Écho du Témoignage:Remarques sur le livre de Daniel/Partie 4

De mipe
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Chapitre 7

Nous arrivons maintenant à la seconde grande division du livre. L’Esprit de Dieu nous y présente non pas simplement l’histoire ou les visions de personnages païens, tels que Nebucadnetsar et autres, mais les communications faites au prophète lui-même de la part de Dieu. De là vient que c’est ce qui est relatif aux Juifs, objet de la faveur spéciale de Dieu à cette époque-là, et plus particulièrement ce que Dieu tient en réserve pour eux pour un jour de bénédiction qui approche, qui constitue le sujet dominant des pensées de l’Esprit. Daniel était le canal convenable pour de telles révélations. En conséquence, l’Esprit reprend le sujet des quatre grands empires gentils, aussi bien que celui du cinquième empire, le royaume des cieux, qui doit être introduit par le Seigneur Jésus. Mais c’est d’un point de vue différent, quoique naturellement avec une parfaite harmonie, que les choses sont présentées. Ici ce n’est point une grande statue commençant par ce qui est splendide, l’or et l’argent, et descendant par une détérioration manifeste et progressive au ventre et aux cuisses d’airain, aux jambes et aux pieds d’argile ; ce sont de féroces bêtes sauvages. Elles représentent bien les mêmes puissances, mais elles les représentent sous un autre aspect. La statue convenait fort bien pour figurer à l’œil du grand chef de l’empire gentil leurs changements successifs et leurs relations respectives l’une avec l’autre ; mais Dieu ne les envisage pas maintenant de cette manière, non plus que leurs relations avec Son peuple.

Cette simple considération nous donne la clé de la manière différente dont ces puissances nous sont dépeintes. À mesure que nous entrerons dans les détails, nous y trouverons cette sagesse à laquelle nous pouvons toujours nous attendre dans ce qui procède de la pensée de Dieu.

Dans sa vision, le prophète voit une masse d’eau agitée par les vents des cieux. De cette mer troublée sortent quatre bêtes sauvages, successivement, puis-je ajouter ; car il est très évident qu’il en est des empires présentés ici comme des mêmes empires figurés par les métaux au chapitre 2, et que nous devons voir en eux non pas des empires contemporains, mais des empires qui se succèdent l’un à l’autre dans le gouvernement du monde, sous la direction de la providence de Dieu. « La première était semblable à un lion, et elle avait des ailes d’aigle ». Sans aucun doute, nous avons là l’empire de Babylone. Ce n’est pas non plus une chose nouvelle de voir le Saint Esprit appliquer à Nebucadnetsar la figure d’un lion ou celle d’un aigle. Jérémie en avait déjà fait usage : « Le lion est sorti de sa caverne, et le destructeur des nations est parti » (Jér. 4, 7). Ézéchiel, aussi bien que Jérémie, le représenta à son tour sous la figure d’un aigle. Il est même mentionné sous l’image du lion et de l’aigle à la fois en Jérémie 49, 19-22. Dans la vision de Daniel, le Saint Esprit réunit les deux figures dans un même symbole pour représenter d’une manière convenable ce que l’empire babylonien était dans la pensée de Dieu.

Mais, outre ces symboles de la grandeur et de la rapidité des conquêtes que devait faire la bête babylonienne, nous trouvons dans la description que nous en donne le prophète l’indice d’un changement remarquable qui devait s’effectuer en elle, et dont, humainement parlant, il n’y avait à cette époque-là absolument aucune apparence. Mais tout est découvert aux yeux de Dieu dont l’intention, en donnant la prophétie, est que Son peuple voie d’avance ce qu’Il voit Lui-même. Dans la parfaite sagesse et la parfaite bonté qui appartiennent à Sa nature, Dieu a trouvé bon d’accorder une mesure de connaissance de l’avenir selon qu’Il juge convenable à Sa gloire ; et un enfant obéissant écoute et garde la parole de son Père.

Ici Il faisait connaître au prophète que l’empire de Babylone devait être humilié. Il ne serait pas absolument détruit comme nation, mais il serait entièrement renversé comme puissance souveraine dans le monde. C’est ce que signifiait le fait que les plumes des ailes de la bête furent arrachées, et qu’elle se dressa sur ses pieds comme un homme, ce qui naturellement détruirait sa force. Car, quelque convenable qu’une telle attitude soit pour l’homme, il est évident que, pour une bête féroce, c’est plutôt une humiliation. En harmonie avec cela, nous lisons aussi qu’« il lui fut donné un cœur d’homme ». On peut voir en cela une espèce de contraste avec ce qui fut fait dans le cas de Nebucadnetsar, à qui il fut donné un cœur de bête. Nebucadnetsar ne regardait pas à Dieu, ce qui est évidemment le devoir sacré de toute âme d’homme. Il n’est pas proprement un homme, celui qui ne reconnaît pas le Dieu qui lui a donné l’existence, qui veille sur lui et le comble de bienfaits chaque jour, le Dieu qui réclame l’obéissance de la conscience, et qui seul peut changer le cœur. Nebucadnetsar était occupé de lui-même. Le don même que Dieu lui avait fait de la domination universelle avait été perverti par la puissance de Satan, au point que c’était le moi qui était l’objet de ses pensées et non pas Dieu. Selon l’énergique expression de l’Écriture, son cœur n’était pas un cœur d’homme, dont la nature est de regarder en haut en reconnaissant un Être au-dessus de lui ; mais bien un cœur de bête, qui regarde en bas, ne cherchant que son plaisir et la satisfaction de ses instincts. Tel était le cas de Nebucadnetsar, et en conséquence un jugement très solennel tomba sur lui personnellement. Mais après un certain temps d’humiliation, la miséricorde de Dieu intervint, et il fut rétabli dans sa position d’honneur. C’était là un signe de la condition à laquelle seraient réduites les puissances gentiles pour leur péché de ne pas reconnaître le vrai Dieu ; mais l’Esprit prophétique a aussi ajouté le témoignage relatif à leur restauration et à leur bénédiction futures, lorsque, dans un temps prochain, elles reconnaîtront le royaume des cieux. Dans le cas que nous présente notre chapitre, le lion fut réduit de sa puissance comme bête à un état de faiblesse. Cela eut lieu effectivement quand Babylone perdit sa suprématie dans le monde ; ce qui semble bien le sens de la dernière partie du verset. Nous avons donc d’abord Babylone dans la plénitude de sa puissance, et ensuite le grand changement qui s’accomplit à son égard lorsqu’elle fut dépouillée de l’empire du monde.

Au verset suivant (v. 5), vous trouvez une description de l’empire des Perses qui avait été représenté dans la grande statue par « la poitrine, etc., d’argent ». — « Et voici une autre bête, qui fut la seconde, semblable à un ours, laquelle se tenait sur un côté », trait remarquable qui, à première vue, peut ne pas paraître bien clair, mais qui se trouve parfaitement expliqué par cette considération que ce n’était pas un empire aussi uniforme que celui de Babylone. Il était composé de deux peuples réunis sous un seul chef. Voici un autre trait remarquable : celui de ces deux royaumes qui était inférieur à l’autre devint dominant. Les Perses prévalurent sur les Mèdes. C’est ainsi que nous avons vu, dans le chapitre 5, Darius le Mède prendre le royaume ; mais Cyrus lui succéda bientôt, et à partir de ce moment ce furent toujours les Perses qui gouvernèrent, et non pas les Mèdes. Nouvelle preuve de ce que nous avons dit plus haut, que nous n’avons réellement aucun besoin de l’histoire pour comprendre la prophétie. C’est pour méconnaître cette vérité que tant de gens sont plongés dans l’incertitude. Nous pouvons recourir à l’histoire comme par une espèce d’hommage rendu à la prophétie ; mais la confirmation par l’histoire de l’accomplissement de la prophétie est une chose très différente de son interprétation. La prophétie, comme toute l’Écriture, n’est expliquée que par l’Esprit de Dieu qui n’a pas besoin de laisser la Parole écrite pour recourir à l’aide de l’homme afin d’expliquer ce qu’Il a inspiré. Il n’y a que l’auteur de l’Écriture qui soit réellement capable de l’expliquer. Je ne devrais pas avoir besoin d’insister sur cela, vu que c’est un principe de vérité élémentaire, mais aujourd’hui il est aussi urgent que jamais d’insister sur les principes élémentaires de la vérité.

L’Écriture nous fournit donc ici ce fait manifeste que, tandis que le second empire se composait de deux parties, et que les Mèdes formaient la branche la plus ancienne de l’empire, c’est néanmoins Cyrus le Perse qui devait être le plus proéminent. C’était là le côté sur lequel la bête se tenait. « Elle avait trois crocs (vers. angl. : côtes) dans la gueule, entre ses dents », signe bien clair, à mon avis, de la rapacité extraordinaire qui devait caractériser l’empire des Perses. Si, dans une espèce de panorama, nous voyions devant nous différents animaux, et que l’un d’eux fût représenté avec beaucoup de proies qu’il serait en train de dévorer, n’est-il pas vrai que nous aurions aussitôt à l’esprit l’idée d’un appétit singulièrement vorace ? C’était le cas des Perses, qui eurent maintes fois à faire tête à des soulèvements causés par leurs extorsions et leur cruauté. Il est vrai que, par leur moyen, la providence de Dieu opéra en faveur des Juifs ; mais cela ne faisait qu’un contraste avec leurs habitudes ordinaires les plus marquantes, car tandis que les Perses étaient extrêmement durs pour les autres peuples, ils se montrèrent doux et favorables à l’égard d’Israël ; mais, je le répète, ce n’était qu’une exception. En général, une avide bête féroce dépeint exactement leur caractère. De là vient qu’il est dit que l’ours avait trois crocs (côtes) dans la gueule, entre ses dents. Il montrait par le fait même ses voraces penchants ; et on lui disait ainsi : « Lève-toi, mange beaucoup de chair ». Ces paroles expliquaient la vision ; elles avaient trait évidemment aux habitudes pillardes de la bête.

En troisième lieu, vient un léopard avec quelques traits remarquables le concernant. Quoique nous ne devions pas nous attendre à trouver de la régularité dans le tableau, chaque figure est destinée à exprimer certaines vérités ; mais si on essaie de donner à chaque figure une forme régulière, elles ne pourront point aller ensemble. Ainsi, pour le cas qui nous occupe, il n’y avait rien dans la nature qui ressemblât à ce léopard ; mais Dieu emprunte à diverses choses qui existaient dans la nature les traits qui étaient nécessaires pour donner une idée combinée de ce nouvel empire. Aussi, tandis que le léopard est remarquable par son agilité à poursuivre sa proie, il nous est dit néanmoins, en vue de nous faire penser à une rapidité extraordinaire, qu’il avait « sur son dos quatre ailes d’oiseau ». Si jamais il y a eu un cas où l’impétuosité du courage dans la poursuite de grands desseins ait été unie à une merveilleuse rapidité dans l’accomplissement d’une longue suite de conquêtes, c’est à coup sûr dans l’histoire d’Alexandre-le-Grand que nous le trouvons. Le royaume grec ou macédonien porte avec lui un caractère de rapidité qu’aucun autre n’a jamais eu ; et c’est pour cette raison qu’il est symbolisé d’un côté par le léopard et de l’autre par les quatre ailes d’oiseau.

Mais, de plus, « cette bête avait aussi quatre têtes, et la domination lui fut donnée ». Ce trait ne nous donne pas simplement Alexandre, mais aussi ce qui est relatif à ses successeurs. Les quatre têtes signalent la division de son royaume en quatre parties après sa mort. Nous n’avons donc pas ici seulement l’état de l’empire grec dans ses premiers commencements, mais la vision nous présente encore ce qu’il devient dans l’avenir. C’était essentiellement l’empire qui se divisait en quatre parties bien distinctes, non pas précisément qu’il n’y en eût que quatre, parce qu’il est clair qu’à un certain moment, il s’opéra entre les généraux d’Alexandre une espèce de partage par suite duquel six d’entre eux régnèrent sur autant de parties différentes ; mais peu à peu elles furent réduites définitivement à quatre. Nous l’apprenons par le chapitre suivant, et nous n’avons nul besoin de recourir à l’histoire pour cela. Il faut que chaque fait, que toute science rendent témoignage à la Parole de Dieu ; mais la Parole de Dieu n’a nul besoin de ce témoignage pour prouver qu’elle est divine. S’il en était autrement, qu’arriverait-il de ceux qui ignorent le premier mot de la science et de l’histoire ? Les personnes qui s’adonnent beaucoup à l’une ou à l’autre dans le dessein de confirmer par leur moyen les Écritures, n’ont jamais glané que les plus pauvres épis, en comparaison de la moisson si riche qu’on peut faire dans l’Écriture. C’est tout autre chose, si on se nourrit de la Parole, qu’on croisse dans la connaissance de l’Écriture, et qu’on soit appelé ensuite, dans l’accomplissement d’un devoir, à examiner ce que les hommes en disent. On trouvera qu’il n’y a rien, même jusqu’aux découvertes les plus récentes de la science, qui ne rende involontairement hommage à l’Écriture. Celui qui, en regardant à Dieu et en faisant usage de tous les moyens que Sa Parole et Son Esprit lui fournissent, s’établit sur l’Écriture, a réellement la bonne position, la position avantageuse ; il se confie en Dieu, et non dans les découvertes ou les pensées des hommes. Ici-bas, l’homme qui cherche est exposé à toute l’incertitude et au brouillard qui appartiennent à ce bas monde. Mais si on s’éclaire de la lumière de la Parole de Dieu, on possède un soleil plus brillant que celui qui rayonne en plein midi ; et en conséquence on ne court pas risque de s’égarer, juste dans la mesure dans laquelle on est soumis à cette lumière. Et l’Esprit de Dieu peut et veut produire en nous cette bienheureuse soumission. De fait, tous nous errons plus ou moins ; mais la faute n’en est point à quelque défaut dont serait entachée la Parole de Dieu, ni à quelque manque de puissance pour enseigner qui se trouverait dans le Saint Esprit. Toutes nos erreurs proviennent de ceci : nous n’avons pas assez une foi simple dans la perfection de l’Écriture et dans la direction bénie de l’Esprit qui aime à nous conduire en toute vérité.

Le verset suivant (v. 7) commence une autre vision ; car les six premiers versets en constituent proprement une, chacune des deux se trouvant introduite par les mots : « Je regardai dans les visions de la nuit ». Daniel contemple d’abord les quatre bêtes d’une manière générale ; et si quelques-unes furent particulièrement spécifiées, ce furent les trois premières. Mais la quatrième était évidemment celle qui occupait d’une façon plus particulière la pensée du Saint Esprit, et en conséquence le prophète la considère de nouveau. « Après cela, je regardai dans les visions de la nuit, et voici la quatrième bête qui était épouvantable, affreuse et très forte ; elle avait de grandes dents de fer ». Ici, évidemment, la prophétie nous donne une figure du quatrième empire, ou empire romain. Je ne veux pas entrer maintenant dans les nombreuses preuves qui établissent cela. C’est à peine si parmi les lecteurs de ces pages, il s’en trouverait quelqu’un disposé à nier que les quatre empires bien connus sont ce que la statue du chapitre 2 et les bêtes du chapitre 7 avaient pour but de représenter. Cela a bien été nié par quelques-uns, mais c’est une idée bizarre, dont il n’y a pas lieu de s’occuper davantage.

Ceci admis, la quatrième bête représente donc le quatrième empire ouvertement établi. Ce qui le caractérise sous le rapport politique, c’est une force qui surmonte tout. Il est figuré par un monstre auquel ne répond rien d’analogue dans la nature. Nous en trouvons une description plus complète dans l’Apocalypse, parce que l’empire romain étant établi alors, et sa destinée future nous menant jusqu’à la fin du siècle, il devenait l’objet exclusif de l’attention — la bête. En conséquence, le chapitre 13 nous en fournit une description où nous le trouvons représenté comme un léopard, les « pieds comme ceux d’un ours, et sa gueule comme la gueule d’un lion ». Et cette créature d’ordre composite est en outre signalée (v. 1) comme ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses cornes dix diadèmes. C’était la puissance sous laquelle, en ce même temps, Jean souffrait dans l’île de Patmos ; et comme il y avait encore en réserve de plus grandes souffrances pour le peuple de Dieu, et même le blasphème contre Dieu, nous ne devons pas être surpris que cette puissance nous soit décrite avec tant de détails.

Elle apparaît ici comme « une quatrième bête qui était épouvantable, affreuse et très forte ; elle avait de grandes dents de fer ; elle mangeait et brisait, et elle foulait à ses pieds ce qui restait ». C’est-à-dire qu’elle possédait une puissance comme il n’y en avait point eu pour faire des conquêtes et s’agrandir, et que ce qu’elle n’incorporait pas à sa propre substance, elle le foulait et le gâtait ainsi pour les autres. « Elle était différente de toutes les bêtes qui avaient été avant elle ». Cet empire maintenait un sentiment profond de la volonté de l’homme — de la volonté du peuple, et présentait une combinaison de certains éléments républicains avec un despotisme de fer aussi absolu que quelque despotisme qui ait jamais dominé dans ce monde. Chacun de ces deux principes, l’élément despotique et l’élément républicain, avait un jeu à part, mais ils fonctionnaient dans une apparente harmonie.

Mais ce n’était pas tout. La bête possédait un autre caractère très marqué : « elle avait dix cornes ». Il n’en était pas ainsi dans les autres empires. Après la mort de son fondateur, l’empire grec se partagea graduellement entre quatre chefs ; mais le trait particulier à l’empire romain, c’est qu’il possède dix cornes. Cependant nous ne devons pas nous attendre à trouver dans cette vision le développement de son histoire. Dans le cas contraire, il est clair que les dix cornes n’eussent pas apparu dans la bête romaine lorsque le prophète la vit pour la première fois, car Rome n’eut plus d’un chef que plusieurs siècles après avoir commencé d’exister comme empire. Il est évident que l’Esprit de Dieu, dès la toute première apparition de la bête, signale les traits qu’on trouverait en elle à la fin, et non point ceux qu’elle présentait au commencement. Elle était forte et farouche, elle dévorait, elle foulait à ses pieds ce qui restait, elle était différente de toutes les autres. Rome a pu réaliser tous ses traits sous le règne des Césars ; mais, dans ce temps, elle n’avait pas dix cornes. Impossible de prétendre les trouver jusqu’à ce que l’empire fut dissous ; et après cela l’empire romain, à proprement parler, n’existait plus. Il se peut que l’on ait continué de conserver le nom et le titre d’empereur, mais c’était la chose la plus vaine possible. Comment serait-il donc possible que cette prophétie ait eu son accomplissement, puisque, aussi longtemps que l’empire a existé dans sa forme non divisée, il n’y a pas eu de cornes, et puisque, d’un autre côté, l’empire, comme tel, a fini quand une fois il s’est dissous en divers royaumes distincts ? Par quel moyen mettrons-nous d’accord ces deux faits ? Car il ressort bien clairement de tout ce que nous lisons ici que la bête est une chose tout à fait différente de l’une ou l’autre de ses cornes. La bête représente l’unité impériale. Or, tout le temps que l’empire subsista, Rome n’avait point les dix cornes, et lorsque les royaumes distincts se furent élevés, il n’y eut plus trace de l’unité impériale.

Comment se fait-il donc que la prophétie place ces deux choses ensemble ? À mon avis, l’Esprit de Dieu contemplait en avant l’empire romain dans sa dernière phase, durant laquelle les deux traits apparaîtront de nouveau, et, cette fois, réunis. Cette dernière phase se termine par un jugement divin, selon qu’il est écrit un peu plus bas : « Je regardais jusqu’à ce que les trônes fussent placés et que l’Ancien des jours s’assit ; son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête étaient comme de la laine nette ; son trône était des flammes de feu, et ses roues un feu ardent ». Il est évident que nous avons là une figure de la gloire divine dans l’exercice du jugement ; non pas simplement quelque voie de la providence de Dieu sur la terre, mais le jugement auquel Dieu veut procéder. « Un fleuve de feu sortait et se répandait de devant lui ; mille milliers le servaient et dix mille millions assistaient devant lui ; le jugement se tint, et les livres furent ouverts ». Quelque temps que l’on assigne à ceci, il est manifeste qu’il s’agit d’un jugement divin. « Et je regardais à cause de la voix des grandes paroles que cette corne proférait : je regardai donc jusqu’à ce que la bête fut tuée et que son corps fut détruit et donné pour être brûlé au feu ». La corne à laquelle il est fait ici allusion est la onzième, celle qui s’éleva parmi les dix. C’était cette petite corne qui commença par de petits commencements, qui, d’une manière ou de l’autre, trouva le moyen d’arracher trois des premières cornes, et qui dans la suite devint le guide et le gouverneur de la bête tout entière. « Je regardais à cause des grandes paroles que la corne proférait », non pas « jusqu’à ce que la corne fut renversée », mais « jusqu’à ce que la bête fut tuée » ; de sorte que cela implique que cette petite corne était parvenue à gouverner toute la bête.

Le verset que nous avons sous les yeux montre qu’il devait s’exercer sur cette petite corne et sur la bête un jugement qui les détruirait. Ce jugement a-t-il eu lieu ? Évidemment non. Il est manifeste, en effet, que, dans tout ce qui est arrivé à l’empire romain dans les siècles passés, on ne voit rien que de conforme au cours ordinaire des choses dans la marche et le déclin d’une grande nation. Les hordes barbares le mirent en lambeaux, et des royaumes distincts se formèrent ; mais c’est d’une tout autre chose que la prophétie nous parle : elle annonce un jugement qui dispose de la bête d’une manière entièrement différente de ce qui a eu lieu pour les autres et qui fait contraste avec ces autres cas. « Je regardai jusqu’à ce que la bête fut tuée et que son corps fut détruit et donné pour être brûlé au feu. La domination fut aussi ôtée aux autres bêtes, quoiqu’une longue vie leur eût été donnée jusqu’à une saison et un temps ». Conformément à ce que nous enseigne ce dernier verset, nous avons encore jusqu’à présent les restes des Chaldéens ou des races qui portèrent ce nom ; la Perse est restée un royaume, et dans ces dernières années les Grecs en ont aussi constitué un. Ces peuples existent donc, quoique non pas dans la condition de puissance impériale ; ce sont des races d’hommes plus ou moins qui représentent ces anciens empires, plus petites, à la vérité, et n’ayant plus la domination en qualité d’empires. Tel est le sens du verset 12. La domination leur a été ôtée comme gouverneurs du monde ; mais « leur vie a été prolongée pour une saison et un temps ».

Il en est bien autrement pour ce dernier empire quand arrive l’heure de son jugement. Les trois premiers, nous l’avons vu, perdent leur dignité impériale ; mais, quant à eux, ils vivent, ils continuent d’exister. Tandis que pour ce qui concerne le quatrième, l’heure où sa domination prend fin est aussi l’heure où il est lui-même détruit. « La bête fut tuée, et son corps fut détruit et donné pour être brûlé au feu ». Qui peut mettre en doute qu’il s’agit là de la même scène que celle à laquelle il est fait allusion dans le chapitre 19 de l’Apocalypse, où nous lisons : « Et je vis la bête, et les rois de la terre et leurs armées assemblés pour livrer combat à celui qui était monté sur le cheval et à son armée » ? Le prophète-apôtre était arrivé à la dernière bête : les trois autres se trouvaient plus en arrière dans la révélation divine ; elles avaient eu leur jour, et il ne restait plus que la dernière. Par conséquent, quand il s’exprime ainsi : « la bête », nous devons l’entendre de l’empire romain. Cette bête donc et les rois de la terre font la guerre au Seigneur. « Et la bête fut prise, et le faux prophète qui était avec elle, et qui avait fait devant elle les miracles par lesquels il avait séduit ceux qui avaient reçu la marque de la bête, et ceux qui avaient rendu hommage à son image. Ils furent tous deux (remarquez cela) jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre ». Or, ceci est très remarquable, parce que le lac de feu de l’Apocalypse répond au jugement du feu exercé sur le corps de la bête en Daniel ; seulement l’Apocalypse nous expose la chose d’une manière plus complète ; ce n’était pas un simple contrôle exercé sur les circonstances, mais un acte de la puissance divine qui les jette tout droit dans l’enfer, sans qu’un jugement préalable soit nécessaire ; car ce qu’ils étaient en train de faire est parfaitement clair. Ils étaient en opposition ouverte avec le Seigneur de gloire, et ils sont jetés dans les flammes. Cela s’est-il jamais accompli dans l’empire romain ? Encore une fois, non évidemment. Que faut-il en conclure ? L’empire romain a disparu ; car voilà mille ans et plus que c’en est fini de son existence, sauf comme titre insignifiant qui a été un sujet de dispute pour les ambitieux : plusieurs simples royaumes se sont substitués à l’unité de l’empire romain.

Mais que trouvons-nous ici ? La réapparition de l’empire romain. Et cela est en parfait accord avec d’autres parties de la Parole de Dieu. Il y a dans l’Apocalypse une expression remarquable à laquelle on a fait allusion plus d’une fois. C’est en Apocalypse 17, 8, etc. « La bête qui était, et qui n’est pas, et qui sera présente ». Je ne sais pas comment des traducteurs ont pu dire : « Et qui toutefois est ». Cette expression n’a même pas de sens, et la Parole de Dieu est particulièrement simple. Il ne faut pas chercher d’énigme ici. L’empire romain devait avoir trois phases : d’abord sa forme impériale originelle, lorsque Jean souffrit sous le dernier des Césars. Ensuite, son état de non existence, à partir du cinquième siècle, quand les Goths, les Vandales, etc., amenèrent sa dissolution : c’est sa condition actuelle. Mais il reste une troisième phase, qui sera la dernière, et sous laquelle on le verra en opposition ouverte à Dieu et à l’Agneau. Telle est la destinée future de l’empire romain. Il doit être reconstitué ; il doit surgir de nouveau comme empire, et dans cette dernière condition, il combattra contre Dieu pour sa ruine. Et remarquez comment cela laisse de la place pour le point que je désirais éclaircir. Nous n’aurions pu, dans le passé, trouver les dix cornes aussi bien que la bête ; mais nous le pouvons dans l’avenir, et c’est ce que présente la scène décrite en Apocalypse 17 : « Les dix cornes que tu as vues, sont dix rois qui n’ont pas encore reçu de royaume ». Mais, est-il ajouté : « Ils reçoivent pouvoir, comme rois, une heure avec la bête ». De telle sorte que la bête ferait sa réapparition ; il y aurait ce trait singulier, que quoiqu’il y eût la grande tête de l’unité impériale, ce ne serait pas néanmoins à l’exclusion des royaumes distincts. On trouverait encore les rois de France, d’Espagne, etc. Qu’on ne suppose point que parler ainsi, c’est vouloir faire le prophète. Le vrai moyen d’être gardé d’une présomption semblable, c’est l’étude de la prophétie. Dans ce dernier cas, vous apprenez ce que Dieu déclare ; dans l’autre, vous ne faites qu’émettre vos propres pensées. Dans le passage qui nous occupe, ce dont il s’agit, ce n’est point un empire sans les dix rois, ni les dix rois sans l’empire, mais la réunion de ces deux choses. On y trouve l’unité impériale qui répond à la bête, en même temps que ces rois distincts ; leur coexistence formera le trait caractéristique de l’empire romain dans sa dernière phase : c’est à cela que tout tend aujourd’hui.

Le prophète vit la dernière condition de l’empire avec ses dix cornes : « Je considérais ces cornes ; et voici, une autre petite corne montait entre elles, et trois des premières cornes furent arrachées par elle ; et voici, il y avait en cette corne des yeux semblables aux yeux d’un homme et une bouche qui disait de grandes choses ». On était dans l’usage d’appliquer tout ceci au pape. Sans aucun doute, le pape était extrêmement opposé à quiconque appréciait la Parole de Dieu. Mais nous devons toujours prendre garde, lorsque nous lisons l’Écriture, de ne pas trop chercher à appliquer la Parole de Dieu à ce qui se présente sur notre chemin, ou à ce que nous pouvons juger être extrêmement mauvais, comme le pape et le papisme le sont bien certainement. Il nous faut toujours rechercher soigneusement ce que Dieu veut dire par là. D’accord, qu’il y a une analogie remarquable entre la papauté et la petite corne. Il se peut qu’il était dans l’intention de Dieu qu’en différentes époques, Ses enfants qui ont souffert par le papisme trouvassent dans cette application quelque secours et quelque encouragement. Ce changement des temps et de la loi en particulier, dont parle le verset 25, aussi bien que les grandes paroles et la persécution des saints, peuvent avoir eu leur accomplissement dans ce qu’a fait le papisme. Mais il reste toujours à demander si c’est là la complète signification et la portée propre de la prophétie.

Prenez, par exemple, Matthieu 24 : Il y avait d’abord le commencement des douleurs ; ensuite l’abomination de la désolation établie dans le saint lieu, et un avertissement de fuir de Jérusalem ; une tribulation jusque-là sans pareille, etc. Je puis comprendre que tout cela est susceptible de s’appliquer, dans une certaine mesure, à la destruction de Jérusalem par Titus. Mais qui dira que cet événement est tout ce que le discours de notre Seigneur avait en vue, et en réalise la pleine signification ? Il est impossible de penser cela, pour peu qu’on examine attentivement ce chapitre. Lorsque Dieu donne une prophétie, Il permet très souvent qu’elle ait une espèce de gage de son accomplissement ; mais nous ne devons jamais regarder cela comme étant toute la chose. L’empire romain est tombé, et de sa chute a surgi et s’est élevé contre Dieu un nouveau et singulier pouvoir tout plein de prétentions divines. Mais soutenir que ce pouvoir constitue le parfait accomplissement de la prophétie, serait une erreur aussi grande que de supposer que Dieu n’y a jamais fait aucune allusion. Il devait y avoir en Orient le mahométisme, et en Occident la papauté ; mais revient toujours la question : Est-ce là tout ce qu’entend dire le Saint Esprit ? Je dis non, pour la raison déjà donnée, que si l’on considère l’histoire de la papauté, la bête avait disparu, proprement, lorsque le pape prit sa place. Et plus que cela : le pape n’a jamais acquis trois des dix royaumes. Il a pu recevoir le patrimoine de saint Pierre, mais ç’a été toujours politiquement un petit pouvoir, sans conséquence, sous le rapport du territoire. Au lieu d’acquérir trois des dix royaumes, toute son importance est provenue de la séduction spirituelle qu’il a exercée sur les âmes des hommes. Il ressort donc clairement de ce que nous venons de dire qu’une puissance, petite dans ses commencements, doit s’élever et renverser trois de ces puissances plus grandes, acquérant ainsi toute leur domination ; que le pape n’a jamais fait cela, et qu’ainsi, quoiqu’il existe entre lui et la petite corne une certaine mesure de ressemblance, il y a assez de différence pour qu’elle soit tout à fait manifeste.

L’empire existe dans la plénitude de sa force au temps où apparaissent les dix cornes et la petite corne. Plus tard, cette dernière s’agrandit et gouverne la bête tout entière. Au contraire de cela, le pape a perdu presque la moitié de l’Europe, et nul ne peut dire quel sera le résultat de tout le travail qui se fait maintenant dans les faits et dans les idées.

La puissance que nous présente ici la prophétie est une puissance très forte qui tient les dix cornes dans sa sujétion. L’Apocalypse nous apprend que tous les dix rois s’accordent pour donner leur puissance et leur force à la bête. Dieu abandonne tout parce que c’est le temps où il y aura une énergie d’erreur, et où les hommes croiront au mensonge. J’en conclus, non pas que ceci n’a aucun rapport avec la papauté, mais que son entier accomplissement se trouve dans l’avenir. Je dis que l’empire romain sera réorganisé, et qu’il servira d’instrument à Satan dans sa dernière grande entreprise contre le Seigneur Jésus Christ.

Nous lisons dans Daniel que cette petite corne renverse trois pouvoirs. Son caractère moral nous est ensuite décrit. Elle a des yeux semblables aux yeux d’un homme et une bouche qui profère de grandes choses C’est un personnage remarquable par son immense intelligence — non pas par sa force matérielle. La description qui nous en est faite contraste avec celle que l’Écriture nous donne du Seigneur. Le Seigneur est présenté comme ayant sept cornes et sept yeux — c’est-à-dire la perfection de l’intelligence et de la puissance. Il n’en est pas ainsi pour la bête. Extérieurement, la puissance a l’air beaucoup plus grande. Elle a dix cornes au lieu de sept ; un monstre au lieu de la perfection. C’est une sorte d’exagération grotesque de la puissance de Christ que s’arrogera ce malheureux.

Vient alors sa destruction à cause de ses terribles blasphèmes contre Dieu.

Et maintenant suit une vision nouvelle en contraste avec les puissances qu’avaient représentées les bêtes féroces. C’est un personnage « comme le Fils de l’homme ». Précisément comme le second chapitre nous a fait voir une pierre insignifiante frapper la grande statue, et elle a été toute réduite en pièces depuis la tête jusqu’aux pieds. Ici le Fils de l’homme « venait avec les nuées du ciel, et il vint jusqu’à l’Ancien des jours, et se tint devant lui ». L’Ancien des jours représente Dieu comme tel.

Dans l’Apocalypse, les deux gloires sont toutes deux réunies dans la personne de Christ. Apocalypse 1 nous montre quelqu’un « semblable au Fils de l’homme » ; mais lorsque nous arrivons à la description de Sa personne, quelques-uns des traits qui Lui sont attribués sont exactement les mêmes que ceux qui sont attribués ici à l’Ancien des jours, dont il est dit que son vêtement était blanc comme la neige, et que les cheveux de sa tête étaient comme de la laine nette, etc. Le prophète juif voit Christ simplement comme homme ; le prophète chrétien le voit comme homme, mais aussi comme Dieu.

« Et il lui donna la seigneurie, et l’honneur, et le règne ; et tous les peuples, les nations et les langues le serviront. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera point dissipé ». Le royaume ne Lui sera point ôté, et un autre royaume ne succédera point au sien. Ce sera un royaume éternel, dans ce sens qu’il durera autant que le monde ; car, comme nous le savons par d’autres passages, cette scène-là (le royaume) n’est pas éternelle. Les prophètes juifs montrent le millénium ; mais ils ne révèlent pas, ainsi que le fait le Nouveau Testament, que lorsque toutes choses auront été soumises à Dieu, c’est-à-dire au Père, Dieu sera tout en tous. Ceci était tenu en réserve pour un autre temps, et nous pouvons le suivre dans l’Apocalypse de la manière la plus bénie.

Précisément, à ce sujet, remarquez, en passant, un trait de quelque importance. La dernière partie du chapitre se compose d’explications ; mais nous ne devons jamais supposer que les explications fournies par l’Écriture se bornent simplement à ce qui a été déjà communiqué. Les hommes en agissent ainsi dans leurs ouvrages, mais les explications que Dieu donne apportent toujours quelque vérité nouvelle. C’est là une considération importante. Pour ne pas avoir compris cela, on a supposé que le royaume de Christ n’était simplement que le royaume de Ses saints. Il doit y avoir le royaume du Fils de l’homme et le royaume de Son peuple ; mais assurément il faut bien vous garder de croire que cela ne signifie que le règne des saints, dans un sens figuré, à l’exclusion du Fils de l’homme. L’explication introduit les saints, ce que la vision ne fait pas. Si vous réduisez l’explication à n’être que l’équivalent de la vision, vous ne faites rien moins que nier le règne personnel de Christ.

Au verset 17, la personne à laquelle s’adressa le prophète lui dit : « Ces quatre grandes bêtes sont quatre rois qui s’élèveront sur la terre ». Leur origine était purement terrestre. Il n’y a aucune contradiction entre ce qui nous est déclaré là et le fait dont nous informe le verset 2, qu’elles montaient de la mer. La raison pour laquelle elles sont dites s’élever de là, c’est que la mer est le symbole d’une masse d’hommes dans un état d’anarchie politique. Les empires s’élèvent du sein de cette condition troublée et agitée des peuples. Voyez-en un exemple dans l’empire français. Une révolution avait renversé l’ancien système de gouvernement ; vint ensuite un état de grande confusion semblable à celui de la mer bouleversée par les vents, et il en sortit un empire. Les quatre grands empires ont eu une origine analogue ; ils sont sortis d’un état de choses pareil dans le monde. C’est aussi, à très peu de chose près, à la même époque qu’il faut faire remonter leurs commencements à tous quatre. Sans doute il y eut une différence immense, quant au degré de développement, entre les peuples de l’Orient et ceux de l’Occident. Comparativement, les puissances occidentales étaient seulement au berceau ; mais on pouvait suivre le commencement de toutes ces diverses puissances jusqu’à la même date, en quelque sorte, et au même état de confusion et d’anarchie. Il semble que ce soit là ce que signifie le fait qu’elles venaient de la mer.

Mais le verset 17 nous apprend qu’elles s’élèvent sur la terre. Elles n’ont pas une origine céleste. La mer indiquait simplement qu’elles surgissaient d’un état préalable de trouble et de confusion dans la société : telle était leur origine sous le rapport des voies de la providence de Dieu. Mais ce verset-ci envisage leur origine morale comme étant purement terrestre, en contraste avec le Fils de l’homme qui vient avec les nuées du ciel. Ce qui est dit dans le verset suivant, 18, rend cela encore plus manifeste : « Et les saints du Souverain recevront le royaume, et obtiendront le royaume jusqu’au siècle et au siècle des siècles ». La note marginale anglaise dit : « Les saints des hauts lieux », expression qui a donné naissance à celle de : « les lieux célestes », que l’on trouve dans le Nouveau Testament et qui est la même, soit qu’il s’agisse de nos bénédictions, « bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ » (Éph. 1), ou qu’il soit question des « lieux célestes » (Éph. 6). Les saints des lieux célestes, c’est-à-dire probablement les saints de Dieu en connexion avec les lieux célestes, recevront le royaume. C’est là que se trouve le contraste. Quant à ces quatre grandes puissances, ce qu’on pouvait en dire de mieux, si on regardait à leur origine politique, c’est qu’elles s’élevaient d’un état de choses, dans le monde, plein de tumulte et de confusion, ou, si on avait égard à leur origine morale — qu’elles n’étaient pas du ciel. D’un autre côté, vous avez dans les saints des lieux célestes ceux qui sont destinés à recevoir le royaume qu’ils posséderont à toujours.

Cette considération ajoute une vérité importante au fait que le Fils de l’homme obtient le royaume. Lorsqu’Il le prendra, Il ne sera pas seul à le prendre : tous ceux qui, dans tous les âges, auront attendu ce royaume, viendront avec Lui. Ce sera le temps où Il manifestera Son Église, le temps où Abraham, Énoch, David, tous ceux, quels qu’ils soient, qui L’auront connu par la foi, seront là dans leurs corps changés et glorifiés, et régneront avec Lui. « Ne savez-vous pas, dit l’apôtre, que nous jugerons le monde ? ». Parole qu’il faut évidemment entendre de ce royaume du Fils de l’homme, parce que s’il n’y était simplement question que d’aller au ciel, ce ne serait point juger le monde. De sorte que quelque vrai et certain que ce soit que nous devons aller au ciel, cela n’est pas tout, et il y a encore quelque chose : « Ne savez-vous pas que nous jugerons le monde ? ». Si nous ne l’avons pas appris, d’où cela vient-il ? Nous avons laissé échapper quelque vérité, si celle-là n’est pas l’objet de notre attente. Et remarquez son importance pratique, le fait même que vous ne la connaissez pas prouve qu’il vous manque quelque chose dont Dieu fait beaucoup de cas. Voyez l’usage que Son Esprit en fait dans l’épître aux Corinthiens. Il s’en sert pour reprocher aux Corinthiens l’habitude où ils étaient de porter leurs différends devant le monde. Ne savez-vous pas, leur dit-il en raisonnant avec eux, que vous êtes appelés à cette place de dignité ? Ce n’est pas simplement que vous l’aurez bientôt ; mais Dieu veut qu’elle vous soit connue maintenant et que vous la teniez pour vraie. Précisément comme l’héritier d’un royaume est instruit et rendu propre pour le trône qu’il doit occuper, de même Dieu fait l’éducation de Ses saints maintenant, en vue du royaume du monde qui doit appartenir à Christ et qu’ils sont destinés à recevoir. C’est une vérité de Dieu révélée que le royaume du monde deviendra celui de notre Seigneur et de Son Christ : mais quand Il régnera, les saints régneront aussi.

Les saints des lieux célestes — qui sont-ils ? Ceux dont le cœur est en haut avec Christ — ceux qui seront convertis avant que Christ vienne et qu’Il ait un peuple rassemblé sur la terre — ceux qui dans les âges passés sont morts en Christ, ou qui maintenant attendent Christ — ceux aussi qui auront à passer par la grande tribulation. Tous ceux-là sont des saints du Souverain (Très-haut). Ils sont en contraste avec d’autres ; car lorsque Christ viendra pour régner, il y aura des saints qui seront bénis sur la terre. Ce sera là aussi une grande moisson ; et le Seigneur introduira ces saints dans toutes les bénédictions de Son royaume qu’Il a promises. Mais quant à nous, nous sommes choisis en Christ avant la fondation du monde, et nous régnerons au-dessus de la terre. Ce royaume-là est distingué du royaume et de la domination qui sont sous tous les cieux. Il y a une certaine classe de saints qui se trouvent dans les cieux, mais il est parlé d’une autre qui est ici-bas. Ce dernier royaume sera donné au peuple des saints du Souverain, lequel peuple comprend quelques-uns de ceux sur lesquels les saints régneront. « Ne savez-vous pas, dit saint Paul en insistant là dessus, que les saints jugeront le monde ? ». Et en conformité avec cette pensée, nous avons dans la prophétie « le peuple des saints du Souverain » comme une classe particulière.

Ce chapitre renferme plusieurs détails dans lesquels je ne suis pas entré. Je dois pourtant dire quelques mots de la description qu’il nous fait de la conduite perverse de la petite corne, quoique ce soit un peu hors de mon sujet. Nous lisons au verset 20 qu’« elle avait des yeux, et une bouche qui proférait des grandes choses, et que son apparence était plus grande que celle de ses compagnes. J’avais regardé comment cette corne faisait la guerre contre les saints et les surmontait, jusqu’à ce que l’ancien des jours fût venu, et que le jugement fût donné aux saints du Souverain, et que le temps vînt auquel les saints obtinssent le royaume ». Puis, dans un récit ultérieur, il est ajouté (v. 25) que cette petite corne « proférera des paroles contre le Souverain, et détruira les saints du Souverain (allusion à ses persécutions), et pensera de pouvoir changer les temps et la loi, et ils seraient livrés en sa main jusqu’à un temps, et des temps, et une moitié de temps ». Il est nécessaire de comprendre ce que fera la petite corne. Le sens de ce que nous venons de lire est que le personnage en question détruira le culte juif dont l’exercice sera alors en pleine activité sur la terre. L’expression « les temps » signifie les solennités ou les jours de fête de ce culte. La petite corne s’en occupera, comme fit Jéroboam : « Et ils seront livrés en sa main, etc. ». On a souvent supposé que le mot ils désignait les saints ; mais c’est une erreur complète. Ce sont « les temps et les lois » qui sont livrés en sa main pour un certain temps limité. Dieu la laissera aller son train. Elle pensera à le faire. Et le fait qu’ils sont livrés en sa main, montre qu’elle réussit pour un temps à réaliser ses désirs. Mais Dieu ne veut jamais livrer Ses saints dans les mains de Ses ennemis, même pour un temps aussi court. Il les garde toujours dans Ses mains à Lui. Job ne fut jamais davantage dans les mains de Dieu que lorsque Satan désira de l’avoir, afin de le cribler comme le blé. Les brebis sont entre les mains du Père et du Fils, et jamais personne ne pourra les en arracher. Il n’y a pas dans la Parole de trace de la pensée que Dieu puisse les laisser ou les oublier. Il s’agit tout simplement ici des arrangements extérieurs relatifs au culte, dont les Juifs seront les représentants sur la terre, et que Dieu laissera tomber pour un temps sous la puissance de ce personnage. Car il est manifeste qu’en ce temps-là, il y aura des saints juifs qui confesseront Dieu, et Jésus aussi, en quelque mesure, comme il est dit (Apoc. 14) : « Ici est la patience des saints ; ici sont ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus ». Ces saints seront dans une position toute particulière : ils garderont la loi, et reconnaîtront Jésus dans une certaine mesure ; ce sera avec eux une espèce de combinaison de la loi avec Jésus. C’est pendant cet état de choses qu’ils viendront sous la puissance de cette petite corne « pour un temps, des temps, et la moitié d’un temps » — c’est-à-dire, pour une période de trois ans et demie qui sera close par la venue de Christ en jugement.