Messager Évangélique:Fragments (décembre 1862)
Après tout, le grand secret pour rendre heureux les autres, c’est que nous soyons heureux nous-mêmes. Si l’amour de Dieu est en nous, il se répandra au-dehors. Il est bien certain que si j’ai faim et soif, Dieu me rassasiera ; mais avoir faim et soif d’une chose, ce n’est pas encore en faire part à d’autres ; de plus, si je ne jouis pas d’une paix parfaite dans ma conscience, je ne puis rien donner, car je n’ai rien à communiquer.
Quelqu’un dira : « N’aurons-nous donc plus jamais faim et soif ? ».
Non, jamais, comme si nous ne possédions pas déjà tout ce qui peut satisfaire notre âme. Christ dit : « Celui qui vient à moi n’aura pas de faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jean 6, 35). — « Quiconque boit de cette eau-ci aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, moi, n’aura plus soif à jamais ; mais l’eau que je lui donnerai, sera en lui une fontaine d’eau jaillissante jusque dans la vie éternelle » (Jean 4, 13, 14). Avoir en soi une fontaine d’eau jaillissante, ce n’est pas avoir faim et avoir soif. Non pas que je ne désire pas une jouissance plus grande encore, mais je suis comme un enfant à qui l’on a donné quelque chose de très bon. Je possède en moi la source d’eau vive : je ne languis pas après une chose que je n’ai pas. J’ai le Saint Esprit, et par Lui je suis mis en rapport avec ce qui est infini ; ainsi je ne pourrai jamais souffrir la soif, puisque je suis en rapport avec cet infini, c’est-à-dire avec Dieu. Mais c’est précisément parce que je suis en rapport avec Dieu, que ce dont je jouis excite en moi le désir d’en être rempli davantage, et Dieu étant infini, la source m’abreuve sans discontinuer. J’ai toujours soif, mais je n’ai jamais à souffrir de la soif.
On croit souvent que c’est un progrès admirable que de pouvoir dire comme Pierre : « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime » (Jean 21, 17), quoique, en vérité, ce soit le terrain le plus bas sur lequel puisse se trouver un chrétien. Il reconnaît par là qu’il a marché si mal, que si les hommes avaient à juger, il n’aurait rien absolument à alléguer devant eux en sa faveur, et il en appelle au Dieu qui connaît toutes choses, comme à son seul recours. L’œil de Dieu pouvait distinguer l’amour au fond du cœur de Pierre, quand personne ne pouvait l’y voir. Puis, immédiatement après, le Seigneur manifeste une grâce merveilleuse, car ayant détruit chez Pierre toute confiance en lui-même, Il lui témoigne de la confiance par ce qu’Il a de plus précieux : « Pais mes brebis ».
Il peut être difficile et douloureux de se tenir à l’écart de la voie large qu’on peut appeler « l’unité latitudinaire ». Cette unité revêt en général une forme aimable, et est, en une certaine mesure, respectable au milieu du monde religieux ; elle ne met à l’épreuve la conscience de personne, et laisse le champ libre à la volonté de chacun. Quand il s’agit de se décider à son égard, elle nous exerce d’autant plus, qu’elle lie souvent à un vrai désir de ce qui est bien, et est associée souvent à des natures aimables : il semblerait qu’on est bien rigide, étroit, sectaire, quand on refuse de marcher ainsi. Mais le chrétien, quand il a la lumière de Dieu, doit marcher clairement dans cette lumière. Dieu justifiera Ses voies quand le temps sera venu. L’amour envers tous les saints est un devoir positif : mais non pas de marcher dans leurs voies. Et celui qui n’assemble pas avec Christ, disperse. Il ne peut y avoir qu’une unité. — Et une confédération, même en vue du bien, n’est pas cette unité, quoiqu’elle puisse en avoir la forme.