Le chapitre précédent nous a présenté le sujet de la nouvelle naissance, œuvre du Saint Esprit dans l’homme. Celle-ci n’est pas, comme prétendent certains, un changement de la nature humaine, mais la communication de celle de Dieu (quoique dans l’homme), une naissance d’eau et de l’Esprit, sans laquelle personne ne peut voir le royaume de Dieu ni y entrer. Il faut pour le royaume de Dieu une nature qui soit de Dieu. Seule une nature divine est capable de connaître Dieu et de jouir de Lui ; et nulle bénédiction extérieure accordée à l’homme, nulle œuvre accomplie en sa faveur, si précieuse qu’elle soit, ne suffisent à le rendre propre pour la présence de Dieu. Elles peuvent justifier Dieu à l’égard du péché et même Le glorifier infiniment, comme cela a été réellement le cas dans l’œuvre de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ. Mais j’ose affirmer que rien de simplement extérieur à l’homme ne saurait mettre celui-ci, qui est pécheur, en état soit de connaître Dieu maintenant, soit d’en jouir plus tard. Or cette même grâce de Dieu, qui donne Christ pour l’accomplissement de l’œuvre de la rédemption, révèle Christ par le Saint Esprit au moyen de la Parole ; et par là, l’âme est née d’eau et de l’Esprit. Plus que cela : depuis la rédemption, l’homme a droit de connaître la vie divine dans sa forme pleinement révélée, dans son expression la plus élevée, celle qui appartient au Fils de Dieu Lui-même. Il n’est pas seulement converti ou né de nouveau, mais il a la vie éternelle. Je ne veux pas nier le moins du monde qu’être né de nouveau c’est en réalité posséder la vie éternelle : je ne fais qu’expliquer, dans le sens qu’à mon avis nous devons lui donner, le langage du Seigneur. Au lieu de s’en tenir à l’expression la plus générale, ou à l’affirmation de l’absolue et universelle nécessité d’une nouvelle naissance, Il daigne nous présenter la bénédiction acquise à la croix, sous ce caractère qui Lui convient à Lui-même. Car Lui est la vie éternelle qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée [1 Jean 1, 2]. Ainsi la grâce a opéré d’une manière digne du Fils de Dieu.
Mais nous arrivons maintenant à une autre partie de notre sujet. Il ne s’agit pas simplement des besoins de l’homme, ni de la nécessité d’une nature qu’il n’a pas, et qui vient de Dieu seul. En envoyant Son Fils bien-aimé dans un monde tel que celui-ci, Dieu ne se limite pas à faire ce qui est indispensable pour nous permettre de nous tenir dans Sa présence. Il agit comme Dieu. Il ne communique pas seulement la nature elle-même, mais aussi une puissance capable d’opérer en elle. Il donne ce qui constitue l’énergie et la source de joie propres à la nature divine. En un mot, ce n’est pas seulement de la vie éternelle qu’Il fait don, toute précieuse qu’elle est, mais Il donne le Saint Esprit.
Ici les circonstances étaient, comme toujours, appropriées à ce que Dieu voulait révéler. Dans le chapitre précédent, l’homme était appelé d’une manière particulièrement pressante, en dépit des difficultés qui pouvaient lui sembler grandes. Mais à présent un pas de plus a été fait dans le sentier de grâce du Fils de Dieu : Il est virtuellement rejeté. Le temps n’est plus où beaucoup croyaient en Lui à cause des miracles qu’Il faisait [2, 23]. À présent la jalousie des pharisiens est excitée, et le Fils de Dieu quitte avec douleur cette Judée qu’Il avait visitée en grâce de la part de Dieu. Son amour ne pouvait que ressentir douloureusement ce rejet qui n’était pas simplement le sien. En méprisant les grâces dont il était l’objet, le peuple rejetait Dieu Lui-même. Mais ce rejet conduit Jésus à une manifestation de grâce comme on n’en avait jamais entendu parler en Judée. Une femme de la Samarie, apparemment peu faite pour la compagnie du Messie, une pauvre femme de la ville de Sichar, dégradée même au jugement de l’homme, Le rencontre tout seul au puits de Jacob où Il s’était assis, fatigué de Son voyage. Et Jésus s’ouvre bientôt un chemin vers son cœur.
Jésus demande un peu d’eau à boire. Il s’approche de cette femme, non pas comme le Messie, bien qu’Il le soit, mais comme le Fils de Dieu qui n’avait pas besoin de gloire, mais qui avait besoin de montrer de la grâce. Car Dieu était ému de compassion envers Sa créature perdue, et un seul pouvait s’occuper d’elle dans cet état, c’était Lui-même. Aussi, mû par Son propre amour, Il s’arrête et adresse une demande à la femme. Que ne ferait-Il pas pour atteindre son cœur ? La femme est toute surprise ; car les Juifs n’ont pas de relations avec les Samaritains. Pour elle, Il n’est qu’« un Juif », et elle-même seulement « une femme de la Samarie ». Quelle erreur à l’égard de l’un et de l’autre ! Mais Jésus lui dit : « Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, tu lui eusses demandé, et il t’eût donné de l’eau vive ». Elle ne le connaissait pas. On pouvait à peine dire qu’elle connaissait la loi de Dieu, quoiqu’elle en parlât ; mais pour ce qui est du don de Dieu — qui avait jamais entendu parler d’une telle chose ? Qui, même en Israël, ce peuple si favorisé, s’était jamais arrêté à cette vérité que Dieu donne ? Le système religieux auquel cette femme était attachée lui fournissait de Dieu une conception toute différente. La religion de l’homme Le considère comme un être qui reçoit. Cette femme sans doute n’était qu’une pécheresse perdue, mais, même dans une pareille condition on peut avoir l’orgueil religieux et partager la jalousie de ceux qui s’estimaient supérieurs. Pour cette femme, mais aussi pour ceux qui auraient dû avoir une connaissance bien plus grande, Dieu est toujours un être qui exige, et non pas quelqu’un qui donne comme Dieu seul peut donner. L’esprit de l’homme ne s’élève jamais au-dessus de cette notion de Dieu. Il peut constater les effets de la sagesse et de la puissance divines. Mais Dieu Lui-même demeure inconnu, car Il ne peut être connu qu’en Christ, c’est-à-dire en Son Fils. Ceci, la femme ne l’avait pas appris encore. Elle ne se doutait pas le moins du monde qui pouvait être Celui qui lui avait dit : Donne-moi à boire. Sinon elle aurait eu distinctement et glorieusement devant son âme Dieu comme donateur.
Mais la grâce était loin de ses pensées. Elle ne voyait qu’un Juif qui lui demandait à boire. Elle ne connaissait pas la dignité de Celui qui était maintenant sur la terre un homme parmi les hommes. Elle ne savait pas qu’Il était le Fils unique ; elle ignorait la gloire de Celui qui ne prouva jamais mieux cette gloire que lorsqu’Il s’abaissa pour le salut des pécheurs. Car qu’y a-t-il de plus profond de la part de Dieu, ou du Fils de Dieu, que cette expression de grâce, cet abaissement en amour — non pas en condescendance, mais en réelle bonté ? La condescendance n’est qu’une sorte de patronage, une attitude purement humaine et mondaine. Il ne pouvait y avoir aucun sentiment semblable en Celui qui est la vraie, la seule manifestation de l’amour divin, d’un amour qui n’avait pas de motif en dehors de lui-même. Et Celui qui était amour dans Sa propre nature était maintenant sur la terre pour le manifester. Qu’y avait-il dans une aussi pauvre créature de propre à attirer l’intérêt ? Rien, mais cette misère complète met en pleine évidence un Dieu qui donne et le Fils qui s’humilie. Quand bien même Il formule une demande ici, c’est afin de pouvoir donner. Cette demande d’un peu d’eau n’est pour Lui que l’occasion de donner l’eau vive dont si quelqu’un en boit, il n’aura plus soif à jamais. Certes c’était pour elle un son bien nouveau que cette expression « de l’eau vive ».
Être né de l’Esprit est tout autre chose que le don de l’Esprit ou de l’eau vive, dont le Seigneur parle à la femme de Sichar (Jean 4). Ces deux pensées n’ont aucune connexion entre elles, bien que, naturellement, l’une soit tout aussi vraie que l’autre. La première de ces choses avait toujours été. L’Esprit de Dieu n’avait cessé de travailler dans les âmes depuis que le péché était entré dans le monde. Mais Il ne fut jamais donné jusqu’à ce que le Fils de Dieu fût manifesté, jusqu’à ce que Dieu Lui-même eût pris la position de donateur, et que le Fils eût pris celle d’humiliation en amour pour les pécheurs. Voyez quelle place Celui-ci prend en demandant à la plus nécessiteuse des âmes de Lui donner à boire, éveillant sa confiance par Sa grâce parfaite. C’est là la grande vérité qui rayonne de toutes parts dans cet évangile. Et vous le remarquerez, Christ est le donateur. Il ne s’agit pas de Lui-même, non plus que de la vie éternelle simplement ; nous avons déjà trouvé pleinement ce sujet, et l’Écriture ne se répète pas. Quoique toutes les parties de la vérité de Dieu soit très certainement en parfaite harmonie, toutefois nous sommes ici sur un nouveau terrain, en présence d’une tout autre nature, de besoins plus profonds donnant lieu à une plus profonde manifestation de la grâce. Ce n’est pas un docteur d’élite comme Nicodème qui est devant nous, mais une misérable femme, repoussée de tous, indigne aux yeux du monde. Tel est l’être à qui les profondeurs de la grâce dans le Fils de Dieu commencent d’être révélées. Certes cette femme prouve de la manière la plus évidente qu’elle n’est pas préparée à recevoir le don inestimable. Et nous n’avons pas lieu de nous en étonner. Le chapitre 3 d’ailleurs n’est pas davantage à la gloire du savant Nicodème que le chapitre 4 n’honore la femme ignorante de la Samarie. La vérité sur laquelle le Seigneur insiste dans la première de ces deux scènes était capitale pour l’homme et le docteur d’Israël aurait dû la connaître. Jusqu’à quel point la saisit-il alors ? C’est ce que nous ne saurions dire. Dans le second récit, le don de l’eau vive était une vérité dans laquelle, avant ce moment-là, personne ne pouvait entrer. Loin d’être une nécessité générale dont on fût tenu d’avoir connaissance, comment aurait-on pu la concevoir ? Quand avait-il jamais été donné une révélation de Dieu et de Sa grâce telle que celle que Jésus présente à cette femme ? Où y avait-il jamais eu un pareil déploiement de la grâce divine : Dieu donnant de la sorte, le Fils s’abaissant ainsi en amour jusqu’à une créature dépourvue de toute justice, et le Saint Esprit devenant une source vive de rafraîchissement pour le cœur ? La femme cependant se rejette sur ce qui est la ressource constante de la nature dans ce monde, c’est-à-dire la tradition : « le puits de notre père Jacob ». C’était un effort pour échapper à ce qui était trop vaste, trop profond, trop divin pour qu’elle y entre. Jésus avait quitté le lieu où Son peuple habitait à l’ombre d’ordonnances divinement imposées. Des desseins d’un ordre plus élevé étaient en voie de s’accomplir. Notre évangile ne Le présente pas comme venu pour accomplir les destinées du pays de la promesse ; car, après tout, qu’est-ce que la promesse ? C’est la grâce mesurée. Et Jésus était venu dans une grâce sans mesure car tout était perdu. Mais plutôt que de l’admettre, l’homme se trouve toujours un objet servant de paravent pour son âme. Même cette pauvre femme de la Samarie se retranche derrière cet abri pour son orgueil : « le puits de notre père Jacob ». Le patriarche en avait bu, ses enfants et son bétail : Es-tu donc plus grand que lui ? demande la femme. Oh ! la flétrissante incrédulité du cœur, si prompte à obscurcir la riche grâce de Dieu. Toutefois la réponse du Seigneur est pleine de patience : « Quiconque boit de cette eau-ci » — quoique puits de Jacob — « aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, moi, n’aura plus soif à jamais ». Plus que cela : « L’eau que je lui donnerai sera en lui une fontaine d’eau jaillissant en vie éternelle ».
Cela suppose que la vie éternelle est communiquée, mais suppose en même temps, une source divine de joie que la vie éternelle en elle-même n’est pas, ni ne saurait jamais être. Au contraire on détruirait toute la vérité de cette nouvelle et divine nature si on maintenait que la vie elle-même est une source. Telle n’est pas la nature de la vie ; elle est essentiellement dépendante ; mais ici je trouve une source, une source continuelle de secours. Autrement dit, il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle créature qui, par le fait même qu’elle est une créature nouvelle, s’appuie sur Celui dont elle tire la vie et dont elle dépend ; mais ce que nous trouvons ici c’est une source vivante de joie. La figure même du puits l’illustre parfaitement et n’est-elle pas encore dépassée par cette expression : « l’eau vive » ? N’y voyons pas en effet quelque condition absolument indispensable pour être en relation avec Dieu. Hélas ! quel eût été dans ce cas le sort de ceux qui avaient vécu avant sa révélation ? Non, il s’agit d’un privilège nouveau, d’une plénitude de joie qui, dans les voies et les conseils de Dieu, ne trouvait son temps et son application propres qu’à la venue du Fils. Dieu se devait de signaler dignement la venue de Son Fils, Sa propre manifestation en grâce dans la présence de Son Fils ici-bas, aussi bien que l’accomplissement de l’œuvre infinie de la rédemption. Non que cette œuvre soit mentionnée ici ; mais elle est cependant impliquée dans l’humiliation du Fils. Il était impossible, répétons-le, que Dieu ne signalât pas par quelque nouvelle bénédiction, quelque nouvelle source de joie pour le croyant, la révélation et l’accomplissement du plus grand des desseins de Sa pensée et de Son cœur. Pour peu qu’on Le connaisse, on confessera qu’il ne pouvait en être autrement. L’homme s’efforcera de rabaisser les magnifiques scènes des voies de Dieu, et de contester les éclatants témoignages de Sa bonté et de Sa sagesse dans ce monde, il mettra même en cause la révélation de Dieu. En dépit de tous ces efforts, la Parole de Dieu demeure et demeurera éternellement. Le dessein de Dieu est de faire tout concourir à la gloire de Son Fils. Aussi, quand Celui-ci vient, Il donne à l’homme quelque chose de plus qu’une nouvelle nature.
En grâce, Dieu avait toujours fait naître de nouveau les âmes séparées pour Son nom, les rendant propres pour Sa présence ; et maintenant, outre la communication de cette nouvelle nature et le fait que Dieu regardait d’avance à l’œuvre magistrale qui Le justifierait dans le pardon des péchés, la nouvelle naissance pour le croyant est manifestée dans sa véritable nature et sa pleine valeur, comme la vie éternelle dans le Fils. Mais nous avons vu qu’il y a davantage encore. Une puissance divine est donnée à celui qui reçoit la vie éternelle, une fontaine d’eau jaillit en lui, en vie éternelle. Ce n’est pas seulement le fait, mais la puissance de la vie éternelle qui est conférée et cela non pas tant dans une nature communiquée, que dans un flux intarissable se rattachant à la source. J’admets qu’il n’est point question encore ici de la personnalité du Saint Esprit. Cette vérité se trouve plus loin, et elle nous sera présentée à sa place dans une autre occasion. C’est au moment où le saint Fils de Dieu s’en ira que cette question sera pleinement présentée. Alors une autre personne viendra et prendra la place de Christ. Ainsi tout le sujet est présenté admirablement et dans l’ordre. Ici ce que nous avons c’est la puissance, plutôt qu’une personne ; mais une puissance intérieure pour celui qui a la vie éternelle, afin que son âme puisse sentir la pleine joie de la grâce. C’est ce dont parle le Seigneur quand Il dit : « Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, moi… ».
Maintenant considérons un moment l’état de l’homme depuis la chute, et en contraste avec ce que Dieu est. Voyons-Le se révéler dans et par le Fils à une pauvre créature déchue. Quel fut le changement qui survint lors de la chute de l’homme ? Quand Adam fut créé, éprouva-t-il quelque soif dans le sens spirituel de ce mot ? Absolument aucune ! C’eût été dans la création un défaut que le Créateur ne pouvait y attacher, puisque tout était très bon. Je ne pense pas que tel ait été le cas même sous le rapport physique ; mais je suis sûr que, dans le sens dans lequel parlait notre Seigneur, Adam n’éprouvait pas le besoin d’une nourriture qu’il ne possédait pas. Il était incapable de la soif spirituelle, parce qu’elle suppose que le cœur n’est pas satisfait, qu’il n’y a rien autour de lui pour répondre à ses besoins, qu’il éprouve un incessant désir de ce qu’il n’a pas trouvé ni ne peut trouver. Telle n’était pas la condition d’Adam dans son état d’innocence. Sa satisfaction de créature éclatait, sans aucun doute, non pas certainement en culte spirituel, mais au moins en actions de grâces rendues à Dieu. Il jouissait de la bonté et de la sagesse de Dieu dans les innombrables choses excellentes répandues autour de lui et placées sous sa dépendance. Il pèche, tombe, et, en même temps que la connaissance du bien et du mal qu’il vient d’acquérir, il voit naître en lui ce désir de ce qui ne pourra jamais le satisfaire. Et telle est, depuis lors, la condition de tout être déchu. Sous sa forme la meilleure, c’est l’espérance, car l’homme espère et ne peut qu’espérer. De fréquents et amers désappointements à l’égard des choses de ce monde peuvent accabler l’esprit ; toutefois, même quand il en est ainsi, chacun sait comment l’espoir survit toujours, espérant contre toute espérance. Voilà ce qui a été acquis avec la chute : cette soif de l’âme dont la meilleure forme est celle de l’espérance, en tant qu’impulsion constante à l’activité. L’homme est devenu « comme Dieu » [Gen. 3, 22]. Et ainsi a germé en lui ce désir d’être quelqu’un, quelque chose, dans ce monde ; en fait, de prendre virtuellement la place de Dieu Lui-même. Naturellement cette audacieuse aspiration est tenue en échec par Dieu ; elle ne s’est d’ailleurs pas encore pleinement manifestée ; mais elle existe dans chaque cœur et se donnera certainement pleine et libre carrière lorsque Dieu retirera tous les obstacles et que Satan mènera à bout tous ses desseins. En attendant ce temps qui approche rapidement c’est précisément ce désir insatisfait qui, depuis le jour où le péché est entré jusqu’à aujourd’hui, a poussé l’homme à sa fiévreuse activité dans un monde perdu.
En contraste Jésus vient et donne, non seulement la vie éternelle, mais « l’eau vive ». Et tout aussitôt il y a un objet parfait pour le cœur, ce qui n’avait jamais eu lieu auparavant, avec une puissance nouvelle pour en jouir. Jadis, même ce qui éveillait les affections du cœur prenait encore le caractère d’une espérance. La confiance en Dieu et en Ses promesses existait. Mais désormais un changement immense avait lieu. Christ était venu, Celui qu’on attendait était présent. Dieu Lui-même était ici, dans la personne de cet homme assis fatigué près du puits de Sichar. Lui le plus humble des hommes, le plus effacé, montrait d’autant plus, du sein même des profondeurs de Son abaissement, qu’Il était le vrai Dieu dans Son amour. Car en Le donnant, Dieu ne voulait donner rien moins que Dieu. Non seulement Il voulait communiquer Sa nature, mais Il voulait qu’il y eût dans l’homme une capacité divine de jouir de cette nature, ainsi que des relations qui lui sont propres.
Merveilleuse et divine réponse à la chute et à ses conséquences ; réponse qui n’est pas une simple accommodation à la ruine humaine, un stérile remède, une vaine réparation, mais qui manifeste Dieu Lui-même en donnant toute leur riche et vaste portée aux ressources qui sont en Lui. C’est la révélation de la grâce du Fils dans la puissance du Saint Esprit. C’est le christianisme dans quelques-uns de ses éléments les plus simples, les plus élevés, les plus essentiels. Une personne divine est descendue ici-bas dans un amour parfait. Et Jésus est là, comme un Juif en dehors du judaïsme, ayant devant Lui une femme samaritaine coupable, lui adressant une demande, non pas pour Lui, mais pour elle, lui demandant la plus petite chose qu’elle pût donner, en vue de fixer son attention. Mais c’est afin qu’Il pût la bénir de Sa plus grande bénédiction à Lui, d’une bénédiction impérissable dès à présent et pour toujours. Ce n’est pas seulement d’une nature nouvelle qu’il est question, mais d’une puissance effective à la fois pour l’homme et dans l’homme, communiquée de la part de Dieu, et en elle-même formellement divine. Et c’est là précisément ce que nous possédons maintenant pour la joie de nos âmes. Il nous a donné l’Esprit de Dieu ; Il a accompli Sa parole. Dieu a envoyé, comme il est dit, l’Esprit de Son Fils dans nos cœurs, criant : « Abba, Père ». « L’amour de Dieu est versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rom. 8, 15 ; 5, 5).
Nous n’avons pas simplement reçu la vie éternelle, mais outre et par-dessus le don de cette vie, le Saint Esprit Lui-même nous est donné. Et, remarquez-le, c’est alors que nous trouvons que le croyant « n’aura plus soif à jamais ». Cela n’est pas dit de celui qui est simplement né de nouveau, ni même quand il est fait mention de la vie éternelle seule. Et, de fait, ce n’était pas vrai lorsque les âmes étaient seulement nées de nouveau et rien de plus, car jusqu’au temps où Dieu a donné en Christ et par Christ le Saint Esprit de grâce, il y avait dans les âmes croyantes un certain désir des choses du monde ; et Dieu Lui-même ne condamnait pas absolument cela mais le permettait dans une certaine mesure — peut-être à cause de la dureté de leur cœur. Un homme pouvait, pour ainsi dire, avoir ce monde-ci, et avoir aussi le monde à venir, équivoque que bien des personnes tristement aveuglées et ignorantes du vrai christianisme estiment être possible même aujourd’hui. Les croyants d’alors n’étaient pas traités comme absolument morts à la chair et au monde. Dans l’Ancien Testament nous ne rencontrons nulle part un pareil langage même chez les saints de Dieu, pas plus chez les patriarches que parmi les enfants d’Israël ; nous trouvons même tout l’opposé, en particulier dans la forme de la condition juive : une espérance tout premièrement en quelqu’un qui devait venir, mais pas de délivrance du monde en tant que système jugé. On y trouve des fruits de la foi pleins d’intérêt pour nous, dans lesquels les saints s’élevaient par la grâce de Dieu bien au-dessus de tout ce qui les entourait. Dieu nous donne ainsi de précieuses instructions par le moyen d’Abel, d’Énoch, de Noé, d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Joseph, de Moïse, et de tous les autres. Mais, outre que l’objet de leur espérance n’avait pas encore été révélé et que leur foi ne reposait pas sur l’œuvre infinie de la rédemption puisque celle-ci n’était pas alors accomplie, on trouve chez eux une certaine mesure d’attachement aux biens d’une terre qui n’était pas encore entièrement jugée.
Maintenant, si Christ ne suffit pas à mon cœur, comment cela se fait-il ? Ce peut être parce que le Saint Esprit ne remplit pas mon cœur jusqu’à le faire déborder de la grâce de Jésus. Tout en étant divinement attiré à Christ, je ne me repose pas réellement en Lui et suis encore occupé de moi-même. Je rampe dans la boue de ma nature, au lieu d’être emporté par la puissance de l’Esprit avec ce Christ qui est ma vie. C’est pourquoi Il ne me satisfait pas à Lui tout seul, et je soupire ardemment après ce qui est sans valeur, mondain ou charnel. N’est-ce pas bien triste que Dieu en Christ dans la plénitude de Sa grâce ne suffise pas au cœur ? La possession et la connaissance d’un privilège accroissent la responsabilité. Mais la première chose, c’est pour la foi d’y entrer et de le posséder. Dieu alors ne permettra pas que nos cœurs en soient occupés simplement comme affaire de témoignage ; Il veut que notre âme y prenne ses délices par la puissance qu’Il nous a donnée. Toutefois ce que j’affirme maintenant, c’est que le christianisme est parfaitement manifesté, et qu’il l’est selon la sagesse de Dieu. En premier lieu la nature divine est révélée dans la personne qui en est la plénitude et la complète expression. En second lieu la puissance pour en jouir est communiquée. Le cœur trouve dans l’objet révélé ce qui seul peut le satisfaire : une personne divine, celle du Fils de Dieu qui m’a aimé. Mais en même temps la puissance de l’espérance n’est pas perdue. Car nous avons aussi une espérance — non pas à présent une simple et lointaine espérance, comme c’était le cas jadis quand il n’existait rien d’autre. Mais dans un monde tel que celui-ci, étant encore dans le corps, Dieu ne nous en laisse pas manquer, sachant que nous avons besoin d’un pareil stimulant. La soif spirituelle a cessé lorsque par l’Esprit nous jouissons de Christ, mais l’espérance subsiste, avec cette différence que Celui qui en est l’objet est Celui-là même que je possède. Le Christ après lequel je soupire est le Christ que j’ai actuellement, et je ne trouverai pas en Lui quand je Le verrai la plus légère différence. Je connaîtrai mieux ce bien-aimé Sauveur et Le louerai davantage, car je serai dans une condition où c’en sera fini de mes infirmités, où mon corps lui-même sera incorruptible et glorieux, et où ne se trouvera rien de nature à nuire, à détruire, ou à produire de l’obscurité. Je Le trouverai, Lui, le même Christ qui m’aime aujourd’hui parfaitement. N’est-ce pas précieux de savoir que cela est vrai maintenant pour nos âmes, que nous Le possédons ici, aussi certainement que nous Le posséderons dans le ciel ? Ainsi tout en ayant dans un sens le bénéfice de la recherche, celui d’avoir à espérer quelque chose, dans un autre sens tout aussi vrai nos cœurs goûtent déjà un repos réel dans la possession de leur objet. Nous n’avons pas perdu l’espérance comme énergie d’activité, justement excitée et exercée dans un monde ruiné. En être privé serait une perte pendant que nous sommes ici-bas. Mais il faut que l’espérance passe. Dans le ciel, il n’est plus question, nous le savons, ni de foi, ni d’espérance, car elles supposent toujours une condition imparfaite, déchue, pour ce qui concerne le milieu dans lequel elles ont à s’exercer. Maintenant, avec l’espérance, nous possédons en Christ révélé à notre foi l’objet parfait pour un cœur renouvelé. Et nous sommes nous-mêmes bénis selon la perfection de l’œuvre qu’Il a accomplie de sorte que la conscience aussi bien que les affections jouissent d’un repos parfait. Or comme en même temps la vieille création est encore là, et nous dans le corps au milieu d’elle, nous possédons dans l’espérance un précieux aiguillon pour nous exciter à l’activité de l’amour. Tout cela, je le demande, n’est-il pas digne d’un Dieu tel que le nôtre ? N’est-ce pas Son amour parfait agissant envers Ses enfants qu’Il a ainsi bénis avec Christ, Son propre Fils, et en Lui ?
La preuve de l’amour divin a été donnée avant le réveil de la conscience et il est précieux qu’il en soit ainsi. En effet je comprends que la conscience ne puisse supporter d’être atteinte quand un témoignage d’amour n’a pas été préalablement donné. Mais inversement ce témoignage d’amour serait par lui-même sans aucun profit pour un pécheur. Il faut qu’il y ait réveil et mise en exercice de la conscience ; et c’est ce que nous trouvons ici.
Mais le point sur lequel notre attention doit être maintenant attirée c’est le rapport de cette précieuse puissance de l’Esprit, source divine de la joie dans l’âme, avec le culte, au sujet duquel la femme, sachant peu quelle révélation elle allait provoquer, adresse une question au Sauveur. Pourquoi la pose-t-elle ? Par simple curiosité intellectuelle, peut-être même comme échappatoire pour une conscience qui était touchée et ne se prosternait pas encore complètement devant Dieu. Mais quel que puisse avoir été le motif de sa question, quelque mélangé que fût ce motif (chose hélas ! que nous connaissons trop bien), cette femme nous fournit l’occasion de recevoir de la bouche du Seigneur pour notre édification un précieux enseignement sur une très importante portée du don de l’Esprit. Car nous ne sommes pas seulement en possession de la vie éternelle et du Saint Esprit, mais tout cela est en vue de fins excellentes selon Dieu. Et ce qui réclame ici notre attention est nécessairement la fin la plus élevée — ce qui monte, non pas ce qui descend. Nous avons notre place de culte, nous avons notre place de service ; et le culte et le service sont précisément les deux directions dans lesquelles le Saint Esprit conduit nos âmes, agissant en nous comme l’eau qui jaillit jusque dans la vie éternelle. Le culte de Dieu Lui-même, de notre Père, est l’activité suprême. Il faut qu’Il ait la première place. Sinon pourrait-il convenir à Dieu ? Mais nous sommes encore dans un monde où des âmes périssent ; d’autres sont dans une extrême nécessité réclamant notre service ! L’état actuel de la chrétienté est celui d’une profonde pénurie. Et en conséquence le ministère de la grâce trouve ici-bas sa pleine justification.
Ce qui se présente ici pour le croyant, c’est donc cette connexion de l’Esprit avec le culte tel qu’il est expliqué par le Seigneur. « Nos pères, dit la femme, ont adoré sur cette montagne-ci (car elle avait son opinion, et une opinion très décidée) et vous, vous dites qu’à Jérusalem est le lieu où il faut adorer. Jésus lui dit : Femme, crois-moi : l’heure vient que vous n’adorerez le Père, ni sur cette montagne, ni à Jérusalem ». Ainsi, devant la présence du Fils disparaissent non seulement les faux systèmes mais même ce qui, comme révélation partielle, avait été sanctionné par Dieu : non seulement la montagne de Samarie, mais Jérusalem elle-même. Comment Jérusalem pouvait-elle garder sa place en présence du Fils de Dieu rejeté ? Elle était la ville du grand Roi ! Si le grand Roi y avait été reçu comme tel, Il aurait occupé Son trône dans cette cité conformément aux termes de l’ancienne promesse. Mais c’est là précisément ce qu’on Lui avait refusé, et maintenant le Roi, méprisé par ceux qui passaient pour les meilleurs et les plus sages, avait tourné le dos à cette ville rebelle. Fait qui ne sert qu’à souligner la plénitude de la grâce divine, et atteste en outre qu’ici, comme toujours, la plénitude de la grâce est attachée à la plénitude de la gloire. Un péché aussi flagrant touchait à la gloire et donnait occasion à la grâce de Dieu de se manifester. Ne vous y trompez pas : il n’y a pas d’indifférence en Dieu. Il s’oppose à tout péché commis contre Christ, en vertu de l’amour même qu’Il porte à Son peuple coupable, aussi bien que du soin qu’Il porte à l’honneur de Son Fils. Pareillement, même s’il ne s’agissait que de l’intérêt de l’Église ici-bas, Il ne veut pas laisser passer la plus petite tache, la moindre souillure, tolérer un affront fait à Christ. Outre cela, l’homme religieux avait éprouvé et éprouverait de plus en plus l’entière incapacité des ordonnances pour satisfaire à ses besoins ou à la gloire de Dieu.
Cette femme avait entendu parler des promesses concernant le Messie mais était bien peu préparée à Le reconnaître en Celui qui parlait avec elle. Il n’était entouré d’aucune pompe, et n’exerçait pas le jugement. En tant que Roi, Il eût pu naturellement envoyer Ses armées et brûler Jérusalem, mais en tant que Fils, il Lui suffisait de prononcer ces seules paroles : « l’heure vient, et elle est maintenant… ». Celui qui avait tout créé par une parole effaçait de la terre par une parole, d’un mot, la place de Jérusalem comme centre du culte divin. Je le répète, non seulement les faux systèmes, mais même la révélation partielle touchant l’homme sur la terre, reçoit sa sentence et disparaît, afin que le Fils demeure. « Vous adorez, vous ne savez quoi — dit-il — nous nous savons ce que nous adorons ; car le salut vient des Juifs ». Il y avait dans la Samarie présomption et ignorance ; et le Seigneur ne dissimule pas non plus les avantages qu’Israël possédait en toute manière. Mais une chose à remarquer, c’est que Jésus ne parle jamais ainsi sauf de dehors. Il défend les Juifs quand Il se trouve au milieu de leurs rivaux, et qu’Il est Lui-même rejeté. Quelle grâce ! Le Seigneur rejeté ne méconnaît pas ce qui avait été institué avec gloire, lors même que cette institution d’Israël fût active contre Lui-même. Il ne méprise pas la ligne de la promesse ; Il n’oublie pas le fait capital dont dépendait la bénédiction de toute la terre : « Le salut vient des Juifs ». Mais Il ajoute : « L’heure vient ». Il insiste même sur le fait qu’à ce moment-là, elle était pour ainsi dire arrivée : « L’heure vient, et elle est maintenant, que les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en vérité, car aussi le Père en cherche de tels qui l’adorent ». La loi que Dieu donna était en harmonie avec la relation dans laquelle Son peuple était avec Lui-même. Il s’agissait de Ses voies morales envers la chair dans des hommes qui, comme peuple, ne possédaient rien d’autre. Mais c’est là précisément le changement immense qui intervient maintenant que le Messie est venu et a été rejeté. Le Père appelle et forme des fils par Celui qui est le Fils premier-né. Plus que cela, Il leur donne l’Esprit d’adoption, l’Esprit de fils, afin que les vrais adorateurs L’adorent en Esprit et en vérité ; car le Père en cherche de tels qui L’adorent. Que signifie donc tout cet ensemble de rites et de cérémonies flattant les sens qui montent actuellement de cette terre devant Dieu avec la prétention d’être Son culte ? Que représente le culte des multitudes chrétiennes aujourd’hui ? Une flagrante et audacieuse contradiction à la gloire de Christ, jetée à la face de Dieu, un sujet de profonde peine pour tous ceux, contredits comme Lui, qui L’aiment et qui craignent Son nom. Eh bien, la Parole de Dieu montre combien c’est chose sérieuse de jouer avec ce qui concerne de si près le Saint Esprit. Il est le témoin du Fils de l’homme, rejeté des hommes, mais exalté par Dieu. Et l’Esprit Lui-même est méprisé parce qu’Il rend témoignage au Fils de l’homme méprisé des hommes pour Sa grâce et Son humiliation. Quelle démonstration de ce que Dieu est, et en même temps de ce qu’est l’homme ! La superstition dans ses formes les plus grossières et les plus outrageantes trouve des sectateurs et des défenseurs dévoués, non pas simplement parmi les ignorants, mais parmi ceux qui se glorifient de leur savoir, de leur culture, et même de leur connaissance de la Bible. En dépit d’un témoignage tel que celui de notre chapitre — les paroles de Jésus Lui-même — ces marchands de légendes s’arrogent la position de peuple de Dieu. Le culte qu’ils prétendent rendre à Dieu prouve qu’ils ne sont que des sectes mondaines faisant la guerre à l’Esprit de Dieu.
Seul quelqu’un qui a la vie éternelle est capable d’adorer. Mais même alors, c’est dans la puissance du Saint Esprit que le culte est rendu. Ainsi l’adorateur est quelqu’un qui, ayant le Fils, a la vie [1 Jean 5, 12] ; c’est quelqu’un qui a le Saint Esprit comme source de joie au-dedans, et qui connaît le Père. Il n’est pas d’autre culte acceptable aujourd’hui. Le Père ne cherche pas d’autres adorateurs. Il cherche ceux-là. Permettez-moi de vous demander, chers amis, si vous faites tous partie de ces vrais adorateurs ? La joie cherche toujours à être partagée. La douleur peut s’épancher toute seule, rester comme un secret avec Celui qui est seul capable de sympathiser, de secourir comme nul autre ne le peut, de délivrer comme Lui seul délivre. La joie, elle, est d’autant plus riche qu’elle en trouve d’autres pour y prendre part. Et quand découvrez-vous cette communion pour la première fois ? Pas avant que le Saint Esprit soit donné ! Vous voyez par là comment la vérité fait un tout. Tant que les âmes étaient simplement nées de nouveau, l’une ici, l’autre là attendaient la venue du Christ ; elles exprimaient leur peine devant Dieu, faisant monter vers Lui des soupirs dans l’espérance du moment où paraîtrait le Sauveur promis. Mais Il est venu, porteur de la grâce divine, Il a ôté nos péchés, et en même temps nous a donné la vie éternelle. Plus que cela, en vertu du don de Dieu, nous avons reçu la puissance de nous approcher du Père par l’Esprit ; car c’est par l’Esprit que Juifs et Gentils qui croient maintenant ont accès auprès de Lui. De cet aspect de la vérité découle la communion de joie, et, en conséquence, la communion de culte. Il ne s’agit plus seulement de la bénédiction de chaque âme là où elle se trouve. Maintenant pour la première fois dans l’histoire de ce monde il est question de la recherche individuelle de vrais adorateurs et de leur rassemblement, afin que ces adorateurs puissent eux-mêmes offrir en commun leurs actions de grâce et leur adoration. Pourquoi ? Parce qu’ils ont un seul et même Esprit, qui, par conséquent, les unit pour la célébration de la grâce de Dieu, en même temps qu’Il les sépare de tous ceux qui ne sont pas de vrais adorateurs.
Jusqu’à ce moment le culte avait été mélangé. Les Samaritains adoraient ils ne savaient quoi. Les Juifs rendaient leur culte à Jéhovah le Dieu d’Israël ; ils adoraient le Tout-puissant, l’Éternel Dieu des armées ; mais les adorateurs étaient isolés l’un de l’autre et rien n’était tenté pour les distinguer de la masse du peuple et les réunir ensemble. Ceci ne pouvait se faire avant que le Fils fût venu, que la grande œuvre de la rédemption eût été opérée, et que le Saint Esprit eût été donné ! Le mur mitoyen de clôture était encore debout. Mais à présent Christ est venu. Méconnaître ce qu’Il enseigne ici c’est revenir en arrière, se défier du Saint Esprit, apostasier de la grâce et de la vérité. Soyez certains qu’elle approche à grands pas, cette effrayante apostasie. Et je vous y exhorte de la façon la plus solennelle, ô vous qui avez de jeunes âmes sous votre responsabilité, ne laissez jamais vos enfants, même s’ils sont encore inconvertis, avoir rien de commun avec les adorateurs de ce monde. Non pas que les hommes comme tels soient capables d’adorer, mais ils prétendent rendre culte, tout en étant pleinement responsables de sentir qu’ils ne sont pas de vrais adorateurs. Il est grave de permettre à nos enfants, sous prétexte qu’ils sont inconvertis, de se mêler avec le monde et d’en suivre la marche religieuse. Ne le tolérons jamais, par curiosité ou pour quelque motif que ce soit, car rien n’égale l’habileté du diable à fournir de bonnes raisons pour de mauvaises actions. Mais, chers amis, traitons toujours comme une imposture de celui qui séduisit Ève, les sollicitations à faire quelque chose qui ne soit pas la volonté de Dieu, même si on met en avant le bien qui pourrait en résulter. « L’heure vient, et elle est maintenant, que les vrais adorateurs adoreront le Père ». Peut-il exister un autre culte que celui que Dieu approuve ?
J’admets que Sa grâce pénètre là où nous nous ne pouvons ni ne devons aller ; je reconnais qu’elle peut opérer partout même quand est offert le « sacrifice de la messe ». Car ce n’est pas le péché qui peut retenir la grâce de Dieu. Certes, si le péché avait pu faire obstacle à l’action du Fils, c’en était ici l’occasion. Mais c’était précisément parce que le péché était là, afin d’en délivrer les pécheurs, que le Fils de Dieu était ainsi venu. Et je n’en ai aucun doute, ce qui est vrai de la grâce en Christ l’est aussi de la grâce manifestée par le Saint Esprit. Mais, ne supposons surtout pas que la grâce excuse le mal ou le traite légèrement. Il n’y a rien, au contraire, qui le condamne d’une manière plus absolue. Et en même temps, il n’existe rien d’autre qui puisse délivrer ; car pendant qu’un autre porte la condamnation, le coupable est sauvé dans l’amour divin, et cela non par la mort seulement, mais dans la puissance de la vie de Christ ressuscité d’entre les morts. Ainsi le Saint Esprit donne de la force pour accomplir le bien, de même qu’Il est l’agent de la bénédiction et fait qu’on y prend ses délices. Il est ainsi la seule puissance réelle pour résister au mal dans ce monde. Voilà qui est propre à agir sur la conscience d’un saint. Avez-vous jamais adoré Dieu votre Père en esprit et en vérité ? Ou bien vous êtes-vous contentés jusqu’ici d’être mêlés au monde et de prendre part à ses cérémonies et à son rituel ? Rien de plus facile que d’être associé à un tel système. Un simple instrument de musique, sans cœur ni conscience, suffit à y jouer son rôle. Le culte tel que le monde le conçoit est un ensemble de formes propres à agir sur les sentiments, mais ne différant pas finalement des pratiques de l’idolâtrie. À la vérité, c’est ce que l’apôtre discernait chez les Galates (chap. 4) lorsqu’ils reprenaient les formes juives. Mais, qu’eût-il pensé et dit de l’état actuel de la chrétienté ? Chose solennelle, cet état progresse de jour en jour et ne cessera pas jusqu’à ce que le Seigneur Jésus soit révélé du ciel, exerçant la vengeance contre ceux qui ne connaissent pas Dieu, et contre ceux qui n’obéissent pas à l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ [2 Thess. 1, 7-8].
Eh bien, nous sommes sauvés pour adorer maintenant, oui, pour adorer en esprit et en vérité. Encore faut-il, j’en supplie mes frères, adorer réellement dans la joie de notre cœur et ne pas nous contenter simplement d’en parler. Il semble parfois qu’il en est ainsi quand nous nous assemblons pour adorer le Seigneur. Ce sont plutôt des exhortations ou des prières concernant le culte que l’adoration réelle. Bien-aimés, parler du culte, ce n’est pas rendre culte. Nous ne nous réunissons pas en un tel moment pour exposer le sujet ou y insister avec force, chose qui peut être parfaitement convenable en une autre occasion. Si nous sommes réunis pour adorer, que chacun réalise qu’il est dans la présence du Seigneur pour Le célébrer, L’exalter et se réjouir en Lui. Le culte chrétien est l’effusion devant Dieu de cœurs qui ont trouvé, par le Saint Esprit, leur joie et leur satisfaction dans le Fils et dans le Père. Le cœur dont tous les besoins ont été pleinement satisfaits dans le Christ désire louer, et ne peut que louer, en communion avec tous ceux qui sont bénis de la même manière. N’a-t-il pas trouvé un objet, le Christ, Celui que Dieu lui a donné présentement dans un monde tel que celui-ci ? Il refuse de s’associer avec les éléments d’un système ignorant de la grâce ou même du péché, étranger par conséquent à la communion avec le Fils et avec le Père. Il sent le besoin d’être conduit dans le culte par la volonté de Dieu qui a envoyé le Saint Esprit du ciel ici-bas pour en être la puissance. Et quel chrétien, sachant qu’il existe une telle puissance pour bien conduire les enfants de Dieu dans le culte, pourrait se contenter de quelque autre conducteur que le Saint Esprit agissant souverainement dans l’assemblée par le moyen de qui Il veut ? Il en résulte que le culte chrétien a toujours pour son objet central le Fils de Dieu révélant le Père, et suppose nécessairement le don spécial du Saint Esprit comme la puissance en nous pour jouir de Dieu et Le célébrer convenablement. Mais seuls peuvent le réaliser les vrais adorateurs qui connaissent le Père. C’est un culte d’une nature inférieure, que d’être simplement occupés de nous-mêmes et les uns des autres et que de nous étendre sans cesse sur nos propres privilèges. L’édification elle-même, toute précieuse qu’elle est, n’est pas le culte : elle a pour objet les saints et non le Père et le Fils. À sa place et à sa manière, elle est admirable, et je ne nie pas que, si nous sommes réellement occupés en adoration du Père de notre Seigneur Jésus, il y aura rafraîchissement et édification. Mais il demeure toujours vrai que le but propre du culte c’est notre commune louange montant vers Dieu, de même que celui du ministère c’est la grâce et la vérité de Christ descendant ici-bas, et ainsi édifiant les saints. L’action de grâces elle-même, tout en faisant réellement partie du culte chrétien, me semble en être la forme la plus inférieure. En effet, elle n’est pas tant l’expression de notre joie en Dieu que de notre joie dans ce qu’Il nous donne. Sans doute ceci reste-t-il toujours vrai, et il est très convenable que nous gardions toujours le sentiment de ce qu’Il a fait pour nous et nous a donné. Mais nous qui avons le titre et la position d’enfants, nous sommes si richement bénis comme chrétiens que nous pouvons laisser nos cœurs s’abandonner aux révélations de l’Esprit sur ce que notre Dieu est en Lui-même et ainsi nous réjouir en Sa présence. Tout a son temps et sa place, les soins à donner aux âmes et la conduite réelle du Saint Esprit pour l’adoration.
Une autre chose qui doit être remarquée, c’est que le Sauveur ne parle pas simplement d’adorer « le Père ». Il nous dit que « Dieu est esprit et qu’il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité ». Le culte chrétien est donc l’opposé d’une religion de formes, mais, bien que spirituel, il n’est pas moins réel. Il y a des occasions où le Saint Esprit fait que le culte a spécialement Christ pour objet ; et d’autres où le Père est plus particulièrement devant l’assemblée. Parfois aussi c’est la seigneurie ou la grâce de Jésus qui occupent la première place, et d’autres fois encore c’est de notre repos en Dieu Lui-même que nos cœurs sont davantage frappés ! Je ne veux pas dire que le culte se caractérise par l’un ou l’autre de ces thèmes exclusivement, mais je dis qu’on peut généralement sentir que tel ou tel des points de vue sous lesquels se présentent les vérités divines a donné au culte son ton et son caractère. Le formalisme naturellement est aveugle à ces différences, et les effacerait. Et certainement, là où le don et la présence du Saint Esprit ne sont pas réalisés, les âmes ne sont pas en état de comprendre ou d’apprécier cela. Certainement aussi tout est parfaite grâce ; et je connais peu de choses qui démontrent mieux combien nous sommes bénis, que le fait de pouvoir non seulement nous réjouir en notre Père, mais aussi nous réjouir en Dieu, nous glorifier en Lui comme il est dit en Romains 5, 11. Réconciliés avec Lui, et connaissant Son amour par le Saint Esprit qui nous a été donné, nous avons notre sujet de gloire en Dieu comme Dieu. Car Sa nature même et Son caractère moral ont été si parfaitement justifiés et satisfaits dans l’œuvre du Seigneur Jésus pour nous, que désormais tout en Lui peut se déclarer justement pour nous, maintenant et pour toujours. Lui qui hait le mal et en a par Sa nature une horreur parfaite, qui ne saurait non plus aucunement l’excuser en nous, a été si absolument glorifié en Christ que Son amour peut dorénavant se déployer sans réserve en notre faveur. Et pour notre part nous sommes libres de nous tenir sans cesse devant Lui le cœur rempli de joie et débordant de louange. Ce n’est pas qu’Il nous épargne la discipline nécessaire. Ne pas la connaître serait une perte et un danger pour nous qui sommes ici-bas, dans nos corps. Aussi en sommes-nous les objets de Sa part dans Son caractère de Père. Le châtiment dont nous sommes visités maintenant vient de notre Père (comp. Héb. 12 et 1 Pier. 1, 17). Incontestablement notre Père est Dieu, mais il est bon de distinguer la nature des relations ; et l’Écriture le fait toujours. Il importe au plus haut point que nous connaissions cette étroite relation de Père qui, comme Jean nous le déclare, caractérise déjà les tout jeunes enfants de la famille de Dieu. Mais il est aussi de la plus haute importance de savoir que c’est le triomphe de la rédemption de nous avoir établis dans la paix avec Dieu comme tel, et de nous amener à nous glorifier en Lui, maintenant que toute Sa nature peut se reposer pour nous en Jésus et en nous par Jésus.
Nous pouvons donc à juste titre nous réjouir de ce que Dieu est notre Père. Seulement il y a danger de nous limiter à cette vérité et de perdre de vue notre profond et parfait repos en Dieu comme tel (1 Pier. 1, 21). Or, je dis que là où le cœur ne s’est pas soumis à la justice de Dieu et ne connaît pas pleinement la profondeur de la rédemption, on rencontre plus de confiance dans la relation de « Père », que dans le fait d’avoir affaire avec « Dieu » ; on n’apprécie pas assez l’œuvre de Christ, ni peut-être Sa gloire. Et comme la foi et l’état du cœur laissent à désirer, cela se trahit aussi par un défaut de liberté et de plénitude à la fois dans le culte et dans la marche pratique ; car toutes ces choses vont ensemble. « C’est pourquoi, recevant un royaume inébranlable, retenons la grâce par laquelle nous servions Dieu d’une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte. Car aussi notre Dieu est un feu consumant » (Héb. 12, 28, 29). Car « aussi Jésus, afin qu’il sanctifiât le peuple par son propre sang, a souffert hors de la porte. Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre : car nous n’avons pas ici de cité permanente, mais nous recherchons celle qui est à venir. Offrons donc, par lui, sans cesse à Dieu un sacrifice de louanges, c’est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom » (Héb. 13, 12-15).
Mon but n’est pas de développer ces quelques remarques pratiques concernant la chrétienté et le culte en général, mais de montrer comment nos bénédictions et nos responsabilités se rattachent au don du Saint Esprit. Cette bénédiction qui résulte de la venue du Fils en humilité et en amour ici-bas, nous est donnée par Lui en vertu de Sa gloire et de Son humiliation en même temps. Dans le chapitre précédent, la nouvelle naissance est décrite par notre Seigneur comme une nécessité absolue et universelle pour le royaume de Dieu, avant qu’Il dise un mot de Sa présence dans ce monde, et bien moins encore de la rédemption. Les saints de l’Ancien Testament étaient nés d’eau et de l’Esprit tout aussi bien que ceux du Nouveau Testament ; mais ici nous nous trouvons en présence d’une bénédiction qui attendait la venue de Christ pour être accordée selon la pleine grâce de Dieu. Car véritablement notre communion est avec le Père et avec Son Fils Jésus Christ [1 Jean 1, 3]. Elle est liée à la rédemption, mais la rédemption n’est pas introduite directement dans ce passage. Le but de celui-ci est de rapprocher étroitement la gloire de Dieu, tel qu’Il nous est connu maintenant, la gloire du Fils malgré Son humiliation, et dans Son humiliation même, enfin le don de l’Esprit au croyant, qui en a été la conséquence bénie.