Traité:Élie le Thishbite

De mipe
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(Traduit de l’anglais par E.L. B.)C.H. Mackintosh

Préface de l’auteur

En publiant les pages suivantes, l’auteur désire ardemment que le Seigneur daigne s’en servir pour diriger les pensées des croyants sur la doctrine de la position et de l’espérance de l’Église. Cette doctrine deviendra toujours plus importante, tandis que les anciens principes continuent d’opérer et que des principes nouveaux commencent à se montrer.

L’auteur a écrit pour l’Église et non pour un parti ; pour les brebis du troupeau de Christ et non pour les membres d’une secte. L’aspect actuel des choses devrait avoir pour effet de conduire le chrétien à une grande largeur d’esprit et de cœur, tout en le tenant attaché à la simple Parole de Dieu et en gardant ses pieds dans le chemin étroit. La confusion règne autour de nous ; il ne manque pas de controverse et de divergence ; mais l’étude des Écritures, avec tranquillité et prière, nous rendra capables de discerner entre les hommes et les principes, et d’éviter des extrêmes dangereux.

La vérité de Dieu n’a jamais été affectée par tout ce qui est arrivé parmi les chrétiens ; l’ignorance et la faiblesse de l’homme ont été exposées, mais les principes divins demeurent toujours purs et inébranlables. Si les hommes veulent bâtir des systèmes, il faut que ceux-ci finissent tôt ou tard, comme Babel ; et plus l’homme mêle la vérité divine avec ses propres idées dans la construction de son système, plus il déshonore Dieu et tend à égarer ses semblables. Il ne faut pas que la vérité soit corrompue par un mélange humain ; elle doit se conserver pure. Ainsi nous pouvons être assurés que ceux qui s’attendent à Dieu avec humilité et patience, tout en sentant leur faiblesse, réaliseront toujours avec bonheur l’accomplissement de la promesse : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux ».

Élie le Thishbite

Introduction

L’exercice du ministère prophétique en Israël était toujours la preuve de la décadence nationale. Aussi longtemps que les grandes institutions du peuple étaient maintenues dans leur vigueur et que le mécanisme de l’économie mosaïque subsistait selon sa première disposition, il n’y avait aucun besoin d’une action étrangère, et l’on n’entendait jamais la voix d’un prophète.

Mais quand le déclin commençait, quand les lois et les ordonnances qui avaient été arrêtées par Dieu Lui-même, cessèrent d’être administrées selon l’esprit et la puissance des premiers jours, alors survint le besoin d’un ministère nouveau, qui a été rempli par l’énergie du Saint Esprit dans les prophètes. Il n’y avait rien, dans toute l’étendue des ordonnances et des cérémonies du Lévitique, pour former un ministère tel que celui d’Élie le Thishbite ; car l’élément charnel dans ce service aurait entravé l’action prophétique. Le message d’un prophète ne pouvait être annoncé que dans la puissance du Saint Esprit ; ainsi pendant tout le temps où les ordonnances lévitiques remplissaient leur but, il n’était pas nécessaire que l’Esprit déployât de l’énergie nouvelle. Il n’y avait pas besoin d’un prophète tel qu’Élie, aux jours de la gloire et de la grandeur de Salomon. Tout était en ordre alors, le mécanisme tout entier était en bon état ; chaque roue, chaque vis fonctionnait effectivement à sa place.

Le roi sur le trône portait le sceptre pour maintenir les droits civils d’Israël ; le sacrificateur, au temple, accomplissait dûment ses devoirs religieux, les Lévites et les chantres étaient tous à leurs places ; en somme, tout marchait avec un tel ordre que la voix d’un prophète était inutile. Cependant, tout a été changé ; les flots du mal ont envahi la terre et ont emporté les fondements mêmes du système civil et religieux en Israël. Des impies, avec le temps, sont montés sur le trône de David et ont sacrifié les intérêts du peuple à leurs propres convoitises ; le mal atteignit une telle autorité que finalement, le méchant Achab, avec sa femme Jézabel, occupait le trône d’où Salomon avait dispensé la justice divine. L’Éternel ne pouvait plus patienter — Il ne pouvait permettre que la marée du mal montât plus haut ; et voilà pourquoi Il a lancé de Son carquois une flèche préparée pour percer la conscience d’Israël, si toutefois Il pouvait ramener Son peuple à une fidélité heureuse. Cette flèche n’était autre qu’Élie le Thishbite — le témoin hardi et austère, qui restait à la brèche au moment où tous avaient abandonné le combat, étant impuissants pour résister à l’impétueux torrent du mal.

Mais avant de considérer la vie et le ministère de cet homme remarquable, nous ferons bien de noter le double caractère de la prophétie. Nous verrons, en nous occupant du ministère des prophètes, que non seulement un message particulier avait été confié à chacun d’eux, mais qu’il y avait un double but à remplir pour le même prophète.

Le Seigneur s’adressait aux consciences des siens pour que le mal fût jugé, et en même temps Il dirigeait l’œil de la foi vers la gloire à venir.

Le prophète, par le Saint Esprit, présentait la lumière et la vérité de Dieu aux cœurs et aux consciences — il exposait pleinement et fidèlement tout le mal intérieur — il parlait clairement du triste déclin du peuple et de leur abandon de l’Éternel, tandis qu’il ôtait les fondements du faux système religieux qui s’établissait en Israël. Mais le prophète ne s’arrêtait pas là ; ç’aurait été triste en effet s’il n’avait parlé que des manquements du peuple et de la perte de leur ancienne gloire ; mais à la parole : « Ô Israël, tu t’es ruiné », il pouvait, par la grâce, ajouter cette assurance consolante : « Mais ton secours est en moi ».

En ceci nous voyons les deux éléments qui composaient le ministère des prophètes, c’est-à-dire, la ruine complète d’Israël et la grâce triomphante de Dieu. Nous y voyons le départ de la gloire en rapport avec la désobéissance d’Israël, et son retour final en rapport avec l’obéissance et la mort du Fils de Dieu. En vérité, ce ministère possédait un caractère très élevé et très saint. Quel glorieux service, en effet, d’être envoyé au milieu des débris d’un système ruiné, et de pouvoir y indiquer l’heureux moment où Dieu se manifesterait dans les résultats immortels de Sa propre grâce en rédemption, et cela pour la joie de Ses rachetés, tant au ciel que sur la terre ! Et qu’est-ce que cette grâce, sinon l’évangile ? En quoi le ministère du prophète diffère-t-il de celui de l’évangéliste ? En rien, car n’est-ce pas que l’évangéliste, lui aussi, rend témoignage à l’homme qu’il est perdu, tout en lui annonçant la pleine valeur de l’œuvre accomplie de Jésus ? Voilà le témoignage de l’évangéliste ; d’un côté, il parle de la ruine de l’homme et de la fin de toutes ses prétentions ; de l’autre, il annonce la pleine manifestation des gloires divines, selon les conseils de Dieu en rédemption. Heureux ministère, glorieux et divin ! Service d’honneur ! Puissent nos cœurs en apprendre la vraie valeur !

Le premier message du prophète (1 Rois 17, 1)

Le règne d’Achab, fils d’Omri, forma une époque sombre et lugubre dans l’histoire d’Israël. L’iniquité était à son comble, les péchés de Jéroboam ne semblaient que peu de chose comparés avec la liste noire des transgressions d’Achab. La méchante Jézabel, fille du roi païen des Sidoniens, avait été choisie d’Achab pour être la compagne de son cœur et de son trône, et ce seul fait suffisait pour établir l’oppression de tout Israël et pour renverser l’ancien culte. En somme, le Saint Esprit nous dit tout en ces paroles : « Achab fit plus que tous les rois d’Israël qui avaient été avant lui, pour provoquer à colère l’Éternel, le Dieu d’Israël » (1 Rois 16, 33). C’en est assez, car tous les rois depuis Jéroboam avaient commis le mal aux yeux du Seigneur, et le fait de commettre plus qu’eux tous indiquait une culpabilité peu ordinaire. Voilà donc Achab ; voilà l’homme qui siégeait sur le trône d’Israël, lorsqu’Élie le Thishbite commençait son témoignage prophétique.

Il y a quelque chose de profondément triste sous le règne d’Achab. Toutes les lumières avaient été éteintes, toute voix de témoignage était réduite au silence. Le firmament où tant de brillants luminaires avaient resplendi, était sombre et nuageux. La mort s’étendait partout et il semblait que le diable allait tout emporter, quand Dieu, dans Sa miséricorde envers Son peuple opprimé et fourvoyé, suscita un notable et puissant témoin pour Lui dans la personne de notre prophète. C’est dans une telle occasion qu’un témoin produira un grand effet et exercera une grande influence. C’est après une longue sécheresse que la pluie fait sentir toute sa vertu rafraîchissante. La scène avait été préparée pour qu’un homme puissant parut pour agir avec une énergie divine contre toute la force du mal.

Il est bon de noter, cependant, qu’Élie nous est présenté, comme tous les serviteurs de Dieu, dans les circonstances de la discipline particulière, avant de paraître en public. Cela se voit chez tous les témoins de Dieu dans ce monde, sans même excepter Celui qui a été, par excellence, « le serviteur ». Tous ont été exercés en secret avec Dieu, avant d’agir publiquement devant les hommes ; et encore, ceux qui ont mieux compris la valeur et le but de leur exercice secret ont été les plus forts et les plus persévérants dans leur service public. Celui qui arrive à une position publique qui dépasse la mesure de son exercice secret avec Dieu, doit trembler en pensant à son sort, car il manquera d’accomplir son témoignage. Un bâtiment, dont l’édifice excède la mesure du fondement, croulera certainement. Lorsqu’un arbre étend ses branches dans l’air à un point qui dépasse la profondeur de ses racines, il devient incapable de résister à l’orage et tombera. Il en est ainsi de quelqu’un qui entre au service public ; il lui faut d’abord la solitude avec Dieu — son esprit doit être exercé en particulier. Il faut qu’il passe par une discipline profonde dans sa propre expérience, autrement, il ne sera qu’un théoriste et pas un vrai témoin ; il faut que son oreille soit ouverte pour entendre avant que sa langue puisse parler comme celle des savants. Où donc sont ces météores qui ont brillé de temps en temps en traversant le sentier de l’Église de Dieu, mais qui sont subitement disparus derrière les nuages ? D’où venaient-ils et où sont-ils ? Pourquoi n’ont-ils pas duré ? Ils n’étaient que des étincelles allumées par les hommes, il n’y avait pas de profondeur, ni de force pour persévérer, point de réalité ! Voilà pourquoi, après avoir brillé pour un temps, ils se sont éclipsés, sans produire d’autre effet que d’augmenter les ténèbres environnantes ou du moins la triste conscience de ces ténèbres. Tout vrai serviteur de Dieu doit pouvoir dire, selon sa mesure, avec l’apôtre Paul : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console à l’égard de notre affliction, afin que nous soyons capables de consoler ceux qui sont dans quelque affliction que ce soit, par la consolation dont nous sommes nous-mêmes consolés de Dieu » (2 Cor. 1, 3, 4).

Le dix-septième chapitre du premier livre des Rois nous raconte la première apparition d’Élie en public ; mais le Saint Esprit, dans l’épître de Jacques, nous renseigne sur son histoire précédente, et cela d’une manière très instructive, pour n’importe quel service particulier que nous ayons à accomplir. L’historien sacré nous présente le prophète d’une manière brusque, car nous le voyons d’emblée au commencement de son service, disant : « L’Éternel, le Dieu d’Israël, est vivant ». Mais il ne nous parle pas ici de l’exercice précédent d’Élie ; il n’est pas dit comment il avait appris la manière dont le Seigneur voulait qu’il parlât. De tout cela, quoiqu’il nous importe de le savoir, le Saint Esprit ne dit rien dans le livre des Rois ; Élie y est introduit seulement dans l’exercice saint de la puissance qu’il avait acquise en secret avec Dieu. Nous voyons Élie agissant en public, mais pas davantage. L’apôtre Jacques nous révèle le secret de la prière qu’Élie avait adressée à Dieu, avant qu’il sortît pour accomplir son service actif devant les hommes. « Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous, et il pria avec instance qu’il ne plût pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre durant trois ans et six mois » (Jacq. 5, 17).

Si le Saint Esprit ne nous avait pas informé de ce fait, par l’apôtre Jacques, il nous manquerait un des plus puissants motifs de la prière. Mais l’Écriture est divinement parfaite, et ne manque de rien ; voilà pourquoi Jacques nous parle de l’instante prière d’Élie et nous le montre dans son recueillement sur les montagnes de Galaad. C’est là, sans doute, qu’il avait pleuré l’état pitoyable du peuple Israël et qu’il s’était fortifié pour l’œuvre qu’il devait accomplir.

Cette circonstance dans la vie du prophète contient pour nous un renseignement utile. Nous vivons dans un temps de disette et de famine spirituelle ; de sorte que l’état de la chrétienté peut bien nous rappeler la vision des ossements desséchés d’Ézéchiel. Nous avons à résister non seulement aux maux des temps passés, mais aussi à la corruption mûrie d’une époque où les iniquités variées du monde païen se parent du manteau de la profession chrétienne. Et quand nous nous adressons à ceux dont la connaissance de la vérité et la piété extérieure nous encourageraient à nous attendre à une action chrétienne, plus saine et plus vigoureuse, nous trouvons, hélas ! dans la plupart des cas, que cette connaissance n’est qu’une théorie sans puissance, et qui n’exerce aucune influence sur les affections de l’homme intérieur. Parmi de telles personnes, on trouvera aussi que la vérité divine ne produit pas beaucoup d’intérêt, elles connaissent déjà tant par l’intelligence ! On ne peut rien leur présenter qu’elles ne prétendent savoir ; et voilà pourquoi elles entendent toute proclamation de la vérité sans s’émouvoir. La vérité ne leur parvient pas sous la forme de la nouveauté, et elles ne veulent pas y faire attention.

Dans un tel état de choses, quelle sera la ressource du fidèle ? Que peut-il faire ? Ce n’est que la prière — la prière patiente et persévérante dans la communion intime avec Dieu — qui peut le garder. Il lui faut un vrai exercice d’âme en présence du Seigneur : là seulement on peut former une vraie estimation de soi-même et de ses entourages ; et c’est là aussi que s’obtient la puissance spirituelle pour agir à la gloire de Dieu, soit envers les frères, soit envers le monde.

« Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous », et il se trouvait au milieu d’une noire apostasie où les cœurs étaient éloignés de Dieu. Il voyait disparaître les fidèles d’entre les fils des hommes, et le mal montait comme le flot autour de lui. La lumière de la vérité s’en allait ; l’autel de Baal avait remplacé l’autel de Jéhovah, et les cris des sacrificateurs de Baal avaient étouffé les chants sacrés des Lévites. En un mot, il n’y avait qu’une vaste ruine devant ses yeux ! Il le sentait ; il pleura sur l’état de choses, et, mieux encore, il pria avec instance. Voici la ressource intarissable du prophète affligé. Il se retira vers Dieu et là, il répandit son âme, tandis qu’il pleurait la ruine et les douleurs de son peuple bien-aimé. Il sentait profondément le triste état de choses en Israël, et voilà pourquoi il priait — non d’une manière froide et formelle, mais avec instance et persévérance.

C’est un bon exemple pour nous ; car jamais il n’y a eu nécessité de prier avec ferveur dans l’assemblée de Dieu comme au temps actuel. On dirait que Satan déploie tous ses maléfices afin d’accabler les esprits et de paralyser tous les efforts du peuple de Dieu. Pour les uns, il se sert de leurs occupations publiques ; pour les autres, ce sont les épreuves de famille ; pour d’autres encore, la douleur et les épreuves personnelles. En un mot, les adversaires abondent, et rien sinon l’excellente puissance de Dieu ne peut nous rendre capables de répondre à tout et de vaincre les obstacles.

Mais Élie ne fut pas appelé seulement à passer sain et sauf à travers le mal ; sa mission a été d’exercer une influence sur les autres. Il a été appelé à être fidèle à Dieu dans un temps de décadence, et il a dû lutter pour ramener sa nation au Dieu de ses pères. Combien plus donc avait-il besoin de chercher le Seigneur par la prière en secret et de recueillir assez de puissance spirituelle en présence de Dieu, non seulement pour échapper lui-même au mal, mais aussi pour être un instrument de bénédiction aux autres.

Élie sentait cette nécessité, et voilà pourquoi il pria avec instance qu’il ne plût pas. C’est ainsi qu’entra en scène la puissance de Dieu et que la prière d’Élie fut exaucée, car il ne tomba pas de pluie sur la terre durant trois ans et six mois. Dieu ne refuse jamais d’agir quand la foi s’adresse à Lui, ayant pour motif la gloire divine, et nous savons que c’est ainsi que le prophète s’est adressé à Lui. Il n’avait pas de plaisir à considérer la ruine du pays qui n’était plus rien qu’un désert aride et stérile, ni non plus à voir ses frères consumés par la famine et par toutes les horreurs qui l’accompagnent. Non, le prophète avait prié qu’il ne plût pas, dans le but de tourner les cœurs des enfants vers les pères et de ramener la nation à son ancienne foi, de déraciner les principes d’erreurs de la pensée du peuple. Dieu l’exauça, parce que cette prière avait été placée par le Saint Esprit dans l’âme de Son serviteur. Nous pouvons bien dire qu’il est bon de nous attendre à Dieu ; non seulement la prière produit l’heureux résultat de la réponse divine, mais aussi elle fait découler la joie et la consolation dans nos propres âmes. Combien il est heureux pour le croyant éprouvé et tenté de se trouver seul avec Dieu ! Quel soulagement d’épancher son cœur et de faire monter vers Lui ses affections ! Car c’est Dieu seul qui peut rendre le croyant capable de triompher du pouvoir écrasant des choses présentes, en le transportant dans le calme et dans la lumière de Sa sainte présence. Puissions-nous donc nous attendre à Dieu ! Que les difficultés de nos jours soient l’occasion même de nous approcher du trône de la grâce, et là nous trouverons la force pour exercer une influence salutaire, chacun dans sa propre sphère ; en même temps, notre cœur sera consolé et encouragé par cette attente à notre Père, car la promesse n’a jamais manqué : « Ceux qui s’attendent au Seigneur renouvelleront leur force ». Précieuse promesse ! Puissions-nous la réaliser toujours plus !

C’est ainsi qu’Élie le Thishbite commençait son service ; il sortit du sanctuaire de Dieu armé de la puissance divine pour réveiller ses semblables. Il y a de la puissance en ces paroles : « L’Éternel, le Dieu d’Israël, devant qui je me tiens, est vivant… ». Elles nous présentent d’une manière remarquable la base sur laquelle se reposait la foi de cet éminent serviteur de Dieu, et en même temps le principe qui le soutenait dans son service. Il se tenait devant l’Éternel, le Dieu d’Israël, et ainsi il pouvait parler avec puissance et autorité. Mais combien peu Achab se doutait des exercices secrets de l’âme d’Élie avant que la voix du prophète n’eut parlé à la conscience de ce méchant roi ! Il ne savait pas qu’Élie avait prié en particulier avant de paraître en public. Il n’en savait rien, mais Élie le savait, et ainsi il osait affronter le chef du mal ; il pouvait parler au roi Achab même et lui annoncer les jugements d’un Dieu offensé. En cela, notre prophète peut bien servir de modèle à tous ceux qui sont appelés à parler au nom du Seigneur. Tous ceux qui ont cette mission devraient sentir qu’ils sont, par ce fait même, élevés au-dessus de l’influence de l’opinion humaine. Combien de fois il arrive que ceux qui parlent avec puissance et liberté en présence de certaines personnes sont entravés devant d’autres et empêchés dans leur service ! Cela n’aurait pas lieu, nous le savons, si seulement ils réalisaient distinctement que leur mandat vient d’en haut, et aussi qu’ils l’accomplissent en présence du Dieu vivant. Le serviteur du Seigneur ne doit jamais se laisser influencer par ceux auxquels il porte son message ; il doit leur être supérieur, tout en prenant une place humble. Son langage devrait être : « Il m’importe fort peu, à moi, que je sois jugé par vous, ou de jugement d’homme » (1 Cor. 4, 3). C’était surtout le cas de notre Seigneur. Il ne se laissait pas influencer par les pensées ou les opinions de ceux auxquels Il parlait ! On pouvait Le contrarier, s’opposer à Lui et refuser Son enseignement, mais cela ne Lui permettait jamais de perdre de vue, même pour un instant, Sa mission de la part de Dieu. Il portait, avec Lui, tout le long de Sa carrière, la sainte assurance qu’Il exprima dans la synagogue à Nazareth : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres… » (Luc 4, 18). Voici la base de Son ministère comme Fils de l’homme. C’était par la puissance de l’Esprit, et ainsi Il se sentait toujours le serviteur de Dieu et comme tel élevé au-dessus de l’influence de ceux avec lesquels Il avait affaire. Sa doctrine n’était pas sienne, mais de Celui qui L’avait envoyé. Il pouvait bien dire : « Le Dieu devant qui je me tiens » ; Il était toujours « le messager de l’Éternel, annonçant sa mission » (Agg. 1, 12, 13). Tous les serviteurs du Seigneur devraient connaître de plus en plus cette sainte supériorité d’âme sur les hommes et les circonstances. Ils devraient être moins sous l’impression des pensées et des sentiments humains. Qu’avons-nous à faire avec les pensées des hommes à notre égard ? Rien. Qu’ils écoutent ou non, qu’ils reçoivent ou non le message, que nous soyons estimés à cause de notre œuvre, ou méprisés, cherchons à être approuvés comme serviteurs de Dieu ! Mais notons encore avec quelle puissance et quelle autorité parle notre prophète : « Il n’y aura, ces années-ci, ni rosée, ni pluie, selon ma parole ». Il se sentait assuré d’être en présence du Seigneur et de prononcer ses paroles ; oui, il était identifié avec les intérêts de l’Éternel jusqu’au point de pouvoir dire : « selon ma parole ». Tel était le privilège du mandataire du Seigneur annonçant Son message. Tels sont les merveilleux résultats de la prière en secret. « Élie pria avec instance qu’il ne plût pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre durant trois ans et six mois ».

Puisse ce récit encourager tous ceux qui désirent travailler pour Dieu dans nos jours de faiblesse ! Nous devrions être davantage en présence de Dieu, dans le sentiment de notre besoin. Si nous le sentions un peu plus, nous aurions plus aussi de cet esprit de prière, qui reconnaît que c’est Dieu qui est le donateur, et que nous sommes les vases de Sa grâce. Souvent nous nous laissons tromper par la prière qui consiste en des paroles sans réalité. Plusieurs permettent que de telles prières deviennent des obstacles entre leurs âmes et Dieu, et cela leur tourne en piège. Nous devons toujours veiller à ce que nos prières découlent naturellement de l’action du Saint Esprit en nous, afin qu’elles ne soient pas le seul accomplissement superstitieux d’un devoir[2].

Le prophète dans la retraite (1 Rois 17, 2-24)

Aussitôt que notre prophète eut rendu son témoignage, il fut appelé à la solitude et à la retraite loin de tout service public. « Et la parole de l’Éternel vint à lui disant : Va-t’en d’ici et tourne-toi vers l’orient et cache-toi au torrent de Kerith, qui est vers le Jourdain ». Ces paroles renferment un enseignement profond. Élie avait pris une place proéminente devant tout Israël, et quoique son action fut le résultat d’une solitude préalable et d’un exercice d’âme en la présence de Dieu, cependant ce Dieu fidèle pour lequel il agissait, jugeait nécessaire de l’appeler de nouveau à la retraite. C’est ainsi qu’il apprendrait non seulement à occuper une haute position vis-à-vis de ses frères, mais aussi à prendre une place humble devant Dieu.

Il y a de l’instruction pour nous en cela ; car nous avons besoin d’être gardés dans l’humilité ; la chair doit être brisée. La durée de notre exercice en secret doit surpasser celle de notre action en public. Élie rendit pour un moment un témoignage public, et cela après avoir été dans la solitude avec Dieu ; mais il dut entrer de nouveau dans la retraite pour trois ans et demi. Ô combien peu de confiance doit être accordée à l’homme ; qu’il est difficile de bien se comporter dans une position d’honneur ! Combien nous sommes prêts à nous oublier et à oublier Dieu ! Nous verrons bientôt que notre illustre prophète avait besoin d’être gardé ainsi dans la retraite ; le Seigneur connaissait le tempérament et les tendances de Son serviteur, et agissait envers lui selon ses besoins. C’est humiliant de penser combien peu nous sommes capables de rendre témoignage à Christ en public. Nous sommes pleins de nous-mêmes ; nous croyons que nous avons une certaine importance et que Dieu se servira de nous ; alors Dieu nous dit, comme Il dit autrefois au prophète, de venir dans la retraite, afin d’apprendre dans la sainte tranquillité de la présence divine, quel est notre propre néant.

Notre bien-aimé Maître en a fait de même avec Ses apôtres ; quand ils sont revenus à Lui pleins de l’importance de leur service (car même les démons leur étaient assujettis), Il leur dit : « Venez à l’écart vous-mêmes dans un lieu désert ! ». L’âme intelligente s’aperçoit tout de suite de l’importance d’une telle retraite. Il ne serait pas bon d’être toujours en la présence des hommes ; aucune créature ne pourrait continuer ainsi.

Le Fils de Dieu Lui-même cherchait l’endroit isolé où, loin des bruits et de l’activité de la ville, Il pouvait jouir d’une solitude tranquille pour la prière et la communion secrète avec Dieu. « Jésus s’en alla à la montagne des Oliviers ». « Et s’étant levé sur le matin, longtemps avant le jour, Il sortit et s’en alla dans un lieu désert ; et il priait là ». Mais ce n’était pas nécessaire qu’Il se cachât, car Son chemin tout entier sur la terre n’était autre chose que de l’isolement. L’esprit de Son ministère est dépeint dans Ses paroles : « Ma doctrine n’est pas mienne, mais de celui qui m’a envoyé ». Oh ! que tous les serviteurs de Dieu puissent comprendre davantage ces choses ! Nous ferions bien de nous effacer toujours plus. Le diable agit sur nos pauvres cœurs de telle façon que souvent, nous faisons de notre service et de la vérité de Dieu le piédestal de notre propre gloire ; car nos pensées circulent autour de nous-mêmes. Ainsi il ne faut pas nous étonner si le Seigneur ne se sert pas beaucoup de nous, car comment peut-Il se servir de ceux qui ne Lui donnent pas gloire ? Comment peut l’Éternel se servir d’Israël, quand celui-ci veut s’en vanter ? Prions donc pour que nous devenions réellement humbles et débonnaires et plus contents d’être estimés comme « le rebut de tous pour le nom de notre Maître ».

Élie a été appelé à séjourner longtemps dans sa retraite au torrent de Kerith, mais non sans avoir une précieuse promesse de la part du Seigneur Dieu d’Israël quant à la provision qui lui était nécessaire : « J’ai commandé aux corbeaux de te nourrir là ». Le Seigneur protégera Son serviteur pendant qu’il sera caché à la vue des hommes, et Il lui enverra sa nourriture par le moyen des corbeaux. Quelle singulière provision ! Quel exercice continuel de la foi ne fallait-il pas en s’attendant aux visites journalières d’oiseaux qui, naturellement, auraient dévoré la viande d’Élie ! Mais aussi Élie ne dépendait pas des corbeaux, mais des paroles : « J’ai commandé… ». Pour Élie, c’était Dieu et non les corbeaux qui étaient sa ressource. Le Dieu d’Israël était avec lui dans sa retraite où il vivait de foi. Quelle grâce pour l’âme de pouvoir ainsi se reposer sur la promesse divine, en toute simplicité ! Combien il est précieux d’être élevé au-dessus des circonstances, dans la réalisation de la présence et des soins de Dieu ! Tandis qu’Élie se cachait des hommes, Dieu se manifestait à lui. Il en sera toujours ainsi, car quand nous nous effaçons, Dieu se révèle à nos âmes. Si Élie avait persisté dans sa position éminente, il serait resté au dépourvu ; mais il lui fut utile d’être caché, car les ressources ne lui parvenaient que dans le lieu de retraite et d’humilité. « J’ai commandé aux corbeaux de te nourrir là ». Si le prophète était allé autre part, il n’aurait rien reçu de la part de Dieu. Quel est l’enseignement que nous devons recueillir de tout cela ? Pourquoi nos âmes sont-elles si pauvres et dépourvues de tout ? Pourquoi buvons-nous si peu au ruisseau que Dieu nous a donné pour notre rafraîchissement ? Parce que nous ne sommes pas assez cachés ; car nous ne pouvons supposer que Dieu nous fortifiera seulement en vue d’une gloire terrestre ; c’est pour Lui qu’Il veut nous fortifier. Si nous comprenions mieux que nous ne sommes pas à nous-mêmes, nous aurions plus de puissance spirituelle.

Mais il faut remarquer que Dieu avait promis de nourrir Élie dans un certain endroit et pas autre part. C’était (au torrent de Kerith) qu’il recevrait tout de Dieu. Il en est de même maintenant pour le croyant, il doit connaître l’endroit où Dieu veut qu’il aille et demeurer là. Nous n’avons pas le droit de choisir ; c’est le Seigneur qui doit fixer la localité de notre habitation. Heureux les serviteurs qui le savent et se soumettent à la sage direction du Maître. C’est au torrent de Kerith que les corbeaux furent dirigés pour apporter du pain et de la viande au prophète. Aurait-il voulu séjourner autre part, c’est lui qui aurait dû pourvoir à tout ; mais combien plus est satisfaisante la provision de Dieu ! C’est ainsi que le sentait Élie sur le chemin de Kerith, sachant que le Seigneur avait commandé aux corbeaux de le nourrir là. La provision divine se trouve seulement dans l’endroit ordonné de Dieu. Élie, donc, fut conduit de solitude en solitude. Venu de Galaad avec un message du Seigneur Dieu d’Israël au roi et l’ayant communiqué, il fut dirigé par la main de Dieu vers une solitude non interrompue, où son esprit serait exercé et sa force renouvelée en la présence de Dieu. Et qui aimerait être privé de ces saintes leçons apprises en secret ? Qui ne voudrait profiter de la discipline du Père ? Qui ne souhaiterait pas d’être conduit loin des yeux des hommes et au-dessus de l’influence des choses terrestres et naturelles, à la pure lumière de la présence divine où le moi et tous ses entourages sont estimés selon le jugement du sanctuaire ? Bref, qui ne voudrait pas être seul avec Dieu — seul, pas seulement dans un sens sentimental, mais vraiment et expérimentalement seul. Seul, comme Moïse sur la montagne de Dieu, comme Aaron dans le lieu très saint ou comme Élie à Kerith ? L’apôtre Jean était tout seul à Patmos ; et notre Seigneur, surtout, seul sur la montagne.

Nous ferions bien de nous demander ce que signifie une telle solitude. C’est d’en avoir fini avec soi-même et avec le monde — d’être rempli de la perfection et de l’excellence de Dieu, de contempler Sa bonté, sachant que c’est Lui qui agit pour nous et en nous. C’est d’être supérieur à la chair et à ses pensées, comme aussi à la terre, à ses voies et aux accusations de Satan. C’est de sentir, surtout, que nous avons été introduits dans cette sainte solitude exclusivement par le précieux sang de notre Seigneur Jésus Christ. Voilà quelques-uns des résultats de la solitude en présence de Dieu. En vérité, il n’est pas bien facile d’en donner une idée, mais chaque personne dont les pensées sont formées par le Saint Esprit, saura comprendre ce que cela veut dire. Puissions-nous désirer d’être toujours plus dans le secret de la présence de notre Père, d’en avoir fini avec tout effort en vue de maintenir notre propre réputation, et de connaître la joie, la liberté et la paix du sanctuaire, où Dieu dans Ses attributs si variés se présente à nos âmes et nous remplit d’une joie ineffable.

Connaître notre position en dedans du voile et savoir que Dieu est à nous — voilà des sources de joie intarissables, ineffables, divines. Mais quoiqu’Élie fût seul dans l’heureux séjour du torrent de Kerith, il n’était pas privé de ces profonds exercices d’âme qui découlent d’une vie de foi. Les corbeaux, il est vrai, visitèrent le prophète chaque jour ; ils obéissaient au commandement divin, et le torrent Kerith coulait constamment. Le pain était donné à Élie, et l’eau lui était assurée ; ainsi, quant à sa propre personne, il pouvait oublier que la verge du jugement était étendue sur le pays. Mais sa foi devait être éprouvée, et l’homme de foi ne pouvait prendre son aise ici-bas ; il devait être versé, comme le vin, d’un vase à un autre. Un enfant de Dieu doit passer d’une classe à une autre dans l’école de Christ, et lorsqu’il aura surmonté, par la grâce, les difficultés de l’une, il devra affronter celles de l’autre. C’était donc nécessaire que l’âme du prophète fût mise à l’épreuve, cela manifestait qu’il se confiait en l’Éternel, le Dieu d’Israël, et non au torrent de Kerith. Ainsi il est écrit qu’au bout de quelque temps le torrent sécha.

Nous sommes toujours en danger de dépendre des circonstances, et quand celles-ci nous sont favorables, nous croyons que notre foi est forte, et vice-versa. Mais la foi ne contemple jamais les circonstances ; elle jette son regard directement sur Dieu, puisqu’elle a affaire à Lui seul et compte sur Ses promesses. Il en était ainsi pour Élie ; et pour lui, il n’importait guère si Kerith coulait ou non. Il pouvait dire :

« Quand toute source ici-bas tarirait,
Mon âme aurait toujours une fontaine. »

C’est Dieu qui était son intarissable source de bénédiction. Le torrent se dessécha sous l’influence de l’aridité générale, mais aucune sécheresse ne pouvait faire tarir la source divine que connaissait le prophète. Élie savait que la parole de l’Éternel était aussi certaine (soit comme sa portion, soit comme base de son espérance) dans le dessèchement du Kerith, qu’elle l’avait été durant son séjour sur ses bords. Et il en fut ainsi, car « la parole de l’Éternel lui fut adressée, en disant : Lève-toi et t’en va à Sarepta qui est près de Sidon et demeure là. Voici, j’ai commandé là à une femme veuve de te nourrir ». La foi d’Élie devait toujours reposer sur la même base immuable : « J’ai commandé ». Quelle grâce ! Les circonstances changent, tout espoir humain disparaît, les sources créées tarissent, mais Dieu et Sa Parole sont les mêmes, hier, aujourd’hui, et éternellement. Le prophète n’a pas été déconcerté par ce nouvel ordre qu’il reçoit d’en haut. Non, car comme Israël jadis, il avait appris à dresser et à plier sa tente selon les mouvements de la nuée de l’Éternel. Le camp d’autrefois devait observer la marche des roues du chariot céleste qui allait en avant vers le pays de Canaan et qui, ici et là, s’arrêtait dans le désert pour donner au peuple un lieu de repos. Il en était de même d’Élie ; il accepterait son poste solitaire sur les bords du Kerith, ou bien il prendrait le chemin de Sarepta, dans l’obéissance à « la parole du Seigneur ».

Il n’était pas permis aux Israélites de tracer leur propre chemin ; c’est l’Éternel qui ordonnait tout pour eux. Il leur indiquait le moment de se mettre en marche, la direction à suivre et l’endroit où il fallait s’arrêter. Il leur montrait, de temps en temps, Son bon plaisir, par les mouvements de la nuée au-dessus de leurs têtes. « Et si la nuée prolongeait sa demeure pendant deux jours ou un mois, ou beaucoup de jours sur le tabernacle, pour y demeurer, les fils d’Israël campaient et ne partaient pas ; mais quand elle se levait, ils partaient. Au commandement de l’Éternel ils campaient et au commandement de l’Éternel ils partaient » (Nomb. 9, 22, 23). Tel était l’heureux état des rachetés de l’Éternel dans leur voyage d’Égypte en Canaan ; quant à leurs mouvements, il ne leur était pas permis de suivre leur propre voie.

Si un Israélite avait refusé de partir quand la nuée se levait, ou de s’arrêter quand elle s’arrêtait, il aurait été condamné à périr de faim dans le désert. Le rocher et la manne suivaient les Israélites tant que ceux-ci suivaient l’Éternel. Enfin, la nourriture et le rafraîchissement ne se trouvaient que dans le chemin de l’obéissance.

Il en était de même d’Élie ; il ne lui était pas permis d’avoir une volonté propre ; il ne pouvait fixer la durée de son séjour à Kerith, ni le moment du départ pour Sarepta. La parole de l’Éternel déterminait tout pour lui, et en obéissant à cette parole, il trouvait la nourriture qu’il lui fallait. Quel enseignement pour le chrétien ! Le sentier de l’obéissance est celui du bonheur. Si seulement nous savions subjuguer le moi, notre état spirituel serait beaucoup plus vigoureux et plus sain. Rien ne contribue à la santé et à la vigueur de l’âme comme une simple obéissance ; on est fortifié par les efforts mêmes qu’on fait pour obéir. Cela est vrai pour tous, mais spécialement pour ceux qui ont quelque service particulier à accomplir ; ils doivent marcher dans l’obéissance au Seigneur, s’ils veulent être utiles dans l’exercice de leur ministère. Comment Élie aurait-il pu dire, comme il le fit plus tard, sur le Carmel : « Si l’Éternel est Dieu, suivez-le », dans le cas où sa marche extérieure aurait manifesté un esprit volontaire et rebelle ? Ç’aurait été impossible. Un serviteur doit marcher dans le chemin de l’obéissance ; car le nom même de serviteur l’implique, comme le nom d’ouvrier suppose le travail. On a dit qu’un serviteur doit répondre dès qu’il entend la sonnette. Puissions-nous être plus attentifs à chaque coup de sonnette de notre Maître, et plus prêts à courir dans la direction où Il nous appelle ! Que notre langage soit : « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute » ! Que la parole du Seigneur nous appelle à sortir de notre retraite, pour Le servir au milieu de nos frères, ou qu’Il nous appelle à y rentrer, disons toujours : « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute ! ». La parole du Seigneur d’un côté, et l’oreille attentive du serviteur de l’autre, voilà ce qu’il nous faut, pour marcher en avant d’une manière sûre et heureuse.

Or, ce sentier d’obéissance n’est pas toujours facile ; il implique une constante abnégation de soi-même ; il ne peut être suivi qu’autant que l’œil est fixé sur Dieu et que la conscience est sous l’action de la vérité. Sans doute, tout acte d’obéissance porte en soi une grande récompense ; mais il faut que la chair et le sang soient mis de côté, ce qui est difficile. Preuve en est, notre prophète, qui fut appelé d’abord à se rendre près du torrent de Kerith pour y être nourri par des corbeaux ! La chair et le sang n’y comprendraient rien. Puis encore, quand le torrent tarit, Élie doit se diriger vers une cité près de Sidon, afin d’y être nourri par une veuve dénuée de tout et qui paraissait mourante de faim. Tel est le commandement : « Lève-toi, et t’en va à Sarepta qui est près de Sidon, et demeure là ; voici, j’ai commandé là à une femme veuve de te nourrir ». Élie, arrivant à l’endroit indiqué, ne voyait rien qui fût propre à confirmer la promesse. Au contraire, les apparences l’auraient rempli de doutes et de craintes, s’il n’avait tenu compte que des circonstances. « Et il se leva et s’en alla à Sarepta et il vint à l’entrée de la ville ; et voici, il y avait là une femme veuve qui ramassait du bois, et il lui cria et dit : Prends-moi, je te prie, un peu d’eau dans un vase, afin que je boive. Et elle s’en alla pour en prendre. Et il lui cria et dit : Prends-moi dans ta main, je te prie, un morceau de pain. Et elle lui dit : L’Éternel ton Dieu est vivant, que je n’ai pas un morceau de pain cuit, rien qu’une poignée de farine dans un pot et un peu d’huile dans une cruche ; et voici, je ramasse deux bûchettes, afin que j’entre et que je prépare cela pour moi et pour mon fils ; puis nous le mangerons et nous mourrons ».

Telle fut la scène qui se présenta au prophète quand il arriva à l’endroit indiqué par Dieu ; tout était triste et décourageant pour la chair et le sang. Mais Élie ne consultait pas la chair et le sang ; son courage était soutenu par la parole immuable de l’Éternel. Sa confiance se basait sur la fidélité de Dieu et non sur les circonstances extérieures. L’horizon paraissait sombre et menaçant à la vue humaine, mais l’œil de la foi perçait les nuages et voyait au-delà, le ferme fondement qui est posé pour la foi par l’excellente parole du Seigneur. Qu’elle est précieuse, la Parole de Dieu ! Le psalmiste dit bien : « J’ai pris tes témoignages pour héritage perpétuel ». Précieux héritage ! Vérité pure, incorruptible et immortelle ! Bénissons Dieu de ce qu’Il en a fait notre sûr partage — partage qui sera pour le fidèle une réalité éternelle, même quand le monde aura passé avec ses convoitises et que toute chair aura été consumée comme l’herbe. « Grâces à Dieu pour son ineffable don ! ».

Les circonstances qui s’offraient au prophète à son arrivée à Sarepta étaient donc : une veuve et son fils qui mouraient de faim, deux bûches et une poignée de farine ! Cependant la promesse était : « J’ai commandé là à une veuve de te nourrir ». Quelle épreuve mystérieuse pour la foi ! Mais Élie ne doutait pas de la promesse divine par incrédulité ; il fut fortifié dans la foi, donnant gloire à Dieu. Il avait affaire au Dieu très-haut, le Tout-puissant, le possesseur des cieux et de la terre, qui pourvoirait à ses besoins. Quand même il n’y eût point d’huile ni de farine, cela ne lui aurait rien fait, car il regardait au-delà des circonstances, au Dieu qui dirige tout. Il ne s’attendait pas à la veuve, mais à Dieu ; il ne se confiait pas à la poignée de farine, mais au commandement divin. Son esprit était parfaitement tranquille au milieu de circonstances écrasantes pour quiconque marcherait par la vue ; et aussi pouvait-il dire sans aucune hésitation : « Ainsi dit l’Éternel, le Dieu d’Israël : Le pot de farine ne s’épuisera pas, et la cruche d’huile ne manquera pas, jusqu’au jour où l’Éternel donnera de la pluie sur la face de la terre ». C’est la réponse de la foi au langage de l’incrédulité. « Ainsi a dit l’Éternel » ! Cela répond à tout.

Du moment qu’on saisit la promesse de Dieu, on en a fini avec les raisonnements de l’incrédulité. Celle-ci place les circonstances entre l’âme et Dieu, tandis que la foi place Dieu entre l’âme et les circonstances. C’est là une différence importante. Puissions-nous marcher dans la puissance et l’énergie de la foi, à la louange de Celui que la foi honore toujours !

Mais il y a un autre point à signaler dans cette remarquable scène ; voyez de quelle manière la mort semble planer sur la tête de ceux qui ne marchent pas par la foi : « Nous mangerons et nous mourrons », disait la veuve. La mort et l’incrédulité sont inséparablement liées ensemble. L’âme ne peut être conduite dans le chemin de la vie que par l’énergie de la foi ; et si la foi n’est pas active, il n’y a ni vie, ni puissance, ni élévation. Il en était ainsi de la pauvre veuve ; son espérance de vie dépendait du pot de farine et de la cruche d’huile ; en dehors de cela, elle ne voyait aucune source de vie. Son âme ne connaissait pas encore le vrai bonheur de la communion avec le Dieu vivant, auquel seul appartient la délivrance de la mort. Elle n’était pas encore à même de croire Dieu contre toute espérance. Combien fragile est l’espérance qui est basée sur un pot de farine et une cruche d’huile ! Combien est faible l’attente qui n’est fondée que sur la créature ! Et ne sommes-nous pas tous trop portés à nous appuyer sur des moyens tout aussi pauvres, aux yeux de Dieu, qu’un pot de farine ? Hélas ! il en est toujours ainsi quand l’âme ne dépend pas de Dieu. Pour la foi, il faut Dieu, sinon elle n’a rien. Une poignée de farine donnera par la puissance de Dieu, à la vue de la foi, autant de ressources que le bétail qui paît sur mille collines. « Nous n’avons que cinq pains et deux petits poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? ». C’est là le langage du cœur humain ; mais la foi ne parlerait pas ainsi. Elle dirait : « Nous avons Dieu au milieu de tant de personnes ». L’incrédulité dirait : Nous ne pouvons rien ! La foi dit : Dieu peut tout faire.

Avant de quitter ce fait intéressant, appliquons-en les principes au pauvre pécheur dont la conscience a été touchée.

Combien de fois le coupable ne s’accroche-t-il pas à quelque vaine ressource, pour le pardon de ses péchés, plutôt que de s’en tenir à l’œuvre accomplie par Christ à la croix — œuvre qui a pour toujours satisfait aux exigences de la justice divine, et qui doit satisfaire à tout ce que peut demander une conscience chargée de péchés. « Je n’ai personne qui, lorsque l’eau a été agitée, me jette dans le réservoir, et pendant que moi je viens, un autre descend avant moi » (Jean 5, 7). C’est le langage de celui qui n’a pas encore appris à regarder directement à Jésus au-dessus de tous les secours humains. Je n’ai personne, dit le pauvre coupable, avant d’avoir reçu le don de la foi. Mais, dit le croyant, j’ai Jésus, l’efficacité de Son sang ne manquera pas ; sa valeur ne diminuera jamais, et le Seigneur recueillera en sûreté et éternellement tous Ses rachetés en Sa propre demeure céleste.

Si ces pages tombaient entre les mains de quelque pauvre pécheur tremblant et hésitant, je l’inviterais à recevoir la consolation que Dieu lui offre dans Sa grâce infinie. Dieu a mis la croix de Jésus entre le pécheur et ses péchés ; il ne reste qu’à croire au témoignage divin. La grande différence entre un croyant et un incrédule consiste en ceci : c’est que pour le premier, Christ est entre lui et ses péchés ; tandis que pour le dernier, les péchés sont entre lui et Christ. Pour le croyant, c’est Christ qui est l’objet suprême ; il ne pense plus à l’énormité de ses péchés, mais à la valeur du sang et de la personne de Christ.

Le croyant sait que le Seigneur n’est pas maintenant sur le trône du jugement, mais sur le trône de la grâce. Si Dieu agissait comme juge, Ses pensées seraient occupées du péché ; mais comme Il agit maintenant en grâce, Ses pensées, béni soit Son nom, ne sont occupées que de la valeur du sang de Jésus. Puissions-nous jouir d’une communion plus simple et plus permanente avec les pensées du ciel, en faisant abstraction de celles de la terre. Veuille le Seigneur l’accorder à tous Ses saints !

Ce courant d’idées n’est pas une vaine digression ; mais revenons à notre sujet !

Nous avons déjà montré que l’homme de foi doit être « vidé de vase en vase ». Chaque scène, chaque partie successive de la vie du croyant, n’est que comme une entrée dans une classe nouvelle de l’école de Christ, où il y a quelque nouvelle leçon plus difficile à apprendre. Mais on demandera si Élie se trouvait dans des circonstances plus éprouvantes à Sarepta qu’à Kerith. N’était-ce pas plus intéressant pour lui d’être à la charge d’un cœur humain que de s’attendre aux corbeaux ? Et encore, n’était-il pas plus agréable de se trouver en famille, que de demeurer dans la solitude de Kerith ? Tout cela serait vrai ; cependant la solitude a ses douceurs, et la société a ses épreuves. Des intérêts égoïstes agissent parmi les hommes et empêchent la jouissance de ce que la société devrait procurer, et qu’elle procurera un jour, alors que l’humanité sera établie dans la perfection selon les conseils divins.

Le prophète n’entendait pas des expressions comme « moi et mon fils », quand il demeurait à Kerith. Là, il n’y avait pas d’intérêts égoïstes pour l’empêcher de jouir de la provision de Dieu. Mais du moment qu’il quitta sa retraite pour entrer dans la société humaine, il dut sentir que le cœur de l’homme n’aime pas qu’on touche aux objets qu’il affectionne. Il comprit la signification des mots « moi et mon fils » manifestant les forces intimes de l’égoïsme qui animent les enfants d’Adam. Mais on dira qu’il était naturel au cœur de la veuve de penser à elle-même et à son fils préférablement aux autres ; et, en effet, c’était naturel, c’est ce que la nature fait toujours. Voici les paroles d’un véritable enfant de la nature : « Et prendrais-je mon pain et mon eau, et ma viande que j’ai tuée pour mes tondeurs, et les donnerais-je à des hommes dont je ne sais d’où ils sont ? » (1 Sam. 25, 11). La nature cherchera toujours ses propres intérêts ; et il n’est pas donné à ce monde périssable de remplir l’âme humaine au point de la faire déborder en faveur des autres. C’est Dieu seul qui peut agir ainsi ; et c’est impossible d’élargir le cœur de l’homme autrement que par la pleine grâce de Dieu. Elle seule peut ouvrir la porte des affections de l’homme à tous les malheureux. La bonté humaine peut faire beaucoup quand ses ressources sont assez abondantes pour éloigner la privation personnelle, mais la grâce seule rendra un homme capable d’oublier son intérêt personnel pour répondre aux besoins des autres. « On te louera si tu fais du bien » (Ps. 49, 18).

C’est là le principe du monde, et rien ne peut nous en délivrer, si ce n’est l’assurance que Dieu nous a fait du bien, et, en outre, que c’est notre intérêt de nous attendre à Lui jusqu’à la fin. Or, c’était la connaissance de ce principe divin qui dictait au prophète ces paroles : « Fais-moi premièrement de cela un petit gâteau, et apporte-le-moi ; et après, tu en feras pour toi et ton fils ». Dans ces paroles, Élie ne faisait que réclamer les droits de Dieu sur les ressources de la veuve, et, comme nous le savons, la réponse à une telle requête donnera toujours une riche moisson de bénédictions à l’âme. Cela exigeait de la foi chez la veuve ; car sa position était difficile. Il lui fallait l’énergie de la foi à une promesse divine : « Ainsi a dit l’Éternel, le Dieu d’Israël : Le pot de farine ne s’épuisera pas, et la cruche d’huile ne manquera pas, jusqu’au jour où l’Éternel donnera de la pluie sur la face de la terre ». N’en est-il pas toujours de même pour chaque croyant ? Oui, certes, car nous devons toujours agir avec foi. La promesse de Dieu doit toujours être le mobile de l’âme du chrétien. Il n’y aurait pas eu d’exercice de foi de la part de la veuve, si le pot avait été plein de farine ; mais quand il était épuisé, quand il ne lui restait que la dernière poignée, c’était exiger beaucoup que de lui demander d’en donner premièrement à un étranger ; et c’était seulement par la foi qu’elle pouvait répondre à cet ordre. Mais le Seigneur agit souvent avec les siens comme Il l’a fait avec Ses disciples, lorsqu’Il a nourri les foules. « Il disait cela pour les éprouver, car Il savait bien ce qu’Il allait faire ». Il nous dit souvent de faire un pas dans une certaine direction, où notre foi sera mise à l’épreuve ; et du moment que nous faisons ce pas, non seulement nous en comprenons le motif, mais aussi nous recevons de la force pour aller en avant. De fait, tous les droits de Dieu à notre obéissance sont basés sur le principe contenu dans le commandement adressé jadis à Israël : « Parle aux enfants d’Israël, et qu’ils marchent » (Ex. 14, 15). Où devaient-ils aller ? À travers la mer. Par quel chemin ? La grâce y répondait : « Et toi, lève ta verge et étends ta main sur la mer, et fends-la ; et que les fils d’Israël entrent au milieu de la mer à sec ! » (v. 16). Par la foi, un homme étant appelé à sortir, peut le faire sans savoir où il va.

Mais cette intéressante entrevue d’Élie et de la veuve nous enseigne quelque chose de plus ; nous y apprenons aussi que rien, sinon la puissance supérieure de la grâce divine, ne peut élever l’esprit humain au-dessus de l’influence glaciale de l’égoïsme dans laquelle l’homme vit. La gloire de la bonté divine, lorsqu’elle brille sur l’âme, dissipe les brouillards dont le monde est enveloppé, et rend l’homme capable de penser et d’agir selon des principes plus élevés que ceux qui dirigent la masse. Cette pauvre veuve était sortie de sa maison avec le seul motif de ses graves intérêts, sans d’autre perspective que la mort. En est-il autrement des foules qui nous entourent ? Y aurait-il mieux que cela pour un homme inconverti quelconque sur la terre ? Non ! car l’homme le plus illustre, le plus intelligent, le plus savant, en dehors du resplendissement de la grâce divine, est comme la pauvre veuve. Animé de motifs d’intérêt propre, et n’attendant pas autre chose que la mort, voilà l’état de l’homme inconverti. C’est ainsi que Dieu le voit.

Mais la vérité divine opère un grand changement. Elle agit puissamment dans le cas de la veuve, qui est renvoyée chez elle pour s’occuper d’un autre et s’intéresser à lui, tandis que son âme se remplit des réjouissantes pensées de la vie. Il en sera toujours ainsi ; du moment que l’âme reçoit la vérité et la grâce de Dieu, elle est délivrée de ce présent siècle mauvais et arrachée du courant qui emporte des millions de créatures humaines. Elle est dirigée par des motifs nouveaux et animée par un but céleste. La grâce apprend à un homme à vivre et à agir pour les autres. Plus nous goûterons la douceur de l’amour divin, plus sera sincère notre désir de servir les autres. Puissions-nous sentir toujours plus profondément l’amour du Christ qui nous étreint, dans ces temps de froideur et d’indifférence ! Vivons et agissons en nous souvenant que nous ne sommes pas à nous-mêmes, mais que nous avons été achetés à prix !

La veuve de Sarepta a dû apprendre cette vérité. Le Seigneur a réclamé d’abord la poignée de farine et la cruche d’huile, et puis Il a mis Sa main sur le fils, l’objet le plus cher aux affections de la veuve. La mort visite la maison où Élie, la veuve et son fils jouissaient ensemble des précieux fruits de la grâce divine. « Et il arriva, après ces choses, que le fils de la femme, maîtresse de la maison, tomba malade ; et sa maladie devint très forte, de sorte qu’il ne resta plus de souffle en lui ». Or ce fils avait été un obstacle à la veuve pour qu’elle reconnût les droits divins annoncés par Élie ; il y a donc un enseignement remarquable pour les croyants dans la mort de cet enfant. Si nous permettons à un objet quelconque, parent ou enfant, mari ou femme, frère ou sœur, de nous entraver dans le chemin de l’obéissance et du dévouement à Christ, cet objet nous sera ôté ! La veuve avait accordé, dans ses pensées, une plus grande place à son fils qu’au prophète de l’Éternel, et le fils lui fut enlevé afin qu’elle apprit que ce n’était pas seulement la poignée de farine qui appartenait à l’Éternel, mais aussi le plus cher de ses biens terrestres. Il faut avoir une forte mesure de l’Esprit de Christ pour user de tout comme administrateur de ce qui est à Dieu. Nous sommes si portés à considérer toutes choses comme étant nôtres, au lieu de nous souvenir des droits du Seigneur sur tout ce que nous possédons et tout ce que nous sommes. Ce n’est pas seulement une question d’obéissance ; il s’agit aussi de notre bien permanent et de notre bonheur. La veuve reconnut les droits de Dieu sur sa poignée de farine, et quel en fut le résultat ? Elle et sa maison furent nourris pendant des années ! Ensuite l’Éternel mit Sa main sur son fils, et que s’ensuivit-il ?

Son fils fut ressuscité des morts par la puissance de Dieu, qui lui montrait que l’Éternel pouvait non seulement conserver la vie, mais aussi la donner. Cette puissance de la résurrection fut appliquée à ses circonstances, et ainsi elle reçut son fils, comme elle avait déjà reçu sa nourriture, directement du Seigneur Dieu d’Israël. Heureux ceux qui dépendent d’une telle bonté ! Heureux ceux dont le pot de farine et la cruche d’huile sont remplis par la main du Père ! Heureux encore ceux qui tiennent les objets les plus chers à leurs affections dans les liens de la résurrection. Ce sont là les privilèges des plus faibles croyants en Jésus.

Avant de laisser ce sujet, observons que la divine visitation a produit un certain effet sur la veuve ; sa conscience disait : « Es-tu venu chez moi pour mettre en mémoire mon iniquité… ? ». Quand le Seigneur s’approche de nous, on observe toujours une sensibilité de conscience qui est de grand prix. On suit souvent la routine ordinaire de la vie en profitant du pot et de la cruche remplis, sans qu’il y ait un exercice profond de la conscience. Cet exercice ne se trouvera que là où il y a une marche intime avec Dieu, ou quelque visitation spéciale de Sa part. Si le Seigneur avait simplement répondu, jour par jour, aux besoins de la pauvre veuve, la question du péché ne se serait peut-être jamais soulevée dans sa pensée ; mais quand la mort survint, la conscience commença d’agir, car les gages du péché, c’est la mort. Il y a une action double dans toutes les voies divines envers nous — une action de la vérité et une action de la grâce. La première manifeste le mal, et la seconde l’ôte ; celle-là révèle ce qu’est l’homme, celle-ci manifeste la grâce de Dieu. Celle-là met en lumière les secrètes opérations du mal dans le cœur de l’homme, tandis que celle-ci met en lumière les riches et inépuisables sources de la grâce dans le cœur de Dieu. Toutes deux sont nécessaires, la vérité pour maintenir la gloire de Dieu, et la grâce pour obtenir notre bénédiction. Celle-là pour justifier le caractère divin et ses attributs, celle-ci pour le parfait repos du cœur et de la conscience du pécheur. Combien il est bon de savoir que la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ !

Les voies divines envers la veuve de Sarepta n’auraient pas été complètes, si elles ne l’avaient pas conduite à la confession du dernier verset de ce chapitre : « Maintenant à cela je connais que tu es un homme de Dieu, et que la parole de l’Éternel dans ta bouche est la vérité ». Elle avait appris ce qu’est la grâce dans la miraculeuse provision pour ses besoins, et ce qu’est la vérité dans la mort de son fils. Si nous étions plus sensibles spirituellement et plus intelligents, nous discernerions toujours ces deux traits dans les voies de notre Père envers nous. Nous recevons toujours Sa grâce, et nous voyons constamment des exemples de Sa vérité dans les voies divines, qui doivent manifester le mal caché de notre cœur, afin que nous puissions le juger et le rejeter. Tant que le pot et la cruche sont remplis, la conscience est portée à sommeiller, mais quand l’Éternel frappe à la porte de notre cœur par la discipline, nous nous réveillons énergiquement ; cela produit le jugement de nous-mêmes.

Nous protestons contre la forme de propre examen qui engendre des doutes à l’égard du salut, mais nous croyons qu’il faut nous souvenir que le moi doit être jugé, ou bien nous ne pourrons marcher en avant ; il n’est jamais dit au croyant de s’examiner d’une telle façon à découvrir qu’il n’est pas dans la foi. Cette idée est souvent basée sur une fausse interprétation de 2 Corinthiens 13, 5 : « Examinez-vous vous-mêmes et voyez si vous êtes dans la foi ». La pensée de l’apôtre est le contraire de ce qu’on veut déduire de ses paroles, comme le montre le contexte. Les Corinthiens avaient encouragé certains faux apôtres qui osaient mettre en question le ministère de Paul, ce qui obligeait ce dernier de justifier son apostolat. Il le fit d’abord en parlant de tout son service, et puis par un appel touchant fait aux Corinthiens : « Puisque vous cherchez une preuve que Christ parle en moi… examinez-vous vous-mêmes ». La plus puissante et la plus frappante preuve pour eux de l’autorité divine de l’apostolat de Paul se déduisait du fait que les Corinthiens étaient dans la foi. On ne peut donc supposer qu’il leur est dit de s’examiner pour prouver sa mission céleste, si cet examen devait aboutir à la découverte qu’ils n’étaient pas dans la foi. Au contraire, c’était parce qu’ils savaient qu’ils étaient des sanctifiés dans le Christ Jésus, que Paul pouvait leur faire cet appel pour mettre en évidence la réalité de sa mission.

Il existe, cependant, une différence entre l’examen et le jugement de soi-même. C’est un excellent service que de juger, avec droiture et sévérité, la mauvaise nature que nous portons avec nous et qui nous empêche de courir dans la carrière qui nous est proposée. Que le Seigneur nous accorde plus de force spirituelle pour accomplir toujours ce jugement ! Mais il ne faut pas que cet examen nous fasse douter de la grâce et de la fidélité de Dieu. Si Dieu n’est pas Dieu, tout est perdu.

Mais, dans cette visitation, il y avait aussi une parole d’avertissement pour Élie. Il s’était présenté à la veuve comme un homme de Dieu, et par conséquent il devait prouver sa divine mission. L’Éternel le fit venir pour lui dans la résurrection de l’enfant ; c’est ainsi que la mère connut que c’était un homme de Dieu. La résurrection justifia ses paroles adressées à la veuve. Il faut qu’un homme de Dieu montre dans sa mesure la puissance de la résurrection pour que ses droits soient reconnus. Cette puissance se manifestera par sa victoire sur le moi et toutes ses mauvaises œuvres. Le croyant est ressuscité avec Christ, il participe à la nature divine, mais il est encore ici-bas et porte encore le corps de son abaissement. Ainsi, s’il ne renonce pas à lui-même, il verra bientôt qu’on doutera de sa qualité d’homme de Dieu. Cependant, il ne faut pas qu’il cherche seulement à se justifier. Le prophète ici avait un but plus élevé, celui d’établir la vérité de la parole de Dieu procédant de sa bouche, et voilà le vrai but d’un homme de Dieu. Sa propre réputation est de peu d’importance pour lui, sinon en rapport avec la parole de Dieu. C’était tout simplement pour maintenir l’origine divine de l’évangile, que Paul s’occupait de la défense de son apostolat, dans ses épîtres aux Galates et aux Corinthiens. Peu lui importait ce qu’on pensait de Paul, mais il lui importait beaucoup qu’on estimât l’évangile qu’il prêchait. Ainsi il désirait, pour leur propre bien, prouver que la parole qu’il prêchait était la vérité.

Il importait pour le prophète de recevoir un tel témoignage, quant à la divine origine de son ministère, avant d’entrer dans les circonstances du chapitre 18. Il gagna beaucoup dans sa retraite à Sarepta. Son esprit fut rassuré, il reçut comme le sceau divin de son ministère et il s’accrédita à la conscience de la veuve. Ainsi il a pu commencer de nouveau sa carrière publique, avec l’assurance qu’il était un homme de Dieu et que la parole du Seigneur dans sa bouche était la vérité[3].

Nous arrivons ici à la fin d’une importante partie de la vie d’Élie, embrassant une période de trois ans et demi, durant laquelle il était caché aux yeux d’Israël. Jusqu’ici nous nous sommes occupés simplement des principes de vérité qui se trouvent à la surface de l’histoire personnelle d’Élie. Mais ne pouvons-nous pas retirer instruction de sa vie, au point de vue typique ? Je crois que oui. L’allusion faite par le Seigneur à la mission du prophète auprès de la veuve peut servir de figure au rassemblement des Gentils dans l’Église de Dieu. « En vérité, je vous dis qu’il y avait plusieurs veuves en Israël aux jours d’Élie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois, de sorte qu’il y eut une grande famine par tout le pays, et Élie ne fut envoyé vers aucune d’elles, sinon à Sarepta de la Sidonie, vers une femme veuve » (Luc 4, 25, 26). Le Seigneur Jésus s’était présenté à Israël comme le prophète de Dieu, mais on ne L’avait pas accueilli. La fille de Sion ne voulait pas écouter la voix de son Seigneur. Les paroles de grâce qui procédaient de Sa bouche ne trouvaient que la réponse : « Celui-ci n’est-il pas le fils de Joseph ? ». Mais Il trouve la consolation, en face du mépris d’Israël, dans la pensée qu’il y avait, en dehors du judaïsme, des objets sur lesquels la grâce divine, dont Il était le témoin, pouvait se répandre dans toute sa richesse et sa pureté. Quoique la grâce de Dieu soit entravée par l’orgueil, l’incrédulité ou la dureté de cœur de quelques-uns, elle se fera sentir d’autant plus abondamment à d’autres. Ainsi : « Quoiqu’Israël ne soit pas rassemblé, je serai glorifié aux yeux de l’Éternel, et mon Dieu sera ma force… Et il me dit : C’est peu de chose que tu me sois serviteur pour rétablir les tribus de Jacob et pour ramener les préservés d’Israël ; je te donnerai aussi pour être une lumière aux nations, pour être mon salut jusqu’au bout de la terre ». La précieuse vérité de l’appel des Gentils est pleinement enseignée dans les Écritures, soit par des types, soit par un enseignement positif. Il serait utile de la considérer ; mais ici mon but est plutôt de m’occuper de la vie et du ministère d’Élie, espérant que le Seigneur daignera, dans Sa grâce, approuver ces simples réflexions pour la consolation de Ses rachetés.

La maison d’Achab (1 Rois 18, 3-16)

Il nous faut laisser notre prophète, pour un moment, et nous occuper du triste état d’Israël pendant qu’Élie était caché avec Dieu. La condition de la terre est terrible, tandis que les cieux sont fermés. L’aspect de ce bas monde est aride et stérile, quand le ciel retient ses pluies rafraîchissantes ; et il en était ainsi surtout du pays qui dépendait de l’eau des cieux. L’Égypte n’aurait pas fait grand cas de la cessation de la pluie, vu que ses bénédictions n’en dépendaient pas ; ayant ses ressources en elle-même, elle disait : « Mon fleuve est à moi » (Éz. 29, 3). Mais il n’en était pas ainsi du pays de l’Éternel, de ce pays de montagnes et de vallées. Si le ciel ne lui rendait pas sa pluie, tout se desséchait. Israël ne pouvait dire : « Mon fleuve est à moi ». Non ; il fallait regarder en haut ; les yeux du peuple devaient être fixés sur le Seigneur, comme les yeux du Seigneur sur le peuple. Ainsi, lorsque les relations du ciel et de la terre s’interrompaient, la terre de la Palestine le ressentait d’une manière bien pénible. Il en était ainsi aux jours d’Élie, quand les cieux étaient fermés pendant trois ans et six mois et que la famine régnait par tout le pays. Israël dut sentir les terribles conséquences d’avoir abandonné la seule source de vraie bénédiction. Il y avait grande famine en Samarie, et Achab dit à Abdias : « Va dans le pays, à toutes les sources d’eaux, et à tous les torrents ; peut-être trouverons-nous de l’herbage, et nous conserverons la vie aux chevaux et aux mulets, et nous ne serons pas obligés de détruire de nos bêtes ». Et ils se partagèrent le pays pour le parcourir. Achab s’en alla seul par un chemin, et Abdias alla seul par un autre chemin. Israël avait péché et devait sentir la verge de la juste colère de l’Éternel. Quel humiliant tableau de l’ancien peuple de Dieu ! Le roi est obligé de sortir pour chercher de l’herbe ! Quel contraste avec l’abondance et la gloire du règne de Salomon ! Mais Dieu avait été déshonoré, et Sa vérité avait été rejetée. Jézabel avait propagé sa funeste influence par ses faux prophètes ; les autels de Baal avaient remplacé l’autel de Dieu ; c’est pourquoi les cieux étaient comme de l’airain et la terre comme du fer. L’aspect physique n’était que l’expression du pauvre état moral du peuple.

Dans toutes les directions données par Achab à son serviteur, il n’y a pas un mot qui parle de Dieu ou du péché qui avait attiré la colère et le jugement de Dieu sur le pays. Le roi dit : « Va à toutes les sources d’eau et à tous les torrents ». Achab n’avait aucune pensée plus élevée ; son cœur ne s’adressait pas humblement à l’Éternel, il ne Lui criait pas dans sa détresse. De là viennent ses paroles : « Peut-être trouverons-nous de l’herbage ». Dieu est banni de ses pensées, il n’y a que de l’égoïsme. Pourvu qu’il eût de l’herbe, il ne se soucierait pas de Dieu. Il aurait été heureux avec les prophètes idolâtres de Jézabel, si les horreurs de la famine ne l’avaient pas chassé ; et alors, au lieu de chercher la cause de la disette, avec contrition et humilité en implorant le pardon de Dieu, il ne fit que sortir, égoïste et impénitent, pour chercher de l’herbe. Hélas ! il s’était vendu pour faire le mal ; il était devenu esclave de Jézabel. Son palais était devenu le repaire de tout oiseau immonde ; les prophètes de Baal, comme autant de vautours, planaient sur son trône, et répandaient l’idolâtrie sur toute la terre. C’est une chose terrible quand le cœur s’éloigne de Dieu ! On ne sait jamais où cela aboutira. Achab était Israélite, mais il avait été séduit par un faux système religieux, à la tête duquel était sa femme Jézabel. Il avait fait naufrage de la foi et d’une bonne conscience, et il se laissait entraîner à l’extrême méchanceté. Il n’y a personne de si mauvais que celui qui se détourne de la voie de Dieu ; un tel ira toujours plus loin, dans l’iniquité, que les victimes ordinaires du péché et de Satan. Le diable semble se réjouir, d’une manière spéciale, en se servant d’un tel comme instrument de ses méchants desseins contre la vérité de Dieu.

Lecteur, si jamais vous avez appris à estimer la voie de la vérité et de la sainteté, et si la voie de Dieu vous a réjoui, veillez ! Gardez votre cœur avec toute diligence ! Gardez-vous d’une fausse influence religieuse ! Vous êtes dans un monde dont l’atmosphère même est funeste à la vie spirituelle. L’ennemi, avec une sagacité infernale (formée par une connaissance du cœur humain depuis bientôt six mille ans), a jeté ses pièges de tous côtés autour de vous, et rien, sauf une communion permanente avec le Père, ne peut vous garder. Souvenez-vous d’Achab, et priez toujours afin d’être délivré de la tentation. Le passage suivant pourrait être utile, comme avertissement : « Maudit l’homme qui se confie en l’homme, et qui fait de la chair son bras, et dont le cœur se retire de l’Éternel. Et il sera comme un dénué dans le désert, et il ne verra pas quand le bien arrivera, mais il demeurera dans les lieux secs au désert, dans un pays de sel et inhabité » (Jér. 17, 5, 6). Tel était le pauvre Achab — misérable quoique portant la couronne et le sceptre ; il ne se souciait ni de Dieu, ni de son peuple. Dans ses paroles et dans ses actes, dont nous parlons, nous ne voyons aucun intérêt ni pour Israël, ni pour Dieu. Il ne dit pas un mot du peuple qui lui avait été confié, et qui, après Dieu, aurait dû occuper ses pensées. Ses pensées terrestres ne dépassent pas « les chevaux et les mulets ». Tels étaient les objets de la sollicitude d’Achab au temps de la calamité d’Israël. Quel contraste entre ce vil égoïsme, et les nobles pensées de l’homme selon le cœur de Dieu qui, lorsque le pays tremblait sous la verge de l’Éternel, disait : « N’est-ce pas moi qui ai commandé de dénombrer le peuple ? C’est moi qui ai péché et qui ai mal agi ; mais ces brebis, qu’ont-elles fait ? Éternel, mon Dieu, je te prie, que ta main soit sur moi et sur la maison de mon père, mais qu’elle ne soit pas sur ton peuple pour le frapper ! » (1 Chron. 21, 17). Ici, c’est le véritable esprit d’un roi ! David, dans l’esprit de son Maître, s’exposerait aux coups, pour que les brebis en fussent épargnées. Il se tiendrait entre elles et l’ennemi. Il changerait son sceptre en houlette. Il ne pensait pas à ses chevaux et à ses mulets, ni à lui-même et à la maison de son père, mais au peuple de Dieu et à Ses brebis. Heureux sera le sort des tribus dispersées d’Israël lorsqu’elles éprouveront de nouveau les soins du vrai David !

Nous ferions bien de suivre l’histoire d’Achab d’une manière plus complète, de remarquer son iniquité envers le juste Naboth et sa mauvaise influence sur l’esprit du bon roi Josaphat ; il y aurait aussi à considérer d’autres circonstances de son malheureux règne ; mais cela pourrait nous écarter de notre sujet. Nous ne ferons que signaler le caractère d’un des plus importants serviteurs d’Achab, et puis nous reviendrons à Élie.

Abdias, préposé sur la maison d’Achab, craignait secrètement l’Éternel, mais il se trouvait dans une atmosphère impure. La maison du méchant Achab et de Jézabel, plus méchante encore, devait être un milieu pénible pour l’âme juste d’Abdias. Il n’y trouvait que des obstacles à son service et à son témoignage. Ce qu’il faisait pour le Seigneur, il le faisait en cachette ; il n’osait pas agir ouvertement et avec décision. Cependant il en faisait assez pour montrer ce qu’il aurait fait, s’il avait été planté dans un meilleur terrain et favorisé d’un air plus sain. Il avait pris cent prophètes et les avait cachés, par cinquante, dans une caverne, et les avait nourris de pain et d’eau. C’était une précieuse indication du dévouement de son cœur à l’Éternel, un triomphe du principe divin sur de fâcheuses circonstances. Il en avait été ainsi de Jonathan dans la maison de Saül ; lui aussi était cruellement entravé dans son service envers Dieu et envers Israël. Il aurait dû se tenir dans une plus entière séparation du mal qui régnait dans la maison de son père. Sa place à la table de Saül aurait dû être vide comme celle de David. Il aurait dû se trouver dans la caverne d’Adullam avec David rejeté et sa petite bande méprisée ; là, il aurait trouvé une sphère plus étendue et plus propre à la manifestation de son dévouement pour Dieu et pour Son oint. La convenance humaine recommandait sans doute à Jonathan de demeurer dans la maison de Saül, et à Abdias de demeurer dans la maison d’Achab, comme étant la sphère dans laquelle la providence les avait placés ; mais la convenance n’est pas la foi, et jamais elle n’aidera personne au service du Seigneur, quel que soit son travail. La foi nous conduira toujours à rompre avec les règles de la convenance humaine, afin qu’elle puisse s’exprimer d’une manière évidente. Jonathan se sentait poussé, parfois, de s’absenter de la table de Saül pour aller embrasser David ; mais il aurait dû quitter cette table tout à fait et s’associer au sort de David. Au lieu de se contenter de parler en faveur de son frère, il aurait dû s’identifier avec lui. Il ne le fit pas, et voilà pourquoi il périt sur le Guilboa par la main des incirconcis. Ainsi, durant sa vie, il fut harcelé et entravé par les principes iniques du gouvernement de Saül, principes qui eurent pour effet d’asservir les consciences des fidèles, et il mourut sans gloire par la main des Philistins. Il en était ainsi d’Abdias ; sa part était d’être en relation avec celui qui occupait le dernier degré de l’échelle d’apostasie, par laquelle les rois d’Israël descendirent de leur vraie position. Par conséquent, il a dû se cacher pour servir Dieu et Ses prophètes ; il avait peur d’Achab et de Jézabel. Il n’avait ni le courage, ni l’énergie nécessaire pour tenir bon contre toutes leurs iniquités ; il ne trouvait rien pour le développement de sa vie et de ses affections. Son âme se desséchait dans les vapeurs malsaines qui l’entouraient, et ainsi il n’exerçait que peu d’influence sur son temps et sur sa génération. Tandis qu’Élie affrontait Achab, et qu’il servait ouvertement l’Éternel, Abdias servait Achab et se cachait pour s’occuper des intérêts de l’Éternel. Tandis qu’Élie respirait l’air pur de la présence du Seigneur, Abdias respirait l’air impur de la cour profane d’Achab. Tandis qu’Élie recevait sa provision quotidienne de la main du Dieu d’Israël, Abdias parcourait le pays cherchant de l’herbe pour les chevaux d’Achab. Quel contraste !

N’y a-t-il pas de nos jours plus d’un Abdias occupé de la sorte ? N’y en a-t-il pas plusieurs qui, tout en craignant Dieu, participent à la mort et à la misère des fils de ce monde, dont ils voudraient détourner la ruine imminente ? Est-ce une œuvre convenable pour des croyants ? Les mulets et chevaux d’un monde impie doivent-ils occuper les pensées et les énergies du chrétien, à l’exclusion des intérêts de l’Église de Dieu ? Non, il ne devrait pas en être ainsi. Le chrétien doit avoir en vue un but plus noble ; ses efforts doivent se déployer dans une sphère céleste. C’est Dieu, et non Achab, qui mérite notre dévouement. Combien n’est-il pas mieux de nourrir les prophètes du Seigneur dans une caverne, que de favoriser les affaires des mondains ! C’est une question importante et nous pouvons tous en tirer de l’enseignement devant Celui qui sonde les cœurs. Répondons loyalement à la question : « Que faisons-nous ? Quel est notre but ? Semons-nous pour la chair et pour l’Esprit ? Travaillons-nous seulement pour la terre ? Notre objet en vue est-il plus élevé que nous-mêmes ou ce monde ? ». Ce sont là des questions importantes. Le cœur et les affections de l’homme tendent toujours en bas, vers la terre et les choses qui y sont. Le palais d’Achab sourit plus au cœur naturel que les rives solitaires du Kerith ou que la maison de la pauvre veuve de Sarepta. Mais pensons à la fin ! Car c’est la fin seule qui nous révèle la vérité. « Dans le sanctuaire de Dieu… j’ai compris leur fin » (Ps. 73, 17). Élie savait, par le fait d’être dans le sanctuaire, qu’Achab était sur une pente glissante, que sa maison croulerait, que toute sa gloire terminerait bientôt à la tombe, et que son âme immortelle serait appelée en jugement. Le saint homme de Dieu comprenait parfaitement tout cela, et voilà pourquoi il s’en séparait. Sa ceinture de cuir, sa simple nourriture, sa solitude valaient bien mieux que tous les plaisirs de la cour d’Achab. Tel était son sain jugement. Le monde s’en va et sa convoitise, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. Plût à Dieu que tous ceux qui aiment le nom de Jésus fussent plus décidés et plus énergiques dans leur témoignage pour Lui ! Le temps s’approche où nous donnerions tout pour avoir été plus sincères et plus fidèles dans notre marche ici-bas. Nous sommes trop tièdes, trop portés à concilier le monde et la chair ; et d’échanger le ceinturon de cuir contre la robe que nous donneraient Achab et Jézabel. Veuille le Seigneur accorder aux siens la grâce de rendre témoignage contre le monde que ses œuvres sont mauvaises ; et de nous séparer de ses voies, de ses maximes et de ses principes, en un mot de tout ce qui lui appartient. La nuit est fort avancée et le jour est proche. Rejetons donc les œuvres des ténèbres, et soyons revêtus des armes de la lumière ! Ressuscités avec Christ, pensons aux choses d’en haut, non à celles qui sont sur la terre. Puisque notre bourgeoisie est dans les cieux, attendons constamment le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur, qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de Sa gloire, selon l’opération de ce pouvoir qu’Il a de s’assujettir même toutes choses.

Le prophète sur le Carmel (1 Rois 18, 1, 17-46)

Le premier verset de ce chapitre nous montre qu’une nouvelle commission est donnée au prophète : « Et il arriva, après bien des jours, que la parole de l’Éternel vint à Élie, la troisième année, disant : Va, montre-toi à Achab, et je donnerai de la pluie sur la face de la terre ». Élie est appelé à sortir de sa retraite à Sarepta pour se montrer au public et pour se tenir devant le roi Achab. À celui qui occupe la position d’un vrai serviteur et qui en manifeste l’esprit, peu importe quelle est la nature de l’appel. Que ce soit : « Va, cache-toi » ou « Va, montre-toi », il est prêt par grâce à obéir. Le Seigneur avait préparé Son serviteur en secret, pendant trois ans et demi. À Kerith et à Sarepta, Il lui avait donné bien des leçons importantes, et lorsque le moment fut venu pour qu’il se montrât à Israël, il fut appelé à quitter le désert et à apparaître de nouveau comme le témoin public de Jéhovah. Il n’hésita pas même un instant, quoiqu’il eût préféré, sans doute, la solitude aux scènes orageuses et aux pénibles variations de la vie publique. Élie était un serviteur et cela suffisait. Il était tout aussi prêt à affronter le méchant Achab et tous les prophètes de Baal, qu’à se cacher pendant trois ans et demi. Nous ferons bien de désirer l’esprit d’un serviteur humble et obéissant. Un tel esprit nous gardera à travers bien des difficultés, nous sauvera des disputes, et nous conduira dans le chemin du service pendant que les autres discuteront. Si nous sommes disposés à obéir, nous ne serons pas laissés dans le doute quant au vrai chemin du service.

Nous avons déjà remarqué la prompte obéissance du prophète à la parole du Seigneur. Une telle obéissance impliquera toujours le renoncement à soi-même. Recevoir l’ordre de quitter sa retraite, pour paraître devant un tyran irrité, qui, avec Jézabel, inciterait une foule de prophètes idolâtres contre lui, voilà ce qui exigeait le renoncement de soi-même !

Mais Élie, par grâce, était prêt ; il sentait qu’il ne s’appartenait pas. Il était serviteur, et ainsi il se tenait toujours, avec les reins ceints et les oreilles attentives, docile aux appels de son Maître, quels qu’ils fussent. C’est une heureuse attitude ! Puissions-nous la rechercher ! Élie va donc à la rencontre du roi Achab, et nous sommes appelés à le suivre maintenant dans l’une des scènes les plus importantes de sa carrière.

Mais, avant de se rencontrer avec Achab, il traverse le sentier d’Abdias, et son entrevue avec lui révèle les caractères des deux personnes. Abdias ne s’adresse pas au prophète avec la cordialité qui devrait se montrer dans la conduite d’un frère envers un autre, mais plutôt avec la froideur d’un homme qui fréquente la société mondaine : « Est-ce bien toi, mon seigneur Élie ? ». Quoique peut-être la solennité de la présence d’Élie en imposât, nous ne pouvons croire que la familiarité entre deux serviteurs du Seigneur ne manquât. Élie aussi maintient une attitude froide ; il dit : « C’est moi ; va, dis à ton seigneur : Voici Élie ! ». Élie était le dépositaire du secret de l’Éternel, tandis que son frère l’ignorait. Et comment n’en serait-il pas ainsi ? La maison d’Achab n’était pas le lieu des conseils divins. Abdias accomplissait une mission en rapport avec le lieu d’où il venait et avec la personne qui l’avait envoyé ; et il en était de même d’Élie. Le but d’Abdias était de trouver de l’herbe pour conserver les chevaux et les mulets d’Achab ; mais le but d’Élie était d’annoncer le propos divin d’envoyer la pluie et de ramener la nation à sa première foi et à son dévouement. Tous les deux étaient pieux, et on dirait qu’Abdias était aussi bien à sa place qu’Élie, puisqu’il servait son maître. Sans doute, il servait son maître ; mais Achab devait-il être son seigneur ? Je ne crois pas que son service auprès d’Achab fût le résultat de la communion avec Dieu. Il est vrai que ce service ne lui ôtait pas son nom et son caractère d’homme qui craignait l’Éternel, car le Saint Esprit rappelle ce fait, en grâce ; mais c’était triste de voir un tel homme dans la maison du plus impie des rois apostats d’Israël. Élie n’aurait pas accepté une telle position ; nous ne pouvons nous le représenter s’occupant de cette mission qui réclamait toute l’énergie de son frère mondain. Élie n’aurait pas reconnu Achab comme maître, quoiqu’il dût le reconnaître comme son roi. Il y a une grande différence entre le sujet et le serviteur d’un monarque. Les autorités qui existent sont ordonnées de Dieu ; mais il faut distinguer entre la soumission aux puissances et la coopération avec elles. La première est un service juste et selon les Écritures, un acte d’obéissance positive à Dieu ; mais la seconde est une position fausse et antiscripturaire, où le croyant assumerait une autorité mondaine qui serait toujours une entrave au sentier du serviteur de Dieu. Nous ne voulons pas juger ceux qui peuvent se consacrer au service de ce monde ; mais ils se trouveront dans une position difficile par rapport au service de leur Maître céleste. Les principes de ce monde sont opposés à ceux de Dieu, et il est difficile de comprendre comment on peut concilier les deux choses. Abdias en est un exemple remarquable : s’il avait été plus ouvertement attaché au Seigneur, il n’aurait pas eu besoin de dire : « N’a-t-on pas rapporté à mon seigneur ce que j’ai fait ? ». Il croyait avoir fait une chose si remarquable en cachant les prophètes, qu’il s’étonnait que tous n’en eussent pas entendu parler. Élie n’avait pas besoin de faire une question pareille ; car sa conduite était bien connue. Ses actes de service à Dieu n’étaient pas des faits extraordinaires dans son histoire. Et pourquoi ? Parce qu’il n’était pas embarrassé dans les affaires de la maison d’Achab. Il était libre, et pouvait agir pour Dieu sans s’inquiéter des pensées d’Achab ou de Jézabel. En agissant ainsi, cependant, il était accusé de troubler Israël. « Est-ce bien toi — celui qui trouble Israël ? ». Plus on est fidèle à Dieu et à Sa vérité, plus on s’expose à cette accusation. Lorsque tous dorment comme des morts, le dieu de ce siècle en est satisfait et son domaine n’est pas troublé ; mais qu’un témoin fidèle se montre, il sera certainement considéré comme un intrus et comme un ennemi de la paix et de l’ordre. Mais il faut que la paix et l’ordre soient troublés, lorsqu’ils s’identifient avec ceux qui renient la vérité et le nom du Seigneur.

Le cœur du mondain ne s’occupe que de la question : « Y a-t-il paix ? » sans demander si cette paix est procurée aux dépens de la vérité et de la sainteté. La nature aime à prendre ses aises, et même parmi les chrétiens on cherche souvent la paix et la tranquillité quand la fidélité à Christ et à Ses commandements exigerait un témoignage contre la fausse doctrine ou les mauvaises œuvres. La tendance du siècle est de reléguer les questions religieuses à l’arrière-plan. Les choses du monde et de la chair sont beaucoup trop importantes à cette génération pour qu’elles soient interrompues, même pour un moment, par des questions d’une importance éternelle.

Mais Élie ne pensait pas ainsi. Il sentait que le sommeil paisible du péché devait être secoué à tout prix. Il voyait la nation plongée dans l’idolâtrie, et se disposait à amener l’orage. Il en est encore de même ; car l’orage de la controverse est toujours préférable au calme du péché et de la mondanité. On est heureux quand le besoin d’un orage ne se fait pas sentir ; mais quand il est nécessaire, et que l’ennemi cherche à étendre sur le peuple de Dieu le sceptre de plomb d’un repos profane, il nous convient d’être reconnaissants de ce qu’il y ait assez de vie pour interrompre un tel repos. S’il n’y avait pas eu un Élie en Israël, au temps d’Achab et de Jézabel, si tous avaient été comme Abdias ou les sept mille, Baal et ses prophètes auraient pu exercer une autorité entière sur le peuple. Mais Dieu suscita un témoin qui ne recherchait pas ses aises, ni les aises de la nation, si celles-ci devaient s’acheter au dépens de la gloire de Dieu et des premiers commandements donnés à Israël. Il ne craignait pas, dans la puissance de l’Éternel, d’affronter la terrible troupe de huit cent cinquante prophètes, dont l’existence dépendait de la cécité du peuple. À la tête de cette bande, il y avait une femme furieuse qui tournait son faible mari comme elle voulait. La mission d’Élie exigeait beaucoup de vigueur et d’énergie spirituelles, car il fallait de profondes et puissantes convictions de la vérité divine pour agir comme il le faisait. Seule une perception nette de l’état d’abaissement d’Israël pouvait le rendre capable d’abandonner Sarepta et de se lancer au milieu des sectateurs de Baal, en attirant sur lui de tous côtés une tempête d’opposition. Élie aurait pu demeurer en paix, s’il avait voulu laisser dominer Baal, et ne pas déranger les forteresses de l’idolâtrie. Mais il ne pouvait le faire ; et, par conséquent, il sortit vers le méchant Achab avec ces paroles pénétrantes : « Je ne trouble pas Israël, mais c’est toi et la maison de ton père, parce que vous avez abandonné les commandements de l’Éternel et que tu as marché après les Baals ». C’est ainsi qu’il traçait le mal jusqu’à sa vraie source ; c’était l’abandon de Dieu et de Ses saints commandements qui étaient la vraie cause de tous leurs malheurs. On est toujours prêt à oublier le péché qui a causé les malheurs, pour ne penser qu’à ceux-ci ; mais la vraie sagesse nous enseignera à nous détourner des malheurs pour regarder le péché qui les a causés.

Il en est ainsi quand la mauvaise doctrine s’est introduite, d’une manière insidieuse, parmi les chrétiens ; si quelque fidèle se sent appelé à y résister avec fermeté, il devra se résigner à être estimé comme une source de trouble, et comme étant la cause de toute l’agitation qui s’ensuivra. Mais une âme intelligente et réfléchie comprendra que tout cela provient, non de celui qui a résisté à l’erreur, mais de celui qui l’a introduite et de ceux qui l’ont reçue et soutenue. Sans doute, le défenseur de la vérité doit veiller sur son esprit et sur son caractère, afin qu’il ne fasse rien de mauvais tandis qu’il attaque la mauvaise doctrine ; car plusieurs de ceux qui ont commencé sincèrement de prendre la défense de quelque vérité négligée ou attaquée, ont manqué à cet égard et ont compromis leur témoignage. L’ennemi est rusé, et toujours prêt à agir sur l’étroitesse et l’injustice des hommes, en les conduisant à s’arrêter sur des infirmités de caractère, tandis qu’ils perdent de vue les importants principes dont il s’agit.

Mais notre prophète allait à la guerre bien armé. Il venait de la demeure secrète du Très-haut, ayant appris dans la solitude à se juger et à se vaincre ; et c’est ainsi qu’il fut qualifié pour le combat. Élie n’était pas un controversiste querelleur ; il avait été longtemps dans le secret de la présence divine, et ainsi son esprit avait été préparé pour affronter toute la compagnie des prophètes de Baal. Il se tenait devant eux dans cette dignité sainte qui le caractérisait toujours : il n’y avait en lui ni précipitation, ni trouble, ni hésitation. Il agissait en la présence de Dieu, c’est pourquoi il était calme et tranquille. C’est dans de telles circonstances que l’esprit d’un homme est mis à l’épreuve ; car rien, sinon la puissance de Dieu, ne pouvait maintenir Élie dans sa position extraordinaire sur le mont Carmel. Il était un homme ayant les mêmes passions que nous, et puisque lui seul possédait assez de puissance spirituelle pour résister à l’idolâtrie, l’ennemi aurait pu lui suggérer qu’il était un grand homme, osant se montrer seul comme défenseur de l’ancienne foi d’Israël. Mais Dieu soutenait Son serviteur, et le conduisit à travers cette épreuve, parce qu’il était Son témoin. Le Seigneur se tient près de ceux qui Lui sont fidèles ; et il en aurait été ainsi pour Abdias s’il avait résisté à Achab et à Jézabel. Il aurait pu être l’associé d’Élie, au lieu d’être le serviteur d’Achab ; mais ce n’était pas là son cas, quoique son âme juste fût tourmentée comme jadis celle de Lot, par la conduite des hommes pervers. Ô lecteur chrétien, cherchons quelque chose de plus élevé ! Ne soyons pas enchaînés dans les systèmes de ce monde ! C’est le ciel qui est notre patrie, et c’est là qu’est notre espérance. Nous ne sommes pas du monde ; Jésus nous a achetés, et nous a délivrés de ce présent siècle, afin que nous soyons des luminaires au milieu des ténèbres et que nous marchions, comme des hommes célestes, vers le repos de Dieu.

Mais ce n’est pas seulement dans sa conduite et dans ses manières qu’Élie agissait comme un serviteur de Dieu ; il se montrait comme étant enseigné de Dieu quant aux principes sur lesquels la réformation serait basée. Les manières serviraient peu si la vraie foi manquait. Il serait facile de porter la ceinture de cuir et de maintenir une apparence solennelle ; mais rien, sauf une intelligence spirituelle des pensées de Dieu, ne rendra un serviteur capable d’exercer une puissance réformatrice sur les hommes de son siècle. Élie était qualifié de la sorte ; son apparence et sa foi étaient celles qui lui convenaient. Sachant qu’il possédait un secret qui délivrerait ses frères de la servitude profane de Baal, il dit à Achab : « Et maintenant, envoie, rassemble vers moi tout Israël, à la montagne de Carmel, et les quatre cent cinquante prophètes de Baal, et les quatre cents prophètes des ashères, qui mangent à la table de Jézabel ». Il décide de mettre face à face Baal et le Dieu d’Israël, devant tout le peuple. Il sent qu’il faut tout mettre à l’épreuve. Ses frères ne doivent plus « hésiter entre les deux côtés ».

Quelle puissance dans cette parole du prophète, qui s’écrie devant les milliers assemblés d’Israël : « Combien de temps hésiterez-vous entre les deux côtés ? Si l’Éternel est Dieu, suivez-le ; et si c’est Baal, suivez-le ! ». C’était clair ! Les prophètes de Baal ne pouvaient ni contredire, ni s’opposer à une telle question ; car le prophète ne demandait que de la décision. Une marche irrésolue ne valait rien ; Élie voulait que les Israélites fussent froids ou bouillants.

Nous savons, par la parole de l’Éternel, au chapitre suivant, qu’il y avait sept mille hommes qui n’avaient pas fléchi le genou devant Baal, et qui n’attendaient que le moment où quelque main courageuse planterait l’étendard de la vérité, pour se rassembler autour de lui. Personne, parmi eux, n’aurait eu le courage de faire une telle chose, mais ils se réjouiraient de la hardiesse et de la capacité d’Élie. Tel a été souvent le cas dans l’histoire du peuple de Dieu. Dans les moments les plus obscurs, il y a toujours eu des cœurs qui ont pleuré, en secret, le mal et l’apostasie, des cœurs qui ont désiré l’apparition de la lumière spirituelle, étant prêts à saluer ses rayons avec joie. Dieu ne s’est jamais laissé sans témoin ; et quoique seules les étoiles d’un certain éclat puissent percer les nuages nocturnes, nous savons, cependant, que les étoiles ont toujours été là, même aux moments les plus obscurs. Il en était ainsi des jours d’Élie ; sept mille étoiles étaient obscurcies par des nuages d’incrédulité. Ces personnes ne se soumettaient pas aux ténèbres, quoiqu’il leur manquât la faculté d’éclairer les autres ; mais il y avait une étoile d’une gloire suffisante pour dissiper les brouillards, et pour créer une sphère où les autres brilleraient. C’était Élie le Thishbite, que nous voyons maintenant, avec une puissance et une splendeur célestes, brillant dans la forteresse même de Baal, renversant la table de Jézabel[4], exposant la folie de tout le système idolâtre, et accomplissant un immense changement moral dans la nation. Les milliers d’Israël ont été amenés à se prosterner dans une vraie humiliation, et le sang des prophètes de Baal a été mêlé aux eaux du Kison. Quelle grâce de la part du Seigneur que de susciter un tel libérateur pour Son peuple aveuglé ! Quel coup mortel pour les prophètes de Baal ! Sans doute, jamais sacrifice n’a été offert à leur idole à contre-cœur comme celui-ci, c’était le précurseur de la chute de Baal et de ses adorateurs. Quel spectacle ! Ils criaient et se faisaient des incisions avec des épées et des piques, jusqu’à faire couler le sang, en criant inutilement : « Ô Baal, réponds-nous ! ».

Ha ! Baal ne pouvait ni entendre, ni exaucer. Le prophète, sentant leur péché et leur folie, se moque d’eux ; ils crient avec plus d’ardeur et sautent sur l’autel d’une manière frénétique, mais en vain. Les faux prophètes devaient être exposés devant la nation, ils allaient perdre leur prestige ; les mains qui avaient été si souvent élevées sous leur influence, dans un culte diabolique, étaient prêtes à les saisir pour les conduire à la mort. En vain criaient-ils : « Ô Baal, réponds-nous ! ». Et nous voyons en tout cela la réalité des paroles de Jérémie, où il dénonce ceux qui abandonnent le Seigneur. N’importe en quoi ou en qui nous mettons notre confiance, que ce soit en des ordonnances religieuses ou en autre chose, c’est toujours l’abandon de Dieu qui attire la malédiction. Puis, quand la lutte surviendra, Baal sera invoqué en vain. Il n’y aura ni voix ni personne qui fasse attention et qui réponde. Qu’il est terrible, cet éloignement du Dieu vivant ! Qu’il serait désolant de trouver, à la fin de sa carrière, qu’on s’était appuyé sur un roseau cassé ! Ô lecteur ! si vous n’avez pas encore trouvé, pour votre conscience coupable, la paix permanente par le sang expiatoire de Jésus — si vous avez la moindre crainte de votre rencontre avec Dieu — permettez-moi de vous faire la question du prophète : « Combien de temps hésiterez-vous des deux côtés ? ». Pourquoi vous tenez-vous loin, quand Jésus vous dit de venir à Lui et de prendre Son joug sur vous ? Croyez-moi, l’heure vient où un plus grand qu’Élie se moquera de votre calamité, si vous n’avez pas cherché un refuge auprès de Jésus. Écoutez ces paroles solennelles : « Parce que j’ai crié et vous avez refusé d’écouter, parce que j’ai étendu ma main et que personne n’a pris garde, et que vous avez rejeté mon conseil et que vous n’avez pas voulu de ma répréhension, moi aussi je rirai lors de votre calamité, je me moquerai quand viendra votre frayeur, quand votre frayeur viendra comme une subite destruction, et que votre calamité arrivera comme un tourbillon, quand la détresse et l’angoisse viendront sur vous » (Prov. 1, 24-27). Terribles paroles qui dépassent la pensée. Combien plus terrible en sera l’accomplissement. Lecteur, allez à Jésus, à la source ouverte où vous trouverez la paix et la sûreté avant qu’éclate l’orage de la colère divine. Quand une fois le maître de la maison se lèvera et fermera la porte, il sera trop tard. Pensez-y, et ne permettez pas à l’ennemi de vous entraîner dans l’éternelle perdition !

Voyons maintenant l’autre côté du tableau. Les prophètes de Baal étaient en déroute ; ils avaient sauté et crié, ils s’étaient blessés en vain. Tout leur système avait été exposé. L’erreur était jugée ; il ne restait qu’à élever le magnifique édifice de la vérité devant ceux qui avaient été pendant longtemps asservis à la vanité et aux mensonges. « Et Élie dit à tout le peuple : Approchez-vous de moi ; et tout le peuple s’approcha de lui. Et il répara l’autel de l’Éternel, qui avait été renversé. Et Élie prit douze pierres, selon le nombre des tribus des fils de Jacob, auquel vint la parole de l’Éternel, disant : Israël sera ton nom ; et il bâtit avec les pierres un autel au nom de l’Éternel ». Il est toujours bon d’attendre patiemment, jusqu’à ce que le mal et l’erreur descendent à leur vrai niveau. La vérité vient en évidence avec le temps ; et quoique l’erreur cherche à se revêtir des robes de l’antiquité, le temps la dépouillera de son déguisement et la montrera telle quelle est. Élie le comprenait ; c’est pourquoi il pouvait rester tranquille et permettre aux grains de sable de couler dans l’horloge de Baal, avant de présenter à Israël le modèle d’une voie plus excellente. Il faut une intelligence profonde et réelle des principes divins pour pouvoir patienter ainsi. Si notre prophète avait été d’un esprit léger ou mal éclairé, il se serait pressé de manifester son système et de susciter une tempête d’opposition contre ses antagonistes. Mais un esprit doué d’une vraie supériorité ne se presse jamais, n’est jamais troublé ; il se meut autour d’un centre qui le rend supérieur à toute autre influence. Tel était Élie, saint, pieux et indépendant ; il conserva une dignité céleste, que doivent rechercher tous les serviteurs du Seigneur. Sur le mont Carmel, tandis qu’il contemplait les vains efforts des prophètes de Baal, il se présentait dans toute la dignité de sa mission. Non seulement sa conduite, mais aussi les principes de son action, rendaient témoignage à son office de prophète de l’Éternel.

Quels étaient ces principes selon lesquels agissait Élie ? C’étaient les principes qui formaient la base de l’unité de la nation. La première chose qu’il fit, fut de réparer l’autel de l’Éternel qui avait été renversé. C’était là le centre d’Israël, et, vrai réformateur, il devait y penser avant tout. Ceux qui ne cherchent qu’à faire une réformation à demi, se contentent de renverser ce qui est faux, sans poser de base pour bâtir ce qui est vrai ; mais une telle réformation ne tiendra pas, car elle contiendra trop « du vieux » pour être un témoignage à la vérité. L’autel de Baal doit tomber ; mais l’autel du Seigneur doit être élevé. Il y a des personnes qui offriraient des sacrifices au Seigneur sur l’autel de Baal ; c’est-à-dire qui retiendraient un mauvais système tout en lui donnant un beau nom. Mais non ; le seul centre d’unité reconnu de Dieu, c’est le nom de Jésus, simplement et exclusivement. Les chrétiens sont membres du corps de Christ, et il ne faut pas les considérer comme membres d’un système. Dieu les voit tous comme formant un seul corps ; et ils doivent s’estimer tels, comme Dieu le dit.

Élie sur le Carmel reconnaît l’unité complète d’Israël. Il prend douze pierres selon le nombre des fils de Jacob, auquel vint la parole de l’Éternel, disant : « Israël sera ton nom ». C’était un témoignage élevé, et Salomon lui-même ne l’aurait pas dépassé. Reconnaître les douze tribus d’Israël, lorsqu’elles étaient divisées, affaiblies et dégradées, c’est entrer dans la pensée de Dieu par rapport à Son peuple. Cependant, c’est ce que l’Esprit de Dieu mettra toujours dans le cœur d’un fidèle Israélite ; il n’oubliera pas « nos douze tribus ». Elles peuvent être divisées et dispersées à cause de leur faiblesse et de leur folie, mais le Dieu d’Israël les envisage toujours dans la parfaite unité où elles ont marché jadis, unité qu’elles manifesteront de nouveau, alors que, réunies par le vrai David, elles fouleront les parvis de l’Éternel. Le prophète Élie, par l’Esprit, voyait cette unité. Avec l’œil de la foi, il pénétrait plus loin que la longue et triste période de l’esclavage d’Israël, et contemplait le peuple, non plus comme « Juda et Éphraïm », mais dans une unité visible comme Israël, car la parole est : « Israël sera ton nom ». Il ne regardait pas ce qu’était Israël, mais ce que Dieu avait dit ; c’était la foi. L’incrédulité aurait dit : Vous avez trop de prétention ; c’est de la présomption de parler des douze tribus quand il n’y en a que dix ; c’est de la folie de parler de l’unité quand il y a division. C’est ainsi que parle l’incrédulité qui ne peut jamais comprendre les pensées divines ni voir les choses comme Dieu les voit. Mais c’est le privilège de l’homme de foi de se reposer sur le témoignage immuable et divin, qui n’est pas annulé par la coupable folie de l’homme. « Israël sera ton nom ». Précieuse et permanente promesse ! Rien ne pouvait l’annuler ; ni la puérilité de Roboam, ni la politique rusée de Jéroboam. Pas même la bassesse d’Achab ne pouvait empêcher Élie de prendre la position la plus élevée d’un Israélite ; la position d’un adorateur avec un autel bâti de douze pierres selon les noms des douze tribus d’Israël.

Nous voyons la même largeur de cœur et la même étendue de pensée en Ézéchias, roi de Juda, quand il ordonna que l’holocauste et l’offrande pour le péché fussent offerts pour tout Israël. La foi n’est pas limitée par les circonstances humaines ; elle se base, avec une sainte indépendance, sur la Parole de Dieu, et ne se contente de rien d’inférieur à ce que reconnaît l’Écriture. Il en est de même maintenant pour les chrétiens. Si nous écoutons ce que dit une nature incrédule, nos pensées ne monteront pas plus haut que la misérable condition de l’Église sur la terre ; mais si la foi nous conduit, elle nous élèvera en nous montrant l’Église dans sa perfection, comme le corps du Christ au ciel. Nous devons envisager l’Église ainsi, et non pas dans ces systèmes grossiers, charnels et mondains, qui sont formés par les hommes sans être reconnus de Dieu. Nous n’avons pas une pensée nette de l’Église, quand nous considérons les nombreuses sectes qui se sont produites avec une incroyable activité dans le monde religieux. Il nous faut être au-dessus des brouillards de la terre si nous voulons voir l’Église ; car, comme son Chef, elle est ressuscitée. Dieu soit béni de ce qu’il en est ainsi ; nous ne voudrions pas qu’elle fût ici.

Tout effort en vue de former une église sur la terre a manqué, et nous sommes forcés de conclure qu’il n’y a pas de terrain neutre sur lequel on pourrait former une union permanente entre l’Église qui est au ciel et l’église de Rome. Si nous cherchons une association qui corresponde à l’ensemble profane qui nous entoure, un arbre assez vaste pour abriter tous les oiseaux de l’air, certes, Rome répond à nos souhaits. Mais si, au contraire, nous avons appris assez de Christ et de Son évangile pour que nos esprits reculent devant un système aussi bas, aussi satanique, aussi subversif de tout principe de sainteté, alors il nous faut laisser la terre, car nous n’y trouverions (comme jadis la colombe de Noé) aucun repos pour la plante de nos pieds. L’Église n’est pas ici-bas. Il y a en abondance de ce qui s’appelle la religion ; des sectes sans fin avec la profession et la controverse sur des points de doctrine ; mais, au milieu de tout cela, où trouvons-nous l’Église dans son saint caractère de vierge chaste ? Hélas ! nous la cherchons en vain parmi les sectes et les partis ; parmi la mondanité, l’hypocrisie et le froid formalisme d’ici-bas. Tout cela ne forme qu’un système monstrueux, dont les défauts font blasphémer le nom de Dieu, et jette l’opprobre sur le christianisme. En effet, voyant le christianisme de nos jours, les hommes se le représentent comme une masse de maux, sous la forme d’avarice, de mondanité et de mauvaise foi, recouverte d’un manteau de sainte profession et de belles paroles. Une âme sensible est choquée de cet état de choses ; néanmoins il y a des exceptions notables à la règle générale. Il y a toujours, par la grâce de Dieu, quelques personnes qui n’ont pas souillé leurs vêtements ; oui, il reste quelque étincelle parmi les cendres ; quelques-uns encore désirent invoquer le Seigneur d’un cœur pur. Puissions-nous voir s’en augmenter le nombre ; et non seulement cela, mais que le Seigneur daigne donner aux siens de marcher ensemble en sainte communion ! Ainsi l’ennemi ne prévaudra pas, mais il y aura toujours un témoignage rendu à notre Sauveur au milieu de Ses ennemis déclarés ou cachés.

Nous serions portés à nous retirer, chacun chez soi, s’il n’y avait l’exhortation de ne pas négliger le rassemblement ; et nous n’osons désobéir à cette parole. Le seul centre, c’est Christ Lui-même, et c’est en Son nom que le Saint Esprit rassemble les croyants[5].

Mais il est précieux de savoir que, malgré l’état humiliant de l’église professante, le croyant peut toujours trouver le repos en contemplant l’Église telle qu’elle est dans sa vocation céleste. Cela console et fortifie l’esprit au milieu des circonstances les plus pénibles. Si nous avons manqué de maintenir notre position, Dieu n’a pas manqué de nous la conserver, et de nous conserver en vue d’elle.

Nous ne devons jamais cesser de réaliser ce qu’est l’Église comme corps de Christ dans le ciel. Si nous oublions cela, nous sommes abandonnés à l’alternative de choisir entre les nombreuses sectes de la chrétienté ; triste alternative, car il n’y a guère de ressemblance dans ces systèmes avec l’Église de Dieu. La draperie de l’Église peut se trouver en lambeaux ici et là ; mais la substance n’y est plus.

En Élie le Thishbite, nous avons un exemple de la fermeté de la foi aux divines promesses, à un moment où tout lui semblait contraire. Par la foi, il était à même de surmonter tout le mal qui l’entourait, et de bâtir un autel de douze pierres avec une assurance aussi parfaite que celle de Josué, lorsque celui-ci érigea son trophée sur le bord du Jourdain.

Nous avons vu le principe selon lequel Élie voulait accomplir sa réformation ; ce principe était sain, et Dieu le reconnut. Le feu du ciel confondit les prophètes de Baal, confirma la foi d’Élie, et délivra les Israélites de leur indécision. La foi d’Élie avait donné lieu à l’action de Dieu. Le prophète avait creusé un fossé et l’avait rempli d’eau, rendant la difficultés aussi grande que possible, afin que le triomphe de Dieu fût complet ; et il en fut ainsi.

Dieu répond toujours à l’appel de la foi. Le prophète avait dit : « Réponds-moi, Éternel, réponds-moi, et que ce peuple sache que toi, Éternel, tu es Dieu, et que tu as ramené leur cœur ». C’est une prière qui dénote l’intelligence ; Élie est occupé de Dieu et de Son peuple. Il ne dit pas : « Réponds-moi, afin que ce peuple sache que je suis un vrai prophète ». Son seul but était de ramener les enfants d’Israël au Dieu de leurs pères, et d’établir les droits de Dieu dans leurs consciences, en opposition aux prétentions de Baal. Et Dieu écouta Son serviteur, car à peine eut-il achevé sa prière que « le feu de l’Éternel tomba et consuma l’holocauste, et le bois, et les pierres, et la poussière, et lécha l’eau qui était dans le fossé. Et tout le peuple le vit. Et ils tombèrent sur leurs faces, et dirent : L’Éternel, c’est lui qui est Dieu ! L’Éternel, c’est lui qui est Dieu ! ». La vérité triompha ; les faux prophètes furent confondus. Élie, dans une sainte indignation, les égorgea dans les eaux du Kison, et ainsi, le mal étant jugé, il n’y avait plus d’obstacle à la bénédiction divine, qu’Élie annonce à Achab en ces paroles : « Monte, mange et bois, car il y a un bruit d’une abondance de pluie ». Ces mots indiquent le vrai caractère d’Achab : « Mange et bois » ! C’était là tout ce qu’il savait ou voulait savoir. Il était sorti pour chercher de l’herbe et rien de plus ; et le prophète lui apporta la nouvelle qu’il recherchait. Élie ne pouvait l’inviter à se joindre à lui pour rendre grâces à Dieu, à cause de ce triomphe sur le mal, car il savait que le roi n’y répondrait pas. Et cependant, ils étaient tous deux Israélites ; mais l’un était en communion avec Dieu, tandis que l’autre était esclave du péché. Achab se consolait dans le « manger et le boire », pendant qu’Élie demeurait seul avec Dieu. La joie du prophète était sainte et bénie. Et qui ne préférerait la communion avec le Seigneur à la poursuite des plaisirs grossiers et mondains ?

Mais remarquons la différence entre la noble conduite d’Élie en présence de l’homme et son humilité en la présence de Dieu. Il avait rencontré Abdias (un croyant dans une fausse position) avec dignité ; il avait répondu à Achab avec une juste sévérité. Il s’était trouvé au milieu de ses frères égarés avec la fermeté et la grâce d’un vrai réformateur ; et finalement, il avait anéanti les méchants prophètes de Baal avec la moquerie et l’épée de la vengeance. C’est ainsi qu’il s’était conduit en présence de l’homme. Mais comment se comporte-t-il en présence de Dieu ? « Il se courba jusqu’à terre, et mit sa face entre ses genoux ». C’était admirable ! Le prophète reconnaissait sa vraie place soit devant Dieu, soit devant les hommes.

En présence des hommes, il agissait, selon l’occasion, dans la sagesse de l’Esprit ; devant Dieu, il se prosternait avec une sincère et révérencieuse humilité ! Puissent tous les serviteurs du Seigneur savoir marcher de même dans toutes leurs diverses relations ici-bas.

Nous allons maintenant suivre notre prophète dans des circonstances bien différentes.

Le prophète sur le mont Horeb (1 Rois 19)

La carrière de ceux qui ont eu quelque service spécial pour le Seigneur a été généralement signalée par des vicissitudes. On dirait d’eux comme de ceux qui descendent sur la mer dans des navires : « Ils montent aux cieux, ils descendent aux abîmes ; leur âme se fond de détresse ».

Nous les voyons, tantôt sur la montagne, tantôt dans la vallée ; un moment, au soleil, un autre, battus par l’orage. Ce n’est pas le cas seulement des grands serviteurs de Dieu, car tout croyant, tant ignoré que soit son sentier, connaît ces variations. Personne ne peut courir dans le chemin de la foi sans y trouver des aspérités. Mais il est bon qu’il en soit ainsi ; car il n’y a pas de chrétien sérieux qui ne préférerait un chemin pénible à une pente glissante. Le Seigneur trouve bon de nous exercer par des difficultés, afin que nous trouvions le repos final plus doux, et que nous soyons formés pour le service actuel. Dans le royaume de gloire, nous n’aurons plus besoin d’épreuves, mais nous aurons besoin de ces dispositions d’âme qui sont formées au milieu des tribulations du désert. Nous reconnaîtrons alors que notre chemin ici-bas n’a pas été trop rude ; mais au contraire, que nous n’aurions pu nous passer d’un seul des exercices qui nous sont arrivés. Nous ne voyons maintenant que d’une manière indistincte, et souvent nous ne comprenons pas le motif de nos épreuves ; même notre impatience nous fait parfois murmurer. Mais, en nous soumettant à la volonté divine, nous pourrons bientôt dire que le Seigneur nous a conduits dans un chemin droit, pour aller dans une ville habitable (Ps. 107, 7).

Le prophète n’avait pas prévu l’orage qui allait fondre sur lui. Il était descendu du mont Carmel, et avait devancé le chariot d’Achab, dans l’énergie de l’Esprit, jusqu’à l’entrée de Jizreël. Mais c’est là qu’il fut arrêté, et cela par une personne qui s’était cachée jusqu’alors. C’était la méchante Jézabel, qui n’avait pas été oisive, quoique cachée. Elle avait, sans doute, usé de son influence sur son faible mari, dont le pouvoir servait ainsi à l’accomplissement de ses méchants desseins. Elle avait ouvert sa maison aux prophètes de Baal, et cela au profit de son maître. Jézabel ne représente pas seulement un individu, mais une classe, ou plutôt elle est la personnification d’un principe qui s’oppose, depuis des siècles, à la vérité de Dieu, et qui est pleinement développé dans la grande prostituée de l’Apocalypse. L’esprit de Jézabel est celui de la persécution — un esprit dominant — actif et persévérant ; il exprime l’énergie de Satan.

L’esprit d’Achab est bien différent. En Achab, nous voyons quelqu’un qui ne se souciait guère de la religion, pourvu qu’il pût satisfaire ses convoitises charnelles et mondaines. Il ne se donnait pas la peine de prononcer sur les droits de l’Éternel et les prétentions de Baal. Pour lui, c’était la même chose. Voilà l’homme que Jézabel conduisait à son gré ; elle se chargeait de satisfaire aux désirs d’Achab, tandis qu’elle se servait habilement de son pouvoir pour s’opposer à la vérité de Dieu. Les Achab sont toujours les instruments des Jézabel ; ainsi, dans l’Apocalypse où nous voyons mûrir tous les principes qui ont été, qui sont et qui seront en activité, nous trouvons Babylone montée sur la Bête ; c’est-à-dire la religion corrompue qui dirige le pouvoir civil. En d’autres termes, c’est l’esprit de Jézabel pleinement développé qui se sert de l’esprit d’Achab. Tout cela est propre à réveiller ceux de la génération présente qui ont des oreilles pour entendre. Les hommes deviennent toujours plus indifférents aux intérêts de la vérité de Dieu sur la terre. On reçoit Christ et Bélial, pourvu que les rouages de l’immense machine de la société ne soient pas entravés dans leur marche. On peut adopter les principes qu’on veut, pourvu qu’on ne les affiche pas ; et ainsi des hommes, avec les principes les plus opposés, peuvent s’unir en cachant leurs pensées, tandis qu’ils poursuivent le fantôme de la mondanité avec ardeur et énergie. Tel est l’esprit du siècle et telles en sont les tendances ; et lorsque l’esprit de Jézabel s’élèvera, il conduira les hommes dans une voie qui aboutit aux ténèbres éternelles, voie dans laquelle plusieurs personnes marchent déjà. Terrible pensée ! Et je dirai encore : « Que celui qui a des oreilles pour entendre entende ! ».

C’est de Jézabel que le prophète Élie reçut le coup qui accabla son esprit. « Et Achab raconta à Jézabel tout ce qu’Élie avait fait, et, en détail, comment il avait tué tous les prophètes par l’épée ». Achab le raconta à Jézabel ; il ne s’intéressait pas assez à l’affaire pour y prendre une part active. L’énergie aussi lui manquait ; peut-être la pluie abondante lui semblait-elle une conséquence de la mort des sacrificateurs ; ainsi il y restait indifférent. Qu’était Baal, qu’était l’Éternel, pour Achab ? Quand Achab et ses semblables possèdent de quoi manger et de quoi boire, ils ne se soucient guère des questions de la vérité et de la religion. C’est là un sensualisme grossier et insensé ! Enfants du siècle, vous qui dites : « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons ! », pensez à Achab, souvenez-vous de sa fin ! « Les chiens ont léché son sang ». Voilà la fin de son « manger et boire », et quant à son âme, c’est l’éternité seule qui en révèlera le sort.

Mais en Jézabel, nous voyons une personne qui ne manquait ni d’intérêt ni d’énergie. Pour elle, la controverse était de la plus haute importance, et elle était résolue d’agir avec décision. « Et Jézabel envoya un message à Élie, disant : Ainsi me fassent les dieux, et ainsi ils y ajoutent, si demain, à cette heure, je ne mets ton âme comme l’âme de l’un d’eux ». Le prophète est appelé à endurer la persécution. Il avait été sur le Carmel, où il avait affronté tous les prophètes de Baal ; jusque-là sa carrière avait été triomphante, comme résultat de la communion avec Dieu. Mais maintenant, il lui semblait que son soleil allait se coucher, et que son horizon devenait triste et sombre. « Et voyant cela, il se leva, et s’en alla pour sa vie, et vint à Beër-Shéba, qui appartient à Juda, et il y laissa son jeune homme. Et il s’en alla, lui, dans le désert, le chemin d’un jour, et vint et s’assit sous un genêt ; et il demanda la mort pour son âme, et dit : C’est assez ! Maintenant, Éternel, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères ».

L’esprit d’Élie est abattu ; il envisage les choses à travers le sombre nuage qui le couvre ; il lui semble que tout son travail est perdu, et qu’il n’a qu’à se coucher et à mourir. Son esprit, fatigué des efforts qui lui semblaient vains pour ramener le peuple à la foi, désire entrer dans le repos. En tout cela, nous voyons l’impatience et l’incrédulité. Élie ne parlait pas de s’en aller lorsqu’il était sur le mont Carmel ; il lui semblait qu’il y accomplissait une bonne œuvre, c’était un triomphe, et il ne songeait pas à son départ. Mais le Seigneur voulait montrer à Son serviteur non seulement ce qu’il devait faire, mais aussi ce qu’il devait souffrir. On serait disposé à travailler plutôt qu’à souffrir ; cependant le Seigneur est glorifié tout autant en celui qui souffre avec patience que par le plus actif serviteur. Les grâces qui se développent en celui qui endure des souffrances prolongées exhalent un parfum de bonne odeur tout autant que les fruits d’un service actif. Élie aurait bien fait de s’en souvenir ; mais nos cœurs peuvent sympathiser avec lui dans sa détresse et son découragement. Il n’y a pas beaucoup de serviteurs du Seigneur qui n’aient désiré de dépouiller l’armure et de cesser les fatigues du combat, spécialement quand tout leur travail leur semble avoir été vain, et quand ils s’envisagent comme occupant inutilement la terre. Mais nous devons attendre le moment de la délivrance, et jusqu’alors il nous faut poursuivre notre chemin dans un service patient et sans murmure.

Il y a une grande différence entre le désir d’échapper à l’épreuve et à la douleur, et le désir d’être dans la maison du Père. Le repos est doux au laboureur. Il est précieux aussi de penser aux demeures qui nous ont été assurées par l’œuvre de notre Seigneur Jésus Christ. Dieu essuiera toutes nos larmes, et l’Agneau conduira les siens aux verts pâturages et aux fontaines d’eau vive. Toute cette perspective de gloire est belle, mais nous n’avons pas le droit de dire au Seigneur d’ôter notre vie. Ce serait l’esprit d’impatience. Combien sont différentes les paroles de l’apôtre Paul : « Je suis pressé des deux côtés, ayant le désir de déloger et d’être avec Christ, car cela est de beaucoup meilleur ; mais il est plus nécessaire à cause de vous que je demeure dans la chair. Et ayant cette confiance, je sais que je demeurerai et que je resterai avec vous tous pour l’avancement et la joie de votre foi » (Phil. 1, 23-25).

Ces paroles dénotent un vrai esprit chrétien. Le serviteur de l’Assemblée doit rechercher le bien de celle-ci, et non ses propres intérêts. Si Paul avait cherché ses aises, il aurait désiré quitter la terre ; mais en considérant les besoins des croyants, il choisit de rester pour l’avancement de leur joie et de leur foi. Élie aurait dû faire de même, et désirer de rester pour le bien d’Israël. Mais il manqua de foi. Il s’était enfui au désert sous l’influence de l’incrédulité, et pour sauver sa vie ; il désirait que sa vie lui fut ôtée simplement pour échapper aux difficultés de sa position.

En tout cela, nous pouvons apprendre une leçon utile. L’incrédulité nous éloigne toujours de la place du témoignage et du service. Tant qu’Élie marcha par la foi, il répondit à sa responsabilité de serviteur et de témoin ; mais lorsque sa foi manqua, il abandonna son poste et s’enfuit au désert. L’incrédulité nous empêche de servir le Seigneur et nous rend inutiles. Nous ne pouvons agir pour Dieu que dans l’énergie de la foi ; et nous devons le rappeler, au temps actuel où tant de personnes abandonnent le témoignage ou s’en écartent.

Nous pouvons dire, je pense, comme un principe vrai, que quand quelqu’un se retire d’une position distincte de témoignage, il y est conduit par l’incrédulité positive. Tel est le cas de nos jours, pour plusieurs qui jadis étaient très en vue, parce qu’ils avaient compris, disaient-ils, la vérité de la présence du Saint Esprit dans l’Assemblée. Quand cette vérité est vraiment comprise et retenue en puissance, elle nous affranchit de l’autorité de l’homme en ce qui concerne la foi, et nous conduit hors des systèmes où cette autorité est reconnue et justifiée.

Si le Saint Esprit doit nous diriger dans l’Assemblée, l’homme n’a aucun droit d’intervenir pour décréter et établir des cérémonies, car en le faisant, il empièterait, d’une manière présomptueuse, sur la prérogative divine. Si donc quelqu’un croit sincèrement à cette importante vérité, cette croyance ne sera pas sans influence sur sa conduite, et il se séparera de tout système où cette vérité est méconnue. Il ne s’agit pas de ceux auxquels il s’attachera ; c’est là une question ultérieure. Il faut d’abord « cesser de mal faire » et puis « apprendre à bien faire ». Cependant plusieurs de ceux qui prétendaient, autrefois, comprendre la vérité et agir en conséquence, ont perdu la confiance au Seigneur ; ils se sont retirés de leur position de témoignage, et s’en sont retournés aux systèmes dont ils étaient sortis. Comme Élie, ils n’ont pas trouvé les résultats qu’ils attendaient, et à cause de cela ils s’en sont allés ; sans doute, plusieurs diraient : « C’est assez ». Oui, des cœurs qui, autrefois, retenaient des espérances douces et élevées, par rapport à l’Assemblée, sont abattus par la tristesse et le découragement. Ceux qui avaient fait profession de comprendre la vérité de la présence du Saint Esprit dans l’Église et d’autres vérités collatérales, et de marcher en elles, ont manqué de les réaliser. Non seulement cela, mais, en bien des cas, ils se sont manifestés d’une manière humiliante, et l’ennemi n’a pas manqué de s’en servir pour décourager ceux qui désiraient rester fidèles au Seigneur. Ceux-ci, voyant la ruine de tout témoignage collectif sur la terre, se sont retirés en désespoir de cause. Mais, remarquons-le bien, c’est l’incrédulité qui poussa Élie au désert, et c’est l’incrédulité qui est la cause de l’abandon de la position de témoignage à la présence du Saint Esprit dans l’Assemblée.

Ceux qui se retirent ainsi montrent qu’ils n’avaient pas affaire avec Dieu et Son éternelle vérité, mais avec l’homme et ses circonstances. Si la vérité divine est la base de notre action, nous ne serons pas influencés par les variations et les fautes humaines. L’homme peut manquer ; ses meilleurs et plus sincères efforts, pour mettre en action la vérité de Dieu, sont imparfaits ; mais est-ce que ces manquements annulent la vérité de Dieu ? Qu’ainsi n’advienne. Que Dieu soit vrai et tout homme menteur ! Si ceux qui retiennent la doctrine de l’unité de l’Église se divisent en partis ; — si ceux qui croient à la présence de l’Esprit dans l’Assemblée se soumettent néanmoins à l’autorité humaine ; — si ceux qui font profession d’attendre le Seigneur recherchent avec avidité les choses de ce siècle — est-ce que tout cela annule les principes divins ? Nullement ; car la vérité divine est immuable. Dieu ne change pas, lors même que l’homme se montrerait mille fois plus faible qu’il ne l’est. Donc, au lieu de nous abandonner au désespoir, parce que l’homme a fait un mauvais usage de la vérité de Dieu, nous devons plutôt tenir ferme cette vérité, comme étant la seule sécurité de nos âmes, au milieu de la ruine et du naufrage. Si Élie avait tenu ferme la vérité qui remplissait son âme lorsqu’il était sur le Carmel, nous ne l’aurions ni vu sous le genêt, ni entendu prononcer ces paroles : « Prends maintenant mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères !« .

Mais le Seigneur se souvient en grâce de Son serviteur, lors même qu’il dort sous un genêt : « Il sait de quoi nous sommes formés ; il se souvient que nous sommes poussière ». Au lieu d’exaucer la requête téméraire de Son serviteur abattu et découragé, l’Éternel veut le préparer et le fortifier pour de nouvelles luttes. Ce n’est pas là « la manière de l’homme » (2 Sam. 7, 19) ; mais c’est la grâce de Dieu, dont les voies et les pensées ne sont pas comme les nôtres. Que Son nom en soit béni ! L’homme agit souvent durement envers son semblable, sans aucune pitié ; mais il n’en est pas ainsi de Dieu ; Il agit toujours avec la plus grande compassion envers nous. Il comprenait les difficultés d’Élie, et Il se souvenait de la fidélité de Son serviteur, dans la lutte pour le nom de l’Éternel et pour Sa vérité ; c’est pourquoi Il lui vint en aide au temps de son découragement. Élie se coucha et dormit sous le genêt. « Et voici, un ange le toucha, et lui dit : Lève-toi, mange ! Et il regarda, et voici à son chevet, un gâteau cuit sur les pierres chaudes et une cruche d’eau ; et il mangea et but, et se recoucha. Et l’ange de l’Éternel vint une seconde fois et le toucha, et dit : Lève-toi, mange, car le chemin est trop long pour toi ! Et il se leva, mangea et but ; et il alla, avec la force de ces aliments, quarante jours et quarante nuits, jusqu’à Horeb, la montagne de Dieu ».

Le Seigneur sait, mieux que nous, le travail que nous aurons à faire ; et, dans Sa grâce, Il nous fortifie, selon Son estimation de notre besoin. Le prophète voulait dormir dans son affliction, mais l’Éternel voulait le fortifier pour son service ultérieur. Les disciples, en Gethsémané, accablés de tristesse en voyant la fin apparente de toutes leurs espérances, se sont endormis ; mais Jésus voulait qu’ils eussent les reins ceints et les bras fortifiés pour affronter l’épreuve. Élie mangea et but, et, fortifié ainsi, il marcha jusqu’à Horeb. Ici encore nous signalons les tristes effets d’un esprit impatient. Élie semble déterminé à quitter sa place de serviteur et de témoignage ; et s’il ne peut dormir sous un genêt, il se cachera dans une caverne. « Et là, il entra dans une caverne et y passa la nuit ».

Lorsqu’un croyant s’éloigne de la position où la foi l’aurait gardé, on ne peut prévoir jusqu’à quelle extrémité il ira. La foi seule dans la Parole de Dieu peut nous garder dans le chemin du service, parce que la foi nous donne de pouvoir attendre la fin ; tandis que l’incrédulité, qui s’occupe des circonstances, nous plonge dans un découragement complet. Le chrétien doit faire son compte de ne rien trouver ici-bas sinon des épreuves et des déceptions. Nous songeons parfois au repos et à la satisfaction ici-bas, dans telles ou telles circonstances, mais ce n’est qu’un songe. Élie avait espéré, sans doute, de voir opérer par son moyen un grand changement moral ; mais au lieu de cela, sa vie est en danger ! Il aurait dû s’y attendre. Celui qui affronta, sans crainte, Achab et tous les prophètes de Baal, aurait dû supporter le message de Jézabel. Mais non ! sa foi avait manqué.

Quand la foi manque à quelqu’un, son ombre lui devient un obstacle. En contemplant Élie sur le mont Horeb, nous nous demandons si c’est toujours celui qui se tenait sur le Carmel avec l’autel de douze pierres, pour revendiquer le Dieu d’Israël en présence de ses frères. Hélas ! quelle faible créature est l’homme, lorsqu’il n’est pas soutenu par une simple foi au témoignage de Dieu. David a pu rencontrer Goliath dans la puissance de la foi, mais après il dit : « Je périrai un jour par la main de Saül ». La foi est au-dessus des circonstances et s’adresse à Dieu ; l’incrédulité perd de vue le Tout-puissant et ne s’occupe que des circonstances. L’incrédulité disait que les enfants d’Israël étaient comme des sauterelles devant l’ennemi, tandis que la foi disait qu’ils pouvaient bien vaincre les Cananéens (Nomb. 13).

Cependant le Seigneur n’abandonne pas Son serviteur dans la caverne ; Il le suit pour le ramener au poste qu’il avait quitté dans son impatience et dans son incrédulité. « Et voici, la parole de l’Éternel vint à lui, et lui dit : Que fais-tu ici, Élie ? ». Quel avertissement ! Pourquoi Élie se cachait-il ainsi dans une caverne ? Pourquoi Élie avait-il abandonné l’honorable poste du témoignage ? À cause du message de Jézabel, et parce que son ministère n’avait pas été reconnu comme il l’entendait. Il croyait récolter, pour tout son travail, une moisson autre qu’une menace et un apparent abandon général. Voilà pourquoi il s’est retiré dans une caverne de la montagne, dans un endroit convenable pour y nourrir son découragement. Or il faut bien avouer que ce qui venait d’arriver était de nature à blesser le cœur du prophète. Il était sorti de sa retraite à Sarepta pour affronter tout Israël, conduit par Jézabel et une méchante foule de sacrificateurs et de prophètes ; il avait confondu ces derniers par la grâce divine. Dieu avait fait descendre le feu du ciel en réponse à sa prière, et tout Israël avait apparemment reçu la vérité qu’il avait proclamée ; tous ces événements avaient sans doute élevé ses espérances à un haut degré. Cependant, à la fin, sa vie est menacée, il ne voit personne qui le suive ; — il est enveloppé dans un sombre nuage ; il abandonne le champ de bataille et se cache dans une caverne.

Il est plus facile de condamner un autre que d’agir comme on devrait, et il ne faut pas nous hâter en nous prononçant sur les actions d’un serviteur aussi privilégié qu’Élie le Thishbite. Mais quoique nous n’ayons pas à le juger, nous pouvons recevoir de l’instruction et des avertissements de cette partie de la vie d’Élie. Nous pouvons apprendre une leçon utile de ces paroles : « Que fais-tu ici ? ». Méditons la question lorsque, par impatience ou par incrédulité, nous abandonnons notre vraie place de service parmi nos frères pour aller dormir sous un genêt ou nous cacher dans une caverne. N’y en a-t-il pas plusieurs, en ce moment, qui jadis s’occupaient sérieusement de l’unité et du culte des bien-aimés de Dieu, qui sont ou endormis ou cachés ? C’est-à-dire, qui ne font plus rien pour propager ces vérités. C’est triste ! À de telles personnes s’adresse la question : « Que fais-tu ici ? ». Oui, que font-ils ? Ou plutôt, que ne font-ils pas, en guise de mal aux brebis de Christ ? Quelqu’un qui se retire de la sorte n’est pas inoffensif, mais nuisible, car il fait un vrai tort à ses frères. Il vaudrait mieux n’avoir jamais propagé des vérités importantes, si c’est pour les abandonner ensuite. Appeler l’attention sur quelques grands principes de la vérité divine, et puis les délaisser, c’est agir en coupable. « Si quelqu’un veut être ignorant, qu’il soit ignorant ! ». Nous pouvons prendre pitié de l’ignorance, ou chercher à l’instruire ; mais celui qui, ayant fait profession de la vérité, l’abandonne, ne peut être un objet de pitié ou un sujet à instruire.

Mais ce n’est pas seulement l’incrédulité et le désappointement par rapport à certaines vérités qui poussent tels ou tels croyants à l’isolement ; le manque de succès dans le ministère peut produire le même effet. Ce fut peut-être le cas d’Élie. Le triomphe sur le Carmel lui avait, sans doute, donné des espérances considérables quant au résultat de son ministère, et il n’était pas préparé à la déception. Or le souverain remède à l’incrédulité et au désappointement, c’est de tenir nos regards constamment fixés sur Jésus. Si, par exemple, nous voyons des hommes professant les vérités de l’unité de l’Église et de la présence du Saint Esprit dans l’Assemblée ; — professant de connaître ces vérités, mais manquant de les réaliser, devons-nous nous retirer ? Devons-nous dire qu’il n’y a pas d’unité ni de présence permanente du Saint Esprit ? Qu’ainsi n’advienne ! Ce serait faire dépendre la vérité de Dieu de la fidélité de l’homme, principe qui ne serait admis aucunement par un chrétien éclairé. Non, regardons plutôt en haut, pour y voir l’Église comme corps de Christ, dont chaque membre est écrit par nom dans le livre de Dieu, de toute éternité. De même, nous voyons Jésus à la droite de Dieu dans les cieux, et nous y constatons le divin motif de la présence du Saint Esprit dans l’Assemblée. Béni soit Dieu ! Ces vérités sont sûrement établies ; car les dons de grâce et l’appel de Dieu sont sans repentir.

Enfin, si quelqu’un est éprouvé par rapport à son ministère, si l’ennemi cherche à le décourager par le désappointement, qu’il fixe ses yeux simplement sur Jésus. Il est bon de se rappeler que le moment est proche où tous ceux qui auront servi le Seigneur, par amour pour Son nom, seront pleinement récompensés ; et cela, malgré l’aspect sombre des choses ici-bas. Prenons garde, cependant, que notre ministère et ses fruits n’usurpent pas la place de Christ dans nos cœurs. C’est un danger ; car un serviteur peut commencer sa carrière avec un sincère dévouement envers Christ, et puis par la ruse de l’ennemi et par sa propre faiblesse, donner plus de place à l’œuvre qu’au Seigneur. Si Élie avait eu devant lui le Dieu d’Israël, il n’aurait pas succombé au découragement.

Nous apprenons le vrai état d’Élie par sa réponse à la voix divine : « J’ai été très jaloux pour l’Éternel, le Dieu des armées ; car les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels et ils ont tué tes prophètes par l’épée ; et je suis resté, moi seul, et ils cherchent ma vie pour me l’ôter ». Quelle différence entre ce langage et celui du mont Carmel ! Sur le Carmel, Élie plaidait la cause de Dieu, mais ici il plaide pour lui-même. Là il cherchait à convertir ses frères, en leur présentant la vérité de Dieu, mais ici il accuse ses frères en exposant leurs péchés devant l’Éternel[6].

« J’ai été très jaloux », mais « ils ont abandonné ton alliance ». C’est ainsi que parlait le prophète dans son désappointement au sein de la caverne en Horeb. On dirait qu’il se considérait comme le seul qui eût agi pour Dieu ou qui restât fidèle. « Je suis resté, moi seul, et on cherche ma vie pour me l’ôter ». Tout cela n’était que la conséquence naturelle de sa position. Du moment que quelqu’un se retire de sa place de témoignage et de service, il commence à se justifier et à accuser ses frères ; l’acte de se retirer exprime à la fois sa prétention à la fidélité et leur chute. Mais à tous ceux qui se séparent de leurs frères en les accusant, la question se pose : « Que fais-tu ici ? ». Que celui qui a des oreilles pour entendre entende !

Mais le Seigneur appelle Élie à sortir de sa caverne. « Et il dit : Sors, et tiens-toi sur la montagne devant l’Éternel ! Et voici l’Éternel passa, et devant l’Éternel un grand vent impétueux déchirait les montagnes et brisait les rochers : l’Éternel n’était pas dans le vent. Et après le vent, un tremblement de terre : l’Éternel n’était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre, du feu : l’Éternel n’était pas dans le feu. Et après le feu, une voix douce, subtile ».

Le Seigneur voulait montrer à Son serviteur, par ces manifestations si variées et frappantes, qu’Il n’était pas limité à un seul agent pour l’accomplissement de Sa volonté. Le vent était impétueux, mais il n’a pas accompli le but ; il en était de même du tremblement et du feu. Ces terribles éléments ne servaient qu’à préparer le chemin au dernier agent, en apparence le plus faible de tous, savoir à la voix douce et subtile. Ainsi le prophète devait apprendre à se contenter d’être un agent, entre plusieurs, pour accomplir la volonté divine. Il pensait peut-être que lui seul devait tout accomplir ; venant avec toute l’impétuosité du vent, il comptait renverser tous les obstacles et ramener la nation à l’heureuse fidélité envers Dieu. Mais combien il est difficile, même à l’instrument le plus honoré, de comprendre sa propre insignifiance ! Les plus dévoués, les plus élevés ne sont que des pierres dans l’édifice, des vis dans le vaste mécanisme, et quiconque croit qu’il est le seul instrument de Dieu se trompe singulièrement. Paul peut planter et Apollos arroser, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement.

Ainsi Élie a dû apprendre que le Seigneur avait d’autres serviteurs que lui ; qu’Il avait dans Son carquois d’autres flèches à tirer quand le moment viendrait. Le vent, le tremblement et le feu devaient accomplir chacun leur travail ; et puis la voix douce et subtile serait distinctement entendue dans toute son efficacité. C’est Dieu seul qui peut se faire écouter, quoiqu’Il ne parle qu’avec une voix douce et subtile. Élie resta dans la caverne jusqu’à ce que la voix lui arrivât, et puis il enveloppa son visage dans son manteau, et sortit et se tint à l’entrée de la caverne. C’est seulement en la présence du Seigneur que nous sommes dans notre vraie position. Nous pouvons avoir de hautes pensées de nous-mêmes et de notre ministère ; mais quand nous sommes placés en la présence divine, il nous convient d’envelopper notre face dans notre manteau, c’est-à-dire de nous cacher. Quand Moïse se trouva en la présence de Dieu, il devint tout tremblant et n’osa regarder ; et Job avait horreur de lui-même en se repentant dans la poussière et dans la cendre. Il en est de même de tous ceux qui se sont trouvés à la lumière de la présence de Dieu ; là, ils ont vu leur propre néant, et ont compris que Dieu peut se passer d’eux.

Le Seigneur est toujours prêt à reconnaître le moindre acte de service ; mais du moment qu’un serviteur s’occupe trop de son service, Dieu lui montre qu’Il n’a plus besoin de lui. Il en fut ainsi d’Élie, qui s’était retiré du travail et du combat, en désirant la mort. Il se croyait le seul témoin, un serviteur abandonné et découragé, et l’Éternel le fait comparaître devant Lui, et lui retire sa mission, tandis qu’Il lui annonce les noms de ses successeurs : « Va, retourne-toi par ton chemin, vers le désert de Damas ; et quand tu seras arrivé, tu oindras Hazaël pour qu’il soit roi sur la Syrie ; et Jéhu, fils de Nimshi, tu l’oindras pour qu’il soit roi sur Israël, et tu oindras Élisée, fils de Shaphath d’Abel-Mehola, pour qu’il soit prophète à ta place. Et il arrivera que celui qui échappera à l’épée de Hazaël, Jéhu le fera mourir. Mais je me suis réservé en Israël sept mille hommes, tous les genoux qui n’ont pas fléchi devant Baal, et toutes les bouches qui ne l’ont pas baisé ».

Ces paroles sans doute ont éclairé l’esprit du prophète. Sept mille ! tandis qu’il se croyait seul. Jamais les instruments ne manqueront à l’Éternel. Si le vent ne suffit pas, il y a le tremblement et le feu, et finalement la voix douce et subtile. Élie apprit qu’il y avait, pour Israël, d’autres ministères que le sien. Hazaël, Jéhu et Élisée devaient paraître sur la scène ; et comme la voix douce avait fait sortir Élie de sa caverne, ainsi le ministère de la grâce en Élisée attirerait de leurs cachettes des milliers qui avaient été ignorés jusque-là. Élie ne ferait pas tout : il n’était qu’un seul agent. L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ou bien la tête aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous.

Telle était l’importante leçon donnée à Élie dans les événements solennels du mont Horeb. Il y était monté rempli de lui-même ; il pensait être le seul témoin de Dieu ; il en descendit avec la connaissance, humiliante mais salutaire, qu’il n’était qu’un de sept mille. Quel changement s’était opéré dans ses pensées ! Il n’y a personne qui enseigne comme Dieu ; quand Il veut nous donner une leçon, Il le fait d’une manière efficace, béni soit Son nom ! Il avait fait connaître à Élie son insignifiance, de sorte que le prophète fut heureux de sortir de sa caverne et de descendre de la montagne, de cesser ses plaintes et ses accusations, et de jeter humblement son manteau prophétique sur les épaules d’un autre. Tout cela est fort instructif.

Après avoir entendu parler des sept mille, le silence d’Élie est bien remarquable. Il avait appris ce que le mont Carmel n’avait pu lui faire comprendre, ce que ni Sarepta, ni Kerith ne lui avaient enseigné. Dans ces derniers endroits, il avait beaucoup appris de Dieu et de Sa vérité, mais sur Horeb, il avait appris sa propre petitesse. Comme conséquence, il remet son office à un autre ; et non seulement cela, mais en le faisant, il dit : « Que t’ai-je fait ? ». Nous voyons, dans ce serviteur de Dieu, le renoncement à soi-même, depuis le moment où il a compris qu’il n’était qu’un agent entre plusieurs. Il avertit Achab dans la vigne de Naboth, et Achazia sur son lit de mort, et puis il s’en alla de la terre, laissant à d’autres le soin d’achever l’œuvre qu’il avait commencée. Comme Jean-Baptiste, qui vint selon l’esprit et la puissance d’Élie, il devait être content d’introduire un autre sur la scène, et puis de se retirer. Oh ! que nous sachions montrer cet esprit de renoncement ! — cet esprit qui nous conduirait à faire le travail sans nous en vanter ; ou bien, si l’œuvre passe en d’autres mains, à nous en réjouir.

Jean-Baptiste, aussi bien qu’Élie, a dû apprendre cela ; il a dû se contenter de finir ses jours en prison, tandis qu’un autre travaillait. Jean-Baptiste, aussi, fut exercé et envoya un message à Christ pour Lui demander s’Il était Celui qui devait venir, ou bien s’il fallait en attendre un autre. Il ne lui semblait pas possible d’être laissé dans la prison du roi Hérode. Jean a dû apprendre à se contenter de son sort. Il avait dit de Jésus au commencement : « il faut que lui croisse, et que moi, je diminue » ; mais peut-être n’avait-il pas pensé de diminuer de la sorte. C’était cependant la volonté de Dieu pour Son serviteur honoré ; et les pensées divines sont différentes des nôtres. Jean-Baptiste ayant rempli l’importante mission de précurseur du Fils de Dieu, a péri par la volonté d’une femme impie, et pour ne pas annuler le serment d’un profane tyran.

Il en était de même d’Élie. Sa carrière avait été brillante ; il s’était montré à Israël dans toute la dignité d’un messager céleste. La vérité divine était sortie de sa bouche, et Dieu l’avait honoré pleinement dans son œuvre ; mais lorsqu’il commença à penser à sa propre gloire, en disant que lui seul restait, lui qui était jaloux de la gloire de l’Éternel, Dieu lui montra son erreur et l’envoya pour appeler un successeur.

Puissions-nous apprendre en cela d’être réellement humbles et dévoués dans notre service, quel qu’il soit. Ne nous vantons pas, comme si notre service était de grande importance, ou comme si nous-mêmes nous étions quelque chose. Et lors même que notre ministère serait sans fruit, et que nous serions méprisés et rejetés, puissions-nous regarder en avant, vers la fin, où tout sera manifesté. C’est ainsi que faisait notre divin Maître. Il contemplait toujours la joie qui était devant Lui ; et en avançant vers cette joie, Il ne s’arrêtait pas pour s’occuper des pensées des hommes. Il ne se plaignait pas de ceux qui Le rejetaient, Le méprisaient et Le crucifiaient. Il ne les accusait pas ; une de Ses dernières paroles fut : « Père, pardonne-leur ! ». Maître béni ! accorde-nous plus de cet esprit d’humilité, d’amour, de grâce et de pardon ! Puissions-nous marcher sur tes traces dans ce monde aride et désert !

L’enlèvement du prophète (2 Rois 2)

La carrière de prophète, pour Élie, était achevée du moment qu’il avait jeté son manteau sur les épaules d’Élisée. Il a encore porté quelques messages, comme nous l’avons dit, mais son ministère envers Israël était terminé, lorsqu’Élisée, fils de Shaphath d’Abel-Mehola, fut oint à sa place. C’est lui qui avait abandonné l’œuvre ; il voulait sauver sa vie. Le temps était venu pour nommer un successeur.

Mais, en pensant au ministère d’Élie, nous ne devons pas considérer seulement son état de prophète ; il faut aussi le considérer comme un homme. Non seulement il est un serviteur, mais aussi un fils ; et nous le verrons aussi bien dans sa personne que dans son office. Comme prophète, sa persévérance et l’heureux accomplissement de son service dépendaient principalement de sa propre fidélité. Ainsi, quand il se laissa entraîner par un esprit qui ne convenait pas à son service, il dut remettre son office entre les mains d’un autre[7].

Il y avait, cependant, de meilleures choses en réserve pour Élie. Il avait agi avec précipitation, il s’était caché dans une caverne où il avait accusé Israël. Il désirait quitter ce monde d’épreuves, et il avait été appelé à donner sa démission ; mais le Dieu de grâce avait pour lui des pensées qui ne seraient jamais montées dans son cœur. Qu’il est bon de laisser à Dieu le soin d’appliquer Ses propres dispensations à nos voies ! Nous perdons toujours, quand nous mettons obstacle à l’action divine ; et cependant, c’est là toujours notre tendance. L’homme ne veut pas permettre à Dieu de le justifier, mais il veut toujours s’ingérer dans le merveilleux plan de la rédemption. Et quand, finalement, il se soumet à la justice de Dieu, sous l’action du Saint Esprit, il cherche constamment, malgré son expérience de la sagesse de Dieu, à entraver la méthode divine quant à la discipline. Il pense qu’il peut disposer de toutes choses pour son propre bien ; mais c’est de la folie présomptueuse. Les fruits de l’activité de l’homme seront, pour quelques-uns, l’éternelle perdition ; pour d’autres, la perte actuelle d’une plus grande connaissance expérimentale de la grâce et des voies de Dieu.

Si Élie avait été exaucé, combien n’y aurait-il pas perdu ! Il valait mieux être enlevé dans un chariot de feu que d’être retiré de la vie dans un accès d’impatience. Élie avait demandé la dernière de ces deux choses, mais Dieu lui donna la première. « Et il arriva que lorsque l’Éternel fit monter Élie aux cieux dans un tourbillon, Élie et Élisée partirent de Guilgal » (2 Rois 2, 1). Je ne sortirai pas de cette étude pour parler de l’introduction d’Élisée au ministère ; de sa lenteur d’abord, et puis de son refus de le quitter. Nous le voyons, en ce chapitre, accompagner Élie, de Guilgal à Béthel, de Béthel à Jéricho, et de Jéricho au Jourdain ; tous ces endroits étaient célèbres dans l’histoire d’Israël.

Béthel, la maison de Dieu, était l’endroit où Jacob avait vu jadis l’échelle mystique qui s’élevait de la terre au ciel, symbole des desseins futurs de Dieu, soit pour la bénédiction des familles célestes, soit pour celle des familles terrestres. C’est à Béthel que revint Jacob, par le commandement de Dieu, après s’être purifié des souillures de Sichem (Gen. 35, 1). C’était donc un endroit intéressant pour les Israélites. Mais hélas ! il avait été profané. L’idole de Jéroboam avait effacé les saintes vérités de l’échelle de Jacob. Cette échelle élevait les cœurs de la terre au ciel, et les portait en haut vers le conseil de la grâce de Dieu, en avant vers la gloire. Le veau d’or, au contraire, attachait le cœur à un système dégradé de religion politique, où les noms des choses célestes n’étaient employés que pour retenir les choses terrestres. Jéroboam se servait de la maison de Dieu pour s’assurer la possession du royaume d’Israël. Il se contentait de rester au bas de l’échelle sans regarder en haut. Son cœur terrestre se souciait peu des hauteurs où conduisait l’échelle de Jacob ; tout ce qu’il recherchait, c’était la gloire terrestre, et pourvu qu’il l’obtint, peu lui importait s’il adorait devant l’idole de Béthel ou devant l’autel du Seigneur à Jérusalem. Cela n’était rien pour lui. Jérusalem, Béthel ou Dan n’étaient que des noms, pour cet homme politico-religieux, comme pour tout autre homme semblable. La religion n’est qu’un instrument dans les mains des fils de ce siècle, un instrument pour exploiter la terre, non pour monter au ciel. L’homme profane tout ce qui est sacré ; si l’on met entre ses mains la vérité la plus pure, la plus céleste, il l’aura vite dénaturée. Donnez-lui l’ordonnance la plus solennelle, il l’aura bientôt réduite à une forme sans vie, en lui faisant perdre sa vraie signification. Il en a été ainsi de Béthel ; il en est ainsi de toutes les choses saintes avec lesquelles l’homme a affaire.

Quant à Guilgal, d’où partirent les deux prophètes, c’était aussi un endroit intéressant. À Guilgal, l’Éternel avait roulé l’opprobre d’Égypte de dessus Son peuple ; c’est là qu’Israël célébra la première pâque en Canaan ; là ils mangèrent le cru du pays. Guilgal fut le point de ralliement pour Josué et ses hommes de guerre ; ils sortaient de là, dans la puissance du Seigneur, pour triompher des Cananéens ; et ils y rentraient pour partager le butin. C’était un lieu célèbre pour Israël, un endroit plein de souvenirs saints, mais ayant perdu sa réalité. L’opprobre d’Égypte était venu de nouveau sur Israël ; et les principes enseignés à Guilgal avaient perdu leur influence sur les cœurs du peuple de Dieu. Bokim (le lieu des larmes) avait depuis longtemps remplacé Guilgal relativement à Israël, et Guilgal n’était plus rien qu’une forme ancienne mais sans puissance, car Israël ne marchait plus dans les vérités de Guilgal.

Encore, quant à Jéricho, c’est là que l’armée de l’Éternel, sous leur puissant chef, remporta la première victoire dans la terre de la promesse, en montrant la puissance de la foi. Puis finalement, le Jourdain était l’endroit où l’Éternel avait manifesté Sa puissance en rapport avec l’arche de l’alliance. Au Jourdain, la mort avait été vaincue, en figure, par la puissance de la vie ; et le fleuve présentait des trophées de victoire en son milieu et sur ses bords.

Ainsi ces divers endroits, Béthel, Guilgal, Jéricho et le Jourdain, étaient très intéressants pour un vrai enfant d’Abraham, mais leur véritable force et leur signification étaient méconnues, Béthel n’était plus la maison de Dieu, Guilgal n’était plus apprécié comme l’endroit où l’opprobre de l’Égypte avait été roulé de dessus le peuple. Les murs de Jéricho, jadis détruits par la foi, étaient rebâtis ; et le Jourdain n’était plus considéré comme le fleuve où se manifesta la puissance de l’Éternel. En somme, tous ces endroits avaient perdu leur signification, et le Seigneur aurait pu, même au temps d’Élie, adresser ces paroles à la maison d’Israël : « Ainsi dit l’Éternel à la maison d’Israël : Cherchez-moi et vous vivrez ; et ne cherchez pas Béthel, et n’allez pas à Guilgal, et ne passez pas à Beër-Shéba ; car Guilgal ira certainement en captivité, et Béthel sera réduite à rien. Cherchez l’Éternel, et vous vivrez ! » (Amos 5, 4-6). Voilà une importante vérité pour tous ceux dont les cœurs s’attachent à d’anciennes formes ! Nous apprenons, de ce notable passage, que rien ne subsistera, sauf la réalité d’une communion personnelle avec Dieu. Les hommes peuvent plaider en faveur des formes, de leur grande antiquité ; mais où trouverions-nous une antiquité plus grande que celle de Béthel et de Guilgal ? Cependant, ces endroits furent ruinés et détruits ; et les fidèles furent exhortés à les abandonner, et à regarder, avec une foi simple, au Dieu vivant.

Le prophète traversa tous ces endroits avec l’énergie et la dignité d’une personne céleste ; car sa destination était au-delà de la terre ; il aurait voulu laisser derrière lui Élisée, tandis qu’il se hâtait sur le chemin qui aboutissait au ciel ; mais Élisée veut l’accompagner, pour ainsi dire, aux portes mêmes du ciel, et il fait taire ces frères curieux par les mots : « Taisez-vous ! ». Élie continue sa marche dans la puissance de sa mission céleste : « L’Éternel m’envoie », dit-il, et obéissant à l’appel divin, il traverse Guilgal, Béthel, Jéricho, et enfin le Jourdain. Il laisse derrière lui toutes les anciennes formes et les localités sacrées qui auraient pu arrêter ceux qui n’étaient pas, comme Élie, animés d’une espérance céleste. Les fils des prophètes pouvaient s’attacher à ces endroits, avec des souvenirs heureux ; mais les choses les plus vénérables et les plus sacrées de la terre ne pouvaient présenter aucun attrait à celui qui pensait à son enlèvement au ciel. Le ciel était son but, et non Béthel ou Guilgal ; il était sur le point de quitter la terre avec toutes ses épreuves. Il allait laisser Achab et Jézabel derrière lui à leur terrible sort, et passer au-delà du pays d’alliances rompues, d’autels ruinés et de prophètes égorgés. Il allait au-delà des ténèbres et de la douleur, des épreuves et des déceptions de ce monde orageux, et cela dans un chariot de feu céleste. La mort n’aurait pas d’empire sur un homme céleste. Sans doute son corps a été changé en un clin d’œil, car la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu, ni la corruption de l’incorruptibilité. La mort n’a aucun pouvoir sur lui ; il entre en vainqueur dans son char de triomphe et monte à son repos. Heureux Élie ! Son combat est terminé, sa course achevée et sa victoire assurée. Il avait été étranger ici-bas, il ne ressemblait pas aux hommes du monde, ni à plusieurs des enfants du royaume. Il était sorti des montagnes de Galaad comme un témoin, avec les reins ceints, comme pour condamner le train d’un monde professant. Il n’avait pas de chez-lui, ni de lieu de repos ici-bas, mais comme un pèlerin céleste, il marchait en avant vers son repos. Le chemin d’Élie, du commencement à la fin, était unique. Comme Jean-Baptiste, il était une voix qui criait dans le désert, loin des demeures des hommes ; et quand il faisait son apparition, il était comme un météore céleste, dont l’origine et la destination dépassent toute idée humaine. Cet homme, à la ceinture de cuir, ne fut connu que comme un témoin contre le mal, un messager de la vérité de Dieu. Il n’avait pas de communion avec les hommes ; mais, dans toutes ses voies, il maintenait une dignité qui, à la fois, repoussait toute intrusion, et lui assurait la vénération et le respect. Il était entouré de la sainte paix du sanctuaire, de sorte que ni la vanité, ni la folie ne pouvaient tenir en sa présence. Il n’était pas, comme son successeur Élisée, un homme sociable. Son chemin était solitaire ; il vint, « ne mangeant, ni ne buvant ».

Il fut remarquable en tout ; dans son entrée à la carrière prophétique et dans sa sortie, à la fin. Il fut une exception de toutes manières ; et le fait même qu’il ne mourut pas, le rendit digne d’une attention spéciale.

Observons le chemin que poursuivait Élie en s’acheminant vers la scène de son enlèvement. Il retraça le chemin, mais en sens contraire, du camp d’Israël au temps de Josué. Israël alla du Jourdain à Jéricho, mais Élie voyagea de Jéricho au Jourdain. En d’autres termes, comme le Jourdain séparait le désert du pays, le prophète le traversa, laissant Canaan derrière lui. Son chariot vint pour lui, non dans le pays, mais dans le désert. Le pays était souillé, et devait bientôt être purifié de ceux qui y avaient introduit la souillure. La gloire s’en allait même de l’endroit le plus favorisé ; I-Cabod était écrit partout ; c’est pourquoi Élie partit et s’en alla au désert, montrant aux entendements éclairés qu’il ne restait rien, pour des hommes célestes, que le désert ici-bas et le repos en haut. La terre ne serait plus le repos de l’homme de Dieu ; elle était souillée. Le Jourdain avait été divisé pour qu’Israël passât du désert en Canaan ; maintenant, il s’ouvrirait pour laisser passer un homme céleste de Canaan au désert, où le chariot qui le conduirait au ciel, l’attendait. Les espérances terrestres étaient bannies de l’esprit d’Élie ; il avait appris que tout ce qu’il y a dans le monde n’est que vanité, et que rien ne lui restait, sinon ce qui est au-delà de toutes les choses de la terre. Il avait travaillé au milieu des autels démolis d’Israël et rendu témoignage pendant longtemps au milieu d’un peuple désobéissant et rebelle, et il désirait s’en aller au repos. Il s’en irait d’une manière digne de Dieu, car Jéhovah mettrait Ses bras éternels autour de lui pour le délivrer du pouvoir de la mort. Dans son cas, la mort n’aurait point d’aiguillon, le sépulcre point de victoire. Élie sur le sable du désert pouvait regarder en haut, et, sans souffrir des circonstances humiliantes de la maladie et de la mort, il contemplait le ciel prêt à le recevoir. Il a été délivré des souffrances humiliantes des mortels ; il a échangé son manteau de prophète pour un chariot de feu. Il pouvait bien laisser tomber à terre son manteau, tandis que lui montait au ciel. La terre n’était, à ses yeux, qu’une partie souillée et périssable de la création de Dieu, et il était bien heureux de quitter tout ce qui dénotait ses relations avec elle. Il est vrai qu’il laissait derrière lui une personne qui connaissait sa valeur et regretterait son absence, un homme qui pouvait crier : « Mon père ! mon père ! Char d’Israël et sa cavalerie ! ». Mais il allait au-delà de tout sentiment humain et de toute affection terrestre. Élisée avait pu demander la permission d’aller saluer ses parents avant de partir ; mais ici Élie se trouve au-delà de ces relations. Les choses d’ici-bas n’avaient plus d’attrait pour lui ; le ciel l’attendait, et les affaires des hommes étaient au-dessous de lui. Quelle position ! Et cependant, c’est la seule position convenable à tout homme céleste. Le monde et la terre n’ont plus aucun droit sur celui qui croit en Jésus ; car la croix a brisé toutes les chaînes qui jadis le retenaient. Comme le Jourdain séparait Élie de Canaan, et l’amena au désert pour y trouver le chariot de l’Éternel, ainsi la croix a conduit le croyant sur le terrain nouveau. La croix amène le fidèle au désert, au-delà de la mort, n’ayant aucun but, sinon son enlèvement pour rencontrer le Seigneur. Voilà la part de tout chrétien, quelque faible et ignorant qu’il soit. S’il s’agit d’en faire l’heureuse expérience, c’est autre chose ; car, pour jouir de cette position, il faut la communion avec Dieu et le jugement de soi-même. La chair et le sang ne comprennent pas ce que veut dire l’enlèvement d’un homme céleste. Même les fils des prophètes ne l’ont pas compris, car ils ont dit à Élisée : « Voici, il y a avec tes serviteurs cinquante hommes, des hommes vaillants ; qu’ils aillent, nous te prions, et qu’ils cherchent ton maître ; l’Esprit de l’Éternel l’aura peut-être emporté et l’aura jeté sur quelque montagne ou dans quelque vallée ». Voilà leur pensée sur l’enlèvement d’Élie ; ils ne pouvaient concevoir qu’il fût allé au ciel dans un chariot de feu[8]. Ils s’arrêtaient encore aux choses de la terre, car leur entendement spirituel n’avait pas été assez exercé pour reconnaître et apprécier une si glorieuse vérité. Élisée s’est soumis à leur importunité ; mais ils ont dû apprendre quelle était leur folie, par le travail inutile des envoyés.

Cinquante hommes vaillants n’ont pu trouver nulle part le prophète enlevé. Il n’était plus sur la terre ; mais il fallait une puissance tout autre que celle de l’homme naturel pour suivre ce chemin. L’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, et il ne peut les connaître, parce qu’elles se discernent spirituellement. Ceux qui marchent selon l’Esprit comprendront mieux quelle a été la grâce, accordée au prophète, d’être délivré des exigences de la mort, et d’être introduit d’une manière glorieuse dans le repos céleste.

Telle a été la fin de la carrière du prophète ; une fin glorieuse. Qui de nous ne désirerait une fin semblable à la sienne ? Quelle grâce ! Qu’un homme soit honoré de la sorte ! Béni soit le Sauveur, le Fils de Dieu, le Prince de la vie, qui vint de la gloire céleste pour mourir à la croix ! C’est en vertu de cette œuvre, en perspective, qu’Élie a été délivré de la mort, et qu’il est allé au ciel sans mourir. Que Dieu nous donne de connaître toujours plus Son amour ! Oui ; en retraçant le chemin d’Élie, de Galaad à Kerith, à Sarepta, au Carmel, en Horeb et au ciel, nous disons : « Ô l’incomparable amour de Dieu ! ». Qui pourrait concevoir un tel chemin ! Dieu seul peut faire de telles choses ; et le chemin d’Élie le Thishbite exalte la grâce de Dieu, tandis qu’il confond la sagesse de l’ennemi. L’enlèvement d’un croyant au ciel est un des plus magnifiques résultats de la rédemption. Délivrer une âme de l’enfer est un triomphe ; ressusciter le corps d’un croyant est une manifestation encore plus grande de la grâce et de la puissance divine ; mais prendre un homme vivant, dans sa vigueur, et le transporter de la terre au ciel, est un déploiement encore plus grand de la puissance de Dieu en rédemption. Nous la voyons dans le cas d’Élie, qui a été enlevé (âme, esprit et corps) au ciel. Il a été délivré du tumulte et de la confusion de ce monde. Le courant du mal pourrait s’accentuer et les hommes et leurs principes se manifester ; la mesure des iniquités d’Israël serait bientôt comble. Le fier Assyrien, la verge de l’Éternel, viendrait pour châtier le peuple ; mais qu’était cela pour le prophète enlevé ? Rien ; le ciel s’ouvrait sur lui ; pèlerin dans le désert, il en avait fini avec le pays de Canaan. Il allait quitter les souillures et la dégradation du peuple et prendre sa place en haut pour y attendre les événements solennels auxquels il aura encore part.

Nos méditations pourraient se terminer à l’enlèvement du prophète ; mais il y a une scène particulière où il apparaît dans le Nouveau Testament, et si nous n’y faisions pas allusion, notre étude demeurerait incomplète.

Sur la montagne de la transfiguration, Moïse et Élie apparurent en gloire, et parlèrent avec le Seigneur Jésus Christ de Sa mort qu’Il devait accomplir à Jérusalem. Le Seigneur avait pris avec Lui Pierre, Jacques et Jean, et les avait conduits au sommet de la montagne pour contempler Sa gloire future. C’est ainsi qu’Il voulait fortifier leurs âmes pour pouvoir affronter les épreuves du chemin qu’ils devaient encore parcourir. Quelle gloire ! Le Seigneur Lui-même avec Ses vêtements blancs et resplendissants ; Moïse, figure de ceux qui dorment ; Élie, type de ceux qui seront enlevés ! Pierre, Jacques et Jean, les piliers de l’Église, étaient là ; et il est évident que notre Seigneur voulait préparer Ses apôtres pour le jour de Ses souffrances, en leur montrant un tableau de la gloire qui les suivrait. Jésus avait en perspective la croix avec toutes ses horreurs ; Il avait dit aux disciples, un peu avant la transfiguration, que le Fils de l’homme devait souffrir beaucoup et être rejeté par les anciens et par les principaux sacrificateurs et par les scribes. Il devait être crucifié, mais Il ressusciterait le troisième jour. Cependant, Il a voulu montrer Sa gloire aux siens avant de passer par les souffrances.

La croix, c’est la base de toute bénédiction : la gloire de Christ et des siens, la joie du peuple Israël ramené en Canaan, et la délivrance de la création du joug de la corruption. Tout dépend de la croix de notre Seigneur Jésus Christ. Ses peines et Ses douleurs forment le fondement de la gloire de l’Église, de la bénédiction d’Israël et de toute la création. Donc, ne nous étonnons pas que cette croix ait été le sujet de l’entretien entre Christ, Moïse et Élie. « Ils parlaient de sa mort qu’il allait accomplir à Jérusalem ». Tout dépendait de Sa mort ; le passé, le présent et l’avenir, tout se reposait sur la croix, comme sur une base immortelle. Moïse pouvait discerner dans la croix ce qui mettait de côté les ombres contenues dans les rites et cérémonies sous la loi ; Élie pouvait y reconnaître tout ce qui rendait efficace le ministère prophétique. La loi et les prophètes indiquaient la croix comme le fondement de la gloire à venir. Combien donc était intéressant le sujet de la conversation sur le mont de la transfiguration, au milieu de l’excellente gloire ! Intéressant pour la terre, pour le ciel et pour l’entière création de Dieu. Car la croix est le centre des desseins et des conseils divins, conciliant tous les attributs de Dieu ; elle maintient, selon des principes immuables, la gloire de Dieu et la paix du pécheur ; on y voit gravée l’inscription : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, paix sur la terre, et bon plaisir dans les hommes ». Il n’est donc pas étonnant que Moïse et Élie soient apparus en gloire pour parler d’un sujet aussi important. Ils allaient retourner à leur repos, tandis que leur Maître devait redescendre au combat pour affronter la croix dans toute sa terrible réalité ; mais ils savaient bien que Lui et eux se rencontreraient encore au milieu d’une gloire sans nuage — gloire dont l’Agneau est le centre éternel — gloire qui brillera quand toutes les gloires humaines et terrestres seront terminées dans la nuit — gloire qui subsiste à jamais.

Mais que faisaient les disciples sur ces entrefaites ? Ils dormaient, pendant que Moïse et Élie parlaient avec le Fils de Dieu de Sa croix et de Ses souffrances. La nature peut dormir même en face de l’excellente gloire[9]. « Et quand ils furent réveillés, ils virent sa gloire et les deux hommes qui étaient avec lui. Et il arriva, comme ils se séparaient de lui, que Pierre dit à Jésus : Maître, il est bon que nous soyons ici ; et faisons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie, ne sachant ce qu’il disait ». Sans doute, il était bon d’être là ; c’était beaucoup meilleur que de descendre de la montagne pour rencontrer toutes les contradictions et l’injustice des hommes. Quand Pierre vit la gloire, et Moïse et Élie, il semblait à son esprit d’Israélite qu’il n’y avait plus d’obstacle à la célébration de la fête des Tabernacles. Il dormait pendant qu’ils parlaient de la mort de Jésus, mais quand il s’est réveillé, il aurait aimé fixer sa tente dans cette scène de paix et de gloire, sous les cieux ouverts. Mais il ne savait pas ce qu’il disait. Ce n’était qu’un instant passager. Les deux personnes célestes allaient s’éloigner, et Jésus serait livré entre les mains des hommes. Il passerait de la montagne de la gloire à celle de la souffrance ; Pierre lui-même serait criblé par Satan, et humilié et brisé sous le sentiment de sa chute. Il serait ceint par un autre et irait où il ne voudrait pas. Une longue nuit de douleur et de tribulation se préparait pour l’Église ; les armées de Rome viendraient pour fouler aux pieds Jérusalem et la dévaster. Les foudres de la guerre et des révolutions se feraient sentir, avec une terrible violence, sur toute la terre civilisée. Toutes ces choses, et bien d’autres aussi, devaient arriver avant que le repos, rêvé par Pierre, se réalisât sur la terre. Le prophète Élie doit visiter la terre de nouveau avant qu’arrive le grand et terrible jour du Seigneur (Mal. 4, 5). Élie viendra premièrement et rétablira toutes choses. « Jusques à quand, Seigneur ? ». Que cela soit le cri constant de nos cœurs, tandis que nous avançons vers le repos et la gloire qui nous attendent. Le temps est court, et une éternité pleine de réalités divines et glorieuses est proche. Puissions-nous marcher à la lumière de cette gloire ! Qu’il nous soit donné de voir par la foi la belle aurore de la matinée sans nuage qui va bientôt poindre. Tout nous montre que la fin est proche ; tous les événements, toutes les voix qui nous parviennent, nous parlent de la venue du royaume. La mer et les flots mugissent, les peuples sont en convulsion, les trônes sont renversés ; toutes ces choses nous montrent la fin. Une voix du ciel nous dit : « Regardez en haut ! ». Ceux qui ont reçu le Saint Esprit possèdent les arrhes de l’héritage à venir. Ils ont été sur la montagne, et quoiqu’ils aient dû descendre pour affronter les épreuves et la douleur d’ici-bas, ils possèdent néanmoins l’avant-goût de la joie et des bénédictions qui seront leur éternelle part. Ils peuvent rendre grâce à Dieu chaque jour, chemin faisant, de ce que leurs espérances n’étant pas limitées par le triste horizon de ce monde, ils ont une demeure au-delà de tout ce qui est transitoire.

Conclusion

Quoique, dans son ministère, Élie le Thishbite ressemble à Jean-Baptiste, comme nous l’avons vu déjà, cependant si nous envisageons sa personne et son chemin de pèlerin et spécialement son départ pour le ciel, il se présente à nous comme une figure de l’Église ou de la famille céleste. En le considérant ainsi, peut-être quelques remarques sur les importantes doctrines de l’Église ne seront pas déplacées, comme formant une conclusion à l’esquisse précédente.

Il est important que nous comprenions l’enseignement par rapport au caractère céleste de l’Assemblée ; car nous trouverons que cette vérité nous préservera des formes variées du mal et de la mauvaise doctrine qui existe de nos jours. Être sainement instruit de l’origine céleste, de la position et de la céleste destinée de l’Église, c’est la sauvegarde la plus efficace contre la mondanité et le mauvais enseignement. Tout système de doctrine ou de discipline qui rattacherait l’Église à la terre, soit dans sa position actuelle, soit dans son espérance de l’avenir, est faux et exerce une mauvaise influence. L’Église n’appartient pas à la terre ; sa vie, sa position et ses espérances sont célestes ; son appel et son existence dépendent en quelque sorte de la mise de côté actuelle de la terre. Éden et Canaan furent jadis des endroits bénis par l’opération divine ; mais le péché les a gâtés. Maintenant, ceux qui reçoivent l’évangile de la grâce de Dieu, prêché au nom d’un Sauveur crucifié, ressuscité et glorifié, deviennent les membres vivants du corps de Christ, et sont appelés à abandonner toute espérance terrestre. Vivifiés par la voix de Celui qui est monté aux cieux, ayant une vie qui dérive de la sienne, ils occupent la place d’étrangers et de pèlerins sur la terre. La position d’Élie le Thishbite, sur le côté du désert près du Jourdain[10] représente celle de l’Église. Les deux termes de son existence sur la terre sont d’une part la croix, et d’autre part le retour du Seigneur. Entre ces limites, la terre n’a pas de place. Envisager l’Église comme une association terrestre serait la ravaler bien au-dessous des pensées divines.

La doctrine de l’appel céleste de l’Église a été développée, dans toute sa puissance et sa beauté, par le Saint Esprit dans l’apôtre Paul. Jusqu’à lui, et même au commencement de son ministère, Dieu s’occupait encore d’Israël. Il y avait eu une succession de témoins, dont le ministère avait pour but la bénédiction du peuple terrestre. Les prophètes rendaient témoignage à Israël, non seulement de leur état de ruine, mais aussi de l’établissement du royaume dans l’avenir, selon l’alliance faite avec Abraham, Isaac, Jacob et David. Ils ne parlaient pas de l’Église — corps de Christ — dans le ciel. Comment auraient-ils pu le faire, puisque ce profond mystère n’était pas encore révélé aux fils des hommes ? La révélation d’une Assemblée, composée de Juifs et de Gentils assis en Christ dans les lieux célestes, était au-delà du témoignage prophétique de l’Ancien Testament. Ésaïe parle dans un langage des plus élevés, de la gloire de Jérusalem aux derniers jours ; il parle des nations qui viendront à sa lumière, et des rois qui s’approcheront de sa splendeur. Mais il ne dépasse pas les gloires du royaume établi sur la terre ; et par conséquent, il ne va pas plus loin que l’alliance faite avec Abraham. Cette alliance assure la bénédiction à la postérité d’Abraham et, par elle, aux nations ; mais nous ne trouvons pas la révélation du mystère de l’Assemblée dans la loi et les prophètes.

Puis, dans le ministère de Jean-Baptiste, nous voyons la même chose. La somme de son témoignage était : « Repentez-vous, car le royaume est proche ! ». Comme précurseur du Messie, il cherchait à produire l’ordre moral dans tous les rangs du peuple. Il prêchait aux Juifs ce qu’ils devaient faire, dans cet état de transition où son ministère les conduirait, et annonçait Celui qui devait venir. Avons-nous, en cela, quelque allusion au mystère ? Pas un mot ; c’est le royaume qui est prêché. Jean pouvait conduire ses disciples jusqu’au Jourdain, le lieu de la confession, mais il ne pouvait les conduire en haut. Il fallait un plus grand que lui pour faire cela.

Le Seigneur Jésus prend alors Sa place dans le témoignage. Les prophètes avaient été lapidés, Jean-Baptiste avait été décapité, et maintenant le témoin fidèle entre en scène ; et non seulement Il déclare que le royaume est proche, mais aussi Il se présente Lui-même à la fille de Sion comme étant son Roi. Lui aussi est rejeté ; et, comme les témoins précédents, Il scelle Son témoignage par Son sang. Israël n’a pas voulu le Roi, l’envoyé de Dieu ; et Dieu n’a pas voulu donner le royaume à Israël.

Après cela vint le témoignage des douze apôtres. Après la résurrection, ils ont demandé au Seigneur s’Il allait maintenant rétablir le royaume pour Israël. Leurs pensées étaient remplies du royaume ; aussi les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs espéraient-ils que c’était Lui qui délivrerait Israël. Il en était bien ainsi ; mais la question était quand cela aurait lieu. Le Seigneur ne blâme pas les disciples d’avoir pensé au royaume, mais Il leur dit : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les saisons que le Père a réservés à sa propre autorité ; mais vous recevrez de la puissance, le Saint Esprit venant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée et dans la Samarie, et jusqu’au bout de la terre » (Act. 1, 6-8). Encore, l’apôtre Pierre offre ainsi le royaume aux Israélites : « Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés ; en sorte que viennent des temps de rafraîchissement de devant la présence du Seigneur, et qu’il envoie Jésus Christ, qui vous a été préordonné, lequel il faut que le ciel reçoive jusqu’au temps du rétablissement de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes de tout temps » (Act. 3, 19-21). Avons-nous ici le développement du mystère ? Non ! Le résultat de ce témoignage fut simplement le rassemblement à Jérusalem d’un certain nombre de croyants auxquels rien ne fut enseigné de la position spéciale et céleste de l’Assemblée. Le moment n’était pas encore venu pour cet enseignement ; la doctrine de l’Assemblée devait être encore, pour ainsi dire, imposée, comme étant en dehors du cours régulier des événements.

L’Église, comme nous la voyons au commencement des Actes, présente un modèle de grâce et d’ordre qui est exquis, mais rien n’y dépasse ce que l’homme peut connaître et apprécier. C’était le royaume, et non encore le grand mystère de l’Église. Ceux qui croient que les premiers chapitres des Actes présentent l’Église dans son plus haut aspect n’ont pas compris les pensées divines à ce sujet. La vision de Pierre, en Actes 10, est évidemment un progrès sur sa prédication du chapitre 3. La grande toile descendit du ciel et y remonta ; elle était donc un emblème remarquable de l’Église ; mais la grande pensée du mystère céleste n’était pas encore enseignée.

Dans la réunion convoquée à Jérusalem pour considérer la question qui s’était présentée relativement aux Gentils, les apôtres donnèrent leur adhésion à Jacques, lorsqu’il dit : « Siméon a raconté comment Dieu a premièrement visité les nations pour en tirer un peuple pour son nom. Et avec cela s’accordent les paroles des prophètes, selon qu’il est écrit : Après ces choses je retournerai et je réédifierai le tabernacle de David, qui est tombé, et je réédifierai ses ruines et je le relèverai, en sorte que le résidu des hommes recherche le Seigneur, et toutes les nations sur lesquelles mon nom est réclamé, dit le Seigneur qui fait ces choses, connues de tout temps » (Act. 15, 14-17). Ici nous voyons qu’il n’y avait rien dans l’appel des Gentils qui fût contraire aux paroles des prophètes. Il en est de même de l’Église ; car quoiqu’elle ne soit pas mentionnée dans les prophètes, son appel est en harmonie avec eux. Il y a une différence entre l’exposition d’une vérité et l’accord avec cette vérité, lorsqu’elle est exposée par un autre. Est-ce que les apôtres, réunis en concile à Jérusalem, ont compris que Juifs et Gentils sont assis ensemble en Christ dans les lieux célestes ? Je ne le crois pas ; quelques-uns ont entendu de Paul cette révélation (Gal. 2, 1, 2), mais comme ensemble, il ne me semble pas qu’ils l’aient comprise. Pour eux, il n’était pas question de la position céleste de l’Assemblée, mais de l’ordre sur la terre. Nous croyons donc que la prédication aux Gentils, par Pierre, n’était pas le développement du grand mystère de l’Église, mais la présentation du royaume selon les paroles des prophètes, et aussi selon la divine déclaration de Matthieu 16, 18, 19 : « Et moi aussi je te dis que tu es Pierre, et sur ce roc je bâtirai mon assemblée, et les portes du hadès ne prévaudront pas contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux ; et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux ».

Remarquez qu’il s’agit ici du royaume et non de l’Église dans son aspect céleste. Il n’est pas question de l’Église au ciel ; elle est envisagée comme étant sur la terre, et non comme assise dans les lieux célestes. Pierre reçut les clefs du royaume et s’en servit ; d’abord pour ouvrir le royaume aux Juifs et puis aux Gentils. Il n’a jamais reçu la mission de conduire l’Assemblée dans les lieux célestes ; même dans ses épîtres, il ne parle pas du mystère. Il envisage l’Assemblée sur la terre, comme étrangère ayant son espérance là-haut.

Il a été réservé au grand apôtre des nations d’enseigner, par la puissance de l’Esprit, le glorieux mystère de l’Assemblée. Ainsi il dit qu’il avait été constitué apôtre comme étant né avant le temps (1 Cor. 15, 8). Jusque-là, les événements n’avaient pas la maturité qu’il fallait pour la révélation du mystère ; et voilà pourquoi l’apôtre parle d’être né avant le terme. Israël n’était pas finalement jugé ; le Seigneur épargnait encore la ville bien-aimée, car Il est lent à la colère. Comme on l’a dit : « Quand le Seigneur quitte une place de miséricorde, ou entre dans une place de jugement, Il s’avance d’un pas lent ». Cela est vrai, et quoique l’apôtre des Gentils ait été suscité pour enseigner des vérités qui dépassaient les limites d’Israël, cependant il s’adressait à ce peuple avant tout. Ainsi il coopérait avec les douze apôtres, quoiqu’il n’eût rien appris d’eux. En Actes 13, 46, nous lisons : « C’était à vous premièrement qu’il fallait annoncer la parole de Dieu, mais puisque vous la rejetez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voici nous nous tournons vers les nations ». Et pourquoi ? Parce que Dieu est patient et miséricordieux. Ainsi Paul était le dépositaire, non seulement des conseils, mais aussi de l’amour divin. Quoiqu’il fût serviteur de l’Assemblée pour enseigner le mystère qui n’avait pas été révélé, en d’autres générations aux fils des hommes, il pensait à ses frères, ses parents selon la chair ; il s’éloignait d’un pas lent, lui aussi, de la ville vouée au jugement. En somme, comme son évangile ne pouvait être annoncé que sur la base de l’abandon de la terre et du peuple terrestre, l’apôtre patientait avant d’annoncer sa doctrine ; car il aimait son peuple.

Il dit lui-même : « Au bout de quatorze ans, je montai de nouveau à Jérusalem avec Barnabas, prenant aussi Tite avec moi. Or j’y montai par révélation et je leur exposai l’évangile que je prêche parmi les nations ; mais dans le particulier, à ceux qui étaient considérés, de peur qu’en quelque manière je ne courusse ou n’eusse couru en vain » (Gal. 2, 1, 2). C’est un passage assez important ; Paul avait été suscité en dehors du cours régulier des choses ; son ministère n’était pas terrestre ou judaïque, à tel point qu’il pouvait donner lieu à toutes sortes de questions sur l’origine de sa divine mission[11].

C’est à Paul que fut confié ce qu’il appelle son évangile ; mais il s’agissait de savoir si tout était prêt quant à Israël pour le développement des conseils divins. L’apôtre en sentait l’importance ; et voilà pourquoi il le communiqua en particulier à un petit nombre de croyants. Au milieu de l’Assemblée à Jérusalem, il ne pouvait parler ouvertement de cette grande vérité. Il sentait que le moment n’était pas encore arrivé, et que s’il en parlait prématurément, il y avait peu de personnes ayant assez d’intelligence spirituelle pour le recevoir. Ses craintes étaient bien fondées : il n’y avait pas beaucoup de chrétiens à Jérusalem qui fussent prêts à recevoir l’évangile de Paul. Même quelques années plus tard, nous voyons Jacques, qui pourtant occupait une place distinguée dans l’Assemblée, engager Paul à se purifier et à se raser la tête. Et dans quel but ? Pour ne pas rompre avec la terre. « Tu vois, frère, combien il y a de milliers de Juifs qui ont cru, et qui sont zélés pour la loi ; or ils ont ouï dire de toi que tu enseignes à tous les Juifs qui sont parmi les nations, de renoncer à Moïse, leur disant qu’ils ne doivent pas circoncire leurs enfants, ni vivre selon les coutumes. Qu’est-ce donc ? Il faut absolument que la multitude s’assemble, car ils entendront dire que tu es arrivé. Fais donc ce que nous te disons. Nous avons quatre hommes qui ont fait un vœu ; prends-les, et te purifie avec eux, et contribue aux frais avec eux, afin qu’ils se rasent la tête, et tous sauront que rien n’est vrai des choses qu’ils ont ouï dire de toi, mais que tu marches toi aussi en gardant la loi » (Act. 21, 20-24). Ici nous voyons clairement que le grand mystère n’était pas compris et ne serait pas reçu par l’église à Jérusalem[12].

Nous pouvons bien comprendre que Jacques redoutait l’effet de la déclaration de l’évangile de Paul parmi ceux qui s’attachaient encore à l’appel terrestre. Il est vrai que les Juifs croyants avaient quelque chose de meilleur que le sanctuaire terrestre, mais ils n’étaient pas encore prêts à recevoir l’évangile de Paul. Puis le cœur s’attachait à la pensée que c’était Jérusalem qui devait être le foyer de la lumière chrétienne et du témoignage qui rayonnait partout. Mais si le mystère, communiqué par Paul à quelques-uns en particulier, avait été annoncé aux « milliers de Juifs », ceux-ci ne l’auraient pas reçu ; ainsi le centre de lumière serait devenu un centre de division. De plus, le même motif qui avait inspiré l’apôtre, jadis, d’annoncer le mystère à un petit nombre de croyants, eût pu le conduire plus tard à attendre, pour s’accommoder à ceux qui n’avaient pas encore dépassé l’ordre terrestre du royaume. Toutes les affections du cœur de Paul, comme homme et comme Juif, l’auraient conduit à patienter envers Jérusalem, et à hésiter dans la proclamation d’une doctrine qui rejetterait dans l’ombre le judaïsme, tout en élevant les pensées des croyants vers le ciel. Paul savait bien la vanité et l’inutilité des vœux et des purifications légales ; il ne voyait rien au temple de Jérusalem qu’un vaste système d’ombres dont la substance est au ciel. Mais son cœur était rempli d’affection envers ses frères qui poursuivaient encore le culte juif ; c’est pourquoi il hésitait à communiquer la pleine lumière qu’il avait reçu. Il craignait de les éblouir, habitués qu’ils étaient aux ombres des anciens jours. Si c’est là l’explication de la conduite de l’apôtre, cela nous le présente d’une manière bien intéressante et nous montre en lui deux choses : la participation aux affections divines envers Israël, et le ministère des conseils divins concernant l’Assemblée. L’une et l’autre sont belles ; et tandis qu’il semblerait que l’apôtre laissait empiéter la première sur la seconde, c’était une action sage que nous pouvons comprendre, le cœur de Paul s’arrêtait sur Jérusalem, jusqu’à ce que le Seigneur le contraignît à la quitter. Sa mission était relative aux Gentils ; pourtant, il se rendait à Jérusalem, et sa lenteur d’en sortir nous rappelle « les pas lents » de la gloire de l’Éternel lorsqu’elle quittait le temple (Éz. 10 ; 11). Mais le Seigneur voulait que Son serviteur quittât Jérusalem. « Hâte-toi et sors au plus tôt de Jérusalem ; car ils ne recevront pas le témoignage que tu pourrais rendre de moi. Et moi je dis : Seigneur, ils savent que je mettais en prison et que je battais dans les synagogues ceux qui croient en toi ; et lorsque le sang d’Étienne, ton témoin, fut répandu, moi-même aussi j’étais présent et consentant, et je gardais les vêtements de ceux qui le tuaient ». C’est ainsi que l’apôtre plaidait, prenant sur lui la culpabilité des incrédules ; mais le Seigneur, ne pouvant lui permettre de rester à Jérusalem, lui dit : « Va, car je t’enverrai au loin parmi les nation » (Act. 22, 18-21).

Il fallait que la vérité fût manifestée ; les conseils divins s’accomplissaient. En vain Jacques voulait arrêter le courant ; en vain Paul hésitait encore ; s’il voulait rentrer à Jérusalem, il devrait en sortir dans les liens. En effet, il revint à Jérusalem ; et le passage que nous venons de lire est le récit de l’apôtre concernant ce que le Seigneur lui avait dit autrefois. Quoiqu’il lui fût dit de partir de Jérusalem, il y alla de nouveau, et nous savons quel fut le résultat de sa visite, la dernière qu’il fit à la ville bien-aimée. Ce que Jacques craignait et voulait éviter, arriva. Une émeute eut lieu et Paul fut livré aux Gentils, non comme un homme libre, mais comme ambassadeur lié de chaînes. Il pouvait dire néanmoins que c’était à cause de l’espérance d’Israël qu’il était ainsi lié. Il aurait pu éviter les liens, s’il n’avait pas tant aimé son peuple ; Israël resta sans excuse, et Paul devint prisonnier et martyr.

C’est ainsi que Paul quitta définitivement Jérusalem. Il l’avait visitée de temps en temps, et il aurait voulu y rester, mais ce n’était pas sa place. Jérusalem avait été l’objet des soins divins et le centre de la bénédiction depuis des siècles, mais elle allait être foulée par les Gentils ; son temple serait ruiné, et le troupeau de Christ, qui y avait été rassemblé, serait dispersé. Après quelques années, la ville centrale des voies de Dieu serait écrasée sous les pieds lourds et cruels des Romains.

Le départ de Paul peut être considéré comme le signe précurseur de tous ces événements. La grande vérité dont il était le dépositaire ne pouvait être pleinement révélée que lorsque la terre, comme scène de l’opération divine, serait abandonnée. Ainsi le chrétien intelligent envisagera le voyage de Paul à Rome avec le plus profond intérêt[13].

Mais l’apôtre, quittant Jérusalem, n’abandonna pas Israël. Il ne désespérait pas du peuple. On ne l’avait pas reçu à Jérusalem, mais peut-être le recevrait-on à Rome ; si l’on n’avait pas écouté son témoignage en Orient, peut-être le recevrait-on en Occident. En tout cas, il essaierait ; car il n’abandonnerait pas ceux qui l’avaient repoussé. En Actes 28, 17, 20, 23, nous lisons que « trois jours après, Paul convoqua les principaux des Juifs ; et quand ils furent assemblés, il leur dit : Hommes frères, quoique je n’aie rien fait contre le peuple ou contre les coutumes des pères, fait prisonnier à Jérusalem, j’ai été livré entre les mains des Romains… C’est donc là le sujet pour lequel je vous ai appelés, afin de vous voir et de vous parler ; car c’est pour l’espérance d’Israël que je suis chargé de cette chaîne… Et lui ayant assigné un jour, plusieurs vinrent auprès de lui dans son logis ; et il leur exposait la vérité, en rendant témoignage du royaume de Dieu, depuis le matin jusqu’au soir, cherchant à les persuader des choses concernant Jésus, et par la loi de Moïse et par les prophètes ».

L’ambassadeur dans les liens cherche encore les brebis perdues de la maison d’Israël, en leur offrant, à eux les premiers, le salut de Dieu. Mais ils n’étaient pas d’accord entre eux, et finalement l’apôtre est obligé de leur dire : « L’Esprit Saint a bien parlé par Ésaïe le prophète à nos pères, en disant : Va vers ce peuple et dis : En entendant, vous entendrez et vous ne comprendrez point ; et en voyant vous verrez et vous n’apercevrez point ; car le cœur de ce peuple s’est engraissé, et ils ont ouï dur de leurs oreilles, et ont fermé leurs yeux ; de peur qu’ils ne voient des yeux et n’entendent des oreilles, et qu’ils ne comprennent du cœur, et qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse. Sachez donc que ce salut de Dieu a été envoyé aux nations, et eux écouteront ». Il n’y avait désormais plus d’espérance. Tous les efforts de l’amour avaient été vains, et l’apôtre, à contrecœur, laisse les Juifs dans un état d’aveuglement judiciaire, résultat de leur refus du salut de Dieu. Ainsi tout obstacle à la pleine prédication de l’évangile de Paul est enlevé ; il se trouve au milieu du vaste monde des Gentils, prisonnier à Rome et rejeté de la part des Juifs. Il avait fait tout son possible pour demeurer encore avec ceux-ci ; son cœur plein d’amour pour Israël avait hésité avant de répéter le jugement du prophète. Maintenant tout est fini, tout espoir est perdu. Toutes les institutions et associations humaines ne sont pour lui que ruine et déception. Désormais, il doit développer le saint mystère par lequel l’Église sera conduire de la terre au ciel. Ainsi se termine le livre des Actes, qui, comme les évangiles, est plus ou moins en rapport avec le témoignage rendu à Israël. Aussi longtemps qu’Israël était l’objet du témoignage, celui-ci continuait ; mais il cessa quand Israël fut judiciairement abandonné à la cécité.

Voyons maintenant quel était ce « mystère », cet « évangile », ce « salut », et ce qu’il avait de particulier. Il est important de le comprendre. Quel était l’évangile de Paul ? Était-ce une méthode de justification du pécheur différente de celle que prêchaient les autres apôtres ? Nullement ! Paul prêchait aux Juifs et aux Gentils la repentance envers Dieu et la foi en Jésus Christ. C’était la substance de sa prédication ; mais ce qu’il y avait de particulier dans l’évangile de Paul ne concernait pas précisément les voies de Dieu envers les pécheurs, mais plutôt celles envers les saints ; il était moins question de la justification du pécheur que de ce que Dieu faisait de lui après l’avoir justifié. Ce qui caractérisait l’évangile de Paul était la position dans laquelle il plaçait l’Église. Il n’y avait qu’un moyen de justification, pour le pécheur, c’est-à-dire la foi à la seule offrande du Seigneur Jésus Christ ; mais il pouvait y avoir divers degrés d’élévation quant à la position des croyants. Par exemple, un croyant au commencement des Actes avait des privilèges plus élevés qu’un saint sous la loi. Moïse, les prophètes, Jean-Baptiste, notre Seigneur dans Son ministère personnel, et les douze apôtres, tous présentèrent des aspects variés de la position du croyant devant Dieu, mais l’évangile de Paul allait plus loin. Ce n’était pas le royaume offert à ceux qui se repentaient, comme par Jean-Baptiste et par Christ ; ce n’était pas non plus le royaume ouvert aux Juifs et aux Gentils en Actes 3 et 10 ; mais c’était l’appel céleste de l’Église composée de Juifs et de Gentils en un seul corps, non sur la terre, mais assise dans les lieux célestes en Christ Jésus. L’épître aux Éphésiens développe pleinement le mystère de la volonté de Dieu concernant l’Église. Là, nous trouvons un plein enseignement relatif à notre position céleste, à nos espérances célestes et à notre combat dans les lieux célestes. L’apôtre envisage ici l’Église non comme en pèlerinage sur la terre (ce qui est toujours vrai), mais comme étant assise au ciel ; non comme travaillant ici-bas, mais comme se reposant là-haut. Ainsi il est écrit que Dieu nous a ressuscités avec Christ et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes en Christ Jésus. Ce n’est pas : « Il le fera », mais : « Il l’a fait ». Quand Christ ressuscita d’entre les morts, tous les membres de Son corps (l’Assemblée) furent ressuscités aussi ; quand Il monta au ciel, ils y montèrent aussi ; quand Il s’assit, ils s’assirent aussi. C’est-à-dire, tout cela était dans le conseil de Dieu et devait se réaliser avec le temps, par le Saint Esprit envoyé du ciel. Telle était la pensée, le propos divin concernant les membres du corps qui est l’Assemblée. Les croyants ne l’ont pas su d’abord ; cela n’a pas été développé par le ministère des douze, tel que nous le voyons dans les Actes, parce que le témoignage envers Israël continuait encore. Tant que la terre était la scène des opérations divines, et qu’il restait encore quelque motif d’espérance d’Israël, le mystère céleste n’était pas annoncé ; mais lorsque la terre fut abandonnée et qu’Israël fut mis de côté, l’apôtre des Gentils, de sa prison à Rome, écrivit à l’assemblée, et lui exposa tous les glorieux privilèges du rapport avec sa position céleste en Christ. Paul prisonnier à Rome, avait compris qu’il n’y avait rien à espérer de l’homme. Il ne pensait plus à un parfait témoignage terrestre rendu par l’Assemblée. Il ne voyait l’Église que dans le ciel dans toute la beauté et la perfection de Christ. Il savait ce qu’il en serait de la carrière terrestre de l’Assemblée ; il en serait d’elle comme du navire dans lequel il avait voyagé de Jérusalem à Rome. Mais son cœur fut soutenu par l’heureuse certitude que rien ne pouvait toucher à l’unité du corps de Christ ; car bien que l’expression de cette unité manquât sur la terre, elle était infailliblement maintenue dans le ciel. C’était là une source de joie pour Paul, pendant qu’il demeurait[14] un prisonnier méprisé, au cachot de Néron. Il n’avait pas honte ; car il savait que l’Église, quoique brisée ici-bas, était entre les mains du Fils de Dieu, et que Lui était puissant pour la garder jusqu’à l’instant béni de son enlèvement pour rencontrer le Seigneur.

Mais on demandera : Comment peut-on dire que les croyants sont assis dans les lieux célestes tandis qu’ils sont encore dans ce monde, en lutte avec toutes ses douleurs et ses tentations ? On pourrait faire une question analogue par rapport à l’importante doctrine de Romains 6. Comment peut-on dire que les chrétiens sont morts au péché, tandis qu’ils sentent que le péché agit continuellement en eux ? La réponse aux deux questions se trouve dans le fait que Dieu voit le croyant comme étant mort avec Christ, et qu’Il voit l’Église comme étant ressuscitée et assise au ciel en Christ ; mais c’est seulement par la foi que nous réalisons ces vérités. Ainsi il est écrit : « Tenez-vous donc pour morts » — ce que Dieu dit. La force du croyant pour soumettre la corruption qui demeure en lui, consiste dans le fait qu’il se tient pour mort au péché ; et sa force pour se séparer du monde consiste en ce qu’il se tient pour ressuscité et assis en Christ. L’Église dans la pensée de Dieu n’a rien à faire avec le péché et le monde ; elle est comme Christ Lui-même ; mais les pensées de Dieu et notre réalisation de Ses pensées sont deux choses différentes.

On dira peut-être encore qu’en Romains 11, l’apôtre dit que les Gentils prennent la place d’Israël sur la terre. Mais là, il n’est pas question du mystère de l’Assemblée, et par conséquent « l’olivier » n’est pas le symbole du corps de Christ dans le ciel. En Romains 1, Paul parle de son évangile, et de son désir de l’annoncer à Rome ; il fait allusion, au dernier chapitre, à la révélation du mystère, mais il ne développe pas la doctrine de l’Église comme corps de Christ, dans les onze premiers chapitres. Ce n’est pas la pensée du Saint Esprit de parler de Juifs et de Gentils assis comme un seul corps au ciel, dans cette partie de l’Écriture. Il ne pourra jamais se dire de l’Église, comme corps de Christ : « Tu seras aussi retranchée ». La seule pensée en est choquante. Qu’est-ce donc que l’olivier ? C’est sur la terre l’arbre du témoignage, dans lequel les Gentils, qui forment la profession chrétienne, ont été entés ; mais ils n’ont pas persévéré dans la bonté de Dieu. L’olivier, comme le royaume, est en rapport avec la terre, et tout ce qui est de la terre a toujours manqué.

L’Assemblée n’est pas de la terre pour ce qui concerne son origine et son espérance ; elle est du ciel. La période de l’Église forme une parenthèse dans l’histoire des voies divines, sans aucun rapport avec ce qui a précédé ou ce qui viendra plus tard. Les événements de la terre sont indépendants de la présence ou de l’absence de l’Église. Si l’enlèvement de l’Église avait lieu ce soir, le monde avec tous ses systèmes politiques et religieux continuerait son train comme à l’ordinaire. L’Église de Dieu ne fait pas partie du mécanisme de ce monde, et tous ceux qui le voudraient le comprennent rien au vrai caractère de l’Assemblée. Si nos esprits sont remplis du mystère céleste de l’Église, nous pourrons juger sainement de la chrétienté avec tous ses systèmes et ses sectes.

Mais le lecteur chrétien comprendra que toutes les tendances de l’esprit humain, non seulement ne peuvent concevoir la vérité divine de l’Église, mais encore y sont opposées. Nous avons vu combien il a fallu de temps, avant que l’homme pût la saisir, et qu’elle lui a été, pour ainsi dire, imposée ; et il nous suffit de considérer l’histoire de l’Église pendant les derniers dix-huit siècles, pour voir combien faiblement cette vérité a été maintenue, et comme elle fut promptement négligée et abandonnée. Le cœur naturel s’attache à la terre, et la pensée d’une corporation terrestre a des attraits pour lui. La vérité du caractère céleste de l’Église ne sera réalisée que par une faible minorité. Les réformateurs (seizième siècle) n’ont pas recherché cet important sujet. Ils ont été des instruments pour mettre au jour la précieuse doctrine de la justification par la foi, en contraste avec la superstition romaine, et aussi pour projeter sur la conscience humaine la lumière de l’inspiration en opposition aux dogmes faux et séduisants de la tradition humaine. C’était beaucoup ; cependant il faut avouer qu’ils ne se sont pas occupés de la position et de l’espérance de l’Église. Il y avait une immense distance, il est vrai, entre l’église de Rome et l’Église qui est au ciel ; cependant on trouvera, à la fin, qu’il n’y a pas de terrain neutre entre les deux, car tout système religieux formé et dirigé par la sagesse et les ressources de l’homme, quelque purs que soient ses principes, et quelque hostiles qu’ils soient au catholicisme, a toujours des éléments terrestres. Jugés par le Saint Esprit, au jour de la lumière céleste, tous les systèmes humains sont défectueux ; la pensée de l’Église au ciel — d’hommes ici-bas ayant leur centre d’union en haut — est trop pure et trop élevée pour être connue, d’une manière générale, parmi les hommes.

Le cœur s’attache aux choses d’ici-bas, ne comprenant pas que durant cet intervalle où Dieu rassemble l’Église, par le Saint Esprit, Il ne s’occupe pas de la terre. Il forme le corps de Christ pour le ciel. Pendant qu’Il s’occupait publiquement de la terre, l’Église comme telle n’existait pas encore ; et quand Dieu recommencera Ses voies envers Israël et la terre, l’Église sera loin. Pour comprendre tout cela, il faut une plus grande mesure de spiritualité qu’on ne trouve en général[15].

La question surgit naturellement dans l’esprit d’un chrétien sérieux : Quelle est la forme la plus scripturaire du gouvernement de l’Église ? La seule réponse à cette question serait : Attachez-vous à ceux qui s’appliquent à garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. Les sectes ne sont pas l’Église, les partis religieux ne sont pas le corps de Christ. Ainsi, si nous nous attachons à des sectes, nous nous trouverons dans quelque ruisseau tributaire du gouffre dont il est parlé en Apocalypse 17 et 18. Ne nous trompons pas, car les principes se développeront et les systèmes trouveront leur propre niveau. Des préjugés opéreront pour empêcher la réalisation des vérités célestes dont nous parlons. Ceux qui voudraient maintenir l’évangile de Paul se trouveront, comme lui, abandonnés et méprisés au milieu des pompes et de la splendeur de ce monde. Les disputes des sectes et le bruit des controverses religieuses étoufferont, sans doute, les faibles voix de ceux qui parleront de l’appel céleste et de l’enlèvement de l’Église. Mais, que l’homme spirituel, qui se trouve au milieu de cette déplorable confusion, se souvienne que tout système de discipline ecclésiastique et d’interprétation prophétique qui rattache l’Église à la terre ou aux choses de la terre, est contraire à l’esprit et aux vérités du grand mystère qui a été développé par le Saint Esprit dans les écrits de l’apôtre des Gentils. L’Église n’a pas besoin du secours du monde pour ce qui concerne l’ordre ou la discipline. Le Saint Esprit habite dans l’Église, quelque brisée ou dispersée qu’elle soit, malgré toute l’incrédulité de l’homme à ce sujet ; si l’on veut introduire des éléments terrestres ou humains, cela ne fera qu’attrister Celui dont la présence est la lumière des croyants, et la source et la puissance du ministère et de la discipline. Quant à l’espérance de l’Église, « nous attendons le Sauveur » et non l’accomplissement des événements sur la terre. Grâce à Dieu, les croyants n’ont pas à attendre la révélation de l’Antichrist, mais l’apparition du Fils de Dieu, qui les a aimés et s’est donné Lui-même pour eux. Les chrétiens doivent comprendre qu’ils n’ont rien à attendre sinon leur enlèvement pour rencontrer le Seigneur. Le monde se moquera de cette attente, et de faux docteurs enseigneront des doctrines opposées à cette vérité pour ébranler la foi des simples ; mais, par la grâce, nous continuerons à nous consoler les uns les autres, et nous dirons avec le prophète : « les jours se sont approchés, et chaque vision aura son accomplissement » (Éz. 12, 23).

En terminant, je dirai que je sens profondément combien j’ai été faible en développant la doctrine de l’Assemblée ; mais je ne doute pas de son importance, et je suis assuré que plus le temps approche, plus la lumière sera répandue, à ce sujet, sur les croyants. Aujourd’hui, il est à craindre que peu de personnes le comprennent. Si l’on comprenait mieux l’appel céleste de l’Assemblée, on ferait moins d’efforts pour acquérir un nom et une position sur la terre. Paul, le grand témoin de la vocation céleste de l’Église, ne pouvait faire qu’une piètre figure aux yeux des enfants de ce siècle ; il en sera de même de ceux qui marchent selon ses principes et sur ses traces. Mais il pouvait se consoler dans la pensée que le solide fondement de Dieu demeure, ayant ce sceau : « Le Seigneur connaît les siens » ; et : « Qu’il se retire de l’iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur ». Il savait que même dans les temps les plus sombres, quelques-uns encore invoqueraient le Seigneur d’un cœur pur. Qu’il nous soit donné de marcher avec de tels croyants au milieu de ce triste monde, jusqu’à ce que nous voyions Jésus tel qu’Il est et que nous Lui soyons rendus semblables à jamais !



  1. Publié dans le Messager Évangélique de 1902 avec une autre traduction.
  2. Je dirai quelques mots sur la prière en commun parmi les chrétiens ; elle est trop négligée dans un temps où on en aurait tant besoin. On verra que la vie, l’énergie et le service dépendent de la prière collective. Là où il n’y a pas de réunions de prières, le service et le témoignage en souffriront. Les intérêts de l’Église de Dieu ne sont pas appréciés, et par conséquent les choses de la terre prennent trop de place chez les chrétiens. Si nous sentions notre faiblesse, nous l’exprimerions ensemble, et la force collective serait renouvelée. Tous les mouvements importants parmi les croyants ont été le résultat de telles prières. Cela est naturel ; car Dieu ne répandra pas Sa grâce vivifiante sur ceux qui se contentent de la routine. Il dit : « Ouvre ta bouche et je la remplirai ! ». Si nous nous contentons de ce que nous avons, comment nous attendre à recevoir davantage ? Que tout lecteur chrétien cherche donc à exciter ses frères à la prière en commun, et de bons résultats se manifesteront.
  3. J’ajoute un mot sur ce sujet. Il est triste quand un serviteur de Dieu est obligé de se défendre, car cela prouve ou qu’il a tort lui-même ou que ceux qui l’accusent se trompent. Quand il doit en venir là, il ne faut pas qu’il perde de vue que c’est la gloire de Christ et la pureté de la vérité qui lui sont confiées. Il arrive souvent, lorsque notre ministère est critiqué ou notre réputation attaquée, que l’orgueil de notre cœur nous pousse à nous défendre. Il ne faut pas oublier que, en dehors de nos rapports avec Christ et Ses saints, nous ne sommes que des atomes de poussière, totalement indignes de toute considération ; loin de nous donc de chercher à établir notre propre réputation ! Nous sommes témoins de la grâce de Christ, et pourvu que Son nom soit glorifié, ne nous soucions pas de nous-mêmes. Que le Seigneur nous donne de marcher dans la conscience de nos privilèges et de notre responsabilité comme étant la lettre de Christ connue et lue de tous les hommes !
  4. La fausse religion a toujours recherché la faveur du monde ; tandis que la vérité a toujours brillé quand le monde la méprisait. Les faux prophètes mangeaient à la table de Jézabel. Si Jézabel n’avait pas eu de table, elle n’aurait pas eu de prophètes ; ceux-ci cherchaient sa table, et non le bien de son âme.
  5. Le motif du désir d’être isolé est celui de l’égoïsme. Souvent on n’aimerait pas s’associer avec une compagnie de faibles chrétiens qui sentent leur imperfection ; on pense trop à sa propre réputation. On dira qu’on n’appartient à aucune compagnie ; mais il faut remarquer que tous les chrétiens devraient se trouver réunis ensemble, ce qui formerait une compagnie distincte mais méprisée de la part du monde. Moïse souffrit avec le peuple de Dieu ; c’était là l’expression de sa foi. Il aurait pu rester au palais de Pharaon, évitant tout opprobre ; mais l’Esprit de Christ le conduisit à choisir l’opprobre de Christ, en s’identifiant avec les siens. Encore il y a des grâces et des vertus qui se développent en ceux qui cherchent à marcher avec les autres, ce qui n’aurait pas lieu dans l’isolement. La difficulté est grande, sans doute ; mais la récompense finale sera grande aussi, et nous dédommagera de toute souffrance et de tout travail. Que les chrétiens donc n’abandonnent pas le rassemblement par la froideur ou la mondanité, ou par les efforts de l’ennemi pour les disperser. La fin manifestera tout, et c’est alors que chacun aura sa louange de la part de Dieu. Puissions-nous être gardés d’un esprit impatient !
  6. Observez l’ordre : 1° Ils ont abandonné l’alliance ; 2° ils ont renversé les autels ; 3° ils ont tué les prophètes par l’épée. La source de tout le mal a été l’abandon de l’alliance de la grâce de Dieu ; après cela, le mal est allé en empirant.
  7. On dira peut-être qu’Élie a été suscité à un moment particulier dans l’histoire d’Israël et dans un but spécial et que, son travail étant fini, un autre instrument était nécessaire. Cela est vrai ; mais il y avait aussi de l’impatience chez Élie qui voulait abandonner son ministère parce que tout n’avait pas réussi comme il l’aurait cru. Les conseils de Dieu et les actions des hommes ne sont pas semblables. Le mandat d’Élie avait été accompli sans doute, et un autre prophète devait commencer un ministère différent, mais cela n’a rien de commun avec l’action d’Élie. Josué aussi devait succéder à Moïse ; mais c’est à cause de la précipitation de celui-ci qu’il ne lui fut pas permis de traverser le Jourdain.
  8. Il a été dit que les enfants qui sortirent de Béthel pour se moquer d’Élisée, faisaient allusion à l’enlèvement d’Élie. S’il en est ainsi, ce ne serait qu’une figure de la moquerie du monde par rapport à l’enlèvement de l’Église.
  9. Les mêmes disciples dormaient à l’agonie du Seigneur en Gethsémané. Ils dormaient à la vue de la croix comme ils avaient dormi à la vue de la gloire. La nature ne comprend ni l’une ni l’autre de ces deux choses. Le Seigneur dit à Pierre : « Ainsi vous n’avez pu veiller une heure avec moi ? ». Il savait que si l’esprit est prompt, la chair est faible. Jésus pouvait dire aux disciples qu’ils avaient persévéré avec Lui dans toutes Ses épreuves ; cependant ils avaient dormi sur la montagne de la transfiguration et à Gethsémané, et ils allaient même L’abandonner au moment de Sa grande détresse.
  10. En parlant du côté du désert, je fais simplement allusion au chemin du prophète pour traverser le Jourdain. Si nous considérons le chemin d’Israël, d’Égypte en Canaan, nous apprenons un autre aspect de la vérité. Une personne enseignée par le Saint Esprit comprendra les deux différents côtés.
  11. Plusieurs ont essayé de priver l’apôtre Paul de son ministère céleste en le plaçant parmi les douze. En faisant ainsi, ils mettent en question le choix de Matthias (Act. 1). Mais il est évident que le Saint Esprit reconnaissait l’élection de Matthias, car il fut inspiré comme les autres. On comprendra que ceux qui veulent maintenir des systèmes humains chercheront à réduire le ministère de Paul au niveau de la terre.
  12. La circonstance à laquelle allusion est faite dans cette citation eut lieu plusieurs années après la visite dont Paul parle en Galates 2. Celle-ci semble avoir été occasionnée par la controverse relative aux Gentils. Ce fait donne de la force à l’expression « en particulier, à ceux qui étaient considérés ». Paul ne pouvait communiquer son évangile à l’ensemble des Juifs croyants, à Jérusalem.
  13. Une pensée pleine d’intérêt, par rapport à notre sujet, c’est que le voyage de Paul à Rome nous donne l’histoire de l’Église sur la terre. Le navire partit en bon état, prêt à affronter la violence des tempêtes. Après quelques jours, l’apôtre donne un certain conseil qui n’est pas reçu, et le naufrage survient. Il faut pourtant distinguer entre le navire et ceux qui s’y trouvaient, le premier fut détruit, mais les derniers furent sauvés. Appliquons cela à l’histoire de l’Église dans son sentier sur la terre. Le témoignage partit de Jérusalem, d’où Paul partit pour Rome. Le témoignage apostolique aurait conduit l’Église sur la terre, et l’aurait gardée du naufrage ; mais quand ce témoignage fut rejeté, la ruine s’ensuivit. Cependant, notons la différence entre le témoignage collectif de l’Église et la fidélité personnelle. « Celui qui a des oreilles pour entendre » trouvera toujours des paroles d’instruction et de direction, même dans les époques les plus sombres. Les vagues peuvent détruire le témoignage collectif, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement.
  14. Il est important que nous ayons des pensées justes au sujet de la présence du Saint Esprit dans l’Église et de l’unité du corps de Christ. Celui qui retient la première cherchera la seconde.
    On me remet une lettre d’un serviteur du Seigneur, qui est très estimé, et j’en cite les extraits suivants comme étant dignes de toute notre attention.
    « Le Saint Esprit descendit du ciel pour former un seul corps sur la terre. Par un seul Esprit, nous avons tous été baptisés pour être un seul corps ; et nous sommes responsables de garder l’unité de l’Esprit : c’est Dieu qui maintient infailliblement l’unité du corps. Si Dieu a placé des dons de guérison dans l’Assemblée, assurément ce n’est pas dans le ciel. On n’a qu’à lire 1 Corinthiens 10, 17 pour voir que l’unité de l’Église sur la terre est une institution fondamentale, essentielle et divine. C’est la grande vérité qui distinguera ceux qui ont de la foi pour marcher fidèlement dans ces derniers jours ; sans quoi l’attente de Christ ne sera que pour la délivrance personnelle ; or, « l’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! ». Toute l’épître aux Éphésiens s’occupe de ce sujet, qui en forme la base, et d’autres Écritures en parlent aussi. La descente du Saint Esprit pour former l’Église, et Sa présence sur la terre, caractérisent l’œuvre de Dieu, pendant que Christ est en haut ; c’est la preuve irrécusable que cette unité est sur la terre. C’est pourquoi ceux qui ont quitté la terre pour aller au ciel (quoiqu’ils soient toujours de l’Assemblée) ne sont pas comptés comme faisant partie de l’unité actuelle ici-bas. Leurs âmes sont séparées de leurs corps, et ils sont absents de la scène où le Seigneur se glorifie maintenant par les actes de Sa puissance ; ainsi ils ne font plus partie de cette unité qui rend témoignage à la grâce de Dieu manifestée sur la terre ».
    J’appelle l’attention du lecteur sur cet extrait ; et en même temps, je fais remarquer que toutes les fois où il est dit dans ces méditations que l’Église n’est pas ici, cela signifie que la source et la puissance de l’unité n’y sont pas ; mais il est certain que l’unité devait se manifester ici-bas.
  15. On distinguera sans doute entre les actes publics de Dieu, et les opérations secrètes de Sa providence. Les premiers cessèrent lorsqu’Israël fut mis de côté et recommenceront quand Israël reviendra sur la scène. Mais les opérations cachées de la providence continuent toujours. Dieu dirige les événements politiques pour l’accomplissement de Sa propre volonté.