneur et de gloire. C’est ainsi que, dans le Nouveau Testament, les étoiles sont employées comme le symbole des personnes qui sont établies en autorité dans l’Église ; précisément de la même manière, je pense, que par « l’armée des cieux », il faut entendre les personnes qui, dans le régime politique juif, étaient établies dans une position d’autorité. C’est la clé pour l’intelligence de toute cette portion de la prophétie. C’est l’importance de tout ce qui touche Israël, que l’Esprit fait ressortir maintenant. De là vient l’emploi de cette expression « l’armée des cieux », qui peut paraître forte. Mais nous ne devons pas en être surpris. Dieu porte à Son peuple le plus profond intérêt. Mais souvenez-vous que cela n’implique nullement que Son peuple fût dans un bon état. Au contraire, quand il s’agit de juger un état de chute, il nous faut prendre en considération la position occupée, et pour laquelle sont responsables ceux qui s’y trouvent. S’il s’agit de la chrétienté, il faut vous souvenir que tous ceux qui font profession du nom de Christ, soit véritablement, soit à tort — toute personne baptisée — toute personne qui a pris place là où le nom de Christ est extérieurement reconnu, se trouvent dans la maison de Dieu. On s’imagine qu’il n’y a que ceux qui sont réellement convertis qui soient sous des obligations morales. C’est une erreur complète, bien qu’une nouvelle espèce de responsabilité découle du fait de la conversion et des relations de la grâce. Mais il y a une espèce de responsabilité qui entraîne une grande augmentation de culpabilité, lorsqu’on a été placé dans une position privilégiée. C’est là une vérité bien solennelle, à laquelle Dieu attache de l’importance. Voyez dans la seconde épître à Timothée. La maison de Dieu y est comparée à une grande maison parmi les hommes, et il y est déclaré qu’elle renferme des vaisseaux à déshonneur, aussi bien que des vaisseaux ont honneur. Les premiers ne sont pas du tout convertis ; ce peuvent être de fort méchantes gens, mais il est dit néanmoins que ce sont des vaisseaux dans la maison de Dieu. L’Église, ce qui porte sur la terre le nom de Christ, est toujours sous la responsabilité de marcher comme il convient à l’Épouse de Christ : toutefois, vous ne sauriez penser à un privilège et à une responsabilité semblables sans voir l’état de ruine entière, de décadence et de chute de ce qui porte ce beau nom. Et cela fait voir de quelle importance pratique il est de ne pas perdre de vue la position que Dieu nous a assignée. Jamais nous ne pouvons juger combien nous sommes déchus, jusqu’à ce que nous voyions la position dans laquelle Dieu nous a placés. À supposer que j’aie à examiner mes voies comme chrétien, il faut que j’aie dans l’esprit qu’un chrétien est un homme dont les péchés sont effacés, qu’il est membre du corps de Christ, et qu’il est aimé du même amour dont le Père a aimé le Fils. Il y en a qui sont accoutumés à penser que si un homme n’est ni juif, ni turc, ni païen, il doit être chrétien. Mais lorsqu’un croyant entend dire qu’un chrétien est quelqu’un qui a été fait roi et sacrificateur pour Dieu, que c’est un sacrificateur purifié qui n’a plus conscience de péché, il éprouve de l’anxiété et sent qu’il n’a pas une juste idée, une idée complète, de sa vocation et de sa responsabilité. Il commence alors à avoir une autre règle de jugement pour apprécier la manière dont il doit se comporter dans ses sentiments, son travail et sa marche pour Dieu.

La même chose s’applique aussi à Israël. Notre passage désigne comme armée et étoiles des cieux ceux qui tenaient, au milieu du peuple, cette position d’autorité responsable. Dieu les avait mis dans une place d’autorité. Car il faut se souvenir, en rapport avec Israël, que dans la pensée de Dieu, il est le peuple qui occupe sur la terre la première place. Il est la tête, et les Gentils sont la queue. Cela, je le sais, est une pensée nouvelle pour les personnes accoutumées à regarder les Juifs d’un air de pitié dédaigneuse, parce qu’elles n’en jugent que d’après leur dégradation présente. Mais pour bien juger des choses, il nous faut les envisager avec Dieu, les apprécier avec Dieu, et Dieu emploie ces fortes expressions à l’égard de personnes placées dès jadis dans une position extérieure d’autorité parmi les Juifs. Quelques-uns ont supposé que puisque des termes si relevés s’appliquaient à des hommes, il fallait entendre par eux des chrétiens. Mais dans le gouvernement du monde, la première place dans la pensée de Dieu appartient à Israël, qui est Sa nation. C’est là la vocation de ce peuple, et « les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance ». Jamais Dieu n’abandonnera la grande pensée qui a appelé Israël à cette position, et c’est d’après elle qu’Israël est jugé. La puissance de Babylone n’est pas encore jugée au moment où cette vision est accordée à Daniel ; elle nous présente un tableau de ce qui s’accomplira pour Israël dans les derniers jours, avant que la puissance qui commença par Babylone soit mise complètement de côté.

Cette petite corne s’agrandit, et renversa une partie de l’armée, et des étoiles des cieux, et les foula. En d’autres termes, elle renversa certains gouverneurs juifs qui se trouvaient dans cette place de grande autorité, les traita avec la dernière cruauté, et les dégrada ignominieusement. « Même elle s’agrandit jusqu’au chef de l’armée », ce qui, je suppose, veut dire le Seigneur Lui-même. « Et le service continuel lui fut ôté (au chef de l’armée), et le domicile assuré de son sanctuaire fut jeté par terre. Et un certain temps (de détresse) fut donné (décrété) contre le sacrifice continuel, à cause de l’infidélité ». Ensuite nous revenons de nouveau à la petite corne. « Et elle jeta la vérité par terre et fit de grands exploits et prospéra ». En d’autres mots, le verset 11, à partir de : et le sacrifice, et la première moitié du douzième, forment une parenthèse ; et puis, dans la dernière partie du verset 12, nous trouvons de nouveau la petite corne du verset 10, qui devait apparaître, et traiter cruellement les Juifs, et plus cruellement encore leurs gouverneurs.

Puis nous avons, comme s’exprime le prophète, « un saint qui parlait, et un autre saint qui disait à quelqu’un qui parlait : Jusques à quand durera cette vision touchant le sacrifice continuel, et touchant le crime qui cause la désolation, pour livrer l’armée et le sanctuaire à être foulés ? Et il me dit : Jusqu’à deux mille et trois cents soirs et matins, après quoi le sanctuaire sera purifié ». Je soupçonne fort qu’en général, tout ce que nous lisons là, sauf ce qui est présenté sous forme de parenthèse, a eu, dans le passé, un accomplissement partiel. Dans le chapitre 11, où les traits auxquels il est fait allusion ici comme caractérisant cette petite corne sont décrits plus minutieusement encore, nous trouverons un personnage qui, dans l’histoire profane, porte le nom d’Antiochus Épiphane, et qui fut particulièrement un méchant homme. Si vous avez lu les livres des Macchabées (qui, quoique ne faisant pas partie de l’Écriture, sont, en général, vrais sous le rapport historique, deux d’entre eux, du moins), vous savez qu’ils racontent l’histoire de ce roi syro-macédonien, et montrent quels sentiments terribles il éprouvait contre Israël. Il entreprit d’imposer de force aux Juifs le culte païen, spécialement celui de Jupiter olympien, et il mit à mort tous ceux d’entre eux qui résistaient à ses desseins, jusqu’à ce qu’à la fin, partie par les Romains et partie par la valeur et le courage des Macchabées eux-mêmes, il fut contenu et défait, et que de nouveau le temple fut purifié et le culte juif restauré. Nul doute qu’il était historiquement le personnage que désignait la petite corne ; mais on trouve en lui la même espèce de traits qui réapparaîtront dans un autre grand chef des derniers jours, ainsi que la dernière partie de ce chapitre le montrera clairement selon moi ; car lorsque l’ange Gabriel parle au prophète, il lui dit : « Fils d’homme, entends ; car la vision est pour le temps de la fin » (vers. angl.). Parole qui, à mon avis, indique que ce qu’il va expliquer d’une façon plus particulière, se rapporte à ce temps-là.

Mais ceci me fournit l’occasion de répéter une remarque que j’ai déjà faite, savoir, que nous ne devons jamais supposer que les explications que l’Écriture nous donne d’une vision ne sont qu’une simple répétition de ce qui a précédé. Elles font allusion au passé, mais elles ajoutent des traits nouveaux qui n’avaient pas été présentés avant. Cela est particulièrement manifeste dans le cas actuellement sous nos yeux. La partie de la vision déjà passée, (ce qui a été vu par le prophète) a été, en général, accomplie ; tandis que la portion explicative ajoute des informations nouvelles qui portent en avant sur les derniers jours. Néanmoins il y a, dans une certaine mesure, une explication de ce qui a précédé. Mais considérez comme les derniers jours sont fréquemment amenés devant nous dans les explications de l’ange. Il dit : « Voici, je te ferai savoir ce qui arrivera à la fin de l’indignation ; car il y a une assignation déterminée ». Il ne saurait y avoir d’incertitude, pour peu que les prophètes nous soient familiers, sur ce qu’il faut entendre par là. Prenez le premier d’entre eux, j’y trouve cette même expression : « l’indignation ». À la fin de Ésaïe 5, et ensuite dans les chapitres 9 et 10, ce mot « indignation » est souvent répété. Le prophète fait voir que, en conséquence de l’idolâtrie d’Israël et surtout de ses rois, l’indignation de Dieu s’était soulevée contre Son peuple. Il envoie sur lui un châtiment. Mais, quel que soit d’abord l’effet du châtiment, le mal éclate de nouveau avec une nouvelle furie, comme le mal fait toujours, à moins qu’il ne soit ôté. C’est pourquoi le prophète prononce cette terrible parole : « Malgré tout cela, il ne fera point cesser sa colère ; mais sa main sera encore étendue ». La colère de Dieu ne cessait point. Puis, chapitre 10, 25, nous voyons qu’Il annonce que Son indignation cessera. Mais en quoi prendra-t-elle fin ? Ce passage met en scène un personnage nommé l’Assyrien ; et cet Assyrien était quelqu’un qui avait été établi par Sankhérib, dernièrement roi d’Assyrie. Il fut le premier qui intervint particulièrement dans les affaires d’Israël, ou plutôt de Juda. Et que lisons-nous ici à son sujet ? L’Assyrien doit être employé comme verge de la colère de Dieu ; mais lorsque Dieu aura achevé toute Son œuvre sur la montagne de Sion et de Jérusalem, lorsqu’Il aura, pour ainsi dire, laissé Son indignation se consumer entièrement, elle prendra fin dans la destruction de l’Assyrien lui-même, parce qu’il aura oublié qu’il n’était simplement qu’une verge dans les mains du Seigneur. Il nourrissait la pensée qu’il agissait par sa propre sagesse, par sa propre puissance, et le Seigneur déclare qu’Il s’occupera de la verge elle-même et qu’Il la détruira ; aussi ce même chapitre nous montre-t-il l’indignation du Seigneur cessant dans sa destruction.

Cette indignation du Seigneur se rapporte uniquement à Son peuple, à Israël. De sorte que cela confirme ce que je disais auparavant, que nous sommes sur un terrain juif. Elle n’a point trait à ce que peuvent faire les papes ou les musulmans, ni aux progrès de l’apostasie orientale ou occidentale. Elle concerne Israël, elle est la dernière indignation de Dieu contre Israël. Mais on demandera peut-être pourquoi le quatrième empire n’est pas introduit ici. La raison en est que quoique la domination soit ôtée à ces empires, et que par suite nous en voyions s’élever successivement un nouveau, leur corps néanmoins continue d’exister, parce que c’est du troisième empire, et non pas du quatrième, que devait surgir la puissance qui joue dans les derniers jours un rôle si important. De sorte que nous devons nous souvenir que la petite corne du chapitre 8 est une puissance entièrement distincte de la petite corne du chapitre 7. Celle du chapitre 7 est le dernier chef de l’empire romain. Elle s’élève du quatrième empire pendant qu’il est divisé en dix royaumes, tandis que cette puissance-ci s’élève du troisième empire, et pendant qu’il y existait un état de division en quatre parties — non en dix. Rien ne peut être plus distinct. Quoique la grande domination du monde ait passé du troisième empire au quatrième, et quoique nous ayons en Sankhérib le représentant du troisième empire, néanmoins il y aura aussi dans les derniers jours un héritier du troisième empire qui s’immiscera dans les affaires d’Israël d’une façon particulière. De même qu’il y aura un grand chef en Occident, de même il y en aura un aussi en Orient, qui surgira de l’empire grec. Il ne faut pas oublier, en effet, que tout en étant l’empire grec, il était l’Occident, relativement à Babylone et à la Palestine, et l’Orient, par rapport à Rome. Pus tard, nous en apprendrons davantage sur cette petite corne.

Le verset 20 fait connaître que le bélier à deux cornes représente les rois des Mèdes et des Perses, et le verset 21 que « le bouc velu, c’est le roi de Javan (la Grèce), et la grande corne qui est entre ses yeux, c’est le premier roi ». Puis, au verset 22, l’empire grec est brisé, et le verset 23 ajoute : « Et vers la fin de leur règne, quand le nombre des perfides sera accompli, il s’élèvera un roi fourbe et d’un esprit pénétrant ». Ceci, à mon avis, ne se rapporte pas à Antiochus Épiphane, mais bien à celui dont Antiochus était le type. Remarquez encore les termes : « Et vers la fin de leur règne, quand le nombre des perfides sera accompli ». « Et sa puissance s’accroîtra, mais non point par sa force ». Parole remarquable, qui n’est point dite du tout de la petite corne du chapitre 7. Pour cette dernière, c’était, je pense, par sa propre force. Satan pouvait aussi lui donner le pouvoir, mais elle portait dans sa propre personne la force de l’empire romain. Mais, dans le cas qui nous occupe, quoique la puissance de ce chef soit grande, ce ne sera point par sa force. Il s’appuie sur la force qui lui est donnée par d’autres. Il sera l’instrument d’une politique et d’une puissance étrangères, et non d’une politique et d’une puissance qui soient siennes. « Et il fera des merveilleux dégâts et prospérera, et fera de grands exploits, et il détruira les puissants et le peuple des saints ». C’est-à-dire, qu’il est fait mention de lui principalement, et d’une manière expresse, en connexion avec les Juifs en tant que faisant un peuple. Il ne s’agit pas ici des saints du Souverain. Là où cette dernière expression est employée, ce n’est pas simplement pour designer, d’une manière figurée, les hommes élevés du peuple juif ; mais ici il s’agit d’eux, comme en contraste avec les Gentils. Il n’y a rien là absolument qui ait trait à leur caractère personnel ; ce sujet reste tout à fait en dehors de notre chapitre.

Il entrera en rapport avec eux, et détruira les puissants et le peuple des saints, « et par la subtilité de son esprit, il fera prospérer la fraude en sa main, et il s’élèvera en son cœur, et en perdra plusieurs par la prospérité ». C’est-à-dire qu’il tirera parti, pour la réussite de ses desseins, de leur état de bien-être, et du fait qu’ils ne sont pas préparés à ses empiétements. « Il résistera contre le Seigneur des seigneurs, mais il sera brisé sans main ». Il sera entièrement sans appui dans ce dernier combat. Il est dit dans un autre passage (Dan. 11, 45) : « Il viendra à sa fin et personne ne lui donnera du secours »­.

Mon désir serait maintenant de renvoyer à des passages qui feront ressortir l’importance de ce sujet plus clairement que si nous le considérions simplement comme il se trouve présenté en Daniel 8. Y a-t-il, en effet, dans l’Écriture d’autres passages qui jettent du jour sur la nature de ce personnage et sur ce qu’il fera ? Je réponds : Oui, il y en a. Ce personnage est le même que celui dont il est fait mention en diverses parties de la Parole de Dieu, comme l’Assyrien, ou le roi du Nord : c’est celui qui, dans les derniers jours, sera le grand ennemi des Juifs. En ce temps-là, les Juifs seront exposés à deux sortes de maux : un mal intérieur, dans leur propre pays, un antichrist, s’établissant comme dieu dans le temple de Dieu ; et un mal venant sur eux du dehors, le roi dont nous parlons maintenant. Il s’avance contre eux comme un ennemi, et il est aussi doué d’une grande subtilité d’esprit. Ce n’est pas simplement la puissance guerrière qui le distingue, ou un air martial et farouche, mais il a l’intelligence des sentences obscures. Il se présentera comme un grand et profond docteur, ce qui ne saurait manquer d’avoir beaucoup d’influence sur l’esprit des Juifs, car ils ont toujours été un peuple adonné aux recherches et aux spéculations intellectuelles de toutes sortes. Dans ces derniers temps, la plupart d’entre eux ont été trop occupés à gagner de l’argent pour donner une grande attention à ces choses ; mais il y a toujours eu dans la nation juive des représentants de la classe vouée aux travaux de l’intelligence. Sur des hommes semblables, l’influence de ce roi sera immense, quand ils seront de nouveau rétablis dans leur pays et qu’ils seront redevenus importants et les objets des voies de Dieu par rapport au jugement. L’indignation n’aura pas encore pris fin.

Voici de quelle manière ces deux maux tourmenteront les Juifs. L’antichrist, ou le roi qui fera selon sa volonté, prendra dans le pays d’Israël la place du vrai Messie. Car il est bien évident que s’il se présente comme le Messie, ce doit être au milieu du peuple juif et dans le pays des Juifs ; tandis que le personnage de ce chapitre-ci est quelqu’un qui s’oppose à eux comme un ennemi déclaré. Je le regarde comme étant le roi auquel est fait allusion par les autres prophètes comme roi du Nord.

Je voudrais maintenant citer quelques-uns de ces passages.

L’Assyrien et l’Antichrist sont des puissances entièrement distinctes et opposées. L’Assyrien sera l’ennemi de l’Antichrist : l’un sera, au-dedans, essentiellement l’homme qui s’élève, et l’autre sera le chef des ennemis au-dehors. C’est en Ésaïe 10 que se trouve la première indication claire que les prophètes nous donnent relativement à cet ennemi : « Mais il arrivera que quand le Seigneur aura achevé toute son œuvre dans la montagne de Sion et à Jérusalem, j’examinerai le fruit de la grandeur du roi d’Assyrie, et la gloire de la fierté de ses yeux ». Si on me dit que les Assyriens ont complètement disparu, et que cette nation a cessé d’exister, je réponds en demandant si le Seigneur a achevé toute Son œuvre dans la montagne de Sion et à Jérusalem. Et il faut bien dire que certainement Il ne l’a pas achevée. Par conséquent, ce n’en est pas complètement fini avec l’Assyrien. Le Seigneur m’apprend ici que lorsqu’Il aura achevé toute Son œuvre, Il examinera le fruit de la grandeur du cœur du roi d’Assyrie. Mais, objecte-t-on encore, les Juifs ne sont pas dans leur pays, et Jérusalem est encore foulée par les Gentils. Je le sais ; mais cela prouve-t-il que les Juifs ne doivent pas se retrouver encore dans leur pays, et que Jérusalem ne doit pas être délivrée de l’esclavage dans lequel les Gentils la tiennent ? Lorsque la puissance de Dieu rassemblera les Juifs dans leur pays, la même puissance suscitera celui qui doit être le représentant de l’Assyrien dans les derniers jours. Et comme l’Assyrien fut le premier grand ennemi d’Israël, il est aussi son principal ennemi à la fin. Il montera pour subir son jugement quand le Seigneur aura achevé toute Son œuvre en Sion et à Jérusalem. Il ne l’a pas achevée toute ; Il en a achevé une partie, mais Son indignation contre Israël continue encore. Voilà pourquoi les Juifs ne sont point dans leur pays. Même lorsqu’ils y seront retournés, l’indignation continuera ardente encore. Leur retour s’effectuera dans leur état d’incrédulité, et c’est alors que viendra cette crise solennelle, que Dieu rassemblera les dispersés qui restent et les placera dans leur pays, et que l’Assyrien sera jugé. Il y a un certain grand personnage dont l’Assyrien était le type dans le passé ; ce personnage reparaîtra aux derniers jours, et l’Écriture en parle comme étant ce roi d’Assyrie. Il gouvernera dans la contrée même où cette petite corne a exercé son pouvoir — la Turquie d’Asie. Je n’ai pas la prétention de dire si le sultan sera alors le possesseur de ce pays ; mais, quel qu’en soit le possesseur, c’est lui que les prophètes désignent comme le roi du Nord. Il descendra vers le pays de noblesse, et attaquera les Juifs ; mais ensuite il sera brisé. Il viendra à sa fin, et personne ne lui donnera du secours.

Voyons encore Ésaïe 14. Ce qui rend ce passage remarquable, c’est que le commencement de ce chapitre parle du roi de Babylone (v. 4) : « Tu te moqueras ainsi du roi de Babylone et tu diras : Comment se repose l’exacteur ? Comment se repose celle qui était si avide de richesses ? ». Le roi de Babylone ne représente point l’Assyrien. Babylone et l’Assyrie étaient deux puissances distinctes. Babylone n’était qu’une petite province lorsque l’Assyrie était un grand empire, et lorsque l’empire assyrien était en ruines, Babylone était une chose entièrement nouvelle, comme puissance impériale.

Le chapitre 14 d’Ésaïe s’ouvre en déclarant que « l’Éternel aura pitié de Jacob, et élira encore Israël, et les rétablira dans leur terre ; et les étrangers se joindront à eux et s’attacheront à la maison de Jacob. Et les peuples les prendront, et les mèneront en leur lieu, etc. » — montrant le vif intérêt que Dieu inspirera en leur faveur aux peuples du monde qui les ramèneront en leur lieu. « Et la maison d’Israël les possédera (ces peuples) en droit d’héritage sur la terre de l’Éternel, comme des serviteurs et des servantes ». Les Gentils, au lieu d’être maîtres, seront heureux en ces jours-là d’être serviteurs. « Et ils tiendront captifs ceux qui les avaient tenus captifs, et ils domineront sur leurs exacteurs. Et il arrivera qu’au jour que l’Éternel aura fait cesser ton travail…, tu te moqueras ainsi du roi de Babylone, et tu diras : Comment se repose l’exacteur ? Comment se repose celle qui était si avide de richesses ? L’Éternel a rompu le bâton des méchants et la verge des dominateurs ». Évidemment, ces choses n’ont jamais encore été accomplies. Personne, ayant quelque connaissance de l’Écriture, ne peut supposer que jamais, depuis l’époque de la suprématie de Babylone, Israël ait été en position de tenir un langage tel que celui-là. « Les temps des Gentils » ont commencé avec l’établissement de la puissance de Babylone sur les Juifs, et jusqu’à ce jour Jérusalem est foulée par les Gentils : puissance après puissance ont pris tour à tour possession de la cité. Or, dans les derniers jours dont il est question, nous voyons les Juifs se soumettre les Gentils, et en faire leurs serviteurs. Et c’est lorsque ce temps sera arrivé, et non pas avant, qu’ils diront : « Comment se repose l’exacteur ? etc. ». Et c’est au roi de Babylone qu’à trait cet élan de la prophétie, à celui dont Nebucadnetsar était le type, au dernier possesseur de cette même puissance qui commença avec Babylone. Ce personnage, qui est-ce ? C’est la bête — le dernier héritier de la puissance qui commença par le roi de Babylone, et dont la destruction provoque les transports de joie et les chants de triomphe d’Israël. Quand le roi de Babylone obtint cette puissance, où était l’Assyrien ? Disparu, brisé. Le roi de Babylone, qui avait été auparavant une petite puissance, s’éleva sur les ruines de l’Assyrien. Mais voyez dans ce chapitre, au verset 24 : « L’Éternel des armées a juré, en disant : S’il n’est fait ainsi que je l’ai pensé, même comme je l’ai arrêté dans mon conseil, il tiendra ; c’est que je froisserai le roi d’Assyrie dans ma terre ; je le foulerai sur mes montagnes, et son joug sera ôté de dessus eux, et son fardeau sera ôté de dessus leurs épaules. C’est là le dessein qui a été arrêté contre toute la terre ». Ce passage n’établit-il pas aussi avec évidence que lorsque viendra le jour de son rétablissement, non seulement Israël triomphera du sort du roi de Babylone, mais aussi que l’Éternel renversera l’Assyrien ? Cela ne saurait se rapporter simplement à l’Assyrien de l’histoire. Il était passé déjà quand Babylone parvint au pouvoir ; de sorte que ce ne peut être qu’un type d’une puissance encore à venir. Le dernier jour verra deux grandes puissances en scène — la bête, représentée par le roi de Babylone, qui, en ce temps-là, sera l’ennemi des Juifs sincères, tout en se donnant comme l’ami de la nation, c’est-à-dire de la masse impie ; et l’Assyrien qui, au contraire, sera le chef de la coalition ouvertement hostile des Gentils contre Israël.

D’autres passages prouvent ce que nous disons. En Ésaïe 30, nous retrouvons ces deux mêmes puissances (v. 27) : « Voici, le nom de l’Éternel vient de loin, sa colère est ardente… Et l’Éternel fera entendre sa voix pleine de majesté, et il fera voir où aura frappé son bras dans l’indignation de sa colère… Car l’Assyrien, qui frappait du bâton (allusion évidente au fait qu’il était, entre les mains de l’Éternel, un instrument pour châtier son peuple, comme en Ésaïe 10, 5), sera effrayé par la voix de l’Éternel. Et partout où passera le bâton enfoncé dont l’Éternel l’aura asséné, et par lequel il aura combattu dans les batailles à bras élevé, on y entendra des tambours et des harpes, car Topheth est déjà préparée, et elle est préparée aussi pour le roi : il l’a faite profonde et large ; son bûcher, c’est du feu et force bois ; le souffle de l’Éternel, l’allumant comme un torrent de souffre », expression destinée à faire voir qu’il ne s’agit pas simplement d’un jugement borné à la terre, mais de quelque chose d’une portée plus profonde. Topheth, ou l’abîme, est préparée dès jadis (vers. angl.). « Aussi pour le roi » est le vrai sens du membre de phrase qui suit : Ce Topheth n’est pas pour l’Assyrien seulement, il est aussi pour le roi. Il est fait allusion ici, de même qu’au chapitre 14, à deux personnages distincts. « Le roi » sera dans le pays d’Israël ; il y sera sous les auspices de l’héritier de la puissance de Babylone en ces jours-là ; il y sera en prétendant être le vrai Messie. Topheth est préparée pour lui — mais elle l’est aussi pour l’Assyrien. Ils seront tous les deux livrés à Topheth. Il serait superflu de citer tous les passages qui les concernent ; mais on trouvera dans Ésaïe et en d’autres prophètes beaucoup de choses extrêmement intéressantes, relativement à celui que l’Écriture signale par cette expression « le roi ».

Mais il est si loin d’être vrai que l’antichrist, ou « le roi », soit le personnage qui occupe le plus la pensée de Dieu, qu’il est bien davantage question de l’Assyrien dans les prophètes. En général, les chrétiens ne se doutent pas de la vaste étendue de la prophétie. Ils s’occupent à peine de l’une des puissances les plus importantes qu’elle nous offre. Lisez les petits prophètes, Michée 5, par exemple ; vous y trouverez une allusion tout à fait manifeste à la même puissance. Le chapitre débute par un appel : « Maintenant assemble-toi par troupes, fille de troupes ; on a mis le siège contre nous ; on frappera le gouverneur d’Israël avec la verge sur la joue ». Là est annoncée la réjection du Messie. Puis, le verset 2 est une parenthèse qui nous fait voir quel était ce gouverneur d’Israël : « Mais toi, Bethléhem Éphrata, petite pour être entre les milliers de Juda, de toi me sortira quelqu’un pour être dominateur en Israël ». On peut le frapper sur la joue ; mais, après tout, non seulement Il doit être dominateur en Israël, mais Il est le Dieu éternel, et « ses issues sont d’ancienneté, dès les jours éternels ». Ensuite le prophète reprend, en connexion avec le verset 1 : « C’est pourquoi il les livrera jusqu’au temps que celle qui est en travail d’enfant aura enfanté », c’est-à-dire jusqu’à ce que le grand dessein de Dieu s’accomplisse au sujet de Son peuple. « Et le reste de ses frères retournera avec les enfants d’Israël. Et il se maintiendra, et gouvernera par la force de l’Éternel… Et c’est lui qui fera la paix, après que l’Assyrien sera entré dans notre pays ». Remarquez cette parole — « après que l’Assyrien sera entré, et qu’il aura mis le pied dans nos palais ». Chose qui n’a jamais eu encore son accomplissement. Lorsque jadis l’Assyrien entra dans le pays, il est évident que le gouverneur d’Israël ne s’y trouvait pas. En ce temps-là, Israël n’avait pas été livré, mais l’Assyrien de cette époque n’était que le type du grand héritier du même nom et de la même puissance des derniers jours. Et alors le gouverneur d’Israël sera là en faveur de Son peuple. Le gouverneur qui, autrefois, a été frappé sur la joue, sera reçu par Son peuple, lorsque les grands desseins de Dieu seront accomplis. « C’est lui qui fera la paix, après que l’Assyrien sera entré dans notre pays ». Ensuite, verset 6, nous lisons : « Et il nous délivrera des Assyriens, quand ils seront entrés dans notre pays, et qu’ils auront mis le pied dans nos quartiers. Et le reste de Jacob sera au milieu de plusieurs peuples comme une rosée qui vient de l’Éternel… Aussi le reste de Jacob sera parmi les Gentils, au milieu de plusieurs peuples comme un lion parmi les bêtes des forêts, et comme un lionceau parmi des troupeaux de brebis, lequel y passant foule et déchire, sans que personne en puisse rien garantir ». De sorte qu’il est de toute clarté que nous avons là l’invasion de l’Assyrien avec sa destruction finale en rapport avec la délivrance finale d’Israël.

J’ai tâché de faire voir que, quoique Antiochus Épiphane fût un type de l’Assyrien que nous avons ici, ce n’était néanmoins après tout que pour une bien petite partie qu’il satisfaisait aux exigences de la prophétie, qui, tout en se servant de lui comme d’un type, porte toujours ses regards en avant sur les derniers jours de l’indignation de Dieu contre Israël, où l’Assyrien montera pour recevoir son jugement de la main même de Dieu. Il importe extrêmement d’avoir des vues justes et claires sur ces grands desseins de Dieu à l’égard d’Israël et de voir que les épisodes de la papauté ou du mahométisme dont l’homme est tant occupé, ne sont touchés dans l’Écriture que d’une façon très légère. Je reconnais que, dans l’une comme dans l’autre, se trouve une certaine mesure d’accomplissement de la prophétie ; mais Dieu ne permet jamais à l’Église d’être un peuple terrestre. C’est quand les Juifs reparaîtront sur la scène, que s’accomplira, dans toute sa portée réelle, ce qui les concerne, que cet Assyrien viendra du dehors, en même temps qu’il y aura « le roi » au-dedans ; et ils seront l’un et l’autre les objets des jugements de Dieu. Dieu les abattra tous les deux, et Son peuple, purifié par ses épreuves et regardant à Jéhovah-Jésus, sera ainsi rendu propre aux desseins de Dieu, en miséricorde, en bonté et en gloire, dans toute la durée du monde à venir.

Que le Seigneur nous donne de connaître Ses desseins quant à nous ! Nous n’avons rien à faire avec ce monde ; nous y sommes étrangers. Nous avons le droit de lire toutes ces visions, toutes ces prophéties, à la lumière du ciel. Il n’est point dit qu’elles ne furent pas comprises de Daniel ; les autres ne les comprirent point. Mais quel qu’ait été le cas pour eux, nous sommes mis en état par le Saint Esprit de les comprendre maintenant. Que le Seigneur nous donne d’être bien au clair sur ce qu’Il met devant nous quant à notre propre marche !

Chapitre 9

Dans les prophéties d’Ésaïe, aussi bien que dans celles de Jérémie, la chute de Babylone se rattachait pour les Juifs à de plus brillantes espérances. La restauration partielle qui suivit pour eux cette chute est le type de la récolte finale d’Israël. Cela explique la pensée qui a prévalu chez beaucoup de chrétiens, que le rétablissement partiel qui s’accomplit alors constitue tout ce que nous devons attendre en faveur d’Israël comme tel, et que le péché dont il s’est rendu coupable plus tard en rejetant son Messie, et la miséricorde par laquelle l’évangile a été accordé aux Gentils, l’ont entraîné sous le rapport national dans une irréparable ruine.

Quoiqu’il y ait beaucoup de vrai dans une telle pensée, elle est certes bien loin d’être toute la vérité. Dieu n’abandonne point le peuple qu’Il a appelé. Jamais Il n’accorde un don de grâce pour le retirer ensuite entièrement, car la même grâce qui a fait la promesse agit et opère dans la personne et le cœur du croyant, jusqu’à ce qu’elle ait son plein effet moral par l’efficace du Saint Esprit. Ainsi, en même temps que la grâce, par laquelle Il appelle soit un individu, soit un peuple, il y a en Dieu aussi la fidélité, la patience, et la puissance efficace qui, à la fin, triomphent toujours.

L’histoire du passé n’est, sans aucun doute, qu’une chute totale. La raison en est qu’Israël choisit pour base de sa position vis-à-vis de Dieu sa propre force, et non la bonté de Dieu à son égard. Agir de la sorte, c’est pour un temps, toujours et nécessairement, une chose fatale. « Cette génération ne passera pas que toutes ces choses ne soient arrivées ». En d’autres termes, toutes les menaces qui ont été faites et prédites doivent encore arriver à la génération d’Israël qui a présumé de sa propre justice, et qui, en définitive, a montré son vrai caractère en rejetant Christ et l’évangile. Un sentiment réel de ruine morale, ou autrement la repentance envers Dieu, accompagne toujours la foi vivante véritable. Israël a passé par cette phase de la confiance en soi-même, ou plutôt il y est encore. « Cette génération » n’a pas encore passé ; toutes choses ne sont pas encore accomplies ; les Juifs n’ont pas encore subi toutes les conséquences de leur folie et de leur haine pour le Fils de Dieu. Ils ont encore à recevoir le châtiment le plus rigoureux, car bien que le passé ait été passablement amer, l’avenir leur réserve des choses bien plus terribles encore. Mais lorsque tout aura été accompli, ils commenceront la scène nouvelle ; ce ne sera plus la continuation de la génération qui a rejeté Christ, mais ce que l’Écriture appelle « la génération à venir », une nouvelle lignée du même Israël, des gens qui seront les enfants d’Abraham par la foi en Christ Jésus — enfants d’Abraham non pas en paroles seulement, mais par la participation à la même foi, au même esprit. Alors ce sera l’histoire, non pas de la chute, des manquements de l’homme, mais d’un peuple que l’Éternel bénit dans Sa grâce, quand ils reconnaîtront, avec allégresse, ce même Sauveur que leurs pères avaient crucifié et tué de leurs mains criminelles.

Ce chapitre s’occupe spécialement de Jérusalem, et des Juifs. Il forme dans l’histoire générale de Daniel une espèce d’épisode, mais qui n’est nullement sans liens avec le reste ; car, comme nous le verrons, les dernières scènes de l’histoire d’Israël le rattachent particulièrement à ces personnages qui doivent encore figurer contre Dieu et contre Son peuple, ainsi que nous l’avons lu dans les chapitres qui précèdent. Pour quiconque lit ce chapitre-ci avec intelligence, ce doit être évident que le sujet principal en est la destinée de Jérusalem, et la place future du peuple de Dieu. Or, cela intéressait profondément Daniel. Il aimait Israël, non pas seulement parce que c’était son peuple, mais parce que c’était le peuple de Dieu. Il ressemble à Moïse en ceci — que même lorsque l’état moral du peuple empêchait que Dieu parlât de lui comme Son peuple (Il pouvait s’occuper de lui dans les voies secrètes de Sa providence, mais je parle ici du fait de le reconnaître publiquement), Daniel continue toujours de mettre en avant, dans sa requête au Seigneur, qu’Israël est Son peuple. Il n’abandonne jamais cette vérité que Jérusalem était la cité de Dieu, et qu’Israël était Son peuple. L’ange pouvait bien dire : le peuple et la cité de Daniel — c’était parfaitement vrai ; mais Daniel tient toujours à cette vérité précieuse que la foi ne doit lâcher jamais — quels qu’ils soient, ils sont le peuple de Dieu. Mais pour cette raison même, ils peuvent être châtiés de plus en plus rudement, parce que rien n’amène davantage le châtiment sur une âme qui appartient à Dieu et qui est tombée dans le péché que le fait qu’elle appartient à Dieu. Il ne s’agit pas simplement de ce qui est bon pour l’enfant. Dieu agit pour Lui-même, et d’après Lui-même ; et c’est là le vrai pivot de toute notre bénédiction. Que gagnerions-nous à ce que Dieu travaillât simplement pour notre gloire ? Mais ce que nous avons devant nous comme sujet de nous glorifier, c’est l’espérance de la gloire de Dieu. Nous avons quelque chose d’autant meilleur, parce que ce sera Dieu nous bénissant d’une manière digne de Lui-même.

Daniel entrait fortement dans cette pensée. C’est le trait saillant de la foi ; car jamais la foi n’envisage misérablement une chose en rapport avec le monde, mais elle l’envisage en rapport avec Dieu. Il en est toujours ainsi. S’il s’agit de la paix, est-ce simplement que j’ai besoin de paix ? Sans doute que j’en ai besoin, comme un pauvre pécheur qui ai été toute ma vie en guerre avec Dieu. Mais combien c’est infiniment plus béni encore, lorsque nous arrivons à voir que c’est « la paix avec Dieu » ; non pas simplement avec notre cœur ou avec notre conscience, mais la paix avec Dieu ! C’est une paix qui tient en Sa présence. Il manifeste tout Son caractère, tout ce qu’Il est, en me la donnant et en l’établissant sur une base telle que Satan ne pourra jamais y toucher. Il s’agit de me délivrer, de briser la dureté même du péché ; et rien n’est aussi efficace pour cela que le fait que Dieu est venu au-devant de moi lorsque je ne méritais que la mort et le jugement éternel, et qu’Il a sacrifié Son Fils bien-aimé pour me donner une paix digne de Lui-même. Et Il a fait cela ; Il a donné cette paix, et toute la pratique chrétienne découle de l’assurance que j’ai trouvé cette bénédiction en Christ.

Nous trouvons donc ici Daniel prenant un profond intérêt à Israël, parce qu’il était le peuple de Dieu. En conséquence, il recherche dans la Parole de Dieu ce qu’Il a révélé concernant Son peuple. Cela se passait « en la première année de Darius, fils d’Assuérus, de la race des Mèdes ». Ce n’était point une communication nouvelle : « La première année de son règne, moi, Daniel, ayant entendu par les livres que le nombre des années duquel l’Éternel avait parlé au prophète Jérémie pour finir les désolations de Jérusalem était de soixante-dix ans ».

Outre qu’il était prophète, Daniel comprit qu’Israël devait être restauré dans sa terre, avant que la chose eût lieu. Il n’attendit pas qu’elle fût accomplie pour dire alors tout simplement : La prophétie est accomplie ; mais il comprit « par les livres », non point par les circonstances. Sans doute, il y avait les circonstances dans la chute de Babylone ; mais il comprit d’après ce que Dieu avait dit, et non pas simplement d’après ce que l’homme avait fait. C’est là la véritable manière de comprendre la prophétie. Et n’est-il pas remarquable que Dieu nous donne la vraie clé pour son intelligence, au moment où nous allons aborder une prophétie bien distincte, limitée presque exclusivement à l’étroite sphère d’Israël ? Daniel étudiait le prophète Jérémie ; et il y vit clairement que, une fois Babylone détruite, il serait permis à Israël de retourner. Et quel effet cela produisit-il sur son âme ? Il s’approche de Dieu. Il ne va pas vers ceux que la prophétie touchait de si près leur dire les bonnes nouvelles ; mais il s’approche de Dieu. C’est là un autre caractère de la foi ; elle tend toujours à tirer en la présence de Dieu celui qui, par elle, comprend la pensée de Dieu en quoi que ce soit. Il a communion avec Dieu au sujet de ce qu’il reçoit de Dieu, avant même de le faire connaître à ceux qui sont les objets de la bénédiction. Nous avons vu cela auparavant en Daniel, au chapitre 2. Ici, nous pouvons le remarquer, ce n’est point avec des actions de grâces qu’il s’adresse au Seigneur, mais avec des confessions. Nous comprendrions facilement que si le peuple d’Israël allait en captivité juste à ce moment, il dût ressentir cela comme un profond châtiment, et voulût s’approcher de Dieu pour reconnaître son péché et s’humilier sous la verge. Mais maintenant Dieu avait jugé l’oppresseur d’Israël, et Il était sur le point de délivrer Son peuple. Néanmoins Daniel s’approche, et que dit-il ? Ce n’est pas simplement de la délivrance du peuple qu’il parle à Dieu ; c’est une prière pleine de confession. Je désirerais, sur cela, présenter une remarque générale. Si l’étude de la prophétie ne nous donne pas un sentiment plus profond de la chute du peuple de Dieu sur la terre, je suis persuadé que nous perdons l’un des effets pratiques les plus importants que doit avoir son usage. C’est à l’absence de ce sentiment qu’il faut attribuer le peu de fruit que l’on tire en général de cette étude. On en fait une affaire de dates et de pays, de papes et de rois ; tandis que Dieu ne la donne point en vue d’exercer l’esprit et l’imagination de Son peuple, mais pour qu’elle soit l’expression de Sa propre pensée quant à sa condition morale ; de sorte que quels que soient les jugements et les épreuves qu’elle nous retrace, ils devraient être saisis par le cœur et compris comme étant la main de Dieu sur Son peuple à cause de ses péchés.

Tel fut l’effet qu’elle produisit sur Daniel. Il était l’un des prophètes les plus estimés — selon ce que disait le Seigneur Jésus Lui-même : « Daniel le prophète » ; et l’effet sur lui fut qu’il ne perdit jamais la portée morale des circonstances les plus simples de la prophétie. Il discernait le grand but de Dieu ; il entendait Sa voix s’adressant dans toutes ces communications au cœur de Son peuple : et ici il répand tout devant Dieu. Comme il avait appris que la délivrance d’Israël aurait lieu à l’occasion de la chute de Babylone, il tourne sa face vers le Seigneur Dieu, « cherchant à faire requête et supplication avec le jeûne, le sac et la cendre. Et je priai l’Éternel, mon Dieu ; je lui fis ma confession, et je dis : Hélas ! Seigneur, le Dieu fort, le grand, le terrible, qui gardes l’alliance et la miséricorde à ceux qui t’aiment et qui gardent tes commandements ; nous avons péché ; nous avons commis l’iniquité ; nous avons agi méchamment, etc. ». Je voudrais faire ici une autre remarque. S’il se trouvait quelqu’un dans Babylone à l’égard duquel sa conduite et l’état de son âme dussent faire supposer qu’il n’avait pas de confession de péché à faire, certainement c’était Daniel. C’était un homme saint et dévoué. Plus que cela : il avait été transporté de Jérusalem à un âge si tendre que ce n’était évidemment pas pour quelque chose à laquelle il aurait pris part que le coup terrible était tombé. Mais il n’en dit pas moins : « Nous avons péché, nous avons commis l’iniquité ». Bien plus, j’ose dire que plus vous êtes séparés du mal, plus vivement vous le sentez : précisément, comme une personne qui, arrivée à la lumière, s’aperçoit d’autant plus des ténèbres qu’elle vient de quitter. C’est ainsi que Daniel, dont l’âme était avec Dieu, et qui entrait dans les pensées de Dieu à l’égard de Son peuple en connaissant le grand amour de Dieu, et voyant ce que Dieu avait fait à l’égard d’Israël (car dans sa prière il n’oublie point cela), ne considère pas simplement les grandes choses que Dieu avait opérées pour le peuple, mais il arrête aussi son attention sur les jugements qu’Il lui avait infligés. Mais a-t-il pour cela dans sa pensée que Dieu n’aime pas Israël ? Bien au contraire, personne n’avait un sentiment plus profond du lien d’affection qui existait entre Dieu et Son peuple ; et c’est pour cette raison qu’il jugeait si bien et si profondément de l’état de ruine où se trouvait le peuple de Dieu. Il en mesurait le péché par la profondeur de l’amour de Dieu, et par la dégradation terrible dans laquelle il le voyait. Tout cela provenait de Dieu. Daniel n’imputait pas à la méchanceté des Babyloniens, ou au génie guerrier de Nebucadnetsar, les jugements qui avaient frappé les Juifs ; c’est Dieu qu’il voyait dans ces choses. Il reconnaît que la cause en est dans leur péché, dans leur iniquité extrême, et il attribue tout à cela. Dans sa prière, ce ne sont pas les petits imputant aux grands leurs malheurs, ou les grands aux petits, comme il arrive souvent parmi les hommes ; il n’allègue pas simplement l’ignorance et la méchanceté de quelques-uns, mais il les renferme tous dans sa confession — rois, sacrificateurs et peuple. Il n’y en avait pas un qui ne fût coupable. « Nous avons péché, nous avons commis l’iniquité ». Et c’est là un autre effet de l’étude de la prophétie quand elle est faite avec Dieu. Elle introduit toujours l’espérance que Dieu est en faveur de Son peuple, l’espérance relative au jour brillant et béni où le mal disparaîtra et où le bien sera établi par la puissance divine. Daniel se garde de l’oublier ; il met cette précieuse espérance comme une sorte de frontispice à ce chapitre. Les détails des soixante-dix semaines vous font voir la continuation du péché et la souffrance du peuple de Dieu ; mais auparavant, la fin, la bénédiction, est placée devant l’âme. Quelle bonté de la part de Dieu en cela ! Dieu saisit l’occasion de me donner, avant tout, la certitude de la bénédiction définitive, et ensuite Il déroule à mes yeux le pénible sentier qui y conduit.

Il n’est pas nécessaire d’aborder maintenant les pensées que suggère cette belle prière de Daniel. Je ferai pourtant remarquer une chose d’une grande importance pratique, savoir, que la prophétie vint de Dieu, comme une réponse à l’état d’âme dans lequel Daniel se trouvait. Il prit devant Dieu la position de quelqu’un qui confesse humblement ; il se fit l’organe du peuple, le représentant du peuple, en répandant devant Dieu les péchés dont le peuple était coupable. Peut-être n’y avait-il pas une autre âme qui le fît, certainement il n’y en avait pas beaucoup : il est si rare de trouver beaucoup d’âmes prenant réellement devant Dieu la place de la confession. Qu’il y en a peu aujourd’hui qui aient un sentiment juste de la ruine de l’Église de Dieu ! Combien peu qui sentent le déshonneur fait au Seigneur même par les fidèles ! À Babylone, ceux qui étaient les plus coupables le sentaient le moins ; tandis que celui qui était le plus exempt de mal, le répandait le plus sincèrement devant Dieu.

En réponse au sentiment profond et vrai qu’il a de l’état d’Israël, Dieu envoie la prophétie. L’âme qui se refuse à examiner des paroles telles que celles que nous avons ici, ne sait pas ce qu’elle perd en agissant de la sorte. Et partout où l’enfant de Dieu se prive de ce que Dieu communique relativement à l’avenir (je ne parle pas maintenant de la pure spéculation, qui est absolument sans valeur, mais bien des grandes leçons morales contenues dans la prophétie), il y a toujours faiblesse et défaut de capacité pour juger du présent.

Mais il y a une autre chose à signaler avant de passer aux soixante-dix semaines. Quoique Daniel confesse devant Dieu la grande et totale chute du peuple, et qu’il ait recours à Ses grandes compassions, néanmoins il ne s’appuie jamais sur les promesses qui furent données à Abraham. Il ne va point au-delà de ce qui fut dit à Moïse. Cela est intéressant et important à observer. C’est la véritable réponse à quiconque supposerait que le rétablissement d’Israël qui eut lieu à cette époque, était l’accomplissement des promesses abrahamiques. Daniel ne se plaça pas sur ce terrain. Il n’y eut rien alors qui ressemblât à la présence de Christ parmi Son peuple, comme son roi. Or, les promesses faites aux pères supposent la présence de Christ, parce que Christ seul est la semence d’Abraham dans le sens plein et propre du mot. Sans Lui, qu’étaient les promesses ? Aussi, avec une sagesse divine, Daniel fut-il conduit à prendre le véritable terrain. Quelle que fût la restauration qui allait s’effectuer alors, ce n’était pas la restauration complète ; et cette prophétie-ci nous amène à la bénédiction finale d’Israël, quand les soixante-dix semaines sont consommées. Mais le retour qui suivit la chute de Babylone n’était simplement que l’accomplissement de quelque chose de partiel et de conditionnel, et non l’accomplissement des promesses faites aux pères.

Cela est digne d’être remarqué. Les promesses qui furent faites alors étaient absolues, parce qu’elles reposaient sur Christ, qui, dans la pensée de Dieu, est la véritable semence, quoique Israël soit la semence selon la lettre. De sorte que, jusqu’à ce que Christ vînt, et que Son œuvre fût faite, la pleine restauration d’Israël ne pouvait point avoir lieu. Lorsque, aux jours de Moïse, Israël se plaça sur le principe de la loi, il l’enfreignit bientôt, et fut brisé. Avant même que la loi eût été mise entre leurs mains, sur les tables de pierre, les enfants d’Israël adoraient le veau d’or. La conséquence fut qu’à partir de ce temps, Moïse prit une place nouvelle — la place de médiateur. Il monte de nouveau sur la montagne, et plaide auprès de Dieu pour le peuple. Dieu ne voulait plus l’appeler Son peuple. En parlant d’eux à Moïse, il dit « ton peuple », et ne voulait pas les reconnaître comme siens. Moïse ne veut pas cependant lâcher Dieu, mais fait valoir auprès de Lui cette considération que quelque chose qu’ils aient pu commettre, ils sont « ton peuple », dit-il ; que je sois effacé, plutôt que de voir Israël perdre son héritage. C’était là précisément ce à quoi Dieu prenait plaisir — le reflet de Son propre amour pour le peuple. Il est possible que vous trouviez des défauts à quelqu’un que vous aimez ; mais vous n’aimeriez pas d’apprendre qu’une autre personne lui en trouve. Ainsi, Moïse, plaidant en faveur d’Israël, était ce qui allait au cœur de Dieu. Sans aucun doute, ils avaient péché d’un bien grand péché, et Moïse le sentait et le confessait ; mais il fait valoir en même temps qu’ils sont le peuple de Dieu.

Dieu continue, et donne occasion à Moïse de montrer toujours plus son cœur : Il place devant lui de grandes choses, offrant d’exterminer le peuple et de le faire devenir lui, Moïse, une grande nation. Non ! répond Moïse, j’aimerais mieux tout perdre que de les voir eux perdus. C’était la réponse de la grâce à la grâce qui était dans le cœur de Dieu en faveur de Son peuple. En conséquence, lorsque la loi fut donnée une seconde fois, Dieu ne la donna point de la même manière qu’auparavant ; mais l’Éternel proclama Son nom, comme le nom de Celui qui était abondant en gratuité et en vérité, tout en déclarant aussi qu’Il ne tiendrait pas le coupable pour innocent. En d’autres mots, la première fois, c’était purement la loi, purement la justice ; et la chose aboutit au culte du veau d’or, c’est-à-dire à l’injustice pure du côté du peuple ; en conséquence, ils auraient dû être détruits. Mais, sur l’intercession de Moïse, Dieu introduit un système mélangé, en partie la loi, et en partie la grâce.

C’est sur ce terrain que Daniel se place ici. Il fait valoir que, quoiqu’ils eussent violé la loi, Dieu avait fait connaître Son nom comme « abondant en gratuité et en vérité ». Daniel croit cela. Il ne remonte point aux promesses faites à Abraham ; sur ce principe la restauration eût été parfaite et définitive, tandis que celle-ci ne l’était point. De même aujourd’hui, prenez un homme qui rattache sa position devant Dieu en partie sur ce que Christ a fait pour lui et en partie sur ce qu’il fait pour Christ : le trouverez-vous jamais heureux ? Non, il ne l’est jamais, et ne saurait l’être. C’est sur ce principe-là que se trouvaient les Israélites, et en conséquence Daniel ne va point au-delà : Christ n’était pas encore venu. D’un autre côté, après la naissance de Christ, vous trouverez, si vous regardez au cantique de Zacharie (Luc 1) ou à celui des anges (Luc 2), que le terrain pris par les fidèles n’est point ce que Dieu avait déclaré à Moïse, mais les promesses qu’Il avait faites aux pères. Jusqu’au moment assigné de Dieu, Zacharie était resté muet, signe de la condition d’Israël ; mais maintenant que le précurseur est nommé, la veille de la venue de Christ, sa bouche est ouverte.

Avant d’aborder plus pleinement, selon que le Seigneur nous en rendra capables, la prophétie des soixante-dix semaines, je voudrais d’abord appeler votre attention sur ces paroles : « Or, comme je parlais encore, et faisais ma requête, et confessais mon péché, et le péché du peuple d’Israël ». Remarquez-le, toutes ses pensées sont relatives à Israël et à Jérusalem. La prophétie ne concerne point la chrétienté mais bien le peuple d’Israël : il n’y a pas moyen de la comprendre, à moins que nous retenions ferme cela. « Comme je parlais encore… et répandais ma supplication en présence de l’Éternel, mon Dieu, pour la montagne de la sainteté de mon Dieu ; comme donc je parlais encore dans ma prière, ce personnage, Gabriel, que j’avais vu en vision du commencement, volant promptement, me toucha, environ sur le temps de l’oblation du soir ». Ensuite, au verset 24, commence la prophétie. Elle se rapporte au peuple de Daniel — « sur ton peuple ». Elle parle d’une période spéciale qui était limitée en rapport avec l’entière délivrance d’Israël. « Il y a soixante-dix semaines déterminées sur ton peuple et sur ta sainte ville ». Chacun doit voir qu’il s’agit des Juifs et de Jérusalem. « …pour abolir l’infidélité, consumer le péché, faire propitiation pour l’iniquité ; pour amener la justice des siècles, pour mettre le sceau à la vision et à la prophétie, et pour oindre le saint des saints ». Du commencement à la fin, c’était une période qui était arrêtée dans la pensée de Dieu, et révélée à Daniel, touchant la destinée future de la ville et du peuple de Dieu ici-bas. Mais, me dira tout à coup quelqu’un alarmé peut-être, n’avons-nous donc rien à faire avec la « propitiation pour l’iniquité », et « la justice éternelle » ? Je réponds par cette question : De qui le verset parle-t-il ? Vous trouverez ailleurs d’autres passages qui révèlent notre intérêt dans l’œuvre qui efface le péché, et dans la justice laquelle nous devenons en Christ. Mais dans la lecture de la Parole de Dieu, nous devons nous attacher fortement à cette règle d’or — de ne jamais faire violence à l’Écriture pour qu’elle se rapporte à nous ou à d’autres. Quand une personne est convertie, mais n’a pas encore la paix, aussitôt qu’elle voit quelque chose concernant « l’abolition des péchés », elle s’en fait l’application. Sentant son besoin, elle saisit, comme un homme qui se noie, des déclarations qui ne peuvent porter son fardeau, ou du moins qui n’ont pas été faites pour elle. Si elle allait aux paroles qui annoncent la grâce de Dieu envers nous, pauvres pécheurs d’entre les Gentils, au lieu de faire une perte, grand serait son gain ; elle aurait des passages bien plus précis pour satisfaire son besoin de paix et d’assurance ; et si Satan travaillait, elle n’éprouverait ni faiblesse, ni frayeur, ni incertitude. Tandis que si elle s’empare de passages qui s’appliquent aux Juifs, Satan peut l’attaquer sur le fondement de sa confiance, de sorte qu’elle soit obligée de dire : Ceci ne me concerne pas du tout d’une manière littérale et certaine. Les « soixante-dix semaines sont déterminées sur ton peuple et sur ta sainte ville ». Mais moi je n’en fais pas partie. Il est important d’avoir l’intelligence de l’Écriture, et de bien voir de quoi Dieu parle. Si on s’était mis cela dans l’esprit, la plus grande partie de la controverse qu’on a soulevée sur ce passage n’aurait jamais eu lieu. On était désireux et pressé d’introduire là quelque chose qui nous concernât comme Gentils ou chrétiens ; tandis que l’attitude du prophète, les circonstances des personnes, et les termes de la prophétie elle-même, excluent toute autre pensée que celle des Juifs et de leur ville. Il nous faut chercher ailleurs ce qui est relatif aux Gentils. Permettez-moi cependant de faire remarquer que l’abolition des péchés pour cette cité et pour ce peuple repose tout à fait sur le même fondement que l’abolition de nos propres péchés. C’est ainsi que l’apôtre Jean nous déclare que Jésus mourut, « non pas seulement pour cette nation, mais aussi pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11, 52) Ces paroles nous révèlent deux desseins dans la mort de Christ. La prophétie qui nous occupe ne présente que le premier, savoir : que Jésus est mort pour cette nation — la nation juive ; mais par ce même acte de Sa mort, Il pourvut non pas seulement au salut que Dieu avait en vue en notre faveur, mais aussi au rassemblement ensemble « des enfants de Dieu qui étaient dispersés ».

De sorte que si nous prenons la Bible telle qu’elle est, sans nous trop préoccuper s’il est question de nous ici ou là, au lieu de rien perdre, nous gagnerons toujours quant à l’étendue et à la profondeur de la bénédiction, et par-dessus tout, quant à la manière claire et ferme dont nous la retiendrons après l’avoir saisie ; nous aurons le sentiment que nous ne nous sommes pas emparés de la part d’un autre peuple, et que nous ne réclamons pas des biens sur des titres susceptibles d’être contestés ; mais que ce que nous possédons est bien ce que Dieu nous a librement et certainement donné. Tandis que ce ne sera jamais le cas, si je m’empare des prophéties relatives à Israël et que je fonde sur elles mon droit à la bénédiction ; elles ne sont ni l’évangile pour les pécheurs, ni la révélation de la vérité touchant l’Église.

Voilà donc la portée propre des derniers versets de notre chapitre. Les détails sur les semaines viennent après le premier énoncé général. « Il y a, dit Gabriel, soixante-dix semaines déterminées sur ton peuple et sur ta sainte ville, pour abolir l’infidélité, consumer le péché, faire propitiation pour l’iniquité ; pour amener la justice des siècles, pour mettre le sceau à la vision et à la prophétie, et pour oindre le saint des saints ». Puis, au verset 25, nous trouvons le premier détail particulier, après que le point de départ a été soigneusement fixé : « Tu sauras donc et tu entendras que depuis la sortie de la parole, portant qu’on s’en retourne et qu’on rebâtisse Jérusalem, jusqu’au Christ le conducteur, il y aura sept semaines et soixante-deux semaines ». Or, dans le livre d’Esdras, nous avons un ordre émané du roi Artaxerxès, appelé dans les historiens profanes Artaxerxès Longue-main, un des monarques de l’empire des Perses. Les premières patentes furent données à Esdras, le scribe, « la septième année du roi Artaxerxès ». D’autres patentes furent données à Néhémie, la vingtième année du règne du même monarque. Il est important pour nous de décider quel est de ces deux ordres celui auquel Daniel fait allusion. Le premier se trouve rapporté en Esdras 7 ; le second en Néhémie 2. Un examen attentif de l’un et de l’autre nous fera voir quel est celui que la prophétie signale. Quelques-uns, excellents d’ailleurs, l’ont interprété d’une manière qui diffère de ce que je crois être le véritable sens. Mais c’est à l’Écriture seule qu’il appartient de décider les questions qui naissent de l’Écriture ; si on recourt à des éléments étrangers, on ne recueillera que perplexité et incertitude. Remarquez qu’il ne s’agit pas ici simplement d’un décret général concernant les Juifs, comme celui de Cyrus, leur permettant de retourner, mais d’un décret spécial qui rétablit leur état politique. Or, en quoi les deux décrets du règne du roi Artaxerxès diffèrent-ils l’un de l’autre ? Celui qui fut donné à Esdras avait principalement pour objet la reconstruction du temple ; l’autre, que Néhémie obtint, se rapportait à la ville. Et qu’est-ce que nous lisons ici ? « Tu sauras donc et tu entendras que depuis la sortie de la parole, portant qu’on s’en retourne et qu’on rebâtisse Jérusalem ». Évidemment c’est de la ville qu’il est question ; et s’il en est ainsi, nous voyons lequel des deux concerne la ville. Il ne saurait y avoir le plus léger doute, c’était le second, et non le premier ; c’était la commission délivrée à Néhémie, la vingtième année d’Artaxerxès, et non celle qu’avait reçue Esdras, treize années auparavant. Que l’on compare avec Néhémie, et l’on en verra la preuve manifeste.

Ce qui a conduit certaines personnes à prendre le premier de ces deux décrets pour celui dont il s’agit dans notre chapitre, c’est l’idée que les soixante-dix semaines devaient se terminer à la venue du Messie. Mais cela n’est dit en aucune manière. Le verset 24 renferme beaucoup plus que la venue du Messie : « Il y a soixante-dix semaines déterminées… pour consumer le péché, faire propitiation pour l’iniquité ». Dans ces paroles, vous avez au moins l’œuvre de Christ, qui, nous le savons, impliquait Ses souffrances et Sa mort. Mais il y a plus que cela ; voici comme le passage continue : « pour amener la justice éternelle, mettre le sceau à la vision et à la prophétie, et pour oindre le saint des saints », expressions par laquelle tout Israélite entendait le sanctuaire de Dieu. Il est évident que tout cela ne s’est pas accompli à la venue ni même à la mort de Messie. Car quoique le fondement de la bénédiction d’Israël fût posé dans Son sang, cependant Israël n’était pas encore réellement introduit dans la bénédiction ; et ces soixante-dix semaines supposent qu’il sera pleinement béni à leur expiration. Nous apprenons de là de quelle grande importance il est de faire attention à la prophétie elle-même ; de ne pas regarder simplement aux événements qui se passent, mais de les interpréter par la prophétie. « Depuis la sortie de la parole portant qu’on s’en retourne et qu’on rebâtisse Jérusalem, jusqu’au Messie le conducteur (sans préciser quel temps), il y aura » — non pas soixante-dix semaines — mais « sept semaines et soixante-deux semaines » ; c’est-à-dire soixante-neuf semaines. Ces paroles m’apprennent tout d’abord que, pour une raison que le commencement de la prophétie n’explique pas, des soixante-dix semaines, soixante-neuf sont séparées de la dernière. La chaîne est rompue : une semaine est mise à part des autres. Il est déclaré que depuis la sortie de l’ordre portant qu’on s’en retourne et qu’on rebâtisse Jérusalem (fait qui devient ici le point de départ, ou le temps depuis lequel nous commençons à supputer les soixante-dix semaines) il y a sept semaines et soixante-deux semaines : périodes quelque peu distinctes, mais faisant en tout soixante-neuf semaines, jusqu’au Christ le conducteur. Évidemment c’est un fait bien remarquable que nous avons là. Mais, pourquoi, pouvons-nous demander, les sept semaines sont-elles séparées des soixante-deux semaines ? Les paroles suivantes nous le font voir : « Et les places et la brèche seront rebâties, et cela dans un temps d’angoisse ». Les sept semaines devaient, je pense, être employées à la reconstruction de la ville de Jérusalem. Dans l’intervalle de sept semaines, ou quarante-neuf ans (car je suppose que personne ne mettra en doute que ce sont des semaines d’années), depuis le point de départ, la construction commencée serait finie. Les places devaient être rebâties, ainsi que les brèches de la muraille, et cela dans un temps d’angoisse. Or, ces temps de difficulté et de détresse nous sont racontés dans le livre de Néhémie, où nous trouvons la date la plus récente de l’histoire de l’Ancien Testament. Prenant ensuite l’autre période, il nous est dit qu’à l’expiration non pas seulement des sept semaines, mais des soixante-deux semaines : « le Christ sera retranché ».

Avant de poursuivre, je désire relever quelques petites inexactitudes de traduction. « Après les soixante-deux semaines », c’est-à-dire après la seconde période, ajoutée aux sept semaines de la première employées à bâtir la ville de Jérusalem — « le Christ sera retranché, mais non pas pour soi ». La vraie signification du terme original rendu par cette dernière expression est, personne ne peut en douter, « et n’aura rien ». La note marginale de la version anglaise, plus exacte que le texte, le rend de cette manière. L’idée est que le Messie, au lieu d’être reçu par Son peuple et d’introduire la bénédiction promise à la fin des soixante-dix semaines, serait retranché à la fin des soixante-neuf semaines, et n’aurait rien. Ces paroles donnent à entendre l’entière réjection du Messie par Son peuple. Et en voici la conséquence. La clé nous est maintenant donnée, et nous avons l’explication de la difficulté signalée au commencement, quant à savoir pourquoi les soixante-neuf semaines étaient séparées de la soixante-dixième. La mort de Christ rompit la chaîne, et brisa les relations du peuple d’Israël avec Dieu. En conséquence, Israël ayant rejeté son Messie, la dernière semaine est mise de côté pour un temps. Cette semaine-là finit par la pleine bénédiction. Mais Israël se trouve rejeté à cause de son péché contre son Messie. Et voilà pourquoi nous lisons dans ce qui vient après : « Puis le peuple du conducteur qui viendra détruira la ville et le sanctuaire ; et la fin en sera avec débordement, et les désolations sont déterminées jusqu’à la fin de la guerre ». Il avait dit auparavant qu’il y avait soixante-dix semaines déterminées pour consumer le péché et amener la justice éternelle, etc. ; c’est-à-dire qu’à la fin de cette période désignée, la pleine bénédiction serait introduite. Tandis que nous apprenons maintenant que bien loin que les Juifs arrivent à la bénédiction, ils ont rejeté leur Messie. Il n’a rien ; et la conséquence en est que la ville et le sanctuaire ne sont pas bénis, mais qu’au contraire, « le peuple du conducteur qui viendra détruira la ville et le sanctuaire, etc. ». Il n’y aura sur le peuple juif que guerres et désolation. Le cours des soixante-dix semaines est interrompu à la mort de Christ, et les événements qui sont ensuite rapportés n’appartiennent en rien à leur accomplissement. On ne saurait nier qu’il s’est écoulé une longue période entre la mort de Christ et la prise de Jérusalem. Il y a jusqu’à Christ soixante-neuf semaines, et ensuite se présentent des événements que la prophétie révèle d’une façon bien claire, mais elle révèle avec non moins de clarté qu’ils sont postérieurs aux soixante-neuf semaines, et antérieurs à la soixante-dixième. Nous avons là un autre peuple appartenant à un conducteur tout à fait différent du Messie déjà rejeté, et ce peuple vient et détruit la ville et le sanctuaire. Ce furent les Romains qui vinrent, malgré le terrible expédient de Caïphe, ou plutôt à cause même de lui. Ils vinrent, et détruisirent la ville et le sanctuaire. Mais par là cette prophétie reçut son accomplissement. Le Messie était retranché, et les Romains, que les Juifs avaient si ardemment désiré se rendre propices, les balayèrent de la face de la terre, et jusqu’au temps actuel il n’y a eu que misère dans leur pays.

À partir de là, Jérusalem devait être foulée par les Gentils, jusqu’à ce que les temps des Gentils fussent accomplis. C’est une période qui dure encore. Depuis lors, Jérusalem n’a fait que changer de maître. Nous avons été témoins, en nos jours, d’une guerre entreprise au sujet de cette même ville et de ce même sanctuaire, et nul ne saurait dire qu’il n’y en aura pas bientôt une autre, car le but de cette guerre n’a nullement été rempli et la question n’est pas encore vidée. Les mêmes éléments de lutte et de combustion subsistent encore : c’est une affaire toujours pendante. Tel que fut Jonas dans le navire, tel Israël sera bientôt pour les Gentils. Il n’y aura point de repos pour eux — rien que des tempêtes — s’ils se mêlent des affaires de ce peuple avec lequel le Seigneur a un procès. Les Juifs sont dans un état misérable ; ils souffrent les conséquences de leur propre péché. Mais ces Gentils qui se mêleront de cette ville et de ce sanctuaire que Dieu destine encore à être purifiés, y trouveront leur ruine. Si nous ne sommes pas encore arrivés à cette période de bénédiction, il faut reconnaître que la soixante-dixième est encore à venir ; car dès qu’elle est accomplie, c’est la pleine bénédiction pour Israël et Jérusalem. Or, il est bien manifeste qu’une bénédiction semblable n’est pas réalisée ; et en conséquence, nous pouvons être parfaitement certains que la dernière des soixante-dix semaines reste à recevoir son accomplissement. Au reste, la prophétie elle-même doit nous préparer à cela. Une chaîne régulière lie les semaines l’une à l’autre jusqu’à la fin de la soixante-neuvième ; mais alors survient une grande lacune. La mort de Christ rompit le lien de relation entre Dieu et Son peuple, et désormais il n’y eut plus entre eux de lien vivant. Les Juifs rejetèrent leur Messie, et par là perdirent pour un temps leur position nationale. Un déluge de maux éclata sur eux. « Le roi envoya ses troupes, et fit périr ces meurtriers, et brûla leur ville ». La dernière partie du verset qui nous occupe (v. 26) nous fait voir que la désolation qui a fondu sur leur ville et sur leur race continue d’être leur lot, et cela postérieurement à la croix du Messie. Et comme personne ne peut prétendre que rien de semblable soit arrivé durant les sept années qui suivirent la crucifixion, il faut nécessairement admettre, entre la soixante-neuvième et la soixante-dixième semaines, un intervalle plus ou moins considérable.

Remarquez l’exactitude de l’Écriture. Il n’est point dit que le conducteur qui viendra détruira la ville et le sanctuaire, mais que son peuple le ferait. Le Messie, le conducteur, est déjà venu et a été retranché. Maintenant l’Écriture nous parle là d’un autre conducteur à venir, un conducteur romain ; car tout le monde sait que ce sont les Romains qui vinrent et s’emparèrent à la fois du pays et de la nation des Juifs. L’Écriture dit simplement : « Le peuple du conducteur qui viendra », ce qui explique que le peuple viendrait avant un certain conducteur qui était encore dans l’avenir. Je regarde cela comme fort important. Sans doute qu’il y avait un prince qui conduisait les Romains à la conquête de Jérusalem ; mais Titus n’est point le personnage auquel il est fait allusion ici. Tandis que rien n’est plus simple, si le peuple devait venir d’abord et si le conducteur en question devait suivre à quelque époque future. « La fin en sera avec débordement, et les désolations sont déterminées jusqu’à la fin de la guerre ». Il devait y avoir une longue période d’inimitié et de désolation. C’est là précisément que les Juifs en sont aujourd’hui. Ils ont été chassés de cette ville et de ce sanctuaire, et depuis ils ne les ont jamais possédés. Il est vrai qu’ils se sont fait une position remarquable dans la plupart des contrées de la terre ; leur influence croît dans toutes les cours et dans tous les cabinets du monde ; mais ils n’ont jamais obtenu le plus petit pouvoir dans leur propre pays et dans leur propre ville — ils y sont les plus proscrits de tous ; ce sont là les désolations qui continuent.

Au verset 27 arrive la scène finale : « Et il confirmera une alliance à plusieurs pour une semaine ». Les versions ordinaires disent à tort « l’alliance ». L’article la n’est point dans l’original, et ce petit mot en fait égarer plusieurs. C’est une alliance qu’il faut lire, ou plutôt, c’est simplement l’idée générale d’alliance que le texte original suggère. C’est le sens de « traiter alliance, faire alliance ». Si on lit « l’alliance », le lecteur est aussitôt porté à en conclure que par l’expression « le conducteur », il faut entendre le Messie, et qu’Il allait confirmer Son alliance. Mais voici comment le passage est conçu : « Il confirmera alliance (ou une alliance) avec les plusieurs pour une semaine ». Sans doute que le Messie a apporté le sang de la nouvelle alliance ; mais est-ce là ce que le passage signifie ? Il suppose que les désolations continuent durant toute cette période, après quoi vient la fin du siècle qui comprend la soixante-dixième semaine, ou qui arrive pendant son cours. La mort de Christ a eu lieu depuis longtemps déjà ; la destruction de Jérusalem aussi, trente ou quarante ans après. Ensuite a suivi une longue période de désolations et de guerres en rapport avec Jérusalem. Il est fait mention de deux personnes différentes. Au verset 25, il s’agit du Messie le conducteur ; mais Il est venu et a été retranché. Au verset 26, nous lisons : « Le peuple du conducteur qui viendra ». Et c’est à ce futur chef romain que le verset 27 fait allusion. C’est lui qui confirmera alliance avec plusieurs ou plutôt avec « les plusieurs », c’est-à-dire la masse ou la majorité. Le résidu ne participera en rien à cette alliance. Observez que la soixante-dixième semaine paraît ici pour la première fois. « Et il confirmera alliance avec la masse pour une semaine ». Or, en supposant que c’est Christ que ces paroles désignent, je demande quel sens elles ont ici ? Une semaine ne peut signifier qu’une période de sept ans. La nouvelle alliance a-t-elle jamais été faite pour sept ans ? Une telle pensée n’a pas de sens. N’est-il pas évident que l’idée d’entendre par là l’alliance apportée par Christ est empreinte d’absurdité ? Car l’alliance que le sang de Christ a cimentée est une alliance éternelle, tandis que celle dont il est question ici n’est conclue que pour sept ans. À quelle époque et de quelle manière Christ a-t-Il fait une alliance pour sept ans ? « Et il confirmera alliance avec les plusieurs pour une semaine, et à la moitié de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l’oblation ». Je sais que plusieurs appliquent cela à la mort de Christ. Mais nous avons eu la mort de Christ depuis longtemps — avant que la soixante-dixième semaine commençât ; ensuite toutes les désolations d’Israël arrivant après cette mort, et enfin, subséquemment à tout, la venue d’un autre chef qui confirme une alliance pour une semaine. C’est lui, et non pas Christ, qui fait alliance avec les Juifs pour sept années. Mais au milieu de cette période, il met fin à leur culte. Ils ont rétabli alors le sacrifice et l’oblation et ce personnage les fait cesser.

Mais ne trouvons-nous pas ailleurs d’autre lumière sur le sujet dont il est question ici ? Ce passage est-il seul à nous parler d’une alliance semblable, et de l’abolition soudaine, par un prince étranger, des rites et des cérémonies juives ? Pour ce qui concerne l’alliance, voici ce que nous lisons en Ésaïe 28, 15 : « Car vous avez dit : Nous avons fait accord avec la mort, et nous avons intelligence avec le sépulcre ; quand le fléau débordé traversera, il ne viendra point sur nous ». Et au verset 18 : « Et votre accord avec la mort sera aboli, et votre intelligence avec le sépulcre ne tiendra point ; quand le fléau débordé traversera, vous en serez foulés ». Je ne doute pas que c’est là l’alliance que signale Daniel. Une autre chose vient confirmer ce sens ; la voici : ce prince romain ayant fait avec le peuple juif une alliance impie, et ensuite ayant interrompu les sacrifices et introduit l’idolâtrie — ou ayant réalisé ce que l’Écriture appelle « l’abomination de la désolation » — il mettra fin aux rites juifs, et établira une idole, et se fera adorer là lui-même. Lorsque l’idolâtrie est ouvertement en rapport avec le sanctuaire, Dieu envoie sur Son peuple un fléau terrible. Les Juifs avaient espéré d’y échapper en faisant une alliance avec ce prince ; ils pensaient follement, comme le dit Ésaïe, être par ce moyen délivrés du fléau débordant. Ce dernier est le personnage qui devient le grand chef des puissances orientales du monde liguées contre les puissances occidentales. La masse des Juifs fera alliance avec le grand prince de l’Occident qui sera, à cette époque, leur ami de nom. Mais à l’expiration de la moitié du terme fixé, ce même personnage introduira l’idolâtrie et la leur imposera de force. C’est alors que viendra la dernière catastrophe d’Israël.

L’interruption des cérémonies juives ne repose pas sur ce passage seulement. En Daniel 7, la petite corne est l’empereur de l’Occident, ou « le conducteur qui viendra ». Il est dit de ce personnage qu’« il proférera des paroles contre le Souverain, et détruira les saints du Souverain, et pensera de pouvoir changer les temps et la loi ; et ils seront livrés en sa main jusqu’à un temps, et des temps, et une moitié de temps ». Remarquez l’analogie entre cette déclaration et celle que nous avons ici. Que faut-il entendre par « un temps, et des temps, et une moitié de temps » ? Trois ans et demi, pour sûr. Et que faut-il entendre par la moitié d’une semaine ? Précisément la même période. Au milieu de la durée pour laquelle l’alliance avait été faite avec Israël, ce prince arrêtera leur culte, et prendra en ses mains toutes les cérémonies juives. Il ne leur permettra pas non plus d’observer leurs fêtes. « Ils seront livrés en sa main », c’est-à-dire, les temps et les lois des Juifs. Dieu ne reconnaîtra pas le culte juif d’alors, et en conséquence Il ne les préservera pas en cette occasion. Il laissera poursuivre son chemin à cet homme qui, après avoir fait, comme ami, une alliance avec Israël, l’enfreindra et substituera l’idolâtrie au culte de ce peuple. Alors viendra le fléau débordant. « Au milieu de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l’oblation ».

Mais je dois recourir à une manière plus exacte de rendre les paroles qui suivent. Les traducteurs se sont montrés fort incertains de leur véritable signification ; mais en voici la traduction littérale : « Puis, à cause de (ou en raison de) l’aile des abominations, un désolateur ». C’est-à-dire à cause qu’il aura pris les idoles sous sa protection, il y aura un désolateur, savoir le fléau débordant, ou l’Assyrien. Le conducteur qui viendra ne désole point Jérusalem. En ce temps-là, il a fait alliance avec les Juifs, et quoiqu’il rompe son alliance, cependant, par cela même qu’il est leur chef et leur protecteur, et que son favori, le faux prophète, aura son siège parmi eux comme le grand archiprêtre de ce jour, il établit, avec l’aide de ce faux prophète, le culte de sa statue dans le temple de Dieu. En conséquence de cela, le roi du Nord fondra comme un désolateur.

Les Juifs justes et fidèles auront donc deux ennemis en ce temps-là. Le désolateur, ou l’Assyrien, sera l’ennemi du dehors. L’ennemi du dedans sera l’Antichrist, ou leur roi, qui fera selon sa volonté, qui les corrompra en rapport avec le conducteur romain. De sorte que voici le véritable sens de ce passage : « À cause de la protection des abominations, (il y aura) un désolateur, même jusqu’à ce que la consomption déterminée ait fondu sur le désolé ». — « Le désolé » signifie Jérusalem. Toute la consomption, ou ce que Dieu a décrété contre les Juifs, doit avoir son cours. « Cette génération ne passera point que toutes ces choses ne soient arrivées ». Ce seront les derniers représentants de la portion d’Israël qui a rejeté Christ. Dieu fera venir sur eux tous les jugements. Ils seront emportés, et alors il ne restera que la semence sainte, le résidu fidèle, dont Dieu fera le grand noyau de la bénédiction pour tout le monde sous le règne du Seigneur Jésus.

Chapitres 10 ; 11, 1-35

Les chapitres 10, 11, 12 ne forment évidemment qu’un seul sujet continu, et nous font voir dans quelles circonstances Daniel reçut cette dernière prophétie, qui est, sous quelques rapports, la plus remarquable de toutes celles qui lui furent accordées. Dans toute l’étendue du livre divin, il n’y a pas d’exposé des faits de l’histoire aussi détaillé, aussi circonstancié que celui que nous avons là, sans compter qu’il embrasse depuis la monarchie des Perses sous laquelle Daniel contempla la vision jusqu’au temps où toutes les puissances de ce monde seront obligées de s’incliner devant le nom du Seigneur. Non que la prophétie ne présente pas une seule lacune depuis l’époque de l’empire des Perses jusqu’au règne de Christ, ce serait même contraire à l’analogie de tout le reste de la Parole de Dieu ; mais nous y trouvons, avant tout, un exposé des faits, concis et clair en même temps, jusqu’à ce que nous arrivions à un personnage remarquable qui était le type de celui qui sera, à la fin du siècle présent, le grand chef des adversaires du peuple de Dieu. Après nous avoir conduit jusqu’à ce personnage, la prophétie s’interrompt, franchit l’intervalle et nous donne « le temps de la fin », de sorte que nous pouvons comprendre la raison de cette lacune. Pour le moment je dois m’arrêter au point où l’interruption a lieu, avec l’espérance de considérer, Dieu voulant, la crise de la fin, à laquelle se rapportent les types, et qui commence au verset 36 du chapitre 11. Nous verrons qu’elle ne se borne pas à un mal d’une espèce particulière, et que la fin du chapitre traite des combats que se livreront les chefs de cette époque, dans la terre sainte et ses environs. Puis le chapitre 12 nous montrera les voies de Dieu avec Son peuple jusqu’à ce que le peuple et Daniel lui-même soient établis dans leur lot à la fin des jours (vers. angl.) : ceci, c’est-à-dire la bénédiction du peuple de Dieu, ou du moins du résidu fidèle, formant le grand objet de la fin.

« La troisième année de Cyrus, roi de Perse, une parole fut révélée à Daniel, qui était nommé Belteshatsar », etc. Daniel, voyons-nous par là, n’avait pas profité du décret que Cyrus avait rendu deux années auparavant pour donner aux Israélites la liberté de retourner dans leur pays, conformément à la prophétie : il se trouvait encore sur le théâtre de la captivité des Juifs. Mais il y a plus que cela, et l’Esprit de Dieu attire notre attention sur l’état d’âme du prophète. Ce n’est pas dans la joie qu’il passait ses jours sur la terre étrangère, mais bien dans le deuil et dans le jeûne, et cela au milieu de circonstances où il avait naturellement toute chose à sa disposition. Il ne mangea point de pain agréable au goût, « et, comme il le dit lui-même, il n’entra point de viande ni de vin dans ma bouche, et je ne m’oignis point du tout, jusqu’à ce que trois semaines entières fussent accomplies ». Sûrement ce n’est pas pour rien que l’Esprit de Dieu nous a montré Daniel non seulement avant le décret de Cyrus, mais aussi après, dans une telle attitude devant le Seigneur. Nous pouvons tous comprendre qu’à l’approche du moment où le petit résidu allait quitter Babylone et retourner au pays de ses pères, on dût trouver le saint et pieux prophète pénétré d’une profonde affliction devant Dieu, et passant en revue le péché à l’occasion duquel un châtiment si terrible était tombé sur le peuple de la part de Dieu ; quoique en cela il fît précisément le contraire de ce que la chair aurait fait dans de telles circonstances : car lorsqu’il est accordé une grande bénédiction extérieure, c’est plutôt l’occasion pour l’homme de donner essor à ses sentiments de satisfaction. Mais nous voyons le contraire en Daniel. Il prit l’attitude de la confession, et confessa non pas seulement les péchés d’Israël, mais ses propres péchés : il les avait tous devant lui. Il n’y avait qu’un homme marchant dans la sainteté qui pût avoir un sentiment aussi profond du péché. Mais la même énergie du Saint Esprit, qui produit une réelle humiliation, rend aussi capable d’entrer en amour dans la triste et abjecte condition du peuple de Dieu. Des pensées de cette nature semblent avoir rempli l’âme de Daniel quand il découvrit, par la prophétie de Jérémie, que la délivrance d’Israël était fort proche. Il n’y eut chez lui ni transports de joie au sujet d’un ennemi tombé, ni cris de triomphe à cause que le peuple allait être rendu libre, quoique Cyrus lui-même regardât comme un grand honneur d’avoir été choisi de Dieu pour être l’instrument de ces deux dispensations. Un homme de Dieu pouvait fort bien arrêter sa pensée sur les effets que le péché avait produits, quand le Seigneur ne pouvait pas même parler d’Israël comme Son peuple, quoique la foi dont Daniel était animé ne fît que le faire insister d’autant plus fortement auprès de Dieu sur le fait qu’Israël était Son peuple.

Ici le décret avait été rendu conformément à son attente. Le monarque persan avait ouvert la porte aux prisonniers de l’espérance pour qu’ils pussent quitter Babylone ; et ceux auxquels il avait plu de le faire, étaient retournés dans leur pays. Daniel n’était point parmi ceux-là ; au lieu de n’anticiper désormais que de brillantes perspectives de gloire immédiate, il se présente à nous, et plus que jamais, dans l’attitude de l’humiliation devant Dieu. La révélation du motif de ce jeûne prolongé nous fait pénétrer dans les rapports du monde visible avec le monde invisible. Et ce n’est pas seulement de dessus l’avenir que le voile est levé, car c’est là ce que fait toute prophétie ; mais l’énoncé de la vision que nous avons ici nous montre dans une lumière de grand intérêt, ce qui est de fait actuellement autour de nous, mais nous est invisible. Il fut permis à Daniel de le voir et de l’entendre afin que nous pussions savoir, et en avoir la conscience pour nous-mêmes, qu’outre les choses qui se voient, il y a des choses invisibles, beaucoup plus importantes que ce qui se voit.

S’il y a des luttes sur la terre, elles proviennent de luttes plus hautes, celles que les anges soutiennent contre ces êtres méchants, les instruments de Satan, qui cherchent sans cesse à traverser les conseils de Dieu par rapport à la terre. Cela apparaît ici d’une manière remarquable. Nous savons que les anges ont à faire avec les enfants de Dieu, mais peut-être n’avons-nous pas discerné aussi clairement qu’ils ont à faire aussi avec les événements extérieurs de ce monde. Dans cette portion du livre de Daniel, la lumière de Dieu brille sur ce sujet, de sorte que nous sommes rendus capables de comprendre qu’il n’y a pas un mouvement du monde qui ne se rattache aux voies providentielles de Dieu. Et les anges sont les instruments par lesquels Sa volonté s’exécute : il est dit d’eux expressément qu’ils font Son bon plaisir. D’un autre côté, il y a ceux qui se mettent constamment en travers de Dieu. Les mauvais anges ne manquent pas. Si le cœur n’est pas éveillé là-dessus, on perd certainement quelque chose parce que cela fait sentir plus vivement la nécessité d’avoir Dieu pour force. S’il n’était question que des hommes, nous pourrions comprendre que, dans la conscience de sa force ou de sa sagesse, ou d’autres ressources qu’elle pourrait avoir, une personne n’en craignît pas une autre. Mais s’il est vrai que nous avons à combattre avec des puissances qui nous sont immensément supérieures pour tout ce qui tient à l’intelligence extérieure et à la force (car les anges excellent en force, comme il nous est dit), il est clair que si nous devons être vainqueurs, nous sommes rejetés sur l’appui d’un autre qui est plus puissant que tout ce qui peut être contre nous. La foi, par laquelle nous comptons ainsi sur Dieu, nous délivre de toute inquiétude à l’égard de tout ce qui a lieu dans le monde. Car quoiqu’il y ait des esprits malins, et que les hommes ne soient que comme les pièces qu’ils font mouvoir sur l’échiquier de cette vie, de fait néanmoins, il y a derrière la scène, inconnue aux acteurs, une main intelligente et souveraine qui dirige tous les mouvements. Cela donne un caractère beaucoup plus solennel à nos pensées sur tout ce qui arrive ici-bas.

Outre ces anges, un autre personnage apparaît sur la scène : « Un homme vêtu de lin, et duquel les reins étaient ceints d’une ceinture de fin or d’Uphaz ». Celui dont nous trouvons au verset 6 une description si magnifique, et que vit seul Daniel, ne semble pas n’avoir été simplement qu’un ange. Il a pu apparaître dans quelques traits de la gloire angélique, mais je pense que c’est Celui qui apparaît souvent dans l’histoire tant du Nouveau que de l’Ancien Testament — le Seigneur de gloire Lui-même. Ici Il apparaît comme un homme, comme quelqu’un qui éprouvait la sympathie la plus profonde pour Son serviteur sur la terre. Tous les autres s’étaient enfuis pour se cacher ; Daniel était resté : cependant, il n’était point demeuré de force en lui ; — son extérieur fut changé jusqu’à être tout défait. Il faut que même un homme aimé de Dieu, un saint fidèle, fasse l’expérience que toute sa sagesse passée était inutile ; car il était maintenant fort vieux, et il avait été singulièrement fidèle au Seigneur. À ce moment même c’était lui qui réalisait le mieux la vraie condition d’Israël, car il voyait bien qu’il devait s’écouler un long espace de temps avant que le Messie dût venir, et l’ange qui avait été l’instrument de la révélation avait annoncé que le Messie serait retranché et n’aurait rien. Il n’y avait donc rien d’étonnant qu’il fût dans le deuil. D’autres pouvaient se livrer à leurs brillantes espérances sur la venue prochaine du Messie, et sur l’exaltation par Son moyen de leur nation dans le monde. Quant à Daniel, il menait deuil et jeûnait ; et voilà que cette vision lui est accordée, et que ce personnage béni vient se révéler à lui.

Néanmoins, malgré tout l’amour dont il était l’objet, malgré toute sa connaissance des voies de Dieu et la faveur qui lui avait été montrée dans les visions précédentes, Daniel est rendu tout à fait conscient de son entière faiblesse. Toute sa force tomba en poussière en présence du Seigneur de gloire. Ce fait n’a pas pour nous une importance morale petite. Quelle que soit la valeur de ce que peut avoir appris un saint, le passé seul ne nous rend pas capables de comprendre la nouvelle leçon de Dieu. Pour cela Dieu Lui-même est nécessaire — et non pas simplement ce que nous avons appris déjà. C’est là, à mon avis, une vérité importante et très pratique. Nous connaissons tous la tendance des hommes à faire provision pour l’avenir, et je ne nie pas la valeur de la connaissance spirituelle, soit pour aider les autres, soit pour nous rendre capables nous-mêmes d’apprécier les circonstances d’une manière juste et sainte. Mais si le Seigneur révèle quelque chose de nouveau, alors en dépit de tout ce qu’il avait connu auparavant, Daniel est absolument sans force. C’est dans cette dernière vision qu’il est le plus abattu, et qu’il réalise plus que jamais le sentiment du néant de tout ce qu’il y a en lui. Il est rejeté complètement sur Dieu pour pouvoir se tenir debout et entrer dans ce que le Seigneur allait lui faire connaître. On voit la même chose en saint Jean, qui avait reposé dans le sein du Sauveur lorsqu’Il était sur la terre, et qui, de tous les disciples, était le plus entré dans Ses pensées. Que le Seigneur néanmoins se présente devant lui, dans Sa gloire, pour lui révéler Sa pensée touchant l’avenir, et que devient même l’apôtre Jean ? Le Seigneur doit mettre Sa main sur lui, lui ordonnant de ne pas craindre. Il doit l’encourager par ce qu’Il était Lui-même — le vivant qui avait été mort, mais qui était de nouveau vivant, et avait les clés de la mort et du hadès. C’était donc là ce que Jean devait écouter avec la plus parfaite confiance, parce que c’était ce que Christ était. Il n’y avait pas de puissance qui ne dût tomber devant Lui.

Ici Daniel entre dans cela selon sa mesure. Il faut toujours que la mort de la chair soit réalisée avant que nous puissions jouir de la vie de Dieu. Ceci a de l’importance, au point de vue de la pratique. Dans la grâce qui apporte le salut, je ne commence point par apprendre la mort en premier lieu, la vie venant après comme suite de cette première œuvre. La vie en Christ vient à moi dans mon caractère de pécheur, et cette vie manifeste la mort dans laquelle je suis ; s’il me fallait réaliser ma mort pour que cette vie vînt à moi, cela reviendrait évidemment à dire que l’homme se trouve dans sa véritable position, comme préparation pour qu’il soit béni de Dieu. Ce n’est point là la grâce. « Ce qui était dès le commencement… ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché de la Parole de la vie ». En d’autres termes, c’est la personne de Christ Lui-même qui vient et donne la bénédiction. Après quoi l’âme apprend que « Dieu est lumière et qu’il n’y a en lui nulles ténèbres ». Elle apprend que si nous disons que nous avons la lumière — communion avec Celui qui est lumière — et que cependant nous marchions dans les ténèbres, nous mentons et ne pratiquons pas la vérité. Toute la connaissance pratique de ce que Dieu est et de ce que nous sommes, suit la manifestation qui nous été faite de la vie dans la personne de Christ. S’il s’agit de l’ordre selon lequel la bénédiction a lieu quant à un pécheur, c’est la grâce souveraine qui communique la vie dans la personne d’un autre ; mais s’il s’agit de l’ordre selon lequel le progrès s’accomplit chez le croyant, il n’en est point de même. Le croyant avant déjà obtenu la vie, doit mortifier tout ce qui lui appartient simplement selon la nature, afin que cette vie soit manifestée et se fortifie. Ceci est de toute importance pour le saint, comme le reste pour le pécheur. L’homme, dans son état naturel, ne croit pas qu’il est mort, et il travaille à acquérir la vie. Mais il est dépourvu de vie ; il n’en a point. C’est un autre qui, seul, la lui apporte et la lui donne dans une grâce parfaite, ne voyant que du mal en lui, mais venant avec du bien seulement et le lui apportant dans l’amour. Celui-là, c’est Christ. Mais dans le cas du croyant, comme il a déjà trouvé la vie en Christ, il faut qu’il y ait jugement du mal, afin que cette vie nouvelle et divine se développe et s’accroisse. De sorte que, tandis que pour l’un, pour le pécheur, ce qui nous est présenté, c’est la vie faisant ressortir la mort, et rencontrant l’homme dans la mort dont elle le délivre ; pour le croyant, c’est la mortification pratique de tout ce qui existe naturellement en lui. Il faut que la sentence de mort soit réalisée sur tout cela, pour que la vie ne rencontre pas d’obstacle dans sa croissance et sa manifestation.

Daniel fit l’expérience que tel était effectivement le moyen pratique d’entrer dans les merveilles que l’Esprit de Dieu allait placer devant lui, et d’en devenir le témoin convenable. De là vient, que, quelle que pût être la faveur dont il jouissait — et il était « un homme aimé de Dieu », il faut néanmoins que la mort soit réalisée par son âme. « Et quand il m’eut dit cette parole-là, je me tins debout en tremblant. Et il me dit : Ne crains point, Daniel ; car dès le premier jour que tu as appliqué ton cœur à entendre et à t’affliger en la présence de ton Dieu, tes paroles ont été exaucées, et je suis venu à cause de tes paroles ». Il lui est alors donné à entendre comment il se faisait qu’il y avait eu un tel délai : « Mais le chef du royaume de Perse a résisté contre moi vingt et un jours ; mais voici, Micaël, l’un des principaux chefs, est venu pour m’aider, et je suis demeuré là chez les rois de Perse ». Ici, je crois, c’est une autre personne qui parle : ce n’est pas le premier et glorieux personnage que Daniel avait vu, mais quelqu’un, de fait un ange, que celui-là employait comme serviteur. Le chapitre dernier prouvera clairement qu’il y a plus que la personne envoyée ; et il est évident, d’après son langage, que celui qui parle est quelqu’un de dépendant. Daniel est encouragé en apprenant que, dès le premier jour qu’il avait appliqué son cœur à entendre et à s’affliger en la présence de Dieu, ses paroles avaient été exaucées. Il ne reçut pas la réponse le premier jour, ni le second ; ce ne fut qu’après vingt et un jours qu’elle arriva ; et cependant elle avait été envoyée de Dieu dès le premier jour. Naturellement Il aurait pu la donner sur-le-champ. Mais qu’en serait-il résulté ? D’abord, on n’aurait pas compris aussi clairement la lutte terrible qui est constamment engagée entre les instruments de Dieu et les émissaires de Satan ; et ensuite aussi, la foi et la patience n’auraient pas eu leur œuvre parfaite.

Je n’oublie point que le Saint Esprit a été envoyé ici-bas pour demeurer désormais dans le cœur des croyants d’une manière qui n’était pas connue alors. Car quoique l’Esprit de Dieu fût toujours à l’œuvre dans les saints prophètes et dans les saints hommes, cependant le fait de Son habitation permanente ne pouvait point avoir lieu jusqu’à ce que Jésus fût glorifié, et qu’eût été accomplie l’œuvre de la rédemption, en vertu de laquelle le Saint Esprit a été envoyé du ciel pour établir Sa demeure dans le cœur de ceux qui croient, sceau de la bénédiction qui leur appartient en Christ. En sorte que, outre ces soins extérieurs de la providence de Dieu si magnifiquement présentés ici, nous, chrétiens, nous possédons cette bénie personne divine, qui fait de nos corps, par Sa demeure en nous, le temple de Dieu. Mais les luttes extérieures n’en continuent pas moins. Ce qui empêcha Daniel d’avoir la réponse manifeste à ses prières, peut nous empêcher aussi d’avoir la réponse des circonstances. Nous devons toujours compter immédiatement sur la réponse de la foi ; mais pour ce qui en est de la réponse des circonstances, gouvernées de Dieu, de manière à donner une réponse manifeste, il se peut que nous ayons à l’attendre. C’est ce qui arriva à Daniel, et la raison nous en est donnée. Le verset 13 nous apprend que, quoique Dieu ait envoyé la réponse dès le premier jour, le chef du royaume de Perse avait résisté vingt et un jours, juste le temps que Daniel avait passé dans le deuil et le jeûne devant Dieu. « Mais voici, Micaël, l’un des principaux chefs, est venu pour m’aider, et je suis demeuré là chez les rois de Perse ». C’est évidemment un ange qui parle. Ce serait manquer à ce qui est dû au Seigneur que de supposer que c’était Lui qui avait besoin de l’aide d’un de Ses propres anges. Mais il était fait ici mention de Micaël, parce qu’il était bien connu pour être l’archange qui veillait particulièrement à la garde de la nation d’Israël. De sorte que quelque jeu que les gens se fassent de l’intervention et de la garde des anges, l’Écriture n’en est pas moins parfaitement claire sur cette vérité. Sans doute le romanisme, comme nous le savons, en a fait des objets de culte ; mais la vérité elle-même est particulièrement intéressante. La Parole de Dieu démontre que Dieu emploie les anges dans des services particuliers. Au reste, ce n’était pas là une vérité nouvelle. Jude mentionne comme une circonstance bien connue la dispute de Michel l’archange avec le diable, touchant le corps de Moïse. La même vérité apparaît encore en celle-ci : je veux dire la vigilance soigneuse que Micaël exerçait envers le peuple juif. Il savait combien il était enclin à l’idolâtrie, et qu’il voudrait se faire une idole, après sa mort, de l’homme contre lequel il s’était rebellé durant sa vie. C’est pourquoi, Micaël, en tant que l’instrument, de la part de Dieu, de la bénédiction d’Israël, dispute avec Satan, de manière que le corps de Moïse ne fût point trouvé — la Parole de Dieu déclarant que l’Éternel l’avait enseveli quoique Micaël fût l’instrument employé par l’Éternel.

Le passage que nous étudions nous fait voir ce rayon de lumière si intéressant jeté sur les circonstances terrestres. Les puissances de ce monde peuvent gouverner, mais les anges n’ont pas abandonné leurs fonctions. Le diable et ses anges d’un côté, et Michel et les saints anges avec lui, de l’autre, viennent de nouveau sur la scène dans le dernier livre de la Bible. Le fait que Christ est venu et que le Saint Esprit a été donné, ne fait point disparaître celui-là. Au contraire, nous savons qu’il y aura à la fin la lutte la plus terrible entre les saints anges et les anges méchants, lorsque les cieux seront purifiés pour toujours de ces puissances malignes qui les ont souillés si longtemps. Tout cela est d’un haut intérêt, comme faisant voir la parfaite patience de Dieu. Nous savons en effet qu’Il pourrait écraser d’un mot le diable et toute son armée ; mais Il ne le fait pas. Il permet à Satan de s’aventurer dans les cieux inférieurs, et même de les posséder ; et c’est pour cela qu’il est appelé « le prince de la puissance de l’air », comme il est appelé ailleurs « le prince » et « le dieu de ce siècle ». Mais je crois que c’est là seulement qu’il est prince. Il n’est jamais dit dans l’Écriture que Satan soit prince dans l’enfer. C’est, il est vrai, le thème favori des grands poètes, et aussi des petits ; mais l’Écriture ne parle jamais d’une telle chose. Ce qu’elle nous enseigne, c’est que maintenant sa puissance s’exerce réellement dans les cieux ou sur la terre ; mais que, quand il sera brisé, tant dans son usurpation céleste d’abord, que dans sa puissance terrestre ensuite, il sera jeté dans l’enfer, et qu’au lieu d’être roi dans l’enfer, il sera le plus misérable objet de la vengeance de Dieu. Ce qu’il y a de solennel, c’est qu’il règne ici à présent, et que les hommes ne le sentent pas. Son règne le plus triste, le plus fatal, est celui qu’il a acquis et qu’il exerce maintenant, et non celui qu’il possédait auparavant. La mort de Christ, tout en étant le principe sur lequel il perdra plus tard toute sa puissance, a été le moyen, néanmoins, par lequel il est devenu le grand pouvoir usurpateur qui se met en travers de toutes les pensées de Dieu relativement à ce monde. Il y a là pour nous une pensée importante. Si Dieu permet une telle chose — s’Il souffre dans le ciel lui-même, la présence de ce méchant, de l’ennemi de Son Fils — si, après la crucifixion de Christ nous voyons Dieu déployer Sa longanimité la plus grande, au lieu d’avoir été amené par elle à enlever à Satan toute sa puissance, quelle leçon pour nous de ne pas nous inquiéter à l’égard des circonstances ! Aucun homme n’a foulé jamais ces régions inconnues ; personne n’y a été pour nous en parler, excepté la Parole de Dieu qui nous les révèle. Naturellement, nous ne savons pas tout ; mais nous en savons assez pour voir qu’il y a cette redoutable puissance du mal en opposition avec Dieu, et que la puissance de Dieu est toujours et infiniment plus grande que la puissance du mal. Le mal n’est qu’un accident qui est entré dans le monde par la rébellion de la créature contre Dieu. Par ce mot « accident » je veux dire que la créature n’interrompait que pour un temps les desseins de Dieu, tandis qu’au fond, cela ne servait qu’à les manifester avec plus d’éclat. Le plan de Dieu était de bénir le ciel et la terre, et ce plan tiendra. Le mal sera banni de la scène entière des œuvres de Dieu, et les méchants souffriront les terribles conséquences de la réjection qu’ils ont faite du seul bon, et seul bienheureux.

Mais, en même temps que la certitude de tout cela a été révélée à la foi avant que Dieu exécute ce qu’Il a dans Sa pensée, la lutte solennelle qui se livre dans le monde invisible est découverte à nos regards. La foi est mise ainsi à l’épreuve. Daniel avait à continuer d’attendre, de mener deuil, de prier, de répandre tout devant Dieu. Nous voyons en lui la persévérance de la foi — priant sans cesse. Et combien sa foi ne fut-elle pas récompensée ! Car lorsque l’ange vient, il lui révèle ce secret sur l’ordre de l’Être glorieux qui avait apparu d’abord à Daniel. C’était le chef du royaume de Perse qui lui avait résisté vingt et un jours ; mais Micaël était venu à son aide.

Remarquons aussi que le verset suivant renferme une indication importante, relativement aux principaux objets que Dieu a en vue dans cette prophétie. Seulement, les personnes qui ont beaucoup lu savent ce que ce chapitre a souffert de torture par l’introduction des pensées des hommes auxquelles on en demandait l’explication. Naturellement en toute première ligne on y a introduit le pape. Ensuite on n’a pas manqué non plus d’y trouver l’audacieux soldat des premiers jours de ce siècle, Napoléon. En un mot, tout ce qui, dans le monde, a présenté un intérêt extraordinaire, on a tâché de le trouver dans le chapitre 11 de Daniel. Le verset 14 du chapitre 10 fait justice de toutes les idées semblables. « Je suis venu », dit l’ange, « pour te faire entendre ce qui doit arriver à ton peuple aux derniers jours ; car il y a encore une vision pour ces jours-là ». Rien de plus clair que ces paroles. Elles sont mises comme une espèce de frontispice à la prophétie, pour faire voir que le peuple juif constitue la grande pensée de Dieu quant à la terre, et que le sujet principal de cette prophétie est ce qui doit arriver à cette nation dans les derniers jours : la suite de l’histoire nous y est bien présentée presque depuis les jours de Daniel, mais les derniers jours en sont le sujet. En général la prophétie peut bien donner un petit gage à un avenir tout prochain, mais nous n’en voyons jamais toute la portée que dans le dernier jour ; et alors c’est aux Juifs et à leur Messie que se rapportent comme à leur centre terrestre les pensées et le plan de Dieu. Je n’entends point nier que l’Église soit une chose beaucoup plus élevée que les Juifs, ni que les relations de Christ avec l’Église soient plus étroites et plus profondes que Ses relations avec les Juifs. Mais vous ne perdez pas Christ et l’Église en croyant à Ses liens avec Israël. Bien plus, si vous ne croyez pas à ces liens, vous les confondez avec vos propres relations avec Christ, et les uns et les autres sont perdus, au moins pour ce qui est d’une connaissance précise et d’une pleine jouissance. Cela vient de ce qu’on ne considère pas l’Écriture comme un tout. On n’aurait pu tomber dans une pareille erreur, si on avait lu le chapitre 10 comme étant une introduction au chapitre 11. Mais il y en a qui lisent l’Écriture tout à fait comme d’autres la prêchent. On prend quelques paroles, et on en fait le texte d’un discours qui n’a peut-être aucun rapport avec le sujet de ce passage, qui n’en a peut-être aucun avec quelqu’autre passage que ce soit de la Bible. Il est possible que, considérées en elles-mêmes, les pensées que l’on exprimera soient vraies, mais ce dont nous avons besoin, c’est une aide pour comprendre la Parole de Dieu comme faisant un tout, aussi bien que les détails. Si vous preniez une lettre d’un ami et que vous vous attachassiez seulement à une phrase ou une partie de phrase que vous en auriez extraite et séparée du reste, pourriez-vous dire que vous la comprenez ? Et cependant, ce que renferme l’Écriture a une portée infiniment plus grande et se rattache à infiniment plus de choses que tout ce que nous pourrions écrire nous-mêmes ; et, en conséquence, il devrait y avoir des raisons bien plus puissantes de la prendre dans sa portée et ses relations réelles, qu’il n’y en a d’agir de la sorte pour les petites productions de notre esprit. Voilà la clé des erreurs que commettent dans l’explication de l’Écriture bien des personnes estimables : il se peut qu’elles soient aussi dans la foi, mais pourtant il leur est difficile de s’élever au-dessus de leurs habitudes ordinaires. La prophétie qui nous occupe fait ressortir l’importance du principe sur lequel je viens d’insister. Prenez les livres ordinaires qui ont été écrits sur elle, n’importe quand, où, et par quels auteurs, et vous verrez qu’ils s’efforcent surtout de la rapporter à leur époque comme à son point central. Nous trouvons ici même la réponse à toutes ces vues erronées. Ce n’est ni Rome, ni la papauté, ni Napoléon, qui constitue le sujet de la prophétie, mais bien « ce qui doit arriver à ton peuple (le peuple de Daniel, les Juifs), aux derniers jours ».

Nous trouvons donc Daniel exprimant, avec humilité de cœur, son incapacité pour recevoir de telles communications. D’abord, quelqu’un ayant la ressemblance d’un homme touche ses lèvres et il est instruit à parler au Seigneur. Il confesse sa faiblesse, et déclare qu’il n’a conservé aucune vigueur. Mais « Celui qui ressemblait à un homme me toucha de nouveau, et me fortifia et me dit : Ne crains point, homme qui es reçu en grâce ! Paix soit avec toi, fortifie-toi, fortifie-toi, dis-je ». Les hommes sont absolument incapables de profiter de la prophétie, jusqu’à ce qu’ils soient complètement établis dans la paix, jusqu’à ce que leurs cœurs connaissent la véritable source de la force. Nous voyons ici qu’il faut que Daniel soit mis sur ses pieds, que sa bouche soit ouverte, que ses craintes soient dissipées, avant que l’Éternel puisse lui dévoiler l’avenir ; il faut que son cœur soit en parfaite paix dans la force de l’Éternel et dans la présence de son Dieu. Le trouble de l’esprit, le manque d’une paix bien établie, sont pour beaucoup plus qu’on ne le pense dans le peu de progrès que l’on fait dans l’intelligence de plusieurs portions de la Parole de Dieu. Il ne suffit pas d’avoir la vie et l’Esprit de Dieu, mais il faut que la chair soit brisée et qu’on se repose simplement, paisiblement, dans le Seigneur. Daniel a à passer à travers toute cette scène, pour devenir propre à ce qu’il doit apprendre ; et dans notre mesure il en est de même de nous. Il faut que nous réalisions cette même paix et cette même force dans le Seigneur. Si la venue du Seigneur est un sujet de terreur pour moi parce que je ne suis pas sûr de la position que j’aurai devant Lui, comment puis-je sincèrement me réjouir qu’elle soit si proche ? Il y aura dans mon esprit un obstacle à ce que j’arrive à comprendre clairement la pensée de Dieu sur ce sujet. Et ce défaut d’aptitude ne tient point à ce que l’on manque de connaissance, mais au fait que l’on n’est pas entièrement établi dans la grâce, que l’on ignore ce que nous sommes en Christ Jésus. N’importe quelles autres choses il peut y avoir, rien ne suppléera à cette triste lacune. Je parle de ceux qui sont vraiment chrétiens, car quant aux simples savants qui se mêlent de ces matières, c’est aussi complètement en dehors de leur sphère, qu’il le serait pour un cheval de prétendre juger du mécanisme d’une montre. « L’homme animal ne reçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu… et il ne peut les connaître, parce qu’elles se discernent spirituellement » : ce n’est qu’un scribe de ce siècle qui se mêle de ce qui appartient à un autre monde.

Maintenant nous trouvons un tableau rapide de ce qui devait arriver à Israël aux derniers jours. Le personnage qui parle est le même ici qu’au chapitre 10. « Or, en la première année de Darius le Mède, j’assistais pour l’affermir et le fortifier. Et maintenant aussi je te faire savoir la vérité : Voici, il y aura encore trois rois en Perse ». C’est la succession des monarques persans depuis Cyrus qui nous est donnée là. L’Écriture nous enseigne qui ils sont, quoique leurs noms ne soient pas mentionnés ici. Je voudrais vous renvoyer à Esdras 4, où vous verrez qu’il est fait mention de ces mêmes trois rois. En Esdras 4, l’occasion de les nommer vint des efforts que firent les ennemis d’Israël pour arrêter la construction du temple : « Et même ils avaient à leurs gages des gens qui leur donnaient conseil, afin de dissiper leur dessein pendant tout le temps du règne de Cyrus, roi de Perse, jusqu’au règne de Darius, roi de Perse ». Or, pour comprendre ce chapitre, il faut vous souvenir que depuis le verset sixième jusqu’à la fin du verset 23, c’est une parenthèse. Le commencement et la fin du chapitre sont relatifs aux événements qui se passèrent sous le règne de Darius. Mais l’Esprit de Dieu revient en arrière, pour faire voir que ces ennemis d’Israël avaient été à l’œuvre depuis les jours de Cyrus jusqu’à ceux de Darius. Par conséquent, dans la parenthèse formée des versets 6-23 inclusivement, vous avez les divers monarques qui s’étaient succédés les uns aux autres entre Cyrus et Darius, et sur l’esprit desquels les adversaires s’étaient efforcés d’agir. « Pendant le règne d’Assuérus », c’est-à-dire le successeur de Cyrus, appelé Cambyse dans l’histoire profane, « au commencement de son règne, ils écrivirent une accusation calomnieuse contre les habitants de Juda et de Jérusalem ». Puis vient le nom de l’autre roi : « Et du temps d’Artaxerxès, Bishlam, Mithredath, Tabeël, écrivirent, etc. ». C’est un personnage différent de l’Artaxerxès mentionné dans Néhémie et qui vivait à une époque plus récente. Celui-ci porte dans l’histoire profane le nom de Smerdis le Mage ; il acquit, pour un certain temps, la couronne par de mauvais moyens, et prêta l’oreille aux accusations portées contre les Juifs. Cet usurpateur fut mis à mort au moyen d’une conspiration, à la tête de laquelle se trouvait Darius, non pas le Mède, de Daniel, mais le Perse, dont parle le livre d’Esdras, et dont le nom historique est Darius fils d’Histaspe. Il suit immédiatement les deux qui précèdent, en sorte que ces trois rois mentionnés en Esdras 4 répondent parfaitement aux trois de Daniel 11, 2. C’est ainsi qu’une partie de l’Écriture jette de la lumière sur une autre, sans qu’il soit du tout nécessaire de recourir au territoire de l’homme.

« Voici, il y aura encore trois rois en Perse » : ce sont ceux qui succédèrent à Cyrus et qui sont nommés dans l’Écriture, comme nous l’avons vu : Assuérus, Artaxerxès et Darius, et dans l’histoire profane, Cambyse, Smerdis le Mage et Darius fils d’Histaspe. « Puis, le quatrième possédera de grandes richesses par-dessus tous ; et s’étant fortifié par ses richesses, il soulèvera tout le monde contre le royaume de Javan ». Il s’agit là du célèbre Xerxès, qui souleva tout le monde contre la Grèce. Ceci confirme une idée émise à l’occasion d’une vision précédente, que c’était en représailles de l’attaque des Perses contre la Grèce, que le bouc venait contre la Perse avec une telle fureur. Xerxès fut l’auteur de cette grande entreprise. La réputation de ses richesses est proverbiale, et nul événement ne fit alors sur le monde une aussi profonde impression que cette expédition contre la Grèce, et les conséquences qu’elle eut. Ensuite au verset 3, la Perse, le bélier du chapitre 8, est laissée là, et nous avons le bouc de ce même chapitre ou plutôt sa corne. « Et un roi puissant se lèvera, et dominera avec une grande puissance et fera selon sa volonté ». C’est là Alexandre. « Et sitôt qu’il sera en état, son royaume sera brisé et partagé vers les quatre vents des cieux ». Cela fut accompli réellement à sa mort : l’empire grec fut subdivisé alors en plusieurs fragments. « Et ne sera point pour sa race, ni selon la domination avec laquelle il aura dominé : car son royaume sera extirpé et sera donné à d’autres outre ceux-là ». Il ne devait pas y avoir seulement un chef se débarrassant de la famille d’Alexandre et prenant possession de son royaume. Ce royaume devait être divisé en un certain nombre de parties, plus particulièrement en quatre, et de ces quatre divisions deux devaient acquérir une importance immense. Mais qu’est-ce qui constitue ici leur principale importance ? Lorsque Dieu parle des choses qui ont lieu sur la terre, c’est toujours d’après Israël qu’Il les mesure, parce que Israël est le centre des voies de Dieu relativement à la terre.

De là vient que ce sont les puissances qui ont à faire avec Israël, qui ont de l’importance aux yeux de Dieu : et telle est la raison pour laquelle il n’est rien dit des autres royaumes, et qu’il n’est parlé que de celui du Nord et de celui du Midi. Mais pourquoi sont-ils désignés de cette manière ? La Palestine est le lieu dont Dieu tient compte. L’expression roi du Nord désigne le nord du pays sur lequel sont arrêtés les regards de Dieu, et la puissance du Sud désigne le sud du même pays. On nomme communément ces contrées la Syrie et l’Égypte. C’est à ces deux divisions de l’empire d’Alexandre que tout le chapitre se rapporte, les autres étant laissées de côté. La prophétie ne prend connaissance que de celles qui eurent à faire avec Israël. Il nous est dit maintenant que « le roi du midi sera fort puissant ». — C’est le personnage bien connu comme un des Ptolémées ou Lagides — « et un de ses chefs » (vers. angl.) ; c’est-à-dire, un des généraux d’Alexandre. « Mais un des principaux chefs sera plus puissant que lui, et dominera, et sa domination sera une grande domination ». Celui-ci est une autre personne, le premier roi du Nord qui s’élève en force au-dessus de Ptolémée. L’histoire profane le nomme Séleucus. Il est souvent question dans les Macchabées des descendants de ces deux rois et de leurs querelles, et on y trouve des récits détaillés des transactions prédites dans ce chapitre ; mais les quelques paroles de Dieu nous en disent infiniment plus et mieux là-dessus que les longs récits de l’homme.

Mais voyons un peu quelques-uns de ces événements. « Et au bout de certaines années ils (les rois du Nord et du Midi) s’allieront. Et la fille du roi du midi viendra vers le roi de l’aquilon pour redresser les affaires ». Une remarque avant d’aller plus loin : ce n’est pas le même roi du Nord, ni le même roi du Midi que nous rencontrons dans tout le cours de ce chapitre, mais c’est un grand nombre de rois différents. C’est toujours le même titre officiel qui continue, ainsi qu’on s’exprime en langage de droit : Le roi, ou la reine, ne meurt jamais. C’est précisément de cette manière que nous devons voir la chose ici. Ce verset 6 en est un exemple. « Et au bout de certaines années ils s’allieront ». Il ne s’agit pas des mêmes rois du Nord et du Midi que dans le verset 5, mais de leurs descendants. « Au bout de certaines années, ils s’allieront : car la fille du roi du midi viendra vers le roi de l’aquilon pour redresser les affaires ». Ils ne font pas seulement une alliance, mais un mariage entre leurs familles. « Mais elle ne retiendra point la force du bras ». La tentative d’établir une entente cordiale entre la Syrie et l’Égypte, au moyen d’un mariage, manquerait complètement. Il va sans dire que l’histoire a parfaitement vérifié cela. Il y a eu un tel mariage, et le roi du Nord se débarrassa de sa première femme afin d’épouser la fille du roi du Midi. Mais les affaires n’en devinrent que pires. Ils avaient espéré terminer par ce moyen leurs sanglantes guerres, mais en réalité il ne fut entre eux que le principe d’une inimitié incomparablement plus profonde. Selon ce que nous lisons ici : « Mais elle ne retiendra point la force du bras, et ni elle, ni son bras ne subsisteront point, mais elle sera livrée, et ceux aussi qui l’auront amenée, et celui qui sera né d’elle et qui la fortifiait en ces temps-là. Mais le soutien du royaume du midi s’élèvera d’un rejeton des racines d’elle, et viendra à l’armée et entrera dans les forteresses du roi de l’aquilon, et y fera de grands exploits, et se fortifiera ». Ce n’était pas sa semence, mais son frère, de la même lignée qu’elle. Elle était une branche, et lui une autre. Le frère de cette Bérénice, fille du roi d’Égypte, vient pour venger le meurtre de sa sœur, et a le dessus sur le roi du Nord. Ce qui suit confirme l’explication que nous avons donnée de ce qu’il faut entendre par le royaume du Midi. « Et même il emmènera captifs en Égypte leurs dieux avec les vaisseaux de leurs aspersions et avec leurs vaisseaux précieux d’argent et d’or ; et il subsistera quelques années de plus que le roi de l’aquilon ». « Et le roi du midi entrera dans son royaume ; mais il s’en retournera en son pays ». L’Égypte triomphe un certain temps, mais la fortune devait bientôt changer. « Mais les fils de celui-là entreront en guerre, et assembleront une multitude de grandes armées. Puis l’un d’eux viendra certainement (l’autre a disparu) et se répandra, et passera ; il retournera, dis-je, et s’avancera en bataille jusqu’à la forteresse du roi du midi. Et le roi du midi sera irrité ». Vient maintenant une autre guerre d’une date postérieure : quand le roi du Midi rend le coup du roi du Nord. « Le roi du midi sortira et combattra contre lui : savoir, contre le roi de l’aquilon ; et il assemblera une grande multitude, et cette multitude sera livrée entre les mains du roi du midi ». L’Esprit de Dieu se réfère là à plusieurs faits remarquables. Les deux principaux acteurs sont les rois de Syrie et d’Égypte. Mais il y a le pays qui se trouve entre eux, une espèce de pierre pesante pour ces rois qui en font leur champ de bataille, qui appartenait toujours au vainqueur. Si le roi du Nord était victorieux, la Palestine était soumise à la Syrie, et il en était de même si le roi d’Égypte l’emportait. Mais Dieu ne laissait jamais en repos ceux qui s’emparaient de Sa terre. Des mariages et des alliances pouvaient intervenir entre eux, mais cela ne servait que de prélude à des explosions plus graves : les frères, les fils, les petits-fils, reprenant les querelles de leurs parents. « L’Écriture ne peut être anéantie ». Tout était là clairement exposé d’avance.

« Et après avoir défait cette multitude, il élèvera son cœur et abattra des gens à milliers ; mais il ne sera pas fortifié ». Puis nous voyons que le roi du Nord « reviendra et assemblera une plus grande multitude que la première ; et au bout de quelque temps, savoir de quelques années, il viendra certainement avec une grande armée et un grand appareil. Et en ce temps-là, plusieurs s’élèveront contre le roi du midi ; et les hommes violents de ton peuple s’élèveront afin de confirmer la vision ». Laissez-moi attirer l’attention sur ces paroles. Elles répondent tout d’abord à cette question qu’on pouvait me faire : Comment savez-vous que le peuple de Daniel ne signifie point le peuple de Dieu dans un sens spirituel ? La réponse se trouve dans ces mots : « les violents de ton peuple ». Cela ôte tout prétexte à l’allégation d’un sens spirituel ; car dans ce cas, il serait difficile de parler d’hommes violents (vers. angl., voleurs) et confirme le fait, qui ne doit pas avoir besoin d’autres preuves, que, par le peuple de Dieu, c’est le peuple juif qu’il faut entendre et rien d’autre. Nous apprenons ici que quelques-uns d’entre les Juifs sont en relation avec un de ces rois du Nord qui font la guerre. Ils sont appelés « les violents de ton peuple », et prennent le parti d’Antiochus, le roi de l’Aquilon, contre Ptolémée Philopator, ou plutôt son fils ; mais ils sont tous anéantis. Le monarque syrien pouvait nourrir l’espoir que par l’introduction de ce nouvel élément, par suite du fait qu’il gagnait l’appui des Juifs, Dieu serait peut-être avec lui. Mais non. Ils étaient les voleurs du peuple — infidèles à Dieu et ne tenant point ferme leur séparation d’avec les Gentils. Il se peut qu’eux aussi pensent confirmer la vision, « mais ils tomberont ».

« Et le roi de l’aquilon viendra et fera des terrasses et prendra les villes fortes ; et les bras du midi, ni son peuple d’élite ne pourront point résister, car il n’y aura point de force pour résister. Et celui (vers. angl.) qui sera venu contre lui fera selon sa volonté (c’est-à-dire le roi du Nord), et il n’y aura personne qui tienne ferme devant lui ; et il s’arrêtera au pays de noblesse ; et il y aura consomption par sa force ». Une autre chose remarquable qui nous est présentée là, c’est de voir comme l’Esprit de Dieu tient encore à l’importance de cette petite bande de terre — le territoire de la Palestine. C’était le don de Dieu au peuple de Dieu. Quelque déplorable que soit sa condition, c’est encore le pays glorieux. Dieu ne se repent pas de Ses desseins. « Il élira encore Israël, et les rétablira dans leur terre ». Et si, lorsqu’il est question des desseins terrestres de Dieu, Il tient à eux de cette manière en dépit de tous les obstacles, que ne fera-t-Il pas pour Son peuple céleste ? Qui pourrait douter qu’Il le conduise à la gloire du ciel ?

« Puis il tournera sa face pour entrer par force dans le royaume de celui-là, et ses affaires iront bien, et il fera de grands exploits, et il lui donnera une fille de femmes, pour ruiner le royaume ; mais cela ne tiendra point, et elle ne sera point pour lui ». C’est là une autre tentative de mariage ; seulement c’est l’inverse de la première fois. Maintenant ce n’est pas la fille du roi du Midi qui vient vers le roi du Nord, mais c’est le roi du Nord qui donne sa fille Cléopâtre au roi du Midi, dans l’espérance qu’elle maintiendra l’influence de la Syrie à la cour d’Égypte. C’est ce que signifient les paroles « pour ruiner le royaume » (ou selon la vers. angl. « la corrompant »), parce que c’était évidemment contraire à l’essence même du lien du mariage : c’était une tentative de son père pour la faire servir à ses desseins politiques. « Mais cela ne tiendra point, et ne sera point pour lui ». Tous les mobiles, tous les prétextes — les plus intimes secrets de leurs cœurs, sont manifestés ici. Il y a une autre honte, qui n’est pas connue de Dieu seulement, mais qui est révélée à Ses serviteurs.

« Puis il tournera sa face vers les îles, et en prendra plusieurs. Mais un capitaine l’obligera de cesser l’opprobre qu’il faisait, et outre cela, il fera retomber sur lui son opprobre ». C’est-à-dire qu’Antiochus intervient dans les affaires de la Grèce, et prend plusieurs îles ; mais cet autre capitaine, pour faire cesser l’opprobre, prend sur lui la lutte contre le roi du Nord. Nous avons ici l’arrivée en scène d’une nouvelle puissance — la première allusion aux Romains. Ce capitaine qui vient contre le roi du Nord pour faire cesser l’opprobre, désigne un consul romain. Il ne lui permet pas de toucher la Grèce. Ce fut un des Scipions qui intervint ainsi. « Puis il tournera visage vers les forteresses de son pays, il heurtera, il sera renversé, et il ne sera plus trouvé ». Il est obligé de retourner en Syrie, mais il heurtera et sera renversé.

« Et un autre sera établi en sa place, qui lèvera des taxes dans la majesté royale » (vers. angl.). Les Romains, qui avaient défait le père, obligèrent le fils à payer un lourd tribut annuel. C’est tout ce que fit le pauvre homme durant sa vie. « Et en sa place il en sera établi un autre qui lèvera des taxes… et il sera détruit dans peu de jours, mais non dans une rencontre, ni dans une bataille ». Il fut tué par un de ses propres fils. « Et en sa place il en sera établi un autre qui sera méprisé, auquel on ne donnera point l’honneur royal ; mais il viendra en paix, et il occupera le royaume par des flatteries. Et les bras des grandes eaux seront engloutis par un déluge devant lui, et seront rompus ; et il sera le chef d’un accord. Mais après les accords faits avec lui, il usera de tromperie, et il montera, et se renforcera avec peu de gens. » C’est ici l’homme qui typifie le dernier roi du Nord, appelé dans l’histoire profane Antiochus Épiphane, d’un caractère moral abominable, mais très connu par ses rapports avec les Juifs, d’abord marqués par la flatterie et la corruption, et plus tard par la violence. C’est sur lui que l’Esprit de Dieu s’arrête le plus, parce qu’il se mêla le plus des affaires d’Israël, du pays de noblesse et du sanctuaire ; ce fut lui qui introduisit par la force l’idolâtrie dans le temple lui-même, en établissant même dans le saint des saints une statue qu’on devait adorer. Voilà ce qui lui donne de l’importance. Autrement il fut un homme peu connu, sauf pour son audacieuse méchanceté. Rien de plus simple : son histoire ne consiste qu’en intrigues, premièrement contre le roi du Nord, et ensuite contre les Juifs ; et en diverses expéditions dans quelques-unes desquelles il eut du succès au commencement, mais dans la suite fut complètement défait. « Il entrera dans les lieux gras d’une province alors paisible, et il fera des choses que ses pères, ni les pères de ses pères n’ont point faites… Puis il réveillera sa puissance et son cœur contre le roi du midi avec une grande armée, et le roi du midi s’avancera en bataille, avec une très grande et très forte armée, mais il ne subsistera point ». Ces rois tâchent de former des desseins l’un contre l’autre ; mais tout est renversé. « Et le cœur de ces deux rois sera adonné à s’entre-nuire, et ils parleront en une même table avec tromperie, ce qui ne tournera point à bien ; car il y aura encore une fin, un temps ordonné. Après quoi il s’en retournera en son pays avec de grandes richesses, et son cœur sera contre la sainte alliance, et il fera de grands exploits, puis il retournera en son pays (c’est-à-dire, dans le Nord). Ensuite il retournera au temps préfixé, et il viendra contre le Midi ; mais cette dernière expédition ne sera pas comme la précédente ». Suivent alors d’autres détails. « Car les navires de Kittim viendront contre lui ». Ce sont ces infatigables Romains qui interviennent encore. Ils avaient arrêté son père quand il avait attaqué la Grèce ; et maintenant que le fils avait mis la main sur la gorge de sa proie, voilà que le consul romain arrivait et lui défendait aussitôt de rien faire de plus. Ainsi que chacun le sait, comme l’artificieux monarque cherchait à gagner du temps pour échapper, le consul traça un cercle autour de lui, et exigea, avant de l’en laisser sortir, une réponse aux demandes de Rome. Le roi fut obligé de la donner, et ce fut le coup de mort de toute sa politique. Il retourna dans ses états comme un misérable défait, le cœur tout furieux, quoique gardant, en présence des Romains, une humble apparence. Il s’en va donc pour répandre sur les Juifs toute la colère de son cœur, conformément à ces paroles : « ce dont il sera contristé, et il s’en retournera, et il sera irrité contre la sainte alliance, et fera de grands exploits, et retournera, et s’entendra avec les apostats de la sainte alliance ». Tout pauvres que fussent les Juifs, ils étaient les seuls témoins qu’il y eût pour Dieu sur la terre, et ce roi se hâte de répandre sa fureur sur tout ce qui, parmi eux, rendait témoignage à Dieu. C’est ce qui causa sa ruine et amena sur lui la vengeance de Dieu. « Il retournera et s’entendra avec les apostats de la sainte alliance. Et les forces seront de son côté, et on souillera le sanctuaire qui est la forteresse, et on ôtera le sacrifice continuel, et on y mettra l’abomination qui causera la désolation ». Il abolira le service juif, et établira une idole, « l’abomination qui cause la désolation », dans le temple de Jérusalem.

C’est une erreur de supposer que cela est relatif aux derniers jours. C’est seulement un type de ce qui aura lieu alors. La dernière partie du chapitre et le chapitre suivant traitent du dernier jour dans le sens véritable du mot. Mais nous avons ici le point de transition de ce qui est passé à ce qui est à venir. Nous descendons par un ordre historique régulier jusqu’à Antiochus Épiphane, et là nous trouvons une grande lacune. L’Écriture elle-même le donne à entendre. Mais Antiochus fit sur une petite échelle ce que fera sur une plus grande le grand dernier roi du Nord du dernier jour. Il est dit, verset 35 : « …savoir au temps de la fin, car cela est encore pour un temps déterminé » (vers. angl.). Dieu s’arrête là, comme s’Il disait : Je suis arrivé à l’homme qui vous montre en type ce qui vous arrivera aux derniers jours ; et c’est la raison pour laquelle Il appuie si fortement sur ce roi, en leur exposant l’extrême méchanceté de son cœur et de sa conduite. L’Esprit interrompt alors le cours de l’histoire, et arrive immédiatement à la dernière scène.

Mais nous devons réserver ceci pour une autre étude. Ce que nous venons de voir, prouve que quelque générale que soit ailleurs l’esquisse des événements, Dieu peut donner et donne quelquefois, dans une prophétie, des détails singulièrement minutieux, et qu’Il ne le fait nulle part autant que dans ce même chapitre. Et quelle est la grande objection que les incrédules soulèvent contre lui ? Qu’il doit avoir été écrit après que les événements eurent eu lieu ! Il est sûr qu’il n’y a pas d’historien qui nous donne sur ces temps un admirable récit tel que celui que nous avons dans ces quelques versets. Si j’ai besoin de connaître l’histoire de ces deux monarchies en lutte, la Syrie et l’Égypte, il faut que je m’adresse à Daniel. Combien nous pouvons nous confier entièrement pour toute chose à la Parole de Dieu ! Il se peut que c’est une exception à Sa règle générale, quand Il donne tant de détails sur les rois du Nord et du Midi ; mais Il agit ainsi quelquefois. La grande chose qui fait l’objet de Ses soins, ce sont les âmes de ceux qui Lui appartiennent. Puissent nos cœurs répondre à l’intérêt qu’Il nous porte !

Chapitre 11, 36-45

À partir du verset vingt et unième, c’est l’histoire du roi du Nord, connu sous le nom d’Antiochus Épiphane, que ce chapitre nous a présentée. L’Esprit de Dieu est entré à son sujet dans beaucoup plus de détails, parce que ce roi, particulièrement sur la fin de son règne, s’étant mêlé des affaires des Juifs, de leur ville et de leur sanctuaire, sa conduite donnait lieu à voir en lui un type du dernier roi du Nord, qui suivra les errements de ses prédécesseurs, sauf que son crime sera incomparablement plus grand aux yeux de Dieu — si flagrant même, que son jugement ne peut plus tarder. Ceci explique une circonstance qui a souvent embarrassé les personnes occupées de l’étude de la prophétie de Daniel. Il est question, dans l’histoire prophétique d’Antiochus, d’une abomination de désolation (11, 31) ; et on a supposé généralement que c’est à ce passage que notre Seigneur fait allusion en Matthieu 24, 15. Ceux qui placent dans l’avenir l’accomplissement de cette abomination ont cherché à le concilier avec les faits, en supposant que dans l’histoire d’Antiochus, l’Esprit de Dieu avait fait, par anticipation, comme une enjambée sur l’histoire du personnage à venir que ce roi représentait. Mais à mon avis il n’est point nécessaire que quelque chose d’aussi peu naturel ait eu lieu. Antiochus Épiphane n’était qu’un type, et le verset 31 ne va point au-delà de son histoire, sauf en tant que figure d’un événement futur.

En d’autres termes, jusqu’à la fin du verset 31, tout est strictement historique — naturellement type de l’avenir, mais rien de plus. Et en conséquence la réponse à la difficulté que quelques-uns trouvent, dans la citation que notre Seigneur fait d’après leur supposition de Daniel 11, 31, est réellement aussi claire que possible. Il ne cite point ce verset-là. Le passage auquel Il fait allusion est dans le chapitre 12. Au chapitre 12, 11, vous trouverez une expression pareille à celle que nous avons ici : « Or, depuis le temps que le sacrifice continuel aura été ôté, et qu’on aura mis l’abomination qui cause la désolation, il y aura mille deux cent quatre-vingt-dix jours ». Nous avons là une date précise qui rattache cette dernière érection de l’idole qui amène la désolation, avec la délivrance prédite par notre Seigneur en Matthieu 24 ; et précisément l’épreuve la plus terrible de Jacob est ce qui précède sa délivrance. Il y a plus d’une raison pour croire que c’est effectivement ce passage de Daniel 12 que cite notre Seigneur ; et quelques-unes tiennent à des considérations qui sont plus du ressort de l’étude que de celui du ministère public de la Parole. Mais en résumé, les expressions que le Saint Esprit emploie au chapitre 11, 31 et au chapitre 12, 11, sont différentes. Au chapitre 11, 31, les termes signifient l’abomination de celui qui désole, ou du désolateur : tandis qu’au chapitre 12, 11, la véritable signification est celle qui est donnée par les paroles de notre Seigneur — non pas l’abomination de celui qui rend désolé, mais « l’abomination de la désolation ». Ce sont donc deux phrases distinctes. Quoiqu’il y ait entre elles de la ressemblance, il y a aussi de la différence ; et cette différence suffit pour faire voir que notre Seigneur ne parlait pas de l’abomination érigée par Autiochus, mais de celle dont fait mention le chapitre 12. Il n’y a donc pas réellement de difficulté à lever ; parce que la désolation dont il s’agit dans le chapitre 11 est passée, et que celle (chapitre 12) sur laquelle notre Seigneur attire l’attention, est une désolation à venir.

D’autres considérations encore prouvent que la chose est ainsi. Les versets qui suivent, par exemple, nous présentent un état de choses différent de celui qui existera lors de la future tribulation d’Israël. « Et il fera pécher par flatteries ceux qui se porteront méchamment dans l’alliance ; mais le peuple de ceux qui connaîtront leur Dieu, se fortifiera et fera de grands exploits ». Or, nous voyons d’après l’Apocalypse et d’autres parties de l’Écriture qui traitent de l’avenir d’Israël, que le résidu fidèle peut difficilement être dit faire de grands exploits. Il aura à souffrir ; mais je ne pense point que des actes de puissance caractérisent de cette manière les personnes bénies, appelées à passer par la crise terrible de l’avenir. Aux jours d’Antiochus, il ne s’agissait pas tant de souffrir que « de se fortifier et de faire de grands exploits » ; — précisément ce qui fut vrai des Macchabées et d’autres qui, incontestablement, furent moins une troupe de martyrs qu’un corps d’hommes qui excitèrent le courage d’Israël et résistèrent au cruel et profane fléau de cette époque. Puis, voici d’autres paroles : « Et les plus intelligents d’entre le peuple donneront instruction à plusieurs ; et il y en aura qui tomberont par l’épée et par la flamme, ou qui seront en captivité et en proie durant plusieurs jours ». Une longue période, remarquez-le, de souffrance et de trouble succède à l’explosion de courage et de vaillance qui a eu lieu contre le désolateur, et cela continue encore dans d’autres versets. « Et lorsqu’ils tomberont ainsi, ils seront un peu secourus ; mais plusieurs se joindront à eux sous un beau semblant, et quelques-uns de ces plus intelligents tomberont, afin qu’il y en ait d’entre eux qui soient rendus éprouvés, qui soient épurés, et qui soient blanchis, jusqu’au temps de la fin ; car cela est pour un temps déterminé », paroles qui montrent clairement que ces choses se passent avant le temps de la fin. L’Esprit de Dieu signale là des événements qui ont été déjà accomplis ; et ensuite nous trouvons le tableau de la désolation terrible qui va, comme il vient de nous être dit, « jusqu’au temps de la fin ». J’en conclus que l’Esprit de Dieu fait ressortir la désolation qui tomba alors sur Israël, et la souillure du sanctuaire, dont se rendirent coupables Antiochus ou ses généraux. Tout cela rappelait vivement les scènes des derniers jours ; mais en même temps, il y était ajouté certaines autres circonstances qu’on ne devait pas attendre pour ces jours-là. En d’autres termes, nous arrivons ici à ce que l’on peut appeler la longue et lugubre lacune qui sépare l’histoire passée d’Israël et ses luttes dans son pays contre les attaques des peuples voisins, de la grande crise des derniers jours. C’est le point où l’interruption a réellement lieu. Certains désastres devaient continuer « jusqu’au temps de la fin ; car cela est encore pour un temps déterminé ». Il n’y a pas dans le chapitre de point où l’interruption de l’histoire puisse se placer aussi convenablement qu’à la suite du verset 35.

Mais maintenant, au verset 36, nous trouvons tout à coup un personnage brusquement introduit sur la scène. Il ne nous est pas dit qui il est, ni d’où il est venu ; mais le caractère qui lui est attribué, la scène qu’il occupe, l’histoire que l’Esprit de Dieu raconte en rapport avec lui, tout annonce, avec trop de clarté, que c’est le roi terrible qui s’établira dans le pays d’Israël, en opposition personnelle avec le Messie d’Israël, le Seigneur Jésus. C’est de lui que notre Seigneur parlait aux Juifs, quand Il leur disait, que s’ils Le rejetaient, Lui qui était venu au nom de Son Père, ils en recevraient un autre qui viendrait en son propre nom. Et ce n’est pas non plus le seul passage de l’Écriture où ce même faux Christ, ou plutôt cet Antichrist (car il y a une différence entre ces termes) soit désigné comme « le roi ». Non seulement il lui est fait allusion plusieurs fois sous d’autres épithètes, mais dans la première grande prophétie de l’Écriture, celle d’Ésaïe, il est introduit d’une manière aussi brusque. Ésaïe 30 parle d’un ennemi d’Israël appelé l’Assyrien. Sans doute, si nos regards se portent dans le passé, Sankhérib était en ce temps-là le chef des ennemis des Juifs. Mais il ne fait que fournir à l’Esprit de Dieu l’occasion de révéler le futur et dernier adversaire d’Israël. C’est sa chute qui nous est présentée ici. « Car l’Assyrien, qui frappait du bâton, sera effrayé par la voix de l’Éternel. Et partout où passera le bâton enfoncé dont l’Éternel l’aura assené, et par lequel il aura combattu dans les batailles à bras élevé, on y entendra des tambours et des harpes ». À la suite de cette victoire il y aura grande joie pour Israël, au lieu du cortège de maux que la plupart des victoires amènent avec elles, celle-là sera suivie d’une véritable joie devant le Seigneur. « On y entendra des tambours et des harpes ». Il y aura pour l’ennemi une misère d’une proportion analogue. Quelquefois, cependant, il tombe sur l’orgueilleux ennemi une misère plus terrible que la destruction temporelle, et qui est sans fin ; « car Topheth est déjà préparée, et même elle est apprêtée pour le roi. Il l’a faite profonde et large ; son bûcher, c’est du feu et force bois, le souffle de l’Éternel l’allumant comme un torrent de souffre ». Cette manière de traduire peut laisser quelque obscurité dans l’esprit, et faire supposer que l’Assyrien et « le roi » étaient la même personne. Voici la vraie manière de rendre l’original : « Elle est préparée aussi pour le roi » — c’est-à-dire, Topheth est préparée pour l’Assyrien, mais de plus, pour le roi aussi ; précisément, comme dans notre passage de Daniel, nous trouvons l’Assyrien, ou le roi du Nord d’un côté, et « le roi » de l’autre. La même fin terrible les attend tous les deux. Mais je n’y fais allusion maintenant que pour faire voir que l’expression « le roi » n’est pas sans précédent dans l’Écriture, et qu’elle s’applique à un personnage bien connu, que la prophétie enseignait les Juifs à attendre. Par une juste rétribution de la réjection qu’ils avaient faite du vrai Christ, Dieu les livrerait à l’esprit d’aveuglement qui leur ferait recevoir l’Antichrist. C’est là « le roi ». Il s’arrogerait les droits royaux du roi véritable, de l’Oint de Dieu. Topheth était apprêtée pour le roi du Nord, et aussi pour « le roi ».

Mais il y a encore d’autres passages. En Ésaïe 57, il nous est présenté d’une manière aussi soudaine. Le chapitre 55 décrit les qualités morales que Dieu produira dans Son peuple. Puis, le chapitre 57 nous montre l’état d’iniquité terrible dans lequel se trouvera alors Israël. Mais en ce jour-là, Dieu ne voudra plus supporter autre chose que la réalité, et c’en sera fini des formes de la piété, servant de voile à l’impureté et à l’impiété. C’est là que « le roi » nous est soudainement présenté (v. 9). « Tu as voyagé vers le roi avec des onguents précieux, et tu as ajouté parfums sur parfums ; tu as envoyé tes ambassades bien loin, et tu t’es abaissée jusqu’aux enfers ». Avoir à faire avec lui, c’était s’abaisser jusqu’aux enfers. Rien d’étonnant que Topheth fut apprêtée « aussi pour le roi ». Tout cela prouve que dès le commencement, il y avait devant l’esprit d’Israël un être à l’égard duquel l’Esprit de Dieu lui enseignait à s’attendre qu’il régnerait sur le pays dans les derniers jours, et qui est appelé « le roi ».

Ceci nous fournit en même temps, pour Daniel 11, un fil d’une grande importance. Nous sommes arrivés au temps de la fin : la lacune est franchie, la longue et sombre nuit de la dispersion d’Israël est bien près d’être passée. Les Juifs se trouvent dans le pays. Mais dans quelle condition ? Est-ce sous Christ qu’ils y sont ? Hélas ! avant qu’il en soit ainsi, il faut qu’il s’y passe une autre et terrible scène. « Le roi » dont nous venons d’entendre l’Écriture nous parler, se trouva là, et sa conduite est juste celle que nous pouvions attendre d’après les indications du Saint Esprit. « Le roi fera selon sa volonté ». Ah ! en est-il parmi nous qui sachent suffisamment combien c’est une chose terrible que de faire sa volonté ? Voilà où aboutit une telle voie. Dès le commencement, ce fut le premier grand trait caractéristique du péché. C’est ce que fit Adam, et la chute du monde en fut le résultat immédiat. Ici nous voyons un personnage qui en ce jour-là, peut sembler être le plus élevé des fils d’Adam ; celui de tous qui a exercé l’influence la plus étendue. Mais il fait « selon sa volonté », et il ne saurait y avoir rien de pire.

Devons-nous lire une histoire pareille à celle-là sans en retirer quelque profit moral pour nos âmes ? Oublierons-nous quelle mauvaise chose c’est toujours que de faire notre volonté ? Que nul ne suppose que parce qu’il est peut-être dans une position où il lui appartient de commander, il se trouve par là même en dehors du danger. Hélas ! il n’en est point ainsi : rien ne rend aussi incapable de bien commander que l’incapacité d’obéir. Il est bon de savoir d’abord ce que c’est que d’être sujet. Oh ! puissent nos cœurs être profondément frappés de cette circonstance que le premier trait qui nous est signalé du « roi », de l’Antichrist, c’est qu’il fait sa volonté. Que cela nous serve à nous éprouver pour voir jusqu’à quel point nous recherchons la nôtre, jusqu’à quel point, par suites de circonstances quelconques, nous faisons, ou nous nous permettons quelque chose, que nous ne voudrions pas que personne au monde connût, pas même peut-être ceux qui nous tiennent de plus près ! Hélas ! l’on sait toute la difficulté et tout le danger qu’il y a là, par son propre cœur, par l’expérience et par l’observation. Et pourtant il n’est rien de plus contraire à une telle voie, que Christ que nous avons appris. Nous sommes sanctifiés « pour l’obéissance de Jésus Christ et l’aspersion de son sang ». Nous ne le sommes pas seulement pour la bénédiction, l’aspersion du sang — mais aussi pour l’obéissance de Jésus Christ, pour le même esprit et le même principe d’obéissance ; car c’est là le sens de l’expression. Il n’en est pas de nous comme des Juifs qui étaient placés sous la loi, et dont l’obéissance avait pour caractère, qu’ils étaient obligés de faire telles ou telles choses sous peine de la mort. Nous sommes déjà vivants pour Dieu, conscients de la bénédiction dans laquelle nous nous tenons, et réveillés pour voir la beauté de la volonté de Dieu, car c’est Sa volonté qui nous a sauvés et sanctifiés. Ce sont là notre vocation et notre œuvre pratique ici-bas. À proprement parler, les chrétiens n’ont pas d’autre affaire que d’accomplir la volonté d’un autre. Nous avons à faire la volonté de Dieu, conformément au caractère de l’obéissance de Christ, comme des fils qui faisons nos délices de la volonté de notre Père. N’importe ce en quoi peut se déployer notre activité ; ce peuvent être nos occupations naturelles de chaque jour. Mais gardez-vous bien de faire de vous, deux individus — de vous conduire d’après un principe à l’égard de vos affaires et de votre famille, et d’après un autre dans l’Église de Dieu et dans le culte. Repoussez soigneusement une semblable pensée. Nous avons Christ pour toute chose, et tous les jours. Christ n’est pas une bénédiction pour nous, simplement quand nous nous réunissons ensemble, ou que nous sommes appelés à mourir ; mais si nous possédons Christ, nous Le possédons à toujours, et, dès le premier moment, nous sommes affranchis de l’accomplissement de notre volonté. Ce que nous apprenons, c’est la mort ; mais c’en est fait maintenant de notre mort dans la mort de Christ. Nous sommes délivrés, car nous sommes vivants en Christ ressuscité. Mais en vue de quoi sommes-nous délivrés ? Afin d’accomplir la volonté de Dieu. Nous sommes sanctifiés pour l’obéissance de Jésus Christ.

Pour ce qui est « du roi », vous avez en lui le terrible principe du péché qui a été toujours à l’œuvre, mais qui dépasse ici toutes limites. Le moment est arrivé où Dieu ôtera tout ce par quoi, dans les voies de Sa providence, Il avait jusqu’alors retenu les hommes, et où il sera permis à Satan d’effectuer tous ses plans ; et cela, aussi, dans le pays même sur lequel les yeux de Dieu reposent continuellement.

« Le roi fera selon sa volonté et s’enorgueillira et s’élèvera » non seulement par-dessus tout homme, mais « par-dessus tout dieu ». Et ce n’est pas seulement qu’il se place au-dessus de ces dieux prétendus, mais « il proférera des choses étranges contre le Dieu des dieux ». Et, chose étrange à dire (si l’on ne savait pas que Dieu est parfaitement sage, et qu’il faut attendre que l’heure de la maturité de Ses conseils soit venue), malgré son horrible impiété « il prospérera jusqu’à ce que l’indignation ait pris fin ; car la détermination en a été faite ». En même temps il se trouve là un mot qui nous donne la clé du passage ; car cette portion de la Parole de Dieu a présenté d’immenses difficultés à plusieurs. Bon nombre de personnes ont mis dans ce verset le pape de Rome, d’autres Mahomet ou Bonaparte. Mais il nous annonce que ce roi doit prospérer jusqu’à ce que l’indignation prenne fin. Quelle est cette indignation, et contre qui s’exerce-t-elle ? Dieu a-t-Il de l’indignation contre Son Église ? Jamais, certes : ce temps-ci est le temps de la parfaite patience de Dieu et non de Son indignation. À qui donc se rattache-t-elle ? La Parole de Dieu est de toute clarté sur cela. C’est lorsqu’il s’agit de Ses voies avec Israël que Dieu parle de Son indignation. J’ai déjà pleinement établi cela d’après Ésaïe 5-10 ; 14, et autres passages, comme toute la nature de la révélation qui est donnée ici le confirme entièrement. Il est question en effet d’un personnage qui devait être roi d’Israël — non pas à Constantinople ou à Rome, mais dans la Palestine ; et le temps décrit est une explosion à venir de colère contre Israël dans la terre promise. Il (le faux roi) prospérera jusqu’à ce que l’indignation ait pris fin. Il est ajouté de plus qu’il ne se souciera point du Dieu de ses pères, ni du désir des femmes. L’expression « le désir des femmes » est évidemment, selon moi, relative à Christ — Celui vers lequel, dans l’avenir, regardaient tous les Juifs et dont la naissance doit avoir été par-dessus tout l’objet du désir des femmes juives. Que tel soit le sens de cette expression, c’est ce qui ressort clairement de sa liaison avec le reste, car elle se trouve entre celles de « le Dieu de ses pères » (Jéhovah), et « aucun dieu », et qu’il n’est nullement vraisemblable qu’elle eût été ainsi placée, si elle avait trait simplement aux relations naturelles. C’est probablement le désir d’appliquer tout cela au pape, qui a donné cours à cette interprétation. Mais comprenons bien que la prophétie concerne Israël et son pays, et tout est parfaitement clair. « Il ne se souciera point du Dieu de ses pères, ni du désir des femmes ». Christ est distingué du Dieu de ses pères, peut-être à cause que le Fils devait se faire chair. Mais Christ n’est pas l’objet de plus d’égards que le Dieu de ses pères — expression qui explique, pour le dire en passant, que ce personnage est lui-même un Juif : « le Dieu de ses pères ». « Car il s’élèvera au-dessus de tout. Mais il honorera dans son lieu, le dieu Mahuzzim » (le dieu des forces, vers. angl.). Non qu’il aille en avant comme fit Antiochus, qui tâcha d’imposer par la violence le culte de Jupiter olympien aux Juifs, mais il adopte une superstition nouvelle. Cela réfute aussi l’application qu’on voudrait faire de ces détails à Antiochus, qui était un Gentil. Il s’agit d’un Juif, qui prendra la place de Christ, et qui, naturellement, n’a d’égard ni pour le vrai Christ ni pour Jéhovah. C’est un personnage qui s’élève en lui-même et s’oppose au vrai Dieu, c’est-à-dire, qui met également de côté les superstitions des hommes, et la foi du peuple de Dieu. L’orgueil constitue son principal caractère.

Mais ce n’est pas tout. L’Antichrist sera dans l’incrédulité, mais pas dans l’incrédulité seulement. Il aura rejeté le Dieu d’Israël et le Messie ; il n’honorera aucun des dieux des Gentils ; mais cet homme même, quoiqu’il se pose comme le vrai Dieu sur la terre, aura quelqu’un devant qui il se prosternera et fera prosterner les autres avec lui. Le cœur humain, même dans l’Antichrist, ne peut se passer d’un objet d’idolâtrie. C’est ainsi qu’au verset 38, nous voyons cette contradiction apparente manifestée dans l’Antichrist. « Mais il honorera en son lieu le dieu Mahuzzim (des forces) ». Il fait un dieu en même temps qu’il se donne pour être dieu. « Il honorera, dis-je, avec de l’or et de l’argent, et des pierres précieuses et des choses désirables, le dieu que ses pères n’ont point connu ». C’est une invention qui est toute entière de lui. De plus, il partagera le pays entre ses partisans : « Il les fera dominer sur plusieurs, et leur partagera le pays à prix d’argent » (vers. angl. : pour le gain). Voilà ce que Dieu nous dit de ce roi qui se trouvera dans la Palestine aux derniers jours. Ces dernières paroles sont évidemment une preuve très concluante qu’il règne dans la Palestine. C’est « le pays » qu’elles disent. L’Esprit de Dieu ne parle jamais ainsi d’aucune autre contrée. C’était le pays le plus près du cœur de Dieu — une espèce de centre pour tous les autres.

Maintenant voici que l’histoire change. « Et au temps déterminé (vers. angl. : et au temps de la fin), le roi du midi choquera avec lui de ses cornes ». Ce fait confirme ce qui a été dit précédemment, que « le roi » se trouve « au temps de la fin ». « Le roi du midi choquera avec lui de ses cornes, mais le roi de l’Aquilon se lèvera contre lui comme une tempête avec des chariots et des gens de cheval, et avec plusieurs navires ». L’Esprit de Dieu avait parlé longtemps auparavant des rois du Nord et du Midi : il importait de faire voir qu’au temps de la fin, ces puissances auraient des successeurs qui feront leur choc avec « le roi » dans la terre sainte. « Le roi du midi », c’est-à-dire l’Égypte, et « le roi de l’Aquilon », c’est-à-dire le maître de la Syrie, possession actuelle du sultan. Ces deux personnages feront un mouvement contre « le roi ». Non qu’ils aient une politique commune : au contraire, ils semblent ennemis acharnés l’un de l’autre. Mais « le roi » s’élève d’une telle manière, s’arrogeant dans la terre sainte des prétentions telles, que Dieu permet que la catastrophe finale arrive. Le roi du Midi vient le premier, et ensuite le roi du Nord qui parait être à cette époque le grand chef des forces militaires et navales de l’Orient. « Le roi de l’Aquilon se lèvera contre lui comme une tempête, avec des chariots et des gens de cheval, et avec plusieurs navires ; et il entrera dans ses terres, et les inondera et passera outre ». « Il entrera aussi au pays de noblesse ». Ce ne peut être un autre pays que celui d’Israël. Le roi est là. Le roi du Nord est un personnage entièrement différent, un adversaire « du roi » aussi bien que le roi du Midi.

Après avoir introduit « le roi » sans nous dire d’où il est venu, l’Esprit de Dieu le laisse là sans nous dire ce qu’il advient de lui. D’autres portions de l’Écriture nous font connaître pleinement son horrible destinée ; mais il était important de l’introduire comme un épisode dans le chapitre 11, afin de montrer le dernier grand conflit entre les rois du Midi et du Nord. En conséquence, le récit divin laisse là « le roi », et le reste du chapitre ne s’occupe que du roi du Nord. Il n’entre pas seulement dans le pays de noblesse, mais il continue ailleurs ses conquêtes. « Plusieurs pays seront ruinés, mais ceux-ci réchapperont de sa main, savoir : Édom, Moab, et le principal lieu des enfants de Ammon ». Nous voyons par Ésaïe 11 que c’est là un fait très remarquable. Ces peuples vivaient sur les frontières de la terre sainte ; et Dieu arrange les choses de manière que s’ils échappent au roi du Nord, c’est pour qu’ils soient ravagés par les Israélites triomphants. Dieu ne veut pas permettre que les premiers ennemis d’Israël, et ses ennemis acharnés, reçoivent leur juste rétribution des mains de quelque autre peuple que de celui auquel ils ont tant cherché à s’opposer et à faire du mal. En conséquence, il semblerait, d’après Ésaïe, que, bien peu après, les Israélites exécuteront sur eux le jugement de Dieu.

« Il mettra donc la main sur ces pays-là ; et le pays d’Égypte n’échappera point. Il se rendra maître des trésors d’or et d’argent, et de toutes les choses désirables de l’Égypte. Les Libyens et ceux de Cush seront à sa suite ». Nous apprenons de là que le roi du Nord n’agit pas comme un allié vis-à-vis le roi du Midi. Il s’avance vers le midi, où, semblerait-il (v. 43), il y aura un grand développement de prospérité matérielle, soit par suite des ressources du pays lui-même, ou plus probablement en conséquence de ce qu’il est devenu le grand marché commercial de l’Occident et de l’Orient, dans cette partie du monde. « Mais les nouvelles de l’Orient et de l’aquilon le troubleront ». C’est après être descendu dans le midi, au-delà de la Palestine, qu’il entend ces rumeurs à l’égard du Nord et de l’Orient qui le jettent dans la perplexité. Il était lui-même venu du Nord, et avait aussi conquis l’Orient ; et maintenant il reçoit de ces quartiers des nouvelles qui l’agitent. Il s’empresse de s’en retourner du pays d’Égypte, et arrive en Palestine. « Et il dressera les tentes de sa maison royale entre les mers (c’est-à-dire entre la Méditerranée et la mer Morte) à l’opposite de la noble montagne de la sainteté, mais il viendra à sa fin, et personne ne lui donnera du secours ». Telle est la sentence du roi du Nord jadis victorieux — et non la sentence « du roi » qui a été introduit, en passant, pour nous montrer en quelle occasion se livre le combat final entre le Nord et le Midi.

Je désire maintenant examiner s’il n’y a pas dans l’Écriture, d’autres passages intéressants à rattacher au sujet dont nous venons de nous occuper. La fin de Zacharie nous présente là-dessus de précieuses lumières. D’abord juste un mot ou deux à la fin du chapitre 11. Voici ce que dit l’Esprit de Dieu : « Malheur au pasteur inutile qui abandonne le troupeau ». C’est évidemment, je pense, l’Antichrist — « le roi » ; car le verset 16 nous apprend que ce pasteur inutile est dans le pays. « Voici, je m’en vais susciter un pasteur au pays, qui ne visitera point les brebis qui s’en vont être perdues ; il ne cherchera point celles qui sont délicates ; il ne guérira point celles qui sont malades, et il ne portera point celles qui sont demeurées en arrière ; mais il mangera la chair des plus grasses, et fendra leurs ongles ». Ce parfait égoïsme, cette orgueilleuse élévation de soi-même, cette action de dépouiller le troupeau au lieu de le nourrir et de porter les agneaux sur son sein, font un affreux contraste avec Christ, le bon Berger. Puis il est déclaré expressément que le faux berger, l’Antichrist, doit s’élever dans le pays d’Israël, et que là il n’épargne pas le troupeau de Dieu. Au chapitre 12, nous trouvons une autre puissance. « Voici (v. 2), je ferai que Jérusalem sera une coupe d’étourdissement à tous les peuples d’alentour ; et même elle sera une occasion de siège contre Juda et contre Jérusalem » ; c’est-à-dire que les nations s’assemblent contre Jérusalem ; précisément comme en Daniel 11, le roi du Nord et le roi du Midi. Les nations s’assemblent contre Jérusalem pendant que ce pasteur inutile y est. Jérusalem et les Juifs sont l’objet de l’attaque. « Et il arrivera en ce temps-là, que je ferai que Jérusalem sera une pierre pesante à tous les peuples ; tous ceux qui s’en chargeront en seront entièrement écrasés ; car toutes les nations de la terre s’assembleront contre elle ». La victoire semble pencher du côté des ennemis d’Israël. Mais nul ne peut alors s’endurcir contre ce peuple et prospérer, parce que le Seigneur se sera identifié avec lui en ce jour-là. « En ce temps-là, dit l’Éternel, je frapperai d’étourdissement tout cheval, et de folie l’homme qui sera monté dessus ; et j’ouvrirai mes yeux sur la maison de Juda » ; et ensuite la prophétie nous dit de quelle manière le Seigneur défendra Son peuple en ce jour.

Mais ce qui rendra la chose encore plus claire, c’est ce que nous lisons, chapitre 14, 2 : « J’assemblerai donc toutes les nations en bataille contre Jérusalem, et la ville sera prise, et les maisons pillées, et les femmes violées, et la moitié de la ville sortira en captivité ; mais le reste du peuple ne sera point retranché de la ville ». Nous trouvons dans ce passage quelques révélations de plus que ce que nous aurions pu recueillir du chapitre 12. C’est ainsi, par exemple, que nous apprenons que « la ville sera prise… et que la moitié de la ville sortira en captivité », traits qui distinguent évidemment ce siège futur de ceux que Jérusalem a subis dans le passé. Lorsque les Chaldéens s’emparèrent de la ville, ils firent captif tout le monde ; lorsque ce furent les Romains, ils firent prisonniers tous ceux qu’ils épargnèrent. Ici nous trouvons un autre siège dans lequel la moitié seulement sera prise et l’autre moitié ne le sera pas. Et si quelque chose peut distinguer plus clairement encore à cet égard l’avenir du passé, c’est qu’après avoir pris la moitié de la ville, les nations ne pousseront pas leur victoire plus loin. Si on demande pourquoi, le voici : « Car l’Éternel sortira, et combattra contre ces nations-là, comme il a combattu au jour de la bataille. Et ses pieds se tiendront debout en ce jour-là sur la montagne des Oliviers, qui est vis-à-vis de Jérusalem, du côté d’orient ». Qui peut prétendre que cela ait jamais été accompli ? Qui peut dire que l’Éternel est venu de cette manière et s’est tenu debout sur la montagne des Oliviers ? Comment pouvez-vous faire accorder le passé avec une déclaration telle que celle-là ? Depuis les jours du prophète, le Seigneur ne s’est jamais trouvé en vainqueur sur le sol de Jérusalem. Est-ce que ce cas s’est réalisé lors du siège de la ville par Titus ? Essaierez-vous d’expliquer cette déclaration de Zacharie simplement comme une délivrance accordée dans les voies ordinaires de la providence ? Mais, je le demande, les Juifs furent-ils alors délivrés ? Non, certes ; ils furent, au contraire, emmenés captifs. Jérusalem jusqu’à aujourd’hui demeure foulée par les Gentils, et continuera de l’être jusqu’à ce que les temps des Gentils soient accomplis. Mais le passage indique les derniers temps des Gentils, le terme de l’oppression gentile. Quand ce jour sera venu, et que le Seigneur sortira pour combattre contre ces nations, ses pieds se tiendront debout sur la montagne des Oliviers. Et comme preuve que cela ne doit pas être entendu allégoriquement, le Saint Esprit ajoute que la montagne des Oliviers se divisera en deux, preuve physique extérieure que l’Éternel Dieu y a posé ses pieds. « Et la montagne des Oliviers sera fendue par le milieu vers l’orient et l’occident, de sorte qu’il y aura une très grande vallée ; et une moitié de la montagne se retirera vers l’aquilon, et l’autre moitié vers le midi ». « Vous fuirez par cette vallée de montagnes » — c’est-à-dire qu’il y aura une vallée entre les deux moitiés ; — « car cette vallée des montagnes ira jusqu’à Atsal (vers. angl.). Alors l’Éternel, mon Dieu, viendra, et tous les saints seront avec toi ».

Ce passage prouve donc très clairement que Jérusalem doit soutenir un siège dans l’avenir, et que ce siège sera caractérisé par deux attaques. La première attaque réussira contre Israël ; la moitié de la ville sera prise, et il s’en suivra pour cette moitié de la ville toutes les affreuses misères qui accompagnent un siège ; mais l’autre moitié est réservée pour l’Éternel, qui amènera la troisième partie au feu. Il se placera à leur tête, et écrasera toutes les nations de la terre qui viendront contre Jérusalem. Ainsi la seconde attaque sera à la ruine de ceux qui la font. Si nous rapprochons cela de ce qui nous est dit en Daniel, combien est manifeste l’accroissement de lumière que la prophétie de Zacharie jette sur le sujet ! Le roi du Nord arrive le premier lorsque le roi du Midi choque avec « le roi » dans la terre sainte. Il y a une attaque simultanée contre Israël, afin de détruire, dans le pays, le peuple qui, hélas ! le mérite bien. Mais au milieu du mal se trouvera une semence sainte. Dieu se servira de ces assaillants pour exécuter l’œuvre de Sa justice. Les méchants seront emportés, et lorsque Dieu aura purifié ceux qui se trouvent là, il se passera une autre scène. Le roi du Nord, ayant été heureux dans sa première attaque, poursuit sa marche vers l’Égypte, contre le roi du Midi. Il y arrive, mais il reçoit du Nord et de l’Orient des nouvelles qui le troublent.

En attendant, pouvons-nous demander, qu’est-il advenu du « roi » ? A-t-il été détruit dans la collision qui a eu lieu dans le pays entre les rois du Nord et du Midi ? Nullement. Qu’est-ce donc qu’il devient ? Comment tombe-t-il ? Par l’éclat de l’apparition du Seigneur venant du ciel : il est réservé pour la main de Dieu Lui-même. Il sera jeté vivant dans le lac de feu et de soufre, « qui est aussi apprêté pour le roi ». C’est ainsi que l’Ancien Testament et le Nouveau sont unanimes dans le témoignage qu’ils nous donnent. Ce ne sera point selon la sentence ordinaire de l’homme ruiné qu’il périra ; et pour lui, Dieu se départira de tout le cours ordinaire de Ses voies avec les méchants. De même que de temps à autre, Dieu, dans Sa grâce, a retiré des hommes de ce monde sans les faire passer par la mort, ainsi il y en a auxquels il est destiné de Dieu d’être précipités tout vivants dans l’enfer — contraste terrible avec ceux qui sont en vie quand le Seigneur vient, et qui attendent d’être enlevés au ciel. Il en sera ainsi du méchant, le pasteur inutile — le roi. Mais il n’est pas le seul à qui ce sort soit réservé. Le roi du Nord est un ennemi plus effronté encore. « Le roi » s’est élevé dans le pays, corrompant le peuple d’Israël et le faisant apostasier ; il a reçu sa sentence. Si le plus petit mot de ce jugement exécuté dans le pays devait parvenir au roi du Nord, nous pouvons facilement comprendre combien il en devrait être troublé. Si c’est là le motif de son prompt retour contre Israël, ou s’il revient parce que les dix tribus seraient en mouvement, c’est ce que je n’ai pas la prétention de dire. L’Écriture ne nous le dit point. Mais il s’avance de nouveau dans la terre sainte ; et cette fois, c’est pour tomber sous la main immédiate de Dieu — et non par l’épée d’un homme puissant, ni par l’épée d’un petit. Ce n’est pas l’homme, mais Dieu, qui exécutera sur lui la vengeance. Voilà pourquoi il y a deux attaques. Après son premier assaut contre Jérusalem, il est descendu vers le Midi et a poursuivi là certaines conquêtes. Excité par les nouvelles qu’il reçoit, il se hâte de retourner, avec l’espérance que maintenant tout ira selon ses vœux. « Alors l’Éternel sortira, et combattra contre ces nations-là, comme il a combattu au jour de la bataille ».

Mais avant de terminer, il faut que je vous signale encore un ou deux autres passages. Prenez Ésaïe 28 et 29, et vous verrez comme ils confirment abondamment ce que j’ai avancé sur cette dernière scène. En Ésaïe 28 sont mentionnées deux grandes puissances au service du mal, en rapport avec le pays en ce temps-là : — l’une « le roi » qui est en relation avec le peuple, et dans le pays ; l’autre, le roi du Nord, qui descend comme une puissance ennemie. Nous les trouvons tous deux dans ce chapitre. D’abord il est fait mention d’Éphraïm, et l’Éternel prononce malheur sur les « ivrognes d’Éphraïm, la noblesse de la gloire duquel n’est qu’une fleur qui tombe… Voici, le Seigneur a en main un fort et puissant homme, ressemblant à une tempête de grêle, à un tourbillon qui brise tout, à une tempête de grosses eaux débordées ; il jettera tout par terre avec la main ». Ces paroles, je pense, menacent de l’Assyrien, comme du terrible tourbillon venant du Nord, qui éclaterait sur Éphraïm. Au milieu du chapitre, nous trouverons une autre chose. Nous avons vu quelle était la conduite d’Éphraïm qui habitait sur les bords de la contrée. Mais quelle était la destinée de Jérusalem, la capitale ? « Car vous avez dit (v. 15) : Nous avons fait accord avec la mort, et nous avons intelligence avec le sépulcre ». Là, évidemment, il s’agit du « roi » qui sera à Jérusalem et qui fera un pacte avec « la bête », la grande puissance impériale de ce temps, à laquelle Satan aura donné son trône. Il y a parfaite harmonie entre ce que nous trouvons en Ésaïe, dans l’Apocalypse, et dans Daniel. « Nous avons fait accord avec la mort, et nous avons intelligence avec le sépulcre ; quand le fléau débordé traversera, il ne viendra point sur nous ». Remarquez cela. Le fléau débordé est le roi du Nord, la puissance extérieure qui fond sur eux. Ceux de Jérusalem ont fait alliance avec la mort et avec le sépulcre, c’est-à-dire avec les instruments de Satan en ce jour : et ils espèrent échapper, par ce moyen, au roi du Nord. J’ai déjà fait voir que la bête, la grande puissance de l’Occident, sera en rapport avec « le roi » à Jérusalem ; que les contrées occidentales seront le grand siège de la bête ; qu’elle commandera à toute la partie de l’Europe qui appartenait proprement à l’empire romain. Quand cet empire sera réorganisé, le personnage en qui il se personnifiera sera le grand instrument par lequel sa force sera mise en usage. « Le roi » aura fait alliance avec lui, on plutôt, ainsi que le chapitre 9 s’exprime, lui, c’est-à-dire, le conducteur romain, fera alliance avec la masse des Juifs. À la fin, on les trouve tous deux dans Jérusalem, combattant contre le Seigneur et Ses saints qui viennent du ciel. Ils croiront trouver leur prétendue force dans cette alliance, mais elle ne tiendra point. Le fléau débordé, l’Assyrien, les emporte, et la moitié de la ville de Jérusalem est prise. Avec quelle merveilleuse harmonie tout concorde dans l’Écriture ! Puis vient (És. 28, 16) l’allusion à la pierre mise par le Seigneur pour fondement en Sion, parole destinée au résidu fidèle de ce jour-là, quelque vraie qu’elle soit pour nous qui croyons maintenant.

Ésaïe 29 est le dernier passage que je veux signaler. Là nous est décrite la désolation finale de la ville. « Malheur à Ariel ! à Ariel ! la ville où David s’est campé… Mais je mettrai Ariel à l’étroit ; et la ville ne sera que tristesse et que deuil, et elle me sera comme Ariel. Car je me camperai en rond contre toi, et je t’assiégerai avec des tours, et je dresserai contre toi des forts ». C’est le siège dont parle Zacharie. « Et tu seras abaissée, et tu parleras comme de dedans la terre », etc. Voilà leur condition quand ils sont désolés. Mais voyez, verset 5 : « Et la multitude de tes étrangers sera comme de la poudre menue… Elle sera visitée par l’Éternel des armées avec des tonnerres et avec des tremblements de terre… Et la multitude de toutes les nations qui feront la guerre à Ariel… et ceux qui la serreront de près seront comme un songe d’une vision de nuit ». Le Seigneur est sorti et a combattu avec ces nations comme Il combattit au jour de la bataille.

Voilà suffisamment éclaircie par diverses portions de la Parole de Dieu, qui sont entièrement d’accord avec elle et dont elle reçoit de la lumière, la partie si intéressante du livre de Daniel dont nous nous occupons. Tout concourt à montrer de la façon la plus claire qu’il se prépare un terrible avenir pour l’apostat Israël et ses alliés de l’Occident, et un non moins terrible pour leurs adversaires confédérés de l’Orient. L’alliance avec le sépulcre ne tiendra pas. Lorsque les grandes puissances du monde auront, en apparence, tout balayé devant elles, et se seront assemblées devant Jérusalem pour la dernière grande lutte, Dieu saisira cette occasion d’en agir avec elles, après la durée si longue de Sa patience. Ce sera la dernière scène. Les hommes croiront toucher au moment d’avoir en leurs mains la monarchie universelle ; mais ce sera le jour où Dieu les appellera au jugement. Je parle d’un jugement des nations et des rois, et non du jugement des morts devant le grand trône blanc.

Dieu va agir avec la terre, avec les hommes au milieu de tous leurs plans et de tous leurs projets. La régénération du monde sera le grand jour où le Seigneur, après avoir ôté d’Israël les transgresseurs, et s’être servi du « roi » lui-même et du jugement tombé sur lui, pour séparer en Juda ceux qui sont sincères d’avec les méchants, fera sonner l’heure du règlement de compte avec les nations. C’est là, ce me semble, la simple, la juste portée de la vérité de Dieu, qui nous est présentée ici. Nous ne devons pas supposer qu’il ne s’agit simplement que d’une seule grande puissance. Il y aura des principes différents à l’œuvre. Et c’est une chose solennelle de penser que ces contrées-ci où nous jouissons de tels privilèges, doivent être couvertes alors des plus profondes ténèbres. L’alliance avec la mort et avec le sépulcre sera telle, à cause qu’elle sera une alliance avec le monde de l’Occident et la haute civilisation. Que c’est humiliant pour le cœur de l’homme ! À une époque qui est passée, la civilisation n’a pas préservé les esprits les plus élevés d’une idolâtrie et d’une corruption dégradantes, et hélas ! c’est une scène pire encore que nous aurons à la fin : le christianisme finira dans la restauration de l’idolâtrie, dans de nouveaux faux dieux, dans l’adoration de l’homme lui-même comme Dieu. Tel est, je le crois, l’avenir qui nous est prédit de ce siècle. Mais il en est un qui peut garder le cœur de s’embarrasser dans tout ce qui mène là — Christ Lui-même. Puissions-nous être occupés de Lui, ne bâtissant pas sur les fondements des hommes, ne partageant pas leur espérance, ne nous confiant pas dans le progrès, ni même dans la religion, comme on l’appelle. Si Christ est mon objet en toute chose, alors il y a sûreté ; mais elle n’est que là, il n’y en a nulle part ailleurs.

Chapitre 12

La détresse dont le prophète parle au commencement de ce chapitre n’est pas une chose qui se passe longtemps après les luttes décrites à la fin du chapitre précédent, et qui s’en distingue, mais, comme il le dit lui-même, elle a lieu « en ce temps-là ». En sorte qu’avec les derniers événements du chapitre 11 nous sommes réellement arrivés à la période la plus avancée dont il soit fait mention en Daniel. On a fait souvent la remarque, en effet, que Daniel ne pénètre jamais dans le règne de la gloire, mais nous mène juste au moment où il va être introduit. Il nous montre ce qui l’introduira, nous décrit, sans donner beaucoup des détails, l’exécution du jugement qui le précède, et nous parle du royaume des cieux qui doit remplir toute la terre, mais il n’en fait pas la description. Le peuple des saints, ainsi qu’il appelle les Juifs, possédera tous les royaumes qui sont sous les cieux : c’est à cette déclaration générale qu’il se borne à cet égard. Il est vrai que l’Esprit de Dieu était déjà entré plus pleinement par d’autres prophètes dans le sujet du règne du Messie sur Israël et de la portion bénie de ce peuple ; et qu’après la captivité, il allait encore en faire la matière de prédictions nouvelles par quelques autres. Ces nouvelles communications prophétiques que le Saint Esprit avait dans Sa pensée étaient d’une importance particulière, parce qu’Il savait bien que plusieurs supposeraient que le retour des Juifs de la captivité de Babylone était l’accomplissement de la prophétie. Aussi fut-il pris beaucoup de peine dans quelques-unes des dernières prophéties, pour faire voir que rien n’était plus loin de la réalité, et que la bénédiction d’Israël était encore à venir. Les Juifs sont présentés comme étant dans une condition misérable, postérieurement à leur retour de Babylone, et l’Esprit de Dieu contemple, dans un lointain avenir, la période où ils seront réellement délivrés et bénis selon la pensée de Dieu. Le retour passé n’était qu’un gage de la pleine restauration que Dieu leur destinait. Mais Daniel n’entre pas dans ce temps de bénédiction. Il vous amène jusqu’au moment où il va commencer, et, arrivé là, il termine. Son sujet particulier était les temps des Gentils, et c’est là ce qui fait le caractère remarquable de sa prophétie. Il est simplement un prophète de la captivité.

Le chapitre 12 est relatif à ce qui se passe entre le jugement des Gentils, et l’introduction des Juifs dans la bénédiction qui leur appartient. Le chapitre précédent nous a fait voir « le roi » et sa méchanceté, dans la terre sainte, et nous a aussi entretenus des rois venus du Nord et du Midi. Quelque grande qu’ait pu être la puissance du grand chef du Nord contre la terre sainte, « néanmoins il viendra à sa fin, et personne ne lui donnera du secours ». Telle est sa fin misérable.

Mais maintenant s’élève une question intéressante. — Quelle sera en ce temps la condition d’Israël ? La réponse se trouve dans les premiers versets de notre chapitre. « Or, en ce temps-là, Micaël, ce grand chef qui tient ferme pour les enfants de ton peuple, tiendra ferme ». C’est de ce peuple que Daniel était occupé. Il n’avait aucune idée de ce que nous appelons aujourd’hui un peuple chrétien, aucune idée qu’il vînt un temps, déjà arrêté dans les conseils de Dieu, où il n’y aurait plus de différence entre Juifs et Gentils, et où les uns et les autres seraient formés par la foi en un Christ crucifié, pour être un seul corps par le Saint Esprit envoyé du ciel. Tout cela était une nouveauté pour Daniel, et le Seigneur ne lui donne jamais d’anticiper un pareil état de choses. Aucune prophétie, soit de Daniel soit de tout autre, n’y fait allusion, quoique plusieurs révèlent d’autres particularités qui sont réalisées maintenant, comme nous voyons dans l’épître aux Romains, etc. L’expression « ton peuple » désigne simplement et uniquement le peuple juif. Daniel s’y intéressait profondément et avec raison, comme Juif et comme un Israélite sincère, qui était sensible à la gloire de Dieu qui se rattachait à ce peuple. En conséquence, l’Esprit de Dieu leur communique qu’il s’opérerait en ce temps-là un changement dans l’histoire d’Israël. Au lieu d’un simple contrôle exercé par Dieu dans les voies de Sa providence, comme, par exemple, la résistance de Micaël à tel ou tel chef, il y aurait ce fait important, que Micaël tiendrait ferme pour les Juifs, prendrait leur cause en main, et écraserait leurs adversaires ; mais cependant, cela ne se ferait point sans une lutte terrible. Leur défense constituait sa tâche habituelle. Mais maintenant il se lèvera pour compléter, par la délivrance des Juifs, les grands desseins de Dieu relativement à la terre.

« Et ce sera un temps de détresse tel qu’il n’y a point eu, depuis qu’il y a eu des nations jusqu’à ce temps-là ; et en ce temps-là, ton peuple, c’est-à-dire quiconque sera écrit dans le livre, échappera ». Nous trouvons dans ces paroles un renseignement important qui nous fait distinguer aussitôt cette attitude ferme de Micaël, de tous les temps antérieurs. Bien loin que jusqu’à ce jour il y ait eu délivrance, la détresse qui tomba sur les Juifs sous Titus fut plus terrible que celle qui les avait atteints sous Nebucadnetsar. Que devons-nous donc en conclure, sinon que ce temps de détresse est encore à venir ? La description que le Saint Esprit nous donne ici ne trouvant, dans le passé, rien qui lui corresponde, il faut que son application soit future. Et de fait, nous n’avons qu’à jeter les yeux sur Jérusalem et sur la condition actuelle des Juifs pour voir qu’il en est réellement ainsi. Est-ce qu’ils sont délivrés ? Bien au contraire, il n’y a pas de contrée sous le ciel qui, d’une manière ou d’une autre, ne rende témoignage qu’ils se trouvent dans un état de dégradation, et hors du pays de leur gloire, sur lequel les yeux du Seigneur reposent continuellement.

Quelques personnes regardent bien en effet comme futur ce dont il est question ici, mais elles prétendent que ce doit être pris dans un sens spirituel, qu’il faut entendre de l’Église, du peuple de Dieu d’aujourd’hui. Mais d’abord, il suffit, pour réfuter une telle manière de voir, de répondre que nous avons eu une longue prophétie apportée par l’ange à Daniel, avec la déclaration positive qu’il s’agissait de ce qui arriverait à son peuple aux derniers jours. Ce fait seul exclut absolument de pareilles idées. Remarquez ensuite que d’un bout à l’autre de la prophétie, il n’est parlé de personne, à l’exception des Juifs, comme étant les objets de l’intérêt de Dieu jusqu’à ce temps-ci. Le sujet en question, c’est la terre sainte et les luttes entre le Nord et le Midi qui l’entourent. Le christianisme ne connaît pas de terre sainte. C’est tout simplement du judaïsme ou du paganisme de regarder un lieu comme plus sacré qu’un autre, maintenant que la pleine lumière du christianisme est venue. Mais s’il existe un pays qui soit glorieux dans le dessein de Dieu, c’est celui d’Israël. Seulement il perd ce caractère pendant la vocation gentile. Ce qui est maintenant en scène, c’est la révélation des choses célestes et non des choses terrestres. Et, par conséquent, tout ce qui était saint auparavant, à un point de vue purement terrestre, est passé pour le moment, éclipsé par une dispensation plus brillante ! Aujourd’hui, Dieu a d’autres conseils en vue. En rejetant son Messie, l’ancien peuple a manifesté son impiété ; et jusqu’à ce que, comme nation, il soit amené à Jésus, ou, selon les paroles de l’Apocalypse « à garder les commandements de Dieu, et à avoir le témoignage de Jésus Christ », jusqu’à ce qu’un résidu ait obtenu une sorte de connaissance divine de Christ, Dieu ne le reconnaîtra point. En attendant, Il s’est tourné vers une autre œuvre, celle de la formation de l’Église, à laquelle il n’est fait ici aucune allusion. C’est une vérité bénie, que Dieu est allé vers les Gentils dans une riche miséricorde ; mais de quelle consolation cela eût-il été en vue de ce qui pesait si lourdement sur le cœur du prophète ? Tandis que tout est parfaitement convenable et clair, du moment que nous comprenons qu’il fait la description de l’état de son peuple et de son passage à travers la scène terrible dont il est question ici, la veille de sa délivrance et de la délivrance de Dieu. « Ce sera un temps de détresse tel qu’il n’y en a point eu depuis qu’il y a eu des nations jusqu’à ce temps-là ; et en ce temps-là, ton peuple, c’est-à-dire quiconque sera trouvé écrit dans le livre, sera délivré ».

Je désire faire voir que ce n’est pas là le témoignage d’un écrivain sacré seulement, mais que c’est celui de plusieurs. Prenez le prophète de la douleur, Jérémie, chapitre 30. Nous y trouvons une allusion manifeste à la grande détresse de Jacob, suivie de sa puissante délivrance. « Ce sont ici les paroles que l’Éternel a prononcées touchant Israël et Juda ». Qui peut contester le sens de cela ? « Ainsi a dit l’Éternel : Nous avons entendu un bruit d’épouvantement et de frayeur, et il n’y a point de paix. Informez-vous, je vous prie, et considérez si un mâle enfante ; pourquoi donc ai-je vu tout homme tenant ses mains sur ses reins comme une femme qui enfante ? Et pourquoi tous les visages sont-ils jaunes ? ». C’est un état de choses qui dépasse tout ce qu’on aurait pu attendre raisonnablement en temps ordinaire : les hommes remplis de l’angoisse la plus profonde peinte même sur leurs visages, et leur courage tout dissipé, en présence de la terrible détresse. Le septième verset l’explique. « Hélas ! que cette journée-là est grande ! il n’y en a point eu de semblable ». Comme en Daniel, c’est un temps sans exemple. « Et elle sera un temps de détresse à Jacob, mais il en sera pourtant délivré ». Jacob, « ce vermisseau de Jacob », est le nom dont se sert le Saint Esprit pour désigner le peuple considéré, dans sa faiblesse, comme Israël est son nom de puissance. C’est le temps de la détresse de Jacob, mais il en sera délivré. Jusque-là c’est la même suite de pensées qu’en Daniel. Il s’agit d’Israël et de Juda désignés par le nom qui exprime leur faiblesse, en tant qu’exposés du dehors à toute sorte de calamités. C’est un jour de détresse sans pareille, et l’Israël de ce jour-là en doit être délivré. Si je voulais parcourir Ésaïe, je pourrais montrer la même chose du commencement à la fin, seulement d’une manière plus étendue. Je n’ai pas besoin de m’arrêter à des passages si bien connus (chapitres 1 ; 2 ; 10 ; 14 ; 17 ; 22 ; 24-35 ; 49-66).

Mais on nous dira peut-être : Avez-vous à produire quelque témoignage tiré du Nouveau Testament ? Vous avez cité des passages de l’Ancien Testament, pouvez-vous nous montrer quelque chose dans le Nouveau qui donne un accroissement de lumière, la pleine lumière de Dieu par Son Fils bien-aimé ? La pensée peut venir, comme effectivement elle est venue à plusieurs, que le christianisme met les Juifs entièrement de côté ; de telle sorte que nous devons voir dans l’expression « le peuple » simplement un type de ceux que Dieu forme pour Sa gloire.

Notre Seigneur décide Lui-même cette question en Matthieu 24. Il nous enseigne que Daniel décrit une destinée réservée à Israël, et qui ne doit être appliquée à aucun autre peuple sous le soleil. C’est là sa portion tant pour les douleurs que pour les délivrances. Les disciples Lui avaient dit (v. 3) : « Dis-nous quand ces choses arriveront, et quel sera le signe de la venue et de la consommation du siècle ». Observez ici que la consommation « du siècle » est la seule vraie signification du terme original. Cela ne se rapporte point à la ruine du monde envisagé comme système matériel, mais à une certaine dispensation qui suit son cours dans le monde, et dont le nom est tout à fait différent. Le Seigneur avertit les disciples qu’ils étaient en danger d’être séduits : qu’il viendrait des personnes qui prétendraient être le Christ, qu’il y aurait des troubles extérieurs, que Son témoignage ne devait changer en aucune manière le cours ordinaire des choses humaines ; car nation s’élèvera contre nation, et royaume contre royaume, et que, pour ce qui regardait l’état physique du monde, il y aurait des famines, des pestes, et des tremblements de terre. Il ne fait là que les préparer à une crise terrible qui devait venir. « Mais toutes ces choses sont un commencement de douleurs ». « Alors ils vous livreront pour être affligés, et vous feront mourir, et vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom ». Jusqu’au verset 15, ce sont des déclarations générales. Ensuite, le Seigneur restreint tout à coup la scène à Jérusalem et à la Judée. Il ne poursuit pas l’exposé de la prédication de l’évangile du royaume à travers tout le monde, mais Il borne Ses regards à cette petite bande de terre où habitait le peuple de Dieu, et à cette ville près de laquelle Il prononçait alors cette même prophétie. « Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation, dont il a été parlé par Daniel le prophète, établie dans le lieu saint (que celui qui lit comprenne) », etc. Nous trouvons dans ces paroles une exhortation positive à regarder au livre même, à l’étude duquel nous sommes précisément occupés. Le Seigneur parlait dans Son discours du même sujet que Daniel avait prédit dans sa prophétie. « Alors que ceux qui seront en Judée, s’enfuient aux montagnes ».

Je demande s’il peut y avoir de l’incertitude sur le sens de ces versets. Qui que ce soit peut-il être dans le doute sur ce que signifie cette expression « le lieu saint » ? Est-elle jamais employée pour désigner autre chose que le sanctuaire de Dieu à Jérusalem ? Dans l’Écriture, le lieu saint, en tant qu’une place sur la terre, est invariablement le lieu juif où l’on adore Dieu. L’abomination de la désolation exprime une idole qui amènerait la désolation sur les Juifs. Lors donc que cette idole, dont a parlé le prophète Daniel, sera placée dans le temple, ceux qui font cas de Christ devront prendre la fuite. Il n’y a pas un mot des Gentils ici — pas une allusion à l’Église de Dieu là. Les personnes pieuses, mais des personnes juives, dans leur propre ville, sont averties, aussitôt qu’elles verront cette idole, de s’enfuir aux montagnes de Judée qui se trouvent dans le voisinage. « Malheur à celles qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! Et priez que votre fuite n’ait pas lieu en hiver ni en un jour de sabbat ». Ce n’est pas du tout une scène chrétienne, mais bien une scène juive. Les chrétiens observent le jour du Seigneur. Par là, nous déclarons que nous reconnaissons Jésus comme Christ ressuscité, et ce jour est le grand symbole de notre bénédiction en Lui, mais le sabbat était un signe entre Dieu et Israël.

« Car alors il y aura une grande affliction, telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais ». Plusieurs, je le sais, appliquent ceci à la destruction de Jérusalem par Titus, et aux grandes calamités qui fondirent alors sur les Juifs. Mais il y a une différence essentielle, qu’on ne doit pas négliger. Le peuple juif ne fut pas délivré alors : tandis que lorsque la prophétie de Daniel est accomplie, il est, et doit être délivré — il ne l’est pas à une époque postérieure, mais il l’est en ce temps-là. Si Daniel est un véritable prophète, c’est que sa prophétie n’a point manqué, mais qu’elle reste à accomplir. Notre Seigneur emprunte nettement et positivement Sa citation à cette prophétie, et à ce même chapitre que nous étudions maintenant. Et que rattache-t-Il à la délivrance d’Israël ? Sa propre venue du ciel comme Fils de l’homme. Qui peut dire qu’elle a eu lieu ? Bien loin que les Romains fussent renversés au temps de Titus, il leur fut permis de réduire les Juifs en esclavage. Ces derniers ne furent point délivrés alors, et, jusqu’à ce jour, ils n’ont pas non plus été jamais les maîtres de leur propre temple, ni pu demeurer dans leur propre pays, même comme simples particuliers. S’il y a une race plus particulièrement proscrite dans la terre sainte, c’est la race juive. Les Turcs, ses possesseurs actuels, l’ont possédée pendant beaucoup de longues années ; et tous, soit les Croisés, soit les Sarrasins, se sont accordés à en exclure les Juifs. De sorte que jusqu’ici il ne s’est rien passé de semblable à la venue du Fils de l’homme pour délivrer Israël. Micaël n’avait pas encore tenu ferme pour eux en ce sens-là.

Ainsi, ce que j’ai montré d’après l’Ancien Testament est amplement confirmé par le Nouveau. Tous les prophètes, l’un après l’autre, présentent le même tableau, c’est-à-dire un temps de détresse, comme il n’y en a jamais eu, immédiatement suivie d’une délivrance, telle que jamais encore il n’en a été accordé de pareille à Israël. Il est parfaitement clair, comme nous croyons tous, que ce sont là des prophéties de Dieu, qu’il ne s’agit que d’attendre le temps auquel il convient à Dieu de les accomplir à la lettre. Selon que notre Seigneur le déclare dans ce même chapitre 24 de Matthieu : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point ». Ce n’est pas seulement dans sa teneur générale que la prophétie est vraie, mais il ne passera pas un seul iota ou un seul trait de lettre, que tout ne soit accompli.

S’il en est ainsi, nous possédons une clé importante pour l’intelligence de la prophétie de Daniel. Quelque prochaine que fût la destruction de Jérusalem par les Romains, le Seigneur ne laisse pas pourtant de porter Ses regards sur une autre époque. Et ce qui rend ce fait d’autant plus remarquable, c’est qu’un des évangélistes nous annonce la destruction de Jérusalem par les Romains, mais aussi la distingue de cette future période de détresse. La principale allusion que la prophétie ait faite positivement à la ruine de Jérusalem par l’armée romaine, se trouve en Luc 21. Et voyez quelle différence de langage : « Et quand vous verrez Jérusalem être environnée d’armées ». Pas un mot au sujet de la présence de l’abomination de désolation dans le lieu saint. Saint Luc l’omet entièrement, et décrit ce que Matthieu ne mentionne pas — Jérusalem environnée d’armées. « Quand vous verrez Jérusalem environnée d’armées, sachez alors que sa désolation est proche. Alors que ceux qui sont en Judée s’enfuient aux montagnes, et que ceux qui sont au milieu de Jérusalem s’en retirent », etc. C’est-à-dire, que le Seigneur prescrit exactement la même ligne de conduite aux Juifs qui sont dans Jérusalem, soit à l’approche du sac de la ville par les Romains (comme en Luc), soit lors de la future désolation qui doit tomber sur elle (comme en Matthieu). Jusque-là il y avait analogie entre les deux événements : on devait s’enfuir, ne pas se confier en de vaines espérances de délivrance par quelque prétendu Messie, mais savoir de la bouche du Seigneur Lui-même que Jérusalem devait tomber sous la puissance des Gentils. Si quelqu’un voulait échapper, il fallait qu’il sortît de Jérusalem. « Et que ceux qui sont aux campagnes n’entrent pas en elle ». Peu importe ce qu’on pourra leur dire de la Pâque ou de quelqu’autre fête, leur voie de sûreté est d’éviter Jérusalem. Il n’y a pas encore de délivrance pour Israël. « Car ce sont là les jours de la vengeance, afin que toutes les choses qui sont écrites soient accomplies ». Luc ne dit pas : c’est là le temps de détresse comme il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde. Les expressions sont de la plus singulière exactitude : Luc présentant d’abord la destruction de Jérusalem par Titus, et Matthieu ne parlant que du dernier siège avant que les Juifs soient délivrés. « Car ce sont là les jours de la vengeance, afin que toutes les choses qui sont écrites soient accomplies. Or, malheur à celles qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! Car il y aura une grande détresse dans le pays, et de la colère contre ce peuple. Et ils tomberont sous le tranchant de l’épée, et seront menés captifs dans toutes les nations ». Ce n’était donc pas là le temps de détresse de Jacob où il serait délivré. Au temps dont parle saint Luc, au lieu de la délivrance on tombe seulement dans les angoisses d’une captivité après les angoisses de la guerre.

« Et Jérusalem sera foulée par les nations jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis ». C’est ce qui s’accomplit à l’heure présente. « Les temps des Gentils » continuent encore jusqu’à ce jour. Les Gentils ont constamment dominé, et sur toute la face de la terre les Juifs n’ont pas obtenu un pays ou une ville qu’ils puissent dire à eux. Qui possède leur ville et leur pays ? Les Gentils. « Les temps des Gentils » ne sont point expirés. « Jérusalem sera foulée par les Gentils, jusqu’à ce que les temps des Gentils soient accomplis ». Ils en sont les maîtres, et comme tels, ils la fouleront jusqu’à ce que les temps assignés soient accomplis — et non pas à toujours. Il n’est dit nulle part que cet état de choses doit aller jusqu’au temps de la fin. Au contraire, la domination gentile sur les Juifs est près de son terme : le verset suivant nous l’enseigne. Nous avons déjà vu un énoncé très régulier, très méthodique des malheurs qui devaient arriver à Jérusalem ; et les temps des Gentils ont toujours couru depuis Titus jusqu’au moment actuel. Mais au verset 25, commence la scène finale, la seule chose dont il soit question en Matthieu 24, à partir du verset 15 — et cela en raison de la question faite par les disciples : « Quel sera le signe de ta venue et de la fin du siècle ? ». Mais, comme en Luc ils demandent simplement : « Quel signe y aura-t-il quand ces choses devront arriver ? » (c’est-à-dire la destruction du temple), le Seigneur leur annonce la venue des Romains, et ensuite, descendant le cours du temps des Gentils, Il continue jusqu’à la fin ; tandis que Mathieu se renferme dans ce qui est relatif à la fin, en réponse à la question qu’il rappelle. Telle est la raison toute simple de la différence de langage entre les deux évangélistes, et rien de plus beau que la manière dont la vérité se produit. Maintenant nous arrivons, ici en Luc, aux grands événements qui marquent la fin des temps des Gentils. « Et il y aura des signes dans le soleil, et dans la lune, et dans les étoiles, et sur la terre une angoisse des nations en perplexité… les hommes rendant l’âme de peur et à cause de l’attente des choses qui viennent sur la terre habitable, car les puissances des cieux seront ébranlées. Et alors on verra le Fils de l’homme venant sur une nuée avec puissance et grande gloire ».

Ceux qui, par une interprétation figurée, appliquent Matthieu 24 à la destruction de Jérusalem par Titus, sont obligés de faire de cette venue du ciel du Fils de l’homme, une simple figure représentant l’action providentielle de Dieu, par le moyen de Titus, pour écraser les Juifs. Mais Luc 21 réfute complètement une pareille idée. L’Esprit de Dieu y fait voir, en effet, que Jérusalem a été prise, et que les temps gentils continuent de courir : c’est lorsqu’ils vont expirer que le Fils de l’homme vient sur les nuées du ciel, avec puissance et grande gloire — des centaines d’années après Titus. La scène finale est introduite comme terminant les temps des Gentils, ou comme étant la conséquence du fait qu’ils ont pris fin. « Et quand ces choses commenceront à arriver, regardez en haut, et levez vos têtes, car votre rédemption approche ». Et puis, un peu plus loin (v. 32), nous trouvons cette expression remarquable : « En vérité, je vous dis que cette génération ne passera pas que toutes ces choses ne soient arrivées ». C’est un mauvais emploi de ce terme qui conduit à tant de confusion sur le sujet. Quand la phrase « cette génération » arrive-t-elle dans le récit ? C’est après que le Fils de l’homme est déjà venu avec puissance et avec gloire — et non lorsqu’on a vu Jérusalem environnée d’armées. Cette circonstance est importante pour aider à déterminer le vrai sens de l’expression. Si par ces mots « cette génération » il fallait entendre la durée d’une vie d’homme, ils n’occuperaient pas dans la prophétie une place convenable. L’idée qu’ils portent ordinairement avec eux eût pu être raisonnable, s’ils se fussent rencontrés juste quand il était question des armées assiégeant Jérusalem. Mais l’expression n’a pas de sens, si on la place après l’accomplissement des temps des Gentils. De sorte qu’il faut que « cette génération » prise dans une acception temporelle, embrasse évidemment une étendue de dix-huit siècles pour le moins. Quelle est donc sa force véritable, et que désigne-t-elle ? Elle désigne — ce qu’elle fait très fréquemment dans l’Écriture — cette race d’Israël qui rejette Christ, et non une simple période de temps. L’Écriture l’emploie dans un sens moral pour décrire une race qui agit d’une façon particulière, bonne ou mauvaise. Voici comment s’exprime Moïse en faisant des reproches au peuple : « Ils se sont corrompus… c’est une génération perverse et revêche… Et il a dit, je cacherai ma face d’eux, je verrai quelle sera leur fin ; car ils sont une race perverse ». Ici, très évidemment, c’est de leur condition morale comme peuple qu’il s’agit, et non du temps où cela a été manifesté.

Nous trouvons dans les Psaumes une clé de plus pour la signification propre de ce terme. Au psaume 12, par exemple, se lisent ces paroles : « Toi, Éternel, garde-les, et préserve-les à jamais de cette race de gens » (même mot qu’en Luc). Si par le terme « génération » il fallait simplement entendre une durée de trente ou quarante années, quel serait le sens de ces mots « à jamais » ? Il ne s’agit nullement du cours de quelques années, mais de l’état moral d’un peuple, et du peuple d’Israël. Pareillement la portée des paroles de saint Luc est tout à fait manifeste. « Cette génération ne passera pas, que toutes ces choses ne soient arrivées ». Ce que veut dire le Seigneur, c’est que la race d’Israël continuera encore dans l’incrédulité et la réjection de Christ. C’est comme s’il disait : Je veux vous préparer pour cette vérité terrible, que cette génération qui rejeta Christ doit continuer jusqu’à ce que toutes ces choses soient accomplies. Or, en dehors de la prophétie, jamais on n’aurait pu prévoir un tel fait. On aurait pu supposer, au contraire, que, pendant que le christianisme s’étendait sur toute la terre et faisait des conquêtes en tout lieu, s’il devait y avoir une nation qui, plus qu’une autre, dût être amenée sous l’autorité de Christ, ce devait être Israël, aimé à cause des pères. Mais non. Les Juifs doivent poursuivre dans la même incrédulité. Il pourrait bien y avoir parmi eux une suite de fidèles, mais la génération méchante, touchant laquelle Christ nous donnait alors un avertissement, ne passera pas jusqu’à ce que tout soit accompli. Et qu’est-ce qui viendra ensuite ? Comme les Psaumes s’expriment encore, la génération à venir. Israël sera né de nouveau, un nouveau cœur lui aura été donné. Il sera alors le peuple qui louera l’Éternel. Cela est parfaitement d’accord avec le reste de l’Écriture. Le Seigneur avait représenté Israël sous la figure d’un figuier stérile, et en conséquence, Il avait prononcé une malédiction sur cet arbre. Lorsqu’il est dit, dans un des évangiles, que ce n’était pas encore la saison des figues, cela signifie que le temps de leur maturité ou de leur récolte n’était pas encore arrivé. Par suite les figues n’auraient pu être enlevées de l’arbre. En eût-il porté, elles auraient dû être là. C’est simplement lorsque les figues n’étaient pas encore mûres, que notre Seigneur vint chercher du fruit ; mais il ne s’y en trouva point. Il y avait abondante profession — des feuilles, mais pas de fruit. C’est pourquoi Il dit : « que désormais aucun fruit ne naisse plus de toi à jamais ! ». Telle est, en figure, « cette génération ». Mais comment concilier cela avec le fait qu’Israël doit être bientôt à la gloire du Seigneur ? Israël doit naître de nouveau. « Cette génération-là » ne produira jamais de fruit pour le Seigneur : elle doit être détruite sous le jugement de Dieu, et une nouvelle race naîtra. Le type du passé nous donne une figure frappante de l’avenir.

D’après ces prophéties, que nous venons de considérer, deux tirées de l’Ancien Testament et deux contenues dans le Nouveau, il est clair que le temps de détresse dont parle Daniel est entièrement futur ; et que saint Luc distingue expressément une période de trouble considérable qui était juste sur le point de survenir, et qui est, en effet, survenue à Jérusalem, d’avec une dernière période de détresse beaucoup plus profonde qui est encore à venir. Nous revenons maintenant à Daniel, avec la lumière que nous avons recueillie d’autres passages des deux Testaments, qui prouvent que la Parole de Dieu est positive et précise sur le fait qu’il faut qu’Israël traverse un océan de détresse inouïe, mais qu’il en doit être délivré. Au fond, c’est l’événement précurseur de la grande délivrance de la part de Dieu.

Mais il y avait encore une question qui restait sans réponse. Quelque important que ce fût pour Daniel de savoir que ses compatriotes seraient infailliblement délivrés, il y avait lieu encore à cette autre question : — Quelle sera la condition des Juifs qui ne se trouvent point alors dans le pays ? Qu’adviendra-t-il de ceux qui n’étant pas à Jérusalem ou dans la Judée ne sont point, par conséquent, les objets immédiats de la délivrance que Dieu y opère ? Le second verset du chapitre nous donne la réponse. « Et plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront — les uns pour la vie éternelle, et les autres pour les opprobres et pour l’infamie éternelle ». On applique constamment ce passage à la résurrection du corps, et il est vrai que l’Esprit fait reposer sur cette résurrection-là la figure qu’il emploie ; mais on peut voir qu’elle n’a pas le moindre rapport avec la résurrection corporelle, soit la nôtre, soit celle d’Israël. Comme cela peut sembler difficile à plusieurs, je dois établir, par l’Écriture, que, dans le langage du Saint Esprit, la résurrection est employée comme figure d’un heureux rétablissement du sein d’un état de ruine.

Ésaïe 26 nous présente, ce qui je suppose ne sera mis en question par personne, un tableau de la détresse d’Israël — de sa détresse sous ses dominateurs gentils. Il est dit au verset 13 : « Éternel, notre Dieu, d’autres seigneurs que toi nous ont maîtrisés ; mais c’est par toi seul que nous faisons mention de ton nom ». Cela ne se rapporte point à l’Église, quoiqu’on nous en fasse si souvent l’application. Nous n’avons point eu d’autres seigneurs sur nous — mais les Juifs en ont eu. Ils ont été sous des maîtres pendant des centaines d’années, et ils y sont encore. « Mais c’est par toi seul que nous faisons mention de ton nom. Ils sont morts, ils ne vivront plus ; ils sont trépassés, ils ne se relèveront plus ». Ces seigneurs qui avaient domination sur eux ont disparu, ils sont morts. — Ils ne se relèveront plus. Peut-il être question là de la résurrection prise dans le sens littéral ? Si cela était, ils devraient se relever comme les autres. Ce qui est dit évidemment, c’est qu’ils périssent dans ce monde. En d’autres termes, l’Esprit leur applique la figure de la résurrection. C’en est fait d’eux, ils ne seront plus seigneurs sur Israël. « Parce que tu les as visités et exterminés, et que tu as fait périr toute mémoire d’eux. Éternel, tu avais accru la nation, tu avais accru la nation ; tu as été glorifié ». Qui peut douter que ce passage parle d’Israël seulement ? « Mais tu les as jetés loin dans tous les bouts de la terre ». Pourrait-on dire cela de l’Église ? Lorsque l’évangile s’étend sur tout le monde, c’est l’efficace de l’amour dans les hommes — l’activité de la grâce de Dieu qui circule partout. Il n’en est pas de même avec Israël. Pour lui, il a une ville qui est son lieu central, et où, s’il eût été fidèle, Dieu l’aurait maintenu ; de sorte que sa dispersion à tous les bouts de la terre était l’effet d’un jugement divin qui l’avait frappé, et non celui d’une mission d’amour. « Éternel, étant en détresse, ils se sont rendus auprès de toi ; ils ont répandu leur humble requête quand ton châtiment a été sur eux ». C’en a été le fruit. Israël s’humilie. Celui qui s’était engraissé et avait regimbé, était maintenant repentant, et le Seigneur prête l’oreille à sa confession, et regarde à son angoisse. « Comme celle qui est enceinte est en travail, et crie dans ses tranchées, lorsqu’elle est près d’enfanter ; tels avons-nous été à cause de ton courroux, ô Éternel ! ». Et puis, au verset 19, le Seigneur répond : « Tes morts vivront, même mon corps mort vivra, ils se relèveront ». Il les réclame comme siens, quoiqu’ils eussent tant péché et qu’ils se trouvassent dans cette déplorable, cette dégradée condition. « Mon corps mort vivra, ils se relèveront ». Remarquez ce qui suit, en le rapprochant de Daniel : « Réveillez-vous, et vous réjouissez avec chant de triomphe, vous, habitants de la poussière, car ta rosée est comme la rosée des herbes, et la terre jettera dehors les trépassés ». Peut-on douter, si l’on a suivi les raisons qui viennent d’être avancées, que l’Esprit ne parle point ici de l’Église, mais bien d’Israël, en contraste avec ses dominateurs gentils, maintenant renversés, et qui ne le maîtriseront jamais plus ? Israël, au contraire, quoique réduit à la plus triste condition, était seulement comme le corps mort que le Seigneur réclame comme sien, et, à ce titre, comme appartenant au Seigneur, il se relèvera.

Revenant maintenant à Daniel, voyez quelle lumière est jetée sur le passage. Non seulement il y aura délivrance pour les Juifs, qui dans la terre sainte ont été témoins de tous les combats entre l’Antichrist et le roi du Nord, mais aussi pour plusieurs de ceux qui dorment, c’est-à-dire, qui ne se sont pas encore avancés, qui ont été à l’écart des troubles de leur nation, qui sont restés dans une obscurité totale, comme, pour ainsi dire, dormant dans la poussière de la terre. « Plusieurs de ceux-là se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour les opprobres et pour l’infamie éternelle ». Cela prouve clairement que ce n’est point la résurrection des justes, parce que lorsqu’elle a lieu personne ne se relève pour les opprobres et pour l’infamie éternelle. Le passage n’a absolument aucun rapport avec la résurrection corporelle, qui ne fait que fournir ici, simplement, une figure pour exprimer le rétablissement national d’Israël, qui est représenté comme dormant dans la poussière, afin d’exprimer la profondeur dans son état de dégradation. L’heure était arrivée maintenant où il allait se réveiller et éclater en chant de triomphe, selon les paroles d’Ésaïe.

Mais il nous faut arriver à un autre passage, le plus clair de tous peut-être sur le sujet que nous considérons. Il se trouve dans la prophétie d’Ézéchiel, où la même figure est employée dans une prédiction très manifeste de la restauration d’Israël. Ésaïe les appelait un corps mort, et parlait d’eux comme dormant dans la poussière, d’où ils devaient se réveiller. Daniel aussi appelait le changement qui s’opérait dans leur état, un réveil de leur sommeil au sein de la poussière. Ézéchiel va plus loin encore, et les représente non pas seulement comme morts, mais comme ensevelis dans leurs tombeaux. Or, s’il peut être prouvé que ce passage n’est point relatif à une résurrection corporelle littérale, mais bien à une restauration nationale d’Israël, la chaîne d’évidence entre tous ces passages sera complète. C’est une chose manifeste qu’il en est ainsi, en effet, car, dans cette prophétie nous ne sommes pas réduits à en chercher le sens dans le contexte, mais il y en a une interprétation divine. Nous n’avons pas seulement la prophétie, mais nous avons la prophétie expliquée, et l’explication donnée à Ézéchiel, et par lui, de la prophétie, exclut toute autre pensée que celle que je me suis efforcé de produire devant vous. Au commencement du chapitre 37, nous trouvons une campagne pleine d’ossements desséchés. « Et il me dit : Fils d’homme, ces os pourraient-ils bien revivre ? Et je répondis : Seigneur Éternel, tu le sais ! Alors il me dit : Prophétise sur ces os, et leur dit : Os secs, écoutez la parole de l’Éternel. Ainsi a dit le Seigneur l’Éternel à ces os. Voici, je m’en vais faire entrer l’esprit en vous, et vous revivrez. Et je mettrai des nerfs sur vous ; et je ferai croître de la chair sur vous, et j’étendrai de la peau sur vous, puis je remettrai l’esprit en vous, et vous revivrez, et vous saurez que je suis l’Éternel. Alors je prophétisai selon qu’il m’avait été commandé ; et sitôt que j’eus prophétisé, il se fit un son, et voici, il se fit un mouvement, et ces os s’approchèrent l’un de l’autre. Puis je regardai, et voici, il vint des nerfs sur eux, et il y crût de la chair, et la peau fut étendue par-dessus ; mais l’esprit n’y était point ». Y a-t-il quelqu’un qui puisse penser sérieusement que c’est là la manière dont l’Église ressuscitera d’entre les morts ? Y a-t-il une âme assez abusée pour voir dans ces paroles une description de la manière dont nos corps doivent ressusciter ? Des os venant ensemble d’abord ; ensuite la chair et la peau qui les recouvrent ; et puis la respiration qui est mise en eux ? Un esprit sobre peut-il prétendre que ce tableau a tout premièrement pour but de figurer l’œuvre de l’évangile dans la vivification des âmes ? Mais, dans ce cas, que signifient les os d’abord, etc ?

« Alors il me dit : Prophétise à l’esprit ; prophétise, fils d’homme, et dis à l’esprit : Ainsi a dit le Seigneur, l’Éternel : Esprit, viens des quatre vents, et souffle sur ces morts, et qu’ils revivent. Je prophétisai donc comme il m’avait été commandé, et l’esprit entra en eux, et ils revécurent et se tinrent sur leurs pieds, et ce fut une armée extrêmement grande. Alors il me dit : Fils d’homme, ces os sont toute la maison d’Israël ». Quoi de plus simple que l’explication que Dieu donne de la vision ? Il l’applique à toute la maison d’Israël, quoique, sans aucun doute, ce fût la vision d’une résurrection. Ézéchiel vit les os revivre, et les hommes se tenir sur leurs pieds. Mais puis, nous voyons Dieu nous donner le sens réel et l’application propre de cette vision. Pour la résurrection du corps, nous la trouvons très pleinement ailleurs dans le Nouveau Testament, par exemple, et aussi dans Job. Les évangiles, les épîtres, l’Apocalypse nous présentent la résurrection tant des justes que des injustes — une résurrection bienheureuse pour les uns, et une résurrection qui aura de terribles conséquences de malheur pour ceux qui y seront compris. Mais ici nous avons le même Dieu faisant usage de la résurrection, comme d’une figure pour décrire la bénédiction qu’Il doit faire venir sur le peuple d’Israël. C’est d’une façon semblable qu’en Luc 15, Il applique la même figure à la conversion du fils prodigue : « Mon fils, que voici, était mort, et il est revenu à la vie, il était perdu, et il est retrouvé ». Paul l’emploie aussi pour nous présenter la bénédiction qui résultera bientôt pour le monde du rétablissement d’Israël : « Quelle sera leur réception, sinon la vie d’entre les morts ? ». Je maintiens donc qu’il n’y a pas d’autre interprétation de ce passage qui porte l’empreinte de l’Esprit de Dieu. On peut s’en servir pour prêcher l’évangile, ou en faire une application figurée, et je n’ai pas d’objection à ce qu’on l’emploie de la sorte : mais la Parole de Dieu nous fournit à la fois la vision et son interprétation, et je n’ai pas plus de motif de croire l’une que l’autre. Dieu déclare qu’elle signifie la maison d’Israël ; en conséquence elle ne signifie point la résurrection des corps. Lorsque les hommes seront ressuscités des morts, dans le sens physique propre, il n’y aura rien de semblable à la maison d’Israël parmi ceux qui seront ainsi ressuscités. La résurrection met fin à toutes les relations qui tiennent au temps et au monde. Il en résulte que ce que nous avons ici est tout simplement une figure qui lui est empruntée, et qui s’applique au futur rétablissement d’Israël — qui sera alors une nation sainte, mais pourtant une nation.

« Ces os sont toute la maison d’Israël ; voici, ils disent : Nos os sont devenus secs, et notre attente est perdue ; c’en est fait de nous. C’est pourquoi, prophétise, et leur dit : Ainsi a dit le Seigneur l’Éternel : Mon peuple, voici, je m’en vais ouvrir vos sépulcres, et je vous tirerai hors de vos sépulcres, et vous ferai rentrer en la terre d’Israël ». Rien ne saurait être plus clair, et tout le chapitre rend témoignage de la même chose. Mais il y a plus que cela : « Et vous, mon peuple, vous saurez que je suis l’Éternel, quand j’aurai ouvert vos sépulcres, et que je vous aurai tirés hors de vos sépulcres. Et je mettrai mon Esprit en vous, et vous revivrez ; et je vous placerai sur votre terre ; et vous saurez que moi, l’Éternel, j’aurai parlé, et que je l’aurai fait, dit l’Éternel ». Ce qui suit jette là-dessus plus de lumière encore. C’est une autre vision qui se rattache à celle-là. Le prophète reçoit l’ordre de prendre deux bâtons et de les joindre l’un à l’autre, exprimant, par cet acte symbolique, un autre côté de la bénédiction en réserve pour Israël. Si tout Israël devait être tiré hors de ses sépulcres, il eût été possible que les douze tribus formassent deux parties séparées, comme dans les anciens jours ; mais maintenant survient une condition nouvelle, qui nous apprend que lorsqu’aura lieu le retour d’Israël à la vie, les intérêts, autrefois divisés, seront confondus et ne feront qu’un. Cela ne se rapporte en rien à l’Église, ni à notre état, quand nous serons ressuscités des morts. Nous ne serons point plantés dans le pays d’Israël sous David comme notre roi. Lors même que nous prendrions ici David comme type de Christ, telle n’est point encore notre relation. Nous sommes le corps et l’épouse de Christ — nous ne sommes pas simplement un peuple sur lequel règne un roi.

Ainsi, le rapprochement de ces diverses portions de la Parole de Dieu, prouve, avec force, que le passage de Daniel dont nous sommes occupés en ce moment, a trait uniquement à Israël. Et comme le premier verset nous présente la délivrance des Juifs dans leur pays au temps de leur plus rude détresse, de même le second nous signale ce qui est la clé pour l’intelligence de tant de prophéties — la sortie de la race des Juifs des lieux où ils se cachent, et de leur profonde dégradation, état exprimé par leur sommeil au sein de la poussière et la manière dont ils s’en réveillent. Mais qu’il s’agisse de ceux qui se trouvent dans le pays, ou de ceux qui sortent de la poussière de la terre et d’entre les Gentils, personne n’échappera, excepté ceux qui sont les objets des conseils de Dieu, c’est-à-dire qui seront « trouvés écrits dans le livre ». Quelques-uns peuvent se réveiller, comme l’exprime la figure, pour prendre leur part dans la grande lutte de la fin, mais n’étant pas enregistrés dans le livre de Dieu, ils seront abandonnés aux opprobres et à l’infamie éternelle. Pour les autres, ce n’est pas simplement une délivrance nationale, mais bien davantage. Ceux qui échapperont seront véritablement nés de Dieu. À leur relèvement s’attache un caractère spirituel, aussi bien qu’un caractère national.

Mais poursuivons rapidement le reste de notre chapitre. L’Esprit de Dieu nous fait voir que plusieurs parmi eux auront une maturité remarquable. Ce sont ceux qui sont dits être « intelligents ». « Ceux qui auront été intelligents luiront comme la splendeur de l’étendue ». Ceux-là ont été distingués dans un temps de détresse parmi les Juifs. « Et ceux qui auront instruit les plusieurs dans la justice, luiront comme des étoiles à toujours et à perpétuité ». Nous sommes ainsi obligés de faire un changement dans la version, parce que l’expression « amené plusieurs à la justice » qui se trouve dans la version ordinaire, est tout à fait malheureuse. Le véritable sens est « ceux qui auront enseigné la justice aux plusieurs ». Il n’est pas question du succès qu’ils ont obtenu ; l’idée n’est point s’ils les ont réellement amenés ou non à la justice, mais tout simplement que « ceux qui ont enseigné les plusieurs » ou la masse des Juifs, ont la promesse de la bénédiction. Il est possible qu’ils n’aient obtenu que de petits résultats, mais la question est s’ils ont travaillé pour Dieu, et maintenu les droits de Sa vérité. Le même terme hébreu se trouve dans d’autres parties de l’Écriture, où il n’y a pas de doute qu’il signifie justifier. Les traducteurs, jugeant avec juste raison que l’expression « justifier » ne serait pas convenable dans une phrase qui décrit l’action de l’homme, tandis que la justification appartient certainement à Dieu, l’ont remplacée par celle de « amener à la justice ». Mais je prends la liberté de préférer la version que j’ai déjà mentionnée — « instruire dans la justice ». Il semblerait donc qu’il y aura certains Juifs qui auront montré, comparativement, un haut degré d’intelligence de la pensée de Dieu. Ils sont appelés « les intelligents ». Mais outre ces intelligents, il y en a d’autres qui, mus par l’énergie spirituelle, sortent, comme nous avons vu, pour enseigner la masse des Juifs, déjà tombés alors, ou qui tombent plus tard, sous la puissance de l’Antichrist. L’expression « les plusieurs » est une expression technique en Daniel, pour désigner la masse incrédule, ou ceux qui sont perdus. Ceux qui instruiront les plusieurs dans la justice, brilleront comme des étoiles à toujours et à perpétuité.

Je saisis cette occasion pour dire que c’est là le véritable sens d’un verset d’Ésaïe 53, qui a singulièrement tourmenté les critiques : « Par sa connaissance, mon serviteur juste, en justifiera plusieurs » (vers. angl.). Beaucoup de chrétiens l’ont sans doute rattaché avec celui-ci de l’épître aux Romains : « par son obéissance plusieurs seront rendus justes ». Mais il n’y a pas un rapport quelconque entre les deux pensées. Prenez-le dans le sens que nous venons de trouver au passage de Daniel, et tout est parfaitement clair. Je n’ai pas le moindre doute que telle est sa véritable signification. Il est question d’instruire dans la justice, et ce n’est point la justification qui fait là le sujet. Dans le cas du Seigneur, naturellement l’instruction sera parfaite, mais même là, ceux qui sont l’objet de Son activité, sont désignés par le mot de « plusieurs », et ce ne sont point « les plusieurs » comme c’est le cas en Daniel. Ici nous trouvons que ces âmes pieuses, parmi les Juifs, possèdent une certaine connaissance de la vérité divine, et instruisent la masse dans la justice. Il ne sera pas question en ce jour-là de semer et de prêcher la grâce. Elles instruiront dans la justice : il se peut qu’elles expriment les pensées bénies de Dieu en rapport avec Israël, mais elles enseigneront dans la justice. Le sens de « justifier » ne serait point juste, que nous regardions à ceux qui agissent, ou à ceux à l’égard desquels ils agissent. Nous pourrions peut-être le comprendre de l’action du Seigneur en Ésaïe 53. Mais même pour ce cas-là, demandez à qui que ce soit ce qu’il faut entendre par la déclaration qu’il en justifie plusieurs par sa connaissance, et vous verrez comme on devra aller loin pour chercher une réponse plausible. Quelques défenseurs de cette interprétation tachent d’entendre le verset comme s’il y avait « par la connaissance qu’ils auront de lui », mais cela ne peut tenir. La véritable signification, c’est que le Seigneur emploierait Sa connaissance comme moyen d’en instruire plusieurs. En Ésaïe et en Daniel, il est question d’instruire dans la justice, et non de justifier ni d’amener à la justice.

Dans le verset qui suit, nous trouvons un principe important sur lequel nous devons dire quelques mots. « Mais toi, Daniel, ferme ces paroles, et cachette ce livre jusqu’au temps déterminé, auquel plusieurs courront, et la science sera augmentée ». Ici Daniel est informé que les choses qu’il avait vues, et les communications qu’il avait reçues, tout en étant de Dieu sans aucun doute, n’étaient pas destinées à avoir encore leur application et leur utilité. Tout devait être un livre scellé jusqu’à une époque éloignée, en un mot, jusqu’au temps de la fin (vers. angl.). Dans un verset plus bas, Daniel pose la question : « Quelle sera l’issue de ces choses ? ». Et la réponse est : « Va, Daniel, car ces paroles sont closes et cachetées, jusqu’au temps de la fin. Il y en aura plusieurs qui seront nettoyés et blanchis, et rendus éprouvés ; mais les méchants agiront méchamment, et pas un des méchants n’aura de l’intelligence ; mais les intelligents comprendront » ; langage qui montre clairement que l’intelligence des paroles de Dieu est une chose spirituelle, et non affaire simplement de capacité intellectuelle. S’il n’en était pas ainsi, les méchants pourraient comprendre tout aussi bien que les justes ; tandis qu’il est expressément déclaré que pas un des méchants n’aura de l’intelligence, mais que les intelligents comprendront, c’est-à-dire, ceux dont il a été question plus haut.

Remarquez comme cela a de l’importance. Dans le dernier chapitre de l’Apocalypse, nous voyons qu’il est parlé au prophète Jean, à la fin de sa prophétie. C’est un contraste très frappant avec ce qui est dit à Daniel. Celui-ci, dans son dernier chapitre, reçoit l’ordre de tout fermer, de tout cacheter jusqu’au temps de la fin ; il est dit, au contraire, à Jean, dans le dernier chapitre de l’Apocalypse, de ne pas cacheter « les paroles de la prophétie de ce livre, parce que le temps est proche ». En d’autres termes, il y a un parfait contraste entre les injonctions faites aux deux prophètes. Pour le prophète juif tout est scellé jusqu’au temps de la fin ; pour le prophète chrétien il n’y a rien de scellé, tout est ouvert. D’où cela vient-il ? Le voici : c’est que l’Église — le chrétien — est toujours censée être au temps de la fin. Le don du Saint Esprit a changé toute chose. À partir de là rien n’a été scellé pour le chrétien : toute la pensée de Dieu, Ses affections, Ses conseils, et même Ses secrets relativement au monde, tout ce qui se trouve dans les Écritures de vérité lui est accessible par la puissance de Dieu. Le chrétien, même le plus faible, le plus ignorant, a le Saint Esprit qui fait en lui Sa demeure. Aussi, écrivant aux jeunes enfants, saint Jean leur dit-il : « Vous avez l’onction de la part du Saint, et vous connaissez toutes choses ». Toute la science du monde ne peut jamais rendre un homme capable de comprendre la Bible ; tandis que si quelqu’un est né de Dieu, il peut comprendre tout ce que Dieu révèle : il n’a besoin que d’être conduit en avant, et plus parfaitement instruit. L’apôtre ne parle point des connaissances actuelles du jeune enfant, qui pouvaient être fort légères. En qui donc nous glorifions-nous, et devons-nous nous glorifier ? En Dieu, qui nous a départi un aussi merveilleux privilège. Quiconque possède le Saint Esprit a, par là même, une capacité divine pour entrer dans les choses de Dieu. Il n’a besoin que d’être dans des circonstances convenables, de compter sur Dieu, et d’apprécier Sa Parole, et ce qui est de Dieu sera manifesté et démontré être divin.

Cela se rattache au fait que l’Esprit de Dieu est donné à l’Église dans un sens particulier, qui n’était pas connu même des prophètes ; car quoiqu’ils eussent l’Esprit pour les inspirer, comme naturellement nous ne l’avons pas, nous avons cependant le Saint Esprit toujours demeurant en nous ; et une des conséquences de cette bénédiction, c’est que nous avons l’intelligence spirituelle, « la pensée de Christ » qu’ils ne possédaient pas. C’est à cause de cela, comme vous pouvez vous le rappeler, que l’Esprit de Dieu en 1 Pierre 1 met en contraste la condition actuelle du chrétien avec celle des saints et des prophètes eux-mêmes, sous l’Ancien Testament. Il nous les montre « recherchant pour quand et pour quel temps l’Esprit de Christ, qui était en eux, rendant par avance témoignage, déclarait les souffrances qui devaient arriver à Christ, et les gloires qui suivraient ; et il leur fut révélé que ce n’était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu’ils administraient ces choses qui vous sont maintenant annoncées par ceux qui vous ont annoncé la bonne nouvelle, par l’Esprit Saint envoyé du ciel ». C’est-à-dire que nous sommes placés dans la connaissance et la jouissance actuelles de choses dont il leur fut déclaré qu’elles ne les concernaient point, mais qu’elles nous concernaient nous, qui appartenons au Nouveau Testament. C’est là un point de haute importance. Ils possédaient la promesse, et c’était pour eux le salut. Mais nous avons beaucoup plus : nous avons une bénédiction positive, accomplie — la rédemption non pas simplement promise, mais effectuée. Et maintenant, le chrétien, délivré par la grâce de toute incertitude quant à ses péchés, est libre d’entrer dans les choses bénies de Dieu. En conséquence, Dieu nous dit maintenant : Il ne vous faut pas cacheter le livre. La fin étant moralement arrivée, c’est dans le temps de la fin que nous sommes envisagés ; et c’est la raison pour laquelle nous attendons à tout moment la venue du Seigneur. Là où prévaut la pensée juive, on a toujours devant soi la perspective d’un temps préalable de grande détresse. On ne voit point que Dieu a un dessein à l’égard d’Israël, aussi bien qu’envers l’Église ; que lorsqu’Il nous aura retirés à notre place propre dans la gloire céleste, Il reprendra de nouveau Ses voies avec les Juifs, et que ce sont eux, et non pas nous, qui seront appelés à traverser la grande tribulation, et à voir les signes qui proclameront l’approche du Fils de l’homme vers la terre.

Cela sert aussi à expliquer comment il se fait que nous pouvons comprendre ces prophéties. Daniel ne le pouvait pas, selon qu’il le dit ici : « Ce que j’ouïs bien, mais je ne l’entendis point ; et je dis : Mon seigneur, quelle sera l’issue de ces choses ? Et il dit : Va, Daniel, car ces paroles sont closes et cachetées jusqu’au temps de la fin ». Puis arrive le christianisme, et pas une d’elles n’est close — pas une n’est cachetée : elles sont toutes ouvertes. La fin est toujours proche pour nous : comme il est écrit, 1 Corinthiens 10, 11 : « ces choses ont été écrites pour nous servir d’avertissement, à nous que les fins des siècles ont atteints ». Et c’est toujours ainsi. « Christ est dit avoir été manifesté une fois, en la consommation des siècles, pour l’abolition du péché, par le sacrifice de lui-même ». L’Église est toujours supposée être à la fin, et, par la vertu de l’Esprit, anticiper le résidu pieux et intelligent. À la vérité, l’Église commença par un résidu de Juifs qui avaient foi dans leur Messie. C’est ainsi que la Pentecôte commença par ce qui sera vrai de nouveau, après que nous aurons été retirés dans le ciel. Car lorsque Dieu aura transporté les saints et que le temps de la fin sera venu à la lettre, il y aura une fois de plus un résidu de Juifs fidèles. « Mais les intelligents comprendront ». L’Église est toujours supposée se tenir dans ces privilèges, et est essentiellement au-dessus des découvertes ou des progrès du siècle.

Pour ce qui est des « jours » dont il est parlé à la fin du chapitre, qu’est-ce qu’ils signifient ? Il est dit au verset 11 : « Or, depuis le temps que le sacrifice continuel aura été ôté, et qu’on aura mis l’abomination de la désolation, il y aura mille deux cent quatre-vingt-dix jours ». Auparavant, il avait été dit dans le verset 7, par l’homme vêtu de lin, que ce serait « jusqu’à un temps, à des temps, et une moitié de temps » ; — c’est-à-dire, mille deux cent soixante jours. Le verset 11 ajoute aux mille deux cent soixante jours, trente jours, ou un mois de plus. Ensuite au verset 12, nous trouvons encore une autre époque. « Heureux celui qui attendra, et qui parviendra jusqu’à mille trois cent trente-cinq jours ». C’est-à-dire qu’il est encore ajouté un mois et demi. De sorte que nous avons, d’abord, mille deux cent soixante jours ; puis mille deux cent quatre-vingt-dix jours, et enfin mille trois cent trente-cinq jours. Quelle est, pouvons-nous demander, la signification de cela ? Et à partir de quel temps devons-nous calculer ces jours ? La réponse est : « Depuis le temps que le sacrifice continuel aura été ôté, et qu’on aura mis l’abomination de la désolation ».

Et maintenant je voudrais faire une remarque qui a quelque importance, comme rattachant ensemble tout ce qui a été dit, et présentant une preuve concluante en faveur de la vérité de l’interprétation que nous venons de donner de cette prophétie. Il s’agit du verset même que citait notre Seigneur en Matthieu 24. « Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation dont il a été parlé par Daniel le prophète, établie dans le lieu saint (que celui qui lit comprenne !), alors, que ceux qui seront en Judée s’enfuient aux montagnes ». La question est, où Daniel parle-t-il de cela ? Je réponds, dans le verset 11 de ce chapitre. C’est le seul verset qui réponde parfaitement à celui de Matthieu.

Il nous est déclaré qu’à partir de ce moment-là, il doit y avoir mille deux cent quatre-vingt-dix jours, puis une autre période de quarante-cinq jours, et ensuite la pleine bénédiction. Est-ce que cela a eu lieu ? Si vous l’appliquez à quelque chose qui soit passé, comme par exemple, à la destruction de Jérusalem par Titus, et que vous comptiez mille trois cent trente-cinq jours depuis le temps où les Romains prirent la ville, la bénédiction est-elle réellement arrivée ? Peu importe de quelle manière vous prenez les jours. Imaginez qu’ils représentent mille trois cent trente-cinq années depuis cette destruction de Jérusalem : trouvez-vous à leur terme la bénédiction des Juifs et la bénédiction des saints, conformément à la Parole de Dieu que nous lisons ici ? Rien de pareil. Qu’en conclure alors, sinon que vous avez pris une date fausse ? L’abomination qui amène la désolation n’est pas encore arrivée ; quand elle le sera dans le sens qu’ont les paroles du Seigneur, il suivra une période de mille trois cent trente-cinq jours, après lesquels viendra la pleine bénédiction.

Mais un autre mot encore au sujet de ces différents nombres de jours : d’abord les mille deux cent soixante jours, puis les mille deux cent quatre-vingt-dix, et ensuite enfin, les mille trois cent trente-cinq. Je pense que la raison en est, que la bénédiction d’Israël ne sera pas introduite tout d’un coup. Le premier grand changement sera lors de la destruction du « roi ». Elle a lieu à l’expiration des mille deux cent soixante jours. Mais comme nous le voyons au chapitre 11, après « le roi » c’est le tour du roi du Nord, avec lequel il faut aussi en finir. Par conséquent, il y a une nouvelle période de délai. Mais je ne puis dire si elle coïncidera avec les trente jours de plus (ou mille deux cent quatre-vingt-dix), ou bien avec les quarante-cinq jours suivants (mille trois cent trente-cinq). Ce dont, toutefois, nous pouvons être assurés, c’est que les mille trois cent trente-cinq jours nous mènent jusqu’à l’accomplissement de l’œuvre entière ; et je suis enclin à penser que la destruction du roi du Nord est l’un des derniers, sinon le dernier, de tous ces actes de jugement qui doivent s’accomplir avant que commence l’époque de la bénédiction. Il est dit en Ésaïe 10, 12 : « Mais il arrivera que, quand le Seigneur aura achevé toute son œuvre dans la montagne de Sion et à Jérusalem, j’examinerai le fruit de la grandeur du roi d’Assyrie et la gloire de la fierté de ses yeux ». Ces paroles me semblent indiquer que c’est le dernier acte de jugement du Seigneur en rapport avec la bénédiction d’Israël. Après la mort de l’Antichrist il y aura un ou deux intervalles, durant lesquels le Seigneur détruit encore ses ennemis et les ennemis d’Israël. « Heureux celui qui attendra et qui parviendra jusqu’à mille trois cent trente-cinq jours ».

Maintenant je ferme ce livre, en priant le Seigneur de le rendre aussi réellement profitable qu’il est intéressant. Un de ces fruits les plus importants aura été celui-ci — de délivrer l’enfant de Dieu de l’idée que l’Église est tout. Ce n’est pas là un système véritable. En juger ainsi c’est tomber dans la même espèce de méprise que les anciens astronomes, quand ils considéraient la terre comme le centre du système du monde, parce qu’elle était le lieu où ils vivaient. C’est là ce qui gâte l’homme : il se fait le centre de toute chose. La même erreur se commet dans la théologie. On a fait de l’Église, parce que nous y sommes, la pensée centrale de l’Écriture, tandis que c’est Christ qui est cette pensée centrale. Il est le centre de la bénédiction céleste, et l’Église se meut autour de Lui ; Il est le centre de la bénédiction juive, et les Juifs se meuvent autour de Lui. Que ce soit au ciel ou en la terre, Christ est donc le centre de toutes les pensées de Dieu en bénédiction ; et c’est quand nous tenons nos cœurs fixés à cela, qu’il y a paix, progrès et bénédiction abondante. La raison pour laquelle très souvent les âmes n’ont pas la paix, c’est qu’elles sont occupées d’elles-mêmes, et qu’elles ne trouvent pas ce qu’elles pensent devoir être dans un chrétien. Au lieu que si je regarde à Christ, il n’y a point de difficulté. La question est alors : Christ mérite-t-Il qu’un être tel que moi soit sauvé ? Puis-je répondre qu’Il ne le mérite pas ? Il en résulte que je suis heureux, et Dieu peut m’employer à Son service. Mais si je suis dans l’anxiété au sujet du salut de ma propre âme, comment pourrais-je être occupé au service des autres ? Nous n’en aurons jamais fini avec le moi, jusqu’à ce que Christ soit devenu pour nous le centre de toute chose. Puisse-t-Il l’être réellement ! Il est le centre de toutes les pensées de Dieu en amour et en justice, aussi bien qu’en gloire.



  1. Voir Remarques sur le livre de Daniel (W. Kelly).
  2. Les chapitres 11 et 12 font un tout avec le chapitre 10.
  3. « Les quatre empires sont aussi nettement dessinés, et les invincibles armées romaines sont aussi clairement décrites, dans les prophéties de Daniel, que dans les histoires de Justin et de Diodore ». — Gibbon
  4. Je ne doute pas que l’expression « les navires de Kittim » (Dan. 11, 30) désigne la puissance navale de Rome qui intervint contre Antiochus Épiphane. Mais comme cette allusion est moins explicite que les passages Luc 2 ; 20 ; Jean 11, 48 ; 19, 15, j’ajoute la preuve tirée du Nouveau Testament.
  5. Ce dernier membre, qui sera présente, est incontestablement la bonne leçon d’après les meilleurs textes critiques. Il n’y a absolument aucun doute là-dessus. Quiconque connaît l’Apocalypse comme il faut ne le contestera point.