Messager Évangélique:L’amour

De mipe
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« Et à l’affection fraternelle, l’amour. »

On s’imagine ordinairement que l’affection fraternelle est l’amour, et même sa forme la plus parfaite. C’est une erreur, comme le montre ce passage de Pierre. Il est très vrai que l’affection fraternelle est un fruit bien doux et précieux de la grâce — précieux dans le cœur qui en est rempli et précieux dans son développement mutuel. Mais ce n’est pas l’amour. Il nous est dit de joindre « à l’affection fraternelle, l’amour ». La raison en est simple. S’il s’agit d’affection fraternelle, les frères en sont l’objet ; si elle est pure et sans mélange, elle découle assurément de la grâce, mais, en nous, elle revêt facilement le caractère que lui donne son objet, et tend à se limiter à ceux dont elle est occupée, et à être gouvernée par le sentiment qu’on éprouve à leur égard. Elle est sujette à se fixer sur ces objets, et à éviter ainsi tout ce qui pourrait leur être pénible ou gâter les sentiments mutuels et la douceur des relations, en sorte que ces considérations deviennent la mesure de la conduite du chrétien.

En un mot, lorsque l’affection fraternelle est circonscrite en elle-même quant à son but principal, ce sont les frères qui deviennent le motif et le principe directeur de notre conduite, et notre conduite devient aussi variable que l’état même de ceux de nos frères avec lesquels nous sommes en contact. Aussi est-il dit par Paul : « Par-dessus tout cela [revêtez-vous] d’amour, le lien de la perfection » ; et par Pierre : « à l’affection fraternelle, l’amour ». Mais l’amour ne cherchera-t-il pas à exercer l’affection fraternelle ? Oui, sans doute. Mais quand il s’agit de l’amour, Dieu est introduit. « Dieu est amour ». « Celui qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu, en Dieu en lui ». Ainsi l’amour introduit la mesure de ce qu’est l’amour véritable ; c’est ce que la simple affection fraternelle, en elle-même, ne saurait jamais faire. L’amour est « le lien de la perfection » pour Dieu, et Dieu, dans l’activité de l’amour, en est la mesure. L’affection fraternelle, si elle est seule, a pour objet le frère. L’amour se gouverne, ou plutôt il existe, en vertu de la présence de Dieu, dont on a la conscience. Dès lors tout ce qui ne s’accorde pas avec cette présence, avec Dieu Lui-même, avec Sa gloire, ne saurait être toléré par le cœur qui en est rempli. C’est dans l’esprit d’amour que ce cœur pense et agit, mais c’est par l’Esprit de Dieu — par la présence duquel l’amour est connu et actif dans l’âme.

L’amour agissait en Christ, lorsqu’Il disait : « Serpents, race de vipères » ; dans Paul, lorsqu’il disait : « Je voudrais que ceux qui vous bouleversent, se retranchassent même ». L’amour est intolérant quant au mal, parce qu’il implique la présence de Dieu, et parce que, dans l’amour, nous sentons la présence de Dieu et nous regardons à Lui. Dans la simple bienveillance fraternelle, le frère est l’objet présent à mon esprit, et si la présence de Dieu n’est pas sentie, si je ne la réalise pas, la nature entre si aisément, et cela sous les formes les plus spécieuses et les plus aimables, que j’arrive à mettre l’homme avant Dieu, à étouffer le mal, à entretenir à tout prix la bienveillance, et sous ce rapport j’éloigne et j’exclus Dieu.

L’amour, c’est la présence active de Dieu, quoiqu’il s’agisse de sa manifestation envers l’homme. Mais il donne à Dieu tous Ses droits. C’est Lui qui est amour ; mais Il n’est jamais en contradiction avec Lui-même. Son amour pour nous fut manifesté dans ce qui était la preuve la plus solennelle de Son intolérance quant au mal — à la croix. Il n’y a pas d’amour véritable séparément de la justice. Si Dieu est indifférent quant au mal, s’Il n’est pas juste, alors il n’y a pas d’amour, en grâce, pour le pécheur. S’Il abhorre le mal, s’Il ne peut le souffrir en Sa présence, alors Ses voies envers nous comme pécheurs manifestent l’amour le plus parfait. Si j’ai dix enfants, et qu’ils marchent mal ; si je dis : Eh bien ! je dois leur montrer de l’amour, et que je ne tienne pas compte de leurs mauvais actes ; ou si quelques-uns d’entre eux marchent mal, et que je les traite tous comme si je ne faisais aucune différence en mon esprit entre leurs bonnes et leurs mauvaises actions, ce n’est pas de l’amour, mais de l’insouciance quant au mal.

C’est ce genre d’amour que recherchent les hommes inconvertis : ils désirent que Dieu soit aussi insouciant quant au mal qu’ils le sont eux-mêmes. Mais tel n’est pas l’amour divin, qui abhorre le mal, qui s’élève au-dessus du mal, et qui agit à l’égard du mal, soit en l’ôtant, soit par la discipline qui est nécessaire. Mais si Dieu était indifférent quant au mal, il n’y aurait pas d’Être saint pour être l’objet de mon amour — il n’y aurait rien qui pût sanctifier. Dieu ne reconnaît pas pour amour ce qui accorde une place au péché.