Chers jeunes gens chrétiens : Au commencement de l’année 1924[1], j’avais entrepris de vous exhorter à une étude plus suivie de la Parole de Dieu, espérant qu’en suivant ce chemin quelques-uns d’entre vous seraient conduits à l’activité chrétienne, soit pour l’édification de l’Assemblée de Dieu, soit pour annoncer l’évangile aux inconvertis. Cet article a, je le crois, produit quelque effet sur la première classe de ceux auxquels je m’adressais, c’est-à-dire sur ceux qui, après leur conversion, avaient été ajoutés à l’Assemblée et y rompaient le pain. Je me demande par contre si la seconde partie de mon exhortation a atteint ceux qu’elle avait en vue et qui, se contentant d’être sauvés, n’éprouvent pas le besoin de prendre place à la table du Seigneur. Dois-je dire, hélas ! qu’à ma connaissance aucun fruit n’a été produit de ce côté-là, et que la triste indifférence au sujet de la table du Seigneur n’a pas été remplacée par un travail de conscience produisant le désir d’y participer ? Des cas récents m’ont montré les suites fâcheuses de cette indifférence. C’est donc à cette deuxième catégorie de jeunes gens que je désire m’adresser aujourd’hui de nouveau, pour réveiller leurs consciences au sujet de la cène du Seigneur.
* * *
J’ai souvent fait ressortir que la cène est en premier lieu un mémorial de la mort de Christ recommandé par Lui à tous les siens, selon qu’il est écrit : « Ceci est mon corps qui est pour vous ; faites ceci en mémoire de moi »… puis : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci, toutes les fois que vous la boirez, en mémoire de moi » (1 Cor. 11, 24-25). Ce mémorial, tous les rachetés sont censés y participer. C’est donc un mémorial collectif, et non pas comme on l’entend dire dans le monde religieux, un acte individuel administré par le clergé et destiné à mettre l’âme en règle avec Dieu, à certaines époques de l’année et même, pour un grand nombre, au moment de la mort !
Souvent aussi j’ai ajouté que la cène est en second lieu un témoignage public : « Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez la coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne » (1 Cor. 11, 26). Ce témoignage est destiné à durer jusqu’à la venue du Seigneur pour recueillir Ses saints auprès de Lui. Hélas ! on peut avoir la vie de Christ sans être un témoin de Jésus Christ. On peut avoir cette vie tout en étant indifférent à Celui qui en est la source ; on peut avoir cette vie tout en ayant « ses pensées aux choses de la terre », ce qui était la cause des pleurs de l’apôtre. Ce manque de témoignage ne devrait-il pas couvrir de honte ceux qui s’abstiennent de la cène et leur faire désirer de sortir au plus vite d’une position aussi anormale ?
Remarquez encore (et je continue ici à m’adresser uniquement aux jeunes gens dont je ne mets pas en doute qu’ils connaissent le Seigneur, tout en ne venant pas s’asseoir à Sa table) que ce témoignage consiste à proclamer la mort du Seigneur. Il est, si j’ose m’exprimer ainsi, un cri poussé au milieu du vaste monde, que ce dernier y prête l’oreille et l’entende, ou non. Ce cri signifie : « Écoutez, le Seigneur est mort ; s’Il est mort pour nous qui faisons avec joie le mémorial de cette mort autour de Sa table, n’oubliez pas qu’Il a été mis à mort par vous. Ah ! laissez-vous convaincre, et notez bien que c’est le Seigneur qui est mort, Celui dont la mort seule peut laver tous vos péchés, comme elle a lavé tous les nôtres, et vous racheter, vous sauver pour toujours ! Nul autre n’aurait pu prendre Sa place ; cette mort est pour vous, comme elle a été pour nous qui la proclamons aujourd’hui. Mais si vous n’écoutez pas ce message de grâce, le temps de cette proclamation, nous pouvons vous le dire, ne durera pas toujours. Un moment arrivera où la mort du Seigneur vous sera imputée et où Sa venue vous prouvera qu’il est trop tard. Or cet événement est à la porte. Peut-être que dimanche prochain le Seigneur sera déjà venu. Tous les rachetés auront été enlevés à Sa rencontre et ceux qui seront laissés en arrière seront rejetés pour toujours ! ».
Eh bien ! je le demande, mes jeunes amis, à vous tous qui connaissez le Seigneur, sans prendre part à la cène, qu’avez-vous fait pour Lui, depuis que vous êtes à Lui ? Avez-vous jamais pensé qu’en ne prenant point part à ce repas, vous avez négligé la proclamation au monde de son péché et de l’efficace pour tout croyant du sacrifice de Christ ?
Mais ce n’est pas tout. Malgré l’importance capitale de ce que je viens de vous présenter comme une proclamation de ceux qui se réunissent autour de la table du Seigneur, ce repas, la cène, est encore l’affirmation publique d’une vérité qui était la substance même de l’apostolat de Paul, le grand apôtre des nations. Cette vérité est résumée dans ces mots dont l’apôtre a dit : « Je parle comme à des personnes intelligentes » et ces mots, les voici : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion du sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion du corps du Christ ? Car nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain » (1 Cor. 10, 15-17).
En prenant la cène avec les enfants de Dieu, nous témoignons donc que nous faisons partie d’un corps qui est un, composé de tous les croyants actuels sans distinction, de tous les membres du corps de Christ ; en un mot, composé de l’Église, unie à Lui ici-bas, et pour l’éternité comme Son Épouse dans la gloire. Nous déclarons par là que Christ ne reconnaît qu’une seule Église, formée à la Pentecôte. Je ne parle pas ici des innombrables croyants qui, depuis la chute de l’homme, sauvés par la foi au sang de l’Agneau de Dieu, Lui appartiennent dans la suite des âges, mais je parle de l’Épouse, du mystère de l’Église dont Christ est la tête, et qui sera Sa compagne dans la gloire, vérité immense dont l’administration fut confiée à l’apôtre Paul. « Christ », dit-il, « a aimé l’Assemblée (ou l’Église) et s’est livré lui-même pour elle » (Éph. 5, 25-27). Or la cène est liée d’une manière indissoluble à cette vérité capitale : l’unité du corps de Christ, l’Église. Ce mystère, la Réformation l’a ignoré ; la chrétienté actuelle, qui ne l’ignore pas, n’en tient aucun compte ; mais il est devenu le précieux partage et en même temps le témoignage des « deux ou trois » réunis autour du Seigneur.
Qu’un vrai chrétien, appartenant à quelqu’une des diverses sectes de la chrétienté, demande à prendre sa place parmi nous à la table du Seigneur, sans comprendre le témoignage dont nous parlons et qu’il ignore ; qu’il vienne à cette table célébrer le mémorial de la mort de Christ, à laquelle nous avons tous part, nous ne l’en empêcherons pas, à la condition que nous puissions le considérer comme appartenant par la foi au Seigneur, comme lavé de ses péchés par le sang de Christ, dont il fait le mémorial avec des chrétiens séparés du monde et de sa religion tout en se soumettant à la discipline de l’Assemblée. La possession du salut est donc pour nous la condition indispensable de cet acte. Sans qu’on ait le pardon de ses péchés, il n’y a aucune participation possible à la table du Seigneur ; le plus faible des croyants qui a été justifié par la foi et n’est pas l’objet de la discipline de l’Assemblée, y a non seulement droit, mais y est positivement invité par le Seigneur Lui-même.
Chers jeunes amis, vous voyez par les paroles ci-dessus que votre ignorance de la plupart des précieuses vérités représentées par la cène ne peut vous servir de prétexte pour vous tenir loin de la table à laquelle le Seigneur vous convie. Venez donc y célébrer le mémorial de la mort de votre Sauveur, et vous ne tarderez pas à y voir un témoignage public, adressé à tous, soit du jugement du monde, soit de la vertu salutaire de cette mort pour tous. Mais de plus, vous rendrez ce témoignage en vous considérant comme faisant partie de l’Épouse de Christ et en attendant Sa venue. Cette douce perspective prosternera vos âmes à Ses pieds ; vous direz : « Amen ! viens Seigneur Jésus ! » et vous Lui rendrez culte en L’adorant.
Ces mots : « En L’adorant » m’amènent à un caractère de la cène plus élevé que tous ceux que nous avons énumérés jusqu’ici : la cène est par excellence le lieu du culte. L’avez-vous considérée jusqu’ici comme la plus haute expression de notre adoration du Père et du Fils ? Deux passages vont vous en convaincre. Au psaume 22, après avoir décrit les souffrances indicibles de la croix, le Seigneur dit : « Tu m’as répondu d’entre les cornes des buffles » (c’est-à-dire du sein de la mort). « J’annoncerai ton nom à mes frères, je te louerai au milieu de l’Assemblée » (v. 21-22). Comme suite à la délivrance obtenue pour nous par Ses souffrances, Il dit, en vertu de Sa résurrection : « Je te louerai au milieu de l’Assemblée ». Lui seul pouvait sentir, évaluer, mesurer la valeur infinie, éternelle, du salut qu’Il avait entrepris, aussi dit-Il, non pas « ils te loueront », ce qui, quoique vrai, serait trop faible et trop incomplet, mais : « Je te louerai ». Son Esprit seul est capable de mesurer la grandeur du sacrifice, l’immensité de l’amour qui l’a accompli, la valeur du dévouement qui l’a fait entreprendre, aussi ne nous attribue-t-Il aucune part dans une telle appréciation, sinon qu’Il nous a donné Son propre Esprit, afin de l’exprimer, en se servant de notre bouche : « Je te louerai ! ». Lui qui a entrepris cette œuvre, qui l’a menée à bonne fin, qui en a scellé le triomphe éternel par la résurrection d’entre les morts, est seul capable d’en exprimer la louange. Le culte vient donc de Lui, mais Il dit : « Au milieu de l’Assemblée ». Là où l’Assemblée est réunie, c’est au milieu d’elle que se tient le chef de la louange, en sorte que notre louange qui reçoit de Lui son expression n’est pas autre que la sienne. C’est donc dans l’Assemblée, réunie autour de Lui, à Sa table, que le culte a lieu. Je trouve un second passage au psaume 116. À ce sujet, un vénéré frère me disait un jour : Je n’apprécie guère l’habitude qu’ont plusieurs de se préparer à la cène par un cantique qui lui soit appropriée. Pourquoi ? lui demandai-je. Ne voyez-vous pas, répondit-il, que la coupe même est le cantique ? En effet, lui dis-je, car il est dit : « Je prendrai la coupe du salut et j’invoquerai le nom de l’Éternel » (Ps. 116, 13).
Les chrétiens qui désirent occasionnellement participer à la cène, parce qu’ils savent que ce sont des enfants de Dieu comme eux qui s’y réunissent, se rendent-ils compte qu’ils prennent part au culte conduit et présidé par le Seigneur Jésus Lui-même, invisible encore jusqu’à Sa venue, mais présent personnellement, et qui restera invisible aussi longtemps qu’Il ne sera pas venu Lui-même nous ravir auprès de Lui ?
Ne pensez pas, chers amis, qu’un tel sujet puisse être épuisé par des paroles. Je sais fort bien, pour l’avoir éprouvé pendant les années de ma jeunesse, que la vraie jouissance du culte à la table du Seigneur ne vient qu’avec le développement de la piété, qu’avec la croissance spirituelle, fruit souvent de beaucoup d’épreuves, mais pour que vous entriez dans la jouissance de tels privilèges, il faut que vous ayez commencé, en prenant la cène, à vous souvenir du sang répandu pour la rémission de vos péchés. Ah ! chers amis (et je parle de nouveau ici avec insistance aux jeunes chrétiens qui ne prennent pas la cène), si vous n’observez pas ce mémorial, si vous ne rendez pas ce témoignage, que vous reste-t-il donc ? Ceux qui vous ont devancés, n’ont-ils pas le droit de gémir sur votre indifférence ? Voici trois ans que nous avons fait appel à vos consciences ; cet appel a-t-il été entendu ? A-t-il produit dans vos jeunes cœurs la décision salutaire de prendre votre place à Sa table dans l’Assemblée ? Cette décision vous a-t-elle séparés de vos projets mondains et de l’espoir de jouir des choses du monde ? Aimez-vous plus ce dernier que le Seigneur qui vous a rachetés ? Souvenez-vous que « si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui ». Cessez de mal faire ; commencez à bien faire. Venez vous asseoir à Sa table, humiliés d’avoir tardé si longtemps de reconnaître publiquement les immenses privilèges dont le Seigneur vous a gratuitement fait part !